Mercredi 19 novembre 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

PJLF pour 2009 - Mission Immigration, asile et intégration - Examen du rapport pour avis

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Trillard sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. André Trillard, rapporteur pour avis, a rappelé que la mission « Immigration, asile et intégration », créée en 2007, était composée de deux programmes, l'un, le 303, portant sur « l'immigration et l'asile », et le second, le 104, sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ».

Il a précisé que le programme 303 comportait une action n° 2 portant sur la « Garantie de l'exercice du droit d'asile », qui était auparavant exercée par la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), devenue depuis « Direction des Français à l'étranger et action consulaire ».

Lors de ce transfert de compétences, la commission avait décidé de se saisir pour avis de cette action, pour pérenniser son examen des conditions de fonctionnement de l'Office pour les réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), même si ces deux organismes sont désormais rattachés au ministère de l'immigration. Pour mieux garantir l'indépendance de la CNDA, celle-ci sera d'ailleurs rattachée, au 1er janvier 2009, au Conseil d'Etat.

M. André Trillard, rapporteur pour avis, a fait valoir que le fonctionnement de l'OFPRA s'était notablement amélioré ces dernières années, grâce à un renforcement de ses moyens en personnels, mais que le service avait toujours fonctionné de façon spécifique au sein du ministère des affaires étrangères, puisque ses personnels sont plus des spécialistes des pays d'origine des réfugiés, dont ils doivent examiner les demandes d'asile, que des diplomates.

L'augmentation de ces moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile formulées en France, passées de 57 700 en 2004 à 26 300 en 2006, ont permis de réduire la durée d'instruction des dossiers à 110 jours en moyenne. Le stock des dossiers en instance a ainsi été significativement réduit de 28 % en 2006, pour s'établir à environ 2 mois d'activité, soit 8 400 dossiers.

Mais M. André Trillard, rapporteur pour avis, a précisé que l'année 2008 avait vu un nouvel allongement des délais d'examen, qui avoisinent les 2 mois devant l'OFPRA, et plus encore devant la CNDA. En effet le nombre des demandes d'asile ont crû de 7,5 % de janvier à août 2008, tant en métropole qu'outre-mer.

Il a rappelé que le conseil de modernisation des politiques publiques, réuni le 4 avril 2008, avait décidé que la mise en oeuvre opérationnelle de la politique des visas relèverait à l'avenir de la responsabilité du ministère de l'immigration ; à compter de 2009, les crédits de fonctionnement et d'investissement consacrés aux applications informatiques seront donc transférés du MAEE au ministère de l'immigration, pour un total de 2,6 millions d'euros.

M. André Trillard, rapporteur pour avis, s'est félicité de ce que les personnels chargés de l'instruction des demandes de visas dans notre réseau consulaire restent sous la tutelle du MAEE, et ne soient pas rattachés au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, contrairement à la demande formulée par ce dernier.

Il a, en effet, estimé indispensable que ces personnels continuent de relever du MAEE pour garantir leur bonne intégration au sein de nos consulats, et pérenniser ainsi l'autorité sur ces personnels de nos consuls, bons connaisseurs des pays où ils exercent.

Puis il a proposé à la commission d'adopter les crédits affectés à l'action n° 2 du programme 303 de la mission « Immigration ».

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a vivement regretté le transfert de ces crédits informatiques du MAEE au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, estimant qu'il contribuait encore plus à assimiler l'instruction des demandes de visas à une fonction de police.

M. Robert Hue a estimé qu'il s'agissait d'un signe supplémentaire d'une politique visant à criminaliser l'immigration.

La commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits à la majorité des voix, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

PJLF pour 2009 - Mission Action extérieure de l'État - Programme Action de la France en Europe et dans le monde et Français de l'étranger et action consulaire - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Trillard, sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 : programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. André Trillard, rapporteur pour avis, a tout d'abord précisé que l'architecture de la mission « Action extérieure de l'Etat » avait évolué durant l'année 2008. Ainsi le programme 151, initialement intitulé « Français de l'étranger et étrangers en France », est-il devenu « Français à l'étranger et affaires consulaires », du fait de nouveaux transferts du ministère des affaires étrangères et européennes vers le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, portant sur le financement des équipements informatiques nécessaires à la délivrance des visas, après le transfert, en 2008, des personnels de l'Office français de protection des réfugiés apatrides (OFPRA). En revanche, le programme 105 portant sur l'« Action de la France en Europe et dans le monde » conserve globalement son périmètre, et regroupe la majorité des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

Il a indiqué que, dans le projet de loi de finances pour 2009, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes représentait 1,66 % du budget de l'Etat, avec 2,52 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une croissance « optique » de 7 %, mais effective de 2 %, à périmètre constant. En effet, 5 % des crédits sont affectés à la prise en charge de frais de pension des enseignants détachés à l'étranger, auparavant réglés par le ministère de l'éducation nationale.

Il a regretté que la faible croissance des crédits réduise les capacités d'arbitrages internes au ministère des affaires étrangères et européennes pour redéfinir ses actions. Ils sont également limités par le poids croissant des contributions obligatoires aux organisations internationales, notamment celles consacrées au financement des opérations de maintien de la paix (OMP) de l'ONU. Il a rappelé que l'instabilité internationale croissante avait conduit à augmenter le nombre de ces OMP, et que la contribution française était passée de 170 millions d'euros, en 2000, à 370 millions prévus pour 2009.

Il s'est félicité de ce que le financement de ces contributions obligatoires aient bénéficié, ces trois dernières années, d'un « rebasage », conformément au contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère des finances (MINEFI), et que 40 millions d'euros soient inscrits dans le projet de loi de finances 2009 pour poursuivre cet ajustement aux dépenses engagées, sans parvenir cependant à résorber une « impasse » évaluée à 115 millions d'euros pour la fin 2008.

M. André Trillard, rapporteur pour avis, a rappelé que, tous programmes confondus, c'est-à-dire en intégrant la part attribuée à la mission interministérielle « Aide au développement », l'augmentation des crédits en euros courants s'élèvera à 3,6 % en 2009. Toutefois, cette augmentation globale se traduira par des évolutions différenciées selon les programmes, et sera insuffisante pour couvrir l'ensemble des nouvelles dépenses imputées sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes.

En termes d'emploi, la mission dispose d'un plafond d'emplois de 13 077 équivalents temps plein travaillé, en diminution de 149 par rapport à 2008.

M. André Trillard, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi triennal sur les finances publiques imposait au ministère des affaires étrangères et européennes, au titre de la révision générale des politiques publiques, une réduction de 700 emplois au total d'ici à la fin 2011. Ces réductions porteront sur des postes de titulaires, c'est-à-dire « l'ossature » des services. Ces suppressions impliqueront, qu'outre les redéploiements de personnels induits par la modularité des ambassades, inspirée par le Livre blanc sur la diplomatie, les services consulaires soient appuyés par des prestataires privés pour réaliser les opérations préalables à l'examen des demandes de visas, comme les prises de rendez-vous. Le rapporteur pour avis a estimé que cette nouvelle réduction conduisait à un niveau plancher, qu'il conviendra de préserver au-delà de 2011, pour maintenir un socle de moyens humains nécessaires à notre diplomatie.

Puis il a précisé qu'en 2009, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » disposerait d'1,61 milliard d'euros en CP, soit 64 % des CP de l'ensemble de la mission, et 65 % des dépenses de personnel ; le programme 185 : « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission Action extérieure de l'Etat recevrait 594,6 millions d'euros, soit 24 % des CP de la mission, et 11 % des dépenses de personnel, et le programme 151 : « Français à l'étranger et affaires consulaires » de 310,2 millions d'euros, soit 12 % des CP et 24 % des dépenses de personnel.

Le rapporteur pour avis a ensuite a abordé l'analyse du programme 105, qui rassemble l'ensemble des moyens dévolus au ministère des affaires étrangères et européennes pour conduire la politique étrangère de la France, et qui se décompose en six actions : l'action 1 « Coordination de l'action diplomatique » accueillera, en 2009, une partie des crédits du Centre de crises, inauguré le 2 juillet 2008 et rattaché au Secrétariat général du ministère. Ce centre sera compétent pour les crises menaçant la sécurité des Français à l'étranger et pour les crises à caractère humanitaire ; l'action 2, consacrée à l'« Action européenne » ; l'action 4, consacrée aux « Contributions internationales » ; l'action 5, consacrée à la « Coopération militaire et de défense » et l'action 6 rassemblant les moyens dévolus au « Soutien ».

Il a précisé que les crédits du programme 105 progressaient de 3,8 % en 2009, avec 1,61 milliard d'euros de crédits, soit 59 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2008. Son périmètre a été légèrement modifié, avec le transfert de 52 contributions internationales à certains ministères techniques, compétents au fond, pour 17,7 millions d'euros.

Il a indiqué que les crédits de coopération militaire et de défense étaient en baisse de 42 à 32 millions d'euros, la réduction affectant davantage les actions de sécurité et défense (- 34 %) que la formation des élites et des cadres militaires, qui baisse de 25 %.

Il s'est réjoui que, conformément aux recommandations du Livre blanc, l'universalité de notre réseau diplomatique, deuxième au monde après celui des Etats-Unis, avec 158 ambassades et 21 délégations permanentes, soit préservée, avec une modulation du rôle de nos ambassades. Une trentaine d'entre elles assureront, avec un personnel réduit à un ambassadeur entouré de quelques collaborateurs, une mission « de présence et de veille » ; une centaine recevra des « missions prioritaires », avec un personnel plus étoffé, et une trentaine, situées chez nos grands partenaires, seront polyvalentes. Les personnels affectés à ces ambassades de plein exercice seront « lissés », c'est-à-dire restructurés et réduits.

Il s'est félicité de cette initiative qui évitera de créer des « déserts diplomatiques », tout en prenant acte que la mission d'un ambassadeur en poste dans une île du Pacifique n'est pas similaire à celle qu'il remplit dans un pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). De plus, de jeunes cadres pourront bénéficier de responsabilités inédites lorsqu'ils dirigeront des postes de présence et de veille.

Puis il a abordé le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » en soulignant la nécessité de son maintien, même s'il regroupe les crédits les plus limités de la mission Action extérieure de l'Etat, car il offre une visibilité unique sur les actions en faveur de nos compatriotes expatriés et de nos actions consulaires.

Ce programme comporte trois actions : l'action 1 « Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger » ; l'action 2, créée en 2008, « Accès des élèves français au réseau AEFE » contient notamment les financements affectés aux frais de scolarité des enfants français dans le réseau de l'AEFE ; l'action 3, « Instruction des demandes de visas », a pour finalité d'instruire les demandes d'accès au territoire national des étrangers désireux de se rendre dans notre pays.

Il a précisé que les crédits du programme 151 passaient, en crédits de paiement, d'1,555 milliard d'euros en 2008, à 1,615 en 2009, soit une progression de 3,7 %. Cependant, le périmètre de ce programme a évolué avec le transfert des crédits de fonctionnement et d'investissement correspondant à l'instruction des demandes de visas, au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à compter du 1er janvier 2009.

Cependant, M. André Trillard, rapporteur pour avis, a rappelé que l'essentiel de la croissance du programme relevait de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français fréquentant le réseau de l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger), qui s'étendra à la rentrée 2009 aux classes de seconde, après les classes de terminale en 2007, et de première en 2008. Une enveloppe de 19 millions d'euros supplémentaires est prévue à cette fin.

Il a précisé qu'en l'absence d'encadrement, à la fois des revenus des parents, et du montant des frais de scolarité fixés par les établissements d'enseignement à l'étranger, cette extension de la prise en charge suscitera un besoin de financement supplémentaire considérable, qui réduira mécaniquement les crédits affectés à l'action sociale en faveur des Français expatriés. Il a ajouté qu'il proposerait à la commission un amendement sur ce point.

Le rapporteur pour avis a rappelé que notre réseau consulaire poursuivait son redéploiement souhaitable en direction des pays émergents, où nos compatriotes les plus dynamiques s'établissent, comme la Chine, l'Inde et la Russie, dans lesquels trois nouveaux consulats ont été ouverts récemment. Parallèlement, le réseau consulaire européen est en voie de restructuration pour permettre ce redéploiement.

Puis, revenant sur la hausse continue de nos contributions obligatoires dont 95 % vont à une quinzaine de grandes organisations, telles l'OTAN ou l'ONU, il a estimé que les moyens de pression de la France sur les grandes organisations étant limités, notre pays avait pris l'initiative de consultations avec l'Allemagne et le Royaume-Uni pour arrêter une position commune sur le barème des contributions à l'ONU pour la période 2010-2011.

Il a estimé que les difficultés rencontrées par les grosses opérations de maintien de la paix, comme la MONUC, en République démocratique du Congo, qui compte 17 000 soldats, devait conduire la commission à une réflexion sur ce sujet.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est ouvert au sein de la commission.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé catastrophique le projet de budget de la mission, alors même que le MAEE avait perdu 11 % de ses agents durant la décennie 1998-2008, et 21 % de ses crédits de fonctionnement entre 2000 et 2008.

Elle a déploré le recours croissant à l'externalisation des procédures préalables au dépôt des demandes de visas, évoquant des cas de fraude informatique et de corruption.

Elle a regretté que la coopération militaire voit ses crédits encore diminués, ce qui restreindra ses capacités de formation, et donc d'influence dans les pays où elle opère. Elle a appuyé le rapporteur pour avis dans sa volonté de maintenir le programme 151, mais a relevé que les crédits d'aide sociale étaient reconduits à l'identique depuis 2002, ce qui ne permet d'assurer que les seules dépenses obligatoires. Elle a souligné que ces crédits ne pouvaient, de surcroît, être correctement attribués qu'avec un personnel compétent, dont les effectifs diminuent.

M. Jean-Pierre Chevènement a relevé que les contributions financières françaises aux fonds multilatéraux, dont les OMP, ne cessaient de croître, et s'est interrogé sur la cohérence de cette augmentation avec un réel rayonnement de notre pays, qui doit passer par des actions bilatérales.

Il s'est associé à l'initiative du rapporteur pour avis de plafonner, par amendement, la prise en charge par l'Etat des frais de scolarité des enfants français à l'étranger, estimant que cette décision avait été prise pour des motifs électoralistes.

Mme Catherine Tasca a regretté les décisions tendant à une externalisation croissante des opérations préalables à la délivrance de visas, estimant, de surcroît, que ce mouvement entrait en contradiction avec le poids croissant du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire dans ce domaine.

En réponse, M. André Trillard, rapporteur pour avis, a rappelé que la coopération militaire passait également par la création d'écoles de formation aux frais des Etats demandeurs, comme à Abu Dhabi, estimant que l'influence française se mesurait aux résultats obtenus bien plus qu'aux crédits dépensés.

Puis présentant son amendement, il a cité les éléments chiffrés fournis par le MAEE, notamment sur les revenus de certaines familles bénéficiaires de la prise en charge des frais de scolarité de leurs enfants, précisant que 541 d'entre elles disposaient de revenus déclarés allant de 100 000 à 2 millions d'euros.

Puis la commission a adopté à l'unanimité l'amendement, présenté par son rapporteur pour avis, insérant un article additionnel avant l'article 56 visant à prévoir un mécanisme de double plafonnement (en fonction des revenus des parents et du montant des droits de scolarité) de la prise en charge des frais de scolarité, ainsi qu'à subordonner toute extension de ce dispositif au-delà des classes de lycée à une étude préalable portant notamment sur le financement de cette mesure.

M. Josselin de Rohan, président, a précisé que l'examen des crédits de l'ensemble de la mission « Action extérieure de l'État » s'effectuerait à l'issue de la présentation du rapport pour avis de Mme Cerisier-ben Guiga sur le programme 185.

PJLF pour 2009 - Mission Action extérieure de l'État - Programme Rayonnement culturel et scientifique - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, sur le programme Rayonnement culturel et scientifique de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a rappelé que le programme 185, doté d'un montant de 594,5 millions d'euros en 2009, portait à la fois sur les crédits affectés à l'action culturelle dans les pays développés au sens de l'OCDE, et sur la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui représente 70 % des crédits et même 82 % hors dépenses de personnels. Il reste donc 92 millions d'euros pour la promotion de la langue et de la culture françaises dans 47 pays, dont les 27 Etats membres de l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada et l'Australie, la Russie ou encore le Japon.

De plus, selon le document de programmation triennale, les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, qui étaient de 105 millions d'euros en 2008, devraient revenir de 92 millions d'euros en 2009 à 80 millions d'euros en 2010 et à 77 millions d'euros en 2011, même si ces montants sont encore indicatifs à ce stade.

La diplomatie culturelle risque donc d'être la variable d'ajustement de la baisse des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes.

Dès lors, concernant l'action culturelle, la gestion de la pénurie porte le nom de réforme et devrait se traduire par la réduction de la voilure sur le terrain et le changement d'organisation à Paris.

Les services de coopération et d'action culturelle des ambassades devraient être fusionnés avec les centres et les instituts culturels au sein d'un nouvel établissement sous le label unique d'« Espace France » disposant de l'autonomie financière de manière à accroître leur capacité d'auto-financement.

Il est également envisagé de fermer une quinzaine de centres culturels en Europe, dont Vienne et Stockholm, et une quinzaine en Afrique et en Amérique latine ou de transformer certains centres ou instituts en antennes légères, c'est-à-dire avec un agent placé auprès d'une université ou d'une structure culturelle du pays concerné.

Au sein de l'administration centrale, la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) devrait être transformée en direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats. Son rôle de pilotage stratégique des opérateurs risque toutefois d'être fragilisé par la diminution du nombre de ses agents et des subventions.

Les six opérateurs existants seraient regroupés au sein de trois opérateurs : l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, CulturesFrance et un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale issu du rapprochement de Campus France, Egide et de France Coopération Internationale, ce dernier ayant pour rôle de promouvoir les experts français dans les structures d'assistance technique internationale.

Mais, paradoxalement, au moment où il est question de renforcer le champ d'action de Campus France afin d'en faire l'opérateur central chargé de la mobilité internationale, la subvention de l'Etat baisse de 21 % en 2009.

Toutes ces réformes devraient s'effectuer sous une très forte contrainte budgétaire, a indiqué Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Les subventions d'intervention des services culturels des ambassades fléchissent de 10 à 15 % en moyenne en 2009, et celles des centres culturels et des alliances françaises sont réduites de moitié. Les financements destinés à la promotion de la langue et de la culture française baissent de 14,3 % par rapport à 2008. Les crédits consacrés aux échanges scientifiques et universitaires diminuent de près de 5 % en 2009. Seuls les crédits des bourses pour les étudiants étrangers sont maintenus, pour un montant de 17,5 millions d'euros en 2009.

Evoquant ensuite l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a rappelé que le budget propre de l'agence en 2008 était de 518 millions d'euros, financé à 65 % par les droits d'écolage versés par les familles. Le budget agrégé de l'agence et des établissements en gestion directe représente, pour sa part, 700 millions d'euros, la subvention de l'Etat s'élevant à 354 millions d'euros dont 289 millions d'euros au titre du programme 185 et 63 millions d'euros au titre du programme 151 pour les bourses sur critères sociaux et la prise en charge de la gratuité pour les élèves français de terminale.

Une commission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, réunissant des parlementaires, les administrations concernées, mais aussi les représentants des familles, des enseignants et des entreprises, a été réunie sous la présidence de M. Yves Aubin de la Messuzière, et a remis son rapport en juillet dernier.

Quatre grandes priorités se dégagent de ce rapport : préserver la qualité du service public, garantir la mixité intellectuelle et linguistique, renforcer l'unité du réseau et assurer la rénovation immobilière.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a estimé que la préservation de la qualité du service public passait par le maintien d'enseignants titulaires de l'éducation nationale, face à la volonté de Bercy de supprimer un poste d'expatrié sur deux dans les trois prochaines années.

La mixité intellectuelle et linguistique est, quant à elle, mise en péril par la mesure de prise en charge des frais de scolarité des élèves français, voulue par le Président de la République, car cette mesure est discriminatoire pour les familles étrangères.

L'unité du réseau est également fragilisée du fait de la décision de l'AEFE d'imposer une taxe sur les droits de scolarité perçus par les établissements, ce qui pourrait conduire certains établissements à entamer une procédure de déconventionnement et à un délitement progressif du réseau.

Enfin, concernant la politique immobilière de l'AEFE, aucun financement public n'est prévu dans les prochaines années, alors que le besoin de financement, pour 2006-2011, des 64 établissements gérés directement par l'AEFE avait été évalué par une mission d'audit, à 240 millions d'euros, soit 48 millions d'euros par an.

Par ailleurs, le coût de la prise en charge des pensions civiles des personnels détachés, dont le montant est évalué à 125 millions d'euros pour 2009, ne fait l'objet que d'une dotation de 120 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, et ce coût devrait fortement augmenter en 2010 et 2011, alors que la dotation annuelle de l'Etat devrait rester stable à 120 millions d'euros, ce qui engendrerait des surcoûts de respectivement 13 et 23 millions d'euros.

Si on ajoute à cela le montant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français, dont le financement sur la durée est notoirement insuffisant, on ne peut qu'être inquiet sur les perspectives financières du réseau, a estimé Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

M. André Vantomme s'est interrogé sur la rénovation et l'entretien des locaux des établissements d'enseignement français à l'étranger en l'absence de dotation de l'Etat pour la politique immobilière de l'agence.

En réponse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a rappelé les chiffres précédemment cités par la mission d'audit.

Face à l'absence de subvention de l'Etat pour la politique immobilière, l'agence devait utiliser son fonds de roulement pour effectuer les travaux d'urgence et de sécurisation. Elle ne pourra plus comme par le passé contribuer à ce poste, puisque le fonds de roulement ne représente plus aujourd'hui que 12 jours de fonctionnement. En conséquence, il est vraisemblable que les droits de scolarité versés par les familles sont appelés à augmenter fortement dans les prochaines années.

Tout en étant conscient du contexte budgétaire contraint, M. René Beaumont s'est déclaré préoccupé par l'ampleur de la réduction des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, qui constitue un élément essentiel de la politique étrangère de la France.

Il a cité l'exemple de la coopération franco-allemande, à laquelle il est très attaché.

Il a également regretté la diminution de la proportion d'élèves étrangers inscrits dans les établissements de l'AEFE, qu'il a qualifiée de non-sens politique en souhaitant une augmentation des bourses délivrées aux élèves étrangers.

M. André Trillard s'est interrogé sur l'utilisation par l'AEFE de son fonds de roulement pour des opérations immobilières. Concernant l'action culturelle à l'étranger, il a estimé que celle-ci devait moins reposer sur des centres et instituts culturels, mais être davantage centrée sur des programmations culturelles « hors les murs ». Il a cité l'exemple du festival nantais du film : la « folle journée » qui s'est déroulée à Tokyo et à Kanazawa en mai dernier.

M. Josselin de Rohan, président, s'est demandé s'il ne subsistait pas encore des doublons entre des centres ou instituts culturels et des alliances françaises.

En réponse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- en Allemagne, un tiers des centres ou instituts culturels français ont été fermés ces dernières années et on constate un recul de l'apprentissage mutuel du français et de l'allemand ; il est regrettable, à cet égard, que la France n'ait apporté aucune aide au Land de Bad Wurtemberg, dont les autorités ont décidé, contre l'avis des parents d'élèves, de faire du français la première langue obligatoire dans l'enseignement scolaire ;

- le seul doublon existant entre un institut culturel et une alliance française est Madrid. Toutefois, l'alliance française se consacre exclusivement aux cours de français, tandis que l'institut culturel, haut lieu de la résistance au franquisme, est davantage tourné vers les manifestations culturelles. Il n'y a donc pas, selon elle, de doublon dans ce cas.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a ensuite présenté deux amendements, l'un visant à modifier l'intitulé du programme « Rayonnement culturel et scientifique », cette expression pouvant paraître présomptueuse. Elle a proposé de la remplacer par celle d'« Action culturelle et scientifique extérieure », l'autre tendant à réaffecter 600 000 euros destinés aux contributions internationales au profit du programme « Français langue maternelle », qui permet à des enfants scolarisés à l'étranger d'avoir des contacts réguliers avec la langue française et pour lequel aucun financement n'est prévu.

Après que M. André Trillard, rapporteur pour avis, et M. Josselin de Rohan, président, se furent interrogés sur l'origine de ces crédits, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, a précisé que ce montant de 600 000 euros correspondait à la contribution de la France à l'Union latine, qui avait été supprimée par un amendement de la commission des finances à l'initiative de son rapporteur spécial, M. Adrien Gouteyron, compte tenu du fait que la France assurait 38 % du financement de cette organisation, alors que 37 pays en sont membres.

Mme Catherine Tasca a alors rappelé que l'organisation internationale de la francophonie et l'Union latine avaient noué une étroite coopération ces dernières années et elle s'est interrogée sur l'opportunité de réduire la part de la contribution française à cette organisation.

En réponse, Mme Monique Cerisier ben Guiga, rapporteur pour avis, a indiqué que la réduction de la contribution française à l'Union latine faisait actuellement l'objet de négociations par le ministère des affaires étrangères et européennes, ce qui avait conduit la commission des finances à proposer de supprimer 600 000 euros.

M. Josselin de Rohan, président, a fait part de son accord sur l'amendement proposé par le rapporteur pour avis, sous réserve que ce montant de 600 000 euros soit réexaminé en fonction du résultat des négociations sur la réduction de la contribution française, afin de ne pas risquer de fragiliser la position de la France au sein de cette organisation et au regard de ses engagements internationaux.

Sous cette réserve, la commission a adopté les deux amendements proposés par le rapporteur pour avis.

La commission a alors décidé, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », ainsi modifiés.

PJLF pour 2009 - Mission Défense - Programme Préparation et emploi des forces - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de MM. André Dulait et Jean-Louis Carrère sur la mission « Défense » : programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que le programme 178 « Préparation et emploi des forces » regroupait la majeure partie des dépenses de personnel, de financement du fonctionnement courant des armées et de financement du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels.

Avec 21,86 milliards d'euros de crédits de paiement, ce programme représente 58 % de la mission « Défense », qui compte 37,394 milliards d'euros. Il est placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées.

Il a précisé qu'il exposerait les dépenses de personnel, laissant à M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, le soin de traiter des dépenses de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle et qu'il évoquerait également les surcoûts OPEX.

Il a indiqué que le programme 178 rassemblait 88 % des effectifs du ministère de la défense, soit 281 019 Equivalents temps plein travaillé (ETPT), dont 82 % de militaires et 18 % de civils. Il concentre donc toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées.

Il a tout d'abord évoqué les chances et les risques qui s'attachent à la réforme de l'outil de défense en matière de ressources humaines, avant d'aborder les crédits du titre 2 pour 2009 qui constituent la première marche de cette réforme.

Il a rappelé, en premier lieu, qu'avec une suppression de 54 000 postes, dont 49 000 sur le programme 178, la diminution programmée du format était sans précédent, la professionnalisation n'ayant concerné que 18.000 cadres.

Le plafond d'emplois de la mission défense devrait passer de 323 038 ETPT, en 2007, à 269 728 ETPT en 2016, soit une diminution nette de 53 310 emplois. Les économies attendues sont de l'ordre de 2,7 milliards d'euros sur la période de programmation.

Il est prévu que la déflation porte principalement (à 75 %) sur les soutiens et en respectant une proportion de 25/75 % entre civils et militaires. Le corapporteur pour avis a souligné que c'est dans la partie soutien que servait une majorité de personnels de carrière et que c'est donc surtout par des départs que devrait s'opérer cette réforme.

M. André Dulait, corapporteur pour avis, a souligné l'enjeu de la réforme. Si l'on diminue les effectifs sans réformer l'organisation en profondeur, c'est l'outil militaire dans sa globalité qui est mis en péril. Il a rappelé que, sur la période 2009-2011, le ministère prévoyait, en moyenne, une baisse de 8 400 ETPT par an, par régulation des flux, reclassement dans la fonction publique ou attribution de pécule. Ce dernier mécanisme, conformément aux annonces du ministre devant la commission, a été introduit par voie d'amendement du Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 à l'Assemblée nationale. Le coût total des mesures sociales d'accompagnement sur l'ensemble de la loi de programmation militaire (LPM) représentera un rythme annuel moyen de 150 millions d'euros.

M. André Dulait, corapporteur pour avis, a regretté, pour ce qui concerne les départs vers la fonction publique, que le texte voté pour dynamiser le dispositif des emplois réservés ne soit toujours pas applicable, faute de décret, et que le texte sur la mobilité dans la fonction publique soit toujours en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Il a néanmoins estimé que, paradoxalement, le principal risque était une diminution trop rapide et non maîtrisée des effectifs. En ces temps de baisse d'effectifs, a poursuivi M. André Dulait, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les maîtres mots. Si la déflation d'effectifs s'opère par une réduction drastique des recrutements, elle se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et, vraisemblablement, un gonflement des soutiens. Ces évolutions, à l'opposé de l'objectif recherché, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles.

M. André Dulait, corapporteur pour avis, a déclaré que le projet de loi de finances pour 2009 constituait la première marche de la nouvelle programmation et qu'il importait que l'entrée dans la réforme se fasse dans de bonnes conditions.

Les dépenses de personnel du programme 178, pour 2009, s'élèvent à 15,5 milliards d'euros, dont 5,55 milliards de contributions au compte d'affectation spéciale des pensions. Pensions comprises, les dépenses de personnel progressent de 260,7 millions d'euros et de 1,71 %. En revanche, les rémunérations d'activités enregistrent, de façon inédite, une diminution de 178 millions d'euros et de 2 %. Cette diminution s'explique par deux facteurs :

- les suppressions d'effectifs devraient dégager environ 80 millions d'euros ;

- le glissement vieillesse technicité (GVT) serait négatif en 2009 de 100 millions d'euros, ce qui fait une marge de manoeuvre totale d'environ 180 millions d'euros. Il a noté que ce GVT négatif tablait sur des départs de personnels, et non sur une diminution des recrutements qui conduirait à l'inverse à un GVT fortement positif.

En revanche, a indiqué M. André Dulait, corapporteur pour avis, différents facteurs affectent à la hausse les dépenses de personnel :

- la contribution au compte d'affectation spéciale des pensions progresse de quelque 304,7 millions d'euros ;

- la revalorisation du point d'indice représente 84 millions d'euros ;

- les différentes mesures indemnitaires représentent 18,6 millions d'euros ;

- les revalorisations de la condition militaire, notamment l'entrée en vigueur des statuts particuliers, se traduisent par une augmentation du titre 2 de 59,6 millions d'euros ;

- enfin, l'accompagnement des restructurations, imputé sur le programme 212 « Soutien des forces », se traduit, sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », par une augmentation de l'enveloppe d'indemnisation du chômage d'1,8 million d'euros.

Ces différentes évolutions aboutissent à une augmentation de 3 millions d'euros sur le titre 2.

Il a constaté, dans l'immédiat, que les suppressions d'effectifs ne compensaient pas totalement les facteurs d'augmentation, ce qui conduit à placer le programme 178 sous tension, tension qui se cumule avec les difficultés attendues sur les OPEX. Si avec 510 millions d'euros, la dotation allouée aux surcoûts des opérations extérieures progresse, elle ne constitue pas une budgétisation, sinon intégrale, du moins conforme à la prévision de dépense. Il a rappelé que, pour 2008, les besoins s'élevaient à 832 millions d'euros. Il a indiqué que les OPEX appartenaient désormais au fonctionnement ordinaire des armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles, ni ponctuelles. Comme l'a indiqué le chef d'état-major des armées, elles se caractérisent par leur durée, leur durcissement, leur dispersion géographique et leur diversité. Elles doivent donc être prévues en construction budgétaire dès la loi de finances initiale.

M. André Dulait, corapporteur pour avis, a estimé qu'en liaison avec le ministère des affaires étrangères, une revue des différents théâtres pourrait être envisagée : le Kosovo, la Côte d'Ivoire et le Liban, en particulier, semblent offrir certaines marges de manoeuvre.

Il a considéré, en conclusion, qu'en construction budgétaire, le programme 178 souffrait d'un certain sous-calibrage, notamment en raison de la question récurrente des OPEX. Cette sous-dotation fait peser deux types de risques :

- une déflation d'effectifs plus importante que prévue pour rester dans l'enveloppe ;

- une mise en cause des programmes d'équipements par des annulations sur le titre 5 pour compenser le titre 2.

Il a rappelé qu'au cours des dernières années, le projet de loi de finances rectificative avait pu apparaître comme une « session de rattrapage » pour corriger les insuffisances de dotation de la loi de finances initiale, mais ce mécanisme n'avait pas toujours fonctionné et les armées ont dû absorber une grande partie des surcoûts OPEX.

Il a estimé que, dans l'intérêt même des armées, dans le contexte budgétaire actuel, la loi de finances initiale devait être viable en tant que telle, dans la mesure, bien sûr, de ce qui est prévisible. Il a souhaité appeler tout particulièrement l'attention du ministre sur ce facteur de fragilité du budget de la défense.

Sous le bénéfice de ces observations, il a recommandé l'adoption des crédits de la mission « Défense ».

M. Josselin de Rohan, président, a remercié M. André Dulait pour son rapport non dépourvu d'éléments d'inquiétude.

M. Jean-Pierre Chevènement a souligné que deux OPEX pesaient particulièrement lourd, l'Afghanistan et le Tchad, dont l'évaluation de l'opportunité est laissée à l'appréciation de chacun. Certaines OPEX se défendent plus facilement que d'autres. Il manque manifestement une appréciation sur le coût des opérations lorsqu'elles sont décidées.

M. André Dulait, corapporteur pour avis, a considéré que certaines OPEX offraient des marges qui seront certainement absorbées par d'autres théâtres. Il a estimé que le poids global des OPEX ne baisserait certainement pas en 2009 et que leur coût était, par conséquent, largement prévisible.

M. André Trillard a confirmé qu'au Kosovo, la France pourrait diminuer très sensiblement sa présence.

M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a rappelé que le titre 3 du programme 178 était, pour l'essentiel, affecté au maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO), et au soutien de l'homme.

Il a précisé que le titre 3 recevait en 2009, 6,31 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5,752 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une croissance respective de 17,74 %, et de 4,67 % par rapport à 2008. Cette forte croissance des autorisations d'engagement est destinée au financement des marchés de MCO à tranches pluriannuelles, dont les 4/5e iront à l'entretien programmé des matériels aéronautiques et terrestres, et le 1/5e restant à l'entretien des matériels de dissuasion.

Il a déploré que le Parlement soit conduit à examiner le projet de budget pour 2009, qui constituera la première année de cette programmation, avant même d'avoir pu examiner celle-ci.

Puis il a rappelé que la restructuration du budget de la défense s'appuiera sur une maîtrise des coûts « des fonctions sans lien avec l'activité opérationnelle des armées, notamment la logistique, les transports, les achats, la communication et l'informatique » selon les propres termes du ministre de la défense, et visait à renforcer les crédits consacrés à l'opérationnel, dans un contexte budgétaire contraint.

Ces fonctions, dont les coûts doivent être réduits, relèvent toutes du titre 3, dont les composantes font l'objet d'une réflexion d'ensemble, sous la direction de l'état-major des armées (EMA).

M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a rappelé que les financements affectés au MCO des divers équipements en service dans les armées avaient été accrus par la loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008, et que cet effort budgétaire, destiné à redresser des taux de disponibilité parfois inférieurs à 50 %, s'était accompagné d'une rationalisation de l'organisation et des modalités de réalisation des opérations de MCO. La première étape avait été constituée, en 2000, par la création du service de soutien de la flotte (SSF), puis, en 2002, par celle de la structure interarmées de maintenance des matériels aéronautiques de défense (SIMMAD), dont l'action avait contribué à mutualiser et rationaliser les opérations de maintenance aéronautique, et donc à freiner la croissance de leurs coûts. Puis avait été créé, le 1er janvier 2008, le service industriel de l'aéronautique (SIAé), avec la tâche d'organiser la délégation au secteur privé des activités de soutien générales, en limitant la maintenance, au sein des forces, aux activités de proximité, tout en y assurant la permanence d'un socle de compétences techniques inaliénables.

Il s'est félicité de ce que l'armée de terre connaisse une évolution de même nature, avec la création, en 2009, d'un service unique de soutien à caractère industriel, la structure interarmées de maintenance des matériels terrestres, la SIMMT, qui se substituera à la direction générale du matériel de l'armée de terre.

Il a ajouté que l'armée de terre mettait en oeuvre une politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) visant à rationaliser l'utilisation de ses matériels lourds, et à réduire le coût de leur soutien.

Puis il a constaté que le plan de restructuration des implantations militaires, découlant des propositions faites par la RGPP, touchera particulièrement l'armée de terre ; en effet, sur 82 unités supprimées et 33 autres transférées d'ici à 2014, elle en perdra une cinquantaine, l'armée de l'air, une dizaine, et la marine, une seule base, le site aéronaval de Nîmes-Garons.

Parallèlement, seront créées, d'ici à 2014, 80 à 90 bases de défense interarmées, regroupant les moyens administratifs et de soutien qui relèveront directement de l'état-major des armées (EMA).

Ce resserrement des infrastructures sera accompagné d'une évolution des commissariats propres à chacune des armées pour les fondre à l'horizon 2011, au sein d'un service d'administration générale et de soutiens communs (SAGSC).

Puis, M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a évoqué la situation du MCO prévalant dans chacune des armées. Il a rappelé la spécificité du MCO naval, puisqu'à la différence des autres armées, qui fonctionnent sur une logique distinguant les matériels en parc, et ceux en ligne, la flotte était utilisée en permanence. Les 11 bâtiments à propulsion nucléaire, dont 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), 6 sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) et un porte-avions, consomment environ 70 % des ressources financières affectées au MCO de la marine.

Il a ajouté que l'entretien des 240 aéronefs de la marine, de 19 types différents, et d'un âge moyen de 23 ans, est assuré par la SIMMAD, à laquelle tous les moyens techniques dont disposait la marine ont été affectés, à l'exception des mécaniciens chargés de la maintenance des aéronefs embarqués.

Pour les forces aériennes également, l'essentiel du titre 3 est consacré au MCO, assuré également par la SIMMAD.

Il a constaté que la disponibilité des aéronefs était variable suivant leur type et leur ancienneté, avec 65 % pour les avions de combat, Rafale et Mirage, mais 55 % pour les avions de transport, qui sont vieillissants.

M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a fait valoir que les crédits consacrés à l'entraînement des personnels étaient calculés en fonction d'hypothèses budgétaires sur le coût des carburants difficiles à établir dans le contexte actuel. Ces aléas, comme le vieillissement de certaines flottes, conduisent à un léger fléchissement de l'entraînement.

Ainsi, la flotte de chasse a-t-elle effectué 36 993 heures en 2007, remplissant son objectif d'entraînement ; mais les flottes de transport et d'hélicoptères sont plus affectées, avec un entraînement respectivement inférieur à 2 % et à 10 % au regard des objectifs.

L'armée de terre a, quant à elle, accompli 91 jours d'entraînement en 2008, alors que la LPM 2003-2008 lui fixait un objectif de 100 jours. Ce fléchissement, dû à la vétusté de certains matériels affectés à l'entraînement, est la contrepartie de la disponibilité maximale dont bénéficient les matériels envoyés en OPEX.

M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a conclu en rappelant les remarques principales qu'appelaient les crédits affectés au soutien des armées. Il s'est félicité de ce que le poste de dépense le plus important, le MCO, notamment aéronautique, ait fait l'objet, depuis 2002, d'une forte restructuration, qui ne suffit cependant pas à juguler des coûts qui restent orientés à la hausse.

Il a constaté qu'en matière de dépenses courantes de fonctionnement, la sous-traitance d'activités d'entretien et de gardiennage présente, à l'usage, des dérives financières importantes, faute de concurrence suffisamment étayée dans certaines branches d'activité.

Il a donc estimé que le resserrement des implantations militaires devrait permettre de réduire d'autant les activités sous-traitantes.

Faisant valoir que l'enjeu constitué par la refonte de la carte militaire et la réforme visant à la mutualisation des soutiens, sous l'égide de l'EMA, est majeur, M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a souhaité que soient donnés à nos forces les moyens nécessaires pour passer à une autre étape de leur professionnalisation.

Puis il s'en est remis à la sagesse de la commission sur les crédits du programme 178 consacrés au fonctionnement.

M. Jacques Blanc a souligné que la restructuration des implantations militaires pouvait entraîner des effets négatifs pour certaines collectivités territoriales, mais qu'il s'agissait d'une réforme nécessaire et courageuse, qu'il convenait donc de soutenir.

M. Jacques Gautier a déploré le fléchissement de la disponibilité de la flotte de transport militaire, avec seulement 50 % de Transall en état de voler, et il a fait observer qu'une partie des missions de cet avion avait été effectuée au profit de projets humanitaires et non militaires. Il a souligné la nécessité d'aménager des solutions transitoires entre la fin prochaine du Transall et le recours à l'A400M, du fait du retard croissant envisagé pour la mise en service opérationnelle de ce dernier.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître quels bénéfices étaient attendus de l'accord récemment conclu entre la société Dassault et le ministère de la défense pour la maintenance des Rafale.

M. Jean-Louis Carrère, corapporteur pour avis, a précisé que cet accord pluriannuel permettrait une réduction de 20 % des coûts pesant sur le ministère de la défense.

Puis M. Josselin de Rohan, président, a précisé que le vote sur l'ensemble des crédits de la mission « Défense » aura lieu à l'issue de la présentation des autres programmes la composant, le 25 novembre prochain.

Nomination de rapporteurs

La commission a ensuite nommé rapporteurs :

- Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 68 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant ;

- Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 69 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ;

- Mme Gisèle Gautier sur le projet de loi n° 81 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles ;

- M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 89 (2008-2009) autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais ;

- M. Xavier Pintat sur le projet de loi n° 90 (2008-2009) autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) ;

et sous réserve de leur adoption par l'Assemblée nationale et de leur transmission :

- M. Bernard Piras sur le projet de loi n° 1217 (AN - 13e législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OIPC-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français ;

- M. Raymond Couderc sur le projet de loi n° 1236 (AN - 13e législature) autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de siège du 11 janvier 1965 entre le Gouvernement de la République française et le bureau international des expositions relatif au siège du bureau international des expositions et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

Balkans - Echange de vues avec une délégation de la commission de la politique étrangère de l'Assemblée de la République de Macédoine

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de la commission de la politique étrangère de l'Assemblée de la République de Macédoine, conduite par sa présidente Mme Teuta Arifi, accompagnée de Mme Hristina Runcheva et M. Igor Ivanovski, membres de la commission.

En introduction, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé l'intérêt de la commission pour la zone des Balkans et qu'au nom de la commission, M. Didier Boulaud s'était rendu en Macédoine au mois de mai dernier. Il a interrogé Mme Teuta Arifi, présidente de la commission de la politique étrangère de l'Assemblée de la République de Macédoine, sur les perspectives européennes de son pays et sur le contentieux qui l'oppose à la Grèce à propos du nom de son Etat. La Macédoine est en effet reconnue à l'ONU sous l'appellation d'Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM). Ce problème bloque à l'heure actuelle la possibilité pour la Macédoine d'ouvrir les négociations d'intégration avec l'Union européenne et de rejoindre l'OTAN.

Mme Teuta Arifi, membre du parti de l'Union démocratique pour l'intégration, a indiqué que l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN constituaient des priorités pour le Gouvernement macédonien. L'ensemble des partis politiques a accepté le contenu et les termes du récent rapport de l'Union européenne sur la situation dans son pays. Ce rapport souligne les progrès positifs faits en matière de réforme administrative, de police et de lutte contre la corruption et le crime organisé. Il relève deux points critiques. Le premier porte sur les élections parlementaires, dont elle a reconnu qu'elles n'avaient pas correspondu aux standards de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et qu'elles avaient été marquées par une grande violence. Les leçons de ces élections législatives seront tirées pour les prochaines élections locales et présidentielle.

La seconde critique porte sur le fonctionnement des institutions et notamment sur la procédure accélérée d'adoption de certains projets de loi. La présidence du Parlement macédonien s'est engagée à ce que l'ensemble de lois soit désormais examiné selon la procédure normale.

S'agissant de la question des visas, Mme Teuta Arifi a fait remarquer les progrès réalisés par son pays dans le contrôle intégré des frontières et la modernisation des passeports. Face à ces efforts, il est très important que l'Union européenne envoie aux citoyens macédoniens un signal positif qui aille dans le sens d'une libéralisation et, à terme, de la suppression des visas. En effet, dans une période de scepticisme et de conflits avec ses voisins, il convient de donner aux citoyens une alternative européenne claire.

Elle a rappelé l'importance des accords d'Orhid d'août 2001 pour une Macédoine intégrée.

S'agissant du contentieux sur le nom, le sentiment général, en Macédoine, est que le problème est irrationnel, mais elle a reconnu qu'il est étroitement lié à la question de l'identité et de la langue, question fondamentale dans la zone des Balkans de l'Ouest.

A la suite de cette intervention, Mme Hristina Runcheva, membre du parti démocratique pour l'unité nationale des Macédoniens (actuellement majoritaire au Gouvernement) est intervenue pour se féliciter de la coopération entre les Parlements et Gouvernements des deux pays. Elle a indiqué que l'objectif fondamental du Gouvernement était de poursuivre l'intégration euro-atlantique. Le Parlement et le Gouvernement travaillent pour satisfaire les huit conditions posées par le rapport récent de l'Union européenne. L'Assemblée a voté un nouveau plan de réforme. Elle a également souligné les résultats positifs obtenus en matière économique, ainsi que dans la lutte contre la criminalité et la corruption, la réforme de la police de la justice, les droits des minorités et, enfin la libéralisation du régime des visas.

Mme Nathalie Goulet a rappelé les efforts consentis par la Macédoine pour accueillir un très grand nombre de réfugiés albanais au moment du conflit au Kosovo. Elle a souhaité savoir comment la Macédoine avait ressenti la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo du 17 février dernier et a interrogé Mme Arifi sur la participation de la Macédoine à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).

Mme Teuta Arifi a indiqué que la Macédoine participait activement à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et qu'elle souhaitait une participation accrue de ses observateurs pour les élections à venir.

S'agissant du Kosovo, qui est le premier partenaire économique de la Macédoine, il a été reconnu comme indépendant. Mme Arifi souhaite que ce pays se développe selon les normes démocratiques respectant, en particulier, les droits des minorités.

M. Igor Ivanovski, membre du parti de l'opposition de l'alliance sociale-démocrate de Macédoine, s'est félicité des liens d'amitié et de partenariat entre la France et la Macédoine. Il a rappelé le rôle joué par M. Robert Badinter dans la création de l'Etat macédonien. Il a considéré que le conflit avec la Grèce était irrationnel et absurde, mais qu'il fallait néanmoins trouver un compromis raisonnable permettant un déblocage de la question de l'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne.

En réponse à M. Jacques Berthou, qui l'interrogeait sur la composition ethnique de la Macédoine et sur la situation économique, Mme Teuta Arifi a indiqué qu'elle était à 60 % d'origine macédonienne, à 25 % d'Albanais et 15 % de petites communautés, comme les Turcs, les Serbes, les Valaques ou les Roumains. Elle a rappelé le système de double vote appelé « vote Badinter » qui consiste, pour les questions portant sur l'identité, la langue, l'éducation, les affaires locales, en un vote double à la majorité des membres et à la majorité de la représentation ethnique.

S'agissant des questions économiques, l'intégration à l'Union européenne est de première importance. La Macédoine est un pays agricole, d'importation et de transit. Elle a un grand besoin d'investissements étrangers.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité que les deux pays trouvent une solution sur la question du nom afin que la Macédoine puisse, comme elle en a la vocation, rejoindre l'Union européenne.

Mme Teuta Arifi a exprimé la crainte que la position conservatrice et nationaliste de la Grèce ne génère une tendance de même nature en Macédoine. Pour résoudre cette question et parvenir à trouver une solution, la Macédoine a besoin de la communauté internationale et, en particulier de la France.

En conclusion, Mme Teuta Arifi a invité la commission à envoyer une délégation en visite en Macédoine au cours de l'année 2009.

PJLF pour 2009 - Mission Sécurité - Programme gendarmerie nationale - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Faure sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité » du projet de loi de finances pour 2009.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rappelé que l'année 2009 serait marquée par de profondes mutations pour la gendarmerie nationale.

Tout d'abord, la gendarmerie sera rattachée organiquement et budgétairement au ministère de l'intérieur.

Ensuite, le budget de la gendarmerie s'inscrit dans un cadre pluri-annuel, qui résulte à la fois du document de programmation triennale et de la future loi d'orientation et de programme pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), dont le projet de loi de finances pour 2009 intègre la première annuité.

Enfin, la gendarmerie n'échappe pas à la politique de maîtrise de la dépense publique et aux mesures d'économies prévues au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget de la gendarmerie pour 2009 était marqué par une légère diminution de ses crédits, qui reviennent de 7,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement en 2008 à 7,6 milliards d'euros en 2009, soit une baisse de 2,5 %.

Les dépenses de personnel continuent de progresser et s'élèvent à 6,3 milliards d'euros pour 2009, contre 6,1 en 2008, ce qui représente environ 80 % des crédits.

Concernant les effectifs, la gendarmerie devrait perdre 1 625 emplois en 2009, dont 1 246 au titre du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et 379 en raison de transfert d'effectifs principalement au profit de la mission « Défense », comme la gendarmerie de l'armement par exemple.

Ainsi, le plafond d'emplois de la gendarmerie devrait revenir en 2009 sous la barre des 100 000, pour s'établir à 99 509 emplois.

Malgré cette baisse des effectifs, les rémunérations et les charges sociales continuent de progresser en 2009, en raison à la fois de la prise en compte d'une prévision d'augmentation de 0,8 % du point d'indice de la fonction publique et de la mise en oeuvre de mesures catégorielles.

Le projet de loi de finances intègre ainsi une première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE rénové) pour un montant de 20 millions d'euros.

Les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 988 millions d'euros en 2009, ce qui représente une hausse de 4,6 % par rapport à 2008.

Une part non négligeable est consacrée aux loyers, avec 420 millions d'euros pour 2009, même si ce montant est en diminution de 10 millions d'euros par rapport à 2008.

En effet, des économies sont attendues sur ce poste de dépenses, en raison de la diminution des effectifs et de la transformation de 600 emplois de militaires du cadre général en personnels civils et militaires du corps de soutien technique et administratif, qui, à la différence des officiers et des sous-officiers de gendarmerie, ne bénéficient pas de la concession de logement par nécessité absolue de service.

Enfin, les crédits d'investissement, qui sont de 305 millions d'euros en autorisations d'engagement et 297 millions d'euros en crédits de paiement en 2009, sont en forte baisse par rapport à 2008, respectivement de 50 % et 23 %.

En 2009, conformément à la priorité définie par le ministre de l'intérieur, l'accent sera mis sur un recours accru aux nouvelles technologies, avec un montant de 47 millions d'euros au titre de la LOPPSI 2, qui permettront notamment de financer le développement de la police technique et scientifique, la vidéo-protection, la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, l'équipement des véhicules en terminaux informatiques embarqués, le déploiement de nouveaux systèmes de retransmission d'images par hélicoptères ou encore la modernisation des centres opérationnels départementaux.

La protection des gendarmes sera également améliorée, une enveloppe de 5 millions d'euros étant consacrée notamment à l'acquisition de casques de protection, de visières pare-balles et de gilets pare-balles.

En revanche, les programmes de remplacement des hélicoptères et des véhicules blindés de la gendarmerie seront à nouveau différés de plusieurs années, malgré un état de vétusté préoccupant. Seule une commande de quatre hélicoptères d'occasion sera passée en 2009 afin de permettre à la gendarmerie de reprendre à l'horizon 2012 la mission de souveraineté outre-mer exercée aujourd'hui par les armées, conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposerait à la commission un amendement visant à prévoir le principe d'un remboursement par le ministère de la justice au ministère de l'intérieur des charges liées aux transfèrements et extractions judiciaires assurés par les services de la police nationale ou les unités de la gendarmerie nationale. Ces tâches sont en effet très coûteuses en personnel et en temps pour la police et la gendarmerie, cette dernière ayant consacré l'an passé plus d'1,9 million d'heures à ces tâches, qui mobilisent environ 1 100 gendarmes par jour.

Le transfert de la charge financière des transfèrements et des extractions judiciaires au ministère de la justice serait de nature à responsabiliser davantage des magistrats et à encourager le recours à des moyens alternatifs, comme la visio-conférence.

M. Jean-Pierre Raffarin a fait part de ses fortes préoccupations au sujet du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, en estimant qu'il risquait de remettre en cause la dualité des forces de sécurité et le statut militaire de la gendarmerie nationale.

Il a, en particulier, déclaré craindre des revendications croissantes des gendarmes et des policiers tendant à un alignement progressif de leur statut qui pourrait conduire à un effacement du statut militaire de la gendarmerie et à sa fusion avec la police. Il a également mentionné l'annonce de la fermeture de quatre des huit écoles de la gendarmerie, qui participe de la même logique.

Afin d'adresser un signal fort au Gouvernement, il a déclaré qu'il voterait contre le projet de budget de la gendarmerie pour 2009.

M. Daniel Reiner a rappelé l'opposition du groupe socialiste au rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Il a indiqué que, pour cette raison, son groupe voterait contre ce budget, qui anticipe son rattachement au ministère de l'intérieur, mais aussi pour d'autres raisons qui tiennent davantage au budget lui-même. Il a mentionné la forte baisse des effectifs de la gendarmerie sur les trois prochaines années, la transformation de postes d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie en personnels civils, la fermeture de la moitié des écoles de gendarmerie, les éventuelles suppressions de brigades territoriales ou d'escadrons de la gendarmerie mobile ou encore la diminution des investissements immobiliers et la stagnation des crédits relatifs aux réservistes.

M. René Beaumont s'est également déclaré attaché à la dualité des forces de sécurité, au statut militaire de la gendarmerie et à son ancrage territorial. Il a déclaré que, pour ces raisons, il s'abstiendrait sur le vote des crédits de la mission.

Mme Nathalie Goulet a regretté que l'examen du projet de budget de la gendarmerie pour 2009 précède l'examen en séance publique du projet de loi organisant son rattachement au ministre de l'intérieur. Elle a par ailleurs souhaité avoir des précisions au sujet du déménagement de la direction générale de la gendarmerie nationale.

M. Jacques Blanc a déclaré qu'il était lui aussi très attaché à la dualité des forces de sécurité et au statut militaire de la gendarmerie. Il a cependant indiqué qu'il s'agissait aujourd'hui de se prononcer sur le budget de la gendarmerie pour 2009, et non sur le principe du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, qui était prévu par le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale, que la commission avait examiné le 29 octobre dernier, et sur lequel elle avait adopté dix-huit amendements visant précisément à préserver le statut militaire de la gendarmerie, conforter ses missions et son ancrage territorial.

M. Jacques Berthou s'est déclaré inquiet de la baisse des effectifs de la gendarmerie sur les trois prochaines années et il a indiqué qu'il ne voterait pas, pour cette raison, les crédits de la mission.

Tout en se disant attaché au maintien du statut militaire de la gendarmerie, M. André Dulait a appelé ses collègues à ne pas se tromper de débat en rappelant qu'il s'agissait aujourd'hui pour la commission de se prononcer non sur le principe du rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, mais sur les crédits de la gendarmerie pour 2009. Il a indiqué qu'il voterait, pour sa part, les crédits de la mission.

M. Yves Pozzo di Borgo a également indiqué qu'il voterait en faveur de ce budget. Il a rappelé que l'une des recommandations du groupe de travail sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie tenait au maintien, au sein du ministère de l'intérieur, d'une direction générale autonome avec à sa tête un officier issu de ses rangs.

M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la commission s'était déjà prononcée le 28 octobre dernier sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale et il a indiqué qu'il ne fallait pas mélanger les débats législatif et budgétaire. Il a ajouté que la commission avait auditionné le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense et qu'elle avait adopté dix-huit amendement visant à préserver le statut militaire de la gendarmerie, à conforter ses missions et son ancrage territorial.

Revenant sur les déclarations du ministre de l'intérieur, lors des 20es rencontres de la gendarmerie, qui se sont tenues le 17 novembre dernier à Montluçon, il s'est félicité de ce que le ministre ait pris en compte certaines des préoccupations exprimées par la commission, concernant en particulier l'autorité des préfets au regard du principe hiérarchique, le ministre se déclarant prêt à trouver une formulation et ayant insisté sur l'équilibre des missions et le respect des zones de compétence de la police et de la gendarmerie.

En réponse, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- il convient de ne pas confondre le projet de budget de la gendarmerie pour 2009 et le rattachement organique de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, organisé par le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie ;

- le ministre de l'intérieur s'est engagé devant la commission à faire en sorte que la diminution des effectifs porte en priorité sur les personnels affectés à des tâches administratives ou annexes, comme la surveillance des centres de rétention administrative par exemple, de manière à préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie et son maillage territorial ;

- comme l'a affirmé le général Roland Gilles, lors de son audition devant la commission, l'objectif de pouvoir disposer de 40 000 réservistes à l'horizon 2012 ne paraît plus budgétairement hors de portée, ce qui est regrettable compte tenu du rôle essentiel joué par la réserve pour renforcer les unités sur le terrain. Un effort devra donc être réalisé à l'avenir ;

- malgré une diminution de l'investissement immobilier en 2009, la gendarmerie va bénéficier de la livraison d'un nombre important de logements locatifs sur les trois prochaines années, grâce aux efforts des collectivités territoriales et en application de la LOPPSI ;

- le déménagement de la direction générale de la gendarmerie nationale dans de nouveaux locaux à Issy-les-Moulineaux devrait intervenir en 2009 ;

- l'organisation interne d'un ministère relève du domaine réglementaire, mais la commission s'était clairement prononcée pour le maintien d'une direction générale autonome au sein du ministère de l'intérieur ;

- la forte baisse des crédits d'investissements en 2009 a conduit à différer deux programmes importants, le renouvellement des véhicules blindés et des hélicoptères, mais le directeur général de la gendarmerie nationale a assuré que les capacités actuelles seraient conservées grâce aux travaux de maintien en condition opérationnelle sur ces matériels.

Sur proposition de M. Jean Faure, rapporteur pour avis, la commission a ensuite adopté à l'unanimité un amendement visant à prévoir le principe d'un remboursement par le ministère de la justice au ministère de l'intérieur des charges liées aux transfèrements et extractions judiciaires assurés par les services de la police nationale ou les unités de la gendarmerie nationale.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que cet amendement correspondait au principe de la LOLF « Qui commande paie » et qu'il aurait le mérite d'attirer l'attention du Gouvernement sur cette question.

Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité », le groupe socialiste, le groupe communiste républicain et citoyen et M. Jean-Pierre Raffarin votant contre et Mme Nathalie Goulet et M. René Beaumont s'abstenant.

Jeudi 20 novembre 2008

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

PJLF 2009 - Mission aide publique au développement - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 de MM. Christian Cambon et André Vantomme : mission « Aide publique au développement ».

M. André Vantomme, corapporteur pour avis, a tout d'abord observé que la France consentait un effort important en faveur des pays du Sud, mais qu'à bien des égards, il s'agissait d'un effort composite et dispersé sur lequel elle ne semblait pas toujours avoir de prise.

L'enjeu de la réforme annoncée est de permettre à notre pays de reprendre l'initiative et de définir une stratégie claire au service d'une efficacité accrue et d'un rayonnement à la hauteur de nos ambitions.

M. André Vantomme, corapporteur pour avis, a considéré qu'en temps de crise mondiale, l'aide nécessaire et légitime que notre pays entend apporter aux pays les plus pauvres devait continuer d'être orientée vers les plus déshérités à niveau d'effort égal. Il a estimé que la complexité de l'architecture de l'aide française, peu lisible, contribuait à porter suspicion sur la réalité de l'effort. Ainsi en est-il des procédures d'annulation de dettes, annoncées d'année en année pour certains pays pour des montants importants, alors même que la valeur de cette dette sur les marchés est voisine de zéro.

Il a regretté que la réalité d'une aide au développement pourtant très conséquente puisse être contestée, avec raison semble-t-il, pour des errements qui perdurent depuis fort longtemps et qui sont liés à la comptabilisation extensive des frais d'écolage, des dépenses liées à l'accueil des réfugiés sur le territoire français, des dépenses de recherche et développement...

Il s'est déclaré très circonspect sur l'idée que les crédits consacrés à l'aide publique au développement soient liés à des gains de parts de marché ou puissent être un instrument susceptible de contribuer à endiguer les flux migratoires.

Considérant que chaque année voyait le bouleversement de l'ordre des priorités de l'aide française, il a plaidé pour un système souple, assorti d'une réflexion stratégique solidement charpentée.

Il a rappelé que l'examen par le Comité d'aide au développement de l'OCDE avait conclu que l'aide française était certes importante en volume, mais qu'elle restait dispersée et peu lisible, faisant une large place au multilatéral sans véritable articulation avec les priorités nationales.

La transformation de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) en une direction générale de la mondialisation, direction « d'état-major » chargée de la stratégie et de la tutelle des opérateurs visait à renforcer la cohérence globale de l'outil. Cette direction générale constitue l'aboutissement de la réforme de 1998 en achevant le transfert aux opérateurs de toutes les interventions opérationnelles du ministère. Sur le terrain, les SCAC (services de coopération et d'action culturelle) devraient être fusionnés avec l'opérateur culturel, tandis que le directeur local de l'AFD sera le conseiller de l'ambassadeur pour les questions de développement.

Il a estimé que cette réforme était logique et souhaitable, mais qu'elle ne serait viable qu'à deux conditions : que la nouvelle direction générale change véritablement de nature et ne constitue pas une DGCID « amaigrie » et qu'un volume raisonnable de crédits bilatéraux à mettre en oeuvre soit disponible.

Il a ensuite indiqué qu'une série de dépenses d'aide publique au développement était comptabilisée en dehors de la mission :

- les crédits d'autres missions budgétaires intervenant dans le domaine du développement (2,2 milliards d'euros) ;

- la part du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne qui finance les programmes communautaires de développement (952 millions d'euros en 2009) ;

- les opérations de prêts (651 millions d'euros) ;

- les annulations de dette (2,4 milliards d'euros en 2009) ;

- l'effort d'APD des collectivités territoriales (72 millions d'euros en 2009).

Le produit de la taxe sur les billets d'avion, d'environ 160 millions d'euros par an, n'est en revanche pas comptabilisé dans l'APD.

La mission APD ne compte ainsi que 3,154 milliards d'euros sur les 9,549 milliards que compte déclarer la France en 2009.

Evoquant les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement », il a souligné que le programme enregistrait une progression notable, marquée par l'augmentation du volume des aides budgétaires et du fonds français pour l'environnement mondial.

Il a considéré que l'examen de la programmation pluriannuelle ne soulevait pas d'inquiétude ni d'observation particulière, mais que le pilotage de tous ces fonds, ainsi que leur concentration était en question : le programme supporte ainsi un fonds de la banque interaméricaine de développement à hauteur d'1,73 million d'euros, un montant manifestement trop faible pour exercer quelque influence dans cette enceinte.

M. Christian Cambon, corapporteur pour avis, a ensuite rappelé que le programme 209 présentait en principe un profil différent, puisqu'il supporte l'aide héritée de l'ancien ministère de la coopération, notamment l'aide-projet bilatérale, mais aussi toute la coopération culturelle dans les pays en développement.

Pour 2009, ce profil s'est modifié sous l'effet de la croissance des contributions multilatérales financées sur ce programme (+ 7 %) dans une enveloppe stable et même en légère diminution (- 0,34 %).

Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme et même plus de 67 % si l'on excepte les dépenses de personnel.

Le programme supporte quatre types de contributions.

Les contributions volontaires au système des Nations unies subissent la contrainte budgétaire et sont en baisse de 15 %, revenant de 86 à 73 millions d'euros. Les contributions multilatérales de la francophonie enregistrent une légère diminution, tandis que le programme est surtout marqué par le dynamisme de la contribution de la France au Fonds européen de développement qui, avec 802 millions d'euros et en progression de 11 %, représente à elle seule 40 % des crédits du programme.

Il a indiqué qu'à compter de 2011 et les débuts du décaissement du 10e FED, une partie de la contribution devrait se voir appliquer une nouvelle clé de répartition (19,5 % au lieu de 24,3 %), mais que la contrainte du FED resterait forte, avec une contribution de 4,4 milliards d'euros sur 6 ans, contre 3 milliards sur le FED précédent. De façon nouvelle, le règlement financier du FED prévoit que la commission doit fixer un plafond annuel pour les appels de contributions, ce qui devrait donner plus de visibilité. Il permet aussi que des crédits puissent être délégués aux agences nationales, voie qui paraît devoir être explorée autant que possible. A terme, l'intégration du FED dans le budget communautaire devra être opérée. Elle aurait pour effet de ramener notre contribution à 15,9 %.

Il a relevé que la contribution de la France au fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme s'élève, quant à elle, à 300 millions d'euros pour 2009, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2008.

Il a souligné que le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme était une réussite en termes de mobilisation financière. Il a su mobiliser des ressources, à tel point qu'il se trouve dans une situation financière plutôt confortable et que l'on peut s'interroger sur la capacité d'absorption des pays bénéficiaires. Le fonds a reçu à ce jour un total de 11,8 milliards de dollars. Sur ce total, il a engagé 11,6 milliards de dollars et a déboursé 6,639 milliards de dollars, dont presque 2,6 milliards de dollars au titre de l'année 2007.

M. Christian Cambon, corapporteur pour avis, a souligné que ces contributions multilatérales, dans un environnement budgétaire contraint, ont clairement un effet d'éviction sur l'aide bilatérale, qui revient de 670 millions d'euros en 2008 à 592 millions d'euros en 2009, soit une baisse de 12 %, alors que le périmètre s'élargit à Canal France international pour 16 millions d'euros, au GIP Esther, pour 4 millions d'euros et doit faire une plus large place à CulturesFrance, aux ONG et à la politique du genre.

Le corapporteur pour avis a rappelé que le programme 301, géré par le ministère de l'immigration, avait été constitué en loi de finances pour 2008 à partir de transferts d'autres programmes et qu'il prévoyait trois types d'action :

- un fonds multilatéral en cours de création, doté de 9 millions d'euros sur trois ans ;

- des aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine, dotées de 3,5 millions d'euros ;

- des actions bilatérales dotées de 18 millions d'euros, qui financent des actions de développement « classiques » dont l'impact économique ou social peut avoir potentiellement un effet sur les migrations.

Il a considéré, en conclusion, que, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits budgétaires globaux alloués à l'aide publique au développement étaient globalement préservés, mais que cette enveloppe budgétaire stable était marquée par la très forte progression des contributions multilatérales.

Les contributions multilatérales ont, par conséquent, un effet d'éviction sur l'aide bilatérale qu'elle soit culturelle ou qu'il s'agisse de l'aide-projet sur subventions. Cette contraction des subventions touche en particulier les pays les plus pauvres qui ne sont pas éligibles à l'intervention sur prêts et risque d'entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Elle prive également la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens via des cofinancements.

Il a souligné que le poids de la France dans les enceintes multilatérales était lié à la crédibilité de son propre effort bilatéral et à sa pratique du terrain, en particulier en Afrique. Cet équilibre doit être préservé. Telle est la raison pour laquelle la répartition des crédits entre les différents instruments paraît pouvoir être améliorée.

Il s'est interrogé sur la multiplicité des fonds multilatéraux et sur leur efficacité, en particulier, sur l'opportunité d'augmenter notre contribution au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la situation financière n'est pas tendue compte tenu du rythme de ses décaissements. Le différentiel (20 millions d'euros) aurait pu utilement être redéployé vers notre aide bilatérale, notamment dans le domaine de la santé.

M. Christian Cambon, corapporteur pour avis, a proposé l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement, M. André Vantomme, corapporteur pour avis, s'en remettant à la sagesse de la commission.

Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs pour avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souligné que l'OCDE autorisait effectivement la comptabilisation des annulations de dettes en aide publique au développement, ce qui permet, si elles ne sont pas effectivement réalisées, de les annoncer à plusieurs reprises. Ces dettes n'ont le plus souvent pas de valeur de marché.

Elle a jugé contestable la comptabilisation de frais d'écolage, souvent très approximative, en aide publique au développement.

Elle s'est étonnée que des crédits soient consacrés aux aides de la réinstallation des migrants, ce mécanisme se révélant le plus souvent inopérant.

Elle a estimé qu'un transfert de crédits du Fonds sida, dont les décaissements sont insuffisants, aurait effectivement été opportun pour financer des actions de santé maternelle et infantile.

M. Michel Guerry a souligné que l'image de la France au sein du fonds sida n'était pas à la hauteur de sa contribution et que le ministère de la santé ne semblait pas s'y intéresser.

Le problème rencontré par ce fonds est qu'il ne parvient pas jusqu'aux malades, ce qui n'est pas seulement lié à un problème financier. Ce fonds est déjà bien doté et l'augmentation des crédits qui y sont alloués est dommageable.

M. André Trillard a souhaité savoir quels étaient les moyens de contrôle de la France sur les différents fonds.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a considéré que pour l'aide parvienne effectivement aux malades, les crédits du fonds devaient être accompagnés d'une aide bilatérale.

M. Jean-Pierre Chevènement a appelé à une réflexion plus générale sur le rôle du Fonds monétaire international et sur le recours aux droits de tirage spéciaux. Il a considéré que l'objectif de 0,7 % était un chiffre mythique qui établissait une sorte d'étalon de l'effort des Etats.

Il a déclaré partager l'analyse des rapporteurs sur les fonds multilatéraux. Il a souligné qu'un Etat comme le Zimbabwe, membre de la zone de solidarité prioritaire, ne recevait pourtant pratiquement rien de l'aide française.

M. André Vantomme, corapporteur pour avis, a souligné la difficulté de venir en aide à ce pays sous embargo, en particulier parce qu'on n'a que peu de moyens de contrôle sur l'acheminement réel de l'aide à leurs destinations finales.

Evoquant le fonds sida, il a indiqué qu'il semblait qu'il y ait davantage de moyens disponibles que d'actions à financer.

Il a estimé qu'un transfert de crédits, par ailleurs souhaitable, susciterait une forte opposition de la part de ceux qui sont engagés dans la lutte contre cette pandémie.

Il y a un travail de pédagogie à mener pour qu'une telle réduction n'apparaisse pas comme un désengagement.

M. Christian Cambon, corapporteur pour avis, a souligné que l'on pouvait effectivement s'interroger sur un redéploiement au profit d'actions bilatérales des crédits affectés à la lutte contre le sida. Il a souhaité que la commission poursuive ses investigations et fasse des propositions.

Il a rappelé que toute diminution de la contribution de la France au FED supposait une renégociation.

M. André Vantomme a souligné le paradoxe de l'articulation entre l'aide française bilatérale et multilatérale : la France dispose, sur le terrain, d'un réseau structuré, mais dépourvu de moyens, tandis que l'Union européenne dispose de crédits, mais apparemment sans relais de mise en oeuvre. Une réflexion est nécessaire sur les différents outils et sur leur articulation.

M. Josselin de Rohan, président, a souligné que l'aide multilatérale était un choix politique, tout comme la volonté de voir l'Union européenne jouer un rôle important dans ce domaine. Il faudrait que l'Union européenne rende son aide plus visible.

Puis la commission a adopté les crédits de la mission Aide publique au développement, le groupe socialiste votant contre.

63e Assemblée générale de l'ONU - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur le déplacement d'une délégation de la commission à la 63e Assemblée générale de l'ONU, à New York, du 3 au 7 novembre 2008.

M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord indiqué qu'une délégation du Sénat, qu'il présidait, s'était rendue, à l'invitation du ministre des affaires étrangères et européennes, à la 63e Assemblée générale de l'ONU, du 3 au 7 novembre 2008. Cette mission était composée des sénateurs Didier Boulaud, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Cantegrit et Robert del Picchia.

Cette mission a permis de rencontrer les principaux chefs de mission, ambassadeurs auprès des Nations unies, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de Chine, de Russie, d'Israël ainsi que l'observateur permanent de la Palestine. Elle a pu également rencontrer les principaux responsables de l'ONU : Mme Migoro, vice-secrétaire général, en remplacement de M. Ban Ki Moon en déplacement en République démocratique du Congo, M. Urbina, représentant permanent du Costa Rica, président du Conseil de sécurité, M. Merores, représentant permanent d'Haïti, président du Conseil économique et social, et M. Miranda, chef de cabinet du président de l'Assemblée générale.

Des réunions ont également été organisées avec le département des opérations du maintien de la paix, représenté par M. Edmond Mulet qui remplaçait M. Alain Le Roy, également en déplacement au Congo, avec le directeur de l'équipe du Secrétaire général pour les changements climatiques, M. Pasztor, ainsi qu'avec le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateurs des secours d'urgence, responsable de la task force des Nations unies sur la crise alimentaire, Sir John Holmes.

Par ailleurs, la délégation a rencontré les représentants de l'Union européenne à New York, MM. Valenzuela et Marquardt, ainsi que le représentant permanent adjoint de la République tchèque, pays qui doit succéder à la France à la présidence de l'Union européenne. Ces entretiens ont été complétés et préparés par des réunions de travail avec notre représentation permanente auprès des Nations unies : M. Jean Maurice Ripert, notre ambassadeur M. Jean-Pierre Lacroix, représentant permanent adjoint, et M. Philippe Delacroix, secrétaire général de la délégation française. Selon leur spécialité, les différents diplomates attachés à la représentation permanente sont venus éclairer la délégation sur des points particuliers. Les missionnaires ont également participé aux briefings quotidiens de la représentation permanente.

Une rencontre organisée également avec les fonctionnaires internationaux français travaillant à l'ONU a permis d'évoquer la question de la place du français, des Français et de la francophonie aux Nations unies. Un dîner offert par l'ambassadeur a permis un échange fructueux avec un certain nombre d'ambassadeurs francophones.

En plus de ces réunions, un programme spécifique avait été prévu pour M. Didier Boulaud sur la question du Kosovo.

Enfin, lors d'un dîner offert à l'occasion de la visite à New York de la commission sur la mesure des performances économiques et le progrès social, que préside le professeur Joseph Stieglitz, la délégation a pu avoir un échange extrêmement intéressant avec le prix Nobel d'économie, mais aussi avec M. Justin Lin, économiste en chef de la Banque mondiale, avec le professeur Amartya Sen, également prix Nobel ainsi qu'avec le professeur Jean-Paul Fitoussi.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que l'évolution récente des Nations unies se caractérisait par une polarisation croissante qui se manifeste de cinq manières. Au sein du Conseil de sécurité, deux pays, la Russie et la Chine affirment leurs positions de puissance. Par ailleurs, on constate une polarisation croissante entre le Nord et le Sud, au sein des Nations unies, accentuée par la frustration des pays émergents qui ne participent pas aux décisions de l'organe opérationnel qu'est le Conseil de sécurité. La polarisation existe aussi entre les organes des Nations unies, et notamment le Conseil de sécurité, et l'Assemblée générale du fait de l'élargissement de l'agenda du Conseil de sécurité qui traite de l'ensemble des crises internationales en y adjoignant une dimension « Droits de l'Homme » ressentie comme une ingérence et un dévoiement du Conseil par un certain nombre de pays. La présence croissante du phénomène régional, avec la montée en puissance de l'Union européenne, mais aussi de l'Union africaine ou de l'ASEAN, est une autre caractéristique de l'évolution récente de l'ONU. Enfin la polarisation s'exprime par la constatation du « double standard », particulièrement évident pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

M. Josselin de Rohan, président, s'est ensuite attaché à décrire le mouvement de réforme de l'ONU et, en particulier, du Conseil de sécurité. Il a indiqué que cette réforme globale est indispensable pour assurer la pérennité même de l'ONU. Le dernier élargissement du Conseil de sécurité date de 1963 et il est évident que, depuis 45 ans, le monde s'est considérablement transformé. Dans un contexte entièrement nouveau, la représentativité du Conseil de sécurité ne correspond indiscutablement plus à la réalité du monde d'aujourd'hui. L'absence de réforme ne peut conduire qu'à la contestation de sa légitimité, alors même que son rôle n'a cessé de croître au détriment relatif de l'Assemblée générale de l'Ecosoc. Le risque existe de voir un certain nombre de pays, notamment les grands pays émergents, se désintéresser d'une institution aux décisions de laquelle ils ne participent pas. Si cette tendance se poursuivait, ce serait une atteinte définitive au multilatéralisme au profit du bilatéralisme.

La France a un intérêt particulier à cette réforme, puisque sa position au sein du Conseil de sécurité, comme membre permanent disposant du droit de veto, est un vecteur d'influence majeure qui lui donne une place automatique dans tous les forums internationaux et lui permet de renforcer sa capacité de présence et de participation. M. Josselin de Rohan, président, a rappelé qu'environ deux tiers des textes adoptés par le Conseil de sécurité sont initiés par les deux membres permanents européens du Conseil, la France et le Royaume-Uni. Cette proportion est portée à 70 ou 80 % pour ce qui concerne les textes relatifs à l'Afrique, principal sujet de préoccupation du Conseil et centre d'intérêt majeur de notre diplomatie.

M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que l'influence politique de la France ne se suffisait pas à elle-même et qu'elle devait être appuyée par des moyens financiers, notamment en ce qui concerne les contributions volontaires. De ce point de vue, on ne peut qu'être inquiet de l'érosion du montant des crédits. La part de la France représente moins d'1 % des fonds levés à titre volontaire par les Nations unies et est, en tout état de cause, très inférieure à celle de nos principaux partenaires européens.

S'agissant de la réforme elle-même, le Président de la République a rappelé, le 27 mars dernier, la position de la France. Celle-ci souhaite que les élargissements portent à la fois sur les membres permanents et les membres non permanents. La France soutient les candidatures de l'Allemagne, du Brésil, de l'Inde et du Japon à des sièges permanents ainsi qu'à une représentation permanente de l'Afrique. Cette réforme suppose un engagement politique des Etats membres au plus haut niveau. La suppression du droit de veto des membres permanents actuels et l'éventuelle extension de ce droit sont irréalistes et inacceptables pour les cinq membres permanents (P5). La France souligne sa disponibilité à envisager une réforme intérimaire qui consisterait, pendant une phase transitoire de 10 à 15 ans, à élire des membres semi-permanents, pour une durée de cinq ans, par exemple, rééligibles, ayant vocation à devenir permanents à la fin de la période transitoire, ainsi que des membres non permanents, avec des mandats plus longs de deux ans également rééligibles. L'avantage de cette option est de tester une solution de réforme sans la graver dans le marbre.

S'agissant du nombre de sièges total, il s'agit de trouver un équilibre entre l'efficacité d'une part, la représentativité et la légitimité d'autre part. Un consensus existe pour ne pas dépasser le nombre de 25.

M. Josselin de Rohan, président, a souligné qu'après de très nombreuses années de négociations, l'Assemblée générale avait adopté, au mois de septembre dernier, une décision en vue du lancement des négociations intergouvernementales avant le 28 février 2009.

M. Josselin de Rohan, président, a ensuite abordé la question de la place de l'Union européenne à l'ONU. Il a souligné que l'Union n'avait pas, en tant que telle, de statut officiel. Le bureau du Secrétariat du Conseil et de la Commission a le statut d'observateur. L'Europe est finalement représentée par ses 27 ambassadeurs et, en particulier, par l'ambassadeur du pays qui assume la présidence tournante, puisque celui-ci exprime officiellement les positions communes arrêtées par l'Union européenne.

L'Union européenne est d'ores et déjà très présente et active aux Nations unies. Elle est souvent le promoteur des principaux concepts et initiatives qui ont fait progresser le corps de doctrine internationale. Globalement parlant, l'Europe est le premier donateur d'aide publique au développement, avec plus de 60 % de l'APD mondiale, le premier fournisseur d'aide humanitaire, le premier contributeur au budget général (près de 40 %) et le premier contributeur de troupes et de policiers dans le cadre des OMP. Elle est un partenaire global de l'ONU.

L'Union européenne parle à l'ONU d'une seule voix, à travers sa présidence, dans la grande majorité des réunions de l'Assemblée générale et de ses six commissions, ainsi qu'à l'Ecosoc et à sa trentaine d'organes subsidiaires. La Commission intervient dans les domaines de compétence exclusive.

Cependant, au Conseil de sécurité, et en dépit du fait que le Haut représentant, Secrétaire général du Conseil européen, puisse intervenir régulièrement, la règle demeure celle d'une prise de parole à titre national par les seuls membres du Conseil.

La mise au point des positions communes engendre un intense travail de coordination, au cours de quelque 1 100 réunions internes que tient chaque année l'Union européenne à New York. Ces réunions techniques sont accompagnées de réunions hebdomadaires des chefs des missions des 27 pays de l'Union européenne auxquelles s'ajoute l'organisation de réunions semestrielles ou de rencontres organisées spécifiquement lors de la « semaine ministérielle » en format troïka ou à 27.

Grâce à cette présence soutenue, l'Union européenne a souvent été, notamment sous l'impulsion de la France, le « coureur de tête » (pour reprendre une expression de la Commission) de la promotion des valeurs, des concepts et des initiatives qui ont fait peu à peu évoluer le corps de doctrine internationale aux Nations unies : concept de développement durable (dans sa dimension environnementale et sociale) ; promotion de la bonne gouvernance (et de la lutte contre la corruption) ; défense des Droits de l'Homme, dont en particulier les droits de la femme et des enfants ; élaboration d'un droit humanitaire international ; promotion de la justice pénale internationale ; abolition de la peine de mort, etc.

Malgré ce bilan très positif, force est de constater que l'Union européenne continue de souffrir d'un certain manque d'identification aux Nations unies, alors même que les valeurs qu'elle défend sont de plus en plus contestées. Cette contestation est une réaction contre ce qu'un grand nombre de pays ou d'organisations régionales, pour des raisons diverses et parfois contradictoires, considèrent comme une trop forte emprise occidentale sur l'ONU.

Mais les faiblesses propres à l'Union européenne expliquent aussi cette absence de relief. Il en va ainsi de la lourdeur et des difficultés de la coordination interne à 27, qui aboutit, certes, à des positions communes, mais qui sont extrêmement contraintes dans leurs expressions.

Si l'Europe demeure très largement une Europe des Nations, cela ne doit pas exclure l'élaboration d'une véritable stratégie commune vis-à-vis des Nations unies et de rechercher une meilleure visibilité et une plus grande efficacité des activités de l'Union européenne à l'ONU.

M. Jean-Pierre Cantegrit a ensuite présenté la place de la France, du français et de la francophonie au sein des Nations unies. Il a relevé que le constat effectué dans le rapport annuel au Parlement sur l'emploi de la langue française de 2006, qui soulignait que 90 % des rapports des Nations unies étaient initialement rédigés en anglais, n'avait guère été infirmé, en dépit d'une résolution de l'Assemblée générale adoptée en 2007 qui réaffirmait l'importance de la parité des six langues officielles de l'organisation.

La place du français à l'ONU ne correspond toujours pas à celle qui lui est attribuée par les textes fondateurs. Au niveau du recrutement, la règle est de prévoir le caractère obligatoire de l'anglais et seulement « souhaitable » du français, même pour des embauches destinées à des pays francophones.

A l'Assemblée générale, alors même que l'Organisation internationale de la francophonie compte 70 membres, le nombre des interventions en français est en baisse.

L'une des principales raisons du recul du français tient aux contraintes budgétaires. En effet, la traduction des documents ou la création de sites Web se heurte aux limites du budget. De plus, lors de réunions informelles, qui jouent pourtant un rôle fondamental dans le processus de négociation des textes, la langue anglaise est systématiquement imposée. Dans ce contexte, un certain nombre de délégués francophones qui ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais sont défavorisés pour exprimer leur position.

La réduction de la place du français et des Français aux Nations unies est le fruit de la facilité. Pourtant le ministère des affaires étrangères et européennes dispose d'une stratégie claire visant à promouvoir les jeunes au travers du programme des experts associés et à suivre leur carrière, en commençant aux niveaux intermédiaires P2 et P3 et en accompagnant leur progression dans la hiérarchie.

M. Jean-Pierre Cantegrit a souligné que la place des Français à l'ONU suppose une stratégie de placement des fonctionnaires français ou francophones. Les Allemands ou les Russes appliquent une « stratégie du flipper » : quand la balle frappe en haut, il faut qu'elle redescende, ce qui signifie qu'il ne suffit pas d'obtenir les plus hauts postes, mais qu'il faut également investir sur le niveau P2-P3 qui est le niveau critique.

Des efforts particuliers doivent être faits dans les secteurs où la France a des lacunes en matière de représentation, comme la gestion, les finances ou les ressources humaines. Il en va de même au département des opérations de maintien de la paix, où il est nécessaire de prendre en considération l'importance des contingents francophones qui sont déployés dans les pays en crise.

M. Jean-Pierre Chevènement a ensuite rendu compte des discussions qui ont eu lieu sur la crise financière internationale et les problèmes économiques. Ces questions, évoquées avec les représentants permanents rencontrés, ont également été traitées lors du dîner offert par le Consul général à l'occasion de la visite à New York de la commission Stieglitz.

La principale conclusion était qu'il convenait de procéder à une relance coordonnée. Les Etats-Unis ne pourraient pas rétablir seuls les équilibres fondamentaux de leur économie. Ils auront notamment besoin de l'aide des pays excédentaires. Les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la situation des Etats-Unis se caractérisait par un déficit commercial supérieur à 700 milliards de dollars, un déficit budgétaire hors de contrôle, un endettement des ménages égal à 133 % de leurs revenus, alors même que leur taux d'épargne était inférieur à 1 % de leurs revenus, un endettement net extérieur croissant à une vitesse exponentielle, et le cours du dollar à la merci des politiques des pays détenteurs de « balance-dollars ». De plus, l'économie américaine draine 80 % de l'épargne mondiale.

Si les Etats-Unis devaient rétablir seuls leurs équilibres, cela plongerait le monde dans une récession sans précédent, les fondamentaux d'ici quelques années seraient encore plus dégradés. On ira de bulle en bulle et de crise en crise, toujours plus graves.

L'aide du reste du monde pour cette relance coordonnée est, en fait, l'enjeu majeur des prochaines réunions internationales, dont celle du G20, qui s'est tenue à Washington le 15 novembre dernier. Cette aide doit provenir des pays excédentaires, tant en ce qui concerne leur épargne que leur excédent commercial (Chine, Allemagne, Japon, pétromonarchies du Golfe). Le point le plus dur sera certainement la Chine. Celle-ci a un taux d'épargne excessif (près de 40 % de son PIB). Il est décisif qu'elle augmente sa consommation, soit par la voie des salaires, soit par le rétablissement et l'extension d'une protection sociale. Sinon, il faudra faire pression pour une réévaluation du yuan, sans qu'on puisse exclure des mesures protectionnistes (droit anti-dumping social ou écotaxes). Une initiative américaine dans ce domaine n'est pas à écarter. L'Europe devrait alors en faire autant.

M. Jean-Pierre Chevènement s'est prononcé pour que soient fixés des objectifs de relance régionalisés (par grandes régions du monde), et ultérieurement déclinés par pays. La relance doit s'inscrire dans un projet déterminé de développement qui privilégie les investissements dans un certain nombre de secteurs. Dans le secteur de l'énergie pour préparer l'« après pétrole », dans la lutte contre l'émission de gaz à effet de serre et contre le réchauffement climatique, pour la préservation de ressources rares (eau, air, matières premières), pour l'éducation et la recherche, pour l'innovation à travers le tissu des PME-PMI qu'il faut encourager, selon J. Stieglitz, en faisant en sorte que l'Etat se porte caution des emprunts qu'elles contractent à cet effet, pour la santé et la protection sociale (y compris la politique familiale) et pour le développement, par exemple des infrastructures en Afrique ou dans l'Asie pauvre (Bengladesh, Laos, Cambodge, etc.) : eau, irrigation, transports, écoles, hôpitaux.

Pour financer cette relance, M. Jean-Pierre Chevènement suggère une utilisation à grande échelle des droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI, créés en 1976, mais qui n'ont été utilisés qu'une seule fois. En réalité, il existe une fenêtre d'opportunité ouverte par l'élection de M. Barack Obama, qui permettrait de profiter du fait que les Etats-Unis ne sont plus en mesure d'imposer seuls leur opinion et qu'il est possible aujourd'hui de passer d'une politique de l'unipolarité à une politique de la multipolarité en réformant le FMI et l'ONU.

A la suite de cette intervention, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que l'Allemagne était en train de préparer un plan de relance de son économie et qu'il serait important que celui-ci soit coordonné avec ses partenaires. Il a également rappelé l'engagement fort du président élu, M. Obama, en faveur de l'environnement.

A Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que si la relance américaine se faisait à base d'exonérations fiscales, de déficit budgétaire et des mises à zéro des taux d'intérêt, voire, comme cela est le cas actuellement des taux négatifs, les Etats-Unis connaîtraient effectivement une croissance en hausse, mais qui s'accompagnera également de la croissance des déficits et de l'endettement. Le redémarrage de la croissance américaine en solitaire créerait donc encore plus de problèmes, d'autant plus que le dollar demeure une monnaie mondiale, mais qui est gagée par les avoirs chinois ou des monarchies du Golfe. Si l'on veut corriger ce déséquilibre, il faut une coordination internationale entre l'ensemble des grands acteurs, qui aboutira à un nouveau modèle de développement. Il a souligné que la position de la France en matière d'infrastructures, de traitement de l'eau, d''assainissement, etc., pouvait être favorable dans ce contexte.

A M. Christian Cambon, qui s'interrogeait sur la place du français et des Français à l'ONU, comme au sein des institutions européennes, M. Jean-Pierre Cantegrit a indiqué qu'effectivement la contrainte budgétaire était importante, dans la mesure où, globalement parlant, les contributions françaises aux institutions internationales diminuaient de manière significative, ce qui correspondait à une perte d'influence.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué qu'il était nécessaire que les candidats français à des postes internationaux soient trilingues et que, pour développer la place de notre langue, il convenait de travailler avec les autres pays francophones. Cela étant, on ne peut que constater que, pour des raisons de facilité, l'anglais domine.