Mardi 16 décembre 2008

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -

Loi pénitentiaire - Audition de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

La commission a procédé, dans le cadre de l'examen du projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008), à l'audition de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a tout d'abord indiqué avoir été sensibilisé à la question de la condition carcérale lorsqu'il était président d'Emmaüs France. Après avoir relevé de nombreuses similitudes entre les populations des centres d'hébergement, des hôpitaux psychiatriques et des prisons, il a insisté sur l'existence de parcours de réinsertion particulièrement réussis.

Il a ajouté avoir pris une part active, en 2007 et 2008, aux questions d'insertion et de lutte contre la pauvreté des personnes détenues, au travers de trois chantiers majeurs :

- la réflexion sur la réforme des politiques d'insertion dans le cadre du « Grenelle de l'insertion » ;

- la création du revenu de solidarité active (RSA) ;

- le projet de loi pénitentiaire, précisant que celui-ci reprenait certaines de ses propositions.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a constaté que le projet de loi sur le RSA n'avait pas intégré les personnes détenues. Selon lui, l'extension du dispositif à cette catégorie aurait eu un coût limité -huit millions d'euros sur dix milliards d'euros- dans la mesure notamment où elle n'aurait concerné que les détenus les plus démunis (35 % de la population pénale). Un tel système aurait eu pour objectif d'éviter des ruptures de droits à l'entrée et la sortie de prison. Sa mise en oeuvre serait intervenue dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités territoriales.

Il a souligné, par ailleurs, la possibilité ouverte, par le projet de loi, aux entreprises d'insertion, d'intervenir en milieu pénitentiaire, nonobstant l'absence de contrat de travail.

Il s'est réjoui, d'une part, que l'article 3 du projet de loi prévoie la possibilité, à titre expérimental, de confier aux régions la gestion et le pilotage des actions de formation professionnelle auprès des détenus, d'autre part, que certaines régions se soient d'ores et déjà portées candidates.

Il a enfin insisté sur la nécessité de conduire des actions spécifiques en faveur des jeunes détenus, soulignant la création récente d'un fonds d'expérimentation en faveur de l'insertion des jeunes, pouvant en particulier servir à l'insertion par l'activité économique des jeunes détenus, avec le concours de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a tenu à rappeler que la prison constituait aujourd'hui un monde extrêmement violent, caractérisé par une inégalité redoutable entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. Dans ces conditions, il a estimé que, si l'idée de la création d'un revenu minimum carcéral ne semblait pas recueillir aujourd'hui un assentiment suffisant, il existait des moyens de faire évoluer le projet de loi afin de renforcer la lutte contre l'indigence en prison : il a notamment fait référence à l'obligation d'activité, à l'octroi d'une aide en nature et à l'octroi d'une aide en numéraire en échange de l'engagement de suivre une formation, et a souhaité recueillir la position du Haut commissaire sur ces différents dispositifs. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a également souligné le fait que le projet de loi pénitentiaire ne contenait aucune évaluation des coûts induits par la mise en place des dispositifs d'insertion par l'activité économique, et a souhaité savoir quel serait l'effort budgétaire consenti par l'Etat pour la mise en oeuvre de cette obligation. Enfin, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est félicité des efforts réalisés pour étendre les dispositifs de droit commun aux détenus, et s'est interrogé sur la place que pourraient être amenés à prendre les départements dans l'univers carcéral, soulignant notamment le rôle déterminant de lien entre l' « intérieur » et l' « extérieur » que pourraient jouer les assistantes sociales de secteur.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a estimé que les pistes évoquées par M. Jean-René Lecerf étaient intéressantes et que leur mise en oeuvre était envisageable. Il a toutefois rappelé que la question de la création d'un revenu minimum carcéral suscitait, dans le monde politique, de très fortes réserves et de nombreuses oppositions, comparables aux critiques formulées à l'encontre du revenu minimum d'insertion. Dans ces conditions, il a estimé que la création d'un dispositif tel qu'un revenu minimum carcéral devrait nécessairement s'accompagner d'un réel travail de pédagogie : selon lui, il est nécessaire d'insister sur les contreparties et les obligations qui accompagneraient l'octroi d'une telle allocation, sur le faible coût qu'un tel dispositif représenterait pour les finances publiques, sur la diversité des publics qui pourraient être concernés, et enfin, sur son efficacité incontestable en termes d'insertion. De tels arguments permettraient sans doute, d'après lui, de vaincre une partie des préventions de la classe politique à l'égard d'un tel projet. M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a également souligné le fait que les collectivités territoriales (régions et départements essentiellement) étaient prêtes à prendre toutes leurs responsabilités en matière d'accompagnement des détenus, dont elles seraient en tout état de cause amenées à assurer, tôt ou tard, la prise en charge dans le cadre de l'exercice de leurs compétences propres. A cet égard, l'idée d'assurer une continuité des droits entre la prison et le monde extérieur lui a paru tout à fait pertinente. Abordant la question d'un éventuel surcoût induit par les dispositions du projet de loi relatives à l'insertion par l'activité économique, M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, n'a pas estimé que ces dispositions pourraient susciter des difficultés budgétaires, rappelant par ailleurs qu'il avait, pour sa part, mené un travail très fructueux de collaboration avec l'association nationale des directeurs des ressources humaines et que des expérimentations très prometteuses en matière d'insertion avaient été réalisées au Pays basque.

M. Jean-Pierre Vial a tenu à rappeler que les collectivités territoriales avaient naturellement vocation à jouer un rôle dans les dispositifs destinés à favoriser la réinsertion des détenus et a exprimé le souhait que soient appliqués autant que possible les dispositifs du droit commun. A cet égard, il s'est interrogé sur les motifs pour lesquels le Gouvernement n'avait pas souhaité retenir le contrat de travail comme modalité d'exécution de l'obligation d'activité imposée aux détenus.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a rappelé que la question d'offrir aux détenus la possibilité de conclure un contrat de travail avait fait l'objet de nombreux débats et qu'elle avait suscité la crainte, chez les partenaires sociaux, de voir s'instaurer un contrat de travail « à géométrie variable ». Il a évoqué l'exemple de la légalisation récente du statut de compagnon d'Emmaüs, et l'institution à cette fin d'un statut sui generis, de préférence à un aménagement apporté à la formule du contrat de travail. Il a par ailleurs estimé que les dispositions permettant aux détenus de se faire domicilier à l'établissement pénitentiaire faciliteraient le maintien des droits durant la détention et la préparation précoce de la réinsertion à la sortie de prison, ce qui constitue à ses yeux un progrès essentiel.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a considéré que le recours à la formule du contrat de travail susciterait inévitablement des difficultés, rappelant notamment que, quels que soient les liens entretenus entre les entreprises et les détenus, l'administration pénitentiaire serait en tout état de cause appelée à intervenir dans l'organisation de l'activité. Il a également fait référence aux établissements pénitentiaires en gestion mixte, qui offrent des possibilités d'activité et de formation aux détenus. Il a ainsi estimé que l'acte d'engagement professionnel proposé par le projet de loi constituait une formule équilibrée.

M. Hugues Portelli a souhaité savoir s'il était possible d'intégrer des clauses particulières dans les marchés publics afin d'inciter les entreprises à s'investir dans la formation et l'activité des détenus.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a estimé que de telles clauses auraient un impact positif sur le développement des dispositifs d'insertion par l'activité économique. Il a de ce fait regretté que, pour le moment, l'Etat y ait peu recours pour ses propres marchés, rappelant qu'une telle démarche présentait une réelle efficacité, pour peu qu'on prenne le temps de la mettre en place.

M. Alain Anziani a souligné que le recours au contrat de travail en prison susciterait de nombreuses difficultés, liées notamment à la détermination de l'employeur ou aux conditions d'exécution du contrat (hypothèses de rupture du contrat, responsabilité, démission, etc.). Il a également tenu à souligner que la région Aquitaine était prête à s'investir dans l'insertion professionnelle des détenus.

M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a estimé que la promotion de l'offre de travail à destination des détenus était prioritaire par rapport à la question du recours au contrat de travail. Il a également fait valoir qu'il conviendrait, à ses yeux, à partir du moment où les détenus seraient soumis à une obligation d'activité, d'« inverser la charge de la preuve » et de demander à l'administration, et non au détenu, de s'expliquer sur les motifs pour lesquels il ne serait pas proposé d'activité à ce dernier.

Mme Virginie Klès a souhaité attirer l'attention sur les transferts imprévisibles dont font l'objet les détenus et sur leur incompatibilité avec la continuité de l'activité des détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a quant à lui considéré que l'administration pénitentiaire avait encore d'importants efforts à accomplir pour développer le travail en prison, faisant notamment référence aux réticences exprimées à ce sujet par certains directeurs d'établissement. Il a également appelé de ses voeux la généralisation, dans les procédures de passation des marchés publics, des clauses de préférence en faveur des entreprises employant des détenus.

Mercredi 17 décembre 2008

- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, sur le projet de loi organique n° 1314 (AN) relatif à l'application des articles 31-1, 39 et 44 de la Constitution.

Demandes de saisine et nomination de rapporteurs pour avis

La commission a ensuite décidé de se saisir pour avis :

- du projet de loi n° 1216 (AN) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense et a nommé M. François Pillet rapporteur pour avis ;

- du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés et a nommé M. Laurent Béteille rapporteur pour avis.

Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats

Puis la commission a désigné M. Bernard Saugey candidat titulaire et M. Alain Anziani candidat suppléant proposés à la nomination du Sénat pour siéger comme membres au sein du Comité des finances locales.

Loi pénitentiaire - Examen du rapport

Enfin, la commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi pénitentiaire n° 495 (2007-2008).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a d'abord salué l'initiative du Gouvernement, qui permettra au Parlement de débattre pour la première fois d'un grand texte fondateur dans le domaine pénitentiaire. Il a rappelé que le Sénat avait marqué une attention constante à la situation des établissements pénitentiaires et aux conditions de détention en France et avait contribué, en 2000, à la prise de conscience de la situation déplorable des prisons avec le rapport intitulé « Les prisons : une humiliation pour la République », issu de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

Le rapporteur a noté que bien des constats dressés dans ce document conservaient leur actualité, même si paradoxalement, peu de services publics avaient connu au cours des dernières décennies des mutations aussi profondes que l'administration pénitentiaire. Il a ainsi relevé, parmi les évolutions positives, le renouvellement du parc pénitentiaire à la suite des différents programmes de construction engagés depuis la fin des années 80, l'augmentation et le rajeunissement de l'effectif des personnels, le renforcement de la place dévolue à la réinsertion avec la mise en place des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), et, enfin, l'ouverture de la prison vers l'extérieur avec la présence des visiteurs de prisons ou des délégués du Médiateur. Il a rappelé également le progrès lié à la mise en place du Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a néanmoins observé que beaucoup des efforts accomplis avaient été freinés, voire anéantis, par l'augmentation du nombre de détenus et la part croissante au sein de la population pénale de personnes atteintes de troubles mentaux. Il a estimé, dans ces conditions, que la prison assurait encore très imparfaitement la réinsertion des personnes détenues, alors même que la fonction qui lui était confiée de garantir la protection de la société ne pouvait pas s'entendre uniquement comme la privation de la liberté, mais aussi comme la prévention de la récidive après la libération de la personne détenue.

Le rapporteur a souligné que pour des personnes qui avaient gravement méconnu la loi, la réinsertion passait d'abord par le respect des règles sociales de base en un lieu où les droits et la sécurité seraient garantis, ce qui n'était pas toujours le cas en prison. Il a noté en effet que si l'état du droit avait progressé, son application, qui laissait encore une large part à l'appréciation discrétionnaire de l'administration pénitentiaire, pouvait sensiblement varier d'un établissement à l'autre, donnant parfois le sentiment d'un certain arbitraire. Il a ajouté que la réinsertion dépendait également de l'exercice, pendant la détention, d'une activité, en particulier d'un emploi ou de l'apprentissage d'un savoir qui pourrait être mis à profit à l'issue de la libération. Il a constaté cependant qu'une partie de la population pénale demeurait plongée dans l'oisiveté. Il a enfin estimé que les aménagements de peine, encore trop limités, étaient cependant l'un des meilleurs moyens de prévenir la récidive.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a relevé que la loi pénitentiaire soulevait de fortes attentes à la mesure de ces grands enjeux. Au terme de nombreuses visites d'établissements pénitentiaires et de l'audition d'une centaine de personnalités, il a jugé que l'adoption de ce texte, déposé le 28 juillet 2008 sur le bureau du Sénat, ne pouvait être longtemps différée. Il a relevé que si le volet consacré par le projet de loi aux aménagements de peine suscitait une large adhésion, tel n'était pas le cas de la partie consacrée au service public pénitentiaire et aux conditions de détention, qui, peut-être parce que plus attendu, entraînait une déception largement partagée. Il a indiqué que les amendements qu'il proposerait à la commission répondaient au souci de concilier une double conviction :

- en premier lieu, les principes ou règles applicables en milieu pénitentiaire devaient être évalués à l'aune de l'objectif de réinsertion des personnes détenues appelées, le moment venu, à retrouver la liberté et à mener, comme le rappelle les règles pénitentiaires européennes, « une vie responsable et exempte de crime » ;

- en second lieu, aucune réforme d'ampleur ne se ferait sans l'adhésion de l'administration pénitentiaire, dont le rapporteur a salué le dévouement et le professionnalisme dans un contexte difficile.

M. François Zocchetto a souhaité savoir si le relèvement d'un à deux ans du quantum de peines en-deçà duquel une personne condamnée pouvait être maintenue en maison d'arrêt n'aurait pas pour effet d'accroître encore l'encombrement de cette catégorie d'établissement. Il s'est en outre inquiété de l'absence de dispositions dans le projet de loi sur la situation des personnes atteintes de troubles mentaux, dont la part au sein de la population pénale n'avait cessé de croître.

Après avoir salué l'engagement du rapporteur dans le travail de réflexion sur la situation des prisons et la possibilité donnée aux membres de la commission d'y participer, Mme Alima Boumediene-Thiery a souligné la nécessité de juger le projet de loi pénitentiaire au regard des principes posés par les règles pénitentiaires européennes. Elle a regretté à cet égard que, sur 108 règles, moins d'une dizaine soit aujourd'hui mise en oeuvre dans les établissements pénitentiaires. Elle a formé l'espoir que les exigences rappelées par le rapporteur puissent se retrouver dans la loi pénitentiaire.

M. Pierre-Yves Collombat a insisté sur la double logique contradictoire qui inspirait la politique pénale marquée d'une part, par des textes répressifs dont l'effet était d'accroître la population pénale et, d'autre part, le développement des mesures d'aménagement de peines dont l'objet était de réduire l'encombrement des prisons. Il s'est interrogé sur les perspectives qu'ouvrirait, à cet égard, la loi pénitentiaire.

M. Richard Yung s'est demandé quelle place le projet de loi accordait à la libération conditionnelle qui constituait une des mesures les plus efficaces pour accompagner la sortie de détention. Il a en outre interrogé le rapporteur sur les mesures envisagées pour permettre aux personnes détenues de mieux faire valoir leur point de vue sur leurs conditions de détention.

Tout en saluant le travail du rapporteur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a relevé les contradictions très fortes des réformes pénales engagées par le Gouvernement. Elle a estimé que les dispositions du projet de loi ne répondaient pas aux principales difficultés soulevées par la situation des prisons françaises et que, dans ces conditions, les espoirs soulevés par ce texte risquaient d'être déçus. Elle a indiqué, pour sa part, qu'elle ne pourrait jamais accorder son soutien à un texte qui renoncerait au principe de l'encellulement individuel. Elle a regretté que la France soit en retrait par rapport à ses partenaires européens, alors même qu'elle aurait vocation à mener une politique exemplaire dans le domaine pénitentiaire. Elle a déploré particulièrement la situation faite aux personnes atteintes de troubles mentaux.

M. Jean-Pierre Sueur s'est également félicité du travail mené par M. Jean-René Lecerf dont le rapport comporte, a-t-il estimé, des réponses aux difficultés les plus graves soulevées par la situation des prisons. Ainsi, le développement des alternatives à la détention pourrait permettre, à terme, la mise en oeuvre du principe de l'encellulement individuel. Il a souligné l'effort de pédagogie nécessaire qui incombe aux responsables politiques vis-à-vis d'une opinion publique, largement convaincue que la sécurité dépend du nombre de personnes incarcérées. Il a noté à cet égard que l'essor du bracelet électronique programmé par le projet de loi, notamment avec la mise en place de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, pourrait être remis en cause par le moindre fait divers mettant en évidence la facilité avec laquelle une personne sous main de justice pourrait contrevenir aux obligations qui lui sont fixées. Dès lors, a-t-il poursuivi, la logique de l'enfermement prévaudrait de nouveau.

M. Jacques Mézard a évoqué la honte que lui inspirait, lorsqu'il exerçait comme avocat, la situation des prisons françaises. Il a jugé cette situation indigne d'une démocratie comme la France. Il a observé que si la peine d'emprisonnement était la seule solution possible pour certaines personnes condamnées, elle pouvait avoir des effets nuisibles pour une partie des détenus. Il a appelé de ses voeux une profonde réforme du code pénal et du code de procédure pénale en soulignant, en particulier, les difficultés considérables actuellement rencontrées pour assurer la défense d'une personne déjà condamnée à une peine d'emprisonnement.

M. Bernard Frimat a souhaité que les modifications proposées par le rapporteur soient à la mesure des constats qu'il venait de dresser. Il a noté que la majorité de la population ignorait tout des prisons jusqu'au jour où des circonstances la conduisaient à une confrontation avec cet univers. Il a jugé que la loi pénitentiaire devait être l'occasion d'une prise de conscience d'une opinion encore très attachée à la systématisation des formules répressives. Il a estimé que les dispositions d'une loi pénitentiaire devaient être jugées à l'aune de leur utilité sociale et des perspectives de réinsertion des personnes détenues. Il a exprimé à cet égard un certain scepticisme sur le contenu initial du projet de loi. Après avoir noté que dans certaines collectivités d'outre-mer, la mise à exécution des peines d'emprisonnement dépendait pour partie des places disponibles dans les établissements pénitentiaires, il a souhaité savoir ce qu'il en était en métropole.

M. Pierre Fauchon a estimé qu'il n'y avait pas de contradiction dans la politique pénale, mais nécessité de concilier d'une part, l'exigence de sécurité de nos concitoyens et, d'autre part, le respect de la dignité des personnes détenues. Il a considéré que la France n'assurait pas des conditions de détention correctes aux délinquants, cette situation s'expliquant, selon lui, par le fait que l'opinion assignait généralement à la prison la fonction d'empêcher une personne de nuire et ne se préoccupait guère du devenir du délinquant. Il a insisté sur l'insuffisance des moyens matériels, et surtout humains, qui freinait tout effort d'amélioration.

Mme Catherine Troendle a partagé la volonté du rapporteur de lutter contre l'oisiveté en prison, en particulier pour les mineurs de 16 à 18 ans qui, selon elle, devraient être soumis à des obligations à caractère éducatif. Elle a jugé, en outre, encore très insuffisantes les conditions d'accueil des personnes au moment de leur incarcération, alors même qu'il s'agissait d'une étape particulièrement délicate dans le parcours d'une personne condamnée.

M. Alain Anziani a constaté, d'une part, les contradictions entre les législations pénales récentes et les intentions manifestées par la loi pénitentiaire, d'autre part, l'échec du système pénitentiaire si on devait l'évaluer à l'aune des résultats en matière de récidive. Il s'est inquiété par ailleurs de la base juridique du droit pénitentiaire en notant que si les deux tiers des dispositions devaient conserver un caractère réglementaire, comme aujourd'hui, les progrès demeureraient très limités. Il a jugé nécessaire de rapprocher le plus possible des règles de droit commun les principes applicables en prison. Il a observé que le projet de loi ne prenait pas vraiment en compte les besoins d'une population pénale de plus en plus diverse. Il a ainsi noté l'absence de dispositions spécifiques pour les femmes ou pour les personnes atteintes de troubles mentaux dont les pathologies pouvaient encore s'aggraver du fait de la détention. Enfin, il s'est inquiété de l'évolution des crédits consacrés à la formation professionnelle et a souhaité que le transfert de compétences à la région prévu dans ce domaine s'accompagne des moyens correspondants.

M. Jean-Noël Buffet a estimé qu'une politique pénitentiaire se devait de trouver un équilibre entre les considérations de sécurité et la préparation de la réinsertion de la personne détenue. Il a souligné que le projet de loi pénitentiaire permettait de réelles avancées qu'il convenait de saluer. Il a estimé que les conditions matérielles de détention s'étaient améliorées du fait des programmes de construction de nouveaux établissements, dont il a noté qu'ils avaient été engagés à l'initiative de gouvernements appartenant à la majorité aujourd'hui au pouvoir.

M. Jean-Pierre Michel a estimé que le rapporteur avait dressé un état des lieux équilibré de la situation des prisons françaises. Il s'est félicité de ce qu'une loi pénitentiaire puisse être discutée par le Parlement tout en observant que ce texte comportait en fait des dispositions à caractère souvent plus réglementaire que législatif. Il a souhaité que soit affirmé le caractère exceptionnel du recours à la peine d'emprisonnement. Il a également indiqué qu'une réflexion devait s'engager sur le partage des responsabilités entre le juge qui prononçait la peine et le ministère public chargé de la mettre à exécution. Il a noté à cet égard que le magistrat du siège ignorait pour une large part les conditions dans lesquelles la peine était mise à exécution. Il s'est montré favorable à l'adoption d'un numerus clausus pour les maisons d'arrêt.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé l'avancée apportée par la création du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il a observé par ailleurs que l'amélioration des conditions de détention dépendait dans une large mesure de l'état des locaux et qu'à cet égard l'effort consacré au renouvellement des infrastructures avait permis de réels progrès. Il a estimé en outre que la question de l'encellulement individuel était peut-être moins déterminante que le choix du régime de détention : ainsi la liberté d'aller et de venir dans les locaux de détention permettait sans doute de mieux supporter un placement en cellule collective. Il a souhaité que la loi pénitentiaire puisse traiter du sens de la peine. Enfin, il a constaté que la gravité de la pathologie psychiatrique jouait comme une circonstance d'aggravation de la responsabilité pénale. Compte tenu de cette situation préoccupante, il s'est interrogé sur la distinction introduite à l'article 122-1 du code pénal entre altération et abolition du discernement qui avait pu favoriser cette évolution.

En réponse, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le nombre de personnes condamnées qui doivent purger un reliquat de peine compris entre un et deux ans représente 5,9 % de l'ensemble ;

- les règles pénitentiaires européennes, dépourvues de caractère contraignant, ont vocation à fixer un ensemble de références communes pour les Etats membres du Conseil de l'Europe ;

- la loi pénitentiaire ne contredit pas les législations pénales précédentes dont elle constitue le complément indispensable ;

- l'attention portée à la préparation de la sortie des personnes détenues se manifeste notamment dans le projet de loi par la possibilité donnée aux entreprises d'insertion d'intervenir dans les établissements pénitentiaires et d'assurer ainsi un emploi à la personne détenue, qui pourra se prolonger à l'issue de sa libération ;

- plusieurs des amendements proposés permettront de renforcer les dispositifs du projet de loi consacrés à la libération conditionnelle et d'introduire aussi de nouvelles mesures pour favoriser la consultation des personnes détenues sur leurs conditions de détention ;

- l'opinion publique peut être sensibilisée à la nécessité d'améliorer la situation des prisons, en particulier à la suite du traumatisme provoqué par l'affaire d'Outreau ; en outre, il appartient à la représentation nationale de précéder le sentiment majoritaire lorsque l'intérêt général le commande ;

- la situation des prisons françaises est loin d'être la plus dégradée en Europe et de réels progrès ont été accomplis au cours des dix dernières années, quelle que soit la couleur politique des gouvernements qui y ont participé ;

- les aménagements de peine peuvent se solder par un échec, en particulier s'ils ne sont pas accompagnés du renforcement nécessaire des moyens humains ; en tout état de cause le risque zéro n'existe pas ;

- la création d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les personnes condamnées atteintes de troubles mentaux, si elle devrait contribuer à améliorer la prise en charge sanitaire, risque néanmoins de pérenniser un état de fait peu satisfaisant : la condamnation et l'incarcération de personnes reconnues pénalement responsables, alors même qu'elles souffrent de pathologies psychiatriques graves ; une réflexion devrait être menée sur l'augmentation des lits en hôpital psychiatrique fermé ;

- une réflexion sur la réforme du code pénal et du code de procédure pénale est engagée sous l'autorité de M. Philippe Léger, avocat général à la Cour de cassation ;

- la société doit se réapproprier les prisons de la République ; à cet égard, un réel effort est nécessaire de la part de l'administration pénitentiaire pour favoriser l'ouverture des prisons aux médias et briser ainsi une culture du secret qui, en définitive, porte préjudice aux réelles avancées accomplies dans les établissements pénitentiaires au cours des dernières années ;

- l'augmentation des moyens dont a bénéficié l'administration pénitentiaire a été principalement consacré, jusqu'à présent, au renforcement des effectifs liés à l'ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires ; à l'issue du programme 13.200, il serait souhaitable que cet effort puisse porter sur l'accompagnement humain nécessaire au succès des mesures d'aménagement de peine ;

- le taux d'exécution des décisions de justice a progressé dans la période récente, même si la situation outre-mer n'est pas satisfaisante en raison du taux de surpopulation des établissements pénitentiaires ;

- le pouvoir réglementaire concernant le droit pénitentiaire doit être strictement encadré par la loi, en particulier pour l'ensemble des dispositions qui présentent un caractère coercitif.

Puis la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.

Avant l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article et une division additionnels définissant le sens de la peine de privation de liberté.

A l'article premier (missions du service public pénitentiaire), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 2 (organisation du service public pénitentiaire), elle a adopté un amendement ayant pour objet de mettre sur un pied d'égalité l'ensemble des personnes qui apportent leur concours au service public pénitentiaire.

Après l'article 2, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'intégrer le rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Après l'article 2, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir dans la loi l'institution d'un conseil d'évaluation auprès de chaque établissement pénitentiaire.

Après l'article 2, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'intégrer le rôle des délégués du Médiateur de la République dans les établissements pénitentiaires.

Après l'article 2, la commission a examiné un amendement tendant à insérer un article additionnel confiant à un observatoire, à partir de la collecte et de l'analyse des données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, l'établissement d'un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.

M. Pierre-Yves Collombat a fait valoir que la récidive ne dépendait pas seulement des conditions de détention, mais encore de la personnalité des détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a estimé qu'il serait sans doute intéressant de comparer les taux de récidive des personnes ayant été incarcérées, pour la plupart pour des infractions à caractère sexuel, dans les établissements pénitentiaires de Casabianda, Mauzac et Caen. Il s'est déclaré persuadé qu'une telle comparaison, si elle était enfin réalisée, mettrait en lumière des résultats sensiblement différents et permettrait de valoriser et de diffuser les pratiques innovantes de l'administration pénitentiaire.

La commission a adopté l'amendement.

Après l'article 2, elle a examiné un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de reprendre les dispositions de l'article 28 posant le principe d'une participation facultative des collectivités territoriales aux différentes structures d'évaluation des prisons et à étendre cette faculté aux associations.

A l'article 4 (code de déontologie et prestation de serment), la commission a adopté un amendement ayant pour objet, d'une part, de consacrer les différents corps de métiers de l'administration pénitentiaire, d'autre part, de prévoir l'assujettissement au code de déontologie du service public pénitentiaire des personnels pénitentiaires et des agents des concessionnaires chargés de diverses fonctions dans les établissements pénitentiaires à gestion mixte, et non de l'ensemble des « collaborateurs » du service public pénitentiaire.

Après l'article 4, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de consacrer le rôle des personnels de surveillance.

Après l'article 4, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de consacrer le rôle des personnels d'insertion et de probation.

Après l'article 4, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de reconnaître aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire les droits d'expression et de manifestation, sous réserve des dispositions spécifiques de leur statut spécial.

Après l'article 4, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'inscrire dans la loi le principe d'une obligation de formation initiale et continue des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire.

A l'article 5 (extension du champ de la protection fonctionnelle de l'Etat aux concubins et partenaires de PACS des personnels pénitentiaires), elle a adopté un amendement ayant pour objet de consolider au sein de la loi pénitentiaire les règles spécifiques relatives à la protection fonctionnelle des agents de l'administration pénitentiaire et de leurs ayants-droit, qui figurent actuellement à l'article 112 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

A l'article 6 (création d'une réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires retraités), elle a adopté un amendement permettant de confier le contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice aux réservistes de l'administration pénitentiaire.

A l'article 10 (encadrement des restrictions dont les droits des détenus peuvent faire l'objet), la commission a adopté un amendement de réécriture complète ayant pour objet en particulier de poser l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir les droits des détenus avant d'en rappeler les limites.

Après l'article 10, elle a examiné un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir que, lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, le détenu doit être informé, dans une langue qu'il comprend, des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations, et aux recours et requêtes qu'il peut former, les règles applicables dans l'établissement devant également être portées à sa connaissance.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a exprimé des réserves sur cet amendement, qu'elle a jugé inapplicable.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que près du quart des personnes incarcérées dans les établissements pénitentiaires n'étaient pas de nationalité française. Il a estimé que la traduction en différentes langues du livret remis à chaque détenu lors de son admission dans un établissement pénitentiaire ne devrait pas soulever de difficultés.

La commission a adopté l'amendement.

Après l'article 11, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de reconnaître, dans la loi pénitentiaire, la liberté de conscience et de culte des détenus.

Après l'article 11, la commission a examiné un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'instituer une obligation d'activité pour la personne condamnée.

Déplorant l'oisiveté où se trouve plongé un grand nombre de détenus, souvent contre leur gré, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que leur réinsertion passe par l'exercice, pendant la détention, d'une activité destinée à favoriser leur socialisation : emploi, formation professionnelle, cours, activité socioculturelle ou sportive, participation à un groupe de parole...

Il a rappelé que plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas imposaient de travailler aux personnes condamnées à une peine privative de liberté, même s'ils n'étaient pas toujours en mesure d'apporter les emplois nécessaires.

Il a estimé que l'amendement proposé n'était pas contraire à l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Enfin, il a précisé que cette obligation faite aux seules personnes condamnées ne s'appliquerait que si l'établissement était en mesure de proposer plusieurs activités adaptées à l'âge, aux capacités et à la personnalité des intéressés.

M. Jean-Pierre Michel a salué cet amendement, tout en estimant qu'il conviendrait également de faire obligation à l'administration pénitentiaire de proposer des activités aux détenus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que l'obligation faite aux détenus de suivre une activité constituerait un moyen de lutter contre le caïdat.

Mme Alima Boumediene-Thiery a fait valoir qu'il serait difficile de proposer des activités aux détenus en période de vacances scolaires.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a relevé que, dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, les enseignants de l'éducation nationale avaient accepté de limiter leurs vacances pour que les jeunes détenus puissent suivre davantage de cours.

Mme Anne-Marie Escoffier s'est interrogée sur les sanctions applicables en cas de méconnaissance de cette obligation d'activité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que le détenu qui refuserait de s'y soumettre s'exposerait à des sanctions disciplinaires telles que l'interdiction de recevoir des mandats ou la privation de télévision.

La commission a adopté l'amendement.

Après l'article 11, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir que, sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement, les détenus peuvent être consultés par l'administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées.

M. Richard Yung et Mme Alima Boumediene-Thiery ont salué cet amendement, tout en estimant qu'il n'allait pas assez loin.

A l'article 12 (domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de limiter le champ des dispositions proposées à la garantie des droits civiques des détenus et à prévoir à cette fin que le chef d'établissement organise avec l'autorité compétente, avant chaque scrutin, une procédure destinée à faciliter l'exercice du vote par procuration.

Après l'article 12, elle a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel reprenant, sans modification, les dispositions figurant à l'article 12 du projet de loi relatives à la domiciliation de la personne détenue à l'établissement pénitentiaire en vue de lui faciliter l'accès aux aides sociales versées par le département.

A l'article 13 (aide en nature pour les détenus les plus démunis), elle a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que l'aide de l'Etat aux détenus indigents, plutôt que de prendre la forme d'une aide en nature, peut être versée en numéraire.

A l'article 14 (acte d'engagement - insertion par l'activité économique), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que l'acte d'engagement professionnel doit être signé par le chef d'établissement et la personne détenue et qu'il doit énoncer les droits et obligations professionnels de celle-ci, ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Après l'article 14, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de permettre au pouvoir adjudicateur, lors de la passation d'un marché public, d'attribuer un droit de préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par le service pénitentiaire de l'emploi ou les entreprises concessionnaires de l'administration pénitentiaire pour les produits ou services assurés par les personnes détenues.

Tout en le soutenant, M. Jean-Pierre Sueur a fait observer que cet amendement risquait de susciter de vives réactions dans l'opinion publique.

Après avoir précisé que les dispositions proposées s'inspiraient directement de l'article 53 du code des marchés publics pour l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué, d'une part, que la rémunération versée aux personnes détenues était bien plus faible que celle des salariés en France, d'autre part, que le travail pénitentiaire ne concurrençait généralement pas celui des salariés de France, mais plutôt l'activité des entreprises délocalisées dans les pays à bas salaires.

Après l'article 15, la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel afin, d'une part, de consacrer dans la loi les unités de vie familiale et les parloirs familiaux, d'autre part, de prévoir que ces structures peuvent être implantées au sein de tout établissement pénitentiaire et peuvent accueillir toute personne détenue.

A l'article 16 (accès au téléphone), elle a adopté un amendement permettant d'interdire tout contact téléphonique entre une personne détenue et les membres de sa famille qui ne souhaitent pas lui parler.

A l'article 17 (correspondance), elle a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement ayant pour objet de prévoir que, seule, une atteinte « grave » au maintien de l'ordre ou à la sécurité justifie une restriction à la liberté de correspondance des personnes détenues.

A l'article 18 (droit à l'image), elle a adopté un amendement ayant pour objet de réserver au juge judiciaire la faculté d'autoriser ou non l'utilisation de l'image ou de la voix d'un prévenu.

Après l'article 18, elle a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel énonçant le droit à la confidentialité des documents personnels du détenu et consacrant dans la loi la faculté qui lui est donnée de les confier au greffe de l'établissement et d'y avoir accès quand il le souhaite.

A l'article 19 (accès à l'information), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de préciser la rédaction et de permettre le retrait de publications comportant des injures ou diffamations à l'encontre d'un détenu.

Après l'article 19, elle a examiné un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel rappelant dans la loi l'obligation pour l'administration pénitentiaire d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs ou individuels et tirant les conséquences de l'affirmation de ce principe :

- d'une part, en introduisant une responsabilité sans faute de l'Etat pour les décès intervenus en prison à la suite d'une agression par un détenu ;

- d'autre part, en assignant à l'administration pénitentiaire l'obligation, en cas de suicide d'une personne détenue, d'informer immédiatement sa famille et ses proches et, si ceux-ci le souhaitent, de leur faciliter autant que possible leurs démarches.

M. Jacques Mézard a estimé que ce régime de responsabilité sans faute devrait être étendu à d'autres cas que le décès d'un détenu.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait d'une première étape, conforme d'ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Rappelant les observations formulées par la Commission de déontologie de la sécurité, M. Jean-Claude Peyronnet a appelé de ses voeux une évolution des comportements de l'administration pénitentiaire pour assurer une sécurité plus grande aux détenus, tout particulièrement dans les cours de promenade.

M. Jean-Pierre Michel a exprimé le souhait qu'en cas de suicide d'un détenu, toutes les pièces du dossier soient communiquées à sa famille, afin de lever toute suspicion sur les causes de sa mort.

La commission a adopté l'amendement.

A l'article 20 (prise en charge des soins par le service public hospitalier - restriction des informations susceptibles d'être communiquées aux proches), elle a adopté un amendement ayant pour objet de rappeler le principe selon lequel, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l'état de santé d'une personne détenue, le médecin est habilité à délivrer à la famille, aux proches ou à la personne de confiance les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à la personne malade.

A l'article 21 (obligation d'un permis de visite spécifique pour l'accompagnement du détenu dans des conditions de confidentialité), elle a adopté un amendement de précision.

La commission a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 23 (biens abandonnés par les détenus à leur libération).

A l'article 24 (fouilles), elle a examiné un amendement ayant pour objet, en premier lieu, de distinguer plus clairement les principes de nécessité et de proportionnalité auxquels les fouilles doivent répondre, en deuxième lieu d'énoncer le principe selon lequel les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique se révèlent insuffisants, en dernier lieu, de proscrire les fouilles corporelles internes, sauf impératif spécialement motivé, tout en maintenant, dans le cas où la fouille interne est indispensable, l'exigence d'une intervention du médecin.

M. Pierre-Yves Collombat a mis en exergue les très fortes réticences des médecins à pratiquer la fouille interne.

Mme Catherine Troendle s'est interrogée sur la portée des dispositions prévoyant que la nature et la fréquence des fouilles doivent être strictement adaptées à la personnalité des détenus, ce critère lui paraissant insuffisamment précis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que le critère de la personnalité du condamné ou du prévenu était couramment employé par le code pénal et le code de procédure pénale, par exemple pour la détermination de la sanction devant lui être infligée ou des aménagements de peine susceptibles de lui être accordés. Il a reconnu que les médecins ne souhaitaient pas pratiquer la fouille interne, celle-ci relevant de considérations sécuritaires étrangères à leur champ de compétence.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a suggéré de rectifier l'amendement pour prévoir, comme en matière de garde à vue, une réquisition du médecin pour pratiquer une telle fouille.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

Elle a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 28 (participation des collectivités territoriales à la politique pénitentiaire).

A l'article 32 (affirmation du caractère subsidiaire de l'emprisonnement ferme et de la nécessité de prévoir son aménagement), elle a adopté trois amendements ayant respectivement pour objet :

- de marquer solennellement que la peine d'emprisonnement ferme, en matière correctionnelle, doit constituer un ultime recours ;

- d'affirmer plus nettement le principe de la nécessité des aménagements de peine en prévoyant qu'ils doivent être accordés, sauf impossibilité matérielle, si la personnalité et la situation du condamné le permettent ;

- de laisser à la juridiction qui décide d'accorder une mesure d'aménagement de peine le libre choix de la mesure la plus appropriée à la personnalité et à la situation de la personne condamnée (semi-liberté, placement extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement).

A l'article 33 (extension des possibilités d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement correctionnel), la commission a adopté, outre un amendement de coordination :

- un amendement ayant pour objet de spécifier que la juridiction de jugement peut aménager en tout ou partie la peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans qu'elle prononce, au moyen de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique ;

- un amendement ayant pour objet de faciliter le fractionnement d'une peine d'emprisonnement par la juridiction de jugement, d'une part, en supprimant l'exigence selon laquelle le motif d'ordre médical, familial, professionnel ou social pouvant le justifier doit être « grave », d'autre part, en prévoyant que l'emprisonnement prononcé pourra être exécuté par fractions pendant une période n'excédant pas quatre ans, contre trois ans actuellement.

Avant l'article 34, la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel étendant l'amplitude horaire du travail d'intérêt général : sa durée pourrait être comprise entre vingt et quatre cents heures, contre une amplitude actuelle de quarante à deux cent dix heures.

A l'article 34 (exécution d'un travail d'intérêt général pendant une assignation à résidence sous surveillance électronique ou un aménagement de peine), elle a adopté un amendement de coordination et un amendement rédactionnel.

A l'article 35 (sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général), elle a adopté deux amendements ayant pour objet, d'une part, d'unifier les règles relatives à la durée du travail d'intérêt général et aux personnes auprès desquelles il peut être exécuté, d'autre part, de prévoir qu'en cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende.

A l'article 37 (assignation à résidence avec surveillance électronique), la commission a adopté quatre amendements ayant pour objet, outre la suppression d'une référence inutile :

- de maintenir les dispositions actuelles de l'article 137 du code de procédure pénale selon lesquelles « la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre », en supprimant la mention prévue par le projet de loi selon laquelle cette liberté prévaut « pendant le déroulement de l'information » ;

- d'étendre au placement sous surveillance électronique « mobile » certaines dispositions prévues par le projet de loi pour le placement sous surveillance électronique « fixe », comme la possibilité donnée aux agents de demander à rencontrer le condamné sans toutefois pouvoir pénétrer à son domicile sans son accord ou la faculté donnée au juge d'instruction de désigner un médecin afin de vérifier la compatibilité du dispositif avec la santé de l'intéressé ;

- de préciser que la procédure contradictoire prévue pour le renouvellement de l'assignation à résidence avec surveillance électronique s'applique aussi dans le cas où ce renouvellement fait suite à une assignation décidée par ordonnance sur une demande de mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire.

A l'article 41 (pouvoirs de l'administration pénitentiaire en matière d'aménagements de peine), la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'exiger une autorisation préalable, plutôt qu'une absence d'opposition, du juge de l'application des peines pour permettre au chef d'établissement pénitentiaire et au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation de modifier les horaires d'entrée ou de sortie de l'établissement pénitentiaire, ou de présence du condamné en un lieu déterminé, dans le cadre d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique ou encore d'une permission de sortir.

A l'article 43 (relèvement d'une interdiction professionnelle et dispense d'inscription d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judicaire), elle a adopté un amendement tirant les conséquences de la réforme des interdictions professionnelles opérée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

A l'article 44 (suspension et fractionnement des peines en cours d'exécution), elle a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement ayant pour objet de supprimer l'exigence d'une, voire de deux, expertises psychiatriques, posée par le code de procédure pénale, en sus de la double expertise somatique, à l'égard de certains condamnés, pour pouvoir accorder la suspension de peine pour motif médical grave à une personne condamnée proche de la mort.

A l'article 45 (libération conditionnelle à l'issue de la période de sûreté), elle a adopté un amendement corrigeant une erreur matérielle.

A l'article 46 (octroi par le juge de l'application des peines de la semi-liberté, du placement à l'extérieur et du placement sous surveillance électronique), elle a adopté un amendement ayant pour objet de permettre au juge de l'application des peines de subordonner la libération conditionnelle d'une personne condamnée à une mesure probatoire de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, pour une durée n'excédant pas un an, l'exécution de cette mesure pouvant débuter un an avant la fin du temps d'épreuve pendant lequel la libération conditionnelle ne peut être accordée.

A l'article 47 (octroi de la libération conditionnelle), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, deux amendements ayant pour objet de permettre la libération conditionnelle sans condition de délai des personnes condamnées incarcérées de plus de 70 ans, et pas seulement de celles de plus de 75 ans, tout en subordonnant l'octroi de cette mesure à l'absence de risque grave de renouvellement de l'infraction.

A l'article 48 (procédures simplifiées d'aménagement des peines), elle a adopté quinze amendements ayant essentiellement pour objet, outre des précisions ou des simplifications rédactionnelles :

- de faciliter la procédure d'examen systématique des aménagements de peine susceptibles d'être accordés aux personnes condamnées à une courte peine d'emprisonnement mais non encore incarcérées, notamment en autorisant le fractionnement ou la suspension de peine et en permettant au service pénitentiaire d'insertion et de probation de recevoir le condamné avant le juge de l'application des peines, afin d'examiner plus rapidement les mesures susceptibles d'être proposées au magistrat ;

- d'encadrer strictement le placement sous surveillance électronique « de droit » des personnes condamnées incarcérées auxquelles il reste quatre mois de détention à subir, en précisant que cette mesure devra faire l'objet d'une ordonnance du juge, en exigeant que cette ordonnance fixe les mesures de contrôle et les obligations auxquelles le condamné devra se soumettre, en supprimant les dispositions prévoyant que la neutralisation du bracelet par le condamné ne sera pas assimilée à une évasion, et en marquant bien que cette procédure de placement « automatique » n'aura vocation à s'appliquer qu'en dernier recours, en l'absence d'une autre mesure d'aménagement de peine.

Après l'article 48, la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel confiant définitivement au tribunal de l'application des peines compétence pour ordonner une mesure de surveillance judiciaire.

Elle a ensuite examiné un amendement tendant à insérer un autre article additionnel pour faire obligation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale de 10.000 habitants et plus, aux autres personnes morales de droit public, au premier rang desquelles l'Etat lui-même, ainsi qu'aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, de mettre à disposition des postes de travail destinés aux personnes condamnées ayant à accomplir un travail d'intérêt général.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que cet amendement, destiné à développer le travail d'intérêt général, constituait la reprise d'une préconisation du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire, sans toutefois prévoir de sanction financière en cas de méconnaissance de cette obligation. Il a indiqué que celle-ci pourrait simplement faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, qui exercerait alors nécessairement un contrôle restreint. Enfin, il a constaté que les collectivités territoriales et leurs établissements publics n'étaient pas les personnes morales de droit public les moins disposées à proposer des travaux d'intérêt général, nombre d'entre elles attendant d'être sollicitées par les services d'insertion et de probation.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a marqué son opposition à cet amendement, en soulignant qu'il convenait de laisser aux collectivités territoriales la liberté de proposer ou non des travaux d'intérêt général aux personnes condamnées.

M. Jean-Pierre Michel s'y est, à l'inverse, déclaré favorable, tout en soulignant la nécessité d'un encadrement de la personne condamnée lors de l'accomplissement du travail d'intérêt général.

M. Jean-Pierre Vial a exprimé des réserves non sur le principe même de l'obligation proposée, mais sur sa portée réelle et donc son utilité, dès lors que sa méconnaissance n'est assortie d'aucune sanction efficace. Il a ainsi constaté que les collectivités territoriales ne respectaient déjà pas toujours les obligations résultant de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme Alima Boumediene-Thiery a observé que les conseillers d'insertion et de probation déploraient souvent le manque d'implication des collectivités territoriales pour proposer des travaux d'intérêt général aux personnes condamnées.

Mme Catherine Troendle a indiqué qu'il n'était pas toujours facile, surtout pour les communes rurales, de faire des propositions de travail d'intérêt général susceptibles de convenir.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a marqué son opposition à l'institution d'obligations dépourvues de sanctions.

L'expression « mise à disposition de postes de travail » ne leur paraissant pas adaptée, MM. Dominique de Legge et Hugues Portelli ont suggéré de modifier la rédaction de l'amendement pour prévoir que les communes et établissements publics de coopération intercommunale de 10.000 habitants et plus, les autres personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public sont tenus de proposer des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

Avant l'article 49, elle a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel prévoyant l'élaboration, par décret en Conseil d'Etat, d'un règlement intérieur cadre commun à chaque catégorie d'établissement pénitentiaire, afin d'éviter des différences de traitement parfois ressenties par les détenus, à l'occasion d'un transfert, comme l'expression d'une forme d'arbitraire.

A l'article 49 (possibilité d'un encellulement individuel ou collectif pour les prévenus), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de conserver le principe de l'encellulement individuel pour les personnes prévenues, sous réserve des dérogations actuellement mentionnées par l'article 716 du code de procédure pénale.

A l'article 50 (assouplissement des conditions auxquelles un condamné peut être maintenu en maison d'arrêt), elle a adopté un amendement ayant pour objet de reconnaître le droit, pour toute personne condamnée à une peine supérieure à deux ans et incarcérée en maison d'arrêt, de bénéficier à sa demande d'un transfèrement en établissement pour peines dans un délai maximum de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive.

A l'article 51 (parcours d'exécution de peine - différenciation des conditions de détention), elle a adopté trois amendements ayant pour objet de prévoir :

- en premier lieu, que le parcours d'exécution de la peine des personnes détenues doit être élaboré en concertation avec ces dernières ;

- en deuxième lieu, que tous les détenus, et pas seulement les personnes condamnées, doivent, dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire et à l'issue d'une période d'observation pluridisciplinaire, faire l'objet d'un bilan de personnalité ;

- en troisième lieu, que le placement d'une personne détenue sous un régime de détention plus sévère doit être spécialement motivé.

A l'article 52 (assouplissement du principe de l'encellulement individuel pour les condamnés), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de supprimer les dispositions permettant de déroger au principe de l'encellulement individuel des personnes condamnées pour des raisons liées à la distribution intérieure et à l'encombrement temporaire des locaux.

A l'article 53 (régime disciplinaire), elle a examiné un amendement ayant pour objet de fixer les durées maximales du placement d'un détenu en cellule disciplinaire ou de son confinement en cellule individuelle à 28 jours en cas de violence physique contre les personnes et à 15 jours dans les autres cas, contre des durées respectivement fixées à 40 et à 21 jours par le projet de loi.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que les durées fixées par le projet de loi restaient très au-dessus tant des règles retenues dans la plupart des autres Etats membres de l'Union européenne que des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons présidée par M. Jean-Jacques Hyest en 2000 ou, plus récemment, des préconisations du Comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire. Il a souligné que les faits les plus graves susceptibles de donner lieu à un placement en quartier disciplinaire étaient également constitutifs d'infractions pénales, pour lesquelles le parquet engageait systématiquement des poursuites. Enfin, il a estimé que le placement en cellule disciplinaire pour une longue durée ne constituait pas toujours une réponse adaptée pour plusieurs raisons : il est lui-même générateur de violences contre les personnels de surveillance ; le taux de suicide est plus élevé lors du placement en cellule disciplinaire qu'à tout autre moment de la détention ; en pratique, les médecins mettent souvent un terme au régime disciplinaire afin de ne prendre aucun risque vis-à-vis de détenus qui menacent de se suicider.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a jugé nécessaire que les violences physiques contre les personnes soient bien plus sévèrement sanctionnées que les autres faits constitutifs d'une faute disciplinaire. Il a souhaité connaître les sanctions réellement infligées dans la pratique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que ces sanctions variaient sensiblement d'un établissement pénitentiaire à l'autre.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé qu'il ne voterait pas cet amendement en l'état.

M. Jean-Pierre Sueur s'est déclaré surpris par cette prise de position, la commission d'enquête qu'il avait présidée s'étant prononcée pour une durée maximale de vingt jours.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué qu'il était indispensable de prendre en considération les réactions de personnels pénitentiaires, rappelant que ces derniers étaient victimes chaque année d'environ 500 agressions.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a déclaré que la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire ne pourrait être couronnée de succès sans l'adhésion des personnels de l'administration pénitentiaire. En conséquence, il a proposé de fixer les durées maximales du placement d'un détenu en cellule disciplinaire ou de son confinement en cellule individuelle à 30 jours en cas de violence physique contre les personnes et à 20 jours dans les autres cas.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

Elle a ensuite adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que la commission de discipline, actuellement composée du chef d'établissement ou de son délégué et de deux membres du personnel de surveillance, dont un appartenant au grade de surveillant, comprenne à l'avenir au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire.

Après l'article 53, elle a adopté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel encadrant le régime de l'isolement administratif : le renouvellement de la mesure d'isolement, après une première période de trois mois, devrait être précédé d'un débat contradictoire au cours duquel la personne concernée, éventuellement assistée de son avocat, pourrait présenter des observations orales ou écrites, et le prolongement de l'isolement au-delà d'un an serait soumis à l'avis du magistrat compétent.

En réponse à M. Richard Yung, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que le débat contradictoire se tiendrait entre le chef d'établissement et la personne détenue assistée, le cas échéant, de son avocat.

A l'article 54 (coordinations liées à l'institution de l'assignation à résidence avec surveillance électronique), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de conserver une interdiction de s'absenter du domicile, même non assortie d'une surveillance électronique, dans le cadre du contrôle judiciaire.

A l'article 55 (exécution par provision de la peine de jours-amende et des mesures d'aménagement de peine - coordinations - décisions à juge unique - substitution d'une peine de jours-amende au travail d'intérêt général), elle a adopté un amendement de coordination.

A l'article 56 (dispositions diverses), elle a adopté, outre un amendement de précision, un amendement ayant pour objet de maintenir l'obligation faite au procureur de la République, par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, de présenter un rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines avant la fin du mois de juin.

A l'article 59 (moratoire de cinq ans pour l'application des dispositions relatives à l'encellulement individuel des détenus), la commission a adopté un amendement ayant pour objet d'étendre, par cohérence avec l'amendement proposé à l'article 52, le champ d'application du moratoire à l'application du principe de l'encellulement individuel à toutes les personnes détenues en maisons d'arrêt, qu'il s'agisse de prévenus ou de condamnés, tout en conservant la faculté donnée par le décret du 12 juin 2008 à un détenu de demander son transfert dans une autre maison d'arrêt pour bénéficier d'un placement en cellule individuelle.

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.