Mardi 24 mars 2009

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Audition de M. Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de France (APVF), Mme Marie-France Beaufils, vice présidente de l'APVF, et M. Pierre Jarlier, secrétaire général de l'APVF

La mission a auditionné M. Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de France (APVF) et ses collègues, Mme Marie-France Beaufils, vice présidente de l'APVF, et M. Pierre Jarlier, secrétaire général de l'APVF.

Après avoir présenté l'APVF, M. Martin Malvy a mis en avant le fait que les petites villes représentaient le dernier maillon d'une chaîne qui reliait l'État à la commune, en passant par toutes les autres collectivités territoriales. Il a souligné la dépendance financière des petites villes à l'égard des autres maillons de la chaîne territoriale et il en a conclu à l'absolue nécessité de maintenir, pour les communes, la clause générale de compétence, qui leur permet d'obtenir les cofinancements dont elles peuvent avoir besoin pour réaliser les équipements publics qui maillent le territoire national. Estimant que la clause générale de compétence était la clé de voûte de l'aménagement du territoire et qu'elle offrait une réponse, grâce à la solidarité territoriale, non seulement aux inégalités de ressources existant entre les différentes communes mais aussi aux demandes des citoyens comme des entreprises, il a défendu la pertinence des financements croisés. Il a d'ailleurs marqué son désaccord avec une des solutions parfois envisagées pour encadrer le recours aux cofinancements, qui consisterait à obliger le maître d'ouvrage à participer à hauteur de 50% à l'investissement, estimant que si cela avait été le cas, 80 % des équipements locaux importants n'auraient pas vu le jour.

M. Martin Malvy a ensuite souligné la réussite de l'intercommunalité qui a permis de remédier à l'éparpillement communal. Il a marqué son accord sur cette question avec les propositions du Comité présidé par M. Edouard Balladur et s'est prononcé pour une rationalisation des périmètres des intercommunalités, conduite par des commissions départementales de coopération intercommunale dont la composition serait à rénover, pour la désignation des délégués communautaires par fléchage sur les listes de candidats aux élections municipales. En revanche, il s'est déclaré opposé à un affaiblissement des mairies des communes regroupées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui les cantonnerait dans un rôle de mairie de quartier.

Sur la question de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivité, M. Martin Malvy a jugé nécessaire de mieux définir les compétences devant revenir à chaque échelon, dans le respect de la clause générale de compétence, l'exercice de certaines d'entre elles devant être réservé, en matière d'instruction notamment, à une collectivité chef de file. Il a conclu son intervention en indiquant que certaines questions liées aux finances locales, comme l'impôt susceptible de remplacer la taxe professionnelle, appelaient, elles aussi, des réponses.

S'attachant à ce dernier sujet et rappelant que la mission s'était déjà saisie de la question de la fiscalité locale et qu'elle poursuivrait ces travaux en la matière, M. Yves Krattinger a souhaité connaître l'analyse de M. Martin Malvy à la fois sur les conséquences que serait susceptible d'avoir la suppression de la taxe professionnelle sur l'exercice par les différents niveaux de collectivité de leur compétence de développement économique et sur les voies que devrait, selon lui, emprunter la réforme de la fiscalité locale.

Sur le premier point, M. Martin Malvy a estimé souhaitable que les collectivités qui portent les projets de développement économique continuent de bénéficier d'un impôt reposant sur l'activité économique ; en revanche, il a souligné que l'intérêt porté par les collectivités territoriales aux questions de développement des entreprises et des emplois ne se limitait pas au seul retour sur investissement qu'elles pouvaient espérer à travers la taxe professionnelle. Par ailleurs, il a considéré qu'il fallait veiller à ce que la recette censée remplacer la taxe professionnelle soit suffisamment dynamique, ce qui ne serait pas forcément le cas d'une dotation évoluant selon un rythme fixé à l'avance. Sur la question de la réforme de la fiscalité locale, il a souligné les difficultés que la spécialisation de l'impôt par niveau de collectivité pourrait engendrer en matière de péréquation.

Interrogé par M. Pierre-Yves Collombat, vice-président, sur l'impact que la mise en place de métropoles serait susceptible d'avoir sur les petites villes, selon le seuil de population retenu pour leur constitution, M. Martin Malvy a jugé que, plutôt que de mettre en place des métropoles, il convenait en priorité de prévoir, éventuellement sur une base expérimentale, des schémas d'aménagement périurbain qui soient prescriptifs et de renforcer la coopération intercommunale.

M. Pierre Jarlier a indiqué que l'APVF était, d'une manière générale, plus proche des préconisations adoptées par la mission que de celles formulées par le comité présidé par M. Edouard Balladur. Il a ainsi marqué son accord avec la désignation par fléchage des délégués communautaires, le scrutin proportionnel de liste étant étendu aux communes de 500 habitants et plus, une obligation de candidature étant mise en place en deçà. Il a également approuvé l'achèvement de la carte intercommunale et la rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) avant 2012. À cet égard, il a relevé que de nombreux textes législatifs intervenus récemment dans le domaine de l'environnement mettaient en place une planification de l'action des intercommunalités à l'échelle du bassin de vie, ce qui rendait d'autant plus nécessaire la mise en cohérence de leurs périmètres respectifs. Enfin, il a rappelé la double vocation des petites villes, dont certaines jouent le rôle de satellite dans les grandes métropoles alors que d'autres jouent celui de centre structurant de l'espace rural dans les territoires moins peuplés, ce qui rendait d'autant plus nécessaire le maintien de la clause générale de compétence au niveau communal.

Insistant sur l'importance de la coopération intercommunale, Mme Marie-France Beaufils a souligné la différence entre le fait d'obliger les intercommunalités à se saisir de plus de compétences au détriment des communes et celui de créer les conditions d'une coopération plus aboutie entre les communes qui les composent. Elle a rejoint M. Martin Malvy sur l'idée de privilégier la solution consistant à développer des schémas de cohérence territoriale, sur celle consistant à étendre le statut de métropole aux grandes agglomérations, tout en se déclarant réservée sur la pertinence de rendre ces schémas prescriptifs. Quant à la fiscalité, elle a estimé absolument nécessaire que les collectivités territoriales bénéficient d'une recette fiscale dynamique basée sur l'activité économique. S'agissant de la répartition des compétences, elle a appelé de ses voeux un recours plus poussé à la notion de chef de file, dans un cadre coopératif.

Revenant sur la question de la taxe professionnelle, M. Martin Malvy a considéré que son principal inconvénient tenait à ce que l'État en supportait une grande partie. Soulignant la difficulté particulière qui s'attachait à une réforme de la fiscalité locale conçue dans un contexte de crise des finances publiques, il a suggéré de modifier l'assiette de cet impôt pour y intégrer la valeur ajoutée et lui permettre de peser de manière plus équitable sur les services et la production industrielle. Il a jugé que, en tout état de cause, il fallait éviter que la réforme de la fiscalité locale affaiblisse les collectivités territoriales, et particulièrement les régions et les départements, au point de leur rendre impossible d'aider, comme elles le font aujourd'hui, les petites villes.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que, en matière de réforme de la fiscalité locale et particulièrement de la taxe professionnelle, la mission devait s'appuyer sur les travaux des rapports Valletoux et Fouquet. Par ailleurs, il a jugé problématique que l'État intervienne autant dans la fiscalité locale, ce qui, à la fois, prive les citoyens de la capacité qu'ils ont à déterminer, à travers leurs élus, les taux des impôts locaux, et est susceptible de fragiliser l'équilibre des finances locales.

M. Claude Belot, président, ayant considéré que les élus locaux étaient amenés à voter les taux d'impôts dont les bases ne sont plus conformes à la réalité, ce qui constituait un des problèmes principaux de la fiscalité locale actuelle, M. Martin Malvy a fait valoir que cela était à l'origine d'une inégalité entre les communes centres et leur périphérie, les citoyens déménageant dans les communes alentour, car les bases foncières y sont moins élevées, tout en profitant des services offerts par la commune centre dont l'assiette fiscale se rétracte.

M. Yves Détraigne s'est interrogé sur les conséquences qu'il convenait de tirer de la généralisation de l'intercommunalité s'agissant de l'élargissement des compétences transférées aux EPIC, de la réduction du nombre de conseillers municipaux corrélative à la réduction des tâches dévolues aux communes, et du maintien des pays alors que les intercommunalités se verraient dotées d'un périmètre pertinent et d'une entière compétence d'aménagement du territoire. Il s'est par ailleurs demandé s'il ne convenait pas de revoir la répartition des compétences entre le département et la région en fonction de leur vocation respective, de proximité pour le premier et d'aménagement et de structuration du territoire pour la seconde.

Sur le premier point de l'élargissement des domaines de compétences transférées aux intercommunalités, M. Martin Malvy a jugé nécessaire d'observer une certaine prudence, afin de conserver toute l'efficacité d'action que permet le consensus construit au sein de l'intercommunalité. S'agissant des pays, il a relevé que leur réussite était très variable d'une région à l'autre, certains fonctionnant bien et d'autres non, et qu'ils permettaient souvent de rassembler plus de communes que ne le pourrait une structure intercommunale. En réponse à une question de M. Yves Détraigne sur le rapprochement des collèges et des lycées, il a, enfin, estimé que la solution de simplification consistant à en confier la gestion à une seule collectivité, serait mise en échec par la spécificité de ces deux types d'équipements, les formations offertes au sein des collèges étant conçues sur un modèle uniforme, alors que celles des lycées sont organisées de manière spécifique, ce qui justifie que, dans le premier cas, la gestion en revienne aux départements qui garantissent ainsi un accès de proximité à une même formation, alors que dans le second cas, elle revient aux régions, qui construisent, sur l'ensemble du territoire, un échantillon varié de formations spécifiques.

M. Claude Belot, président, a souhaité que la mission approfondisse la question des relations entre départements et régions, se demandant s'il fallait aller dans le sens d'un partenariat organisé entre ces deux échelons. Ayant souligné que certaines compétences devaient être exercées à une échelle plus large que le département, il a jugé nécessaire de bien définir la compétence en matière d'aménagement du territoire.

M. François Patriat a indiqué que le Président du Sénat recevait le lendemain des présidents de régions.

Mme Josette Durrieu a demandé l'avis de l'intervenant sur la proposition 18 avancée par la mission temporaire dans son rapport d'étape, visant à « l'affirmation des départements dans leur rôle de garant des solidarités sociales et territoriales, et des régions dans leurs missions stratégiques et liées à la préparation de l'avenir ». Elle a estimé nécessaire de mieux définir les actions stratégiques des régions, ainsi que la répartition des rôles en matière d'accompagnement des initiatives économiques, soulignant que les régions avaient jusqu'alors assumé cette mission de façon insuffisante. Elle s'est demandé, notamment, à quel échelon territorial devraient revenir le déploiement des réseaux de très haut débit ou encore la gestion des aéroports de villes moyennes.

Mme Marie-France Beaufils a relevé que certaines compétences transférées aux collectivités territoriales pesaient lourdement sur leur budget, sans que celles-ci aient parfois les moyens de les assumer.

Mme Anne-Marie Escoffier a souligné que la diversité de la France constituait une force. Aussi a-t-elle plaidé pour l'établissement de règles a minima, simples et lisibles, et non pas pour l'imposition d'un cadre uniforme ou d'exigences trop contraignantes, afin de laisser une marge de liberté aux collectivités territoriales. S'agissant des pays, elle a souhaité que puissent perdurer ceux qui fonctionnent bien, tout en s'interrogeant, néanmoins, sur l'existence de certains qui mobilisent des moyens sans pour autant apporter la preuve de leur utilité.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a rappelé que la mission temporaire avait formulé des propositions raisonnables en faveur de l'instauration d'un guichet et d'un dossier d'instruction uniques, soulignant l'énergie et le temps perdus dans les instructions parallèles par les services de l'Etat et ceux des collectivités territoriales. Il a indiqué que certains guichets uniques existaient déjà et que cette pratique gagnerait à être banalisée. Il importe notamment pour l'Etat d'admettre que ses services ne peuvent plus continuer à intervenir en doublons des collectivités territoriales dans l'instruction des dossiers. Enfin, il a souligné qu'il était indispensable de développer l'interterritorialité, c'est à dire les échanges entre les territoires.

En réponse, M. Martin Malvy a indiqué que les régions étaient amenées à coopérer avec les régions voisines et que certaines politiques ne pouvaient être que partagées entre plusieurs collectivités. Il a reconnu, comme M. Claude Belot, président, que cela nécessitait néanmoins une coordination entre celles-ci, comme cela fonctionne déjà dans certaines régions. Il a suggéré que soit rendue obligatoire, par la loi, la création d'une conférence des autorités organisatrices de transports. Puis il a confirmé que la réforme de l'Etat était un préalable indispensable.

M. Claude Belot, président, a souligné la nécessité d'imposer un partenariat entre les régions, notamment en vue d'assurer une continuité territoriale en termes de transports. Mme Anne-Marie Escoffier a fait observer que la partition du territoire français en grandes zones de défense, par exemple, montrait la nécessité de dépasser, dans certains cas, les limites régionales.

S'agissant, enfin, des modes de scrutin, M. Martin Malvy a estimé que l'élection de conseillers qui soient à la fois conseillers généraux et régionaux signerait l'arrêt de mort de toute politique régionale. Il a indiqué que le fait, pour un élu, d'être attaché à un territoire le placerait d'abord au service de celui-ci et non pas de l'ensemble du territoire régional.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a ajouté que cela remettrait en cause à la fois la proximité du département et la vocation stratégique de la région. Il a souligné, en outre, le risque de concurrence entre des conseillers généraux et régionaux élus au niveau d'une circonscription législative et le député de cette circonscription.

M. Claude Belot, président, a souligné un attachement largement partagé au scrutin uninominal.

Mercredi 25 mars 2009

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Audition de M. Serge Grouard, vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)

La mission a entendu M. Serge Grouard, vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF).

Appuyant son intervention sur la plateforme commune adoptée par l'AMGVF, M. Serge Grouard a rappelé les raisons pour lesquelles la réforme était aujourd'hui nécessaire : complexité, manque de lisibilité et coûts de l'organisation territoriale, difficultés de gouvernance et enchevêtrement des compétences. Estimant que l'accent était parfois trop mis sur le couple région/département, il a jugé souhaitable que la réflexion s'attache aussi aux dysfonctionnements propres au couple commune/intercommunalité, notamment en raison des gains financiers que, en la matière, une réforme de la gouvernance pourrait apporter, grâce à la mutualisation des services ou à la mise en cohérence des choix d'aménagements opérés, au sein de l'intercommunalité, par les différentes communes.

M. Claude Belot, président, ayant fait observer que, d'ores et déjà, une telle coordination de l'action des communes était possible grâce aux transferts de compétences à l'intercommunalité, ou aux arbitrages rendus par les départements ou les régions en matière de cofinancement des équipements sollicités par les communes, M. Serge Grouard a estimé que, en s'appuyant notamment sur des règles de majorité qualifiée ou sur la clause générale de compétence, les communes pouvaient faire échec à ces tentatives de coordination de leur action.

Il a par ailleurs indiqué que l'AMGVF souhaitait éviter que le transfert de compétences à l'établissement public de coopération communale (EPCI) n'aboutisse à dissocier l'exercice des compétences de la légitimité démocratique et qu'elle appelait à une modification du mode de désignation des délégués communautaires, mais refusait toutefois leur élection au suffrage universel direct car celle-ci aboutirait à faire des EPCI des collectivités territoriales de plein exercice.

Estimant que deux principes devaient guider la réflexion, à savoir la prise en compte de la diversité des territoires et l'association des collectivités à leur réforme, en particulier pour déterminer la part d'incitation ou de contrainte à laquelle il pourrait être recouru, M. Serge Grouard a estimé, conformément à la position adoptée par l'AMGVF, qu'il était nécessaire d'achever la carte intercommunale et de créer, sur la base du volontariat, des métropoles. Il a prôné pour celles-ci l'organisation d'une élection unique sur leur territoire, en marquant sa réserve à l'encontre du mode de scrutin de type Paris-Lyon-Marseille qui ne fait pas l'unanimité au sein de l'AMGVF.

En réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, qui l'a interrogé sur le soutien qu'une telle proposition pourrait recevoir au sein de la ville d'Orléans dont il est le maire et de son agglomération, il a indiqué qu'elle pourrait rencontrer un écho favorable. Relevant l'intérêt que manifestaient d'une manière générale les citoyens pour la réforme territoriale, il a estimé que ceux-ci pourraient se montrer plus favorables à la mise en place des métropoles que les élus municipaux, plus réservés au sujet de l'affaiblissement des communes qu'impliquerait la création de la collectivité métropolitaine.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a demandé à l'intervenant de préciser la définition qu'il donnait de la notion de métropole, faisant observer que celle-ci variait fortement selon les différentes propositions. Ainsi, pour le maire de Lyon, il s'agirait du regroupement de plusieurs agglomérations, de façon à ce que cette métropole puisse faire jeu égal avec les autres grandes métropoles européennes.

En réponse, M. Serge Grouard a indiqué que l'AMGVF ne partageait pas cette conception, précisant que, selon l'association, les métropoles devraient correspondre aux territoires des actuelles agglomérations, à condition que leur périmètre soit cohérent, réunir les compétences des communes et des groupements, et permettre de concilier légitimité et compétence, par l'organisation d'un mode de scrutin à l'échelle du territoire de la métropole.

M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, ayant relevé que cela signifiait la disparition des communes situées sur le territoire de la métropole, ou que celles-ci ne disposeraient plus que de compétences déléguées, M. Serge Grouard a confirmé que la proposition de l'AMGVF consistait à attribuer la clause générale de compétence à la métropole et à prévoir la possibilité pour celle-ci de déléguer des compétences de proximité aux communes, dans une logique de « mairies de proximité » et dans un souci de cohérence. En revanche, l'AMGVF, à la différence du « comité Balladur », ne propose pas, a-t-il précisé, de transférer l'ensemble ou la totalité des compétences du département à la métropole, mais certaines d'entre elles.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a indiqué que la proposition de l'intervenant reviendrait à créer un nouveau type de collectivité territoriale de plein exercice, ayant pour conséquence de faire passer de trois à quatre le nombre d'échelons territoriaux. Il a rappelé que la mission temporaire s'était accordée sur le principe de la création, par la loi, d'un nombre limité de métropoles qui ne soient pas seulement un regroupement de communes au sein d'une agglomération.

M. Serge Grouard a indiqué, en réponse, qu'il ne s'agirait pas d'une strate supplémentaire puisque la métropole se substituerait aux communes. Il a précisé que la position qu'il présentait devant la mission temporaire avait été arrêtée dans une plateforme adoptée par le bureau de son association. Par ailleurs, il a rappelé avoir cosigné avec M. Michel Destot, président de l'AMGVF, un article dans Le Monde reprenant cette position.

M. Claude Belot, président, a relevé que cette proposition pouvait surprendre la mission. Il a souligné que la Constitution ne mentionnait que les communes, les départements et les régions, les intercommunalités n'étant que des « coopératives de communes », bénéficiant de compétences déléguées. La proposition de l'AMGVF supposerait soit de créer un nouveau statut de collectivité, soit que les communes concernées décident de se réunir en une commune unique.

Il s'est demandé, en outre, si toutes les grandes villes avaient vocation à devenir des métropoles, faisant observer que les différentes définitions qui en sont données peuvent contribuer à brouiller le message. Ainsi, un grand nombre de villes jouent un rôle « métropolisant » sur un territoire donné. Cependant, il a estimé que les métropoles seraient d'autant plus puissantes qu'elles seraient peu nombreuses. Il a voulu savoir, par ailleurs, si l'AMGVF envisageait bien que l'évolution proposée n'ait lieu que sous réserve d'une volonté démocratique et d'une adhésion populaire.

M. Serge Grouard a confirmé ce dernier point et a indiqué que l'AMGVF n'avait pas arrêté de position sur le nombre de villes susceptibles de prendre le statut de métropole, estimant néanmoins que ce dernier pourrait être proposé de façon plus large que ne le suggère le « comité Balladur ». Il s'est demandé, toutefois, ce qui pourrait être proposé aux autres grandes villes qui ne deviendraient pas des métropoles. Reconnaissant que différentes acceptions de ce terme pouvaient exister, il a admis qu'il serait peut-être préférable de qualifier les agglomérations concernées, dans le cas de la proposition de l'AMGVF, de collectivités uniques, plutôt que de métropoles.

M. Philippe Dallier a jugé innovant et intéressant le modèle de type « PLM » (Paris-Lyon-Marseille), dans lequel la métropole constitue la collectivité territoriale de plein exercice et les communes existent en tant qu'arrondissements. Il a ajouté qu'il était possible d'avoir des approches différentes de la notion de métropole, selon leur taille.

M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que la loi ne pourrait pas décider de tels regroupements à la place des populations et des conseils municipaux concernés. Il a fait observer que des fusions de communes étaient d'ores et déjà possibles. Rappelant que l'objectif était de réfléchir aux moyens de renforcer la compétitivité des métropoles françaises au niveau européen, il a jugé que celles-ci perdraient en lisibilité si elles étaient trop nombreuses.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a relevé que la proposition de l'AMGVF consistait à envisager la création de collectivités territoriales de plein exercice au niveau d'espaces agglomérés.

M. Pierre-Yves Collombat, premier vice-président, a demandé si l'AMGVF disposait d'études sur les économies d'échelle à attendre de tels regroupements.

M. Charles Guéné s'est demandé si la position exprimée rejoignait les propositions n° 7, 8 et 9 du « comité Balladur ». Celui-ci a en effet suggéré que les métropoles disposent de la clause générale de compétence, formant ainsi une « avant-garde » de ce que pourraient devenir, à terme, les intercommunalités. Par ailleurs, en dehors des onze métropoles créées par la loi, la proposition n° 8 a ouvert la possibilité pour les autres intercommunalités d'accéder par la suite à ce statut, sur la base du volontariat. Enfin, la proposition n° 9 vise à permettre à toute intercommunalité de se transformer en commune nouvelle, c'est à dire en collectivité de plein exercice.

M. Edmond Hervé a souligné que la définition de la métropole devait également prendre en compte des critères de solidarité et de péréquation. Puis il a mis l'accent sur l'importance de la notion de réseau, peu évoquée jusqu'alors au sein de la mission, en vue de favoriser les complémentarités, précisant qu'un réseau peut être international, comme dans le domaine universitaire notamment, et concerner différents niveaux de collectivités. Il s'est interrogé, en outre, sur la façon dont la proposition de l'AMGVF pourrait être accueillie au sein des conseils d'agglomération. Il a souligné que les grandes villes s'étaient montrées exemplaires en n'exigeant pas une représentation proportionnelle à leur population au sein des groupements, contribuant ainsi à la réussite de la coopération intercommunale. Il a souhaité que la notion de compétences obligatoires constitue une référence à prendre en compte, ce à quoi M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, rapporteurs, ont souscrit.

Par ailleurs, M. Edmond Hervé a indiqué qu'une difficulté venait de l'exercice de la maîtrise d'ouvrages, qui exige beaucoup de travail de négociation. Il a insisté pour que les maires ne soient pas privés de compétences telles que le pouvoir de police municipale et la signature des permis de construire, qui sont les principaux attributs de leur rôle de proximité et auxquels ils sont attachés. Enfin il a estimé que la « boîte à outils » juridiques en matière de coopération intercommunale était pleine et qu'il convenait désormais de l'utiliser.

M. Rémy Pointereau a jugé nécessaire de veiller à la répartition géographique des métropoles, dans un souci d'équilibre et d'aménagement du territoire. Il s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir un seuil de population pour l'accès à ce statut et s'est demandé si les capitales régionales avaient vocation à devenir des métropoles. En matière de gouvernance, il a estimé qu'il appartenait au président du conseil général ou à celui du conseil régional de veiller à ce qu'il n'y ait pas de redondance d'équipements de proximité sur le territoire. Enfin, il a interrogé l'intervenant sur la fiscalité locale.

En réponse, M. Serge Grouard a indiqué que l'AMGVF avait fixé, dans sa plateforme, quelques grands principes en matière de fiscalité locale, notamment sur la part des ressources propres dans les budgets locaux et sur l'existence d'un lien fiscal entre territoire et activité, afin que les collectivités conservent un intérêt direct à favoriser le développement économique. L'AMGVF ne dispose pas d'études globales sur les économies d'échelle à attendre des regroupements au sein de métropoles mais a conduit des réflexions sur les mutualisations de personnel. A partir de son expérience personnelle, il a relevé que, dans les aires urbaines, chaque commune avait davantage tendance à utiliser l'intercommunalité pour faire aboutir ses propres projets plutôt que pour promouvoir une cohérence d'ensemble. De fait, un équilibre doit toujours être recherché.

M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est demandé si la transformation des communes en « mairies de quartier », dans le cadre de la proposition de l'AMGVF, conduirait à résoudre ce problème. Il a douté, en outre, que la création d'une agglomération unique permette de réaliser des économies d'échelle, par exemple pour l'entretien de la voirie.

M. Claude Bérit-Débat a estimé que l'intercommunalité avait pour avantage de reposer sur un accord « gagnant-gagnant », à la différence d'une grande collectivité unique qui imposerait ses décisions à tous. Il a douté que cela puisse être le gage d'une plus grande efficacité.

M. Serge Grouard a indiqué qu'il y aurait, dans le cas d'une collectivité unique, une unité de décision et que, par ailleurs, des cohérences pourraient être trouvées dans la durée, par exemple en matière d'équipements publics. Citant l'exemple de l'agglomération d'Orléans, il a fait observer qu'il existait actuellement une quinzaine de directions de la voirie, et qu'il pourrait à terme n'y en avoir qu'une.

Audition de M. Philippe Adnot, sénateur et président du conseil général de l'Aube

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Adnot, sénateur et président du conseil général de l'Aube.

Après avoir proposé à la mission de se rendre dans le département de l'Aube dans le cadre de ses déplacements sur le terrain, M. Philippe Adnot a expliqué qu'il aurait préféré que le comité Balladur commence par poser le cadre de ses réflexions, plutôt que de partir d'hypothèses a priori privilégiant les niveaux régionaux et intercommunaux pour envisager la réforme des collectivités locales. Observant qu'aucun élu rural n'était membre de ce comité, il a estimé que le rapport comportait de nombreuses analyses discutables qui étaient maintenant diffusées « en boucle » sans aucune démonstration. Il a considéré qu'il aurait été préférable d'adopter une démarche consistant à déterminer les objectifs de la réforme parmi lesquels il a cité la nécessité de préserver des services publics de proximité, la recherche du meilleur rapport qualité-prix à travers une gestion responsable et l'utilisation de ratios ainsi que l'application du principe de subsidiarité pour déterminer le bon niveau d'exercice des compétences.

Il a déclaré que les critiques du « millefeuille » administratif ne reposaient sur aucune évaluation chiffrée et que le reproche d'une trop grande complexité ne s'appuyait sur aucune explication. Evoquant les compétences qui seraient mal identifiées, il a indiqué que le rapport du comité Balladur, comme celui de la mission, n'avaient pas, à ce stade, mis en évidence des problèmes liés aux enchevêtrements en observant, par ailleurs, que les matières pour lesquelles plusieurs niveaux de collectivités intervenaient, tels le tourisme et le développement économique, ne constituaient pas des compétences exclusives des collectivités territoriales. Il a rappelé à cet égard qu'il était normal que le département prenne à sa charge la mise en oeuvre de campagnes touristiques au niveau national tandis que la région s'occupait du niveau international.

M. Philippe Adnot a estimé que le véritable chef de file était la collectivité qui se saisissait d'une problématique. Citant le développement économique, il a expliqué que c'était le conseil général de l'Aube qui prenait souvent la responsabilité d'étudier le dossier de demande d'aide de certaines entreprises et de solliciter les partenaires comme l'Etat et la région pour un tour de table. Il a déclaré que la région ne pouvait être la seule à s'occuper de développement économique compte tenu, en particulier, du risque qu'une telle « recentralisation » ne profite surtout au département qui accueille le siège de la capitale régionale. Il a remarqué que la région Champagne-Ardenne n'avait pas soutenu le projet de développement d'une université en dehors de Reims, que seule la possibilité d'organiser des financements croisés avait rendu possible. Il a considéré que la remise en cause du millefeuille administratif aurait surtout pour conséquence de remplacer des élus par des fonctionnaires et d'augmenter ainsi les coûts de gestion. Il a regretté que les incitations financières au développement de l'intercommunalité, dont il a estimé le coût à 2 milliards d'euros, reviennent à subventionner la coopération entre communes et à augmenter les charges de fonctionnement.

Répondant à M. Yves Krattinger, rapporteur, M. Philippe Adnot a précisé qu'il n'était pas hostile à l'intercommunalité mais qu'il considérait qu'elle devait permettre de faire baisser les coûts. Il a déploré que le régime financier actuel de l'intercommunalité n'incite pas à rationaliser la programmation des équipements structurants.

Il a souscrit à l'analyse du rapporteur selon laquelle les départements étaient meilleurs gestionnaires que l'Etat, mais a souhaité que les collectivités, comme les communautés, adoptent de manière plus systématique des critères de gestion précis et définissent, par exemple, des taux minimum et maximum d'imposition.

Il a estimé qu'il était indispensable de préserver un lien direct entre les dépenses publiques et leurs bénéficiaires et s'est donc déclaré hostile à l'idée de n'attribuer que deux impôts à chaque niveau de collectivité en observant que cela ne permettait pas d'atteindre toutes les catégories d'administrés. Il a regretté en particulier que la mission envisage de réserver l'impôt local économique aux seules régions et intercommunalités en observant qu'une telle évolution était de nature à remettre en cause l'action des départements en faveur des entreprises, comme par exemple les aménagements de routes ayant pour objectif de les rendre praticables par tout temps pour les camions de marchandises. Il a considéré qu'il n'y avait pas de difficulté à ce qu'une multiplicité de collectivités puisse bénéficier du produit de chaque impôt local en observant que la feuille d'imposition locale était parfaitement lisible. Il a souhaité, à cet égard, le rétablissement de la vignette automobile.

Il a relevé, en réponse à M. Yves Krattinger, rapporteur, que les exonérations mises en place par l'Etat concernant certains impôts locaux et leur compensation avaient eu pour conséquence de fragiliser le système français de finances locales. Il a observé que la suppression de la taxe foncière sur le non bâti avait constitué une aubaine pour certaines terres viticoles et a considéré que la suppression de la taxe professionnelle n'était pas envisageable sans son remplacement par un nouvel impôt économique.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a rappelé que de nombreuses intercommunalités fonctionnaient bien alors que, a contrario, il existait des conseils généraux très dépensiers. Elle a souhaité qu'on ne jette pas l'anathème sur une strate territoriale en particulier.

En réponse à une question de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, sur les conseillers territoriaux, M. Philippe Adnot s'est déclaré opposé au rapprochement entre départements et régions en estimant que la force du département résidait dans l'enracinement de ses élus. Interrogé par M. Bruno Retailleau sur le maintien du scrutin uninominal en milieu rural, il s'y est déclaré favorable ainsi qu'au recours à la représentation proportionnelle en milieu urbain.

M. Pierre-Yves Collombat, vice-président, a considéré que le développement des intercommunalités se traduisait par une augmentation des dépenses qui correspondait le plus souvent à la mise en oeuvre de projets que les communes membres n'avaient pas les moyens de conduire seules. Il a insisté sur la nécessité de recourir avec précaution au principe de subsidiarité en estimant qu'il n'était pas souhaitable que le département se limite au financement des grands projets de niveau départemental, mais qu'il lui revenait également d'apporter son aide à des projets plus modestes notamment dans le champ associatif. M. Philippe Adnot a déclaré qu'il revenait au département d'assurer la solidarité entre communes riches et pauvres à travers l'utilisation du produit de la taxe professionnelle.

M. Rémy Pointereau, vice-président, a souscrit à la nécessité de mieux évaluer les coûts de gestion des collectivités mais s'est déclaré, rejoint sur ce point par M. Claude Bérit-Débat, en désaccord avec l'estimation du coût de l'intercommunalité faite par M. Philippe Adnot, considérant que les projets mis en oeuvre par les intercommunalités étaient le plus souvent indispensables. Il s'est prononcé pour le projet de scrutin mixte pour élire les conseillers territoriaux, en estimant que leur existence serait de nature à permettre une meilleure cohérence entre les deux niveaux de collectivités. Il a regretté que la clause de compétence générale ait souvent pour conséquence d'obliger les départements à financer une multitude de projets de faible ampleur et a souhaité que soit reconnue la possibilité pour un niveau de collectivité de se substituer à un autre sur la base d'un constat de carence.

MM. Bruno Retailleau et Claude Bérit-Débat ont l'un et l'autre défendu la clause de compétence générale, qui constitue une liberté essentielle dont la mise en oeuvre s'arrête là où commence la compétence exclusive d'une collectivité locale. Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, a observé pour sa part qu'il ne fallait pas interdire aux collectivités d'agir.

M. Philippe Adnot a regretté que la mission préconise la suppression des syndicats à vocation unique en observant que certains étaient très utiles et que leur disparition pourrait constituer un recul. M. Pierre-Yves Collombat lui a fait observer qu'il était surtout question de lancer un mouvement afin de permettre aux intercommunalités d'absorber à terme toutes les compétences déléguées par les communes.

M. Claude Belot, président, a annoncé l'intention de créer au sein de la mission deux groupes de travail, l'un relatif aux compétences, l'autre aux finances locales, afin d'approfondir ces deux aspects de la réforme des collectivités locales.