Mardi 4 novembre 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

PJLF pour 2009 - Audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Après que M. Jean-Paul Emorine, président, lui a dit le plaisir qu'il avait eu à se trouver à ses côtés à Bruxelles, le matin même, pour la réunion des commissions « agriculture » des Parlements des Etats membres de l'Union européenne et du Parlement européen, consacrée à la politique agricole commune (PAC) et la sécurité alimentaire dans le monde, M. Michel Barnier, s'est félicité de l'initiative de cette conférence, qu'il a qualifiée d'originale et d'intéressante.

Replaçant dans leur contexte général les crédits consacrés à l'agriculture au sein du projet de loi de finances pour 2008, il a évoqué les crises à répétition affectant le secteur, la malnutrition et les risques de pénuries alimentaires dans certaines régions du monde, les conséquences de la crise financière sur l'économie agricole, les répercussions du réchauffement climatique sur les productions agricoles, ou encore les risques sanitaires.

Soulignant qu'il était le seul ministre du Gouvernement dont le secteur n'était plus géré à échelle nationale, mais quasi intégralement européenne, il a rappelé que le budget de la PAC pour la France s'élevait à 10 milliards d'euros, dont 9 pour le premier pilier et 1 pour le second.

S'agissant du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2009, il a précisé qu'exprimés en crédits de paiement, les crédits affectés à la seule mission agriculture s'établissaient à 3,489 millions d'euros, en hausse de 2,72 %. L'ensemble du budget de l'agriculture s'élève quant à lui à 5,042 milliards d'euros, y compris l'enseignement et la recherche.

Les autorisations d'engagement, a-t-il poursuivi, représentent 4,8 milliards d'euros en 2009 et sont en diminution de 6,7 %, cette baisse étant principalement liée au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), dont l'essentiel des contrats a été engagé sur cinq ans, en 2008, pour un montant de 450 millions d'euros.

Les crédits d'intervention s'établissent à 2,191 milliards d'euros pour 2009, soit une augmentation de 7,4 %.

Indiquant avoir travaillé, depuis 18 mois, à un nouveau modèle agricole durable, avec l'ensemble des acteurs, M. Michel Barnier a décliné cette notion de durabilité en plusieurs éléments :

- le renouvellement des générations et le soutien de l'installation des jeunes agriculteurs : malgré le contexte budgétaire contraint, le montant des crédits accordés à ces soutiens est en hausse significative pour 2009 (13,3 %), à 149 millions d'euros. Ils permettront de mettre en place le nouveau plan de professionnalisation personnalisé (PPP) dès 2009, et de garantir une enveloppe de prêts bonifiés à l'installation stabilisée à hauteur de 130 millions d'euros par an (part Etat + Fonds européen agricole de développement rural - Feader) sur la période 2009-2011. La dotation aux jeunes agriculteurs est à la fois stabilisée dans la durée et adaptée pour répondre à l'accroissement du nombre d'installations attendu ;

- la recherche et l'enseignement : si les programmes correspondant ne relèvent pas de la mission « agriculture », ils font l'objet de priorités ministérielles. Dans ce cadre, les établissements d'enseignement supérieur ont été regroupés au sein de grands pôles, avec le transfert, d'ici 2012, d'Agrosparistech sur le plateau de Saclay. Le coût total, qui a été évalué à 300 millions d'euros, sera financé pour partie par le plan Campus. Par ailleurs, des moyens sont affectés à la réforme des diplômes ainsi qu'à l'élaboration de nouveaux programmes prenant en compte les priorités dégagées lors du « Grenelle de l'environnement ». Le nouveau schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole fixera les grandes orientations pour les cinq prochaines années autour de trois axes : la formation et l'orientation, l'innovation, le pilotage ;

- la mise en oeuvre des engagements du « Grenelle de l'environnement » : tout d'abord, le plan « agriculture biologique : horizon 2012 » dégage une enveloppe de 12 millions d'euros par an pour la conversion à l'agriculture biologique, avec pour objectif de tripler les surfaces y étant consacrées et d'atteindre 6 % en 2012. Il a également été décidé de créer un fonds de structuration des filières de 3 millions d'euros par an sur 5 ans, au sein de l'agence bio, et de mobiliser le fonds d'intervention des industries agroalimentaires pour soutenir la transformation en produits d'agriculture biologique.

En second lieu, le plan « écophyto 2018 » tend à réduire de 50 % l'usage des phytosanitaires, dans un délai de dix ans si possible, et à retirer du marché les substances les plus dangereuses en fonction de leur substituabilité. Mis au point par M. Guy Paillotin, ancien directeur de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui a associé l'ensemble des acteurs concernés pendant plusieurs mois, ce plan sera financé par une majoration de la redevance prélevée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires. Le produit de cette augmentation -soit 33 millions d'euros pour 2009- sera versé à l'office France Agrimer et reviendra aux exploitants par le biais des mesures du plan qui leur sont destinées.

Enfin, sera mis en place, dans 100.000 exploitations, un plan de performance énergétique, auquel sera affectée une partie de la redevance versée sur les produits phytosanitaires. Son objectif, inscrit dans le projet de loi « Grenelle 1 », est ambitieux puisqu'il vise à faire en sorte que 30 % des exploitations soient à faible dépendance énergétique d'ici 2012 ;

- une politique plus équitable et solidaire pour une agriculture durable impliquant la solidarité entre les générations : M. Michel Barnier a indiqué s'être attaché à défendre les retraites des agriculteurs, même si elles ne figurent pas dans son budget. Ont été ainsi recherchées la réduction des situations de pauvreté, en particulier celles des veuves, ainsi que la garantie des mêmes droits à tous, quelle que soit la date de la retraite. Le montant minimum de retraite a été aligné sur celui du minimum vieillesse (633 euros pour les agriculteurs et pour les veuves, et 506 euros pour les conjoints), et rendu proportionnel à la durée de cotisation pour les carrières incomplètes ; 233 000 personnes bénéficieront ainsi d'une amélioration de leur retraite, dont 70 % de veuves. Le ministère a également obtenu la réversion pour les veuves de la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par leur conjoint. Cette mesure de 40 millions d'euros sera mise en oeuvre en 2010 et permettra d'améliorer la situation de 64 000 veuves. Enfin, le fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) va bénéficier de la garantie de l'Etat ;

- une pêche durable et économiquement viable : dans le budget pour 2009, les crédits « pêche » passent de 60 à 162 millions d'euros, un réajustement étant prévu les années suivantes. Cette hausse répond à la mise en oeuvre du plan pour une pêche durable et responsable, décidée en janvier 2008 par le Gouvernement. Son financement de 310 millions d'euros, initialement prévu sur trois ans, a été accéléré sur deux ans, à la suite de l'aggravation de la crise au premier trimestre de 2008. En 2009, 129 millions d'euros seront consacrés, en particulier, au plan de sauvetage et de restructuration de la flotte, aux contrats bleus et à l'amélioration de la collecte des données scientifiques. Ce plan vise enfin à mieux coordonner les contrôles dans le cadre communautaire.

Evoquant ensuite les outils d'une politique durable et, à ce titre, la modernisation de ses services, M. Michel Barnier s'est félicité de diriger un ministère dont le secteur est entièrement organisé par les organisations professionnelles. Faisant observer qu'il avait engagé un partenariat avec ces dernières, mais également avec les départements et régions, auxquels avait été demandé un diagnostic pour coordonner les relations avec son ministère, il a souhaité distinguer les mesures prises au niveau central et aux échelons déconcentrés :

- le projet d'un grand ministère de l'alimentation, du développement rural, de l'agriculture, de la forêt et de la pêche à l'horizon du 1er janvier 2009 a imposé un resserrement de l'administration centrale pour gagner en efficacité face aux défis nouveaux. Cette réorganisation est opérationnelle depuis le 1er juillet 2008, début de la présidence française de l'Union européenne. Elle repose principalement sur une réduction du nombre de directions, avec la création de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT), ainsi que sur la création d'un service de la prospective ;

- s'agissant des opérateurs nationaux, le regroupement de l'Agence unique de paiement (AUP) et du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea) dans une nouvelle agence de paiement doit permettre de simplifier et d'accélérer les conditions de paiement des aides. En outre, ont été rassemblés cinq offices agricoles (à l'exception de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer - ODEADOM) en un seul établissement, FranceAgriMer, les conseils spécialisés par filière étant toutefois maintenus afin d'assurer une bonne prise en compte de leurs enjeux propres ;

- relais crucial de la politique du ministère, l'échelon régional verra, le 1er janvier 2009, la création d'une nouvelle direction, aux compétences transversales et élargies, qui constituera l'échelon régional de l'office unique ;

- pour ce qui est de l'échelon départemental, la fusion des directions de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et de celles de l'équipement (DDE) sera généralisée en vue de donner naissance aux directions départementales de l'équipement et de l'agriculture (DDEA). A compter de 2010, ces dernières préfigureront les nouvelles directions départementales des territoires (DDT), dont elles constitueront le pivot essentiel. Il s'agit d'apporter des réponses globales à des enjeux indissociables, comme ceux de l'agriculture, du développement durable, de l'urbanisme et de l'environnement. Quant aux missions aujourd'hui assurées par les directions départementales des services vétérinaires, elles seront exercées au sein d'une nouvelle direction départementale de la population et de la cohésion sociale (DDPCS). Ainsi, les services du ministère constitueront l'ossature des deux directions placées sous l'autorité du préfet de département.

Cette réforme, qui devrait permettre de dégager 39 millions d'euros dès 2009, se traduira par des réductions d'effectifs. Pour le ministère, 550 postes d'agents titulaires et 100 postes de vacataires sont supprimés en 2009, qu'il s'agisse de l'administration centrale ou des services déconcentrés, tandis que la baisse des effectifs concernera 1.060 agents en trois ans pour les opérateurs.

Evoquant enfin la PAC, M. Michel Barnier a rappelé qu'il s'agissait d'une politique gérée à la majorité qualifiée -255 des 345 voix au sein du Conseil-, la France disposant de 27. Faisant observer que la réforme de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole avait finalement été votée à l'unanimité, alors que le projet d'origine de la Commission européenne avait été perçu comme inacceptable, il a rappelé les deux sujets d'actualité concernant la PAC :

- son bilan de santé : la conclusion, attendue le 19 novembre, mettra à disposition des Etats membres une « boîte à outil » communautaire dont les déclinaisons seront ensuite prises au niveau national ;

- le débat sur l'après 2013 : initié par le Président de la République, il vise à discuter de l'avenir de la PAC avant que ne soient débattues ses prochaines perspectives budgétaires. La réunion qui a eu lieu à Annecy sur ce thème en septembre, si elle a fait apparaître une grande diversité d'approches, a cependant permis de constater qu'aucun Etat membre ne remettait en cause la nécessité d'une politique commune en matière agricole.

Un large débat s'est ensuite instauré.

Disant avoir apprécié, lors de la réunion interparlementaire de Bruxelles le matin même, les propos du ministre sur les besoins en matière de recherche et d'innovation, ainsi que ceux sur la sécurité alimentaire dans le monde, M. Gérard César, rapporteur pour avis, a souhaité obtenir plus de détails sur l'état en cours des négociations sur le « bilan de santé » de la PAC. Il a également questionné le ministre sur la fixation problématique du prix du lait au niveau national, ainsi que sur la réalisation du plan chablis.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, s'est inquiété de savoir si un effort de « vérité budgétaire » avait été réalisé par le ministère pour réintégrer dans son périmètre des dépenses qui en avaient été injustement exclues l'année passée. Il l'a également interrogé sur la réforme de l'équarrissage.

Approuvant l'idée d'un nouveau modèle pour une agriculture durable, M. André Lejeune a toutefois insisté sur les grandes difficultés que connaissent de nombreux agriculteurs et leurs attentes vis-à-vis de la conférence sur les revenus agricoles prévue le 12 novembre. Notant que le revenu agricole français avait augmenté globalement de 17 % en 2007, mais diminué de 27 % dans le Limousin, il a questionné le ministre sur le financement de l'équarrissage, de l'hydraulique agricole, des associations d'animation du monde rural et des prêts aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA).

Après l'avoir à son tour interrogé sur le « bilan de santé » de la PAC, la fixation du prix du lait et l'équarrissage, M. Marcel Deneux, tout en reconnaissant que le ministre bénéficiait d'une large crédibilité européenne et environnementale, a jugé qu'il aurait fort à faire pour rendre réellement durable notre modèle agricole. Il a cité, à cet égard, les défis que constituent la gestion de l'eau, la nouvelle orientation de l'enseignement vétérinaire ou encore les problématiques des énergies renouvelables en lien avec l'aménagement du territoire. A ce propos, il s'est félicité du rapprochement des DDAF et des DDE, et s'est interrogé sur l'avenir respectif de l'éolien terrestre et of shore. Appelant le ministre à poursuivre une politique de transparence, il a souligné que la recherche d'un modèle agricole moins productiviste impliquait d'accepter une diminution des exportations.

Insistant sur les obstacles à une réduction de moitié des intrants d'ici 2018, M. Rémy Pointereau a rapporté les efforts réalisés sur le terrain par les agriculteurs pour réduire les doses de traitement phytosanitaires. Pointant la dépendance de la France à l'égard des pays de l'Est et du Maghreb pour l'approvisionnement en engrais, et la difficulté à maintenir des prix accessibles, il a appelé les pouvoirs publics à soutenir la recherche, notamment sur les semences et leur amélioration génétique, et les industriels à investir davantage à l'étranger dans les intrants et produits phytopharmaceutiques. Témoignant de la nécessité d'une plus grande solidarité avec les éleveurs, il s'est interrogé sur le financement des associations d'animation du milieu rural.

En réponse, et après avoir souligné qu'il prenait soin d'adresser à de nombreux responsables politiques et administratifs, juste après qu'ils ont eu lieu, les compte-rendus des Conseils « agriculture », M. Michel Barnier a apporté les précisions suivantes :

- trois sujets restent en discussion sur le « bilan de santé » de la PAC. En premier lieu, la modulation obligatoire, à laquelle la France n'était pas favorable : elle devrait être finalement fixée à 4 ou 5 %, taux auquel on pourrait se rallier dès lors que la Commission semble accepter le principe d'un cofinancement communautaire plus élevé dans le second pilier et d'un élargissement des « nouveaux défis » finançables dans ce cadre. En deuxième lieu, les quotas laitier, que la France a souhaité conserver : mise en minorité sur ce sujet, elle a exigé des mesures transitoires d'accompagnement et de contractualisation au bénéfice des éleveurs. Les modalités d'utilisation de l'article 68, enfin : sa rédaction actuelle devrait permettre de redistribuer des soutiens directs depuis les productions économiquement viables vers celles connaissant des difficultés, telles que l'élevage ovin, ainsi que de soutenir le développement de l'assurance récolte ;

- l'objectif de consacrer 7 % des terres agricoles aux biocarburants en 2012, et donc 93 % aux productions alimentaires, semble raisonnable ;

- le ministère a cherché et réussi à rétablir un cadre national pour la fixation du prix du lait, et à consolider l'interprofession ;

- si le plan « chablis » vient à terme en 2009, des difficultés demeurent dans certaines régions. Une étude sur ce sujet a été rendue, concernant la forêt privée comme la forêt publique ;

- conformément à l'engagement pris en 2008, le budget réintègre la diminution de 50 millions d'euros des crédits des offices. Les 700 millions d'euros de dépenses non financées, mises en évidence par l'audit commandée par Mme Christine Lagarde lorsqu'elle était ministre de l'agriculture, ont été depuis ramenés à 480 ;

- l'Etat a engagé la réforme de l'équarrissage en 2005. Les transferts de charge réalisés ont permis d'économiser 25 à 30 % des frais occasionnés. L'Etat assurera le service public du ramassage des animaux morts trouvés sur la voie publique et de l'équarrissage dans les départements d'outre-mer, un amendement en ce sens étant prévu au projet de loi de finances. De plus, les 12 millions d'euros de dette des éleveurs pourraient être reprises par l'Etat ;

- l'élevage est en crise, l'augmentation du prix des productions n'ayant pas suivi celle du coût des intrants. Pour y faire face à court terme, le ministère dégage 30 millions d'euros d'aides nationales qui s'ajoutent à l'effort supplémentaire de 100 millions d'euros consenti par la Commission européenne. Les reports de charge fiscale seront discutés lors de la conférence du 12 novembre sur le revenu, une place particulière devant être réservée à l'élevage ovin. Le ministère réalise également une action plus structurelle de réorientation des aides PAC au profit de l'élevage ;

- il sera difficile d'aller au-delà de l'enveloppe de 3 millions d'euros affectée aux CUMA ;

- la gestion de l'eau constitue un enjeu majeur, qui rendra nécessaire un soutien de la recherche et une coopération avec les pays du bassin méditerranéen sur le stress hydrique ;

- le sénateur Charles Guéné a été chargé d'une mission temporaire sur la place du vétérinaire libéral et son rôle dans le système français de surveillance et de gestion des risques tout au long de la filière animale, son rapport étant attendu pour le mois de novembre ;

- un seul projet d'éolien of shore a pour l'instant été déposé, en Normandie, mais l'autorité préfectorale s'y est opposée en l'état ;

- le développement de la recherche est essentiel pour permettre de réaliser les objectifs du plan « écophyto 2018 » et les entreprises de semence doivent s'en saisir. Les travaux de M. Guy Paillotin ont montré que le seul bon usage des pesticides pouvait permettre de réduire de 25 à 30 % l'usage des intrants. C'est pourquoi un réseau d'échange de bonnes pratiques a été mis en place sur Internet ;

- la suppression des crédits consacrés à l'animation rurale relève d'un arbitrage visant à donner la priorité aux actions centrées sur l'agriculture, et notamment à préserver les crédits d'intervention destinés aux jeunes agriculteurs. Néanmoins, les crédits du compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural (CASDAR) pourraient relayer ceux jusqu'alors consacrés à l'animation rurale.

M. Alain Chatillon a attiré l'attention du ministre sur la situation du secteur agroalimentaire, faisant valoir que la taille des entreprises agroalimentaires françaises était sensiblement moins importante qu'en Allemagne. Il a appelé de ses voeux une augmentation des moyens financiers en matière de capital développement et de capital risque des entreprises. Il a relevé par ailleurs que la nutrition devait être aujourd'hui au centre de l'action du ministère en charge de l'agriculture, et pas seulement de celui en charge de la santé, et s'est déclaré favorable à la transformation de l'intitulé du premier en ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Georges Patient a interrogé le ministre sur les difficultés rencontrées par trois secteurs en Guyane : la forêt, la pêche et l'agriculture. Il lui a demandé d'intervenir auprès des banques afin que leurs établissements locaux soutiennent les producteurs.

M. Jean Bizet a salué l'action du ministre sur le « bilan de santé » de la PAC. Après avoir regretté les difficultés en matière de fixation du prix du lait, il s'est inquiété du règlement en cours de discussion au niveau communautaire sur les produits phytosanitaires. Il a exprimé sa crainte quant à la pérennité de pans entiers de production de certains fruits et légumes.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis, a demandé des précisions sur la mise en place par le Conseil européen d'un programme harmonisé de vaccination ovine, destiné à endiguer l'épidémie de fièvre catarrhale ovine (FCO). Il a interrogé le ministre sur la prise en charge financière de l'acte de vaccination et sur la possibilité pour les éleveurs de procéder un jour eux même à cet acte. Il s'est interrogé sur les mesures de protection prises par les autorités européennes après le scandale du lait chinois contaminé à la mélanine. Enfin, il a souligné le lien entre l'action en matière de distribution de fruits et légumes et la politique de lutte contre l'obésité.

Après avoir souligné que les départements du Sud-Ouest étaient touchés par l'épidémie de FCO, M. Jean-Jacques Mirassou a estimé que les restrictions de personnel opérées au sein du ministère étaient en contradiction avec les ambitions affichées par le ministre.

M. Didier Guillaume a déclaré craindre la poursuite de la baisse de la population active agricole, qui représente aujourd'hui 4 % de la population active totale. Il a souhaité voir relancé le débat sur l'assurance récolte, qu'il a jugé essentiel. Il a appelé l'attention du ministre sur le virus de la sharka et sur le retard des aides liées au gel de printemps qui a touché la vallée du Rhône. S'agissant de la viticulture, il a soutenu la possibilité, pour les producteurs, de faire de la publicité sur internet, et a souhaité que le vin ne soit plus assimilé aux alcools forts, espérant que le ministre mette en place un véritable projet d'éducation à la nourriture.

Satisfaite du maintien des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, Mme Jacqueline Panis a déploré la longueur des délais entre la constitution des dossiers et la mise en place des subventions. Elle s'est par ailleurs inquiétée des conséquences de la réforme de l'équarrissage et, prenant acte de la diminution des crédits destinés à l'animation rurale, a souhaité le maintien d'une action en la matière.

Après s'être réjoui des orientations tracées par le ministre en matière de produits phytosanitaires, M. Jacques Muller a estimé nécessaire d'anticiper la réforme de la PAC prévue pour 2013. Par ailleurs, souhaitant que ce sujet soit abordé dans les discussions au niveau communautaire, il a souligné que la répartition des aides « premier pilier » en France à partir des références des années 2000 à 2002 avait introduit des situations de rentes et des distorsions de concurrence par rapport aux producteurs des pays voisins.

En réponse, M. Michel Barnier a apporté les précisions suivantes :

- la prise en compte par le ministère de l'agriculture et de la pêche des enjeux de l'alimentation n'est pas conjoncturelle, ce ministère devant également être celui de la nutrition et de l'industrie agroalimentaire. Un plan sur le développement de l'industrie agroalimentaire a d'ailleurs été présenté au Conseil des ministres en octobre dernier ;

- des actions résolues sont conduites en matière de nutrition, une dizaine d'entreprises ayant déjà signé une charte d'engagement nutritionnel, et le ministère s'est engagé dans l'opération « un fruit à la récré ». Il serait souhaitable que le Conseil européen adopte le plan présenté par la Commission en la matière ;

- le « paquet pesticides » a été une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, initiée par le ministère en charge de l'agriculture, car il constitue un outil d'harmonisation pour éviter la concurrence déloyale ;

- la pêche guyanaise doit être défendue et est éligible au plan de pêche durable. Il est souhaitable que les banquiers fassent un effort, afin de financer les dossiers de jeunes agriculteurs guyanais en souffrance, éventuellement avec l'intervention d'un fonds de garantie auquel contribueraient la région et le département ;

- les questions agricoles ne sont plus des questions relevant de la politique étrangère, et les parlementaires ont intérêt à se rendre régulièrement à Bruxelles pour expliquer les positions de la France : l'influence française ne se décrète pas, mais elle se construit au travers de rencontres successives, notamment auprès des petits pays, dont le rôle est crucial dans la prise de décision ;

- s'agissant de la stratégie européenne contre la FCO, la vaccination sera prise en charge à 50 % par des crédits européens en 2009 et les appels d'offre ont été lancés afin de l'assurer sur l'ensemble du cheptel ovin et bovin. Cette vaccination sera obligatoire, mais aucune date n'est pour l'instant fixée. La France soutient la proposition de la Commission européenne de réduire de 90 à 40 jours le délai après la deuxième vaccination au terme duquel l'exportation du bétail est autorisée ;

- concernant le scandale du lait chinois contaminé, 1.400 contrôles ont été effectués au niveau communautaire, sans révéler aucun risque. Cet épisode conforte l'intérêt du mémorandum déposé par la France sur le renfort des contrôles de la qualité sanitaire des produits importés, aujourd'hui soutenu par environ 20 pays sur 27. Ce mémorandum tend à protéger les consommateurs et à mettre les producteurs à armes égales ;

- les gains de productivité, la réorganisation du ministère et le changement d'état d'esprit en découlant doivent permettre de compenser la diminution des effectifs ;

- s'agissant du gel de printemps dans la vallée du Rhône, 30 % des crédits nécessaires ont été débloqués en juillet après acceptation par la commission nationale des calamités agricoles, et l'indemnisation pourrait atteindre près de 40 millions d'euros au total. Plus généralement, et pour faire face aux différentes crises sanitaires ou aux aléas climatiques, il conviendrait d'utiliser une partie des crédits du « premier pilier » pour créer un système d'assurance public-privé, ainsi qu'un fonds sanitaire ;

- il est nécessaire d'autoriser la publicité pour le vin sur internet, car il s'agit d'un outil essentiel pour conquérir des marchés à l'étranger ;

- au-delà de l'enveloppe budgétaire consacrée aux soutiens à l'installation, le retard pris dans la parution de certains décrets explique en partie les délais importants constatés ;

- la réforme de la PAC au-delà de 2013 est préfigurée dans le cadre du « bilan de santé », les outils développés dans ce cadre devant permettre notamment de rendre la PAC plus équitable. Les choix opérés pour la répartition des crédits du « premier pilier » devront prendre en compte les orientations nationales en faveur d'une agriculture durable.

Mercredi 5 novembre 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Audition de M. Alex Türk, président de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Au cours d'une première réunion, la commission a procédé à l'audition de M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, accompagné de M. Emmanuel de Givry, commissaire à la CNIL, conseiller à la Cour de cassation.

Après avoir rappelé qu'il était président du groupe de travail « G 29 » de l'Union européenne, en référence à l'article 29 de la directive européenne du 24 octobre 1995 sur la protection des données, M. Alex Türk, président de la CNIL, a tout d'abord évoqué, pour la déplorer, la parution dans la presse, de l'avis de la CNIL sur le projet de loi favorisant la diffusion et la protection sur internet, alors même qu'en application de la loi du 17 juillet 1978 et de l'interprétation de la commission d'accès aux documents administratifs, la CNIL ne peut rendre publiques ses délibérations, sans l'accord du Gouvernement. C'est pour cette raison que cette délibération rendue en avril dernier avait été refusée à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis sur le projet de loi. M. Alex Türk a indiqué avoir adressé un courrier au Premier ministre pour en permettre la communication aux rapporteurs du Parlement.

M. Jean-Paul Emorine, président, après avoir assuré que ces faits n'étaient naturellement pas imputables à la commission des affaires économiques du Sénat, a souhaité que l'information des rapporteurs soit renforcée.

Puis M. Emmanuel de Givry, commissaire à la CNIL et conseiller à la Cour de cassation, a rappelé l'historique du projet de loi et présenté les améliorations -du point de vue de la CNIL- résultant des modifications apportées par le Sénat lors du vote en première lecture du texte ainsi que les interrogations qui restaient en suspens. Le projet de loi trouve son point de départ dans le refus de la CNIL d'accorder à quatre sociétés d'auteurs-compositeurs l'autorisation de traiter des données de connexion recueillies sur internet. La décision de la CNIL a cependant été annulée par le Conseil d'Etat pour erreur manifeste d'appréciation. Plus récemment le projet de loi relatif aux droits d'auteurs et droits voisins dans la société d'information (DADVSI), partiellement censuré par le Conseil constitutionnel au nom du principe d'égalité, n'a pas épuisé la question du piratage sur internet. Pour la résoudre, M. Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC, a été chargé par le Gouvernement de conduire une mission de concertation qui a abouti aux accords de l'Elysée, puis précisément au projet de loi « Création et internet ».

Rappelant que la CNIL n'avait aucune légitimité pour juger le bien fondé d'une loi, il a indiqué que cette autorité administrative indépendante ne poursuivait qu'un seul but, à savoir vérifier si les autorisations accordées pour exploiter des traitements de données à caractère personnel étaient justifiées et proportionnées eu égard aux exigences de garantie de la liberté individuelle et de respect de la vie privée. Autrement dit, la CNIL doit trouver un point d'équilibre entre la défense des libertés constitutionnellement protégées et les intérêts des entreprises et des personnes publiques.

S'agissant des points de satisfaction relevés au sujet du projet de loi adopté en première lecture au Sénat, il a évoqué l'assermentation des agents de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), l'encadrement des dispositifs de sécurisation des accès internet, désormais soumis à une évaluation et une labellisation préalable par l'HADOPI, la consultation par les fournisseurs d'accès à internet du fichier des internautes suspendus en posant uniquement des questions dites « fermées », ou encore la possibilité pour les commissions parlementaires de consulter cette Haute autorité dorénavant dotée de la personnalité morale.

Puis M. Emmanuel de Givry a souligné les difficultés persistantes dans le projet de loi, pour la CNIL. En particulier, il faut regretter que les ayants droit disposent du choix des sanctions en cas de non-respect de la propriété intellectuelle devant l'HADOPI, le juge civil ou le juge pénal et que la qualification de l'infraction échappe ainsi au juge. L'accès aux données de trafic sur internet n'est plus exclusivement réservé au juge, alors même que, selon une décision du Conseil constitutionnel en date du 29 juillet 2004, le recours à une procédure judiciaire constitue une garantie fondamentale pour les citoyens.

Puis M. Alex Türk, président de la CNIL, a présenté les profondes mutations qu'a connues cet organisme depuis 2004. Tout d'abord, la commission joue un rôle de régulateur en élaborant des règles permettant aux entreprises de développer leurs activités dans un champ juridique sécurisé. En outre, elle exerce une fonction d'expertise lorsqu'il s'agit d'autoriser la commercialisation de nouveaux produits à haute valeur technologique. Enfin, elle compte très prochainement s'engager dans une procédure de labellisation dès que le décret idoine d'application de la loi du 6 août 2004 sera enfin publié.

La CNIL porte une attention soutenue à deux secteurs d'activité spécifiques. D'une part, le secteur bancaire souhaite la création d'un fichier appelé « centrale positive de crédit » qui pourrait permettre un « profilage » des ménages visant à favoriser une meilleure adéquation des offres de crédit avec les spécificités des emprunteurs. A cet égard, il a rappelé qu'il incombait au Parlement et non à la CNIL de décider s'il faut ou non créer ce type de fichiers en France. D'autre part, le secteur des entreprises privées requiert beaucoup de vigilance compte tenu de l'explosion du nombre de demandes relatives à la biométrie, à la géolocalisation, au traçage sur internet ou encore à la vidéosurveillance. En effet, la CNIL doit à la fois contrôler les entreprises productrices de projets informatiques innovants et en même temps conseiller les entreprises clientes. A cet égard, il lui revient notamment d'évaluer la sécurisation des systèmes biométriques et M. Alex Türk a souhaité diffuser un court métrage de quatre minutes pour témoigner de la facilité avec laquelle les données personnelles enregistrées par un logiciel standard de biométrie pouvaient être piratées.

Soulignant le rôle de conseil et d'information de la CNIL, il a rappelé les conventions conclues avec les chambres de commerce et d'industrie et les rencontres régionales organisées tous les deux mois. Rappelant que l'on comptait désormais 4.350 correspondants « informatique et liberté » sur le territoire national, il a regretté que seulement une centaine de collectivités territoriales se soient dotées de ce relai qui procure pourtant des facilités administratives non négligeables.

Abordant ensuite la question du contrôle et des sanctions, il a indiqué que des contrôleurs assermentés de la CNIL, assistés de commissaires, se rendaient chaque semaine dans des entreprises pour examiner les fichiers informatiques contenant des données à caractère personnel. A cette occasion, il a indiqué que le contenu de ces fichiers révélait parfois de très désagréables surprises. Rappelant l'échelle des sanctions dont disposait la CNIL, il a précisé que son homologue espagnol pouvait prononcer des sanctions allant jusqu'à 1 million d'euros contre 300.000 euros en France.

Concernant le volet international de l'action de la CNIL, il a regretté le désaccord profond entre l'Europe et les Etats-Unis quant à la protection des données informatiques personnelles. La directive communautaire 2002/58/CE dite « Vie privée et communications électroniques » n'autorise la transmission de fichiers informatiques à des pays destinataires situés en dehors de l'Union européenne que si ces pays disposent d'un niveau de protection équivalent à celui en vigueur dans l'Union. Autrement dit, les pays destinataires doivent disposer à la fois d'une loi fondamentale relative à la protection des données personnelles et d'une autorité de contrôle indépendante et efficace. Or, ces critères ne sont respectés ni aux Etats-Unis, ni en Inde ou au Japon. Compte tenu de l'importance du commerce entre les Etats-Unis et l'Union européenne, qui représente la moitié du trafic mondial, il est indispensable de trouver un concept juridique permettant de concilier ces deux approches de part et d'autre de l'Atlantique.

M. Alex Türk a alors énuméré toute une série de sujétions imposées par les Etats-Unis à l'Union européenne, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qu'il a jugé inacceptables : l'obligation des compagnies aériennes européennes de communiquer aux autorités américaines une trentaine d'informations relatives aux passagers, l'information des Etats-Unis sur toutes les relations interbancaires, mêmes intra-européennes, ou encore la diffusion des dispositifs d'alerte professionnelle dans les entreprises privées fondés sur la dénonciation entre salariés d'agissements illégaux.

Puis il a attiré l'attention des commissaires sur la problématique de l'externalisation de services d'entreprises françaises dans des pays francophones. Les centres d'appel connaissent un développement sans précédent en Afrique et en particulier au Maroc -où 30.000 emplois ont été créés pour répondre aux besoins des sociétés françaises et 120.000 sont prévus dans les années à venir- ou encore au Sénégal, au Bénin et au Gabon. Déplorant à cet égard que l'exportation des informations à caractère médical des patients français ne bénéficie pas d'une protection suffisante dans ces pays, il a plaidé pour le renforcement de l'assistance juridique de la France à destination de ces pays et la création d'une convention internationale dans le cadre de l'ONU qui permettrait une harmonisation juridique minimale.

Ainsi donc, un enjeu essentiel à court terme consiste à convaincre l'Asie de se rallier au modèle européen afin de contraindre ensuite les Etats-Unis à adopter des standards de protection des données personnelles plus contraignants qu'aujourd'hui. Il a conclu en indiquant que la CNIL faisait face depuis 2004 à des bouleversements considérables dans le domaine technologique et qu'elle bénéficiait désormais de pouvoirs accrus pour répondre à ces enjeux.

Puis un large débat s'est engagé.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité savoir quels seront les liens entre la CNIL et le Défenseur des droits fondamentaux, institué par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République.

M. Alex Türk a répondu que ces deux institutions n'entretiendraient aucun lien entre elles. En effet, le droit communautaire exige que l'autorité de contrôle des fichiers informatiques demeure indépendante. En outre, la formation restreinte de la CNIL s'est vu reconnaître un caractère juridictionnel à part entière et le concept de séparation des pouvoirs interdit par conséquent tout lien entre la CNIL et l'autorité administrative que constitue le Défenseur des droits. Par ailleurs, la CNIL joue un rôle de régulateur dans le domaine de l'économie qui ne concerne pas le Défenseur des droits fondamentaux. Enfin, le président de la CNIL n'est pas nommé par les pouvoirs exécutif ou législatif puisqu'il est élu par les seize autres commissaires, contrairement au Défenseur des droits qui sera nommé par le Président de la République. Il a conclu en rappelant que cet argumentaire était très largement partagé par les parlementaires et par le Premier ministre.

M. Charles Revet a souhaité connaître la position de la CNIL sur l'opportunité de créer les fichiers dits « centrales positives de crédit ». Rappelant la nécessité de protéger les citoyens contre leurs propres turpitudes, il a insisté sur l'obligation de responsabiliser les sociétés de crédit dont l'activité publicitaire est foisonnante.

M. Alex Türk a répondu que la CNIL était divisée sur cette question et qu'il revenait au Parlement de légiférer, s'il le jugeait nécessaire, en veillant à prévenir toute dérive du dispositif mis en place. Plus globalement, l'attention du Parlement devrait porter également sur les fichiers relatifs à la diversité ethnique et les fichiers « domiciliaires » relatifs aux déclarations de changement de domicile.

M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que la commission des affaires économiques allait s'intéresser à la problématique des « centrales positives de crédit » et demander l'assistance de la CNIL.

M. Pierre André a souhaité connaître la définition exacte des « données à caractère personnel ». Il s'est en outre interrogé sur la difficulté à protéger sur la scène internationale ces données alors que celles relatives à la propriété intellectuelle bénéficient depuis longtemps d'une législation protectrice efficace. Enfin, il a souhaité connaître les observations de la CNIL quant au développement des nanotechnologies.

M. Alex Türk a indiqué que la définition des données à caractère personnel était volontairement extensive car elle doit concerner toutes les données, y compris indirectes, qui permettent l'identification d'un individu. Regrettant qu'il n'existe aucune garantie pour éviter qu'une personne ne subisse à son insu un traçage dans l'espace et dans le temps, il a rappelé que la CNIL était fermement attachée au droit pour chaque individu d'évoluer au cours de sa vie, alors que le développement des réseaux sociaux sur internet menace ce droit en permettant la conservation de fichiers électroniques pendant plusieurs années. Il a souligné la nécessité de ne pas se contenter d'une réponse juridique à ces problèmes, mais de s'engager résolument dans une démarche pédagogique à l'égard des adolescents. En outre, il a plaidé pour un recours croissant aux études d'impact des nouvelles législations et la publication systématique des analyses de la CNIL. Concernant la protection des données personnelles en dehors de l'Union européenne, il a rappelé la volonté des Etats-Unis et des pays européens de trouver une « technologie juridique » permettant d'offrir un compromis entre les deux systèmes législatifs. Enfin, il a considéré que l'irruption et la diffusion des nanotechnologies conduiront à un bouleversement comparable à celui entraîné par internet.

M. Daniel Raoul, après avoir rappelé que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) s'était récemment penché sur la question des nanotechnologies, a relevé que cette évolution technologique était irréversible et qu'il convenait d'en encadrer les usages. Il a considéré pour sa part que les nanotechnologies représentaient un problème moins important que le passage des nanoparticules à travers la barrière hémato-encéphalique. Concernant les « centrales positives de crédit », il a insisté sur la nécessité que tous les acteurs de ce dossier s'impliquent réellement. Enfin, il a demandé des compléments d'information sur le transfert de données personnelles à caractère médical à destination de pays africains.

M. Alex Türk a indiqué que l'on n'observera pas un « raz-de-marée » des nanotechnologies mais plutôt une immersion lente, inexorable et irrémédiable de cette technologie dans nos sociétés. Il a cité à cet égard les prédictions de scientifiques canadiens qui estiment que dans moins d'une dizaine d'années, les progrès en nanotechnologies permettront, entre autres, de voir et d'entendre les personnes à leur insu. Déplorant l'utilisation commerciale de la radio-identification (RFID) dans certains pays comme le Brésil ou l'Espagne, il a néanmoins mis en exergue l'intérêt des bracelets électroniques pour les nourrissons ou les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Il a enfin indiqué que l'on n'observait pas de transfert complet de dossiers médicaux personnels (DMP) par le biais des centres d'appels mais il a considéré que la simple transmission de diverses données à caractère médical était en soi inacceptable.

Répondant à M. Charles Revet qui souhaitait connaître la position de la CNIL quant au développement de la vidéosurveillance, M. Alex Türk a indiqué que celle-ci n'avait pas de position de principe sur cette question mais qu'elle étudiait au cas par cas ces dispositifs eu égard aux critères posés par la loi modifiée du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

A M. Jean-Paul Emorine, président, qui l'interrogeait sur la durée de conservation des données informatiques détenues par les moteurs de recherche sur internet, M. Alex Türk a indiqué que ces entreprises s'engageaient désormais à ne les conserver que pendant dix-huit mois. Le « G 29 » a toutefois recommandé que cette période soit réduite à six mois. La société Google s'étant, quant à elle, prononcée pour une durée de conservation de neuf mois, des négociations sont en cours pour trouver un compromis.

M. Jean-Paul Emorine, président, a fait part de sa volonté de sensibiliser ses collègues aux enjeux de la CNIL et d'organiser des auditions communes du président de la CNIL devant plusieurs commissions du Sénat.

Application des lois - Bilan au 30 septembre 2008 - Communication et désignation de rapporteurs de suivi

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite rendu compte de l'état de l'application des lois au 30 septembre 2008 relevant des compétences de la commission des affaires économiques. Il a souligné que le Gouvernement avait poursuivi ses efforts pour améliorer les résultats en la matière, notamment en perfectionnant et en développant les outils au service de l'application des lois.

Il a en particulier mentionné une circulaire du 29 février 2008, dans laquelle le Premier ministre fixe à l'application des lois une « obligation de résultat », pour répondre à une « triple exigence » de « démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ». Cette circulaire comporte des mesures concrètes avec la mise en place, au sein de chaque ministère, d'une « structure clairement identifiée » responsable de la coordination du travail d'application des lois, ou encore l'organisation d'une réunion interministérielle dès l'adoption d'une loi dans le but de « déterminer le ministère responsable de la préparation de chaque décret » et d'arrêter « un échéancier prévisionnel » des textes d'application transmis aux deux assemblées.

Il s'est également félicité de ce que le Premier ministre ait inclus la publication des décrets et le suivi des lois dans les critères pris en compte pour l'évaluation des ministres, exercice nouveau institué à la fin de l'été dernier.

M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué ensuite que l'objectif affiché par le Gouvernement était d'être à jour sur les textes d'application pour les lois adoptées sous la XIIIème législature.

Il a regretté que cet objectif ne soit pas atteint s'agissant des textes relevant de la commission des affaires économiques. Ainsi, sur les deux lois de la législature promulguées depuis plus de six mois et appelant des mesures d'application, l'une -loi pour le développement au service des consommateurs- est applicable à 67 % et l'autre -loi relative à la sécurité des manèges- n'a pas reçu l'unique décret nécessaire à son application. Il a néanmoins indiqué que la publication de ce décret avait été différée pour satisfaire aux dispositions de la directive 98-34 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 1998, qui impose de transmettre toute réglementation technique à la Commission européenne pour vérifier l'absence d'entrave à la libre circulation des marchandises. Le décret, transmis dans ce cadre à la Commission européenne au mois de juin, devrait être publié prochainement.

S'agissant des autres lois adoptées au cours de la session écoulée relevant des compétences de la commission des affaires économiques, aucune de leurs mesures d'application n'a été prise au 30 septembre 2008. Ces textes ayant été publiés très récemment, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que ceci ne pouvait être considéré comme une contre-performance, mais qu'il convenait de rester vigilant.

Il a ensuite évoqué l'ensemble des mesures restant à prendre pour les lois antérieures à l'année parlementaire 2007-2008, rappelant que sa résorption complète apparaissait comme un objectif hors de portée, d'autant plus que l'effort de réduction avait été moindre cette année. Si le taux d'application des lois publiées depuis 2005 s'élève à 80,2 %, ce qui est satisfaisant, il a regretté que le Gouvernement se soit en revanche désintéressé du stock de mesures à prendre pour celles antérieures à 2002, seuls, deux décrets ayant été publiés pour ces textes.

Il a également regretté le sort réservé aux lois adoptées après déclaration d'urgence, soulignant que si, dans un premier temps, leur taux d'application décollait plus vite, il plafonnait ensuite rapidement à un taux équivalent à celui des lois votées sans déclaration d'urgence. Un autre regret concerne les lois d'origine parlementaire pour lesquelles seuls deux décrets et un rapport ont été pris au cours de l'année parlementaire écoulée.

Eu égard à ces résultats en léger retrait, M. Jean-Paul Emorine, président, a insisté sur la nécessité d'interroger régulièrement le Gouvernement sur l'application des lois, notamment au moyen des questions écrites. Celles-ci apparaissent très utiles tant pour accélérer le processus d'élaboration des décrets d'application, que pour influer sur la rédaction de ceux-ci. Il a cité à titre d'exemple les quinze questions posées sur l'application de l'article 73 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, relatif aux interventions des services d'assistance technique et d'étude aux stations d'épuration (SATESE) qui ont contribué à la rédaction finale du décret ainsi qu'à sa publication, intervenue en décembre 2007.

Il a assuré que la commission des affaires économiques continuerait à veiller à l'adoption rapide des textes d'application attendus et qu'elle ne manquerait pas d'interroger le Gouvernement chaque fois qu'elle le jugerait utile. Enfin, il a conclu en indiquant qu'au-delà du suivi quantitatif, la commission des affaires économiques suivrait également les aspects qualitatifs des mesures d'application des lois relevant de sa compétence en demandant à être associée encore plus étroitement à leur élaboration.

La commission des affaires économiques a ensuite désigné les rapporteurs chargés du suivi de l'application des lois adoptées au cours de la session 2007-2008 :

Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour le suivi de l'application de la loi de modernisation de l'économie, texte particulièrement important pour lequel la commission a été associée à la rédaction d'un décret sur les procédures applicables aux extensions des commerces et des grandes surfaces ;

M. Jean Bizet, rapporteur pour la loi relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement ;

M. Charles Revet, rapporteur pour la loi portant réforme portuaire, M. Jean-Paul Emorine, président, précisant que M. Charles Revet avait d'ores et déjà manifesté son souhait de conduire une étude spécifique sur les enjeux de la mise en oeuvre de cette loi au cours du 1er trimestre 2009 ;

M. Jean Bizet, rapporteur pour la loi relative aux organismes génétiquement modifiés ;

M. Charles Revet, rapporteur pour la loi relative à la nationalité des équipages de navires ;

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour la loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ;

M. Gérard Cornu, rapporteur pour la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ;

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour la loi relative aux opérations spatiales ainsi que pour la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs et la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

M. Charles Revet a ensuite indiqué qu'il souhaitait entamer sans attendre son étude sur un aspect spécifique de la mise en oeuvre de la loi portant réforme portuaire, qui concerne le complexe portuaire Le Havre-Rouen et l'existence d'un projet Natura 2000 s'y rapportant.

Il a considéré que ce projet menaçait le développement de ce complexe portuaire, développement pourtant prometteur de nombreuses créations d'emplois.

Partageant ses inquiétudes, M. Jean-Paul Emorine, président, a suggéré que cette question soit évoquée lors de la prochaine audition, par la commission des affaires économiques, de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Il a suggéré enfin qu'un représentant de l'opposition soit associé à la démarche de M. Charles Revet.

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite nommé M. Marcel Deneux, rapporteur sur la proposition de résolution n° 73 (2008-2009), présentée en application de l'article 73 bis du règlement, relative au paquet énergie climat (E 3771, E 3772, E 3774 et E 3780), et a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements au lundi 10 novembre 2008, à 17 heures.

PJLF pour 2009 - Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat

Au cours d'une seconde séance, la commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a d'abord rappelé comment la crise financière a affecté l'économie en France et dans le reste du monde. Cette crise, qui a pris son origine en août 2007, voire plus tôt aux États-Unis, a atteint son paroxysme à la mi-septembre 2008. La chute de la banque d'affaires Lehman Brothers s'est répercutée sur ses nombreuses filiales et a provoqué une défiance généralisée entre les établissements financiers au niveau mondial avec, notamment, l'effondrement d'instruments financiers dotés d'un fort effet de levier.

Mme Christine Lagarde, a fait valoir qu'après le lancement par les États-Unis du plan Paulson, qui visait à sortir des « actifs toxiques » du bilan des banques, les Européens ont pris des initiatives pour remettre en fonctionnement les circuits financiers. La France a décidé d'une part de renforcer en fonds propres les établissements bancaires chaque fois que cela serait nécessaire, d'autre part d'apporter une garantie d'Etat aux prêts interbancaires. Les banques seraient toutefois soumises à l'obligation d'utiliser les sommes mises à leur disposition pour le financement de l'économie et non pour des placements. Elles devraient s'engager à accroître de 3 % en 2009 les sommes apportées aux entreprises, aux collectivités territoriales et aux ménages. Mme Christine Lagarde, a souligné que des dispositions du même ordre avaient déjà été prises dans quatorze États de l'Union européenne sur vingt-sept.

Observant que le système bancaire français se caractérise par une organisation centralisée et hiérarchisée et une chaîne de décision souvent trop lente, Mme Christine Lagarde, a indiqué que l'équipe dirigée par M. René Ricol, créée sur l'initiative du Président de la République, aurait pour mission de favoriser une accélération des procédures. Elle a estimé impossible d'assurer que tous les chefs d'entreprise trouveraient dans tous les cas une réponse satisfaisante à leur demande de financement, mais qu'une estimation plus rigoureuse des risques devrait permettre aux banques de gérer les dossiers de la meilleure manière possible. 

Mme Christine Lagarde, a évoqué l'action de financement direct des entreprises mise en oeuvre par le Gouvernement. Celui-ci y consacrera un total de 22 milliards d'euros en faveur des petites et moyennes entreprises, dont 17 milliards d'euros d'excédent d'épargne réglementée et 5 milliards d'euros mobilisables auprès d'OSEO. Elle a annoncé que, par ailleurs, 5 milliards d'euros de lignes de crédit supplémentaires étaient mises à disposition des entreprises : la moitié est gérée directement par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'autre moitié est fournie par la CDC sur une adjudication effectuée le 4 novembre auprès de l'ensemble des réseaux bancaires en vue du financement des collectivités locales. Elle a souligné que les succursales de la Banque de France, les trésoriers-payeurs généraux et les préfets avaient été mobilisés pour l'exécution de ce plan et que les petites et moyennes entreprises pouvaient obtenir un conseil ou une intervention d'OSEO en appelant un « numéro azur ».

Mme Christine Lagarde, ministre, a conclu son exposé liminaire en notant que plusieurs autres pays européens, à l'exemple de l'Allemagne le 4 novembre, avaient également mis en oeuvre des mesures de soutien à l'économie, mettant à profit pour la plupart d'entre eux des marges de manoeuvre budgétaires plus importantes que la France.

Elle a ensuite présenté les crédits de la mission « Economie » du projet de loi de finances pour 2009, qui se compose de quatre programmes.

- Le programme « Développement des entreprises et de l'emploi », avec 1,06 milliards d'euros, regroupe principalement les politiques liées au commerce et à l'artisanat, dont le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), les politiques de développement des entreprises et de soutien aux postes et télécommunications. Ce programme retrace également le soutien aux exportations, le financement des autorités de régulation et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ainsi que d'OSEO-Garantie. Considérant que les exportations n'apportent pas une contribution suffisante à la croissance et à l'emploi en France, Mme Christine Lagarde, ministre, a estimé nécessaire d'accroître l'engagement financier de l'Etat en faveur d'Ubifrance.

- Le programme « Tourisme » s'élève à plus de 60 millions d'euros et regroupe les subventions aux opérateurs « Maison de la France » et « ODIT France » (Observation, développement et ingénierie touristique), ainsi que les interventions directes du ministère et la politique d'accès aux vacances. Relevant que le Sénat était sensible à l'identification de ces crédits sur un programme ad hoc, Mme Christine Lagarde, a indiqué qu'elle avait en conséquence décidé de le conserver lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2009.

- Le programme « Statistiques et études économiques » regroupe les moyens d'infrastructure statistique, c'est-à-dire l'INSEE et le service des études et des statistiques industrielles (SESSI) qui seront prochainement regroupés. Il dispose de près de 420 millions d'euros.

- Enfin, le programme « Stratégie économique et fiscale », doté de près de 360 millions d'euros, regroupe des moyens de personnel et de fonctionnement de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) et de la direction de législation fiscale (DLF).

Mme Christine Lagarde, a souligné que le ministère demandait des crédits constants pour l'ensemble de ces programmes, à hauteur d'1,9 milliard d'euros. Elle a alors distingué les secteurs prioritaires qui nécessitent des crédits supplémentaires et les domaines où il s'agit d'utiliser de manière plus efficace des ressources en diminution ou stables.

En ce qui concerne les secteurs prioritaires, Mme Christine Lagarde, a mentionné premièrement l'encouragement aux petites et moyennes entreprises (PME) exportatrices. En effet, seules 5 % des PME exportent, dont une moitié de manière régulière. Notant que l'Italie et la Grande-Bretagne consacrent des sommes beaucoup plus élevées que la France au soutien aux PME exportatrices, Mme Christine Lagarde, a annoncé que le Gouvernement augmenterait les moyens d'Ubifrance de 10 millions d'euros, notamment pour l'organisation de salons à l'international, et confierait à cet organisme les missions économiques (anciens postes d'expansion économique), afin de mieux accompagner les entreprises dans leurs démarches sur les marchés internationaux. Dès 2009, quarante missions économiques situées dans vingt-huit pays passeraient ainsi sous l'autorité d'Ubifrance, le basculement complet étant prévu pour septembre 2010 avec vingt-quatre missions supplémentaires implantées dans seize pays.

Les priorités consistent également, a poursuivi Mme Christine Lagarde, en la régulation face aux marchés. L'Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 pour prendre la relève du Conseil de la concurrence, verrait ses moyens doublés, soixante personnes supplémentaires la rejoignant pour faire face à ses missions nouvelles.

Abordant les domaines où il convient d'économiser les ressources, Mme Christine Lagarde, a évoqué les travaux d'analyse effectués dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP). S'agissant des actions déconcentrées, elle a annoncé à compter de 2009 la fin des aides individuelles directes accordées aux entreprises en région. L'Etat se concentrera sur les actions collectives à vocation nationale ou interrégionale tandis que les actions déconcentrées se focaliseront sur la déclinaison au niveau régional des priorités nationales.

Mme Christine Lagarde, a ensuite présenté les secteurs où les dépenses demeurent stables. Le Gouvernement continuera à soutenir les acteurs du développement des entreprises : services de l'administration tels que la DGCCRF, les opérateurs extérieurs comme les centres techniques industriels (CTI) ou les organisations de normalisation et de certification. Il maintiendra également, pour un montant de 115 millions d'euros, ses efforts en faveur du commerce et de l'artisanat par l'intermédiaire notamment du FISAC, celui-ci étant recentré sur les aides en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les zones prioritaires de la politique de la ville.

Mme Christine Lagarde, ministre, a précisé qu'elle mettrait en oeuvre le protocole d'accord conclu le 23 juillet dernier entre l'Etat et La Poste, qui se traduira par une aide de l'État de 242 millions d'euros au titre de l'aide au transport de la presse, dont 159 millions d'euros inscrits sur le budget de son ministère. Dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », elle s'est félicitée de la réforme en 2007 du crédit impôt recherche, qui permet de faire bénéficier toutes les entreprises de 620 millions d'euros supplémentaires. Elle a estimé qu'avec un tel niveau, jamais atteint en France, l'attractivité française pour les projets de recherche et développement était désormais remarquable au sein de l'OCDE, d'autant plus que la prolongation pour trois ans des pôles de compétitivité permet de soutenir l'activité et le dynamisme des entreprises.

Mme Christine Lagarde, a poursuivi en décrivant la mise en oeuvre des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques. Elle a indiqué que le Gouvernement appliquait la RGPP depuis plus d'un an dans tous les ministères, afin d'assouplir et de moderniser l'administration de l'Etat. Concernant l'engagement gouvernemental de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux, elle a déclaré l'avoir respecté dans son ministère grâce aux efforts de productivité des agents, pour un total de 287 départs non remplacés. Ces départs concernent tous les niveaux hiérarchiques. C'est un redéploiement au sein de l'administration qui a permis à l'Autorité de la concurrence de remplir ses nouvelles missions.

Mme Christine Lagarde, a enfin attiré l'attention sur les réformes en préparation. La fusion de trois directions d'administration centrale en une grande direction au service des entreprises, des services, du tourisme, du commerce et de l'artisanat aura pour objectif l'élaboration d'une vision intégrée du monde de l'entreprise, avec un encadrement supérieur plus resserré. Elle a également annoncé la mise en oeuvre dès janvier 2009 du nouveau schéma administratif décidé en avril 2008. Dans les régions, un réseau commun aux ministères de l'économie et du travail regroupera sept services en une direction régionale unique. Celle-ci sera l'interlocuteur unique des entreprises pour l'ensemble de leurs questions économiques à l'exception de la fiscalité. Le regroupement des services régionaux pourrait s'achever en 2010, contre 2011 dans le calendrier envisagé initialement. Soulignant l'ambition de cette réforme, Mme Christine Lagarde, ministre, a conclu son propos en rendant hommage aux efforts des administrations sur le terrain.

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis, après s'être félicité de la réaction de la France face à la crise financière internationale, a interrogé la ministre sur le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). D'une part, alors que l'article 100 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 garantit que la dotation au FISAC sera annuellement de 100 millions d'euros, le « bleu » budgétaire 2009 affiche pour le FISAC un montant de 90 millions d'euros en crédits de paiement et 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, quand la ministre évoque la somme de 115 millions d'euros. En tout état de cause, la ligne budgétaire du FISAC intègre désormais les 30 millions d'euros d'aides au départ des artisans et commerçants. D'autre part, il a souhaité connaître l'état d'avancement de l'installation du conseil stratégique et de la commission d'orientation dont la loi de modernisation de l'économie a également prévu la création pour renforcer l'action du FISAC.

Dans le prolongement de ces remarques, le rapporteur pour avis s'est enquis du degré d'élaboration des décrets d'application de la loi de modernisation de l'économie. Il a aussi demandé des précisions sur le déroulement des négociations interprofessionnelles relatives à la réduction des délais de paiement. Enfin, il est revenu sur le rôle fondamental qu'OSEO était susceptible de jouer en matière de financement des entreprises, dans le contexte de crise actuelle, et a insisté sur la nécessité d'améliorer la notoriété de cet organisme auprès des PME.

Mme Bariza Khiari a d'abord interrogé la ministre sur l'équilibre général du budget. Sans nier le caractère périlleux de l'exercice de prévision des rentrées fiscales, elle a estimé que le manque à gagner fiscal imputable au « boulet fiscal », créé par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), pouvait être évalué à 17 milliards d'euros. En matière de tourisme, elle a plaidé pour une consolidation du tourisme social et insisté sur l'importance de l'accès aux vacances, qu'il convenait de distinguer de la seule problématique des « chèques vacances ».

En réponse, Mme Christine Lagarde s'est engagée à finaliser avant la fin du mois de décembre les 123 textes d'application prévus par la loi de modernisation de l'économie, sans pouvoir néanmoins s'engager sur la rapidité des avis que le Conseil d'Etat devra rendre sur plusieurs décrets. S'agissant d'OSEO, elle a confirmé l'importance d'une politique active de promotion de cet organisme, promotion déjà entamée sur plusieurs radios qui diffusent le numéro azur par lequel les PME peuvent contacter OSEO (0810 00 12 10). Concernant la loi TEPA, elle a précisé que son coût était de 7,7 milliards d'euros en 2008, incluant notamment les exonérations de charges sociales pour les heures supplémentaires, les exonérations de droits de succession au profit du conjoint survivant, les crédits d'impôt sur l'acquisition de la résidence principale... Sur ces 7,7 milliards d'euros, seuls 600 millions d'euros sont imputables au « bouclier fiscal ». Elle a également fait valoir que des plans similaires avaient été initiés en Espagne et en Italie.

Prenant le relais suite au départ de Mme Christine Lagarde, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a confirmé que, pour 2009, le FISAC se voyait attribuer 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et que ce montant incluait effectivement les 30 millions d'euros d'aides à la transmission évoqués par le rapporteur pour avis. Il a jugé néanmoins que cette enveloppe budgétaire répondrait à la demande en 2009, en raison des lenteurs de la procédure et de la réforme en cours du cadre règlementaire du FISAC. A ce sujet, il a précisé que le décret prévu en Conseil d'Etat devrait sortir avant la fin du mois. Ce texte élargira le champ des personnes éligibles au FISAC, afin d'y inclure les commerçants non sédentaires, ainsi que les cafés-restaurants ayant une activité commerciale complémentaire à leur activité principale, relèvera à 1 million d'euros le plafond de financement par le biais du FISAC et, de 2.000 à 3.000 habitants le seuil d'éligibilité des communes et réduira à deux ans le délai de carence à respecter avant de pouvoir refinancer une opération collective par le biais du FISAC. Concernant le conseil stratégique et la commission d'orientation, le ministre a confirmé leur prochaine mise en place et rappelé que des parlementaires y siègeraient. Il a jugé que toutes ces améliorations devraient, à l'avenir, éviter une sous-consommation des crédits.

S'agissant des délais de paiement, il a rappelé que la loi de modernisation de l'économie avait décidé leur réduction globale à 60 jours calendaires ou à 45 jours fin de mois, afin de mettre un terme à la lenteur des paiements qui distinguait la France des autres pays d'Europe (notamment l'Allemagne qui affiche des délais de paiement de 47 jours en moyenne, soit 20 jours de moins que la France). La possibilité de déroger provisoirement à cette nouvelle règle en matière de délais de paiement est ouverte par le biais d'accords interprofessionnels. A ce titre, il a indiqué avoir déjà reçu des accords signés dans le secteur du jouet et du bricolage, un autre accord étant en voie d'être signé dans le secteur du bâtiment, avant d'être soumis, pour homologation, à l'Autorité de concurrence.

Concernant le tourisme, le ministre a rappelé les ambitions renouvelées du Gouvernement pour ce secteur depuis juin 2008. Trois défis ont été identifiés : relever la qualité de l'accueil, réformer la classification de l'hébergement et promouvoir la marque « France », grâce à la création d'une agence de développement touristique française regroupant ODIT France et Maison de la France. Une réforme du régime de licence pour les agents de voyage est également lancée, notamment afin de mettre en conformité ce régime avec la directive communautaire relative aux services. En matière de chèques vacances, le Gouvernement envisage d'améliorer leur diffusion dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cette plus large diffusion devrait permettre, grâce aux excédents de l'Agence nationale des chèques vacances (ANCV), de mieux financer le développement du tourisme social.

S'appuyant sur son ancienne expérience de fonctionnaire du ministère de l'économie, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a d'abord rappelé son manque d'enthousiasme à l'égard de la RGPP. Se focalisant sur le tourisme, elle a relevé que ce programme mobilisait un budget modeste mais contribuait de manière décisive à l'enrichissement de la France. Elle s'est notamment interrogée sur la réduction de 7 à 1 million d'euros des crédits consacrés à l'action de soutien au programme tourisme (action n° 4) et sur l'opportunité de maintenir cette action spécifique en raison de la faiblesse du montant qui y serait consacré. Elle a enfin demandé au ministre si l'impact de la crise sur la filière touristique conduirait à modifier le contenu du projet de loi que le Gouvernement envisageait de soumettre bientôt au Parlement sur ce sujet.

M. Alain Fouché a déploré que de nombreuses voix dénoncent le soutien financier apporté par l'Etat aux banques plutôt qu'aux entreprises. Il a considéré que l'effort de communication du Gouvernement devait être poursuivi pour rétablir la vérité des faits. Il a en outre fait part des difficultés rencontrées dans l'accès au crédit, tant en matière d'immobilier que de construction.

M. Bruno Retailleau a évoqué le nouveau compte spécial créé dans le projet de loi de finances pour 2009 pour la gestion et la valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien. Il a souhaité savoir quels critères le Gouvernement envisageait de retenir pour l'affectation des fréquences libérées par la fin de la diffusion analogique de la télévision, fréquences constituant le « dividende numérique ». Il a par ailleurs évoqué un projet de texte préparé par la Direction générale des impôts pour éventuellement taxer les ventes sur internet par les particuliers, au-delà de certains seuils d'activité. Il s'est inquiété de la cohérence entre un tel projet et le statut d'auto-entrepreneur créé par la loi de modernisation de l'économie.

M. Marcel Deneux a tenu à souligner que l'adhésion du réseau bancaire au projet gouvernemental était loin d'être acquise, une déclaration politique n'étant pas nécessairement en mesure de créer la même confiance qu'un financement direct. Il s'est ensuite interrogé sur les possibilités de réforme, au plan international, du rôle des agences de notation, des normes comptables et des règles relatives aux paradis fiscaux, dont il a précisé que la suppression était impossible. Enfin, il a fait observer que le solde commercial français restait un indicateur important du développement de l'emploi en France, même s'il n'avait plus d'incidence directe sur la valeur de notre devise, les exportations allemandes assurant la solidité de l'euro.

M. Rémy Pointereau, se félicitant de la volonté gouvernementale de développer les exportations, a exprimé son soutien à la réforme en cours d'Ubifrance mais a insisté sur la nécessité de conforter les pôles de compétitivité en en faisant également bénéficier les petites entreprises exportatrices. Revenant sur le tourisme, il a jugé ce secteur économique essentiel pour notre pays et s'est inquiété du soutien qu'il convenait de lui apporter pour faire face au reflux prévisible en raison de la crise.

M. Jean-Paul Emorine, président, a confirmé la nécessité de labelliser les pôles de compétitivité qui ne le seraient pas encore, les difficultés rencontrées par les petites entreprises pour s'organiser pouvant freiner ce processus.

M. Claude Biwer est revenu sur les insuffisances du FISAC pour répondre aux nécessités de développement de communes rurales, par ailleurs impliquées dans des pôles d'excellence rurale. Concernant les agences de voyage, il a mis en garde contre des exigences de technicité excessives susceptibles de se heurter à un manque de moyens humains dans les petites agences. Il a enfin déploré les complications administratives des transferts de licence relatifs aux débits de tabac.

En réponse, M. Hervé Novelli a confirmé que les sommes attribuées au budget tourisme étaient modestes mais estimé qu'elles ne reflétaient pas l'importance de l'économie touristique. Il a expliqué la baisse de 6 millions d'euros des crédits de l'action n° 4 par le transfert des crédits de fonctionnement de la Direction centrale du tourisme vers le programme 218 (conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle). Répondant à Mme Terrade et à M. Pointereau, il a évoqué une récente réunion à l'Organisme de coopération et de développement économique (OCDE) destinée à analyser le lien entre la crise et le tourisme. Cette réunion a permis de mettre au jour la bonne résistance du tourisme face à la crise, résistance attestée par la stabilité de la saison touristique française 2008 par rapport à l'année précédente. En raison de l'amortisseur que constitue l'appétence actuelle pour le voyage, le tourisme accuse plus tardivement les effets de la crise et présente une élasticité forte à la sortie de crise.

En réponse à MM. Deneux et Fouché, le secrétaire d'Etat a confirmé les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour communiquer sur les mesures destinées à juguler la crise financière. Il a fait observer que l'opposition n'avait pas aidé à clarifier la perception de l'action du Gouvernement. Il a également fait valoir que 22 milliards d'euros avaient été mis à disposition des PME dans le cadre du plan décidé le 2 octobre et opérationnel dès le 21 octobre. Il a rappelé par ailleurs que la loi avait créé une société de refinancement des banques, offrant à ces dernières des prêts garantis par l'Etat, et une société de participation. Ceci ouvre la possibilité à l'Etat d'apporter des financements garantis jusqu'à 320 milliards d'euros, dans le cadre de la première société, et jusqu'à 40 milliards d'euros dans le cadre de la seconde. A ce jour, sur cette enveloppe potentielle, seuls 10,5 milliards d'euros ont été affectés et 1,5 milliard d'euros a été consenti par l'Etat pour entrer au capital de Dexia.

Concernant le solde commercial, le secrétaire d'Etat a confirmé qu'il avait perdu de sa signification, tout en indiquant que les performances médiocres du commerce extérieur français révélaient la moindre compétitivité de l'économie française et exigeaient de mettre l'accent sur les nouveaux métiers dans le secteur de l'environnement et du développement durable. Sur le sujet de la réforme du capitalisme, il a jugé que les trois axes de réforme évoqués par M. Marcel Deneux étaient bien à l'ordre du jour du sommet mondial du 15 novembre 2008.

En réponse à M. Bruno Retailleau, il a précisé que le compte d'affectation spéciale, créé pour la gestion et la valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, avait deux objectifs : optimiser l'usage du spectre et valoriser le patrimoine immatériel de l'Etat par le biais de redevances. Il a aussi annoncé la cession prochaine de la bande 830-862 Mhz par le ministère de la défense (qui l'utilise aujourd'hui pour le système Felin) et le lancement prochain de la procédure d'attribution (d'ici à fin 2009, pour ne pas prendre de retard par rapport à la Suède et au Royaume-Uni). Il a confirmé que le projet de taxation des ventes sur internet pour les particuliers n'était plus à l'ordre du jour.

En réponse à M. Rémy Pointereau, le secrétaire d'Etat a confirmé qu'Ubifrance constituait le coeur de la réforme du soutien public à l'exportation. Il est également convenu que l'internationalisation des pôles de compétitivité et la place des PME dans ces pôles étaient décisives et représentaient l'objectif majeur de la phase II du plan « pôles de compétitivité », qui laissait un sursis aux pôles n'ayant pas atteint les objectifs qui leur sont fixés. Il a relevé que cette politique de « clusters » tendait à se généraliser dans l'Union européenne et qu'il était dans l'intérêt des PME de se structurer pour mieux y accéder.

En réponse à M. Claude Biwer, il a rappelé que les pôles d'excellence rurale relevaient des crédits consacrés à l'aménagement du territoire et gérés par M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat chargé de l'aménagement du territoire. Il a par ailleurs indiqué que les contraintes de qualification professionnelle applicables aux organismes vendant des voyages seraient allégées par le Gouvernement, un stage de formation professionnelle pouvant équivaloir à une qualification ou à un diplôme. Enfin, concernant les débits de tabac, il a reconnu que les transferts de licence restaient complexes jusqu'à l'expiration du moratoire prévue fin 2009.

Répondant à M. Alain Fouché, le secrétaire d'Etat a fait observer que le médiateur du crédit, relayé par les directeurs départementaux de la Banque de France, travaillerait à résoudre les difficultés particulières que pourraient rencontrer certaines personnes dans l'accès au financement. Sans méconnaître le libre arbitre inhérent au métier de banquier, il a souhaité qu'une attitude excessivement prudentielle des banques, à la faveur de la crise, n'accélère pas les difficultés des entreprises.