Mercredi 21 janvier 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président. -

Loi portant réforme de l'hôpital - Audition de MM. Laurent Degos, président, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS)

La commission a procédé à l'audition de MM. Laurent Degos, président, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS).

M. Laurent Degos, président du collège de la HAS, a rappelé que la sécurité des soins, qui est particulièrement d'actualité depuis quelques semaines, posera toujours des problèmes et qu'il ne faut pas nourrir de faux espoirs en la matière. La Haute Autorité est au centre de la promotion de la sécurité des soins, au travers de la certification des établissements de santé, de la gestion du risque par les praticiens et du développement des indicateurs de résultats. Interrogé par M. Nicolas About, président, sur la coordination avec les autres agences intervenant dans le secteur de la santé, notamment l'institut de veille sanitaire (InVS), l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) ou encore l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), il a indiqué que la plupart de ces agences travaillent sur les produits eux-mêmes, alors que la HAS s'intéresse à la pratique des soins.

M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité connaître l'appréciation générale portée par la HAS sur le projet de loi en discussion et sur les outils à mettre en place pour améliorer le parcours de soins : quels sont l'état des travaux de la HAS sur la coopération entre professionnels de santé et son avis sur les propositions du texte, notamment en ce qui concerne les communautés hospitalières de territoire (CHT), créées par le projet de loi ? En matière d'éducation thérapeutique, organisée à l'article 22 du projet de loi, quel doit être le rôle des associations d'usagers et est-il nécessaire de prévoir des dispositions de nature législative concernant la participation des laboratoires ? Quelles réflexions inspire à la HAS la réorganisation de la formation médicale continue (FMC), notamment sur l'orientation des médecins vers des thèmes prioritaires et sur le rapprochement, proposé par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport récent, entre la FMC et l'évaluation des pratiques professionnelles ?

M. Laurent Degos a indiqué qu'un travail est en cours pour simplifier les démarches de coopération entre professionnels de santé ; les futures agences régionales de santé (ARS) auront un rôle d'intermédiaire important à jouer entre les pratiques locales et l'homologation nationale réalisée par la HAS.

Par ailleurs, l'éducation thérapeutique doit dissocier nettement ce qui relève de l'accompagnement des patients, dans lequel les associations d'usagers ont toute leur place et qui ne fait pas intervenir de personnel soignant, et l'éducation en elle-même, qui doit être réalisée par le médecin traitant ou des personnels de santé, sans influence directe de l'industrie pharmaceutique. A cet égard, la vigilance s'impose sur les relations entre les associations et l'industrie ; elles doivent être clarifiées.

Il a prôné la séparation entre la FMC, qui donne de très bons résultats mais qui est financée à 95 % par les industriels, et l'évaluation des pratiques professionnelles, qui doit être réalisée de manière indépendante. La HAS met d'ailleurs en place des collèges indépendants de bonnes pratiques par spécialité, dans lesquels sont engagés de nombreux médecins mais dont l'activité pâtit de l'attente de l'adoption de la loi. L'évaluation doit en effet être faite par des professionnels pour les professionnels, c'est-à-dire entre pairs, sans l'intervention d'intérêts économiques.

Il a ensuite évoqué quelques comparaisons internationales, qui mettent notamment en lumière le fait que la France est un des pays où le taux de ré-hospitalisation est le plus faible - ce qui montre la place d'ores et déjà centrale du médecin généraliste - et qu'elle obtient également de très bons résultats en matière d'efficacité et d'accès aux soins. Il est donc positif de conforter le médecin généraliste de premier recours, tel que le prévoit le projet de loi. Cependant, il est nécessaire d'améliorer les liens entre la médecine de ville et l'hôpital, thème sur lequel la HAS va engager des travaux ; le patient doit être au coeur de cette problématique, du point de vue de la communication des informations, de la coordination des soins et de l'éducation thérapeutique.

M. François Romaneix, directeur de la HAS, a mis en avant la création des schémas régionaux d'organisation des soins (Sros) par le projet de loi, qui pourrait permettre de résoudre une des difficultés principales du système de santé en France, à savoir l'articulation entre médecine de ville et hôpital. La HAS prépare sur ces questions des indicateurs et va notamment intégrer dans le processus de certification des établissements de santé la qualité des lettres de sortie.

Selon M. Alain Gournac, le patient doit être installé au coeur du système de santé : il doit être informé et respecté. Du côté médical, c'est le médecin de famille, médecin généraliste de premier recours, qui doit être mis en valeur et dont le rôle doit être rehaussé. Il s'est enfin interrogé sur les modalités possibles du « tri des patients » lors de leur arrivée aux urgences, afin de limiter l'attente de tous.

M. François Autain est intervenu sur la place des industriels dans le système de santé, que ce soit pour la formation médicale continue ou dans les associations de malades. Il s'est déclaré pessimiste sur les chances d'avoir une FMC digne de ce nom à brève échéance, en raison de son financement très majoritaire par les industriels. Il a par ailleurs regretté l'absence de publication par les associations de malades de leurs modalités de financement, alors que la loi de 2007 leur en fait obligation. Il s'est enfin interrogé sur l'articulation entre les futures missions des ARS, notamment en matière de qualité et de sécurité des actes médicaux, et les compétences de la HAS.

Après avoir mentionné les éléments probants obtenus par la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) en matière de gestion du risque, M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la régulation des dépenses de santé à l'hôpital. Le projet de loi va-t-il permettre à cet égard de renforcer les nouvelles compétences médico-économiques de la HAS ?

M. Guy Fischer a souhaité, au-delà des préoccupations techniques, s'interroger sur les importants pouvoirs qu'auront les ARS et leurs directeurs. Quel sera l'impact de cette nouvelle organisation sur le service public hospitalier ou sur la carte hospitalière ?

Mme Janine Rozier a prôné un meilleur lien entre l'hôpital et la médecine de ville, notamment pour assurer l'accompagnement des patients à leur sortie de l'hôpital.

M. Jacky Le Menn a mis en avant le manque de communication qui existe en amont et en aval de l'hospitalisation entre le praticien hospitalier et le médecin traitant. Un travail en profondeur est nécessaire pour éviter la défiance mutuelle entre l'hôpital et la médecine de ville ; il doit être intégré dans une perspective financière plus large, car organiser l'ensemble de la chaîne d'information et de collaboration demande du temps et l'implication de l'ensemble des acteurs concernés.

Mme Anne-Marie Payet s'est interrogée sur la formation des professionnels paramédicaux, notamment sur une meilleure reconnaissance du niveau de formation initiale des personnels infirmiers.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a mentionné l'exemple du système informatique du centre hospitalier d'Arras, dont il préside le conseil d'administration : il permet au médecin traitant de consulter la feuille de suivi de ses patients, ce qui améliore concrètement le lien entre hôpital et médecine de ville. Par ailleurs, l'encombrement des urgences provient assez largement, de son point de vue, d'un problème d'organisation des gardes et il existe des solutions, éventuellement contraignantes, pour les améliorer.

M. Alain Milon, rapporteur, a salué la qualité et l'importance des questions, qui montrent, s'il en était besoin, que l'hôpital a été largement oublié par la loi de 2004 sur l'assurance maladie. Il a enfin souhaité interroger M. Laurent Degos, davantage en sa qualité de professeur de médecine plutôt que de président du collège de la HAS, sur l'absence de mention, dans le texte, des hôpitaux privés sans but lucratif participant au secteur public hospitalier, sur la présidence du futur conseil de surveillance des établissements et sur la nomination des médecins par le directeur de l'hôpital, après avis simple du président de la commission médicale d'établissement.

M. Laurent Degos a indiqué que le défaut principal du système de santé français concerne le patient, qui souffre d'un déficit de communication, de coordination et d'éducation ; celui-ci doit être impliqué de manière active, ce qui ne nécessite pas obligatoirement de dispositions de nature législative. Par ailleurs, la HAS travaille actuellement à la mise en place d'indicateurs pour évaluer le temps de prise en charge des patients, notamment dans les cas d'infarctus ou d'accident vasculaire cérébral. Il a évoqué différentes idées pour diminuer le temps d'attente aux urgences : développement de maisons de santé, tri entre consultations non programmées et véritables urgences... Il a également prôné une coordination forte et fonctionnant dans les deux sens entre les futures ARS et la HAS, par exemple en ce qui concerne les indicateurs servant à la certification des établissements de santé. Il a relevé que, dans tous les pays, la formation médicale continue est financée par les industriels du secteur, d'où l'importance de promouvoir une évaluation des pratiques professionnelles qui soit pleinement indépendante ; il a d'ailleurs proposé de remplacer, à l'article 19 du projet de loi, l'intitulé de la formation médicale continue par l'expression « développement professionnel continu ». En ce qui concerne la présidence des conseils de surveillance des établissements, il a considéré que l'aspect le plus important dans la gouvernance de l'hôpital est de savoir qui est responsable, qui assume publiquement cette responsabilité.

Droits des malades et fin de vie - Audition de M. Jean Leonetti, député

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean Leonetti, député, sur l'évaluation de la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

M. Nicolas About, président, a indiqué que l'audition de M. Jean Leonetti, élargie à l'ensemble de la commission, marque également le début des travaux du groupe de travail sur la fin de vie constitué à la suite de la question orale avec débat posée par M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean Leonetti, député, a regretté que les conditions d'adoption puis d'évaluation de la loi du 22 avril 2005 aient été affectées par deux affaires médiatiques qui ont été à l'origine de la proposition de loi initiale, puis du rapport d'information qui lui a été demandé et dont il vient de présenter les conclusions. L'établissement de ce rapport a été précédé de nombreuses auditions qui ont développé en lui une culture du doute et mis fin aux quelques certitudes qu'il pouvait avoir en commençant l'évaluation. Il a estimé que ceux qui prétendent savoir, en matière de fin de vie, n'ont rien compris et qu'il faut adopter une démarche d'interrogation sur ce sujet difficile.

L'augmentation du nombre d'années de vie fait que l'on a désormais moins peur de mourir que de souffrir. La souffrance reste le grand scandale de la France et la crainte de mal mourir est la cause première des demandes de mort anticipée. L'agonie est considérée comme une souffrance inutile, pour soi et pour son entourage.

Deux valeurs sont à concilier. La première de ces valeurs est le respect dû à la vie humaine à laquelle rien ne peut, à son sens, être supérieur. Pour autant, le maintien artificiel d'une vie purement biologique pose le problème de l'acharnement thérapeutique.

La seconde valeur se rapporte à l'autonomie de la personne, qu'elle soit appréhendée dans une perspective kantienne et universaliste ou de manière à consacrer la liberté du choix individuel. Il est essentiel de se souvenir que la liberté implique de pouvoir changer d'avis. Or, l'évolution des demandes des malades au moment où ils se trouvent effectivement en fin de vie est très souvent constatée, comme l'ont notamment montré des études anglo-saxonnes analysant la différence entre les avis a priori et en situation. La Fontaine avait déjà souligné ce trait de la nature humaine dans sa fable « La mort et le bûcheron ». La question qui se pose ici est celle de la qualité de vie et de savoir à partir de quand la personne concernée considère qu'elle ne mérite plus d'être vécue.

La loi de 2005 a permis de condamner l'acharnement thérapeutique et d'interrompre un traitement dont le seul objectif est de maintenir en vie. Cette décision se prend de manière collégiale, entre l'équipe médicale, la famille du patient ou une personne de confiance si le malade n'est pas capable de s'exprimer. Les directives anticipées qu'il a pu laisser sont également prises en considération, cette pratique devenant plus fréquente puisqu'il est plus facile aujourd'hui de connaître le pronostic vital rattaché à une maladie. Le médecin doit en tenir compte mais n'a pas de mandat impératif.

La possibilité pour le malade conscient de refuser un traitement ne doit pas pour autant aboutir à un refus de soins : ce n'est pas parce que le traitement destiné à maintenir la vie s'arrête que l'accompagnement doit cesser. La notion du « double effet » des produits destinés à contrôler la douleur n'est pas, comme on l'a parfois dit, une forme d'hypocrisie mais une manière de régler d'abord la question de la souffrance. Il faut d'ailleurs noter que, souvent, mettre fin à la souffrance permet en réalité de prolonger la durée de vie.

La loi de 2005 est apparue à l'époque comme consensuelle, tant du côté du législateur que des médecins, même si certains l'ont considérée comme une étape et d'autres comme un aboutissement. Néanmoins, force est de constater que bon nombre de médecins ignorent encore le contenu de ce texte et estiment que leurs pratiques se situent en dehors du cadre légal alors même que la loi les a consacrées. Il s'est produit un véritable changement dans la culture médicale qui fait que l'on est passé d'une médecine de pouvoir à une médecine de dialogue. La loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé avait déjà amorcé cette évolution. Il reste difficile cependant de faire évoluer les moeurs et une peur excessive des poursuites judiciaires paralyse encore les médecins. Paradoxalement, les plus jeunes sont les plus inquiets car le système français de formation produit des techniciens supérieurs de très haut niveau mais qui n'ont jamais été confrontés aux problèmes liés à la fin de vie.

L'affaire Henri Pierra a semblé marquer les lacunes de la loi. A la suite d'une tentative de suicide, ce jeune homme, une fois réanimé, a été atteint d'un syndrome végétatif. Pour mettre fin au traitement qui le maintenait artificiellement en vie, sa famille a demandé l'application de la loi de 2005. Elle s'est heurtée à de multiples obstacles et a dû finalement assister à une agonie particulièrement violente qui a duré une semaine. Dans un cas comme celui-là, l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation aurait dû être accompagné par la pratique d'une sédation terminale car on connaît le niveau de souffrance qui en résulte pour le malade. Le corps médical a pour devoir de garantir à l'entourage que la fin de vie sera sereine et apaisée. Ce point est d'autant plus essentiel que l'on a tendance à sous-estimer la souffrance. Ainsi on a longtemps cru que le nouveau-né ne souffrait pas alors qu'il est aujourd'hui prouvé qu'une forme de souffrance existe.

En réponse au président Nicolas About qui évoquait le cas de la fin de vie des personnes dépendantes, M. Jean Leonetti est convenu que cette question concentre les ambiguïtés liées à la conciliation des valeurs de respect de la vie et d'autonomie des personnes. La vulnérabilité est un problème complexe et il convient de noter que c'est souvent de la famille que vient la demande de mettre fin au traitement.

Sur la question de la dépénalisation de l'euthanasie, M. Jean Leonetti a déclaré qu'il avait un temps envisagé la mise en place d'une exception d'euthanasie fondée sur la possibilité d'augmenter progressivement les doses de sédatif afin, non plus de supprimer la souffrance, mais de mettre fin à l'existence. L'avis du comité national consultatif d'éthique allait en ce sens en demandant que la justice prenne en compte les cas d'euthanasie pour les juger avec l'indulgence requise par les circonstances particulières. Il est d'ailleurs déjà possible de classer sans suite les homicides, ce qui pourrait être la voie choisie dans les cas d'euthanasie. A l'issue des auditions, lui est finalement apparu que l'exception d'euthanasie ne devrait pas prendre une forme législative mais s'inscrire dans l'évolution des moeurs. La Garde des sceaux a indiqué qu'elle enverrait à cette fin une lettre d'information aux Parquets. Il paraît impossible, en effet, d'organiser un comité spécifique qui déciderait a priori s'il est possible de donner la mort ou pas. D'une part, la composition du comité poserait d'importants problèmes de légitimité démocratique, d'autre part, le fait pour le comité de se prononcer, dans certains cas, contre la possibilité d'une euthanasie mènerait à une impasse.

La législation suisse est celle qui présente la plus grande proximité avec la législation française. Comme en France, le suicide ainsi que l'aide au suicide sont licites. Il n'existe d'ailleurs en France que deux exceptions pénalisées : l'incitation au suicide et la manipulation de personnes vulnérables par les mouvements sectaires. En Suisse, toute « démarche non égoïste d'assistance au suicide » est autorisée. Deux associations importantes, Exit et Dignitas, répondent aux demandes de suicide assisté selon des critères qui sont par nature contestables car ils peuvent entrer en conflit avec la volonté libre et autonome de la personne. Le suicide, qui était un droit-liberté, devient en Suisse un droit-créance et s'applique tant à la fin de vie qu'à une vie jugée insupportable. L'association Exit estime que 30 % des personnes qu'elle a assistées dans leur suicide étaient simplement lasses de vivre et ne souffraient d'aucune pathologie mortelle. Il faut aussi conserver à l'esprit qu'une tentative de suicide, même assistée, qui échoue entraîne une réanimation à l'hôpital. Or, on constate que les trois quarts des personnes réanimées ne récidivent pas.

Aux Pays-Bas et en Belgique, l'euthanasie est limitée aux cas de pathologies graves. La Belgique, cependant, a associé à ces pathologies les pathologies mentales, ce qui a fait augmenter le nombre de suicides assistés. Cette solution pose aussi un problème puisque peuvent aujourd'hui être accompagnées dans le suicide les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer dont le pronostic vital est faible à court terme. Or, il faut aussi pouvoir intégrer dans le raisonnement les progrès de la recherche médicale : dans le cas du Sida, l'espérance de vie était certes faible dans les premiers temps après la découverte de la maladie mais elle atteint aujourd'hui vingt à trente ans avec les traitements de trithérapie. On ne peut donc connaître exactement les perspectives liées à la durée de vie et à sa qualité une fois pour toutes quand une maladie est diagnostiquée. Certaines pathologies deviennent heureusement améliorables puis guérissables.

En conclusion, M. Jean Leonetti a indiqué partager l'avis de M. Robert Badinter sur le fait que l'exception de l'euthanasie existe en réalité déjà en droit français et qu'il appartient au magistrat de l'appliquer.

Mme Isabelle Debré a souhaité connaître les modalités de formation du personnel médical et du personnel judiciaire sur les sujets liés à la fin de vie ainsi que les mesures prises pour développer les services de soins palliatifs, notamment eu égard aux importants écarts territoriaux.

M. François Autain a rappelé que le vote de la loi de 2005 s'était fait sans amendement du Sénat puisque le Gouvernement avait alors manifesté son opposition à toute modification du texte venu de l'Assemblée nationale. En conséquence, l'opposition avait quitté l'hémicycle et n'avait pas pris part au débat. Il a regretté que la législation en matière de fin de vie se fasse systématiquement sous l'emprise médiatique. Il a estimé que la mauvaise application de la loi de 2005 ne résulte pas d'un manque de moyens mais d'un défaut de clarté de son texte, à l'inverse de la loi de 2002 qui a été pleinement mise en oeuvre en l'espace de quatre ans. Il a par ailleurs constaté que sur les quatre-vingts personnes auditionnées par M. Jean Leonetti, soixante-dix partagent ses conceptions en matière d'euthanasie. Il s'agit là d'un refus de donner à tous les courants philosophiques la possibilité de s'exprimer et de reconnaître leur liberté de choix.

Enfin, il n'existe, à son sens, aucune différence réelle entre la sédation terminale et l'euthanasie, qui paraît beaucoup plus humaine que de laisser mourir par défaut d'alimentation et d'hydratation. L'acharnement palliatif a les mêmes effets néfastes que l'acharnement thérapeutique. Par ailleurs, les produits de sédation devraient également être mis à disposition des médecins de ville et des généralistes afin que ceux-ci puissent pratiquer des soins palliatifs étant donné l'insuffisance du nombre de lits.

M. Jean-Pierre Godefroy a dit partager la culture du doute appelée de ses voeux par M. Jean Leonetti mais qu'il faut aussi pouvoir sortir du doute et offrir une véritable liberté de choix, qui inclut la liberté de mourir. Il n'y a pas aujourd'hui de véritable alternative alors qu'il faudrait pouvoir faire le passage entre la vie et la mort avec l'accompagnement nécessaire et dans des conditions dignes, ce qui n'est pas la majorité des cas. Enfin, il a confirmé qu'il est erroné d'affirmer que la loi de 2005 a été adoptée à l'unanimité.

M. Jean Leonetti a précisé que l'affaire Vincent Humbert avait effectivement montré le problème qui se pose pour ceux qui ne peuvent plus se donner la mort eux-mêmes. De fait, cependant, l'exception d'euthanasie dans ces cas existe déjà puisque les tribunaux prononcent en général des peines symboliques quand des affaires de ce type sont présentées devant eux. Il sera nécessaire de revenir sur le développement des soins palliatifs en France, l'absence d'unités également réparties sur l'ensemble du territoire étant liée à l'état de l'hôpital public. Il faut également suivre l'évolution de la législation européenne en la matière.

M. André Lardeux a rappelé qu'il n'avait pas voté en faveur du projet de loi de 2005. Il a souhaité savoir quelle aurait dû être l'attitude des médecins dans l'affaire Henri Pierra.

Mme Raymonde Le Texier a fait valoir la complexité du sujet, encore accrue par le rapprochement entre fin de vie et mal de vivre. Elle a dénoncé l'absence de soins palliatifs dans certaines zones ainsi que le refus de morphine que continuent d'opposer certains médecins aux demandes des malades et des familles. Comment obtenir des médecins la mise en oeuvre des dispositions de la loi de 2005 ?

M. Jean Leonetti a regretté que l'unanimité de l'Assemblée nationale ait pu sembler se faire au détriment de la position du Sénat. L'une des pistes pour permettre une meilleure mise en oeuvre de la loi est que l'ensemble du personnel soignant en ait connaissance. Une délégation plus importante des tâches impliquant notamment le personnel infirmier dans la lutte contre la douleur est également nécessaire.

Il a souligné que la différence entre la sédation terminale et l'euthanasie tient évidemment à l'intention. Il s'agit dans un cas de mettre fin aux souffrances, dans l'autre de mettre fin à la vie. La première cause de la demande de mort est la souffrance physique. En France, la mort est solitaire et douloureuse et c'est à ce double scandale qu'il faut d'abord remédier. Aux Pays-Bas, on observe que l'augmentation des soins palliatifs a fait baisser les demandes d'euthanasie. Il faut que le Parlement vérifie la mise en oeuvre du plan 2008-2012 d'augmentation de l'offre en matière de soins palliatifs.

Face au problème de la fin de vie, il faut rester et agir dans le doute car le doute peut être constructif. Ainsi, sur la question du suicide assisté, comment admettre que d'autres que soi puissent décider si sa propre vie vaut la peine d'être vécue ou pas ? La Belgique et les Pays-Bas font référence à la notion de souffrance insoutenable, laquelle ne lève pas les ambiguïtés. L'essentiel est de préserver le droit pour les personnes de refuser un traitement.

Il a enfin présenté les deux mesures complémentaires à la loi de 2005 dont il propose l'adoption : la première tend à mettre en place un congé de trois semaines d'accompagnement de fin de vie d'un proche ; la seconde tend à faire entrer la sédation terminale dans le code de déontologie médicale.