Mardi 28 octobre 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Mission au Kosovo - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de MM. Didier Boulaud et André Trillard sur la mission qu'ils ont effectuée du 12 au 15 octobre 2008 au Kosovo.

M. Didier Boulaud a présenté le compte rendu de la mission effectuée avec son collègue André Trillard au Kosovo, du 12 au 15 octobre dernier. Cette mission avait un double objectif : tout d'abord visiter les forces, dans la continuité des délégations de la commission en Côte d'Ivoire, au Liban et en Afghanistan ; ensuite et surtout appréhender l'évolution de la présence internationale dans ce pays, après la déclaration d'indépendance du 17 février dernier, et comprendre le positionnement de l'Union européenne avant le déploiement de sa mission civile.

Le Kosovo est peuplé de 2,1 millions d'habitants, en grande majorité albanais. La population compte environ 100.000 Serbes qui vivent pour un tiers dans le nord, autour de Mitrovica et pour les deux tiers dans les enclaves isolées en territoire de peuplement albanais.

Des événements dramatiques ont secoué ce petit territoire soumis aux vicissitudes de l'histoire européenne ; il en résulte aujourd'hui une défiance profonde et un ressentiment considérable entre les communautés, qui vivent de façon totalement cloisonnée.

M. Didier Boulaud a rappelé que le Kosovo était placé sous administration de l'ONU, représentée par la mission des Nations unies au Kosovo (MINUK), en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité du 10 juin 1999. Depuis la déclaration d'indépendance, se pose la question de l'évolution du rôle respectif des différentes organisations internationales présentes en nombre depuis 1999 sur ce territoire de 15.387 km², qu'il s'agisse de l'OTAN, de l'ONU, de l'Union européenne ou encore de l'organisation pour la sécurité et la coopération européenne (OSCE).

Le déplacement de la mission intervenait au lendemain de plusieurs événements notables : tout d'abord l'adoption, le 8 octobre, par l'assemblée générale des Nations unies, d'une motion, déposée par la Serbie, de saisine de la cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de la déclaration d'indépendance du Kosovo, ensuite, le 10 octobre, l'attribution du prix Nobel de la paix au finlandais Martti Ahtisaari, ancien envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, chargé des pourparlers sur le statut final du Kosovo et dont le plan a défini les conditions de l'indépendance. Le même jour, la Macédoine et le Monténégro reconnaissaient l'indépendance du Kosovo, quelques jours après le Portugal.

Lors de ce déplacement, grâce à une grande diversité d'interlocuteurs, la délégation a pu prendre la mesure des défis du Kosovo d'aujourd'hui : sur fond d'indécision et de division de la communauté internationale, la situation est encore loin d'être stabilisée et l'impatience des Albanais contraste avec l'inquiétude des Serbes du Kosovo. Pour autant, M. Didier Boulaud a indiqué qu'elle n'était pas rentrée pessimiste de cette mission, considérant que chacune des parties a désormais intérêt à sortir de l'impasse et que la communauté internationale, et singulièrement l'Union européenne, joue sa crédibilité.

M. Didier Boulaud a tout d'abord indiqué que le processus de reconnaissance était inachevé.

Le principal problème posé à la communauté internationale est aujourd'hui juridique. La déclaration d'indépendance du Kosovo a fait suite à l'échec des négociations sur le statut, dont le conseil de sécurité n'a pu que prendre acte en décembre 2007. Malgré quatre tentatives, aucune résolution du conseil de sécurité n'est venue se substituer à la résolution 1244 qui est, par conséquent, toujours en vigueur et reste, selon une expression très souvent entendue sur place, « neutre à l'égard du statut ».

Or l'indépendance d'un Etat ne tient qu'à une condition : sa reconnaissance par un grand nombre d'autres Etats et par conséquent la possibilité pour lui d'adhérer aux organisations internationales. Sur ce plan, la situation du Kosovo est encore fragile : il est à ce jour reconnu par 51 Etats, ce qui est encore peu. C'est le cas de 22 Etats membres de l'Union européenne et des membres du G7, mais passé les premiers jours, le rythme des reconnaissances a marqué le pas.

M. Didier Boulaud a ensuite expliqué que l'indépendance du Kosovo s'accompagnait d'une supervision internationale.

Les autorités kosovares ont proclamé l'indépendance en s'engageant à mettre en oeuvre les dispositions du plan Ahtisaari dans leur Constitution. La Constitution du Kosovo, adoptée en avril 2008 et entrée en vigueur le 15 juin 2008, renvoie donc aux dispositions de ce plan.

Celui-ci prévoit des garanties pour la minorité serbe et une décentralisation poussée. Il comprend également des dispositions relatives au système judiciaire, au patrimoine religieux et culturel, à la dette extérieure, aux biens et archives, au secteur de sécurité, à la mission PESD, à la présence militaire internationale et au programme législatif.

Le plan prévoit également la supervision du pays par un représentant civil international, auquel il est fait référence dans les articles 146 et 147 de la Constitution kosovare et qui est l'autorité finale au Kosovo en matière d'interprétation de la loi civile. Il lui appartient, en particulier, d'interpréter tous les aspects civils du règlement, de prendre les mesures qui s'imposent, le cas échéant, pour remédier aux décisions des autorités kosovares qu'il jugerait contraires au règlement, « ces mesures peuvent aller, sans s'y limiter, jusqu'à l'abrogation de lois ou de décisions adoptées par les autorités kosovares ». Il dispose également de pouvoirs de nomination, de sanction et de révocation.

M. Didier Boulaud a conclu qu'il s'agissait d'une forme très poussée de limitation de sa propre souveraineté que le Kosovo avait inscrit dans sa Constitution. Ces dispositions rappellent les pouvoirs du Haut représentant en Bosnie-Herzégovine, et ne vont pas sans poser question, d'autant que la représentation de la communauté internationale au Kosovo est complexe.

En effet, il a souligné que la communauté internationale devait concilier supervision et neutralité à l'égard du statut.

Le Kosovo se trouve dans une situation paradoxale : l'ONU, comme l'Union européenne, doivent superviser une indépendance à l'égard de laquelle elles n'ont pas arrêté de position claire et unique.

Les différentes organisations ont recherché des accommodements qu'il revient à leurs représentants sur place de mettre en oeuvre au prix d'une certaine schizophrénie ; c'est ce que l'un des interlocuteurs de la délégation a appelé « l'ambigüité constructive ».

M. Didier Boulaud a rappelé que l'Union européenne n'avait pas de position commune sur l'indépendance, puisque 5 Etats membres n'ont pour le moment pas reconnu le Kosovo, à savoir la Grèce, Chypre, la Roumanie, la Slovaquie et l'Espagne. Toutefois, les Etats membres de l'Union européenne se sont entendus le 18 février 2008 sur une déclaration commune permettant la reconnaissance du Kosovo par les Etats qui le souhaitaient, l'utilisation des instruments financiers de l'Union et le déploiement de la mission « Etat de droit » EULEX, décidée par le Conseil européen de décembre 2007.

Avec 1.830 personnels internationaux, la mission EULEX sera la mission civile la plus importante de l'Union. Elle aura trois composantes : police, justice et douanes. Elle est dirigée par Yves de Kermabon, ancien commandant de la KFOR. Dans ces trois domaines, EULEX doit prendre le relais de la MINUK, mais avec un niveau d'intervention différent : même si elle est dotée de pouvoirs exécutifs, là où la MINUK administrait directement le Kosovo, EULEX devra assurer la supervision et le soutien de l'administration kosovare.

M. Didier Boulaud a expliqué que la représentation de l'Union européenne était complexe, car si elle disposait d'un représentant spécial (RSUE) qui fournissait au chef de la mission EULEX des orientations politiques, ce représentant spécial était également, en vertu du plan Ahtisaari, le représentant civil international, chargé de superviser une indépendance "irréversible" et investi à ce titre de pouvoirs spécifiques par le texte de la Constitution kosovare. Sous sa casquette de représentant civil, il représente 20 pays membres de l'Union européenne, deux pays candidats (Croatie, Turquie), la Norvège, la Suisse et surtout les Etats-Unis, qui occupent une place très importante dans les instances du bureau civil international (chaque directeur est assisté d'un adjoint américain).

L'Union européenne devait prendre le relais sur place de la mission des Nations unies dont la position n'est pas non plus très claire.

Adoptant une démarche pragmatique, en l'absence de résolution du conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies avait décidé, le 12 juin 2008, de procéder à la reconfiguration de la MINUK et au transfert à la mission européenne EULEX de l'essentiel des pouvoirs en matière de police, justice et douanes à l'issue d'une période de transition de 120 jours. La MINUK devait revenir de près de 2.500 personnes en janvier 2008 à 700 d'ici la fin du mois de novembre. La mission EULEX est donc placée sous le « parapluie » de l'ONU en application de cette décision du secrétaire général, sans que cette notion soit juridiquement très claire ni concrètement très aisée à traduire sur le terrain.

M. Didier Boulaud a indiqué que la délégation avait pu constater sur place que la transition entre la MINUK et EULEX était difficile et que le déploiement d'EULEX, qui devait s'engager à partir de l'été, avait pris du retard.

Les problèmes étaient d'ordre juridique, mais aussi politique : la MINUK craint que le dialogue qu'elle entretient avec les Serbes ne soit dégradé ou rompu en laissant EULEX se déployer dans l'ensemble du pays. La Serbie, qui s'oppose à la présence internationale dans les communes à majorité serbe du Kosovo, a ainsi demandé à ce qu'un dialogue soit noué avec la MINUK sur six domaines techniques, ce qui consisterait en fait en une réouverture des négociations.

M. Didier Boulaud a ajouté qu'il était également difficile de mettre fin à un protectorat, fût-il celui d'une organisation internationale, car la place et le rôle de cette organisation devraient être fortement réduits, de même que, de façon beaucoup plus triviale, celle des hommes et femmes qui le servent. Les positions du chef de la MINUK ne semblaient pas toujours suivies d'effet. Le chef du bureau régional de la MINUK, dans le nord, a ainsi pris clairement position contre l'indépendance.

A la date de la mission, les relations entre la MINUK et EULEX n'étaient pas encore clarifiées et semblaient évolutives. En particulier, dans le domaine sensible de la justice, la MINUK faisait état de "difficultés" à transmettre ses dossiers à EULEX.

M. Didier Boulaud a expliqué que ces différents accommodements juridiques présentaient un risque évident : chacune des parties pouvait jouer de cette ambiguïté et de la compétition entre organisations internationales. La pire des solutions serait celle d'un partage géographique des rôles, MINUK au nord et EULEX dans le reste du pays, qui apparaîtrait comme le prélude à une partition du pays. Le déploiement d'EULEX au nord de l'Ibar, qui délimite une zone de peuplement serbe à Mitrovica, concentrait toutes les attentions. Il s'y jouait d'une certaine manière, la cohérence de la communauté internationale.

S'ajoute à ce panorama des organisations internationales, l'OSCE présente avec plus de 700 personnes et qui joue un rôle dans le domaine des Droits de l'Homme et des élections. Cette organisation entretient également le dialogue avec les Serbes. Elle est « neutre par rapport au statut ».

Dans ce contexte, M. Didier Boulaud a considéré que la KFOR reste un point d'ancrage, présence militaire dont le mandat est d'assurer un environnement sûr.

Au plus fort de la crise, la KFOR, déployée sur le fondement de la résolution 1244 du conseil de sécurité, avait compté jusqu'à 50.000 hommes. Depuis 2001, elle a connu une forte décrue de ses effectifs et comprend actuellement environ 15.000 hommes répartis en cinq zones de responsabilité. Les forces françaises ont la responsabilité de la zone nord, celle de Mitrovica. Depuis deux ans, les effectifs ont atteint un effet de seuil : une diminution nécessiterait une reconfiguration de la mission. Les principaux contingents sont allemands (2.400 hommes), italiens, français (2.000 personnes) et américains (1.500 hommes).

La KFOR a également pour mission de contribuer à mettre sur pied les forces de sécurité kosovares et de transformer ainsi la milice albanaise KPC, héritière de l'UCK. L'obstacle principal, outre l'intégration des Serbes, est le manque de soutien financier à cette opération qui semble être le parent pauvre des financements internationaux.

M. Didier Boulaud a expliqué que d'un paysage international concurrentiel et discordant, la KFOR constituait manifestement un point d'ancrage. Son action est efficace mais peut-être trop : la KFOR est censée intervenir en troisième niveau derrière la police kosovare et la police de la MINUK. De fait, elle se trouve trop souvent placée en première ligne en raison de l'inefficacité supposée ou avérée des autres forces. Du sommet de l'immeuble de Mitrovica où elle est installée, la KFOR est en meilleure position pour observer que les unités de police qui patrouillaient en ville. Les autorités de la KFOR considèrent qu'il serait possible de réduire les effectifs de 30 à 40 % avec des unités plus mobiles et moins de caveat.

M. Didier Boulaud a ensuite indiqué que la situation politique et sécuritaire semblait évoluer favorablement.

Sur le plan sécuritaire, la situation est calme. La déclaration d'indépendance, puis l'entrée en vigueur de la Constitution ne se sont pas accompagnées des flambées de violence annoncées. Deux postes frontières du nord ont été brûlés et, le 17 mars dernier, suite à une occupation par les Serbes, la MINUK a repris possession du tribunal de Mitrovica avec l'appui de la KFOR de façon particulièrement déterminée. Depuis, aucun incident notable n'est à déplorer. Les problèmes semblent davantage liés à la criminalité et à l'alcool qu'à la politique.

De fait, il semble désormais que chacune des parties a intérêt à aller de l'avant. En dépit d'une impatience perceptible, les Albanais ont fait preuve de beaucoup de retenue dans la gestion de leur indépendance. Tous les interlocuteurs rencontrés sur place ont insisté sur la nécessité de faire pression sur la Serbie, mais aussi sur le caractère multiethnique du Kosovo, avec des discours parfaitement « eurocompatibles ».

M. Didier Boulaud a rappelé que les autorités du Kosovo étaient issues des élections du 17 novembre 2007, qui avaient vu la victoire du parti PDK d'Hashim Thaçi, l'actuel premier ministre. Le PDK, un des deux partis issus de l'ancienne UCK, gouverne en coalition avec le LDK, parti de l'ancien président Rugova et dont le président de la République, M. Sedjiu est issu. Trois sièges sont réservés aux minorités au sein du Gouvernement, sans que leurs occupants ne soient réellement représentatifs : les partis serbes du Kosovo ne participent plus depuis 2004 aux institutions provisoires du Kosovo et ont largement boycotté les élections de novembre 2007. Ils ont même procédé, en mai 2008, à des élections parallèles illégales dans certaines municipalités du nord.

L'immense défi qui s'offre aux autorités kosovares est de lutter contre l'esprit de revanche, de bâtir un Etat crédible et d'offrir des perspectives à la population. D'un point de vue économique, le Kosovo n'est clairement pas viable en dehors d'une perspective régionale. Là encore, la tâche est immense pour la coopération européenne. La commission européenne, qui dispose d'un bureau de liaison à Pristina, met en oeuvre des programmes financiers conséquents, puisque 326,4 millions d'euros sont programmés pour la période 2007-2010 pour le renforcement de l'Etat de droit, mais aussi les infrastructures, l'énergie, l'éducation, ou la sécurité alimentaire au Kosovo. Le pays est dans les tous premiers au monde en termes d'aide par habitant.

M. Didier Boulaud a ajouté que les Serbes du Kosovo ont un réel sentiment d'inquiétude et d'abandon. Comme le disait l'un des interlocuteurs sur place, ils sont brutalement passés du statut de citoyen à celui de minorité et ont besoin d'accomplir une forme de deuil. Y compris dans la zone nord, les Serbes sont minoritaires (20 % de la population). Un signal de Belgrade serait nécessaire pour qu'ils cessent d'espérer la réversibilité de l'indépendance ou, à défaut, la partition du territoire. A cet égard, M. Didier Boulaud a estimé que beaucoup se jouerait en Serbie où la question du Kosovo restait un enjeu de politique intérieure et où même le président Boris Tadic, pro-européen, n'avait pas encore osé faire les pas nécessaires vers une certaine forme de normalisation. L'acceptation du déploiement d'EULEX au Kosovo devrait être, en tout état de cause, un préalable à tout rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne.

Les Serbes des enclaves sont sur une ligne un peu différente de ceux du nord : en cas de violences au nord, ils se sentent potentiellement exposés à des représailles qui ne pourraient conduire qu'à de nouveaux départs qui videraient un peu plus les enclaves. Le Gouvernement de Pristina doit aussi donner des signaux positifs, ce qui est difficile dans un contexte d'impatience : les Serbes étaient 40.000 à Pristina avant le début de la guerre, ils sont aujourd'hui moins de 200. Les faire revenir demandera des efforts et une volonté politique réelle des autorités kosovares. M. Didier Boulaud a rappelé que les Kosovars serbes sont strictement séparés de la population albanaise à l'école et dans la vie professionnelle, même dans les zones mixtes.

Enfin, les Serbes n'ont pas non plus intérêt au développement d'une zone de non-droit dans le nord et à la prolifération des trafics, au demeurant parfaitement interethniques. Comme la MINUK aujourd'hui, EULEX a pour vocation de les protéger demain en contribuant à l'établissement d'un Etat de droit respectueux des minorités. M. Didier Boulaud a estimé qu'une solution intermédiaire pourrait consister, dans un premier temps, dans un déploiement conjoint des deux missions au nord de Mitrovica.

En conclusion, il a indiqué que l'année à venir serait décisive au Kosovo. Elle permettrait au processus de reconnaissance, encore fragile, de se poursuivre. A très court terme, l'enjeu principal est le déploiement de la mission EULEX dans le nord du pays. Le mot d'ordre du général Gay, le nouveau commandant italien de la KFOR, « unité des efforts », est le vrai programme d'une communauté internationale divisée.

A plus long terme, c'est aussi la capacité des Européens à forger un Etat autonome qui assume ses responsabilités face à sa population, qu'elle soit serbe ou albanaise, et non un protectorat d'un nouveau type, géré par l'Union européenne qui serait alors sans cesse placée dans une position d'arbitrage entre communautés.

A l'exemple de ce qui s'est passé en Bosnie, M. Didier Boulaud a estimé qu'il devait être fait recours aux pouvoirs spéciaux du représentant civil international avec la plus grande parcimonie.

Il a cité M. Robert Cooper, directeur général des relations extérieures au secrétariat général du conseil de l'Union européenne, qui déclarait dans la presse du week-end : « Nous allions autrefois au loin pour bâtir des empires, nous y allons aujourd'hui pour construire des Etats ». C'était tout l'enjeu de l'action de l'Union européenne dans les Balkans : soutenir des Etats en construction qui ont un jour vocation à la rejoindre.

S'associant à ce compte rendu, M. André Trillard a souligné la difficulté pour EULEX d'établir des relations de confiance avec la MINUK et il regretté que des responsables régionaux de la MINUK s'engagent dans des choix personnels. Il a souligné l'importance de transmettre aux procureurs désignés par EULEX les dossiers du ressort du tribunal de Mitrovica. Il a indiqué que les autorités kosovares faisaient preuve d'une grande dignité et il a souhaité que le clergé orthodoxe serbe montre aussi une certaine ouverture.

M. Robert del Picchia a demandé si l'intervention russe dans les provinces géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie avait renforcé le point de vue des Kosovars albanais en fragilisant le thème de l'intégrité territoriale de la Serbie.

M. André Trillard a répondu que la question géorgienne n'avait pas été évoquée, mais que la situation au Kosovo restait difficile, à Mitrovica comme dans les enclaves serbes, les deux communautés étant de toute manière condamnées à vivre côte à côte.

M. Josselin de Rohan, président, a félicité les rapporteurs pour leur compte rendu de mission et il s'est interrogé sur l'architecture institutionnelle très artificielle du Kosovo. Il a demandé qui est le représentant de la MINUK et si les sénateurs avaient rencontré les militaires français.

M. Didier Boulaud a répondu que le représentant de la MINUK est M. Lamberto Zannier, de nationalité italienne, qui avait fait part de difficultés à transmettre certains documents et pouvoirs à EULEX. Il a ajouté que la délégation de la commission avait été très bien reçue par le général Michel Yakovleff commandant de la « task-force » Nord du Kosovo, qui avait parfaitement démontré l'importance de ne pas afficher trop fortement l'emploi de la force sur le terrain. Le sénateur a ajouté qu'il y avait certainement lieu de réduire sensiblement les forces de la KFOR au Kosovo dans le cadre d'une réflexion sur les opérations militaires extérieures.

M. André Trillard a indiqué que l'accueil par les militaires avait été parfait, mais que la KFOR pouvait pâtir des atermoiements des organisations internationales sur place si les conflits entre la MINUK et EULEX n'étaient pas rapidement résolus.

M. Robert del Picchia a demandé si une réduction des forces militaires de l'OTAN au Kosovo était possible compte tenu des risques de violence toujours présents.

M. Didier Boulaud a répondu que les dramatiques évènements de mars 2004 au cours desquels des Kosovars serbes avaient été tués et des maisons pillées avaient pu se produire en raison d'une défaillance des services de renseignement et de la KFOR. Il lui semblait que la KFOR avait désormais les moyens de prévenir des violences qui n'avaient rien de spontané. Par ailleurs, il a indiqué avoir perçu un certain sentiment de quiétude dans le pays, même si la zone nord de Mitrovica restait problématique.

M. Josselin de Rohan a demandé aux sénateurs s'ils avaient rencontré des Kosovars d'origine serbe.

M. Didier Boulaud a répondu qu'ils avaient rencontré Mme Rada Trajkovic, vice-présidente du conseil national serbe qui vit à Gracanica, une enclave serbe à une dizaine de kilomètres au sud de Pristina. Elle plaide contre la séparation du nord du Kosovo et pour un dialogue avec les Kosovars albanais. Malheureusement, elle est assez isolée et sa vie même est menacée par les extrémistes.

M. Josselin de Rohan a rappelé que les lieux saints de l'orthodoxie serbe étaient situés dans la partie à majorité albanaise du Kosovo et que la partition ne réglerait en rien cette question.

M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué qu'il existait des mécanismes de protection internationale pour les lieux saints. Il a ajouté qu'il avait des doutes quant à la possibilité pour les Kosovars serbes et albanais de vivre ensemble et qu'il lui semblait donc plus cohérent de tracer une frontière qui assure une paix durable que de forcer les communautés à cohabiter.

M. Didier Boulaud a répondu que la difficulté venait de ce que les Serbes n'étaient même pas majoritaires au nord du pays, représentant seulement 20 % de la population au nord de l'Ibar. Même dans le quartier nord de Mitrovica, les communautés sont imbriquées. Il a conclu que la partition ne règlerait pas non plus la question des enclaves, où vivent les deux tiers de la population kosovare serbe.

PJLF pour 2009 - Mission Sécurité - Programme gendarmerie nationale - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité » du projet de loi de finances pour 2009.

Accueillant le ministre, M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur les conséquences d'un éventuel décalage entre le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, qui ne pourra pas intervenir le 1er janvier 2009 compte tenu du report de l'examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, et son rattachement budgétaire quant à lui prévu à compter du 1er janvier 2009 par le projet de loi de finances pour 2009.

Il a également souhaité des précisions sur la date de présentation au Parlement de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué que le budget de la gendarmerie pour 2009 était marqué par le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, une planification budgétaire pluriannuelle sur trois ans et un contexte financier de maîtrise des déficits publics. En réponse à M. Josselin de Rohan, président, elle a précisé que le report de l'examen du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale au début de l'année prochaine n'aurait pas d'incidence sur l'exécution du budget, le gouvernement ayant l'intention de présenter, si nécessaire, un amendement au projet de loi de finances pour 2009.

Elle a également regretté le report de l'examen de la LOPPSI 2 au printemps 2009, tout en indiquant que le projet de loi de finances pour 2009 intégrera sa première annuité pour un montant de 295 millions d'euros en autorisations d'engagement.

La priorité du projet de loi de finances pour 2009 vise à faire de la gendarmerie une institution encore plus moderne, centrée sur son coeur de métier.

En 2009, l'accent sera mis sur un recours accru aux nouvelles technologies, avec un montant de 47 millions d'euros en autorisations d'engagement, qui permettront notamment de financer le développement de la police technique et scientifique, la vidéoprotection, la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, l'équipement des véhicules en terminaux informatiques embarqués, le déploiement de nouveaux systèmes de retransmission d'images par hélicoptères ou encore la modernisation des centres opérationnels départementaux.

La protection des gendarmes sera également améliorée, une enveloppe de 5 millions d'euros étant consacrée notamment à l'acquisition de casques de protection, de visières pare-balles et de gilets pare-balles.

Dans le cadre de la réorganisation du dispositif des forces armées outre-mer initiée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui prévoit un transfert à la gendarmerie nationale de certaines missions assurées actuellement par les armées à partir de 2012, la gendarmerie outre-mer sera renforcée grâce à un hélicoptère de liaison supplémentaire et à une commande de quatre hélicoptères de manoeuvre. Ces équipements seront autant que possible mutualisés avec la sécurité civile.

L'amélioration des conditions de vie, de travail et de rémunération des personnels de la gendarmerie figure au nombre des priorités, a déclaré Mme Michèle Alliot-Marie, qui a indiqué que les engagements qu'elle avait pris en tant que ministre de la défense seraient respectés.

Le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) rénové devrait permettre de créer en trois ans 1.000 postes de majors et 900 postes d'adjudants supplémentaires et la nouvelle grille indiciaire, qui profitera aux militaires de la gendarmerie, sera progressivement mise en place.

L'immobilier bénéficiera d'une enveloppe de 141 millions d'euros pour permettre la construction de 452 logements et des locaux techniques associés. La gendarmerie nationale pourra continuer également à utiliser les montages financiers innovants mis en oeuvre depuis 2002 afin d'accélérer la réalisation des équipements immobiliers. Grâce aux mesures prises en matière de financement des loyers, elle pourra faire face, dans de meilleures conditions, au paiement de tous ses bailleurs.

Avec la modernisation, le recentrage de la gendarmerie sur son coeur de métier constitue l'autre priorité du projet de budget pour 2009, a indiqué Mme Michèle Alliot-Marie.

Afin de recentrer les missions des gendarmes sur leur vocation première et de permettre leur redéploiement sur le terrain, une réduction des tâches dites abusives ou indues sera engagée.

Ainsi, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'elle avait saisi le Garde des Sceaux afin de réduire fortement les gardes statiques effectuées par la gendarmerie au profit du ministère de la justice, en particulier au Palais de justice de Paris, et qu'elle voulait également réduire les transfèrements et les extractions judiciaires. De même, la garde des cinq centres de rétention administrative actuellement confiée à la gendarmerie nationale sera progressivement transférée à la police aux frontières.

Pour tenir compte des évolutions démographiques et des bassins de délinquance, les ajustements des zones de compétence de la police et de la gendarmerie seront poursuivis sous l'égide des préfets et en concertation étroite avec tous les élus concernés. La présence de la gendarmerie en zone de police nationale, où elle n'exerce aucune mission de sécurité publique, sera réduite au strict nécessaire.

Dans l'optique de décharger les gendarmes des missions administratives qui ne correspondent pas au métier pour lequel ils ont été formés, les personnels civils de la gendarmerie seront renforcés de manière significative, leur nombre devant passer de 2.000 à 5.000 d'ici à 2013.

En ce qui concerne les effectifs, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que la révision générale des politiques publiques prévoyait le non-remplacement d'un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux, mais elle a indiqué que, compte tenu des spécificités des missions de son ministère, elle avait obtenu qu'en 2009 cette règle ne s'applique qu'à 36 % des départs à la retraite pour les forces de sécurité.

Elle a indiqué qu'elle avait demandé au directeur général de la gendarmerie nationale de lui faire des propositions afin de recentrer les personnels de la gendarmerie mobile sur leurs missions prioritaires et de réorganiser le dispositif des forces de gendarmerie sur le réseau routier et autoroutier, afin notamment de renforcer leur action sur le réseau secondaire où se produit le nombre le plus élevé d'accidents.

Mme Michèle Alliot-Marie a également indiqué qu'elle avait proposé au Premier ministre la fermeture, à l'été prochain, de quatre des huit écoles de la gendarmerie (Montargis, Le Mans, Libourne et Châtellerault).

A la suite de cette présentation, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a fait part de ses inquiétudes au sujet de la réduction des effectifs en mentionnant la note publiée dans la presse d'un ancien conseiller du premier ministre chargé de la sécurité évoquant la suppression de 3.500 postes de gendarmes dans les trois prochaines années et la suppression de 175 brigades territoriales et de 15 escadrons de gendarmerie mobile.

Il a également fait part de ses préoccupations au sujet de la diminution des financements consacrés aux investissements et du report des programmes de renouvellement des hélicoptères et des véhicules blindés de la gendarmerie, malgré un état de vétusté préoccupant.

Enfin, il a rappelé le poids des tâches indues ou abusives pesant sur la gendarmerie et il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur les transfèrements et les extractions judiciaires, en estimant qu'un transfert de la charge financière de ces tâches sur le budget du ministère de la justice serait de nature à responsabiliser les magistrats et à encourager un recours accru aux nouvelles technologies, comme la visioconférence.

En réponse, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la note qui avait été publiée dans la presse n'engageait que son auteur, appelé depuis à d'autres fonctions, et que son contenu était obsolète, comme l'illustrait la question des écoles de gendarmerie.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que les suppressions de postes seraient liées à la suppression de certaines tâches, mais qu'elles ne se feraient pas au détriment de la présence de la gendarmerie sur le territoire, notamment en zone rurale et périurbaine. Elle a mentionné le cas des gardes statiques, qui consomment 2.000 emplois de gendarmes pour assurer la sécurité des Palais nationaux, des principaux ministères et des emprises diplomatiques, en évaluant à 500 postes les économies pouvant être réalisées par un recours accru aux nouvelles technologies, comme la vidéosurveillance.

Elle a aussi mentionné la surveillance des centres de rétention administrative et les transfèrements et extractions judiciaires, dont la charge équivaut à 1.500 emplois de gendarmes.

Indiquant que l'attribution des transfèrements et des extractions judiciaires au ministère de la justice aurait pour conséquence un doublement du nombre des emplois nécessaires, le ministre a souhaité que le coût de cette charge soit imputé au budget du ministère de la justice afin de responsabiliser davantage les magistrats et d'encourager le recours aux moyens alternatifs comme la visioconférence.

Concernant le renouvellement de la flotte d'hélicoptères et des véhicules blindés, le ministre a indiqué qu'elle avait dû différer ces programmes en raison des contraintes budgétaires, afin de pouvoir financer d'autres priorités comme la police technique et scientifique.

M. Jean-Louis Carrère s'est fait l'écho des inquiétudes exprimées par de nombreux élus locaux au sujet de la suppression éventuelle de brigades territoriales dans les zones rurales et périurbaines et de l'insuffisante présence des gendarmes sur le terrain. Il s'est également dit préoccupé par les suppressions de postes envisagées dans la gendarmerie en s'interrogeant sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques dans le contexte de son rattachement au ministère de l'Intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement a également fait part des craintes de nombreux élus locaux, notamment en zone rurale, à l'égard de la suppression envisagée de postes de gendarmes et de la fermeture éventuelle de brigades territoriales. Il a rappelé que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002 avait estimé à 7.000 le nombre de postes supplémentaires nécessaires à la gendarmerie pour remplir ses missions, 6.050 postes de gendarmes ayant été créés entre 2002 et 2007. Il s'est demandé s'il n'était pas paradoxal d'envisager de supprimer 3.500 postes de gendarmes sur les trois prochaines années, soit plus de la moitié des postes nouvellement créés, du fait d'une application mécanique de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite prévue par la révision générale des politiques publiques, au titre de la maîtrise des déficits publics, estimant que l'application de cette règle à la police et à la gendarmerie allait à l'encontre de la nécessité d'améliorer la sécurité des Français. Jugeant contestable de prendre en compte le critère de la dette publique, et non pas celui de la dette extérieure, il a estimé qu'une réflexion sur la pertinence de ce critère était nécessaire. Enfin, il a fait part, au regard des leçons du passé, de son scepticisme sur les propos du ministre concernant la réduction des tâches abusives ou indues.

M. Bernard Piras a souhaité avoir des précisions sur les futurs redéploiements des zones de compétence de police et de gendarmerie, en faisant part de ses inquiétudes au sujet d'une éventuelle réduction des effectifs de gendarmes dans les zones rurales et d'une diminution du maillage territorial du fait de la suppression éventuelle de brigades territoriales. Il s'est également demandé à quel ministère la gendarmerie pourrait transférer les tâches dites abusives ou indues qu'elle assure aujourd'hui.

Souhaitant revenir sur le projet de loi organisant le transfert de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, M. André Dulait a fait part de ses préoccupations au sujet de la suppression envisagée de la procédure de réquisition des forces armées pour l'emploi de la gendarmerie au maintien de l'ordre et sur la préservation du statut militaire et du principe hiérarchique de la gendarmerie.

M. Daniel Reiner s'est demandé s'il n'était pas contradictoire de vouloir recentrer les gendarmes sur leur coeur de métier tout en prévoyant une diminution du nombre de postes d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie et une augmentation du nombre de personnels civils. Il a également souhaité savoir si le projet de loi de finances pour 2009 prenait en compte l'objectif d'une parité globale de traitement entre gendarmes et policiers et l'octroi d'une grille indiciaire spécifique aux militaires de la gendarmerie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a souhaité des précisions au sujet des dépenses d'alimentation et de la fermeture des écoles de la gendarmerie.

M. Jean-Etienne Antoinette a demandé si l'opération « Harpie » de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane serait poursuivie en 2009 et il a fait part de l'émotion de nombreux Guyanais après l'agression dont a été victime le maire de la commune de Saint-Elie.

En réponse, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les précisions suivantes :

- le maillage territorial assuré par la gendarmerie nationale sera préservé, ce qui n'exclut pas des ajustements ;

- la présence des gendarmes sur le terrain sera renforcée, notamment de nuit et dans les zones rurales, le ministre ayant personnellement insisté pour inciter les gendarmes, particulièrement les jeunes gendarmes citadins peu habitués à ce type de relations, à multiplier les prises de contact avec les élus locaux, les commerçants et les représentants des associations, au moyen de nouveaux indicateurs ;

- le remplacement de postes de gendarmes employés dans des tâches administratives ou techniques par des civils permettra de recentrer les militaires sur leur vocation première et de redéployer des effectifs sur le terrain ; à cet égard, la gendarmerie nationale se trouve dans une situation différente de celle des armées, où les fonctions de soutien sont très importantes et ont vocation à être réduites ; le ministre s'est également déclaré favorable à l'emploi de conjoints de gendarmes pour assurer les tâches administratives, notamment dans les zones rurales où les conjoints rencontrent souvent des difficultés à trouver un emploi ;

- les suppressions de postes concerneront en priorité les effectifs employés actuellement dans des tâches annexes, comme la garde de centres de rétention administrative ou les gardes statiques ; la capacité opérationnelle de la gendarmerie sera donc préservée ;

- des ajustements ponctuels de zones de compétence entre la police et la gendarmerie seront nécessaires afin de tenir compte de l'évolution démographique et des bassins de délinquance, mais ces ajustements se feront sous l'égide des préfets et en concertation avec tous les élus concernés ;

- les tâches abusives ou indues assurées par la police et la gendarmerie n'ont pas toutes vocation à être transférées à d'autres services, le recours aux nouvelles technologies, comme la vidéo protection, ou l'externalisation pouvant dans certains cas s'avérer plus judicieux ;

- le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie a été décidé il y a déjà plusieurs années et des commandes sont en cours, même si les achats de nouveaux appareils seront différés ; il est toutefois prévu de dégager 77 millions d'euros en 2009 afin de doter l'outre-mer de quatre hélicoptères de manoeuvre ;

- l'objectif premier de la révision générale des politiques publiques n'est pas la réduction de la dette publique, mais une meilleure utilisation des deniers de l'Etat ;

- les efforts engagés par le Gouvernement, la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la délinquance ont porté leurs fruits, puisque le taux d'élucidation est passé de 25 % en 2001 à 37 % en 2008 ; cet effort sera poursuivi dans les prochaines années grâce à la vidéoprotection et au fichier national des empreintes génétiques, qui devraient permettre une poursuite de la diminution de la délinquance ;

- la procédure de réquisition avait un sens lorsque la gendarmerie nationale était placée sous l'autorité du ministre de la défense, mais il serait paradoxal que le ministre de l'intérieur soit contraint de réquisitionner des forces qui sont placées sous son autorité ;

- les dépenses d'alimentation sont principalement destinées aux gendarmes mobiles pour couvrir leurs frais de nourriture lors de leurs déplacements ;

- l'objectif d'une parité globale de traitement entre gendarmes et policiers ne signifie pas un alignement complet de leur condition, mais doit s'apprécier de manière globale, en tenant compte des différences de statuts ; dans ce cadre, le projet de loi de finances pour 2009 prévoit notamment des mesures de repyramidage des corps et de transformation de postes, dans le cadre du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) rénové ;

- la fermeture de quatre des huit écoles de gendarmerie devrait permettre une diminution de 330 postes, des économies de fonctionnement et l'amélioration des conditions de formation dans les autres écoles de gendarmerie ;

- la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane sera poursuivie, l'objectif étant de démanteler les filières d'économie souterraine liées à cette activité qui a des conséquences dramatiques sur les populations locales, l'environnement, l'économie et les ressources minières de la Guyane ;

- l'agression du maire de Saint-Elie est un acte qu'il faut condamner avec la plus grande fermeté ; après avoir en vain proposé à cet élu, qui se savait menacé, de lui assurer une protection lors de ses déplacements, le préfet de la Guyane l'a de nouveau reçu et lui a réitéré sa proposition.

Mercredi 29 octobre 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

PLF pour 2009 - Mission Aide publique au développement - Audition de M. Xavier Musca, directeur général du Trésor et de la politique économique

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Xavier Musca, directeur général du Trésor et de la politique économique, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Aide publique au développement »).

Accueillant M. Xavier Musca, M. Josselin de Rohan, président, a considéré que l'actualité internationale et les répercussions de la crise financière sur les pays en développement rendaient particulièrement nécessaire un éclairage sur les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».

Il a indiqué que la commission s'intéresserait, conjointement avec la commission des Finances, à l'action des institutions de Bretton Woods en faveur du développement.

M. Xavier Musca, directeur général du Trésor et de la politique économique, a tout d'abord indiqué que l'aide publique française au développement s'était établie à 0,38 % du PIB en 2007, en baisse par rapport à 2006, où elle avait atteint 0,47 % du PIB.

Analysant cette décroissance, il a indiqué que la France n'était pas isolée et que la plupart des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE enregistraient un mouvement similaire, résultant d'une baisse de l'impact du traitement de la dette des pays pauvres. Pour la France, deux de ses principaux débiteurs, la République démocratique du Congo (pour un impact en APD de 779 millions d'euros) et la Côte d'Ivoire (pour un impact en APD de 736 millions d'euros) n'ont pas encore conclu d'accord avec le Fonds monétaire international, préalable à l'annulation de leur dettes qui dépend de l'avancement des réformes économiques.

Néanmoins, la France demeure l'un des plus gros contributeurs mondiaux, le troisième en termes de taux d'effort et le premier du G8.

Cet effort sera maintenu au cours de la période qui s'annonce, à 0,47 % en 2009, 0,41 en 2010 et 0,42 % en 2011 avec les aléas liés aux annulations de dette.

La programmation triennale fait apparaître des axes forts et des priorités : l'environnement auquel seront consacrés 2 milliards d'euros sur les trois prochaines années via l'AFD, la Banque mondiale et la reconstitution du fonds pour l'environnement mondial ; la santé ; l'Afrique subsaharienne, où les engagements de l'AFD progresseront de 30 % dès 2009 et qui pèse pour 60 % de l'effort budgétaire.

Cet effort substantiel en direction de l'Afrique est à replacer dans un cadre plus global. L'Afrique demeure un continent fragile ; l'augmentation des prix des matières premières bénéficie à certains pays, mais en frappe d'autres.

Il faut repenser notre effort pour l'Afrique à la lumière de ce qui vient de se passer. L'aide alimentaire a été augmentée de 30 millions d'euros en 2008. La direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) a décidé d'accroître les aides budgétaires globales pour permettre aux pays concernés de réorienter une partie de leur budget en direction de dépenses sociales directement liées à la hausse des prix alimentaires. Le Togo par exemple, a ainsi d'ores et déjà bénéficié d'un supplément d'aide budgétaire globale de 2,5 millions d'euros.

Il faut également repenser notre effort en faveur de l'agriculture. Les déclarations du Président de la République se traduiront par un soutien d'un milliard d'euros à ce secteur en Afrique subsaharienne sur la période 2008-2012.

Les récents développements sur les marchés financiers appellent également une réflexion plus globale sur les instruments utilisés et sur le cadre général de nos relations avec les institutions financières internationales.

Dans les années récentes, la doctrine préconisait à la fois des annulations de dette et l'augmentation de l'élément-don. Dans le contexte actuel, le risque de restriction du crédit et des investissements directs dans les pays pauvres appelle la mise en place d'une stratégie d'ensemble.

Il convient en premier lieu de maintenir les flux privés. Porteurs d'investissements et d'emplois, ils doivent être encouragés. Tel est le sens du discours du Président de la République au Cap en février 2008. L'initiative pour le secteur privé, de 800 millions d'euros, passe par des dotations en capital de Proparco (300 millions d'euros) et la création d'un fonds de garantie et d'un fonds d'investissement, dotés de 250 millions d'euros chacun. L'effet de levier de cette initiative devrait permettre de mobiliser 2,5 milliards d'euros de crédits ou d'investissements nouveaux. Avant la crise financière, l'Afrique était en train de démarrer, il faut préserver cette dynamique.

M. Xavier Musca a indiqué que le second objectif était de maintenir les flux en provenance des particuliers.

Il a rappelé que les transferts depuis la France des migrants des cinq premiers pays d'origine étaient supérieurs à l'aide publique au développement. La question de savoir comment ces flux seront gérés est essentielle. Un site Internet de comparaison du coût des différentes opérations de transfert a été créé à l'initiative de la DGTPE. Le ministère de l'économie incite les banques françaises à être présentes sur le marché des transferts. L'objectif est, en accroissant l'offre de services de transfert et sa transparence, d'en abaisser les coûts qui constituent un véritable prélèvement sur l'épargne des populations. On constate d'ores et déjà, sous l'effet d'une concurrence accrue, une certaine décrue des tarifs appliqués. La mise en place du livret d'épargne codéveloppement, avant la fin de l'année, constituera également une incitation au maintien des flux privés.

Le régime des fondations a par ailleurs été amélioré pour favoriser la constitution de fonds de dotations en franchise d'impôts, sur le modèle des « trusts » américains. Ces dispositions, introduites dans la loi de modernisation de l'économie, sont assez récentes et aucune institution ne s'en est encore saisie.

Une autre dimension importante est la lutte contre l'évasion fiscale, qui excède largement le cadre de l'aide publique au développement. Les systèmes de contrôle fiscal des pays en développement sont souvent embryonnaires et la lutte contre les centres « non coopératifs » constitue un soutien à une amélioration du recouvrement de l'impôt.

M. Xavier Musca a exprimé la conviction que, dans le contexte actuel, l'insuffisance des flux privés rendait nécessaire le maintien de l'aide publique.

Il a souligné l'importance des prêts qui vont être effectués par l'AFD : 927 millions d'euros en 2007, 1.078 millions d'euros en 2010 et 1.147 millions en 2011.

Cette reprise des prêts fait suite à un mouvement de substitution des dons aux prêts, qui est peut-être allé trop loin. Les prêts sont en effet indispensables au développement ; ils doivent, bien sûr, s'effectuer dans un cadre multilatéral de soutenabilité de la dette.

Des dispositifs ont été mis en place pour rendre également ces prêts plus « intelligents ». Des crédits assortis de délais de grâce assez longs et dont les conditions de remboursement prennent en compte l'évolution des recettes d'exportation, les « prêts très concessionels contra-cycliques », ont ainsi été introduits par l'AFD et consentis pour la première fois au Burkina-Faso et au Sénégal.

Au plan multilatéral, la réforme du FMI a permis d'augmenter le poids des pays les plus pauvres dans la gouvernance de l'institution ; une réforme similaire est en cours à la Banque mondiale avec notamment la création prochaine d'un siège supplémentaire pour l'Afrique subsaharienne à son conseil d'administration.

Ces institutions développent des instruments plus adaptés aux circonstances. Le FMI a ainsi mis en place une facilité « chocs exogènes » en vertu de laquelle un Etat dont la politique économique est saine, lorsqu'il est soumis à un choc extérieur, peut bénéficier très rapidement d'un prêt du FMI.

La France se félicite d'avoir résisté aux appels répétés, notamment des Etats-Unis, à la suppression de la facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Financée principalement par la France, le Royaume-Uni et le Japon, elle fournit des prêts concessionnels aux pays qui ne peuvent accéder aux marchés. L'accès à la FRPC a été augmenté de 20 % pour certains pays, dont plusieurs pays de la Zone franc. Elle joue un rôle contra-cyclique et pallie l'insuffisance des fonctionnements de marché.

M. Christian Cambon, co-rapporteur de la mission « Aide publique au développement », s'est interrogé sur l'articulation entre la politique de développement conduite avec les crédits du programme 110 et les autres politiques menées par le ministère.

Il a souhaité savoir si l'influence de la France au sein des institutions de Bretton Woods était à la mesure de l'effort budgétaire qu'elle consent.

Il a demandé des précisions sur le coût total pour la France de l'initiative d'annulation de la dette multilatérale (IADM) et sur les modalités de contrôle de la mise en oeuvre des crédits multilatéraux, qui, si l'on prend l'exemple de Madagascar, ne semblent pas contrôlés.

M. André Vantomme, co-rapporteur de la mission « Aide publique au développement », a rappelé que la France avait pris des engagements très forts, en particulier celui de porter son aide à 0,7 %. Il s'est interrogé sur la possibilité de concilier un discours volontariste avec la situation de restriction budgétaire actuelle. Il a considéré que la place prise par de nouveaux acteurs de l'aide, notamment multilatéraux, était porteuse de risques pour la lisibilité de l'aide. Il a rappelé que la France disposait d'un outil de coopération, largement présent dans les pays en développement et que la révision générale des politiques publiques conduisait paradoxalement à une réduction du dispositif alors que la situation s'aggrave.

Il a enfin observé que l'aide multilatérale empruntait le plus souvent le canal de l'appui budgétaire global et non celui de l'aide-projet alors que les Etats bénéficiaires n'avaient pas les capacités administratives pour mettre en oeuvre ces fonds.

M. Xavier Musca a apporté les éléments de réponse suivants :

- pour ce qui concerne le rôle du ministère de l'économie, on ne peut pas considérer que l'APD est une catégorie autonome de l'action extérieure. La mobilisation française en faveur de la lutte contre le SIDA ne peut laisser le ministère de la santé indifférent ; les transferts de migrants intéressent le ministère de l'immigration ; le changement climatique, le ministère de l'environnement...L'APD est par nature une mission interministérielle, même s'il faut naturellement que le ministère des Affaires étrangères joue un rôle de synthèse et de coordination ;

- le développement a de nombreuses interactions avec d'autres politiques conduites par le ministère de l'économie. Le G7 « Finances » joue un rôle majeur dans les politiques d'annulation de dette et dans le pilotage stratégique des institutions de Bretton Woods. Le ministère assure la représentation de la France au FMI et à la Banque mondiale, ainsi qu'au sein des différentes banques régionales de développement. Il exerce la tutelle de l'AFD. Pour ce qui concerne les accords commerciaux, un choix stratégique a été fait de regrouper au sein d'un même service les personnes chargées de négocier les accords financiers et les accords commerciaux. L'enjeu qui s'attache aux accords de partenariat économiques (APE) est de préserver un accès privilégié aux marchés des pays développés. En outre, une partie de la coopération française en Afrique s'articule autour d'une zone monétaire (la Zone franc) dont la stabilité est garantie par le ministère ;

- le Fonds européen de développement n'est pas le meilleur exemple de contrôle de l'exécution. La France contribue plus que sa part au budget communautaire, mais le contrôle qu'elle exerce est faible. La DGTPE plaide pour une intégration du FED au budget communautaire. Le contrôle de l'efficacité de l'aide est un sujet important pour la France et pour les institutions multilatérales qui font de gros efforts en la matière. Mais il faut pondérer le souhait d'aller plus loin en matière de contrôle de crainte d'alourdir des procédures, déjà très lentes. Au niveau national, on s'efforce de renforcer l'évaluation a posteriori : des équipes indépendantes sont chargées de vérifier que les projets ont bien atteint les objectifs qu'ils s'étaient eux-mêmes fixés ;

- l'influence française est un enjeu très important. La France a un rôle reconnu dans les institutions financières internationales. Avec le Royaume-Uni, elle entretient une relation particulière avec l'Afrique et pratique des modes de coopération qui lui donnent une connaissance plus profonde du terrain que les Etats qui ont largement externalisé cette politique. C'est pourquoi elle est à même de prendre des positions fortes, originales, parfois dérangeantes. Certains Etats ont par exemple plaidé pour que le FMI cesse d'intervenir dans les pays pauvres et se concentre sur les pays émergents et pour que la Banque mondiale n'intervienne que sur dons. Or les marchés n'acceptent pas la signature d'Etats comme le Bénin ou le Burkina Faso. Faute de prêts accordés par les institutions financières internationales, ces Etats pourraient se tourner vers des bailleurs moins respectueux des règles de soutenabilité de la dette ;

- pour peser au sein des institutions internationales, la France doit se concentrer sur les institutions présentes dans les régions qu'elle considère comme prioritaires. La présence française en Asie, en dehors du Viet Nam et du Cambodge, ne justifie pas un engagement massif auprès des institutions financières régionales ;

- l'Union européenne pèse pour 60 % au sein de l'Association internationale de développement et pour 70 % du Fonds africain de développement. Les Etats membres se réunissent pour coordonner leurs positions et exercer une influence à hauteur de leur effort ;

- l'objectif de 0,7 % est maintenu pour 2015, mais la contrainte budgétaire et la variabilité des annulations de dette ont ralenti la progression de l'aide. Il convient de ne pas limiter l'effort au seul périmètre de l'aide publique au développement de l'OCDE : ainsi, les 800 millions que l'AFD mobilisera au titre de l'initiative pour le soutien à la croissance en Afrique ne sont pas comptabilisés dans cette statistique ;

- l'aide française se caractérisait jusqu'à présent par la prépondérance des moyens humains par rapport aux moyens financiers. A titre de comparaison, les Britanniques ont des effectifs moindres, mais plus de crédits disponibles ;

- si l'on considère l'équilibre entre bilatéral et multilatéral, il y a certes une insatisfaction à l'égard des procédures européennes mais dans d'autres enceintes, il y un seuil en deçà duquel on ne peut descendre pour des raisons d'influence ;

- l'IADM représente un total de 28 milliards d'euros en valeur actuelle nette. La France compensera la perte pour les institutions multilatérales à hauteur de 2,5 milliards d'euros.

M. Robert Hue a comparé les montants mobilisés pour faire face à la crise financière et l'effort d'aide, considérant que la décrue de l'aide était préalable à la crise financière et qu'elle mettait en cause l'objectif de 2015. Dans le domaine de l'agriculture, défini comme une priorité, les APE se traduisent par des difficultés accrues.

Il s'est interrogé sur les modes de contrôle appliqués aux flux privés, notamment dans le cadre de l'initiative pour le secteur privé en Afrique.

Il a considéré que l'attention portée aux transferts des migrants appelait une réflexion sur notre conception de l'immigration.

M. Robert del Picchia a considéré qu'un travail d'explication était à mener sur l'aide au développement dans le contexte actuel. Il a constaté que les accords se multipliaient en Afrique avec les Chinois et que l'aide française était invisible auprès des opinions publiques. Il a estimé que les procédures du FED étaient très longues et les procédures de contrôle insuffisantes.

M Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître le nombre des appels d'offres européens remportés par des entreprises chinoises.

M. Jean-Pierre Chevénement a relevé la contradiction qui consiste à considérer qu'il existe un seuil de crédibilité de la France dans les institutions financières internationales et à constater une dilution de l'influence française.

M. Xavier Musca a apporté les réponses suivantes :

- de strictes procédures de contrôle encadrent l'action de Proparco. Les investisseurs privés qui interviennent à ses côtés la considèrent d'ailleurs comme la garantie qu'un cadre juridique stable leur sera appliqué ;

- une baisse du coût des transferts est souhaitable, mais il faut rappeler la nature complexe du service rendu par les opérateurs dans les pays de réception. Le remède à des coûts trop élevés est la concurrence. Les banques françaises ont des partenariats avec leurs homologues du Maghreb qui disposent de réseaux en Afrique au sud du Sahara. Elles sont invitées à investir le marché des transferts ;

- la mise en conformité des préférences unilatérales de Cotonou avec les règles de l'OMC a menacé les pays en développement (PED) d'Afrique, Caraïbes et Pacifique de perdre leur accès privilégié au marché européen. Le règlement de ce problème est une des raisons d'être des accords de partenariat économique (APE). L'enjeu douanier est certes moins visible pour les pays les moins avancés (PMA) de ces régions, qui sous couvert du régime douanier tout sauf les armes (TSA), accèderaient au marché européen sous les mêmes conditions qu'à travers les APE. Il faut donc amener ces pays à voir et profiter des autres avantages associés aux APE (intégration régionale...) ;

- une amélioration de l'appareil statistique serait effectivement nécessaire pour disposer des engagements consolidés de la France dans chacun des pays bénéficiaires, tous types d'instruments confondus ;

- le déliement de l'aide est un principe international et il protège contre certaines dérives. Le nombre des appels d'offres remportés par la Chine est marginal. Les accords passés en dehors de tout appel d'offres sont plus inquiétants ;

- les Européens, qui partagent une même conception de l'aide, ont une vraie influence au sein des institutions financières internationales, qui leur ont permis de faire valoir leurs priorités (Etats fragiles, maintien de la FRPC...). Pour maintenir cette influence, il nous faut continuer à concentrer notre aide.

PJLF pour 2009 - Mission Défense - Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Défense »).

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que le directeur chargé des affaires stratégiques exerçait au sein de la mission « Défense » la responsabilité du programme « Environnement et prospective de la politique de défense » (programme 144) qui recouvrait, à titre principal, les crédits d'études et de recherche technologique et ceux de deux des trois services de renseignement rattachés au ministère de la défense, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Ce programme inclut également les personnels du ministère rattachés aux ambassades à l'étranger ou aux représentations dans des organisations internationales, ainsi que les actions de la délégation générale pour l'armement (DGA), au titre du soutien à l'exportation.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques, a tout d'abord indiqué que la décision de réunir, au sein d'un même programme, des actions en apparence hétérogènes, conduites par des autorités sans lien hiérarchique entre elles, avait suscité des interrogations, mais qu'au terme de trois années de fonctionnement, ce choix paraissait pertinent, la gestion de ce programme s'effectuant dans des conditions satisfaisantes avec l'appui des différents acteurs concernés.

Il a ensuite donné des précisions sur les perspectives de la fin de la gestion 2008 pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ».

Au titre 2, la fin de l'exercice 2008 se soldera par un déficit de l'ordre d'1,85 % de la dotation initiale, réserve levée (soit 9,21 millions d'euros). Très limité sur les crédits de rémunération pure, ce déficit atteindra près de 6 % sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » du fait du gonflement des dépenses entraîné par la titularisation de 140 contractuels à la DGSE et à la sous-budgétisation du budget opérationnel de programme « DGA » en 2008.

S'agissant des autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1.165 millions d'euros et payer 1.136 millions d'euros, hors consommation de la réserve de précaution qui représente à ce jour un peu plus de 60 millions d'euros. Dans l'hypothèse où la réserve serait levée, le montant des engagements ne serait pas augmenté de manière significative, dans la mesure où le plafond sur les opérations de la loi de programmation militaire a été fixé à 916 millions d'euros pour une capacité d'engagement de 975 millions d'euros incluant la réserve. Dans ces conditions, le montant des engagements 2008 devrait être en retrait d'environ 4,3 % par rapport à l'année 2007.

Concernant les crédits de paiement, une levée de la réserve pourrait permettre un niveau de paiement jusqu'à 1.185 millions d'euros, soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2007, tout en évitant un excès de factures impayées à la fin 2008. Leur niveau est actuellement estimé à environ 50 millions d'euros si la réserve n'est pas levée.

Le solde de gestion devrait être proche de zéro, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, si la levée de la réserve de précaution intervient avant la fin de gestion.

M. Michel Miraillet a ajouté que la non-levée de la réserve entraînerait notamment des difficultés de fonctionnement et le report de certains investissements des services de renseignement, l'impossibilité de verser la totalité des subventions votées au budget 2008 pour l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) ou les écoles d'ingénieurs de la DGA, ou encore un report de charges de l'ordre de 45 millions d'euros sur les études amont.

Abordant le projet de budget, M. Michel Miraillet a indiqué que tous crédits confondus et à périmètre identique à 2008, le programme 144 enregistrait pour 2009 une hausse globale de 9,6 % en autorisations d'engagement et de 4,8 % en crédits de paiement.

Les crédits de rémunération augmentent de 4,5 %, bien que le plafond des effectifs autorisés diminue de 167 équivalents temps plein travaillés. Les créations d'emplois budgétées au profit de la DGSE seront moins nombreuses que les sorties du programme, mais ces dernières n'ont pas d'impact budgétaire, car elles correspondent à des personnels mis à la disposition des opérateurs de l'Etat et des écoles de la DGA.

Hors titre 2, les crédits du programme connaissent, à périmètre identique, une augmentation de 11,7 % en autorisations d'engagement et de 4,9 % en crédits de paiement.

En termes de modification de périmètre, la mesure la plus significative est l'inscription à hauteur de 1,7 million d'euros d'une dotation relative à la contribution française au programme du partenariat mondial du G8 de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Initialement conduite par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, cette action a été transférée aux ministères de la défense et au ministère des affaires étrangères et européennes, sous la coordination du secrétariat général de la défense nationale (SGDN).

Le titre 3 connaîtra une hausse globale d'environ 24 millions d'euros, soit 2,4 %. Cette augmentation bénéficie principalement aux études amont nucléaires, pour environ 17 millions d'euros, aux écoles de la DGA pour 8 millions d'euros, et au budget de fonctionnement de la DGSE pour 4 millions d'euros. Le budget du titre 5 augmentera de 28 millions d'euros, soit 21 %, compte tenu de la montée en puissance de la fonction « Connaissance et anticipation ». Enfin, les subventions du titre 6 enregistreront une augmentation de 7,3 millions d'euros principalement liée, à hauteur de 5 millions d'euros, à une mesure technique de transfert en vue de regrouper les subventions destinées à la République de Djibouti, le montant global de cette subvention, soit 22,05 millions d'euros, restant inchangé.

M. Michel Miraillet a estimé qu'avec une hausse globale des crédits de 57 millions d'euros à périmètre constant, les ressources du programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2009 permettraient d'atteindre les objectifs fixés en application des orientations du Livre blanc.

Il a ensuite présenté les évolutions affectant chacune des actions du programme.

L'action 01 « Analyse stratégique » voit son budget augmenter de 5,4 % à périmètre équivalent à 2008, ou de 10,8 % à périmètre courant, compte tenu de la prise en compte des subventions aux publications. Le budget consacré aux études prospectives et stratégiques sera porté à 3,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 200.000 euros par rapport à 2008. Cette hausse correspond à un premier palier destiné à porter le montant de ces études à 5,5 millions d'euros par an d'ici à 2011, en application des orientations arrêtées par le ministre de la défense et de celles de la future loi de programmation militaire. Les subventions aux publications stratégiques, inscrites pour la première fois dans le périmètre du programme 144, sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques assurera avec cette nouvelle dotation budgétaire de 195.000 euros, la diffusion des études prospectives et stratégiques, grâce à des conventions de publication avec des éditeurs européens pour les publications anglophones ou francophones, ou le soutien des positions françaises à travers l'organisation d'événements informels, d'échanges de vues, de séminaires ou l' animation de réseaux.

Le budget de l'action 02 « Prospective des systèmes de forces » se situera dans la continuité de celui de 2008. Parmi les objectifs visés figure la recherche d'une réduction des « micro-études » et un recentrage sur les études de plus grande ampleur.

L'action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » verra ses moyens s'accroître, hors titre 2, pour la deuxième année consécutive, que ce soit en autorisations d'engagement (avec une augmentation de 109,9 millions d'euros, soit près de 70 %) ou en crédits de paiement (en progression de 32 millions d'euros, soit 18,6 %). Ces moyens supplémentaires concernent la DGSE pour ses dépenses d'infrastructure et de matériels techniques. Son budget de fonctionnement progressera également pour faire face à la hausse considérable des dépenses d'énergie dues à la mise en service de nouveaux matériels. Les moyens alloués à la DPSD, quant à eux, resteront stables. Les crédits du titre 2 augmenteront de 9,91 millions d'euros du fait de la création brute à la DGSE de 70 postes réservés à des cadres et à des experts dans les domaines de haute technologie.

L'action 04 « Maîtrise des capacités technologiques et industrielles » verra les autorisations d'engagement portées à 994,7 millions d'euros, soit une hausse de près de 3 % par rapport à 2008 ; les crédits de paiement s'établissant à 945,9 millions d'euros, en hausse de 2,6 %.

Les crédits alloués aux études amont (soit 709,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 660,1 millions d'euros en crédits de paiement) progresseront respectivement de 2,8 % et de 2,4 % par rapport à 2008, dans la continuité de l'objectif d'engagement de 700 millions d'euros assigné par le ministre.

Pour 2009, les études amont du domaine nucléaire, qui représentent 77 millions d'euros, bénéficieront de l'intégralité de la hausse du budget (environ 17 millions d'euros supplémentaires) afin d'assurer en particulier le maintien de compétences chez les industriels concernés par la dissuasion nucléaire. Parmi les principaux plans d'études amont, on peut citer le démonstrateur de partie haute pour les missiles balistiques, l'hélicoptère futur, les missiles tactiques terrestres ou encore la préparation de futures capacités spatiales, notamment le programme Spirale dans le domaine de l'alerte spatiale avancée.

Les subventions versées aux écoles de la DGA et à l'ONERA, en augmentation de 3,2 %, devraient permettre de respecter les contrats d'objectifs et de moyens passés avec ces opérateurs. Le montant de la subvention destinée à l'ONERA, soit 120 millions d'euros, sera stable par rapport à 2008.

Avec un montant total de 7,7 millions d'euros pour 2009, l'action 05 « Soutien aux exportations » bénéficiera d'une hausse de 8,8 % essentiellement destinée à des actions de promotion des exportations, conformément à l'objectif poursuivi par le ministre d'en porter le montant à 6 milliards d'euros. Les effectifs assurant la fonction administrative du contrôle des transferts sensibles, jusqu'alors assurée par la DAS, seront transférés à la direction du développement international (DDI) de la DGA, la DAS conservant cependant ses attributions politico-administratives en la matière.

L'action 06 « Diplomatie de défense » connaîtra une légère augmentation d'1,7 million d'euros, pour un montant total de près de 29 millions d'euros, suite à la reprise du volet bilatéral du programme du partenariat mondial du G8 de lutte contre les armes de destruction massive. En matière d'effectif, l'année 2009 consacrera le démarrage d'un allégement des personnels opérant dans la diplomatie militaire bilatérale, comme au sein du réseau des attachés d'armement. Pour les postes permanents à l'étranger relevant de l'état-major des armées, les réductions d'effectif étaient de 17 postes en 2007 et 21 postes en 2008. Elles concerneront 19 postes en 2009. Cette réduction ne devrait pas nuire à la performance du dispositif, compte tenu des mesures d'accompagnement telles que la mutualisation des fonctions « armement » et « diplomatie de défense » sur certains postes.

A la demande du ministre, l'état-major des armées et la DGA conduisent, en liaison avec le ministère des affaires étrangères et européennes, une action visant à réduire le nombre des missions des postes permanents à l'étranger, tout en poursuivant une politique de rationalisation des emprises. Cette rationalisation du réseau sera suivie au moyen d'un indicateur figurant dans le volet « performance » du projet annuel de performance.

En conclusion, M. Michel Miraillet a détaillé le nouveau dispositif de performance associé au projet de loi de finances pour 2009. Le renforcement de la démarche prospective européenne couvrira l'ensemble des études conduites par le ministère, notamment les études amont. Les indicateurs relatifs aux capacités technologiques et industrielles seront regroupés. De même, les deux indicateurs relatifs à la promotion et au contrôle des exportations d'armement seront réunis au sein d'un seul objectif. Un nouvel indicateur concernant la diplomatie de défense est introduit dans le projet annuel de performance.

A la suite de cet exposé, M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis pour le programme 144, a interrogé le directeur chargé des affaires stratégiques sur l'articulation entre ses responsabilités budgétaires pour l'action « renseignement » et celles du coordinateur national du renseignement nommé auprès du Président de la République. Il a demandé des précisions sur la non-budgétisation de certains emplois dont la création est prévue au profit de la DGSE. En matière de recherche et technologie, il a souhaité savoir si au cours des dernières années, l'exécution budgétaire avait reflété l'augmentation lente mais continue des dotations d'études amont prévue dans les lois de finances initiales. Il s'est interrogé sur l'approche d'ensemble des affectations de personnels du ministère de la défense au sein des représentations diplomatiques, qu'il s'agisse des missions militaires ou des services d'attachés d'armement. Il a demandé quelles étaient les fermetures de postes prévues en 2009. Citant l'exemple de la Bosnie-Herzégovine, il a souligné l'intérêt qu'il y avait à ne pas exagérément réduire notre présence dans des pays où d'autres nations disposent d'un nombre important de cadres militaires, notamment au titre d'opérations multinationales. Enfin, il a remarqué que les crédits prévus dans le programme au titre de la subvention versée à la République de Djibouti étaient inférieurs au montant mentionné dans l'accord bilatéral.

M. Robert del Picchia a évoqué les incidences économiques, pour Djibouti, de la réduction du nombre de personnels militaires français permanents au cours des dernières années.

M. Josselin de Rohan, président, a mentionné l'incidence de l'installation d'une base américaine sur les conditions exigées de la France pour le maintien de sa base à Djibouti.

M. Michel Miraillet a apporté les réponses suivantes :

- des contacts ont d'ores et déjà été établis avec le coordonnateur national du renseignement ; la délégation aux affaires stratégiques sera à sa totale disposition pour lui fournir toute information qui lui sera nécessaire sur le déroulement du programme 144, en ce qui concerne les actions relatives au renseignement ; de même, elle sera pleinement disposée à examiner avec lui les moyens de permettre aux services d'atteindre les objectifs prévus par la future loi de programmation militaire au titre du renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » ;

- la DGSE disposera d'une marge de manoeuvre pour gérer la montée en puissance de ses effectifs ; les créations prévues correspondent à des équivalents temps plein travaillés ; la masse salariale correspondante pourra être utilisée pour recruter en moindre nombre des personnels mieux rémunérés, par exemple des informaticiens de très haut niveau ;

- une partie des créations de postes prévues au profit de la DGSE en 2009 n'est effectivement pas budgétée au programme 144 ; près d'une trentaine d'emplois, pour un montant d'1,6 million d'euros, sont concernés ; des discussions interministérielles associant, sous l'autorité du Premier ministre, le ministère de l'intérieur et le SGDN, doivent définir quels seront les ministères contributeurs pour le financement de ces emplois ;

- la diplomatie de défense ne peut se résumer à la seule action des attachés de défense ou des attachés d'armement ; les ambassadeurs et leurs équipes y contribuent également ; par ailleurs, le ministère de la défense a entrepris une action de renforcement de la formation et de la préparation de ses personnels aux fonctions internationales ;

- les fermetures des postes d'attachés de défense intervenues en 2008 concernent l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Mongolie ; il faut considérer que dans un pays comme la Bosnie-Herzégovine, la présence militaire française ne se résume pas à celle d'un attaché de défense ; en 2009, une ouverture est prévue à Chypre ;

- l'évolution des crédits consommés au titre du maintien des capacités technologiques traduit l'effort supplémentaire prévu dans les lois de finances initiales ; il importe également, dans ce domaine, d'assurer une corrélation réaliste entre autorisations d'engagement et crédits de paiement ;

- la République de Djibouti est préoccupée par l'évolution de son environnement régional et elle semble à ce titre particulièrement attachée au maintien de la présence française.

Gendarmerie nationale - Examen du rapport

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Faure sur le projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (urgence déclarée).

M. Jean Faure, rapporteur, a rappelé que l'élaboration d'une loi sur la gendarmerie nationale avait été annoncée par le Président de la République, dans son intervention du 29 novembre 2007 à la Grande Arche de la Défense.

Cette réforme peut être qualifiée d'historique, puisque depuis la loi du 28 germinal an VI, soit 1798, aucune loi n'avait été adoptée sur le statut et les missions de la gendarmerie.

Ce projet de loi organise le transfert du rattachement organique de la gendarmerie du ministre de la défense au ministre de l'intérieur, tout en préservant son statut militaire, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République.

M. Jean Faure, rapporteur, a rappelé que, avant même l'annonce de cette réforme, la commission avait constitué en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, composé de Mme Michèle Demessine et de MM. Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière, et qu'il avait eu l'honneur de présider.

A l'issue de ses travaux, ce groupe de réflexion avait présenté dix-sept recommandations, adoptées à l'unanimité par la commission et reprises dans un rapport d'information publié en avril dernier.

M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué que, pour l'examen de ce projet de loi, il s'était largement fondé sur les recommandations de la commission et qu'il avait entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants du ministère de l'intérieur, de la défense et de la justice, mais aussi des anciens directeurs généraux de gendarmerie, des officiers de gendarmerie, des préfets, des magistrats et des représentants d'associations de retraités de gendarmerie, et qu'il s'était en outre inspiré du préambule du décret du 20 mai 1903, en cherchant « à bien définir la part d'action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l'élasticité ou l'obscurité de quelques articles (...) ».

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur constitue la principale innovation de ce projet de loi, a souligné M. Jean Faure, rapporteur, qui a souhaité se concentrer sur cet aspect dans son exposé général. Alors que, en sa qualité de « Force armée », la gendarmerie nationale est placée, depuis l'origine, sous l'autorité du ministre de la défense, le projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur.

Pour autant, ce projet de loi ne constitue pas une rupture et s'inscrit dans un processus lancé en 2002, lorsque la gendarmerie a été placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. En outre, depuis mai 2007, les ministres de l'intérieur et de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires consacrés à la gendarmerie et en assurent le suivi.

Ainsi, aujourd'hui la gendarmerie dépend d'ores et déjà largement du ministre de l'intérieur.

Toutefois, le système actuel est imparfait car le ministère de l'intérieur est responsable de l'emploi de la gendarmerie, mais ne dispose pas des deux leviers importants que sont le budget et la gestion des carrières, qui continuent de relever du ministre de la défense.

Le transfert de la tutelle organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur prévu par le projet de loi constitue donc l'aboutissement de ce processus.

Ce rattachement permettra de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité.

Les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l'activité de la gendarmerie, contre seulement 5 % pour ses missions militaires.

Il paraît donc logique que la gendarmerie soit rattachée organiquement au ministre qui constitue son autorité d'emploi pour la très grande majorité de ses missions.

Cette nouvelle configuration permettra de développer les mutualisations de moyens entre les forces de police et de gendarmerie, notamment pour certaines formations spécialisées, concernant, par exemple, les plongeurs, les équipes cynophiles ou le perfectionnement du maintien de l'ordre, ou encore pour l'achat des équipements coûteux, le soutien logistique ou les systèmes d'information et de communication. Elle permettra également de mettre à la disposition de la police les hélicoptères dont dispose la gendarmerie, ce qui évitera de créer une deuxième flotte d'hélicoptères très coûteuse.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie à un autre ministère que celui de la défense n'est pas incompatible avec le maintien du statut militaire.

Ainsi, en Espagne, la Garde civile est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur et, en France, les officiers des affaires maritimes relèvent d'un autre ministère que celui de la défense, tout en conservant un statut militaire.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur n'entraîne en aucune façon la disparition du statut militaire de la gendarmerie nationale et une fusion avec la police. Le projet de loi préserve le statut militaire de la gendarmerie nationale qui, tout en étant placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, restera une « force armée ». Les officiers et sous-officiers de gendarmerie resteront donc des militaires, soumis au statut général des militaires, notamment en ce qui concerne l'interdiction du droit syndical. La direction générale de la gendarmerie nationale sera une structure autonome au sein du ministère de l'intérieur.

Si le texte du projet de loi place la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur, il préserve les attributions du ministre de la défense pour les missions militaires de la gendarmerie et celles de l'autorité judiciaire pour les missions judiciaires.

En outre, le ministre de la défense continuera d'exercer certaines compétences en matière de gestion des ressources humaines à l'égard des personnels de la gendarmerie et en matière de discipline.

L'idée de rattacher la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur soulève plusieurs objections.

En premier lieu, ce rattachement constituerait, selon certains, un danger pour les libertés publiques, dans la mesure où les deux forces de sécurité seront placées dans la même main. Toutefois, la gendarmerie restera une force militaire distincte de la police, ce qui garantit le maintien du dualisme policier.

En second lieu, ce rattachement risquerait de porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire. La dualité de la police judiciaire et le principe du libre choix du service enquêteur permettent, en effet, aux magistrats de ne pas dépendre d'un seul service pour réaliser leurs enquêtes, notamment pour les affaires les plus sensibles.

Sur ce point, M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait plusieurs amendements visant à conforter le dualisme de la police judiciaire.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur comporterait le risque d'encourager les revendications des gendarmes et des policiers d'aligner leurs statuts, notamment en ce qui concerne le temps de travail, le droit de grève ou la liberté syndicale.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur soulève notamment la question de la dichotomie du droit d'expression au sein des deux forces, avec, d'un côté, le système syndical pour la police nationale et, de l'autre, les instances de concertation propres aux armées pour la gendarmerie nationale.

Si le fait syndical est incompatible avec le statut militaire, il semble néanmoins indispensable de rénover les mécanismes actuels de concertation au sein de la gendarmerie afin d'assurer la pérennité de son statut militaire, a estimé M. Jean Faure, rapporteur.

En tant que partie intégrante des forces armées, la gendarmerie doit continuer à relever des instances de concertation propres aux militaires et du Conseil supérieur de la fonction militaire, mais le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur nécessite de définir de nouvelles modalités de participation de ce ministère aux instances de concertation de la gendarmerie, notamment au Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Les règles relatives au fonctionnement des instances de concertation de la gendarmerie relevant pour l'essentiel du domaine réglementaire, M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué qu'il ne proposerait pas d'amendements sur ce point, mais qu'il évoquerait cette question lors du débat en séance publique sur le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Josselin de Rohan, président, a salué la qualité du travail effectué par M. Jean Faure, d'abord comme président du groupe chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de gendarmerie, puis comme rapporteur du projet de loi. Il a regretté que le calendrier parlementaire ne permette pas l'inscription de ce texte à l'ordre du jour avant le début de l'année prochaine. Enfin, il a indiqué que ce projet de loi serait l'un des derniers à être examiné selon l'actuelle procédure législative, la récente révision constitutionnelle ayant prévu l'introduction d'une nouvelle procédure, qui renforce sensiblement le rôle des commissions permanentes dans l'élaboration de la loi, à partir du 1er mars 2009.

M. Jean-Louis Carrère a fait part des fortes préoccupations du groupe socialiste au sujet de ce projet de loi. Il s'est déclaré opposé au rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, l'intérêt de cette réforme n'étant pas clairement démontré, en dehors de satisfaire le souhait exprimé par l'actuel chef de l'Etat et ancien ministre de l'intérieur.

Il a dit craindre les effets qu'un trop grand rapprochement de la police et de la gendarmerie conduise inévitablement à une fusion des deux forces par un alignement progressif de leur statut. Il a rappelé qu'à la différence des policiers, les gendarmes, en raison de leur statut miliaire, étaient soumis à une obligation de disponibilité et qu'ils n'étaient pas tenus par une limitation de leur temps de travail et il a redouté que les gendarmes ne soient employés à l'avenir en renfort des policiers. Il a également fait part de ses inquiétudes au sujet de l'ancrage territorial de la gendarmerie assuré grâce à la densité du maillage des brigades territoriales, qui pourrait être remis en cause sous l'effet de la réduction des effectifs et de la rationalisation menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Il a aussi exprimé son opposition à la suppression de la procédure de réquisition, cette procédure étant liée d'après lui au statut militaire de la gendarmerie. Il s'est également interrogé sur le bien-fondé de maintenir les règles spécifiques qui caractérisent actuellement l'usage des armes par les gendarmes en se demandant s'il n'était pas souhaitable d'aligner ces règles sur celles, plus restrictives, applicables aux policiers.

Il a également souligné les lacunes du système actuel de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie.

Enfin, il a fait part de son étonnement au sujet du calendrier de cette réforme en trouvant paradoxal que le Gouvernement ait déclaré l'urgence sur ce texte, au motif que le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie devait intervenir à compter du 1er janvier 2009, tout en renvoyant son inscription à l'ordre du jour au début de l'année prochaine.

Pour l'ensemble de ces raisons, il a indiqué que le groupe socialiste voterait contre ce projet de loi.

M. Hubert Haenel a indiqué qu'au sein même de la majorité sénatoriale, des inquiétudes s'étaient exprimées au sujet du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur. Tout en approuvant la recherche d'une plus grande coopération entre les deux forces, il s'est demandé si, sous couvert de rationalisation, il n'y avait pas un risque d'aller vers une confusion, voire à une fusion des deux forces.

Rappelant son attachement au statut militaire de la gendarmerie, il a indiqué que cette caractéristique ne se résumait pas à l'addition de statuts militaires individuels, mais qu'elle était liée à la nature même de cette institution. Il s'est déclaré favorable aux amendements proposés par le rapporteur en regrettant, compte tenu de l'importance politique de ce texte, qu'il fasse l'objet d'une procédure d'urgence.

M. Charles Pasqua a souhaité relativiser les inquiétudes exprimées par certains collègues au sujet du rattachement organique de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, en rappelant que la gendarmerie était placée depuis 2002 pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour ses missions de sécurité intérieure.

Il a aussi indiqué qu'en 1986, alors qu'il était ministre de l'intérieur, il avait eu l'occasion, à la demande du ministre de la défense de l'époque, d'assurer l'intérim de son poste pendant une brève période, cumulant ainsi les deux fonctions sans que cela ne posât de difficultés majeures.

En se fondant sur sa propre expérience, il s'est déclaré favorable à la suppression de la procédure de réquisition, cette procédure étant inadaptée aux nécessités du maintien de l'ordre.

Rappelant son attachement à l'existence de deux forces de police, l'une à statut civil, la police nationale, l'autre à statut militaire, la gendarmerie nationale, il a souhaité que soient préservées les différences existantes entre les deux forces. Il a déclaré qu'il voterait en faveur de l'adoption du projet de loi et des amendements proposés par le rapporteur.

M. Didier Boulaud a fait part de ses inquiétudes au sujet de la coexistence au sein d'un même ministère de deux systèmes aussi différents de représentation que celui du syndicalisme pour la police et celui de la concertation pour la gendarmerie, au regard du poids du syndicalisme policier au sein du ministère de l'intérieur.

Il a rappelé à cet égard que, lors de la révision du statut général des militaires, le groupe socialiste avait fait des propositions pour améliorer et rénover le système de représentation et de concertation au sein des armées, notamment en matière de liberté d'expression des militaires, mais que ces propositions s'étaient heurtées au refus de la majorité sénatoriale.

Après avoir réaffirmé que le groupe socialiste votera contre l'adoption de ce projet de loi, il s'est également interrogé sur l'article 9 du projet de loi qui prévoit une application à partir du 1er janvier 2009, compte tenu du calendrier prévu par l'adoption de ce projet de loi.

Mme Michèle Demessine, tout en saluant la qualité du travail effectué au sein du groupe chargé d'une réflexion sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, s'est également déclarée préoccupée au sujet du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur au regard de l'équilibre institutionnel et du point de vue des libertés publiques. Elle a déclaré craindre que ce rattachement n'entraîne à terme inéluctablement une fusion des deux forces.

Elle s'est également dite soucieuse du moral des gendarmes à la retraite, estimant qu'une crise comparable à celle de 2001 n'était pas à exclure. Elle a estimé qu'une rénovation du système de représentation et de concertation au sein de la gendarmerie était devenue aujourd'hui indispensable compte tenu des insuffisances actuelles.

En rappelant l'attachement des citoyens au dualisme en matière de sécurité, elle a déclaré que le groupe CRC était hostile à ce rattachement et que, pour cette raison, il voterait contre le projet de loi, tout en prenant toute sa part au débat en séance publique.

M. André Vantomme a souhaité citer la lettre d'un général de division de gendarmerie qui considère que ce projet de loi est en réalité uniquement destiné à supprimer le principe de la réquisition pour l'emploi de la gendarmerie au maintien de l'ordre et à placer les unités de gendarmerie aux ordres des préfets.

L'auteur de ce courrier considère également que ce projet de loi porte atteinte aux principes républicains relatifs à l'emploi de la force publique et aux fondements du statut général des militaires, en excluant la gendarmerie du champ des réquisitions applicables aux autres forces armées.

D'après lui, ce texte rompt aussi la chaîne hiérarchique militaire et il rend inopérants les droits et devoirs des supérieurs et des subordonnés, conservant toutefois du caractère militaire la limitation de la liberté d'expression des personnels par un devoir de réserve sévèrement appliqué.

Pour cet ancien général de gendarmerie, ce projet de loi, s'il était voté, constituerait un indiscutable recul des libertés publiques et des droits individuels dans notre pays en supprimant des obstacles à d'éventuels excès de pouvoir de l'exécutif.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le devoir de réserve qui s'applique à tous les militaires, y compris les officiers et sous-officiers de gendarmerie, et il a mentionné les nombreuses lettres de protestation émanant d'officiers des armées au moment de la suppression de la conscription.

M. Christian Cambon a évoqué sa propre expérience d'élu de la région parisienne ayant connu la coexistence de la police et de la gendarmerie dans sa circonscription.

Il a indiqué avoir regretté la décision du ministre de l'intérieur de l'époque de retirer les unités de la gendarmerie de la petite couronne parisienne compte tenu de la disponibilité et de la qualité du travail effectué par la gendarmerie sur le terrain.

Il a tenu à rappeler que, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur avait pour principal objectif de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie et de remédier aux dysfonctionnements constatés de la « guerre des polices ». Il a estimé que cette réforme permettra de rendre plus efficace la lutte contre la délinquance et d'améliorer ainsi la protection des citoyens.

En réponse, M. Jean Faure, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, souhaité par le Président de la République, constitue moins une rupture que l'aboutissement d'un processus débuté en 2002, lorsque la gendarmerie a été placée pour emploi auprès du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure ;

- cette réforme permettra de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie, d'assurer la coordination en matière de lutte contre la délinquance et d'améliorer ainsi la protection des Français ;

- le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'en soulève pas moins des préoccupations au sujet de la préservation de son statut militaire et du dualisme policier ;

- les amendements proposés visent précisément à préserver le statut militaire de la gendarmerie, qui est une force armée relevant d'une direction générale autonome au sein du ministère de l'intérieur, et à conforter le dualisme policier et, en particulier, celui de la police judiciaire et le principe du libre choix du service enquêteur ;

- tout en étant rattachée organiquement au ministre de l'intérieur, la gendarmerie nationale restera placée sous l'autorité du ministre de la défense pour ses missions militaires et sous celles de l'autorité judiciaire pour ses missions judiciaires. En réalité, la gendarmerie nationale restera donc placée sous une triple tutelle, même si la tutelle prédominante ne sera plus exercée par le ministre de la défense, mais par le ministre de l'intérieur ;

- ce rattachement soulève cependant la question de la coexistence au sein d'un même ministère d'un système de représentation aussi différent que le syndicalisme policier et la concertation propre aux armées pour la gendarmerie. Une rénovation du système de concertation au sein de la gendarmerie apparaît donc nécessaire, notamment pour tenir compte des attributions du ministre de l'intérieur, mais cette rénovation doit se faire dans le respect du statut militaire afin de maintenir l'ancrage de la gendarmerie au sein du monde militaire. Ces règles relèvent pour l'essentiel du domaine réglementaire ;

- enfin, l'article 9 du projet de loi prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2009, parce qu'il a été élaboré à un moment où le calendrier parlementaire laissait présager une adoption avant la fin de l'année. S'il n'est pas inscrit avant la fin de l'année, un amendement sera nécessaire. Mais il paraît préférable d'attendre une date précise d'examen pour amender le texte du projet de loi sur ce point.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi.

Sur la proposition de M. Jean Faure, rapporteur, la commission a tout d'abord adopté un amendement modifiant l'intitulé du projet de loi afin de retenir une dénomination plus solennelle.

A l'article 1er, paragraphe 1 (attributions du ministre de la Défense), la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement de clarification rédactionnelle. M. Jean-Pierre Chevènement et M. Daniel Reiner ont fait part de leurs interrogations sur cette nouvelle rédaction.

A l'article 1er paragraphes 2 et 3 (missions de la gendarmerie nationale), la commission a adopté un amendement proposé par son rapporteur visant à réécrire les missions de la gendarmerie nationale, afin de préciser leur nature, notamment en matière de police judiciaire et sur sa participation aux opérations extérieures, et de conforter son ancrage territorial.

M. Jean-Louis Carrère, M. Jean-Pierre Chevènement et M. Hubert Haenel se sont félicités de ces précisions, en rappelant qu'elles étaient largement issues des dispositions du décret du 20 mai 1903.

Au paragraphe 4 de l'article 1er (rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur), les membres du groupe socialiste et du groupe CRC ont rappelé leur opposition au rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Les membres du groupe UMP et M. Jean-Pierre Chevènement ont apporté leur soutien à cette réforme.

M. Jean Faure, rapporteur, a précisé que le placement de la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur sera sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour les missions militaires de la gendarmerie et de l'autorité judiciaire pour ses missions judiciaires.

A son initiative, la commission a adopté un amendement visant à préciser que l'exercice de la police judiciaire par la gendarmerie s'exerce sous la direction de l'autorité judiciaire.

Puis la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur et à l'unanimité, un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er (principe du libre choix du service enquêteur) visant à reprendre dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par le procureur et le juge d'instruction, qui figure actuellement dans la partie réglementaire de ce code.

A l'article 2 (suppression de la procédure de réquisition), M. Jean Faure, rapporteur, a présenté un amendement visant à encadrer le recours à des moyens militaires spécifiques et l'usage des armes au maintien de l'ordre par une nouvelle procédure d'autorisation dont les conditions seraient fixées par décret en Conseil d'Etat.

M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que ce décret devrait préciser non seulement les conditions de forme, mais encore définir les moyens et les armes visés.

M. Daniel Reiner a déclaré que le maintien de la procédure de réquisition constituait un point dur pour le groupe socialiste qui était opposé à sa suppression.

M. Jean Faure, rapporteur, a souligné qu'il serait paradoxal que le ministre de l'intérieur soit contraint de réquisitionner des forces dont il dispose juridiquement et il a rappelé que la procédure de réquisition ne s'appliquait pas à la gendarmerie départementale pour sa mission de sécurité publique.

M. Hubert Haenel a considéré qu'il était nécessaire de conserver un minimum de formalisme pour l'emploi de la force par la gendarmerie au maintien de l'ordre.

La commission a alors adopté cet amendement, le groupe socialiste et le groupe CRC votant contre.

M. Jean Faure, rapporteur, a ensuite présenté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2, visant à étendre à la police nationale, notamment aux compagnies républicaines de sécurité, la nouvelle procédure d'autorisation pour l'usage des armes au maintien de l'ordre, prévue à l'article précédent pour la gendarmerie.

M. Jean Faure, rapporteur, a souligné que cet amendement constituerait une avancée sensible en matière de respect des libertés publiques, les policiers pouvant actuellement faire usage de leurs armes, dans le cadre du maintien de l'ordre, sur simple ordre verbal.

La commission a alors adopté cet amendement.

A l'article 3 (renforcement des pouvoirs des préfets), M. Jean Faure, rapporteur, a présenté un amendement visant à encadrer le rôle directeur des préfets à l'égard de la gendarmerie.

Rappelant que le projet de loi propose de placer formellement les commandants locaux d'unités de la gendarmerie sous l'autorité des préfets, le rapporteur a fait part de ses préoccupations au regard du principe d'obéissance hiérarchique qui est consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie, mais aussi concernant les missions judiciaires et le respect des zones de compétence de la police et de la gendarmerie.

Le rapporteur a indiqué que cette question n'était pas nouvelle et il a cité, à cet égard, une note de Napoléon Bonaparte adressée au ministre de la police de l'époque, dans laquelle il est déjà question des relations délicates entre les préfets et la gendarmerie.

L'amendement vise donc à ne pas retenir la phrase du projet de loi d'après laquelle les commandants d'unités de la gendarmerie sont placés sous l'autorité des préfets, tout en conservant la rédaction actuelle selon laquelle ils doivent rendre compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. Cet amendement vise aussi à préciser que le rôle directeur du préfet ne s'applique qu'en matière de sécurité et d'ordre public et qu'il ne s'exerce que sur les responsables départementaux des unités de gendarmerie.

Après que M. Josselin de Rohan, président, eut fait part de son accord avec l'argumentation présentée par le rapporteur, la commission a adopté à l'unanimité l'amendement proposé par le rapporteur.

L'article 4 (allongement des limites d'âge des sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie) a été adopté sans modification.

A l'article 5 (dispositions particulières au personnel de la gendarmerie), la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, deux amendements rédactionnels et un amendement visant à renforcer l'obligation de logement en caserne.

La commission a également adopté, sur proposition de son rapporteur, quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5 portant sur la réserve de la gendarmerie. Les trois premiers amendements visent à remplacer le ministre de la défense par le ministre de l'intérieur pour certains actes, comme l'appel de réservistes en cas d'urgence. Ils ont été adoptés par la commission, les membres du groupe socialiste et du groupe CRC votant contre. Le quatrième amendement vise à permettre le cumul de l'exercice d'un mandat électoral et l'engagement à servir dans la réserve opérationnelle, étant entendu que l'élu concerné ne pourra s'engager comme réserviste qu'en dehors de sa circonscription, pour ne pas porter atteinte au principe hiérarchique. Il a été adopté à l'unanimité par la commission.

A l'article 6 (transfert de compétences au ministre de l'intérieur en matière de gestion des ressources humaines), la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement rédactionnel.

Puis la commission a adopté deux amendements présentés par le rapporteur tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 6 portant respectivement sur le recrutement et les élèves des écoles de la gendarmerie.

A l'article 8 (abrogation du décret du 20 mai 1903), M. Daniel Reiner s'est interrogé sur les conséquences éventuelles de l'abrogation du décret du 20 mai 1903 sur les règles déontologiques applicables à la gendarmerie. En réponse, M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué que la quasi-totalité des dispositions du décret du 20 mai 1903 avaient soit été reprises dans des textes législatifs ou réglementaires, soit étaient devenues obsolètes. Concernant les règles déontologiques, il a indiqué que l'abrogation du décret du 20 mai 1903 était sans conséquence, les gendarmes étant soumis à de nombreuses règles liées à leur statut militaire ou à leur activité policière. Il a tenu à rappeler à cet égard que les manquements constatés à la déontologie étaient relativement rares au sein de la gendarmerie.

La commission a alors adopté, les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen votant contre, le projet de loi ainsi modifié.

PJLF pour 2009 - Mission Action extérieure de l'Etat et situation internationale - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Action extérieure de l'Etat ») et la situation internationale.

M. Josselin de Rohan, président, a accueilli M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, en rappelant que les engagements internationaux du ministre ne lui avaient pas permis d'être auditionné, comme prévu, le 9 octobre dernier sur la situation dans le Caucase, et notamment le conflit en Géorgie. Il a donc précisé que la commission entendra le ministre sur le budget pour 2009, puis abordera la situation internationale, extrêmement riche, avec une priorité donnée à la crise géorgienne. Cette réunion pourra être l'occasion d'évoquer également l'évolution du dossier de l'Union pour la Méditerranée, les relations israélo-palestiniennes auxquelles la commission est particulièrement attentive après la mission effectuée par le groupe d'étude que préside Mme Monique Cerisier-ben Guiga, et au moment où M. Jean François-Poncet, accompagné de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, est chargé d'une mission d'information sur les problématiques du Proche et du Moyen-Orient. Il a souhaité que soient évoquées nos relations avec la Turquie, où Mme Catherine Tasca et lui-même se sont récemment rendus, et où ils ont pu constater l'incompréhension et la déception de l'exécutif et du Parlement, au plus haut niveau, face aux positions prises par la France.

S'agissant du budget, il a rappelé que M. Alain Juppé, dans le Livre blanc sur la politique étrangère, constatait que les moyens financiers et humains consacrés au ministère, et donc, à une politique étrangère et européenne qui se veut globale et ambitieuse, comme y invite l'histoire, la stature internationale et le rôle de la France comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, atteignaient un niveau d'étiage. Se déclarant favorable à cette approche, M. Josselin de Rohan, président, a constaté que, dans le cadre pluriannuel qui est celui désormais de la programmation des finances publiques, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes verra ses crédits légèrement augmenter durant la période 2009-2011, mais que cette hausse ne sera vraisemblablement pas suffisante pour couvrir l'augmentation des contributions internationales et les dépenses nouvelles. M. Josselin de Rohan, président, s'est donc interrogé sur les éléments qui risquent de constituer la nécessaire variable d'ajustement, et, notamment, sur le financement de notre réseau culturel, vecteur fondamental d'influence et de défense de la francophonie.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord précisé le contenu de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Il a rappelé qu'elle regroupait les moyens des réseaux diplomatiques, consulaires, ceux de l'action culturelle dans les pays développés, les contributions internationales de la France au système des Nations unies et aux institutions européennes, les crédits en faveur des Français à l'étranger comme les bourses, et l'action sociale, et ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Il a ajouté que le reste des crédits de coopération culturelle relevait de la mission « Aide publique au développement », dont ils sont une composante essentielle.

Il a indiqué que la mission « Action extérieure de l'Etat » ne comprenait pas les crédits de l'action audiovisuelle extérieure, désormais placée sous l'autorité du Premier ministre, ni les crédits d'aide publique au développement du ministère des affaires étrangères, qui sont intégrés dans la mission interministérielle d'aide publique au développement, ni les crédits de la Présidence française de l'Union européenne, qui font l'objet d'un programme spécifique.

Il s'est félicité de la progression de son budget de 7 % durant la période 2009-2011 : cette augmentation correspond à un effort global de plus grande sincérité budgétaire, qui conduit à mieux retracer l'état des charges réelles qui pèsent sur le budget, notamment pour les opérations de maintien de la paix (OMP), qui bénéficient de 40 millions d'euros supplémentaires, et de l'inscription d'une mesure de 120 millions d'euros correspondant aux droits à pension des personnels de l'AEFE. Le respect des promesses politiques, avec la gratuité de la scolarisation des élèves français à hauteur de 20 millions d'euros de moyens supplémentaires les bourses, sera étendue, en 2009, à la classe de seconde.

M. Bernard Kouchner a fait valoir que ce budget était la traduction de l'engagement du ministère des affaires étrangères et européennes pour une réforme ambitieuse de son administration centrale et de son réseau. Dans les prochains mois, l'administration centrale va se moderniser et se recentrer sur des fonctions stratégiques, avec la création d'un centre de crise, mis en service le 1er juillet 2008, et doté de 50 agents, qui permettra au ministère d'être plus présent et réactif. La création en cours d'une direction générale de la mondialisation, et la nouvelle organisation parisienne du ministère, qui sera regroupé en trois sites principaux, situés rue de la Convention, quai d'Orsay et à La Courneuve, à compter d'avril 2009, constituent également des facteurs de renouveau. Il s'est félicité, à ce propos, de ce que cette opération immobilière se soit faite à coût nul pour l'Etat, et au prix du marché pour les cessions d'immeubles, notamment ceux de la rue La Pérouse et de la rue Monsieur.

Il a constaté que les opérateurs se transformeront avec l'évolution de Cultures France, la création d'un opérateur « mobilité », unique, chargé de gérer les programmes de mobilité et d'expertise et l'amélioration de la tutelle politique et stratégique sur l'Agence française de développement et l'audiovisuel extérieur.

M. Bernard Kouchner a souligné la mutation en cours du réseau à l'étranger, entreprise pour mieux répondre aux nouveaux enjeux stratégiques. Elle se traduira par une nouvelle répartition des ambassades, selon qu'elles continuent à exercer des missions élargies, qu'elles soient chargées de définir des missions prioritaires, ou de se concentrer sur un petit nombre de missions spécifiques. Il a souligné, sur ce point, qu'il ne s'agissait pas de distinguer des « grands postes » et des « petites ambassades ». La modernisation du réseau consulaire se poursuivra, avec notamment la transformation en cours des consulats européens. La réorganisation des dispositifs de diplomatie d'influence et d'aide publique au développement, sur le terrain, se traduira par la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des centres culturels au sein d'une structure unique à autonomie financière, dans chaque pays.

La modernisation de l'outil diplomatique dans toutes ses composantes permettra de rendre 700 emplois durant les trois prochaines années, représentant près de 28  millions d'euros d'économies de masse salariale. En contrepartie, M. Bernard Kouchner est parvenu à sanctuariser les moyens de fonctionnement du ministère des affaires étrangères et européennes autour de 750 millions d'euros pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde », après plusieurs années d'appauvrissement, et obtenu du Président de la République de réaffirmer l'universalité du réseau diplomatique, qui constitue un atout formidable pour la France.

Puis M. Bernard Kouchner a constaté que ce projet de budget n'offrait pas que des motifs de satisfaction, car certains de ses moyens d'action voient leur niveau diminuer de façon préoccupante. Il s'agit, en particulier, des crédits alloués à la coopération militaire et de défense, dont les moyens d'intervention vont baisser à nouveau ; et des crédits d'influence culturelle, qui sont pourtant au coeur de notre outil diplomatique. Ainsi, au sein du programme « Rayonnement culturel et scientifique », la coopération à destination des pays de la zone OCDE voit ses moyens réduits de - 13 %.

En revanche, M. Bernard Kouchner a précisé avoir demandé que le montant des bourses, outil majeur de notre politique d'attractivité, et les subventions aux opérateurs culturels, que sont les Alliances française et CulturesFrance, soient préservés.

Il a insisté sur la nécessité de trouver des réponses aussi opérationnelles que possible à cette diminution, comme le développement d'une politique de partenariat, la réforme de l'organisation locale culturelle pour dégager autant de marges de manoeuvre que possible, grâce au basculement des services culturels dans des EspacesFrance autonomie financière, qui auront en charge l'animation de notre coopération dans toutes ses composantes, linguistique, universitaire et scientifique.

M. Bernard Kouchner a fait valoir que dans un contexte budgétaire tendu, le relais et l'aide du Parlement lui sont indispensables, avec l'expression de sa confiance pour mener à bien la réforme de la diplomatie, réforme de grande ampleur, décisive pour l'avenir, et qui demande un effort continu. Ce projet nécessite que le ministère des affaires étrangères et européennes mette notamment en place un dispositif de deuxième carrière pour dynamiser la gestion de son encadrement supérieur. La mise en oeuvre de cette réforme nécessite le concours du Parlement pour son aspect législatif.

Il a souligné la nécessité de préserver le formidable outil que constitue le réseau de lycées français à l'étranger et, à travers lui, l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE). Cette agence se trouve dans une situation financière délicate, car il lui faut gérer, à la fois, la prise en charge de la gratuité pour les élèves du lycée, voulue par le Président de la République, le transfert de la charge des pensions sur son budget et le maintien, voire le développement, de son réseau.

M. Bernard Kouchner a souhaité également souligner l'importance des crédits d'aide bilatérale en faveur du développement, qui connaissent une réduction significative en matière d'aide-projet, l'aide multilatérale augmentant, pour sa part. Même dans la crise, il convient que la France n'oublie pas les plus démunis, et, singulièrement, l'Afrique.

En conclusion, M. Bernard Kouchner a fait état des deux sujets de satisfaction que constituaient pour lui le climat de coopération qui prévaut dans ses relations avec le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, avec un partage des tâches rationnel et efficace de la politique de visas. La Présidence française de l'Union européenne est, sans conteste, un succès diplomatique qui doit être mis au crédit notamment des agents du ministère des affaires étrangères. Ils déploient tous les jours des trésors d'énergie et de dynamisme pour animer ce moment si important pour la France. Ainsi, le budget voté pour l'an 2008 devrait être tenu, sans qu'un seul emploi n'ait été créé au ministère des affaires étrangères et européennes, qui a su relever ce défi de taille.

A l'issue de l'exposé du ministre, un débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. André Trillard a souhaité connaître les critères qui seront utilisés pour répartir nos ambassades en trois catégories, comme le recommandait le Livre blanc sur la politique étrangère de la France rédigé par MM. Alain Juppé et Louis Schweizer, ainsi que le calendrier d'application de cette nouvelle organisation de notre réseau diplomatique et ses modalités de communication, d'une part, aux personnels du ministère des affaires étrangères et européennes, d'autre part, aux commissions compétentes du Parlement. Puis il a également interrogé le ministre sur les opérations de maintien de la paix engagées par l'ONU et auxquelles la France participe, et s'est enquis des modalités de leur financement, qui ne peut être assuré, en l'état, par le projet de budget pour 2009.

M. Robert del Picchia a approuvé la réforme de notre réseau diplomatique et l'évolution de notre réseau consulaire, qui doit en effet être réduit en Europe pour accompagner les expatriés français dans les pays émergents où ils s'installent en grand nombre, comme l'Inde ou la Chine. Il s'est également félicité de la création d'un centre de crise au sein du ministère, mais a souhaité savoir pourquoi ce centre n'était pas financé par le programme « Français de l'étranger et action consulaire ».

Puis il a abordé la prise en charge, par le ministère des affaires étrangères et européennes, des frais de scolarité des élèves français inscrits dans les établissements de l'AEFE, et s'est déclaré favorable à une stabilisation de cette prise en charge aux trois seules classes de lycées. Il a estimé également opportun que cette prise en charge soit soumise à un double plafonnement, d'une part, en fonction du niveau des revenus des parents et, d'autre part, du niveau des frais pris en charge.

Il a constaté que l'AEFE avait augmenté de 6 % en moyenne les frais de scolarité à la rentrée 2008, et a déploré que cette augmentation soit souvent présentée comme la conséquence de la gratuité accordée aux élèves français des trois classes de lycées, alors qu'elle découle surtout du transfert, à cet organisme, des charges de pension des personnels enseignants expatriés, auparavant acquittées par le ministère de l'éducation ; il a donc souhaité qu'un communiqué de l'AEFE puisse dissiper les éventuels malentendus sur ce point. Enfin, il a évoqué la transformation de la DGCID (direction générale de la coopération internationale et du développement) en une direction générale de la mondialisation, et a souhaité en connaître les modalités.

M. Josselin de Rohan, président, a fait valoir que la gratuité des frais de scolarité récemment instaurée comportait, en effet, des effets pervers, car elle favorisait abusivement les parents disposant de revenus élevés, et défavorisait, en revanche, les familles étrangères, dont les enfants risquent de subir un effet d'éviction et dont les frais d'inscription sont maintenus. Il a indiqué que la commission entendait faire des propositions pour encadrer les effets de cette prise en charge.

M. Didier Boulaud a relevé la nécessité d'alléger notre dispositif d'opérations militaires extérieures (OPEX) qui pèsent pour environ 800 millions d'euros sur le budget du ministère de la défense et s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir ses troupes à leur niveau actuel au Sinaï, au Kosovo, en Côte d'Ivoire ou encore au Tchad, où 2 000 soldats français sont présents pour une opération qui relève plutôt d'une mission de gendarmerie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a constaté que notre personnel diplomatique, dont la qualité est incontestée, nourrissait de fortes inquiétudes sur son avenir. Elle a a également regretté l'augmentation de 6 % des frais d'inscription pratiqués par l'AEFE, relevant qu'elle constituait un minimum et qu'elle pouvait s'élever jusqu'à 25 %, comme au Togo. Evoquant le fonds mondial de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida, qui bénéficie d'une augmentation de 20 millions d'euros en 2009, elle s'est interrogée sur l'opportunité d'une telle croissance ; elle a pris l'exemple du Cambodge, où pas moins de 400 centres d'information sur le sida sont financés par la Banque mondiale, alors que l'institut Pasteur manque de vaccins contre la rage, maladie répandue dans ce pays.

Elle a fait état d'un autre crédit de 20 millions d'euros débloqué par l'Union européenne pour lutter contre la grippe aviaire, estimant que cet argent risquait d'être mal utilisé faute de postes d'assistants techniques.

Enfin, elle a vivement déploré la baisse des crédits d'action sociale enregistrée par la direction des Français de l'étranger.

Evoquant le récent colloque organisé à Mexico sur la lutte contre le sida, dont la France est le deuxième contributeur, M. Michel Guerry a déploré que notre pays n'ait pu y être représenté au niveau ministériel. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la possibilité, pour nos ambassadeurs, de défendre des projets bilatéraux financés sur les crédits multilatéraux.

M. Jean-Louis Carrère s'est étonné du décalage, qu'il constatait, entre les recommandations contenues dans le Livre blanc sur la diplomatie et le projet de budget pour 2009 du ministère des affaires étrangères. Il s'est étonné que le ministre fasse état d'une hausse de ses crédits de 7 %, alors que ses propres services précisent que ce budget a baissé en valeur de 1,53 % depuis 2000, et qu'il ne représente aujourd'hui qu'1,37 % du budget de l'Etat.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les recommandations contenues dans le Livre blanc doivent être appliquées avec pragmatisme, particulièrement dans le contexte budgétaire actuel ; il convient en particulier de maintenir l'effort en faveur du développement ;

- le Livre blanc conduit à moduler notre présence à l'étranger en fonction de nos priorités, et à réorganiser notre réseau diplomatique afin que la dimension interministérielle y soit totalement prise en compte. Un plan triennal sera proposé dans les prochaines semaines, pour la répartition des ambassades en trois groupes prenant en compte les missions qu'elles auront à assumer, et celle des moyens qui leur seront alloués ;

- le fonctionnement du réseau britannique est différent du nôtre. Il a subi des ajustements importants s'agissant à la fois de ses implantations et de ses personnels. Ainsi, certaines ambassades ont été supprimées, et la plupart des logements des personnels diplomatiques sont localisés dans des bâtiments privés, loués par le Foreign Office. Notre pays dispose du deuxième réseau diplomatique au monde, après celui des Etats-Unis et n'a pas choisi les mêmes méthodes que celles des Britanniques ;

- la France contribue, par l'envoi de troupes, à 11 des 16 OMP (opérations au maintien de la paix) décidées par l'ONU ; elle participe ainsi à la protection des populations les plus vulnérables. La situation prévalant en République démocratique du Congo dans la région du Kivu, où près d'un million de réfugiés errent de camp en camp, justifie une intervention de la communauté internationale ;

- il est souhaitable, en effet, de réduire notre présence militaire dans certains pays, comme le Kosovo ou la Bosnie, ou encore la Côte d'Ivoire dès que les élections présidentielles y auront été organisées. Quant à EUFOR-Tchad, sa mission prend fin en mars 2009 et doit être relayée par une opération sous drapeau de l'ONU, à laquelle les troupes actuellement sur place pourront éventuellement participer selon des modalités encore à déterminer ;

- la France est au 5rang des contributeurs financiers des OMP, avec 380 millions d'euros en 2008 ; la gestion de 2008 du ministère des affaires étrangères et européennes laisse subsister un besoin de financement de l'ordre de 70 millions d'euros à ce jour qui sera couvert en loi de finances rectificative 2008 ;

- le réseau consulaire français sera réduit en Europe au bénéfice de pays émergents : ainsi, 4 nouveaux consulats ont été récemment ouverts en Inde, Chine, Russie et au Kurdistan d'Irak. Ce mouvement devra évidemment être poursuivi ;

- il convient donc de moduler cette prise en charge de la gratuité dans les établissements français en fonction des deux critères évoqués par M. del Picchia, et de développer l'attribution de bourses et d'aides, ainsi que le concours des entreprises implantées à l'étranger. Le coût de cette gratuité est estimé à 20 millions d'euros par classe, soit un montant de 45 millions d'euros en 2008 ;

- le centre de crise est effectivement financé pour l'instant par les programmes 105, au titre de son rattachement au Secrétariat général du ministère et 209, qui regroupe les crédits de l'action humanitaire d'urgence ;

- l'actuelle DGCID est appelée à se fondre dans une nouvelle organisation, comportant une direction générale de la mondialisation qui comportera quatre pôles : économie mondiale et stratégie de développement, biens publics mondiaux, mobilité et attractivité, culture et langue françaises. Dans ce dernier pôle, la dimension religieuse sera prise en compte de manière beaucoup plus efficiente qu'aujourd'hui ;

- les 140 agents, qui seront affectés, au ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du codéveloppement, resteront gérés par le ministère des affaires étrangères et européennes ;

- les 300 millions d'euros affectés au fonds mondial de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida sont un engagement majeur de notre pays ; leur utilisation, variable suivant les pays, a globalement permis des résultats très importants ;

- la lutte contre la rage passe par une vaccination peu coûteuse ; le réseau des instituts Pasteur, qui reçoivent une subvention de l'Etat, et sont des établissements de grande qualité, peut donc y faire face ; il existe un projet important de l'agence française de développement en cours dans le Sud-Est asiatique en matière de santé ;

- la France était notamment représentée au congrès de Mexico par le directeur de l'agence nationale française pour la recherche contre le sida et les responsables de nombreuses organisations, le SIP Esther ou des ONG importantes. Un message du Président Nicolas Sarkozy y a été lu par notre ambassadeur chargé de la lutte contre le sida ;

- la France contribue à hauteur de 24,5 % au financement du fonds européen de développement (FED). Il est certain que les financements multilatéraux sont plus difficiles à valoriser par notre pays que les projets bilatéraux ; pour tenir compte de cette difficulté, la participation française au FED se réduira à 19 % pour le du 10e FED.

S'exprimant ensuite sur la crise géorgienne, le ministre en a rappelé la genèse et a souligné que si l'intervention du 7 août était le fait de l'armée géorgienne, les Russes avaient répondu de façon très disproportionnée.

Grâce à l'action de la France, présidente de l'Union européenne, un cessez-le-feu a été imposé le 12 août 2008. Le jour suivant, les ministres des affaires étrangères des Etats membres de l'Union européenne ont approuvé les conclusions proposées par la présidence française. Le plan en six points, signé par les Présidents Nicolas Sarkozy, Dimitri Medvedev et Mikheïl Saakachvili a ensuite été endossé par le Conseil européen.

M. Bernard Kouchner a ensuite estimé qu'il y avait eu des provocations des deux parties, héritages d'une histoire régionale complexe et violente.

Il a considéré que l'accord en six points avait été globalement respecté, même si la vallée d'Akhalgori, qui n'appartenait pas à l'Ossétie historique, n'a pas été évacuée à ce jour.

Il a rappelé que moins de trois semaines s'étaient écoulées entre la signature de l'Accord et le déploiement de plus de 300 observateurs originaires de 21 pays de l'Union européenne.

Il s'est félicité de l'unité préservée de la position européenne, malgré les opinions contrastées des Etats membres. Il a indiqué que les pourparlers entamés à Genève entre les belligérants devraient se poursuivre le 18 novembre 2008.

Il a noté le changement de premier ministre en Géorgie et a souligné que l'opposition géorgienne, qui avait dans un premier temps soutenu l'action du président dans la crise, était aujourd'hui plus critique.

Il a estimé en conclusion que le règlement de cette crise serait très long.

M. Didier Boulaud a rappelé les réserves qu'avait exprimées la France lors du sommet de Bucarest à l'égard de l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN. Il a souhaité savoir si la position française, qu'il avait alors approuvée, serait maintenue lors du prochain sommet de l'OTAN, alors même que la future administration américaine, quelle qu'elle soit, continuerait certainement à soutenir l'ouverture du plan d'action pour l'adhésion à ces deux pays.

M. Bernard Kouchner a indiqué que la décision revenait au Président de la République mais que la motivation des réserves françaises, comme des autres pays fondateurs de l'Europe, demeurait.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la France avait annoncé lors du dernier sommet de l'OTAN à Bucarest que sa participation totale à l'OTAN serait liée à des avancées substantielles de la politique européenne de sécurité et de défense. Or, pour nombre de ses partenaires, la réintégration de la France semble acquise et ce, alors que la défense européenne ne semble pas, quant à elle, progresser. En outre, la France semble peu présente dans la réflexion sur la révision du concept stratégique de l'OTAN, qui fait l'objet d'études par des « think tanks » américain, fédérés par l'université John Hopkins.

M. Bernard Kouchner a indiqué que la défense européenne avait fait l'objet, aujourd'hui même, d'une communication conjointe avec le ministre de la défense en Conseil des ministres. Il a considéré que le Conseil européen de décembre 2008 marquerait des avancées importantes pour la politique européenne de sécurité et de défense. Pour ce qui concerne la réintégration de la France à l'OTAN, la position exprimée par le Président de la République n'a pas changé et aucune décision n'a encore été prise ; elle le sera lors du prochain sommet de l'OTAN de Strasbourg- Kehl.

M. Didier Boulaud a observé que la délégation aux affaires stratégiques du ministère de la défense disposait de crédits d'études qui pourraient utilement être utilisés à la réflexion sur cette révision du concept stratégique de l'OTAN.