Mardi 27 janvier 2009

- Présidence de M. Pierre-Yves Collombat, vice-président -

Audition de M. Daniel Canepa, préfet de la région Ile-de-France

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Daniel Canepa, préfet de la région Ile-de-France, président de l'association du corps préfectoral, membre du comité Balladur.

M. Pierre-Yves Collombat, président, a rappelé en préambule que l'intervenant avait participé à la mise en place de l'intercommunalité, en tant que préfet du Var entre 1999 et 2002. Il lui a demandé s'il convenait à présent de contraindre les communes isolées à rejoindre une structure intercommunale ou s'il donnait sa préférence à des méthodes incitatives.

M. Daniel Canepa, préfet de la région Ile-de-France, a d'abord rappelé qu'à l'ancienne intercommunalité de gestion, correspondant aux syndicats intercommunaux, s'était ajoutée une intercommunalité de projet avec la loi du 12 juillet 1999, fondée sur des incitations financières, cette intercommunalité couvrant aujourd'hui une très grande part du territoire français, hors Ile-de-France. Il a expliqué que certaines communes étaient parfois réticentes à rejoindre une structure de coopération intercommunale et qu'il y avait des cas d'intercommunalités d'opportunité, consistant à s'unir pour éviter d'être associé à une troisième commune ou à bénéficier des suppléments de dotations sans mettre réellement les compétences en commun.

Estimant que la contrainte pouvait être nécessaire dans certains cas mais qu'une réflexion s'imposait afin de définir et de mettre en place une carte de l'intercommunalité viable, il a suggéré de faire appel aux commissions départementales de la coopération intercommunale pour conduire cette étude, en fixant un délai au-delà duquel la mise en place des intercommunalités pourrait être imposée. Il s'est déclaré opposé à une nouvelle incitation financière, les marges de manoeuvre étant très étroites dans ce domaine.

Souscrivant aux conclusions de l'intervenant sur l'opportunité de mesures directives à l'égard des intercommunalités défensives, M. Pierre-Yves Collombat, président, a estimé que, en revanche, dans d'autres situations, il ne convenait pas de forcer les communes à rejoindre une structure intercommunale artificielle. Pour sa part, M. Daniel Canepa a jugé que des logiques territoriales fortes pouvaient parfois justifier le recours à une intervention directe.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, a rappelé que, lors du déplacement de la mission à Bordeaux qui avait eu lieu la veille, M. Alain Juppé, maire de Bordeaux, avait souligné le manque de cohérence de certaines intercommunalités, dont les frontières avaient été conçues sur un mode défensif. Il a indiqué que la fixation d'un délai limite pour l'achèvement de la carte intercommunale était proposée par certains dans le débat public, afin d'éviter que les nouveaux entrants ne tirent profit des réalisations communes sans avoir contribué à leur élaboration. S'agissant de l'organisation territoriale de l'administration d'Etat, il a demandé à l'intervenant si l'Etat, en transférant certaines de ses compétences, n'avait pas conservé les services correspondants dans les départements, créant ainsi des doublons administratifs superflus. Evoquant, enfin, le cas de Paris et de l'Ile-de-France, il a souhaité savoir si une organisation spécifique était nécessaire pour ce territoire.

M. Daniel Canepa a estimé que la proposition d'un délai limite pour l'adhésion à une structure intercommunale, si elle présentait l'avantage de ne rien coûter au budget général, comportait des difficultés de mise en oeuvre et exigeait une expertise prenant en compte la diversité des situations locales, notamment en milieu rural. Il a reconnu que le système était complexe en raison de la multiplicité des niveaux et de l'enchevêtrement des compétences, mais a noté que, à peu près partout en Europe, on retrouvait les niveaux régional, départemental et communal.

S'interrogeant sur l'origine du sentiment de complexité qu'inspirent nos institutions aux citoyens, il a fait remarquer que la France présentait l'originalité de posséder un très grand nombre de communes, n'ayant pas procédé, à l'inverse d'autres pays, à une démarche de fusion autoritaire des communes. Il a également mis l'accent sur la faible densité démographique qui caractérise la France, estimant que le nombre adéquat de communes serait de l'ordre de dix à douze mille. Dans ce contexte, la réponse a été l'intercommunalité mais elle n'a pas rendu le paysage institutionnel plus lisible ; de plus, le principe d'intérêt communautaire, appliqué de façon variable d'un territoire à l'autre, n'a pas empêché certaines communes de conserver leurs compétences tout en rejoignant formellement une structure de coopération intercommunale.

M. Daniel Canepa a enfin évoqué la question des financements croisés, qui rallongent et alourdissent les procédures en nécessitant un examen multiple pour chaque dossier, créant des redondances dans les organisations administratives. Il a mis l'accent sur la prise en compte insuffisante dans les projets du coût global des équipements, notamment des frais de fonctionnement.

M. Daniel Canepa a déploré un certain manque de confiance de l'Etat à l'encontre des collectivités territoriales, lorsque celui-ci décentralise des compétences, ce qui se traduit par le maintien de parties de services pouvant apparaître comme redondantes. Il a relevé toutefois qu'il existait une forte demande d'Etat de la part de nos concitoyens, notamment quand la France est confrontée à un problème majeur, dans le domaine économique ou social, ce qu'illustre par exemple le plan pauvreté-précarité.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, ayant relevé que les doublons de services posaient un problème de lisibilité plutôt que d'ordre financier, ce qu'a reconnu M. Daniel Canepa, a rappelé que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), en cours de mise en oeuvre, l'organisation territoriale de l'Etat est recentrée autour de huit grandes directions au niveau régional et de deux directions interministérielles au niveau départemental. Il a relevé, en outre, que le principe de modularité, qui constitue une grande innovation, devrait permettre de s'adapter aux besoins du territoire.

En réponse à M. Pierre-Yves Collombat, président, il a précisé que ce principe de modularité s'applique au niveau départemental. Il a indiqué avoir également plaidé en faveur d'une adaptation de l'organisation des services déconcentrés de l'Etat au niveau régional, notamment en Ile-de-France, par exemple pour que la direction régionale de l'équipement y soit maintenue à part entière.

Puis, il a considéré que la région Ile-de-France, dont le « coeur » a une vocation nationale, européenne et mondiale, devrait bénéficier d'une organisation administrative spécifique car il s'agit d'en faire une véritable communauté métropolitaine, à l'échelle d'un territoire qui pourrait représenter la moitié environ de la région, soit six millions d'habitants. Cela correspondrait aux quatre départements de Paris et de la « petite couronne », sous réserve de quelques ajustements à la marge, par exemple pour y intégrer les plateformes aéroportuaires. Les communes composant cette unité urbaine devraient rester des collectivités territoriales à part entière. Cette organisation spécifique ne devrait pas, pour autant, favoriser une dualité entre la région parisienne et les autres régions, ces dernières ayant un rôle d'accompagnement et non d'opposition.

M. Philippe Dallier a indiqué partager cette analyse et ce point de vue.

M. Serge Lagauche a souhaité que l'avis de l'ensemble des collectivités territoriales concernées soit pris en compte sur ce sujet. Il a fait observer que le conseil général du Val-de-Marne s'était prononcé contre une disparition des départements de la « petite couronne ». En effet, ces derniers ont acquis une certaine autonomie et se sont constitué une image qui leur est propre. Il a rappelé que la France ne se réduisait pas à Paris et que la capitale, ainsi que la région Ile-de-France, ne devraient bénéficier ni d'un traitement particulier ni de crédits plus importants que les autres régions.

M. Eric Doligé a estimé que les incitations en faveur de l'intercommunalité avaient peut-être contribué à la mise en place de groupements sans véritable projet. Puis il s'est interrogé sur le nombre de villes susceptibles de se prévaloir du statut de métropole. Il a relevé, en outre, que l'Etat était de plus en plus sollicité alors qu'il disposait de moins en moins de moyens, ce qui devrait le conduire à faire des choix. Enfin, il s'est interrogé sur les possibilités d'un rééquilibrage démographique entre les différentes régions.

M. Pierre Jarlier a souhaité connaître le délai d'achèvement de la carte de l'intercommunalité. Il a fait observer que la date du 1er janvier 2014, parfois évoquée, pourrait poser problème en raison de sa proximité avec les élections municipales et apparaître, de ce fait, comme une échéance trop lointaine. S'interrogeant sur les moyens permettant de renforcer la cohérence de cette carte intercommunale, il s'est demandé, notamment, comment favoriser les fusions mais également comment les défaire, cela pouvant, dans certains cas, être un meilleur gage de cohérence.

M. Jacques Mézard a partagé l'idée de réduire le nombre de communes en facilitant des regroupements. Jugeant nécessaire de procéder à de telles réformes structurantes, il a souhaité savoir s'il fallait diminuer le nombre d'échelons de collectivités territoriales, ou bien le nombre de collectivités, ou bien les deux. Considérant que la réforme de la fiscalité locale devait aller de pair avec la réforme de l'organisation territoriale, il a demandé, d'une part, s'il fallait tendre vers une spécialisation des ressources fiscales des collectivités et, d'autre part, comment assurer une meilleure péréquation.

Constatant que le système de finances locales français était à bout de souffle et qu'il fallait le réformer en profondeur, M. Charles Guené s'est demandé comment se réglerait le problème de gouvernance financière pour les collectivités n'ayant pas les moyens de financer leurs compétences et si l'on devrait s'orienter vers un partage d'impôts nationaux.

En réponse à ces intervenants, M. Daniel Canepa a estimé que :

- Paris et l'Ile-de-France ne devaient pas se développer par opposition à la province et qu'il convenait de renforcer, en parallèle, les grandes métropoles régionales ; par ailleurs, le déséquilibre entre l'Ile-de-France et les autres régions en matière de crédits et d'investissements publics correspondait à un état de fait, difficilement contestable étant donné la densité et la situation si particulière de la région ; enfin, les villes nouvelles n'avaient pas permis de bloquer le phénomène d'étalement urbain, comme elles y avaient vocation ;

- il existait un enchevêtrement important entre la première et la deuxième « couronne » en Ile-de-France, certains domaines comme celui des transports ou de l'aménagement devant être assumés par la région, laquelle, selon lui, pourrait même être étendue en intégrant tout ou partie de l'Oise notamment ;

- le nombre de grandes métropoles pourrait s'établir entre 12 et 15 ;

- il pourrait être envisagé d'aboutir à quinze régions environ ; leurs poids démographiques différents ne posant pas de problème ;

- la carte intercommunale pourrait être achevée dans un délai de dix-huit mois à deux ans ;

- la question du nombre d'échelons de collectivités territoriales renvoyant à des enjeux en termes de compétences et de fiscalité locale, il convenait de se demander si la clause générale de compétence devait être laissée aux communes ou attribuée aux intercommunalités ; dans ce cas, et s'il revenait à ces dernières de lever l'impôt et de le redistribuer aux communes, un pas important serait fait vers un regroupement communal ;

- le système de fiscalité locale était en effet à bout de souffle et nécessitait une refondation, sur le « trépied » suivant : l'économie, avec une base d'imposition reposant sur la notion de valeur ajoutée, qui permettrait une certaine spécialisation des ressources régionales ; la taxe d'habitation, avec des bases réévaluées, qui viendrait abonder les ressources départementales ; enfin, le foncier, qui serait plutôt alloué aux niveaux communal et intercommunal, voire départemental ;

- le principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales pourrait constituer une limite à une réforme du système fiscal.

Audition de M. Michel Verpeaux, professeur à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Verpeaux, professeur à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre du comité Balladur.

Interrogé par M. Pierre-Yves Collombat, président, sur les possibilités de réorganisation du système territorial français, M. Michel Verpeaux, après avoir précisé qu'il s'exprimait à titre personnel, a jugé nécessaire de distinguer deux sujets différents : celui du nombre des collectivités territoriales et de leurs strates, et celui de la répartition des compétences.

Sur le premier point, M. Michel Verpeaux a considéré que si, avec trois niveaux de collectivités, l'organisation territoriale française était comparable à celle de la plupart des pays européens de même taille, le nombre très élevé de communes constituait bien une exception française à laquelle il convenait de remédier. S'agissant du nombre des départements et régions, tout en recommandant une certaine prudence en la matière, il a estimé tout à fait possible, en l'état actuel du droit, de procéder à certaines fusions ou rapprochements, y compris entre un département et une agglomération.

S'attachant à la question de la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales, M. Michel Verpeaux a souligné le lien existant entre la notion de clause générale de compétence et celle de libre administration des collectivités territoriales. Pour cette raison, il a jugé qu'une loi qui limiterait la clause générale de compétence d'une collectivité pourrait poser un problème de constitutionnalité ou, suivant l'interprétation qui serait retenue, un problème de conformité avec la Charte de l'autonomie locale. Il a cependant rappelé que la clause générale de compétence ne se confondait pas avec la liberté de tout faire et qu'elle permettait seulement à une collectivité de régler au mieux certaines affaires locales. Dans cette perspective, il a estimé possible de privilégier la solution consistant à encadrer la clause générale de compétence d'une collectivité par la définition de compétences exclusives appartenant à d'autres collectivités.

En réponse à M. Pierre-Yves Collombat, président, qui lui demandait de préciser le seuil à partir duquel il estimait nécessaire de faire disparaître une commune trop petite, M. Michel Verpeaux a proposé qu'il soit procédé au basculement progressif des compétences des communes vers l'intercommunalité, en opérant ce transfert par strates de populations et en commençant dans un premier temps par les grandes agglomérations et non par les plus petits regroupements urbains. S'agissant du statut des communes ainsi intégrées, il s'est prononcé soit pour leur transformation en établissements publics infracommunaux, sur le modèle des CCAS, soit pour leur évolution en arrondissements de la nouvelle entité. Dans tous les cas de figure, il a jugé nécessaire d'achever et de rationaliser la carte intercommunale et de consacrer l'élection au suffrage universel direct des intercommunalités, en raison des compétences importantes qui leur reviennent.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, s'est interrogé sur les conséquences que pourrait entraîner un tel système. Faisant référence aux propos tenus par le maire de Bordeaux lors du récent déplacement de la mission dans cette ville, il a remarqué que l'intercommunalité était fondée sur la coopération des communes membres et qu'une réforme qui privilégierait à l'excès l'intercommunalité au détriment de communes appelées à disparaître, emporterait un grave danger de dissolution de la communauté. S'attachant par ailleurs aux couples de collectivités, et distinguant le couple stratégique constitué par la région et l'Etat du couple de proximité constitué par le département et les communes et intercommunalités, il a sollicité l'analyse de l'intervenant sur ce sujet.

Estimant que le département possédait pour l'heure une place et un rôle propres dans l'organisation territoriale française, M. Michel Verpeaux s'est déclaré opposé à sa suppression comme à son absorption par la région, par suite de la fusion qui pourrait être organisée entre les conseillers régionaux et les conseillers généraux.

En réponse à M. Yves Krattinger, co-rapporteur, qui l'interrogeait sur la conformité à la Constitution du rapprochement ainsi envisagé entre les élus départementaux et les élus régionaux, notamment au regard des principes de parité, de libre administration ou d'autonomie fiscale, ainsi qu'à celui selon lequel la représentation politique doit s'effectuer sur des bases essentiellement démographiques, M. Michel Verpeaux a estimé en première analyse qu'un tel dispositif était effectivement susceptible de poser des questions de constitutionnalité. S'attachant par ailleurs au seul scrutin cantonal, qu'il a jugé nécessaire d'améliorer, il a considéré que trois voies de réforme étaient envisageables. La première, la plus limitée dans son ampleur, consisterait à redécouper la carte cantonale. La deuxième, plus radicale, consisterait à retenir un scrutin de liste à prime majoritaire à l'échelle du département. M. Michel Verpeaux a marqué sa préférence pour une troisième voie, intermédiaire entre les deux précédentes, qui consisterait soit à abandonner la référence aux cantons et à appliquer le mode de scrutin municipal à des circonscriptions nouvelles, soit à mettre en place un scrutin mixte, différent dans les zones rurales et les zones urbaines. Il a jugé que cette dernière solution ne présentait pas de difficulté au regard de la Constitution.

M. Edmond Hervé a estimé que, à l'exception de la fiscalité locale, le cadre juridique actuel offrait suffisamment de possibilités pour procéder aux aménagements nécessaires, et qu'il s'agissait avant tout d'un problème de volonté politique. Il a insisté sur l'importance de la clause générale de compétence, et l'a reliée au principe constitutionnel de libre administration, qui lui paraissait se décliner sous les trois formes de la coopération, de la mutualisation et de la libre contractualisation. Il a jugé que, dans cette perspective, le maintien de la clause générale de compétence à la commune - qui permet la contractualisation au sein de l'intercommunalité - était une absolue nécessité. Se prononçant contre la notion de bloc de compétences, qui exclut la logique de négociation et de contractualisation, il a proposé que les régions, les départements et les intercommunalités soient dotés de compétences obligatoires non exclusives d'autres compétences pouvant être exercées dans un cadre contractuel. Enfin, il a souligné l'importance que revêtait, pour l'intercommunalité et les niveaux d'administration supérieurs, la mutualisation des services qui garantit l'efficacité technique de la maîtrise d'ouvrage public.

Exprimant, lui aussi, des réserves sur la notion de bloc de compétences, M. Michel Verpeaux a relevé que la clause générale de compétence offrait une grande souplesse d'action aux collectivités territoriales. Il a par ailleurs estimé qu'une assemblée élue au suffrage universel ne pouvait ni politiquement ni psychologiquement s'interdire d'agir pour faire face aux attentes des citoyens. En revanche, il a considéré que, dans le couple formé par l'intercommunalité et les communes, il convenait de réserver la clause générale de compétence à l'intercommunalité.

M. François Patriat a estimé que des compétences spécialisées protégeaient bien plus les collectivités locales que la clause générale de compétence, puisqu'elles leur permettaient de ne pas répondre aux sollicitations d'intervention ou de financement qui leur étaient indûment adressées. Il a jugé que, sauf à ce que soit clairement établi un « chef de filat » organisé, la clause générale de compétences, avait pour prix un affaiblissement des compétences propres de la collectivité. S'attachant ensuite à la question des modes de scrutin, il s'est interrogé sur les motifs politiques sous-jacents à la réflexion engagée en la matière. Il a estimé que le mode de scrutin mixte envisagé pour les élections des conseillers territoriaux était contraire à la Constitution, puisqu'il aboutissait à privilégier le vote rural conservateur sur le vote progressiste urbain. Il s'est prononcé pour un mode de scrutin proportionnel, avec ou sans panachage, dans le cadre de la circonscription électorale législative, regroupant environ 120 000 habitants, afin de garantir à la fois l'équité, la diversité et la parité.

M. Michel Verpeaux a fait valoir que le respect de la diversité et de la parité s'imposait à toutes les élections et que, s'il était plus aisé à organiser dans le cadre d'un scrutin de liste, rien n'interdisait au législateur de favoriser ce respect dans le cadre d'un scrutin uninominal au moyen de pressions financières ou autres exercées sur les partis politiques. Sur la question de la clause générale de compétence, il a rappelé qu'elle n'emportait pas l'obligation de tout faire, mais seulement la possibilité d'agir et que rien ne pouvait contraindre une collectivité à participer au financement d'une compétence qui ne lui appartenait pas.

Interrogé par M. Pierre-Yves Collombat, président, sur le maintien par l'Etat de certains de ses services, alors même que leur domaine de compétence a fait l'objet d'un transfert intégral, ainsi que sur la réforme de l'organisation des services de l'Etat qu'est susceptible d'entraîner celle de l'organisation des collectivités territoriales, M. Michel Verpeaux a rappelé que le Comité auquel il appartenait s'était refusé à examiner cette question. Il a estimé qu'une étude devrait être réalisée sur les coûts impliqués par cette décentralisation inachevée. Il a néanmoins considéré que l'Etat devait pleinement jouer son rôle notamment en matière de réglementation.

M. Pierre-Yves Collombat, président, a estimé que l'Etat ne pouvait se contenter de réglementer, sans garantir certains financements, ni offrir l'aide de son ingénierie publique aux collectivités qui en avaient besoin. Il a jugé nécessaire, dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale, de s'interroger sur le rôle et la place de l'Etat.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, a souligné que tous les services de l'Etat n'exerçaient pas leurs compétences de la même manière. Prenant l'exemple des maisons départementales des personnes handicapées, il a estimé que parfois certains services de l'Etat mettaient en oeuvre un contrôle excessif qui avait pour conséquence, pour les collectivités intéressées, une perte d'efficacité dans leur action. Il a considéré qu'il était nécessaire, pour y remédier, qu'un contrat de confiance puisse s'établir entre l'Etat et les collectivités pour l'exercice des compétences en cause.

Mercredi 28 janvier 2009

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Audition de M. John Loughlin, professeur à l'université de Cardiff, professeur à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. John Loughlin, professeur à l'université de Cardiff, professeur à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence.

A titre liminaire, M. John Loughlin a distingué trois types d'Etats et quatre traditions étatiques.

Il a expliqué qu'il existait des Etats clairement unitaires (la France, la Suède, l'Irlande, le Portugal, les Pays-Bas) et d'autres clairement fédéraux (les Etats-Unis d'Amérique, le Canada, l'Allemagne et la Belgique). Il a estimé que le troisième type, les Etats « hybrides », était sans doute le plus intéressant avec le Royaume-Uni, l'Espagne, voire l'Italie. Dans chacun de ces trois derniers cas, il a jugé qu'il s'agissait de l'évolution inachevée d'un Etat unitaire vers un Etat fédéral, en observant que c'était sans doute parmi eux qu'il y avait le plus de leçons à tirer pour la France.

M. John Loughlin a constaté qu'il existait également quatre grandes traditions étatiques : la tradition française ou napoléonienne que l'on trouvait dans beaucoup d'autres pays comme l'Italie, l'Espagne, la Grèce, ainsi qu'en Europe centrale et de l'Est (la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne) ; la tradition germanique (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) ; la tradition anglo-saxonne ; et la tradition scandinave. Il a observé que chacune de ces traditions étatiques concevait l'organisation territoriale d'une façon différente :

- La tradition napoléonienne à travers la centralisation, l'uniformité et la symétrie, avec la domination de l'Etat central et un concept de citoyenneté individualiste plutôt que corporatiste, ainsi que le refus du fédéralisme et l'acceptation d'une régionalisation.

- La tradition allemande à travers un Etat puissant, où les rapports avec la société étaient différents et plutôt corporatistes, reconnaissant des groupes différents et pas simplement des citoyens individuels, ce qui s'exprimait par le fédéralisme et une asymétrie au sein de la fédération.

- La tradition anglo-saxonne ne connaissant pas la notion d'Etat comme personne légale et morale, que l'on trouve dans les pays de l'Europe continentale mais plutôt la notion de « gouvernement » avec des tendances vers « l'hybridité » et l'asymétrie.

- La tradition scandinave ressemblant beaucoup à la tradition française jacobine d'uniformité de l'Etat, mais se distinguant par son aspect décentralisé. Les pays scandinaves sont, en même temps, traditionnellement très uniformisés bien que marqués par des gouvernements locaux très puissants.

Etant donné cette complexité dans les systèmes d'organisation territoriale en Europe, M. John Loughlin a estimé qu'il était difficile d'apprécier les exemples qui pourraient être utiles pour la France. Il a observé qu'il y avait eu, depuis plus de trente ans, un certain nombre de grandes tendances dans le domaine de l'organisation territoriale qui avaient traversé tous nos Etats, y compris la France. Il a distingué une tendance vers la décentralisation politique et la déconcentration administrative ; le renforcement des gouvernements locaux selon les principes de la Charte européenne de l'Autonomie locale du Conseil de l'Europe ; la reconnaissance du droit à l'expérimentation de la part des gouvernements locaux ; l'acceptation de la diversité des formes institutionnelles et des politiques publiques différentes au niveau local ; le renforcement de la décentralisation au sein des gouvernements locaux, par exemple par la création des comités de quartier et le renforcement des régions comme acteurs politiques.

Concernant les rapports entre les niveaux différents de gouvernance, M. John Loughlin a noté la tendance à abolir toute différenciation hiérarchique au moins parmi les niveaux au-dessous de l'Etat central, ainsi que celle consistant à trouver des mécanismes pour inclure ces niveaux dans les décisions prises au niveau central.

Enfin, il a évoqué les défis émanant de l'Union européenne avec ses régulations dans les domaines de l'environnement, de la santé et de la sécurité au travail, qui affectent surtout les autorités locales tenues de les adopter dans leur propre fonctionnement.

M. John Loughlin a considéré que la France était une exception en Europe au regard du nombre de ses communes mais aussi du fait de la complexité de ses formes d'organisation territoriale recouvrant le même « espace » territorial : les régions et les départements au niveau de l'espace « méso », les pays et les EPCI entre le « méso » et le « local », les 36 000 communes de taille extrêmement variable au niveau de l'espace « local » ; enfin, l'Etat central qui intervenait à tous les niveaux à travers les préfets et les fonctionnaires des ministères.

M. John Loughlin a considéré que cette complexité était problématique à la fois pour la démocratie et pour le bon fonctionnement administratif du pays. Il a estimé qu'une telle complexité ne facilitait ni la transparence, ni la responsabilité, ni la légitimité des institutions ou des acteurs politiques et administratifs et qu'elle nuisait aussi au bon fonctionnement administratif en créant trop de niveaux de prises de décisions. Il a suggéré de commencer en se posant la question de la logique fondamentale qui sous-tendait la réforme. Il a observé que dans les pays européens plusieurs périodes de réformes s'étaient succédé avec des logiques différentes :

- Pendant la période des Trente Glorieuses et la construction de l'Etat-providence, la logique fut de créer des entités de gouvernement local qui devaient assister les Etats centraux dans la mise en place des politiques publiques. Dans les pays nordiques et au Royaume-Uni des réformes ont été conduites pour augmenter la taille des collectivités aux dépens de l'autonomie locale.

- Les années 1980 et 1990 furent marquées par la montée de la vague du néo-libéralisme et la réduction des activités de l'Etat, puis par un certain relâchement de l'emprise de l'Etat central sur les gouvernements locaux.

- La période actuelle, marquée par le renforcement des tendances vers la décentralisation, mais aussi par une acceptation de l'asymétrie et l'abandon de l'idéal de l'uniformité.

M. John Loughlin a estimé que l'enjeu pour la France était de déceler les logiques sous-jacentes qui devraient inspirer ses réformes après avoir observé qu'un de ses problèmes était le décalage persistant entre les évolutions socio-économiques et démographiques du pays et son organisation territoriale. Il a déclaré que la France avait répondu à ces changements en créant de nouvelles institutions sans supprimer les anciennes, ce qui expliquait le « millefeuille » institutionnel français.

M. John Loughlin a proposé de faire un choix entre les institutions qui existaient actuellement dans les espaces territoriaux en posant la question de la logique qui justifiait l'existence de chaque institution. Au niveau « méso », il a estimé qu'il revenait à la région de mettre en oeuvre la planification économique et environnementale. Au niveau « local », il a considéré que les communes françaises étaient trop nombreuses et trop petites pour mener à bien leurs missions en remarquant toutefois qu'elles constituaient des expressions de proximité et de démocratie locale à conserver. Concernant les intercommunalités et les pays, il a estimé qu'ils devraient occuper l'espace local en étant dotés de conseils élus.

M. John Loughlin a jugé que la France avait déjà engagé la réduction du nombre de ses petites communes, mais qu'elle s'était arrêtée à mi-chemin et qu'il était nécessaire d'aller jusqu'au bout du chemin.

Evoquant les méthodes retenues pour conduire les réformes dans le reste de l'Europe, il a expliqué qu'au Royaume-Uni une loi avait été adoptée après une période de consultation. Il a observé que le « New Labour », en 1998, avait mis l'accent sur la consultation et le partenariat avec les associations représentant les collectivités. Il a considéré que, dans les pays scandinaves, la concertation entre l'Etat et les associations s'était révélée l'approche la plus efficace pour mener à bien les réformes locales, s'agissant des finances locales et de la suppression de collectivités locales.

Evoquant ensuite les leçons que l'on pouvait tirer des réformes intervenues en Europe, M. John Loughlin a considéré que c'étaient les pays nordiques et anglo-saxons qui avaient le mieux réussi les réformes territoriales. Il a suggéré de s'inspirer des deux principes à la base de ces réformes : la simplicité relative et l'efficacité des systèmes administratifs, d'une part, et la concertation entre les gouvernements ou parlements et les associations qui représentaient les collectivités, d'autre part.

Concernant plus particulièrement le cas français, il a préconisé d'adapter la carte administrative locale aux réalités socio-économiques du pays, de simplifier le nombre d'instances et les finances locales, de choisir les instances, à l'image des régions, qui correspondaient le mieux aux réalités du pays, d'établir une méthode de travail entre le gouvernement, le parlement, et les associations de collectivités, et de s'assurer que les réformes soient portées au plus haut niveau.

Interrogé sur l'état du débat en Europe concernant l'avenir des collectivités territoriales, M. John Loughlin a déclaré que le mouvement régional en Europe était aujourd'hui divisé entre les régions fortes avec des pouvoirs législatifs et les régions dépourvues de ces pouvoirs, ce qui affaiblissait le thème de « l'Europe des régions ». Il a estimé que les régions métropolitaines et les villes mondiales apparaissaient comme les instances les plus aptes à promouvoir le développement économique. Il a évoqué, enfin, la nécessité de rechercher les moyens pour accroître l'engagement et la participation des citoyens.

M. Pierre-Yves Collombat a souhaité savoir si les services rendus aux usagers par les collectivités territoriales françaises étaient équivalents, en qualité, à ceux délivrés, par exemple, par leurs homologues britanniques. Il s'est interrogé sur les contraintes que font peser sur la réforme de l'organisation territoriale les grands principes républicains, tels que la définition de la citoyenneté, notamment pour la recherche d'une meilleure prise en compte de l'existence de particularismes locaux.

M. John Loughlin a estimé que la qualité des services rendus aux usagers était identique en France et au Royaume-Uni. Il s'est déclaré défavorable à une réduction brutale du nombre de communes françaises dont l'existence favorise l'identification des habitants aux structures locales et à la tradition démocratique qui en découle, tout en insistant sur la nécessité de clarifier l'organisation territoriale et, notamment, l'occupation de l'espace par les différentes collectivités.

Il a observé que 80 % des 36 000 communes françaises ne pouvaient pas assurer leurs compétences en raison de leur trop petite taille. A contrario, un processus de décentralisation était en cours dans les grandes villes avec la création de conseils de quartier.

La préservation des principes républicains est indispensable, a-t-il souligné, car ils constituent le socle de la vie politique française. En conséquence, les évolutions de l'organisation territoriale ne peuvent pas ignorer cet impératif. Cette prise en compte n'est pas incompatible avec une réflexion sur la répartition des territoires et notamment sur l'intérêt de laisser subsister sur un même territoire un échelon départemental et un échelon régional.

Il a observé que les réformes menées en France ne se traduisaient que rarement par la suppression de structures administratives et a estimé que l'objectif majeur de la réforme à venir était de trouver les moyens d'optimiser le fonctionnement des institutions locales au service de la population.

M Yves Krattinger, co-rapporteur, a souligné que l'examen de l'organisation territoriale des autres pays européens devait être mis à profit pour améliorer le système français. A cette fin, cette analyse devrait permettre de mettre en exergue les modèles plus performants, tant sur le plan de l'occupation de l'espace que de la répartition des compétences entre les différents acteurs. Il s'est donc interrogé sur les leçons susceptibles d'être tirées d'une analyse de l'organisation administrative retenue par nos voisins européens.

M. John Loughlin a souligné l'absence de modèle unique applicable à l'ensemble des pays européens, rappelant que le poids des traditions était pris en compte dans tous les Etats et influençait les modèles d'organisation ; par ailleurs, aucune évaluation objective de l'efficacité comparée des différents modèles n'avait été réalisée.

Il a estimé que la construction d'une Europe des régions, qui avait constitué un élément important dans le débat public au cours des années quatre-vingt-dix, était aujourd'hui dépassée.

M Yves Krattinger, co-rapporteur, s'est interrogé sur l'existence d'un modèle permettant de concilier les exigences de compétitivité des territoires et de solidarité.

M. John Loughlin a rappelé que tous les pays européens étaient confrontés à ce dilemme, c'est-à-dire à la nécessité de concilier une exigence d'autonomie locale, de respect de la diversité, avec le maintien d'une solidarité nationale et que la fiscalité était le moyen de répondre à ces demandes.

M. Claude Belot, président, a voulu savoir si le fonctionnement de l'administration locale française était plus coûteux que celui de ses homologues européens.

M. John Loughlin a souligné que les collectivités territoriales françaises disposaient d'effectifs plus importants que leurs homologues scandinaves et usaient de procédures plus complexes.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, a rappelé qu'en France, les trois quarts de l'investissement public étaient réalisés par les collectivités territoriales. Il a souhaité savoir si de nouveaux transferts de compétences étaient nécessaires pour assurer une meilleure application du principe de subsidiarité.

M. Edmond Hervé a estimé que bien qu'il n'existe pas de modèle européen unique d'organisation territoriale, une forte tendance à la décentralisation pouvait être constatée dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Il a regretté que, contrairement aux pays anglo-saxons, la France ne développe pas une véritable culture de l'évaluation des politiques publiques.

Il a observé que, bien que la France soit un pays d'Etat de droit central et unique, les acteurs locaux aient des interprétations diverses de la législation en vigueur.

Il a estimé que la réforme fiscale, ou une meilleure péréquation des ressources, devait constituer l'objectif principal de la réforme à venir.

Audition de M. Henri Nayrou, président, et de M. Vincent Descoeur, secrétaire général, de l'association nationale des élus de la montagne

La mission a ensuite entendu MM. Henri Nayrou et Vincent Descoeur, respectivement président et secrétaire général de l'association nationale des élus de la montagne (ANEM).

Après avoir présenté les spécificités des territoires de montagne, qui représentent près du quart du territoire, et le rôle que joue l'ANEM dans leur défense, M. Henri Nayrou a rappelé que ce n'était pas le nombre de collectivités qui faisait problème mais les difficultés que générait parfois une organisation trop complexe. Se déclarant attaché à ce que l'éloignement relatif des territoires de montagnes et des fonds de vallée par rapport aux centres de décision ne porte pas préjudice à la solidarité qui s'exerce à leur endroit, il s'est prononcé pour un développement harmonieux des territoires, s'appuyant notamment sur les richesses de la ruralité.

M. Henri Nayrou a proposé la reconnaissance de deux couples de collectivités, le premier, qui regrouperait les communes et intercommunalités et les départements, constituant le couple de la proximité, le second, qui regrouperait quant lui les régions et l'Etat, constituant le couple de la programmation stratégique. Dans cette perspective, tout en se prononçant pour le « chef de filat », il a jugé nécessaire de conserver la clause générale de compétence aux deux acteurs de la proximité que sont les communes et les départements. Il a par ailleurs défendu les financements croisés contre les critiques dont ils sont parfois l'objet.

S'attachant plus particulièrement à l'intercommunalité, il s'est déclaré défavorable à l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires, privilégiant la solution du fléchage, sur les listes municipales, des candidats appelés à représenter la commune au sein du groupement. Il a par ailleurs émis le voeu que le législateur intervienne pour définir les compétences exclusives de l'intercommunalité et il a souhaité que tout seuil qui serait retenu en matière intercommunale tienne compte des spécificités des territoires de montagne.

M. Vincent Descoeur a insisté sur l'attachement des membres de l'ANEM à un renforcement de l'intercommunalité. Il a souligné le rôle particulier de cohésion territoriale et de soutien à l'économie dévolu au département dans les zones de montagne. Puis il a jugé impératif d'encadrer la pratique des financements croisés, estimant que la mise en place d'un « guichet unique » pourrait être envisagée dans un objectif de simplification des procédures, en tenant compte, cependant, des réalités locales. Il a mis l'accent, par ailleurs, sur les domaines où l'Etat fait lui-même appel à des cofinanceurs, comme pour le développement du haut débit ou de la télévision numérique terrestre (TNT). Enfin, il a considéré qu'une réforme de la fiscalité locale était nécessaire, en parallèle de l'affirmation de compétences propres des collectivités territoriales.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Pierre Jarlier a insisté sur le rôle de solidarité du département, souhaitant que ce dernier puisse continuer à l'exercer quand bien même il serait privé de la clause générale de compétence. Puis il a souligné l'importance du lien entre les régions et l'Etat en matière de réflexion stratégique. S'agissant des financements croisés, il a estimé qu'il n'était pas forcément nécessaire d'aller jusqu'au bout de la logique de simplification en les supprimant. En effet, cela pourrait porter atteinte à la capacité de réaliser des investissements structurants. Enfin, il a souhaité qu'une éventuelle réflexion sur la taille des communes prenne en compte les spécificités des territoires.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, s'est interrogé sur les conséquences éventuelles de l'élection de « conseillers territoriaux » qui se substitueraient aux conseillers généraux et régionaux, sur le nombre de représentants des territoires de montagne et des zones les moins peuplées, eu égard à leur population.

M. Claude Belot, président, ayant précisé qu'une hypothèse est qu'une partie des conseillers généraux deviendraient conseillers régionaux, M. Henri Nayrou a relevé que le conseiller général était un représentant du territoire, en contact direct avec les citoyens. La notion de proximité caractérisant le département, un scrutin de liste serait, à ses yeux, à l'encontre de ce principe et favoriserait la représentation des territoires urbains les plus peuplés.

M. Vincent Descoeur a évoqué la représentativité des conseillers généraux élus dans des cantons urbains et la pertinence des découpages cantonaux urbains.

M. Henry Nayrou, soulignant l'ancienneté de la carte cantonale établie à une époque où les déplacements étaient moins rapides qu'aujourd'hui, a considéré que le découpage territorial le plus pertinent recouvrait celui des intercommunalités les plus récentes. Il en a déduit la superposition possible des limites des anciens cantons avec celles des nouvelles intercommunalités.

En réponse à M. Yves Krattinger, co-rapporteur, le président de l'ANEM a estimé que l'intercommunalité était la collectivité d'avenir, « autodéterminée et autodélimitée ». Il a jugé que sa montée en puissance affaiblirait les deux strates communales et départementales : la première en la vidant de sa substance sauf celle de creuset démocratique, la seconde dans la mesure où le transfert aux intercommunalités de compétences jusqu'alors assumés par les conseils généraux conduirait à la mise en place d'un nouvel ordre ; il a considéré cependant que ce moment n'était pas arrivé.

Relevant que les administrés se tourneraient d'abord vers les élus de proximité -le maire puis le conseiller général-, M. Vincent Descoeur a plaidé pour l'achèvement d'une carte cohérente de l'intercommunalité assortie d'une date butoir.

M. François Patriat a rappelé que les compétences exercées par les différents niveaux des collectivités territoriales n'étaient pas connues des administrés. Il a considéré que cette ignorance révélait un problème de visibilité, de pertinence et d'efficacité et que l'opinion, confrontée à l'immobilisme, pouvait être conduite à l'adoption de la réforme territoriale. Il a souhaité recueillir l'avis du président de l'ANEM sur un mode de scrutin proportionnel dans le cadre de l'arrondissement permettant d'allier territorialité, parité, efficacité et équité.

Pour M. Henry Nayrou, la communauté de communes est à la commune ce que la région est au département, une collectivité d'avenir mais au terme encore indéterminé.

Considérant que le citoyen privilégiait la proximité, il a plaidé pour la réflexion.

M. Vincent Descoeur a affirmé que l'ANEM ne défendait pas le statu quo, y compris pour le mode de scrutin cantonal, mais souhaitait s'assurer que la réforme ne décourage pas les projets.