Mardi 16 décembre 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Accès des entreprises au crédit et mesures en faveur des entreprises - Audition de M. Stéphan Brousse, conseiller spécial aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) de la présidence du MEDEF, Président du MEDEF pour les Bouches-du-Rhône

La commission a procédé à l'audition de M. Stéphan Brousse, conseiller spécial aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) de la présidence du MEDEF, président du MEDEF pour les Bouches-du-Rhône.

Rappelant que le MEDEF disposait de 154 sections territoriales et de 76 cellules de soutien aux PME sur l'ensemble du territoire national, M. Stéphan Brousse a observé que, comme dans l'ensemble des pays européens, tous les domaines d'activité, au-delà de la construction automobile et du secteur immobilier, sont touchés en France par la crise économique actuelle. La situation économique en 2009 sera, à ses yeux, incontestablement mauvaise, compte tenu notamment de la propension compréhensible des ménages à constituer une épargne de précaution plutôt qu'à consommer. Puis notant que les chefs d'entreprises ont l'habitude de réagir positivement aux difficultés et obstacles rencontrés, il a salué les mesures prises par le Gouvernement, qui donnent la priorité au soutien à l'investissement et non à la consommation. Il a insisté sur les spécificités financières des petites et très petites entreprises (TPE) qui disposent le plus souvent de fonds propres très faibles au regard de leur chiffre d'affaires. Ainsi le financement du développement des entreprises françaises est essentiellement assuré par les banques et plus secondairement par les familles et les proches des entrepreneurs. Il est absurde d'opposer de façon manichéenne les entrepreneurs « vertueux » des TPE aux banquiers « rigoristes » car il est légitime que les banques n'investissent qu'à condition que le chef d'entreprise lui-même prenne, à due proportion, une part de risque et engage son propre argent dans les projets. Contrairement à une idée largement répandue, il est plus coûteux pour un chef d'entreprise d'utiliser ses fonds propres plutôt que de recourir aux prêts des banques, en raison de contraintes liées au paiement de l'impôt sur la société. En outre, ces fonds ne sont pas considérables : plus d'un tiers des 350.000 entreprises françaises ne dégagent en moyenne que 40.000 euros de résultat net par an, ce qui explique que le moindre choc économique puisse mettre en péril la pérennité de nombreuses entités.

Puis M. Stéphan Brousse a abordé les moyens permettant de répondre à court terme à la récession actuelle. Il a appelé de ses voeux des assouplissements législatifs et réglementaires afin de permettre aux contribuables à l'impôt sur la fortune (ISF) d'investir davantage dans les petites entreprises sans être limités par le plafond actuel de 50.000 euros. Il s'est réjoui que la question des délais de paiement soit désormais mieux prise en compte grâce aux récentes modifications introduites dans ce domaine par la loi de modernisation de l'économie. S'agissant de l'assurance crédit, il a déploré que seulement un quart des entreprises françaises souscrivent de tels contrats, qui offrent pourtant une sécurité financière considérable en les protégeant du dépôt de bilan de leurs clients. Il s'est félicité de la récente annonce du Gouvernement de créer des compléments d'assurance-crédit public (CAP) en faveur des entreprises confrontées à des difficultés d'accès à l'assurance-crédit. La Caisse centrale de réassurance, qui finance le CAP, soutiendra ainsi les assureurs-crédits sous réserve que les entreprises clientes maîtrisent leur niveau d'encours et leurs crédits. A cette occasion, il a mentionné le rôle de pédagogue et d'intermédiaire du MEDEF pour familiariser les TPE avec cette nouvelle mesure à laquelle ont pour le moment accès essentiellement les grandes entreprises. Soulignant l'intérêt de suivre l'évolution du nombre de plans sociaux et des conventions de chômage partiel et technique pour prendre la mesure de la crise, il a indiqué que seulement un dixième des dossiers présentés par les entreprises au MEDEF traduisait de réelles difficultés financières. En outre, il a souhaité que de nouveaux échéanciers de remboursement des créances soient autorisés au cas par cas pour les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles et que le dispositif de remboursement de TVA soit assoupli.

Puis après avoir insisté sur l'intérêt du régime des exonérations de cotisations sociales en faveur des zones franches urbaines, M. Stéphan Brousse a estimé indispensable d'envisager des mesures structurelles pour renforcer le tissu productif français. En premier lieu, il faut poursuivre l'innovation même en période de récession afin de profiter pleinement de la phase de reprise. En deuxième lieu, il convient de chercher des relais de croissance à l'international, même si cette dernière hypothèse semble aujourd'hui plus compromise que par le passé compte tenu du caractère global de la crise. En troisième lieu, il serait utile de renforcer les fonds propres des entreprises françaises, d'alléger leurs charges et d'encourager les particuliers à investir dans leur développement. En dernier lieu, alors qu'il est toujours plus aisé de créer ou de supprimer des entreprises à l'étranger qu'en France, on peut espérer que la récente réforme du service public de l'emploi permette une plus grande fluidité du marché du travail en France. Enfin, il serait également opportun de réconcilier les Français avec le monde de l'entreprise, les entrepreneurs pâtissant malheureusement d'un déficit d'image qu'il conviendrait de corriger dès l'école.

Egalement convaincue de l'intérêt de renforcer l'esprit d'entreprise en France, Mme Odette Herviaux a déploré que certains organismes bancaires aient récemment restreint leurs conditions de crédit, en augmentant notamment leurs taux d'intérêt. Par ailleurs, elle a jugé anormal que les banques demandent aux collectivités territoriales d'accorder certaines garanties à des prêts, observant que ces collectivités étaient dans le même temps pressées d'augmenter leurs investissements, alors même que leurs ressources financières sont limitées. Constatant que tous les domaines d'activité étaient désormais touchés par la récession, y compris les industries agro-alimentaires, et tout en reconnaissant la nécessité de soutenir l'investissement, elle a déploré l'absence de relance de la consommation qui bénéficierait en premier lieu aux ménages à faible pouvoir d'achat.

M. Stéphan Brousse a répondu qu'il ne fallait pas que les TPE paient les erreurs des banques, qui s'expliquent en grande partie par des « comportements individuels d'escroquerie ». Constatant que les coûts du crédit ont augmenté alors même que le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) a diminué, il a craint que cette restriction du crédit pénalise gravement les entreprises françaises qui dégagent de faibles résultats nets. Puis il a salué le rôle de l'Etat qui garantit désormais les prêts accordés entre banques afin de rétablir la confiance entre les acteurs financiers. Cette mesure ne devrait pas in fine être trop onéreuse pour les comptes publics puisque pratiquement toutes les garanties devraient être couvertes. Considérant que le système capitaliste était, malgré ses défauts, celui qui avait permis de créer le plus de richesse, il a douté de la pertinence et de la viabilité d'une économie sociale et solidaire. Toutefois, le fonctionnement capitaliste devant s'inscrire dans un cadre régulé, il a salué la récente conclusion, sous l'égide du MEDEF et de l'Association française des entreprises privées (AFEP), d'un code de gouvernement d'entreprises à l'intention notamment des entreprises du CAC 40.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est interrogé sur l'opportunité de demander aux collectivités territoriales de garantir certains prêts aux entreprises.

Mme Jacqueline Panis a souhaité connaître les observations du MEDEF pour les mesures du Gouvernement annoncées pour lutter contre la crise économique.

M. Stéphan Brousse a indiqué que son organisation portait un jugement très favorable sur l'action du Gouvernement et la rapidité avec laquelle avaient été débloqués 360 milliards d'euros au profit de l'économie. Le Président de la République agit, à ses yeux, comme un véritable chef d'entreprise, conscient des défis à relever et déterminé à agir rapidement et en toute transparence. Il s'est félicité de constater qu'il existait désormais un consensus au sein de la société française pour soutenir l'activité des entreprises. Abordant la question des relations entre le MEDEF et M. René Ricol, médiateur national du crédit des entreprises, il a précisé que l'organisation patronale jouait le rôle d'un « tiers de confiance » pour accompagner et conseiller les entreprises en difficulté et, plus globalement, pour remplir son rôle de coordinateur entre les banques privées, la direction de la Banque de France et les tribunaux de commerce. Après s'être félicité de l'implication des services de la Banque de France, il a estimé que les procédés de médiation actuels devant les tribunaux de commerce permettaient de garantir la confidentialité des difficultés rencontrées par les chefs d'entreprise.

M. Michel Bécot a regretté la disparition des liens de confiance traditionnellement noués entre les responsables de TPE et leurs banques. Alors que les directeurs des établissements bancaires étaient souvent des conseillers avisés pour les chefs d'entreprise, on observe aujourd'hui, en particulier dans les petites villes de province, une très grande mobilité et un rajeunissement important du personnel des banques, ce qui empêche d'avoir une vision à long terme du développement des entreprises françaises.

M. Stéphan Brousse, après avoir également déploré cette détérioration des relations entre les banques et les chefs d'entreprise, qui sont pourtant indispensables pour réaliser des « investissements de rupture » permettant un saut quantitatif et qualitatif substantiel pour la croissance de l'entreprise, a indiqué que certains employeurs vivaient difficilement ce qu'ils percevaient comme une certaine arrogance de la part de leurs banquiers. Il a conclu en incitant les chefs d'entreprise à recourir à l'expertise de la Banque de France, dont les notations peuvent constituer un outil précieux pour négocier des prêts avec les banques privées.

Accès des entreprises au crédit et mesures en faveur des entreprises - Audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME).

Soulignant que les petites et moyennes entreprises (PME) avaient été confrontées à des difficultés de financement dès la fin de l'année 2007, M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a considéré que la crise ferait pleinement sentir ses effets au cours de l'année 2009. Même si la majorité des PME françaises sont en bonne santé économique, plusieurs milliers d'entre elles, appartenant aux secteurs de la sous-traitance automobile, du transport routier ou du petit commerce de proximité, vont sérieusement pâtir du ralentissement de l'activité économique au cours des prochains mois.

Tout en se réjouissant que le Gouvernement ait décidé d'intervenir très en amont avec la mise en oeuvre du plan bancaire au cours du mois d'octobre, lequel va permettre d'injecter près de 22 milliards d'euros de liquidités dans l'économie, dont 5 milliards par l'intermédiaire d'Oséo, il a déploré le fait que les banques tardent à faire connaître auprès de leurs agences les dispositifs mis en place, retardant d'autant pour les PME les effets bénéfiques induits par ces mesures. Il a par ailleurs relevé que la France devrait bénéficier d'une partie des 30 milliards d'euros de prêts distribués par la Banque européenne d'investissement (BEI) et que le fonds stratégique d'investissements, récemment mis en place par le Gouvernement, devrait distribuer près de 20 milliards d'euros.

Après avoir jugé délicate la formulation d'une appréciation générale sur la situation des PME françaises, il a estimé que celle-ci montre la nécessité de redynamiser les circuits bancaires. Une enquête réalisée par la Banque de France a montré que 75 % des établissements bancaires ont, avec la crise, durci les conditions d'octroi de crédits et, simultanément, augmenté leurs marges. Il a en conséquence jugé indispensable que les banques assouplissent les conditions d'octroi de crédits aux entreprises. De même, il apparaît souhaitable que les banques communiquent aux entreprises le jugement qu'elles portent sur leur situation économique et financière. En effet, bien que la Banque de France procède, à la demande des entreprises, à l'analyse de leur bilan, cette pratique n'est pas systématiquement suivie par les chefs d'entreprise. Enfin, il serait intéressant que les banques rendent publics les encours de crédit qu'elles accordent.

Evoquant ensuite la question de l'assurance-crédit, M. Jean-François Roubaud a jugé souhaitable de modifier les conditions dans lesquelles ces organismes peuvent retirer leur garantie. Ainsi, il convient de fixer une obligation de prévenir le client, au moins soixante jours à l'avance, du retrait d'une garantie et d'en informer également le consommateur final. A cet égard, un accord a été conclu avec une société d'affacturage afin que soit respecté un délai de trente jours, ce qui constitue une première étape.

S'agissant des conséquences de la crise économique, il a considéré que la mise en oeuvre du plan de relance était de nature à soutenir la conjoncture économique au cours des prochains mois, facilitant la réalisation de projets déjà conçus, mais dont l'exécution est bloquée, notamment dans le secteur de la construction. De même, les interventions du médiateur du crédit, qui ont permis de résoudre près de 60 % des dossiers qui lui ont été soumis, constitue un outil efficace. Son organisation territoriale devrait cependant être modifiée afin que se mettent en place des équipes d'accompagnateurs dans chaque département afin d'assister les entreprises éprouvant des difficultés.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est interrogé sur le caractère homogène, au plan territorial, des interventions du médiateur du crédit.

En réponse, M. Jean-François Roubaud a estimé nécessaire d'étoffer ses équipes dans les différents départements et d'élargir leurs compétences, au-delà des strictes questions de crédit, à d'autres aspects de l'activité des entreprises.

Relevant que les secteurs de l'agro-alimentaire et de la logistique étaient également particulièrement touchés par la crise économique et financière, Mme Odette Herviaux s'est interrogée sur les stratégies conduites par les entreprises et sur les moyens mis à leur disposition pour relancer leurs activités, au-delà des mesures du plan de relance qui présentent un caractère conjoncturel. En particulier, il apparaît indispensable d'aider les PME à se tourner vers de nouveaux marchés à l'exportation et de développer leurs activités de recherche et développement. Elle a ensuite souligné qu'y compris au sein des pôles de compétitivité, où les activités de recherche et développement ont une importance déterminante, les difficultés rencontrées par les grandes entreprises avaient un impact sur les PME. Enfin, elle a demandé si la CGPME disposait de statistiques sur le nombre de créations d'entreprises et des dépôts de bilan.

M. Jean-François Roubaud a indiqué que le plan de relance s'adressait en priorité aux secteurs économiques disposant de projets pouvant être mis en oeuvre très rapidement, comme dans le secteur du logement ou des bâtiments industriels et commerciaux, ce qui suppose également de modifier certaines règles, notamment ayant trait aux marchés publics. S'agissant de la recherche de nouveaux marchés, il a relevé que la crise avait des répercussions mondiales et que, dès lors, la relance ne pouvait s'appuyer sur la seule hausse des activités à l'exportation. En revanche, il convient que les entreprises profitent de marchés finalisés, notamment dans le secteur des infrastructures routières ou ferroviaires. En ce qui concerne les pôles de compétitivité, il a souscrit aux réflexions de Mme Odette Herviaux, même s'il a reconnu que les PME n'étaient pas, à une exception près, fortement représentées dans ces pôles et intervenaient plutôt en qualité de sous-traitant. Il a néanmoins jugé indispensable de faire évoluer cette situation afin que les PME soient traitées équitablement, jugeant par exemple pertinent de nommer, dans chaque pôle, un « correspondant des PME ». Enfin, il a précisé qu'à la fin du mois de novembre 2007, il était constaté une hausse de 17 % du nombre de dépôts de bilan sur un an et que les créations d'entreprises étaient en légère baisse. Il a cependant souligné que les créateurs d'entreprise étaient mieux aidés et soutenus, ce qui confortait leur pérennité.

M. Michel Bécot a estimé que la frilosité des établissements bancaires à accorder des crédits aux PME ne constituait pas un fait nouveau et a déploré que les banques profitent de la crise économique pour assainir leur situation financière. Il a également estimé que les sociétés d'assurance-crédit et d'affacturage ne répondaient pas nécessairement aux besoins des entreprises et qu'il appartenait aux banques d'apporter à celles-ci de la liquidité.

Concédant que 75 % des banques se déclaraient, en novembre dernier, moins enclines à accorder des prêts et plus exigeantes en matière de garanties, M. Jean-François Roubaud a toutefois rappelé que ces établissements étaient aussi des entreprises commerciales qui ne pouvaient pas prendre des risques supplémentaires et inconsidérés en période de crise. Il a néanmoins reconnu que les chefs d'entreprise et les banques devaient améliorer leurs relations, à charge pour ces dernières de développer un « suivi client » plus personnalisé et un dialogue plus régulier avec leurs clients afin de disposer d'une information de qualité sur la situation économique des entreprises concernées. A cet égard, il a estimé que les banques devaient s'efforcer de garantir une certaine stabilité de leur personnel sur le même portefeuille de clients afin d'être en phase avec les attentes et les besoins des chefs d'entreprise.

M. François Patriat a indiqué qu'il avait participé à une réunion avec des sociétés de capital-investissement qui regrettent de ne pouvoir trouver des petites et moyennes entreprises (PME) qui acceptent de laisser des investisseurs prendre des participations dans leur capital, alors que cela permettrait d'apporter des financements à la recherche et à l'innovation et de contribuer à la création d'emplois. Il a également fait valoir que lors d'une réunion à l'association des régions de France (ARF), certaines régions ont affirmé ne pas être touchées directement par la crise, à l'image des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Ile-de-France, à l'inverse d'autres comme la Haute-Normandie, la Basse-Normandie, la Franche-Comté ou Rhône-Alpes, confrontées aux difficultés du secteur automobile et de ses sous-traitants. Evoquant ensuite le plan de relance du Gouvernement il a regretté que les comités mis en place par l'Etat n'associent pas les collectivités territoriales, alors que celles-ci pourraient opportunément accompagner les entreprises.

Puis il a exposé que les nombreuses entreprises qui ont anticipé les difficultés économiques et ont souhaité, dès l'annonce du plan de relance, vouloir bénéficier des soutiens mis en place, se sont ravisées parce qu'elles ont constaté que cela avait un impact négatif sur leur notation bancaire, et donc sur leur capacité à accéder au crédit. Il a toutefois salué, parmi les mesures annoncées dans le cadre du plan de relance, l'assouplissement des règles des marchés publics, trop contraignantes et trop complexes aujourd'hui pour les collectivités, alors que celles-ci ont par ailleurs réalisé des progrès en matière de réduction des délais de paiement ou d'avances immédiates sur les opérations mises en oeuvre. Enfin, s'agissant des pôles de compétitivité, il a relevé que ceux-ci accueillaient de nombreuses PME ainsi que des grands groupes, à l'image du pôle nucléaire de Saône-et-Loire où sont implantées des entreprises comme Areva ou Alstom qui fournissent une activité pour de nombreux sous-traitants. A cet égard il a estimé que la proposition de M. Jean-François Roubaud de désigner un correspondant des PME dans ces pôles de compétitivité était particulièrement pertinente.

M. Jean-François Roubaud a reconnu qu'il y avait effectivement une difficulté pour mettre en adéquation l'offre de capitaux des sociétés de capital risque et la demande des entreprises, et qu'il fallait améliorer la mise en relation des investisseurs avec les entreprises familiales, notamment, qui sont encore réticentes, par culture, à ouvrir leur capital. S'agissant des règles de passation des marchés publics, il a estimé qu'il était en effet nécessaire de poursuivre leur simplification afin de faciliter leur accès pour les PME.

M. François Patriat a ajouté qu'il fallait, dans le plan de relance, privilégier, prioritairement, les projets immédiatement réalisables, en évitant de sélectionner des projets dont l'échéance de réalisation paraîtrait trop lointaine ou peu envisageable dans l'immédiat, afin de donner à ce plan un contenu opérationnel en partenariat avec les régions et les départements.

Déclarant qu'il partageait cette analyse, M. Jean Paul Emorine, président, a indiqué que la commission des affaires économiques auditionnerait, le 17 décembre, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, et, au début du mois de janvier prochain, M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, afin de les interroger notamment sur les projets prioritaires à conduire dans le cadre de ce plan.

M. Jean-François Roubaud a reconnu que M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, devra tout d'abord recenser les projets prioritaires en identifiant ceux qui sont immédiatement réalisables, en particulier dans le secteur du bâtiment et notamment les travaux programmés par les sociétés HLM.

M. Jean Paul Emorine, président, après avoir rappelé que la loi de modernisation de l'économie avait permis de réduire les délais de paiement pour les entreprises, s'est interrogé sur la façon dont celles-ci avaient accueilli cette mesure.

M. Jean-François Roubaud a expliqué que si, pendant de nombreuses années, la majorité des PME se prononçaient en faveur d'une diminution des délais de paiement, tel n'est paradoxalement plus le cas aujourd'hui dans le contexte de crise économique, mais il a considéré, pour sa part, qu'il s'agissait d'une mesure saine et nécessaire.

Présidence du Haut conseil des biotechnologies - Audition de M. Jean-Luc Darlix, candidat proposé à la nomination de cette fonction

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Darlix, candidat proposé à la nomination à la fonction de président du Haut conseil des biotechnologies.

M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que c'est en application de l'article L.531-4 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) que la commission est appelée à se prononcer sur la candidature de M. Jean-Luc Darlix à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.

La loi relative aux OGM poursuit deux objectifs principaux :

- d'une part, mettre le droit national en conformité avec les exigences communautaires en achevant la transposition des directives du 26 octobre 1998 relatives à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés et du 12 mars 2001 relatives à la dissémination volontaire d'OGM à propos desquelles la France était poursuivie pour défaut de transposition ;

- d'autre part, finaliser un cadre juridique fondé sur trois principes : expertise, transparence et responsabilité, afin de garantir la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM.

En application de ces principes, il a relevé que la première conclusion du Grenelle de l'environnement tendait à l'institution d'une Haute autorité sur les OGM permettant d'assurer une expertise indépendante et pluridisciplinaire, nécessaire pour une juste application du principe de précaution.

Quant à la loi adoptée quelques mois plus tard, elle a confirmé le rôle purement consultatif de cette instance, désormais dénommée Haut conseil des biotechnologies.

Cet organisme comprend :

- un comité scientifique réunissant des personnalités reconnues pour leurs compétences en matière de génétique, de protection de la santé publique, de sciences agronomiques, mais aussi en droit, en économie et en sociologie ;

- et un comité économique, éthique et social composé des représentants des associations habilitées à saisir le Haut conseil, des représentants d'organisations professionnelles, d'un membre du comité consultatif national d'éthique, d'un député et d'un sénateur ainsi que des représentants des associations de collectivités territoriales. Le président du Haut conseil est un scientifique, membre de droit des deux comités.

Le comité scientifique rend un avis à l'autorité administrative sur toute demande d'utilisation d'OGM, comme l'exigent les directives communautaires. Lorsque la demande concerne une utilisation en milieu ouvert et non confiné, l'avis du comité scientifique est assorti des recommandations du comité éthique, économique et social qui l'aura préalablement examiné et pourra en avoir débattu avec le président du comité scientifique et un de ses membres.

M. Jean-Luc Darlix a alors présenté sa candidature, déposée à la demande du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT). Il a détaillé son parcours dont les principales étapes ont été l'obtention de son doctorat d'Etat en sciences naturelles en 1970, un poste de professeur à l'Université Paul Sabatier de Toulouse en 1986 puis la fondation et la direction d'un laboratoire de l'unité de virologie humaine commun à l'INSERM-Ecole normale supérieure de Lyon et situé au sein de cette dernière.

C'est en 1982 que M. Jean-Luc Darlix a débuté ses travaux sur la création et la manipulation d'organismes génétiquement modifiés. Ceux-ci ont notamment porté sur la mise au point des premiers vecteurs rétroviraux puis aux développements de certains vecteurs lentiviraux en collaboration avec la société Transgène, dans les deux cas à des fins de transgénèse comme par exemple celle des cellules neuronales de la souris.

Il a ensuite fait état de son appartenance à deux instances :

- d'une part, la commission de génie génétique présidée par le docteur Roland Rosset et chargée depuis sa création en 1992 d'évaluer les dangers et les risques que présentent les organismes génétiquement modifiés et les procédés utilisés pour leur obtention ainsi que les dangers et risques potentiels liés à l'utilisation de techniques du génie génétique ;

- et d'autre part, la commission du génie biomoléculaire qui a pour mission d'évaluer, au cas par cas et avant toute autorisation, les risques pour la santé publique et l'environnement, liés à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés.

Puis M. Jean-Luc Darlix a présenté sa vision du futur Haut conseil des biotechnologies, en précisant notamment :

- il reviendra au président de procéder à la synthèse des travaux du comité scientifique et technique et du comité économique, éthique et social afin de formuler des propositions d'avis aux différents ministères ;

- il sera essentiel que le Haut conseil suive une procédure d'examen rigoureuse en se prononçant sur des dossiers complets contrairement à ce qui se produit parfois au sein de la commission de génie génétique ;

- il serait enfin indispensable que la nouvelle instance dispose des moyens de mener pleinement ses missions à bien compte tenu, en particulier, de la croissance très rapide du nombre de vecteurs mis à disposition, qui pourrait atteindre 100.000.

A l'issue de cet exposé, M. Daniel Raoul, tout en notant que M. Jean-Luc Darlix présentait sa candidature à la demande du MEEDDAT, a souhaité savoir quelles étaient les motivations plus personnelles de cette démarche. Il l'a aussi interrogé sur la question de la dissémination des organismes génétiquement modifiés, qui concerne plus directement le débat politique actuel que la recherche en milieu confiné. Enfin, il a souhaité connaître la position éthique de M. Jean-Luc Darlix sur la notion de réparation de l'homme grâce aux thérapies géniques.

En réponse, M. Jean-Luc Darlix a témoigné de sa très grande motivation qui repose :

- d'une part sur son enthousiasme pour la recherche dans un domaine où il a été précurseur il y a plus de 25 ans et qui est aujourd'hui porteur de nombreux espoirs de mise au point de vecteurs-médicaments ;

- d'autre part, sur sa volonté d'assurer une meilleure prise en compte de l'éthique dans le développement de certaines innovations, alors que dans certains cas, des recherches sont aujourd'hui conduites sans précautions suffisantes quant aux risques d'une dissémination des vecteurs, ce qui peut engendrer des épidémies.

Sur la question de la dissémination, il a indiqué qu'en tant que membre du comité de préfiguration de la haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés il partageait la position de son président M. Jean-François Le Grand, estimant qu'il convenait de porter un jugement équilibré prenant en compte à la fois les avantages attendus et les risques de telles pratiques. En tant que virologue, il est particulièrement sensible à ces questions de dissémination d'organismes dans la nature.

M. Jean Bizet a tenu, au début de son intervention, à rappeler avec la plus grande fermeté que, contrairement à ce qu'avait indiqué M. Jean-Luc Darlix, les deux comités au sein du Haut conseil des biotechnologies avaient des vocations tout à fait distinctes et qu'il n'était nullement question d'opérer une quelconque synthèse entre leurs travaux. En effet, le comité scientifique a pour mission de rendre un avis sur la dangerosité des organismes en se fondant sur les connaissances disponibles et sans intégrer d'autres considérations. Quant au comité économique, éthique et social, il a pour mission très différente d'adresser des recommandations aux ministères compétents en prenant en considération les avantages et les inconvénients que présenterait telle ou telle pratique impliquant des organismes génétiquement modifiés.

M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé à son tour l'importance de la différenciation des rôles de chacun des deux comités, sujet qui avait fait l'objet de débats très nourris lors du vote de la loi.

M. Jean-Luc Darlix, après avoir indiqué qu'il avait fondé son interprétation du fonctionnement du Haut comité sur ses discussions avec le cabinet de la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur, a reconnu qu'il avait peut-être fait, personnellement, une confusion sur ce point et qu'il était tout à fait disposé à intégrer les remarques formulées par les membres de la commission.

M. Jean Bizet a ensuite interrogé M. Jean-Luc Darlix sur :

- ses intentions, en matière d'information et de dialogue du Haut conseil des biotechnologies avec la société ;

- la possibilité, pour le Haut conseil, de réagir officiellement à certains articles publiés dans la presse grand public afin de bien préciser que les informations diffusées sont beaucoup moins rigoureuses que celles des revues scientifiques à comité de lecture ;

- sa position quant à la mise en place éventuelle de méthodes d'évaluation des risques plus rigoureuses que celles des instances européennes ;

- la façon dont il envisageait de traiter le cas du maïs transgénique Monsanto 810 pour lequel la France a mis en oeuvre la clause de sauvegarde alors que 23 études et deux avis officiels -de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'agence européenne de sécurité des aliments- concluant à son innocuité ont déjà été rendus.

Mme Evelyne Didier, après avoir rappelé la nécessité d'un dialogue avec l'opinion publique pour effacer des appréhensions infondées, a demandé si les virus ne faisaient pas, au final, partie intégrante de l'équilibre d'un écosystème. Elle a souhaité obtenir des précisions sur le mode de communication des avis qui seront rendus par le Haut conseil. Elle a enfin souhaité savoir si cette instance serait en état d'être informée de toutes les innovations.

En réponse à ces questions, M. Jean-Luc Darlix a apporté les éléments suivants :

- le dialogue avec le grand public constitue une priorité et il a déjà une certaine expérience, notamment des associations avec lesquelles il débat régulièrement ;

- il serait tout à fait judicieux de rectifier certaines contrevérités parfois diffusées dans certains journaux, dès lors qu'une telle démarche aurait recueilli l'accord des ministères ;

- concernant l'évaluation des risques, il convient de rappeler que par un avis du 5 décembre dernier, les autorités communautaires demandent aux Etats membres d'assurer le suivi des évaluations auxquelles ils procèdent, ce qui est particulièrement nécessaire en France. Le Haut conseil des biotechnologies n'a toutefois pas vocation à procéder à lui seul à ce suivi qui ne peut être mené à bien que par l'engagement des différents ministères concernés tels que ceux chargés de la recherche, de la santé et de l'agriculture et du développement durable ;

- sur le maïs Monsanto 810, il serait sans doute nécessaire de procéder à de nouvelles évaluations, car de nombreux travaux ont été publiés depuis un an, certains scientifiques ayant même changé d'opinion sur le sujet ;

- à propos du rôle joué par les virus dans leur milieu, il est évident que ceux-ci occupent une place tout à fait particulière comme en témoigne l'exemple des biofilms marins ;

- la communication des avis du Haut conseil dépendra de l'accord du ministère auquel ces avis sont destinés ;

- le Haut conseil doit être informé de toutes les découvertes et de toutes les recherches à travers un rigoureux travail de documentation, notamment via internet, mais il est indispensable de procéder à une analyse systématique et rigoureuse des nouvelles informations, d'autant plus que l'on est parfois confronté à de fausses expériences présentant des résultats sans aucune valeur scientifique.

Après que M. Jean-Luc Darlix a été raccompagné, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé dans quel cadre s'inscrivait l'avis que la commission est appelée à rendre.

M. Jean Bizet, tout en faisant valoir son plus grand respect pour les compétences scientifiques en virologie de M. Jean-Luc Darlix, a confirmé son étonnement quant à la façon dont ce dernier perçoit le rôle des deux comités du futur Haut conseil, puisqu'elle revient à une transgression de l'esprit de la loi. Il s'est aussi interrogé sur le degré d'indépendance qui pourrait être celui de M. Jean-Luc Darlix par rapport au MEEDDAT.

M. Daniel Raoul a marqué son accord avec le point de vue exprimé par M. Jean Bizet en insistant sur le fait que M. Jean-Luc Darlix était principalement compétent en matière de virologie alors que les principaux enjeux liés aux OGM concernent la génomique végétale.

Après une courte suspension de séance, la commission s'exprimant à bulletin secret a émis un avis défavorable à la nomination de M. Jean-Luc Darlix à la présidence du Haut conseil des biotechnologies.

Mercredi 17 décembre 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Loi de finances rectificative pour 2008 - Nomination d'un rapporteur pour avis et examen du rapport oral pour avis

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a désigné M. Bruno Retailleau comme rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 134 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative (PLFR) pour 2008. Puis elle a examiné le rapport oral qu'il a établi sur ce projet de loi.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission des affaires économiques s'était saisie pour avis du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, mais que celui-ci, tout juste adopté par l'Assemblée nationale, ne pourrait pas être examiné par le Sénat avant la fin de l'année 2008. C'est pourquoi le Gouvernement a fait supprimer par l'Assemblée nationale son article 19 relatif à la redevance pour l'insérer sous forme d'article additionnel dans le projet de loi de finances rectificative pour 2008. C'est donc sur cet article 44 bis du collectif budgétaire qu'il a d'abord proposé à la commission de se prononcer, précisant néanmoins qu'il complèterait son propos par une communication sur un autre article important du collectif, l'article 6 relatif aux quotas d'émission de dioxyde de carbone (CO2).

M. Bruno Retailleau a effectué un recadrage d'ensemble du débat sur la redevance en exposant le schéma de financement proposé par le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision pour combler le manque à gagner occasionné par la suppression de la publicité sur France Télévisions de 20 heures à 6 heures. Ce manque à gagner a été estimé à 450 millions d'euros par la commission Copé, estimation à laquelle il est préférable de se tenir, même si les chaînes privées l'évaluent à seulement 270 millions d'euros et le cabinet AT Kearney à 215 millions d'euros... Le modèle de financement de France Télévisions initialement prévu par le projet de loi reposait sur une taxe de 3 % (avec abattement de 11 millions d'euros) sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision, devant rapporter 94 millions d'euros, une taxe de 0,9 % (avec abattement de 5 millions d'euros) sur les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d'accès à internet (FAI), dont on attend 379 millions d'euros, et une indexation de la redevance audiovisuelle sur l'inflation, qui pourrait rapporter 40 millions d'euros en 2009, soit un total de 513 millions d'euros couvrant largement le manque à gagner de 450 millions d'euros.

Or l'Assemblée nationale a abaissé le taux de la taxe sur les recettes publicitaires des éditeurs, en le plafonnant à la moitié de l'accroissement constaté de leur chiffre d'affaires, mais avec un taux plancher de 1,5 %. Le rendement attendu serait de 45 millions d'euros, le total des recettes prévues passant alors à 468 millions d'euros, ce qui compense encore largement la perte attendue de 450 millions d'euros.

Néanmoins, M. Bruno Retailleau a jugé qu'il n'était pas envisageable de faire porter 85 % du poids financier de la suppression de la publicité sur France Télévisions par les opérateurs de télécommunications et les FAI, qui n'ont aucun bénéfice à attendre de la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public. En outre, leur activité de distribution de services audiovisuels est marginale dans le chiffre d'affaires -autour de 10 %- et, en plus, elle est exclue de l'assiette de la taxe, ce qui supprime tout lien entre l'objet affiché de cette taxe et ceux qui la supportent. Alors que le plan « France numérique 2012 » attend des investissements ambitieux, véritables leviers de croissance (haut débit pour tous, fibre optique, quatrième licence, dividende numérique), et que le Président de la République a annoncé que cette taxe serait « infinitésimale », le taux proposé représente pour le secteur des télécommunications un prélèvement de 7 % sur ses investissements annuels, ce qui signifie par exemple 380.000 foyers raccordés à la fibre optique en moins chaque année.

De plus, M. Bruno Retailleau a fait observer que les opérateurs finançaient déjà la télévision : en transportant à leurs frais les chaînes publiques sur leurs réseaux, en application de l'obligation de « must carry », en finançant le compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP) à proportion de la part de l'audiovisuel dans leurs activités fixe et mobile, en rémunérant les sociétés d'auteurs (droits de représentation, taxe sur la copie privée), en payant leurs droits d'accès à la vidéo à la demande.

Enfin, au plan juridique, il a indiqué que la constitutionnalité de cette taxe était douteuse : non affectée, elle crée une discrimination à l'encontre de certaines sociétés s'acquittant pourtant comme les autres de l'impôt sur les sociétés et cette discrimination est arbitraire, le lien entre les opérateurs de télécommunications et les images de France Télévisions étant ténu, voire inexistant, pour ceux qui ne proposent même pas d'offre d'accès à ces programmes. De surcroît, elle frappe le chiffre d'affaires des opérateurs sans tenir compte de leur capacité contributive.

C'est pourquoi il a estimé nécessaire de tout mettre en oeuvre pour limiter autant que possible ce prélèvement annoncé sur le secteur des télécommunications et rappelé que la commission Copé avait proposé un taux de 0,5 % pour cette taxe, et non pas de 0,9 %.

Une première piste à explorer est assurément la redevance audiovisuelle, instrument naturel de financement de l'audiovisuel public et ressource affectée, donc garantie pour France Télévisions ; fixé à 116 euros depuis 2002, le montant de la redevance française se situe 45 euros en dessous de la moyenne européenne et presque 100 euros plus bas que celui de la redevance allemande. Un premier impératif est d'indexer la redevance sur l'inflation, ce que prévoyait originellement le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision et ce qui figure désormais l'article 44 bis du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Une deuxième proposition consisterait à actualiser le taux de la redevance : si son niveau n'avait pas été bloqué depuis 2002, celle-ci atteindrait 131 euros pour 2009 ; comme un point de redevance représente 21,5 millions d'euros, la redevance rapporterait 300 millions d'euros de plus aujourd'hui, ce qui résoudrait en totalité la problématique du financement de France Télévisions. La commission des affaires culturelles a précisément adopté un amendement portant de 116 à 118 euros le montant de la redevance, ce qui rapporterait déjà 43 millions d'euros. En outre, elle propose, par un autre amendement, que la redevance soit indexée sur l'inflation et que le résultat de cette indexation, s'il est décimal, soit arrondi à l'euro supérieur et non à l'euro le plus proche.

M. Bruno Retailleau a jugé ces deux mesures essentielles, puisqu'elles permettent de transformer la redevance en une ressource dynamique dans la durée. Il a estimé qu'elles pourraient être complétées, lors de l'examen du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, prévu en janvier, et qu'en tout état de cause, quelles n'interdisaient pas de réfléchir à l'aménagement de la taxe prévue sur le secteur des télécommunications. Dans cette attente, il a sollicité le soutien de la commission des affaires économiques à l'égard des deux amendements déposés par la commission des affaires culturelles sur l'article 44 bis du collectif budgétaire.

Mme Odette Herviaux a indiqué partager l'analyse du rapporteur sur la problématique d'ensemble, mais a annoncé qu'elle s'opposerait aux amendements de la commission des affaires culturelles, dans la mesure où elle déplorait que la taxe sur la publicité des chaînes de télévision ait été revue à la baisse à l'Assemblée nationale.

M. Bruno Retailleau a insisté sur la caractéristique essentielle de la redevance, à ses yeux : son affectation à l'audiovisuel public. Regrettant que l'organisation du débat législatif contraigne le Sénat à disjoindre les sujets, il a jugé que le débat sur la redevance ne devait pas être confondu avec le débat sur la taxe prévue sur les éditeurs de chaînes de télévision, qui viendrait dans un autre texte.

M. Didier Guillaume est convenu du faible niveau de la redevance française, mais a tenu à resituer ce débat dans le cadre plus large du niveau des prélèvements obligatoires en France qu'il a dénoncé comme trop élevé. Il a aussi fait état du débat interne au groupe socialiste sur l'opportunité de relever la redevance audiovisuelle.

M. Philippe Dominati a jugé que l'augmentation de la redevance était un sujet transversal et que, de ce fait, l'examen de l'article 44 bis du collectif budgétaire était prématuré. Il s'est inquiété d'un éventuel élargissement de l'assiette de la redevance aux résidences secondaires.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, a indiqué que les amendements de la commission des affaires culturelles au collectif budgétaire ne le prévoyaient pas, mais il a fait observer que ce sujet méritait attention, dans la mesure où un assujettissement des résidences secondaires, à un tarif réduit de moitié, permettrait de collecter 116 millions d'euros.

Puis, abordant l'article 6 du PLFR, M. Bruno Retailleau a rappelé qu'en vertu du protocole de Kyoto les Etats membres de l'Union européenne s'étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 8 % entre 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Le « paquet énergie-climat » présenté par la Commission européenne, qui a fait l'objet d'un accord politique entre les Etats membres lors du dernier Conseil européen, prévoit quant à lui de porter cet effort de réduction à 20 % d'ici à 2020 par rapport aux émissions enregistrées en 2005. Pour atteindre ces objectifs, l'Union européenne a mis en place un système communautaire d'échange de quotas d'émissions de dioxyde de carbone (CO2) en vertu duquel chaque Etat membre doit élaborer un plan national d'allocation des quotas (PNAQ), soumis à l'approbation de la Commission européenne, répartissant entre les installations les plus émettrices de gaz à effet de serre des quotas d'émissions. A cet égard, la France a soumis son deuxième PNAQ, pour la période 2008-2012, à la Commission européenne à la fin de l'année 2006. Ce plan, dans un premier temps, n'a pas été approuvé par cette dernière qui en a exigé des modifications. En définitive, le PNAQ définitif retient un montant total annuel d'émissions des installations françaises d'un peu plus de 129 millions de tonnes de CO2 par an et une réserve pour les nouveaux entrants et les extensions d'installations existantes réduite, suite aux observations de la Commission, de 3,94 à 2,74 millions de tonnes.

Estimant peu satisfaisant le résultat des négociations entre les autorités françaises et communautaires sur l'élaboration du deuxième PNAQ, il a souligné que la réserve était insuffisante pour satisfaire les besoins des investissements prévus par les nouveaux entrants, qui nécessiteraient 6 millions de tonnes supplémentaires par an. Or, cette insuffisance conduit les nouveaux acteurs à se procurer les quotas de CO2 nécessaires à leurs activités sur le marché européen, alors que les quotas alloués aux installations existantes dans le cadre du PNAQ sont délivrés gratuitement par l'Etat, ce qui induit des problèmes de compétitivité. A l'occasion de la discussion au Sénat du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, le Gouvernement, pour lever ces difficultés, avait proposé une mise aux enchères, à hauteur de 25 %, des quotas alloués aux industries de production d'électricité afin d'abonder la réserve. Une telle proposition est justifiée tant au regard du « paquet énergie-climat » qui prévoit que les électriciens devront, à compter de 2013, acquérir la totalité de leurs quotas aux enchères, qu'en raison du caractère d'industrie non délocalisable des installations de production électrique, contrairement à d'autres secteurs industriels. Toutefois, le Sénat avait alors rejeté cette solution, renvoyant à un autre texte de loi la définition d'une solution pour résoudre le problème de l'insuffisance de la réserve.

Dans le cadre du collectif budgétaire pour 2008, l'article 6 du texte initial proposait une solution similaire à celle préconisée lors de l'examen du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, à savoir un taux maximal d'enchères de 30 % applicable uniquement aux industries de production d'électricité. Toutefois, lors de l'examen du texte par la commission des finances de l'Assemblée nationale, a été adopté un amendement tendant à réduire ce taux d'enchères à 10 % et à prévoir un taux d'enchères de 3 % applicable à l'ensemble des installations industrielles soumises au PNAQ. Lors de l'examen du texte en séance publique, cet amendement n'a pas été retenu mais un dispositif a été adopté qui prévoit une mise aux enchères des quotas applicables aux seules installations du secteur électrique à un taux progressif en fonction des années (10 % en 2009, 20 % en 2010, 35 % en 2011 et 60 % en 2012).

En conclusion, M. Bruno Retailleau, tout en reconnaissant l'impact de cette disposition pour les industries de production d'électricité, a considéré qu'au regard des impératifs de préservation de la compétitivité d'industries exposées à la concurrence internationale, renforcés par le contexte de crise actuelle, toute autre solution alternative semblait délicate à mettre en oeuvre. Il a, en conséquence, préconisé d'en rester au texte adopté par les députés.

Mme Odette Herviaux s'est interrogée sur les installations qui seraient concernées par cette réduction des quotas alloués gratuitement aux électriciens.

Rappelant que plus de 90 % de l'électricité produite en France n'émettait pas de gaz à effet de serre, M. Bruno Retailleau a précisé que, seuls, les moyens de production thermiques étaient concernés par les obligations de réductions d'émissions de CO2. De manière plus générale, il a souligné que le but du système communautaire d'échange était de donner une valeur économique à la tonne de CO2.

Tout en admettant que les industries de production d'électricité étaient moins soumises à la concurrence internationale que d'autres secteurs industriels, M. François Fortassin a déploré que ce dispositif conduise à pénaliser un secteur très peu émetteur de gaz à effet de serre, alors que, simultanément, aucun effort supplémentaire n'est demandé aux autres secteurs industriels, qui sont pourtant à l'origine d'émissions importantes.

En réponse, M. Bruno Retailleau a indiqué que :

- le secteur de la production d'électricité en Europe est l'un des secteurs les plus émetteurs de CO2 ;

- la France fait figure d'exception grâce à ses installations nucléaires et hydrauliques et les électriciens français ne sont concernés qu'à raison des émissions provenant de leurs moyens thermiques ;

- la réduction des quotas alloués aux secteurs industriels soumis à la concurrence internationale se traduirait nécessairement par une perte de compétitivité ;

- les électriciens devront acquérir la totalité de leurs quotas aux enchères à compter de 2013.

Tout en déclarant partager les positions défendues par le rapporteur pour avis, M. Didier Guillaume a rappelé que, bien que n'émettant pas de CO2, l'électricité d'origine nucléaire était productrice de déchets nucléaires qu'il convenait de prendre également en compte.

M. Gérard César, président, a souligné que ce problème pourrait être réexaminé dans le cadre du projet de loi de transition environnementale, qui devrait être déposé au début de l'année 2009 sur le bureau du Sénat.

La commission des affaires économiques a adopté l'avis oral présenté par M. Bruno Retailleau et exprimé son soutien aux amendements de la commission des affaires culturelles au projet de loi de finances rectificative pour 2008, M. Philippe Dominati votant contre.

Présidence de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) - Audition de M. Jean-Claude Mallet, candidat

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-Claude Mallet, candidat proposé à la nomination à la fonction de président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que l'ARCEP avait été créée en 1997 comme autorité de régulation des télécommunications, avant de voir son champ de compétences étendu à la régulation des activités postales en 2005. Si elle a une activité quasi juridictionnelle, elle a également, depuis la loi du 5 mars 2007, une fonction de médiation. Il a invité M. Jean-Claude Mallet à se présenter et à donner sa vision du rôle de l'ARCEP, notamment de ses relations avec le Parlement.

M. Jean-Claude Mallet s'est d'abord réjoui que cette audition permette d'instaurer une discussion avec la représentation nationale, la nomination du président de l'ARCEP par le Conseil des ministres étant en effet précédée désormais d'un avis des commissions du Parlement compétentes en la matière, conformément à la procédure instituée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Evoquant sa formation et son expérience, il a reconnu qu'elles n'étaient pas centrées sur les télécommunications, mais il a souligné que trois grandes préoccupations avaient marqué sa carrière :

- la place de la France au coeur des questions stratégiques, dont font partie les investissements concernant les infrastructures numériques, car la généralisation d'internet a transformé la problématique des télécommunications en une approche plus générale de communications électroniques ;

- les questions de sécurité, sur lesquelles il compte mettre l'accent s'il est nommé président de l'ARCEP, afin de développer la capacité de la France à réagir aux menaces informatiques ;

- le service de l'Etat, dont il a une connaissance étendue et dont fait partie l'ARCEP en tant qu'autorité administrative indépendante.

Après cette présentation générale, M. Jean-Claude Mallet a présenté quatre enjeux qui devraient, selon lui, orienter l'action de l'ARCEP :

- une politique industrielle respectueuse des intérêts des consommateurs qui doit donner la priorité aux investissements et à la recherche, le développement des communications électroniques étant fondamental pour la compétitivité et la croissance françaises, alors que la recherche occupe une place très inférieure en France par rapport aux Etats-Unis et aux pays asiatiques ; il serait donc, s'il était nommé président de l'ARCEP, très attentif à favoriser le bon positionnement des acteurs français dans la compétition internationale ;

- un principe de solidarité qui doit permettre d'assurer l'accès au haut débit des 550 000 lignes qui n'en bénéficient toujours pas, tout en restant vigilant sur la préservation des tarifs sociaux et sur les problèmes d'accès concernant les handicapés ;

- une stratégie internationale développée au niveau communautaire et mondial, afin de permettre à la France de jouer un rôle d'impulsion parmi les autorités de régulation ;

- la sécurité, enfin, qui doit faire l'objet d'une sensibilisation particulière, car une attaque de type « déni de service » peut paralyser des infrastructures vitales.

M. Jean-Claude Mallet a poursuivi en présentant quelques défis qui s'imposent de manière immédiate ou à moyen terme.

S'agissant des technologies, il a souligné la nécessité d'achever la couverture numérique du territoire, conformément au plan « France Numérique 2012 », présenté en octobre 2008 par M. Eric Besson. Il convient à cet égard de combiner tous les outils techniques permettant de généraliser l'accès au haut débit et le déploiement des réseaux de téléphonie 3G, en obligeant les opérateurs à rendre des comptes.

En ce qui concerne les infrastructures fixes, M. Jean-Claude Mallet a considéré que le développement de la fibre optique supposait d'inciter, voire de contraindre les opérateurs à collaborer, l'équilibre économique du secteur étant cependant défini de manière encore incomplète. Quant à la gestion des fréquences, la France et l'Europe doivent prendre des positions aussi rapidement que possible sur la répartition d'une ressource rare.

S'agissant du « paquet télécom » qui tend à réviser le cadre juridique communautaire des communications électroniques, M. Jean-Claude Mallet a déclaré ne pas croire à l'émergence d'un grand régulateur européen. Favorable à l'intervention du politique dans l'articulation entre le marché, les clients et les industriels, il a jugé ainsi anormale l'absence de baisse du prix des SMS depuis 2005.

Evoquant enfin les activités postales, il a souligné la transformation que va connaître le paysage dans lequel évolue La Poste, avec notamment la libéralisation de la distribution du courrier de moins de 50 grammes au 1er janvier 2011. Il a également évoqué les difficultés particulières que connaît le service postal dans les régions reculées, mais aussi dans certaines banlieues, ainsi que la question du financement du service public postal.

M. Jean-Claude Mallet a conclu en insistant sur sa volonté de travailler dans un cadre collégial au sein de l'ARCEP, tout en entretenant la liaison avec les autres autorités de régulation, comme avec le Gouvernement et le Parlement.

A l'issue de cet exposé, M. Michel Teston a souhaité obtenir des précisions sur la position de M. Jean-Claude Mallet concernant la compensation du service universel, dans la mesure où le « paquet télécom » va accroître la concurrence et créer un organe européen de régulation. S'agissant de l'ouverture à la concurrence de la distribution de courrier, il lui a demandé comment s'assurer que le fonds de compensation du service universel fonctionne mieux que dans le secteur des télécommunications.

Considérant que les questions relatives aux télécommunications ne devaient pas être réservées aux seuls spécialistes et que l'absence de formation technique du candidat ne constituait donc pas un handicap, M. Bruno Retailleau s'est interrogé sur la manière de préserver un équilibre entre la force d'impulsion de l'Etat et les mécanismes de marché. Il a également souligné l'importance d'articuler les contraintes locales aux défis internationaux, ainsi que la faiblesse des ressources consacrées aux activités de recherche par les opérateurs français et le retard pris par la France sur les questions de stratégie et de sécurité. Il a enfin demandé quelles actions pourraient être mises en oeuvre dans une perspective d'aménagement du territoire.

M. François Fortassin a plaidé pour une meilleure solidarité entre les grandes métropoles, qui bénéficient d'équipements de qualité à peu de frais, et les territoires moins peuplés, où une charge accrue pèse sur des collectivités pourtant moins riches. Il a également déploré le manque d'information dont souffrent les collectivités sur la localisation des équipements en fibre optique.

Après avoir souligné le rôle joué par les collectivités territoriales dans le développement du haut et du très haut débit, M. Philippe Leroy a demandé que l'opérateur historique soit incité, si nécessaire par la contrainte, à dégrouper les sous-répartiteurs ou à proposer sa solution « NRA - ZO » (noeud de raccordement abonné en zone d'ombre).

M. Pierre Hérisson a demandé que les opérateurs améliorent la couverture des trains à grande vitesse en matière de téléphonie mobile et d'accès à internet, puis il a souligné que les « zones grises » concernaient encore 20 % à 30 % du territoire, estimant que l'opérateur historique n'agissait pas de manière satisfaisante sur ce sujet. Il a enfin déploré que le fonds de péréquation du service public postal ne dispose que de la moitié des 260 millions d'euros nécessaires.

M. Didier Guillaume a souligné que l'ARCEP devait mobiliser l'opérateur historique, notamment pour apporter les investissements nécessaires dans certains départements et faire disparaître les inégalités entre les zones urbaines et les zones rurales, où certaines entreprises se retrouvent en difficulté pour poursuivre leur activité.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Claude Mallet a apporté les précisions suivantes :

- la couverture de l'ensemble des foyers et des territoires est un objectif majeur ; l'ARCEP doit notamment s'appuyer sur la diversité des solutions techniques et des acteurs pour assurer la mise en oeuvre des obligations reposant sur les opérateurs ;

- dans le domaine du très haut débit, s'il est nécessaire d'investir rapidement, il convient également de ne pas se précipiter afin d'éviter les erreurs dans un domaine où les solutions techniques ne sont pas stabilisées ;

- au-delà de son important rôle en matière technique, l'ARCEP a un rôle à jouer dans le cadre de la politique industrielle et doit encourager la recherche afin que la France soit mieux positionnée dans le domaine numérique ; l'Autorité doit avoir une vision large du secteur, qui inclut notamment les grandes sociétés internationales ;

- la nécessaire proximité à l'égard du citoyen doit pousser l'ARCEP à participer à la définition du service universel et à suivre l'application du service public, notamment en ce qui concerne la situation du fonds de péréquation ;

M. Jean-Claude Mallet a indiqué en dernier lieu qu'il examinerait la question de la couverture des TGV en téléphonie et en accès à internet.

Après l'audition, la commission a débattu de la candidature proposée. M. Michel Teston a apprécié la valeur du candidat, mais a regretté que le Parlement ne puisse pas entendre plusieurs candidats. Il a indiqué qu'il s'abstiendrait lors du vote.

Tout en reconnaissant la qualité de la candidature, M. François Fortassin a également déploré l'absence de choix qui caractérisait, selon lui, ce vote, déclarant qu'il choisirait l'abstention.

M. Jean-Paul Emorine, président, a alors souligné que l'avis rendu par la commission, sans être contraignant pour le Gouvernement, pèserait dans la décision qui serait prise.

La commission, s'exprimant à bulletins secrets, a rendu, à l'unanimité des suffrages exprimés, un avis favorable à la nomination de M. Jean-Claude Mallet à la présidence de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Nomination d'un rapporteur

La commission a enfin nommé M. Philippe Dominati, rapporteur, sur les propositions de loi n° 94 (2008-2009), présentée par M. Philippe Marini, visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement, n° 114 (2008-2009), présentée par M. Claude Biwer, Mme Muguette Dini, M. Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement, et n° 153 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à prévenir le surendettement.

- Présidence de M. Gérard César, vice-président -

Accès des entreprises au crédit et mesures en faveur des entreprises - Audition de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Après avoir rappelé qu'il avait, parmi les premiers, alerté le Premier ministre, dès l'été dernier des risques pesant sur les conditions de financement et d'accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME), M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a souligné que la France était le seul pays à avoir mis en place, dès le début du mois d'octobre, avant le plan de soutien aux banques, un plan spécifique en faveur du financement des PME. Ce plan se décomposait ainsi :

- une enveloppe de 17 milliards d'euros disponible immédiatement, en provenance des excédents des livrets d'épargne réglementée ;

- 9 milliards d'euros de garanties et de prêts mis en oeuvre par Oseo, la banque publique des PME.

Au total, 26 milliards d'euros seront destinés aux PME et, fait nouveau, aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), comprenant entre 250 et 500 salariés, que le Sénat avait, à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, souhaité voir mieux prises en compte. La garantie d'Oseo, auparavant réservée aux PME, s'étendra désormais aux ETI. Sur les 9 milliards d'euros, deux mesures devraient s'avérer immédiatement très utiles : une mesure innovante de renforcement de la trésorerie, consistant à convertir 2 milliards d'euros d'avances de trésorerie en prêts à moyen et long terme, grâce à un mécanisme de garantie, et la distribution d'une enveloppe de 2 milliards d'euros de prêts à court terme. En outre, 330 millions d'euros de prêts supplémentaires seront garantis par la société de caution mutuelle de l'artisanat et des activités de proximité (SIAGI), grâce à l'injection de 25 millions de fonds propres supplémentaires.

Faisant observer les difficultés que rencontrent les entreprises dans leurs relations avec les assureurs crédit, qui dénoncent ponctuellement les polices souscrites par leurs clients, M. Hervé Novelli a rappelé l'entrée en vigueur, le 8 décembre, d'un complément public d'assurance crédit s'appliquant lorsqu'un assureur crédit décide de diminuer le montant de sa garantie ou lorsqu'une entreprise nouvellement assurée ne peut obtenir de lui le montant de garantie souhaité. Pour la part des créances que les assureurs crédit considèrent comme difficilement assurables, l'Etat prend en charge 50 % du montant garanti au travers de la Caisse centrale de réassurance, l'assureur crédit conservant le reste.

Puis M. Hervé Novelli a commenté les divers dispositifs d'accompagnement permettant aux entreprises d'accéder aux mesures du plan de financement des PME. Un numéro de téléphone a été créé pour toute entreprise rencontrant des difficultés :

- si elles cherchent à obtenir un soutien d'Oseo, elles voient leur appel directement étudié par la délégation régionale appropriée et leur dossier, par conséquent, traité au plus près de leurs besoins ;

- si elles sont entrées dans une relation semi-conflictuelle avec leur banquier, elles sont renvoyées vers les services du médiateur du crédit, M. René Ricol, nommé par le président de la République le 23 octobre. En un mois d'activité, ces derniers ont reçu 1.700 dossiers, dont un tiers a été traité, au sein duquel les deux tiers ont abouti positivement. Le médiateur s'appuie pour ce faire sur une équipe centrale de 7 médiateurs délégués, traitant les dossiers lorsque la médiation locale, assurée par les 105 médiateurs départementaux que constituent les directeurs départementaux de la Banque de France, a échoué. Une importante proportion, de l'ordre de 90 %, des dossiers reçus sont toutefois de nature structurelle et ne relèvent donc pas de la médiation. Afin d'y remédier, a été décidé, en accord avec le médiateur du crédit, les réseaux consulaires et les syndicats professionnels, de mettre en place une assistance de proximité pour orienter les entreprises rencontrant des difficultés de financement vers les solutions les plus adaptées à leurs problèmes. En outre, les préfets réunissent régulièrement des comités de suivi du financement de l'économie composés de leurs services économiques et financiers, des représentants des entreprises et des banques ainsi que d'Oseo afin de suivre sur chaque territoire la mise en place effective du dispositif.

M. Hervé Novelli a ensuite rappelé les mesures annoncées par le président de la République le 4 décembre dernier pour relancer l'économie. En complément de l'exonération de taxe professionnelle pour tout nouvel investissement réalisé avant la fin de 2009 et de la mise en place du fonds stratégique de 20 milliards d'euros, ont été mobilisés 26 milliards d'euros pour financer un plan de relance qui donnera lieu à l'examen par le Parlement début janvier de deux projets de loi : un collectif budgétaire et un texte regroupant l'ensemble des dispositions non financières du plan. Afin de le financer, l'Etat s'endettera à hauteur de 20 milliards d'euros, ce qui creusera de 0,8 point le déficit public en 2009. 11,5 des 26 milliards d'euros du plan de relance correspondent à des mesures de trésorerie telles que le remboursement anticipé de dettes de l'Etat sur les entreprises (TVA, crédit d'impôt recherche). L'Etat va par ailleurs augmenter de 5 à 20 % les acomptes qu'il verse sur les marchés publics de plus de 20.000 euros.

Enfin, M. Hervé Novelli a souhaité revenir sur les acquis de la présidence française de l'Union européenne en matière d'aides aux entreprises. Sous sa présidence, les ministres de l'industrie et de la compétitivité des pays membres de l'Union ont unanimement adopté le Small business act réclamé par la France en 2007, auquel a été accolé un certain nombre d'actions :

- l'octroi par la Banque européenne d'investissement (BEI) de 30 milliards d'euros de prêts globaux aux PME entre 2008 et 2011, dont 15 milliards concentrés sur 2008 et 2009 ;

- le passage du seuil de minimis, en dessous duquel les aides accordées par les Etats membres à leurs entreprises n'ont pas à être notifiées à la Commission européenne, de 200.000 à 500.000 euros sur trois ans.

Par ailleurs, la directive européenne sur les retards de paiement va être durcie, dans la lignée de la réduction des délais de paiement décidée par la France dans la loi de modernisation de l'économie (LME). Les dérogations prévues dans la loi jusqu'à la fin de 2011, date à laquelle les délais de paiement seront tous portés à 45 jours fin de mois, apporteront la souplesse requise pour certains secteurs, un guichet « délais de paiement » étant par ailleurs ouvert par Oseo.

Considérant pour conclure que les réactions françaises face à la crise avaient été rapides et adaptées aux caractéristiques de notre économie, M. Hervé Novelli a constaté que l'impact de cette crise, s'il était indéniable sur certains secteurs très exposés (automobile, immobilier ...), au niveau local notamment, se diffusait plus lentement aux autres secteurs. Il a cependant reconnu que l'effondrement des transactions immobilières entraînerait une baisse des mises en chantier et la suppression de nombreux programmes de construction d'ici quatre à cinq mois.

M. Gérard César, président, s'est enquis de l'accessibilité des très nombreuses mesures évoquées pour les entreprises, ainsi que du sort des dossiers non traités.

Se félicitant de l'action du Gouvernement, notamment à l'échelle européenne, M. Gérard Cornu a souligné la persistance sur le terrain d'importantes difficultés pour les entreprises et a rapporté la frilosité des banques à financer leurs projets. Relayant la difficile distinction par les élus locaux entre les problèmes d'ordre conjoncturel et ceux de nature structurelle auxquels sont confrontées les entreprises, il s'est demandé quelle pourrait être leur action concrète pour les soutenir.

M. Daniel Laurent a demandé à ce que les élus locaux soient mieux informés des mesures prises pour appuyer les entreprises, afin de pouvoir en faire la promotion auprès de celles-ci.

S'interrogeant sur la capacité des entreprises à se repérer au milieu du « maquis » d'aides qui leur sont proposées, Mme Odette Terrade a appelé l'Etat et les collectivités territoriales à donner l'exemple en matière de réduction des délais de paiement.

Se félicitant du rappel par le ministre de l'ensemble des mesures de soutien prises depuis le début de la crise, et estimant qu'elles étaient adaptées à la diversité des entreprises, M. Philippe Dominati s'est en revanche interrogé sur leur pérennité, ainsi que sur l'encouragement au rapprochement des entreprises afin de créer davantage de ces grosses PME dont manque notre pays.

Confirmant, en s'appuyant sur son expérience locale, que toutes les mesures n'étaient pas connues des entreprises, M. Philippe Darniche s'est demandé dans quelle mesure elles l'étaient davantage des préfets, censés les relayer. Estimant que les organismes consulaires devraient être plus mobilisés pour effectuer ce travail d'information, il a confirmé à son tour l'excessive prudence des banques dans leur politique de prêt aux entreprises.

Se félicitant de la réactivité des mesures prises, et plus particulièrement de celle consistant pour l'Etat à porter à 20 % les acomptes versés sur les marchés publics, M. Michel Bécot a plaidé pour l'extension de ce dispositif aux collectivités territoriales. Exprimant ses craintes face aux évolutions récentes de l'assurance crédit et s'interrogeant sur la nécessité de compléter le plan de relance, il a stigmatisé à son tour la réticence des banques à octroyer des prêts et il a craint une aggravation de ce phénomène.

Après que M. Jacky Pierre eut abondé en ce sens, M. Gérard Cornu a interrogé le ministre, qui avait annoncé en novembre devant la commission que le projet de taxation des ventes de particuliers sur internet était écarté, sur l'article 30 du projet de loi de finances rectificative pour 2008 prévoyant une telle taxation, qui serait de nature à créer une distorsion entre transactions selon qu'elles sont opérées dans le monde réel ou sur le réseau et paraît contraire au statut d'auto-entrepreneur créé par la LME. Pointant la forte exposition du secteur de l'automobile à la crise, il l'a par ailleurs questionné sur la possibilité d'y conclure des accords de branche sur les délais de paiement.

En réponse aux divers intervenants, M. Hervé Novelli a apporté les précisions suivantes :

- la mise en place d'un numéro d'appel unique dédié aux entreprises et géré par Oseo constitue la principale mesure pour orienter les entreprises face à la multitude d'aides. Parallèlement, tous réseaux disponibles [Mouvement des entreprises de France (Medef), Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (Cgpme), Union professionnelle artisanale (Upa) et chambres de commerce et d'industrie (CCI)] seront activés et leurs moyens mutualisés ;

- la frilosité des banques, qui est une réalité, a fait l'objet de mesures (mise en place d'une commission de suivi, accompagnement des entreprises, médiation du crédit) ayant permis d'obtenir l'engagement des organismes bancaires qu'ils assoupliraient leur politique de crédit ;

- la crise crée des opportunités en matière de rapprochement d'entreprises. Des travaux économétriques menés par le Conseil d'analyse économique (CAE) ont montré que les carences de la France en entreprises de taille moyenne, dont est particulièrement bien pourvue l'Allemagne, affecte le commerce extérieur. Les mouvements de restructuration d'entreprises et les mesures favorisant la mobilisation de fonds propres devraient encourager leur développement. Le ministre a rappelé, à cet égard, avoir proposé d'élargir le dispositif de réduction ou de suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) pour les investissements dans les PME, mobilisant déjà un milliard d'euros ;

- le numéro d'appel unique dédié aux entreprises devrait permettre de mieux diffuser l'information les concernant, le rôle du préfet se limitant à réunir le comité de suivi et ses services financiers ;

- si un décret publié en avril raccourcit à 30 jours les délais de paiement de l'Etat aux entreprises, le dispositif n'a en revanche pas encore été élargi aux collectivités territoriales. Il est toutefois prévu pour ces dernières de réduire progressivement les délais de paiement en les faisant revenir de 45 jours actuellement à 40 jours au 1er janvier 2009, 35 jours au 1er janvier 2010 et 30 jours au 1er juillet 2010 ;

- le secteur de l'automobile, qui a été largement abordé dans les débats parlementaires relatifs à la LME, est couvert par un accord de branche volontaire. Celui-ci ayant été dénoncé, une réflexion est actuellement menée sur l'élaboration d'un nouvel accord, la LME ayant prévu à cette fin un délai courant jusqu'en février ;

- les trois principaux assureurs crédit ont signé une convention avec le ministre en charge de l'économie, et il conviendra d'être attentif aux suites qui y seront données ;

- le plan de relance, dont personne ne sait, en l'état actuel des choses, s'il sera suffisant, sera adapté si les circonstances venaient à l'exiger ;

- les professionnels du commerce en ligne travaillent à établir une distinction entre vendeurs professionnels et occasionnels, pour l'application de la taxation des ventes en ligne des particuliers. Le statut d'auto-entrepreneur sera parfaitement adapté au commerce électronique.

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Accès des entreprises au crédit et mesures en faveur des entreprises - Audition de M. René Ricol, médiateur national du crédit des entreprises

La commission a ensuite entendu M. René Ricol, médiateur du crédit, accompagné de M. Nicolas Jacquet, médiateur délégué en charge des relations avec les préfets, les collectivités et les élus.

M. René Ricol a tout d'abord présenté le dispositif de mise en oeuvre de la mission de médiation du crédit aux entreprises définie par une lettre du Président de la République du 27 octobre dernier. Sur le terrain, 105 médiateurs départementaux, qui sont les directeurs départementaux de la Banque de France, de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM), prennent en charge des dossiers de médiation au plus près des entreprises, tâche dans laquelle ils se sont totalement investis. Au niveau central, M. René Ricol a indiqué qu'il était entouré d'une équipe de sept médiateurs délégués et d'une vingtaine de personnes, la mission disposant également d'une plate-forme sur internet.

La mission a déjà été saisie de quelque 2500 dossiers, dont environ 600 ont été clos avec un taux de succès de 62 %.

M. René Ricol a souligné que 90 % des dossiers soumis à la médiation concernaient des demandes de prêts déjà anciennes, antérieures à la crise financière et économique, constatation qui conduit à s'interroger sur la politique d'anticipation des difficultés des entreprises. On peut aussi constater que depuis quelques mois, les banques, confrontées à la crise financière, ont eu le souci d'améliorer leur bilan, en prenant des marges dans des grands groupes et en ayant la tentation d'éliminer les petits dossiers à risque, ce qui explique sans doute pour partie que l'opinion, qui a ressenti ce resserrement du crédit, ait eu du mal à comprendre la nécessité du plan de soutien aux banques.

Mais depuis l'intervention volontaire du Président de la République, les choses ont évolué : les banques ont, le 12 novembre dernier, pris l'engagement de maintenir l'enveloppe de leurs concours aux entreprises et de ne pas exiger d'augmentation des garanties.

Revenant sur le fait que nombre de saisines portent sur des dossiers qui ne sont pas liés à la crise financière, M. René Ricol a noté que la France n'était pas encore en situation de crise économique, même si des régions ou des secteurs connaissent des difficultés. En revanche, deux secteurs, l'automobile et l'immobilier, souffrent déjà gravement de l'anticipation de cette crise, qui se traduit par la renonciation à de nombreuses décisions d'achat.

Il n'est pas douteux cependant que l'on va vers une aggravation de la situation : il faut donc agir vite, inciter les entreprises à anticiper leurs difficultés et les banques à leur assurer le soutien dont elles ont besoin, en leur demandant des efforts que l'on ne pourra sans doute pas leur demander sur une longue période. Il doit y avoir aussi une responsabilité collective des banques, des entreprises et de leurs conseils, et M. René Ricol a indiqué à cet égard qu'il s'était employé à mobiliser les organisations professionnelles et consulaires pour qu'elles coordonnent leur action, se mettent en réseau et apportent aux entreprises le soutien et l'assistance dont elles peuvent avoir besoin pour repenser leur stratégie : dans certains cas, il peut suffire d'un crédit de 3.000 à 5.000 € et d'un peu de conseil pour sauver une petite entreprise individuelle.

Il faudra aussi essayer de mobiliser les fonds d'investissement pour aider des entreprises qui ont un fort potentiel de croissance, mais qui pourront avoir des pertes.

Il s'agit également de « mettre la pression » sur les banques et les investisseurs pour éviter les délais inutiles : les deux tiers des dossiers qui ont été réglés ont été traités en moins de cinq jours au niveau des départements. Mais si les banques font des efforts, il faut aussi que les entreprises en fassent pour « remettre un peu d'argent ». Pour l'instant, plus de 500 entreprises ont été sauvées et les banques « jouent le jeu ».

En dehors du chantier de la mise en place des mécanismes d'assistance, et de celui consistant à associer concours des banques et développement des fonds propres, le dernier chantier est celui de l'assurance-crédit, et la question du comportement des assureurs-crédit. Ceux-ci doivent comprendre qu'ils risquent de tuer une entreprise, lorsqu'ils refusent d'assurer un mouvement d'un de leurs assurés avec cette entreprise. Ils doivent arrêter de considérer qu'il faut déclasser une entreprise lorsque le trésorier-payeur général lui accorde des délais : il faudrait plutôt qu'ils considèrent de tels délais comme des concours bancaires supplémentaires. Il faut aussi que tous, y compris les assureurs-crédit, tiennent un discours « mature » : certes, l'assurance-crédit n'assure que de « bons risques », mais il ne peut guère en être autrement, compte tenu des montants respectifs, dans ce secteur, des encours de crédit (300 milliards d'euros) et des capitaux propres (2 milliards d'euros).

Evoquant enfin la question des délais de paiement, M. René Ricol est convenu que les trop longs délais de paiement avaient été en France une plaie depuis des années : ils sont, dans un cas sur deux, l'élément déclencheur des dépôts de bilan et ils ont de multiples inconvénients. Leur réduction était donc attendue par « une large majorité silencieuse ». Mais, simultanément, on constate un effet asymétrique qui peut être catastrophique sur les entreprises vendant au comptant et payées à terme. Il est donc urgent de mettre en place un dispositif corrigeant cet effet et une mission a été confiée en ce sens à OSEO.

Un débat a suivi.

M. Gérard Cornu s'est félicité des mesures prises pour faire face aux difficultés actuelles, de l'engagement du Gouvernement, de la concertation au niveau européen, tout en relevant que les élus ressentent un certain décalage entre ces mesures, qui ne sont pas toujours suffisamment connues, et ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, on constate toujours une certaine frilosité des banquiers, dont certains paraissent disposés à perdre leurs clients plutôt qu'à leur accorder des prêts, même lorsqu'ils présentent toutes les garanties.

M. Michel Bécot s'est réjoui de l'engagement pris par les banques de maintenir leurs concours aux entreprises, relevant que les banquiers « frileux » ne font pas vraiment leur métier et soulignant que, si l'entreprise s'engage, le banquier peut aussi s'engager. Il a également estimé que la mise en place d'un accompagnement des entreprises par les chambres consulaires et les organisations professionnelles permettrait de « sortir par le haut » beaucoup de dossiers. Il a enfin noté que l'absence de garantie par l'assurance-crédit pouvait aussi avoir pour effet de rendre frileux les chefs d'entreprise et a insisté sur l'importance d'aider les petites entreprises à établir leur prévisionnel ou un « business plan ».

Rejoignant les propos de M. Gérard Cornu, M. Jackie Pierre s'est également inquiété de la frilosité des banquiers, qui ne se manifeste pas toujours directement et prend dans certains cas la forme d'une absence de réponse aux demandes de leurs clients. Il a à cet égard cité le cas, dans son département, d'un commerce dont la rentabilité était avérée et qui n'avait pu obtenir réponse de son banquier sur une demande de crédit, ce qui a entraîné la fermeture du commerce et mis une famille dans une situation dramatique.

M. Jean-Claude Merceron a félicité M. René Ricol de son souci de mobilisation au plus près du terrain et, citant l'exemple d'une entreprise mise en péril du fait d'un refus de garantie d'un de ses clients par l'assurance-crédit, a demandé comment remédier à de telles situations et continuer à garantir l'entreprise.

M. Gérard César, évoquant la présentation à Bordeaux par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et par M. René Ricol du dispositif de médiation du crédit aux entreprises, a souhaité savoir si de semblables déplacements, très utiles pour susciter la mobilisation sur le terrain, seraient organisés sur l'ensemble du territoire.

M. Jean-Paul Emorine, président, a demandé si les présidents des régions et des conseils généraux étaient associés au dispositif de médiation du crédit aux entreprises.

En réponse à ces interventions, M. René Ricol, médiateur du crédit, a apporté les précisions suivantes :

- comme le montre le nombre de dossiers qui a pu être traité avec succès, les banques ont effectivement changé d'attitude et il est assez remarquable que le système de médiation ait pu être monté et commencer à fonctionner en six semaines, même s'il faudra quelques mois pour en apprécier vraiment les résultats. Les élus, en raison de leur parfaite connaissance du terrain, peuvent être un relais d'information très utile pour apprécier ce fonctionnement et ces résultats, et faciliter ainsi, en quelque sorte, le « contrôle interne » de la procédure de médiation ;

- il est effectivement indispensable qu'il y ait un effort de recapitalisation des entreprises et que les réseaux socioprofessionnels jouent leur rôle d'assistance aux entreprises et, pour le faire efficacement, acceptent de coordonner leur action, comme ils viennent de s'y engager ;

- le vrai problème de l'assurance-crédit est que le métier d'assureur-crédit n'a pas été compris et « sur-vendu » : les assureurs-crédit n'assurent que les bons risques et il n'est pas possible, compte tenu du niveau de leurs capitaux propres, de leur demander, comme aux banques, de faire plus qu'ils ne font. Il faudra donc sans doute trouver d'autres moyens de garantie, par exemple en faisant, pour les petites entreprises, jouer la Société de caution mutuelle de l'artisanat et des entreprises en proximité (SIAGI), ou en faisant appel aux régions qui ont des fonds de garantie ou d'investissement ;

- les déplacements en région se poursuivent, au rythme de deux régions par mois et ils s'avèrent très utiles en termes de communication et de diffusion de l'information : il serait cependant difficile d'en faire plus, car il faut avant tout traiter les dossiers.

M. Yannick Botrel a ensuite demandé à M. René Ricol s'il avait constaté des disparités régionales dans le traitement des dossiers en fonction du secteur d'activité concerné ou type d'établissement bancaire.

M. René Ricol a indiqué qu'il y avait eu initialement des différences d'attitude entre les banques, mais qu'aujourd'hui la proportion des cas résolus favorablement est la même dans tous les réseaux bancaires. Il a pu y avoir aussi, au sein d'un même réseau, des attitudes différentes au niveau des équipes locales. Pour y remédier, il a été demandé aux banques de ne pas autoriser les équipes locales à prendre des décisions de refus et de faire « remonter » les dossiers concernés. A ce propos, M. René Ricol a observé que l'on pouvait se féliciter d'un taux de clôture positive de 62 % des dossiers de médiation, mais que le vrai succès aurait été qu'aucun de ces dossiers n'ait été soumis à la médiation : en effet, s'il était possible qu'ils soient acceptés, il aurait mieux valu qu'ils le soient tout de suite.

Accès des entreprises au crédit et mesures en faveur des entreprises - Audition de M. Georges Pauget, président de la Fédération bancaire française (FBF)

La commission a ensuite entendu M. Georges Pauget, président de la Fédération bancaire française (FBF).

Après avoir souligné que l'institution du médiateur du crédit avait permis la mise en place d'un mode de fonctionnement efficace en coordination avec les banques, M. Georges Pauget a dressé un panorama de la situation générale en matière de crédit :

- il a relevé que la situation du crédit aux entreprises était aujourd'hui satisfaisante, avec une croissance de 12,7 % pour le mois d'octobre 2008. Cette croissance importante repose sur un effet stock. La demande de nouveaux crédits s'est en effet ralentie au cours des mois de septembre et d'octobre, du fait d'un mouvement soudain de suspension des investissements des entreprises, lié à la chute brutale de la demande ;

- il a souligné que le crédit à la consommation s'était contracté de 0,4 % sur les dix premiers mois de l'année. Le mois d'octobre 2008 a constitué une véritable rupture, avec une chute de 8,8 % des crédits à la consommation ;

- le rythme annuel des crédits à l'habitat continue à se ralentir, avec 9,4 % en octobre 2008, contre 10,1 % en septembre, dans un contexte de chute de 30 % des achats de logement et d'augmentation des prix dans l'immobilier.

Concernant le financement de l'économie, M. Georges Pauget a indiqué que les banques allaient voir leur chiffre d'affaires diminuer du fait de la crise. Elles doivent d'ailleurs agir en conciliant les contraintes du chiffre d'affaires et du risque. En matière de crédit immobilier, le risque reste cependant limité du fait des sécurités juridiques relatives à la limite d'endettement des ménages et aux conditions de crédit (taux d'intérêt fixe) : cette situation différencie d'ailleurs la France de pays comme l'Espagne ou le Royaume-Uni, très touchés par la crise immobilière.

M. Georges Pauget a estimé que la situation était complexe à gérer pour les établissements bancaires français. Certes, il s'agit de banques de détail et ils devraient, à ce titre, bien résister à la crise. Cependant il a souligné que dans son propre groupe, il était nécessaire d'informer et de former 70 000 salariés afin qu'ils acquièrent des réflexes de gestion de crise.

S'agissant des marges des banques, M. Georges Pauget a évoqué le rapport Athling, remis au comité consultatif des services financiers. Ce rapport a souligné que, pour les crédits renouvelables, la fixation de taux d'intérêt moindres pouvait conduire, en dessous d'un certain seuil, à ce que les établissements bancaires perdent de l'argent, compte tenu du niveau de risque élevé sur ces crédits. Il a estimé qu'il était louable de souhaiter des taux d'intérêt moins élevés, voire de restreindre les conditions de distribution de ce type de crédits, mais que ces solutions pourraient conduire à exclure des populations fragiles des circuits de consommation.

Il a d'ailleurs indiqué que des travaux avaient été lancés par Mme Christine Lagarde et M. Martin Hirsch sur le sujet, dans le cadre de la transposition de la directive relative aux crédits à la consommation. Il a par ailleurs estimé que la proposition de loi visant à supprimer ces crédits renouvelables sur les lieux de vente était inadaptée. Une bonne information des consommateurs est certes nécessaire, mais un aménagement des dispositifs d'information et de publicité existant apparaît suffisant.

M. Georges Pauget a ensuite fait valoir les conditions difficiles dans lesquelles les banques se procuraient les ressources à cinq ans sur le marché. Ces prix élevés justifieraient une répercussion sur les prix de vente, mêmes si les banques ne le font pas totalement aujourd'hui. Il a ainsi mis en avant l'existence d'une véritable problématique du coût de la liquidité : cette situation ne devrait pas cesser, même avec le refinancement des banques par la Société de financement de l'économie française (SFEF). Les mesures prises demandent en effet du temps et la situation est difficile sur le marché bancaire, marqué par une volatilité très importante. Il a estimé que la confiance mettrait beaucoup de temps à se réinstaller - plus d'un an dans le cas du système bancaire américain.

S'agissant du plan de financement de l'économie, il a relevé que celui-ci consistait d'une part, à fournir de la liquidité aux banques, dans un contexte de paralysie du marché interbancaire et qu'il portait, d'autre part, sur les fonds propres. Ce plan permet ainsi aux banques d'atteindre le potentiel de fonds propres en phase avec l'engagement d'accroissement de 4 % du financement de l'économie. Si ces mesures n'avaient pas été arrêtées, la « machine » économique se serait arrêtée : dans une situation caractérisée par des marchés volatils, la réglementation prudentielle (l'accord de Bâle II) impose en effet une augmentation des fonds propres. Le plan tient donc compte de l'architecture du système prudentiel en Europe.

Certaines contreparties ont été imposées aux banques dans le cadre de ce plan : elles concernent d'une part la rémunération des dirigeants et la définition de règles de rémunération des traders. D'autre part, les banques se sont engagées à une croissance du financement de l'économie de 3 à 4 %, afin de ne pas accentuer la crise économique.

M. Georges Pauget a enfin souligné que les caractéristiques du système bancaire français constituaient une protection. En effet 64 % du chiffre d'affaires des trois principaux groupes (Société Générale, BNP Paribas, Crédit agricole) sont issus de la banque de détail, ce qui constitue un élément de stabilité important : la banque de financement et d'investissement ne peut ainsi pas déstabiliser l'ensemble du système. Par ailleurs la répartition géographique des activités de la banque de détail à l'international, qui représente 20 % du chiffre d'affaires des établissements français, montre que ces établissements sont modérément exposés aux impacts de la crise.

Ces éléments expliquent que, comme l'a souligné le gouverneur de la Banque de France, les banques françaises sont convenablement capitalisées : leur profil d'activités, et donc de risque, est significativement inférieur à la plupart des autres pays.

Un débat s'est ouvert.

M. Michel Bécot a exprimé son sentiment d'une frilosité des banques et d'un manque de connaissance du monde de l'entreprise, contrastant avec la situation qui prévalait quelques années auparavant. Il a également mis l'accent sur les situations dramatiques de certaines familles résultant de l'accumulation de « crédits revolving », estimant indispensable de trouver des solutions à destination des personnes les plus fragiles.

Après avoir souligné les qualités du plan de relance, M. Philippe Darniche a relayé les plaintes de certaines entreprises qui regrettent la prudence excessive des banques. Il a interrogé M. Georges Pauget sur son appréciation de la réponse apportée par les banques à la crise.

M. Jean-Paul Emorine, président, s'est inquiété du refinancement des banques au niveau international, souhaitant savoir si toutes les banques avaient recours à des fonds souverains.

En réponse aux différents intervenants, M. Georges Pauget a apporté les précisions suivantes :

- les fonds souverains sont intervenus dans le capital des banques, essentiellement américaines, dans la première phase de la crise, essuyant des pertes considérables. Ils ne sont donc pas disposés aujourd'hui à investir. Les établissements français ont cependant tous des fonds souverains dans leur capital, mais à de faibles niveaux ;

- la profession bancaire a été marquée par deux transformations importantes. D'une part le paysage réglementaire a été profondément bouleversé, avec l'encadrement des dispositifs et l'institution de contraintes formelles, notamment par les normes Bâle II. Les conditions de travail des banquiers ne sont donc pas comparables à ce qu'elles étaient quelques années auparavant. D'autre part, un turn over important a eu lieu dans le personnel du secteur, du fait des 35 heures, de plans de réduction d'emploi et de mesures d'âge : des responsables assez jeunes sont ainsi aujourd'hui sur le terrain, qui n'ont jamais eu à gérer de crises, d'où la nécessité de mettre en place des outils de formation et d'accompagnement ;

- un sondage réalisé auprès des entreprises par le Crédit Agricole a montré que plus de 90 % d'entre elles estimaient que le comportement de leur banquier n'avait pas changé. Des changements ont pu cependant être observés dans deux situations : une dégradation importante de la situation de l'entreprise d'une part, les défauts du système d'autre part, pour lesquels la médiation du crédit constitue une réponse devant permettre de régler la situation des entreprises saines ;

- s'agissant des propositions de loi déposées sur le surendettement, il a souhaité attirer l'attention de la commission sur plusieurs éléments. Il a en effet estimé qu'il serait utile de s'intéresser aux causes de dysfonctionnement de certaines commissions de surendettement, soulignant qu'il y avait une grande diversité parmi les commissions. Par ailleurs il a exprimé ses craintes quant au projet de « fichier positif », qui devrait recenser l'ensemble des crédits souscrits par les particuliers et qui pourrait aggraver le surendettement, comme le montrent les exemples britannique et américain.

Questions diverses

Puis sur proposition de M. Jean-Paul Emorine, président, la commission a décidé d'ouvrir les auditions conduites par M. Philippe Dominati, rapporteur sur les propositions de loi n° 94 (2008-2009), présentée par M. Philippe Marini, visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement, n° 114 (2008-2009), présentée par M. Claude Biwer, Mme Muguette Dini, M. Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement, et n° 153 (2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à prévenir le surendettement, dans le cadre d'un groupe de travail composé, outre du rapporteur, de deux sénateurs du groupe UMP, deux sénateurs socialistes, un sénateur du groupe de l'Union centriste, un sénateur du groupe non-inscrits, un sénateur du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et un sénateur du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche (CRC-SPG).

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a désigné Mme Elisabeth Lamure, rapporteur, sur le projet de loi n° AN 1360 (XIIIe législature) pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.