Mardi 10 février 2009

- Présidence de M. Alain Vasselle, président de la mission de contrôle et d'évaluation de la sécurité sociale (Mecss). -

Amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes du réseau des caisses d'allocations familiales - Examen du rapport d'information

La commission a entendu Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux, sur leur rapport établi au nom de la Mecss, relatif à l'amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes du réseau des caisses d'allocations familiales et à la mise en place du répertoire national des bénéficiaires (RNB).

M. Alain Vasselle, président, a rappelé que, en 2007 et 2008, la Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes de la branche famille. Ceci ne veut pas dire qu'elle a refusé de certifier les comptes mais que trop d'incertitudes les affectent pour qu'elle puisse les valider ou les invalider.

La Mecss a jugé que le Parlement ne pouvait se satisfaire de l'existence de doutes récurrents sur la fiabilité des comptes d'une des branches de la sécurité sociale dont les dépenses atteignent près de 60 milliards d'euros. Elle a donc voulu comprendre ce qui avait motivé la position de la Cour des comptes, évaluer le bien-fondé de son attitude face à la certification des comptes de la branche famille et vérifier que la Cnaf et les caisses locales mettaient tout en oeuvre pour répondre aux critiques. Cette étude a été confiée, comme c'est désormais la tradition, à deux co-rapporteurs, l'un issu de la majorité et l'autre de l'opposition.

Mme Christiane Demontès, rapporteur, a indiqué que la Cour des comptes justifie ainsi sa position sur les comptes de la branche famille : essentiellement absence d'un répertoire national des bénéficiaires (RNB), mais aussi risques mal identifiés, sous-estimation des charges à payer, incertitude globale sur les dépenses du fonds national d'action sociale, audit interne insuffisamment développé.

En ce qui concerne le RNB, il s'agit d'un registre informatique commun aux cent vingt-trois Caf de France, qui référence l'ensemble des personnes bénéficiant des prestations versées par les caisses. A chaque bénéficiaire est attribué un numéro unique qui permet à toutes les Caf d'avoir accès, en temps réel, à l'intégralité des informations le concernant. Cet identifiant personnalisé est affecté aussi bien aux ayants droit directs d'une prestation qu'à ses bénéficiaires indirects, par exemple les enfants d'une famille percevant les allocations familiales. Le RNB couvre les prestations familiales et les allocations distribuées par la branche famille pour le compte de l'Etat, comme l'allocation aux adultes handicapés.

L'absence de ce fichier jette un doute sur la fiabilité des comptes de la branche car elle rend très compliquée la détection de certaines fraudes ou indus, comme le fait de bénéficier plusieurs fois de la même allocation en s'inscrivant dans plusieurs caisses ou de se présenter avec des caractéristiques différentes dans deux caisses distinctes. Sans RNB, il est malaisé de repérer une multi-affiliation, car une Caf ne peut évidemment pas, pour chacun de ses allocataires, demander aux cent vingt-deux autres s'il est déjà référencé chez elles.

En décembre 2007, sous la direction de la Cnaf, les Caf ont donc commencé à constituer le RNB et sont passées d'une gestion par dossier, sur lequel était regroupée toute la famille, à une approche par personne, chacune ayant son propre numéro d'identification. La priorité est donc d'assurer la fiabilité du RNB lui-même, en vérifiant qu'une même personne n'est enregistrée qu'une seule fois, que tous les bénéficiaires sont bien enregistrés dans le fichier et que les liens de parenté référencés sont exacts. Cette tâche n'a pas été aisée ; la seule manière d'y parvenir consiste à contrôler que la personne enregistrée dans le RNB sous son numéro unique d'inscription au répertoire national des personnes physiques, le Nir, est exactement la même que celle identifiée par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui attribue et gère les Nir. Cette opération technique est appelée « certification du Nir ».

Pour la majorité des allocataires, ce travail n'a pas posé de problèmes. Mais pour une minorité non négligeable - environ 5 % -, par exemple en cas de différences dans l'ordre ou l'orthographe des prénoms, la certification requiert la présentation d'extraits d'acte de naissance du bénéficiaire pour établir son identité avec certitude. Or, parfois, cette formalité ne peut être remplie par les allocataires étrangers qui ne sont pas en mesure de produire ces documents. A ce jour, aucune solution durable n'a été trouvée pour ces personnes qui ne peuvent donc pas être enregistrées dans le RNB.

Un an après la mise en place de ce fichier national, il faut reconnaître l'effort incontestable produit par les Caf qui ont réussi, malgré les difficultés, à certifier 33 millions de Nir sur 34,5 millions de bénéficiaires. L'utilisation du RNB n'est pas encore totalement automatisée, puisque le technicien doit encore vérifier manuellement la légitimité de la demande de l'allocataire, mais elle devrait l'être en 2010 : il ne sera alors plus possible d'enregistrer et de valider une nouvelle demande de prestation sans que l'application informatique du RNB contrôle sa compatibilité avec les caractéristiques de l'allocataire et, à défaut, la refuse.

Mme Christiane Demontès, rapporteur, a conclu son intervention sur une proposition et deux remarques. Au nom de la Mecss, elle a suggéré que les préfectures, au moment de l'instruction de la demande de titre de séjour des personnes étrangères, fassent elles-mêmes la requête de Nir auprès de l'Insee. Il en résulterait des formalités simplifiées pour l'usager, qui n'aurait plus à présenter deux fois les mêmes papiers à deux endroits différents, et des gains de productivité pour les administrations publiques.

Ensuite, elle a rappelé que la mise en place du RNB est une étape obligée dans l'élaboration du répertoire national commun de la protection sociale, le RNCPS, dont le Parlement a voté le principe dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce répertoire rassemblera les bénéficiaires de tous les régimes obligatoires de la sécurité sociale et de Pôle emploi, soit au total une soixantaine d'organismes ; il permettra de faciliter les démarches des assurés et constituera un outil efficace de lutte contre la fraude.

Enfin, elle a souligné que l'objectif d'obtenir la certification des comptes, aussi légitime qu'il soit, ne doit pas introduire une rupture dans la culture des Caf, dont les allocataires apprécient la sollicitude et la disponibilité.

Puis M. André Lardeux, rapporteur, a fait état des quatre autres insuffisances du contrôle interne des comptes de la branche famille dénoncées par la Cour des comptes : analyse des risques inadaptée, accès insuffisant aux fichiers des autres organismes, suivi laxiste des crédits du fonds national d'action sociale (Fnas) et audit interne trop approximatif. Sur tous ces sujets, la branche famille a récemment accompli des progrès notables :

- l'analyse des risques, c'est-à-dire des situations présentant un risque élevé de fraude, a été nettement améliorée. Pour 2008 et 2009, une cible spécifique de contrôle a été définie dans le plan de maîtrise des risques pour chacune des prestations ayant fait l'objet d'une observation de la Cour. A partir de 2010, un nouveau référentiel des risques entrera en vigueur, détaillant les failles potentielles prestation par prestation à chaque étape du processus, de la demande de l'allocation à sa liquidation ;

- l'accès aux fichiers des organismes tiers s'est également développé. La déclaration de ressources aux Caf a été supprimée cette année et la direction générale des finances publiques (DGFiP) envoie désormais directement les déclarations fiscales qu'elle reçoit aux Caf. La Cnaf étudie la possibilité, pour 2009, d'enrichir le contenu de ses échanges avec la DGFiP et d'y intégrer des informations sur le foyer fiscal, les personnes à charge et le logement, afin de recouper les données concernant la situation de parent isolé, le nombre d'enfants à charge et la résidence alternée. Les échanges d'information avec la Cnam restent en revanche insuffisants, notamment dans le domaine des rentes d'accident du travail et d'invalidité ainsi que des indemnités journalières qui, n'étant pas imposables, ne sont pas connues de la DGFiP. Le problème tient au manque de coopération de la Cnam et des caisses primaires d'assurance maladie (Cpam). Même si des échanges existent déjà, par exemple en Ile-de-France, ils restent rares et parfois trop tardifs. Il est donc nécessaire de mettre en place au plus vite une procédure automatisée de transfert des données avec toutes les Cpam ;

- en ce qui concerne le suivi des crédits du Fnas, qui s'élèvent à près de 4 milliards d'euros en 2009, les progrès sont incontestables mais pourraient être plus importants encore. Certes, l'instauration d'un mécanisme de « verrou » informatique empêche désormais les Caf de dépenser plus que les crédits qui leur sont alloués mais la traçabilité des dépenses reste insatisfaisante et l'on ne connaît toujours pas le détail des dépenses du Fnas. La Cnaf travaille à la définition d'un nouveau logiciel informatique plus adapté, mais qui ne sera certainement pas disponible avant plusieurs années ;

- enfin, s'agissant de la professionnalisation de la fonction audit au sein de la branche, il faut signaler que la Cnaf a embauché huit auditeurs sur les dix que réclamait la Cour des comptes, ce qui est relativement satisfaisant compte tenu des difficultés pour recruter des professionnels compétents, disponibles et acceptant un niveau de salaire plutôt inférieur à celui du marché.

Pour conclure, M. André Lardeux, rapporteur, a fait valoir qu'à l'inertie de départ a succédé une activité intense des caisses pour rattraper leur retard. Cependant, l'ampleur du chantier explique que sa mise en place ait pris du temps et que ses effets ne se feront réellement sentir que cette année ou même en 2010. Il n'est donc pas à exclure que la Cour des comptes se déclare une nouvelle fois dans l'impossibilité de se prononcer sur les comptes de la branche, ce qui serait, selon lui, tout à fait sévère.

Pour finir, il a évoqué le problème de la mise en place par les Caf du RSA, qui sera servi à partir du 1er juin prochain. Le Gouvernement a autorisé les Caf, dans cette perspective, à ne recruter que 1 007 agents supplémentaires, ce qui est faible : ces effectifs sont inférieurs de trois cents unités aux demandes de la Cnaf, lesquelles ne prenaient pas, qui plus est, en compte la hausse potentielle du nombre d'allocataires résultant de la crise économique. Avant même de commencer le versement du RSA, le retard accumulé fin 2008 dans l'examen des demandes était de 6,6 jours en moyenne dans l'ensemble du réseau des Caf, chiffre record jamais atteint à ce jour. Plusieurs caisses, comme celle de Nice ou de Creil, ont même été conduites à fermer leurs guichets pour dégager du personnel et traiter les dossiers déposés.

Afin que le RSA soit servi dans de bonnes conditions et qu'il ne vienne pas remettre en cause le minutieux travail de construction du RNB, il sera, à son sens, difficile d'éviter le recrutement d'effectifs supplémentaires.

M. Gilbert Barbier a demandé comment la Mecss envisage de suivre l'évolution des différents sujets évoqués.

M. Alain Vasselle, président, a répondu que la Mecss sera particulièrement attentive à l'avancement des travaux du RNCPS et à la mise en place du RSA dans des conditions satisfaisantes. Des auditions ou des enquêtes pourront être effectués en ce sens.

M. André Lardeux, rapporteur, a ajouté que la position de la Cour sur les comptes de la branche constituera, dès le mois de juin prochain, un premier test pour le réseau des Caf.

Puis la commission a autorisé la publication du présent rapport d'information de la Mecss.

Mercredi 11 février 2009

- Présidence de M. François Autain, secrétaire. -

Loi portant réforme de l'hôpital - Audition de M. Jean-Marie Bertrand, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Bertrand, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, sur le projet de loi n° 1210 (AN - XIIIe législature) portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dont M. Alain Milon est le rapporteur.

M. Jean-Marie Bertrand, secrétaire général du ministère de la santé, a indiqué qu'il a été associé à la rédaction du titre IV du projet de loi, qui traite des agences régionales de santé (ARS). Pour cette raison, son propos sera centré sur ces nouvelles structures.

La feuille de route fixée par le Gouvernement prévoit que les ARS doivent être opérationnelles au 1er janvier 2010. Nouvelle étape dans l'évolution du système de santé français, la création de ces agences vise à responsabiliser davantage les décideurs locaux et à mieux prendre en compte les spécificités des territoires. Les ARS s'inscrivent en effet dans une démarche de mise en cohérence du pilotage du système de santé, qui a connu un développement important à la fin des années quatre-vingt-dix avec la création des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Ces nouvelles agences auront toutefois une compétence plus large que les ARH, puisque le terme « santé » s'entend au sens de la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui inclut le système de soins à proprement parler, mais aussi la veille et la sécurité sanitaires, la prévention, la gestion du risque, le secteur médico-social. Les ARS se caractériseront donc par la transversalité de leurs domaines de compétences. Elles regrouperont sept entités : les directions départementales (Ddass) et régionales (Drass) des affaires sanitaires et sociales, pour l'Etat ; l'union régionale des caisses d'assurance maladie (Urcam) et les caisses régionales d'assurance maladie (Cram) pour l'assurance maladie ; enfin, au titre des organismes communs à l'Etat et à l'assurance maladie, les ARH, les missions régionales de santé (MRS) et les groupements régionaux de santé publique (GRSP).

La création des ARS poursuit trois objectifs :

- l'efficacité, c'est-à-dire l'amélioration de l'état de santé de la population et la réduction des inégalités de santé ;

- l'efficience, qui consiste à rendre le système de santé plus performant, au meilleur coût ;

- la démocratie sanitaire, qui appelle une gouvernance renouvelée, grâce à une plus large association des acteurs du système de santé, notamment des partenaires sociaux.

Pour atteindre ces objectifs, les agences seront chargées, d'une part, de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique régionale de santé, d'autre part, de la régulation médico-économique. Il faut noter que l'association de ces deux champs d'action n'était pas, à première vue, évidente.

Conscient des faiblesses actuelles du système de santé et de la nécessité de mieux répondre aux besoins de la population, le Gouvernement entend, par cette réforme, réduire les inégalités de santé, qu'elles soient territoriales ou sociales. Dans ce domaine, la France ne peut se targuer de ses résultats : elle est en effet située seulement dans la moyenne des pays de l'Union européenne.

A M. Jean Desessard, qui souhaitait savoir si l'objectif est de tendre à l'égalité sociale ou à l'égalité territoriale, M. Jean-Marie Bertrand a répondu que les deux sont visées, d'autant plus que les inégalités sociales et territoriales se recoupent fréquemment. Enfin, a-t-il ajouté, le dernier objectif du projet de loi est d'accorder une place plus importante à la prévention car le système de santé français se caractérise encore par une prépondérance du curatif. Aussi convient-il de trouver un équilibre entre curatif et préventif.

Le périmètre large des ARS devrait également contribuer au décloisonnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social qui sont en effet deux volets d'un même parcours de soins et de vie. En attribuant des compétences médico-sociales aux ARS, le projet de loi contribuera à une meilleure transversalité.

En résumé, les ARS seront un outil de régulation à l'échelon régional, qui devrait améliorer la performance du système de santé et permettre son retour à l'équilibre financier, tout en garantissant une offre de soins comparable sur l'ensemble du territoire.

M. Alain Milon, rapporteur, a fait valoir que les différents acteurs du système de santé qu'il a auditionnés approuvent la création des ARS dans leur principe mais sont plus réservés sur les modalités concrètes de leur mise en oeuvre. Il a tout d'abord demandé des précisions sur l'organisation de la régulation des dépenses hospitalières au niveau régional, ainsi que sur l'articulation des compétences entre les ARS et l'assurance maladie sur ce sujet. Il a ensuite souhaité savoir quel sera le rôle exact du comité de coordination des agences régionales de santé. Transmettra-t-il des recommandations aux ARS ? Enfin, il a fait observer que, s'il est prévu de consulter la commission de coordination dans le secteur de la prise en charge et de l'accompagnement médico-social sur le schéma régional de l'organisation médico-sociale, tel n'est pas le cas dans le secteur de la prévention pour le schéma régional de prévention.

M. Jean-Marie Bertrand a fait valoir que la création des ARS constituera une étape importante dans le système de régulation des dépenses hospitalières. Les agences disposeront de deux leviers d'action dans ce domaine : la tutelle des établissements publics de santé, compétence actuellement exercée par les ARH, et la gestion du risque, activité exercée partiellement par l'assurance maladie aujourd'hui. Concernant ce second levier, il est important d'indiquer que le projet de loi prévoit une extension du champ de compétences de l'assurance maladie en matière de gestion du risque. Présente au sein des ARS, l'assurance maladie participera en effet au programme de gestion du risque au niveau local.

M. Alain Milon, rapporteur, a indiqué qu'il prévoit d'organiser une table ronde sur ce sujet, les modalités concrètes du dialogue entre les ARS et l'assurance maladie à l'échelon régional étant particulièrement difficiles à cerner.

M. Jacky Le Menn a regretté que les relations entre les ARS et l'assurance maladie au niveau local ne soient pas précisément explicitées dans le texte. Il a souhaité savoir qui décidera exactement de quoi.

M. Bernard Cazeau a demandé quelles activités, actuellement exercées par l'assurance maladie, demeurent dans son champ de compétences et quelles sont celles attribuées désormais aux ARS.

Se disant sensible aux incertitudes ainsi exprimées, M. Jean-Marie Bertrand a tenu à préciser la logique du système. Il faut tout d'abord rappeler que les ARS sont une union des services de l'Etat et des organismes de l'assurance maladie, représentés à parité au sein de la nouvelle structure. En ce qui concerne la gestion du risque, ensuite, deux missions sont à distinguer : d'un côté, les ARS seront chargées de la « maîtrise d'ouvrage » ; de l'autre, les organismes de l'assurance maladie assureront la « maîtrise d'oeuvre ». Cette distinction ne doit pas être interprétée comme signifiant que le rôle des organismes d'assurance maladie se limitera à un rôle d'exécution. En effet, le « pilotage » sera entre les mains d'entités associant l'Etat et les organismes d'assurance maladie, qui prépareront donc en commun le programme régional de gestion du risque.

Concrètement, au sein des ARS, la gestion du risque sera assurée conjointement par :

- des personnels de l'Etat, tels des médecins, des pharmaciens, des ingénieurs, des administrateurs ;

- des personnels de l'assurance maladie (administrateurs, médecins conseils...) qui viendront pour partie des Urcam, pour partie des Cram.

Ces différentes catégories de personnels conserveront leur statut initial. En tant qu'employeur, l'ARS est en effet à la fois un établissement public de l'Etat et un organisme de l'assurance maladie. L'objectif de ce système est d'assurer une fluidité des carrières pour les personnels des ARS. Par ailleurs, il faut indiquer que le texte ne prévoit pas d'obligation de mobilité géographique : une personne exerçant actuellement son activité à la Cram d'une région ne pourra se voir obligée de travailler à l'ARS d'une autre région.

M. Jacky Le Menn a estimé que la question des personnels est essentielle car les ARS ne pourront fonctionner sans eux. L'exemple des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) montre qu'il n'est pas si évident de faire travailler ensemble des personnes venant d'horizons professionnels différents. Il faudra sans doute du temps pour que les personnels des ARS apprennent à coopérer et que ces structures soient opérationnelles.

Mme Samia Ghali a dit craindre, avec cette réforme, la fermeture de caisses locales d'assurance maladie. Elle a également demandé une définition claire de l'expression « gestion du risque ».

M. Alain Milon, rapporteur, lui a répondu qu'elle se rapporte au risque financier et non au risque sanitaire.

Sur la question des personnels des ARS, M. Jean-Marie Bertrand a considéré que les MDPH ne représentent pas un modèle car elles sont constituées sous la forme de groupements d'intérêt public (Gip), statut qui peut effectivement poser les problèmes évoqués. Les ARS seront des établissements publics. Elles emploieront des personnels ayant deux statuts différents, selon qu'ils relèvent de l'Etat ou de l'assurance maladie. Il s'agit de la solution la plus pragmatique et la plus efficace possible. En réponse à Mme Samia Ghali, il a indiqué que la création des ARS n'entraînera pas de fermeture de caisses. L'opération sera neutre. L'activité des caisses d'assurance maladie devrait même augmenter en raison de l'extension de leur champ de compétences en matière de gestion du risque.

M. Guy Fischer s'est demandé si les ARS ne constitueront pas l'outil privilégié pour favoriser le regroupement des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux, et entraîner ainsi la fermeture de certains hôpitaux locaux.

M. Jean-Marie Bertrand lui a répondu que les ARS contribueront sans doute au regroupement d'établissements sanitaires, notamment via les communautés hospitalières de territoire. Ces regroupements permettront d'optimiser l'offre de soins. Concernant les établissements médico-sociaux, la question du regroupement n'est pas à l'ordre du jour puisqu'il existe une insuffisance chronique de l'offre.

A son tour, M. Yves Daudigny a demandé une définition précise de la « gestion du risque ».

M. Jean-Marie Bertrand a précisé que celle-ci s'apparente à l'activité d'assureur. L'assureur est celui qui cherche à optimiser sa dépense en insistant sur la prévention. Les ARS seront à la fois actionnaires et gestionnaires du risque financier. En tant qu'actionnaires, elles procèderont à un contrôle de gestion et tâcheront de rétablir l'équilibre financier du système de santé. En tant que gestionnaires, elles analyseront le risque et adopteront une démarche assurantielle.

Revenant sur la question du comité de coordination des ARS, il a indiqué que celui-ci sera chargé d'assurer le pilotage de l'ensemble des agences. Il sera composé des ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes handicapées et des personnes âgées, du directeur du budget, des directeurs des trois régimes d'assurance maladie, ainsi que du directeur de la caisse de la mutualité sociale agricole (CMSA). Un fonctionnement efficace du comité de coordination supposera tout d'abord une bonne coordination entre les différentes directions des ministères concernés. Le comité fixera une feuille de route aux directeurs généraux des ARS via les contrats de gestion et de moyens passés avec eux. Ensuite, il conviendra d'instaurer une coopération entre les représentants de l'Etat et ceux de l'assurance maladie.

Sur les commissions de coordination créées par le projet de loi, il a précisé que l'une sera compétente dans le secteur de la prise en charge et l'accompagnement médico-social, l'autre dans le secteur de la prévention. S'agissant du médico-social, il faut rappeler que, dans ce domaine, les compétences seront partagées entre les ARS et les conseils généraux. La commission de coordination sera donc un outil de dialogue entre ces acteurs. Elle permettra également d'assurer la cohérence entre le schéma régional d'organisation médico-sociale et les schémas départementaux. En matière de prévention, le but de la commission de coordination est de réunir, au sein d'une même structure, les autorités publiques et para-publiques compétentes. Il s'agit de faire émerger une vision commune de la politique régionale de prévention.

M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité savoir quelles seront les modalités de financement pour la permanence des soins, comment seront conciliées les interventions des collectivités locales et celles des ARS en matière d'installation dans les zones sous-médicalisées ainsi que les modalités de gestion du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs). Il a également demandé comment le secteur médico-social sera intégré à la réforme des ARS et quelle sera la participation des assureurs complémentaires à la gestion du système de soins régionalisé.

M. Jean-Marie Bertrand a répondu que l'autorité unique pour mettre en place la permanence des soins sera le directeur général de l'ARS et qu'il disposera à cette fin de l'ensemble des leviers utilisables en la matière. Il disposera donc des crédits de l'assurance maladie. Seule la réquisition restera entre les mains du préfet. En matière de financement de la prévention, il s'agit de réunir la masse des fonds en provenance de l'assurance maladie ainsi que ceux de l'Etat. La création d'un fonds unique n'est pas forcément nécessaire.

M. Alain Milon, rapporteur, a demandé si la gestion des fonds sera régionale ou étatique.

M. Jean-Marie Bertrand a indiqué que le projet de loi est sous-tendu par une approche régionale, y compris en matière de financement. L'ARS a vocation à être le lieu de décision de l'ensemble des politiques menées au niveau régional même si les acteurs de l'assurance maladie conserveront une certaine autonomie dans la mise en oeuvre de leur politique, notamment en matière de prévention en ce domaine. De ce point de vue, on peut penser qu'un fonds unique regroupant les fonds de l'Etat et de l'assurance maladie n'est pas la meilleure solution. Il convient de souligner encore une fois à cette occasion que les relations entre les ARS et l'assurance maladie ne se limiteront pas à la gestion du risque mais que la prévention sera un sujet particulièrement important. Une contractualisation entre les ARS et chacun des acteurs de l'assurance maladie sera nécessaire.

M. Jacky Le Menn a souhaité savoir si une gestion commune des fonds de l'Etat et de l'assurance maladie n'entraînerait pas nécessairement une fongibilité des enveloppes et donc la fin des différentes pratiques mises en oeuvre par les acteurs.

M. Jean-Marie Bertrand a insisté sur le fait que les ARS devront s'appuyer sur les acteurs les plus dynamiques du territoire et qu'il ne peut être question d'uniformiser les pratiques selon une logique purement financière.

En ce qui concerne la place des assurances complémentaires dans la gestion du risque, cette question n'est pas, à l'heure actuelle, prévue dans le texte mais une évolution est possible sur ce point.

Par ailleurs, l'articulation avec le secteur médico-social sera améliorée au travers de la mise en oeuvre des ARS, avec l'objectif de parvenir à coordonner schémas départementaux et schémas régionaux de soins. Il ne peut être question d'ignorer les compétences des conseils généraux même si une meilleure organisation régionale d'ensemble est nécessaire.

Dans le secteur médico-social, la question des appels à projet a suscité de nombreuses inquiétudes car cette procédure augmente la mise en concurrence. Il s'agit néanmoins d'un progrès car, à l'heure actuelle, de nombreux projets qui bénéficient d'un agrément ne se réalisent jamais, ce qui est frustrant pour les associations du secteur.

M. Jacky Le Menn a insisté sur le caractère souvent novateur des expériences conduites par les associations du secteur médico-social sur le terrain. Ne peut-on craindre que les appels à projet ne tarissent ce secteur riche en propositions ?

M. Jean-Marie Bertrand a déclaré que, face à l'ampleur des besoins à satisfaire, les ARS seraient toujours à la recherche de solutions originales et adaptées faisant une place aux expériences de terrain conduites par les associations.

M. Yves Daudigny a regretté que le projet de loi semble procéder à un effacement des compétences des conseils généraux qui seront consultés pour avis sur les décisions prises par le directeur général de l'ARS sans véritable concertation. La formule du projet de loi selon laquelle on agira dans le « respect des compétences » est, à son sens, trop défensive. Un « maintien des compétences » paraîtrait plus adéquat. Au-delà même des conseils généraux, un certain nombre d'associations d'usagers voient au travers de ce texte une prise en main du secteur médico-social par les ARS.

M. Jean-Marie Bertrand a précisé que la rédaction de l'article 28 du projet de loi a été considérée avec attention par le Conseil d'Etat afin de ne pas remettre en cause la garantie constitutionnelle de libre administration des collectivités locales. La gestion des schémas est effectivement difficile dans la mesure où décideurs et financeurs ne sont pas les mêmes entités.

M. Paul Blanc a insisté sur le caractère particulièrement complexe du problème dans le secteur médico-social qui fait intervenir, selon les cas, des fonds de l'assurance maladie ou de l'Etat, avec une compétence du conseil général.

En conclusion de ce débat, M. François Autain, président, a proposé qu'une seconde audition de Jean-Marie Bertrand soit éventuellement organisée pour compléter l'information de la commission sur ces questions très complexes.