Jeudi 2 avril 2009

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de M. Jean-Marie Faucher, directeur général de l'Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ)

La délégation a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Faucher, directeur général de l'Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ).

Mme Michèle André, présidente, a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre de la réflexion que la délégation venait d'entamer sur les femmes dans les lieux privatifs de liberté et a précisé à M. Jean-Marie Faucher, président de l'Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ), quelques-uns des thèmes sur lesquels la délégation souhaitait obtenir son point de vue.

M. Jean-Marie Faucher a tout d'abord présenté l'Association Réflexion Action Prison et Justice fondée, il y a trente ans, par des magistrats et des aumôniers protestants et catholiques pour faciliter la réinsertion sociale des détenus. Il a précisé que le budget de l'association, qui emploie 250 collaborateurs, avoisinait les 11 millions d'euros, financés à hauteur de 70 % par des crédits d'aide sociale de l'Etat, de 15 % par des subventions provenant de l'administration pénitentiaire et, pour le solde, par des soutiens divers apportés par les collectivités territoriales et par la Fédération d'entraide protestante.

Il a cependant déploré qu'un certain nombre de projets d'implantation de l'ARAPEJ aient été bloqués par des maires alors même qu'ils disposaient d'un financement et de moyens en personnels. Il a estimé que les appréhensions de ces élus n'étaient pas fondées, dans la mesure où, au cours de ses six années d'expérience professionnelle, il n'avait jamais constaté de cas de violences des anciens détenus à l'égard de la population.

Il a ensuite présenté les principaux axes d'action de l'ARAPEJ :

- l'aide à la réinsertion sociale et professionnelle des sortants de prison, avec huit centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et onze services rattachés qui représentent 400 places en Ile-de-France ainsi que l'animation de quatre chantiers d'insertion labellisés pour près de 80 emplois aidés, principalement occupés par d'anciens détenus ;

- la formation juridique à l'intention des travailleurs sociaux et des bénévoles ;

- le développement de l'accès au droit en détention avec quatre points d'accès au droit (PAD) à Fleury-Mérogis, à la maison d'arrêt de Nanterre, à Meaux Choconin et au centre de détention de Melun, auxquels s'ajoute l'ouverture d'un PAD dans le 15e arrondissement de Paris ;

- la mise en oeuvre des alternatives à l'incarcération, notamment avec des dispositifs de placement extérieur (PE), d'accès au bracelet électronique, de libération conditionnelle ou de suspension de peine pour des raisons médicales ;

- le soutien aux familles, grâce notamment à un « numéro vert » national financé par l'aide sociale également accessible aux détenus ;

- la lutte contre la récidive ;

- et, enfin, depuis peu, la lutte contre les violences conjugales avec, notamment, des dispositifs d'accueil des hommes violents. A cet égard, il a souligné que, en pleine conformité avec le droit en vigueur, il lui semblait hautement préférable d'éloigner du domicile familial l'agresseur plutôt que la victime.

Il a précisé que l'éthique de l'action de l'ARAPEJ se fondait sur le respect de la Déclaration des droits de l'homme. L'association a également fait référence, dans son règlement général, au principe de parité, cet objectif étant atteint dans les instances dirigeantes mais plus difficile à mettre en oeuvre au sein des équipes sociales, du fait de la faible représentation des hommes dans cette profession.

Puis M. Jean-Marie Faucher a rappelé que les femmes représentaient 3,4 % d'une population carcérale globale, estimée par l'administration pénitentiaire à 66 980 personnes, soit 2 309 femmes écrouées et 2 120 femmes détenues, signalant que le faible écart entre ces deux chiffres reflétait le petit nombre de femmes bénéficiant d'alternatives à l'incarcération. Il a ajouté que l'accueil des femmes au sein des structures de l'ARAPEJ était resté marginal jusqu'en 2006 : par la suite, une volonté de rééquilibrage, qui s'est traduite par la reprise de deux établissements jusqu'alors gérés par des congrégations religieuses et accueillant des femmes, dans le département de l'Essonne, et les travaux entrepris dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale d'Athis-Mons et de Belle Etoile, ont contribué à élargir l'accueil des détenues.

Il a rappelé que, en 2008, près de 5 000 personnes avaient bénéficié d'au moins un service de l'ARAPEJ, dont 6 % de femmes, soit 290 femmes, pourcentage faible encore mais qui traduit cependant un net progrès. Il a alors cité quelques exemples de l'action de l'association en faveur des femmes : en 2008, 147 femmes détenues sur 1 477 au total ont fait appel aux services du point d'accès au droit de Fleury-Mérogis ; en 2009, les dossiers présentés par 53 femmes âgées de 20 à 40 ans ont été traités. Par ailleurs, quatre établissements gérés par l'association accueillent des femmes.

M. Jean-Marie Faucher a ensuite indiqué que, selon les équipes sociales et médico-sociales confrontées à l'accueil de femmes, plus la population est féminine, plus les rapports dans la vie quotidienne sont tendus : les personnels doivent ainsi gérer des violences verbales et physiques plus fréquentes que chez les hommes. Il a estimé que ces tensions et ces rivalités étaient la conséquence d'un passé plus traumatisant chez les femmes que chez les hommes et du sentiment de honte que leur inspirait leur incarcération. Puis il a évoqué un certain nombre de situations caractéristiques : celles des femmes qui veulent reconstruire leur vie avec un enfant, ou celle des femmes sud-américaines impliquées dans le trafic de drogues et sous le coup d'un arrêté d'expulsion, ce qui limite les possibilités d'intervention des équipes de l'ARAPEJ. Il a également souligné les difficultés auxquelles sont confrontées les détenues qui souhaitent obtenir un titre de séjour et regretté l'insuffisance des études relatives à la sortie de prison et à la reconstruction des liens familiaux. Evoquant les femmes sortant de Fleury-Mérogis et accueillies à la résidence « Belle-Etoile » située à Athis-Mons, il a relevé que la plupart d'entre elles souffraient d'un sentiment de solitude, de honte, d'ennui et éprouvaient de la crainte à se projeter à l'extérieur de la prison.

M. Jean-Marie Faucher s'est demandé si le fait de libérer les détenus sans leur dispenser les ressources financières nécessaires, et parfois au coeur de la nuit, ne constituait pas des conditions instituées de récidive, pour les hommes comme pour les femmes. Il a rappelé que M. Pierre Lyon-Caen, vice-président de l'ARAPEJ, avait proposé d'y remédier en généralisant l'instruction précoce des dossiers de revenu minimum d'insertion au cours de l'incarcération afin que la première mensualité puisse être versée aux anciens détenus dès leur libération, et regretté que sa réalisation se heurte à une certaine rigidité de l'administration pénitentiaire.

Plus généralement, il a dénoncé, sur la base d'exemples concrets, un certain nombre de dysfonctionnements collectifs de la justice et de l'administration pénitentiaire qui ne sont pas imputables aux personnes, souvent de qualité, qui la composent. Il a notamment déploré le décalage entre un financement public de l'ordre de 32 à 35 € par jour, pour le placement extérieur des détenus, et le coût réel qu'il a évalué à 70 €. Il a également souligné les difficultés des partenariats avec les associations, qui s'expliquent par la complexité de l'articulation entre le travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les magistrats. Evoquant enfin la dimension psychologique et psychiatrique de la souffrance des détenus, il a déploré l'insuffisante solidité des partenariats avec l'Etat et certains hôpitaux dans ce domaine.

Un débat a suivi cet exposé liminaire.

Mme Michèle André, présidente, a souligné la franchise et la clarté d'un exposé qui ne cache pas la vulnérabilité des structures associatives et met en relief les difficultés soulevées par la réinsertion. Elle a déploré que les dysfonctionnements du système carcéral puissent constituer des incitations à la récidive.

En réponse à Mme Christiane Kammermann, M. Jean-Marie Faucher a indiqué que l'association était régulièrement sollicitée par les services consulaires pour les femmes françaises de l'étranger, dans la perspective de leur retour en France, en précisant que l'aide au rapatriement incluait l'accueil à l'aéroport des personnes concernées. Il a ajouté que les causes les plus habituelles d'incarcération étaient, pour les femmes, les drames familiaux comme l'infanticide et pour les hommes le trafic de stupéfiant.

Convenant avec Mme Christiane Kammermann que les déficiences en matière de logement et de ressources au terme de l'incarcération compromettaient le travail de réinsertion préalable, M. Jean-Marie Faucher a estimé que ces deux facteurs devaient être intégrés dans la problématique de la réinsertion. Puis il a souligné les difficultés et le malaise des conseillers d'insertion et de probation (CIP). Il a signalé, s'agissant des relations de l'association avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), que la rotation rapide du personnel de ces structures avait trop souvent pour effet de réduire à néant le travail de partenariat effectué antérieurement. Il a également estimé fondamental de préparer les femmes en détention à retrouver des liens familiaux.

M. Yannick Bodin a regretté que la problématique de la récidive ait été jusqu'à présent envisagée par le Gouvernement trop exclusivement sous l'angle de l'institution de peines plancher, en négligeant le travail de prévention. Il a invité l'intervenant à présenter des recommandations concrètes.

M. Jean-Marie Faucher a souligné qu'il convenait de perfectionner l'analyse des dysfonctionnements intervenant au moment de la sortie de prison et de favoriser l'amélioration des ressources des détenus. Il a également souhaité le développement de la mise en oeuvre des alternatives à l'incarcération dont le fonctionnement se révèle, en pratique, assez satisfaisant : à cet égard, il a précisé que, sur vingt-cinq personnes accompagnées par l'association, le taux d'échec se limitait à 5 %, expliquant ce bon résultat par le fait que l'ensemble du processus de réinsertion avait été enclenché avant la fin de l'accomplissement de la peine.

Mme Muguette Dini a demandé si l'administration pénitentiaire se souciait des conditions d'accueil à l'extérieur de la prison des personnes qu'elle libère. Rappelant que, à l'évidence, la fixation de l'horaire de sortie de prison relevait du domaine réglementaire, elle a estimé nécessaire que le Parlement puisse formuler une recommandation de bon sens tendant à éviter que les anciens détenus isolés et sans ressources soient libérés en pleine nuit.

M. Alain Gournac a appuyé ce propos, considérant que ce genre de mesure, qui ne peut cependant relever de la loi, touche au respect des personnes.

Mme Brigitte Bout a insisté sur l'importance vitale des liens familiaux ou personnels des détenus au moment de leur libération. Elle s'est interrogée sur les moyens de sensibiliser les juges d'instruction à la réalité concrète de l'incarcération et s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'organiser, à l'intention des magistrats, des stages en prison.

M. Jean-Marie Faucher a estimé que l'on pouvait trouver, parmi les magistrats, à la fois des gens qui font preuve d'humanité et des tenants d'une attitude plus répressive. Illustrant les mérites du dialogue et la nécessité de rester à l'écoute des détenus, il a alors évoqué son expérience antérieure en matière d'accueil des personnes atteintes du SIDA, en soulignant les progrès considérables apportés par une collaboration avec les structures associatives et par la communication avec les malades.

Mme Mireille Schurch s'est interrogée sur la proportion de femmes exerçant un travail en prison, estimant indispensable de leur appliquer les dispositions du code du travail et de leur garantir le niveau de rémunération, auquel elles ont droit et qui leur permette de se constituer des ressources suffisantes.

M. Jean-Marie Faucher a insisté sur le rôle central joué par le travail effectué par les détenus pendant et après l'incarcération, et regretté que celui-ci soit encore trop exclusivement guidé par le souci de l'administration pénitentiaire de lutter contre l'oisiveté en « occupant » les prisonniers alors même qu'un travail plus justement rémunéré est un bon outil de réinsertion. Faisant référence à des déclarations de M. Robert Badinter, il s'est dit convaincu que le respect de la personne détenue dans sa citoyenneté était une condition préalable de toute réforme législative réussie.

Mme Michèle André, présidente, a conclu la réunion en proposant à la délégation de visiter les installations de l'association situées à Athis-Mons, à l'occasion d'un prochain déplacement de la délégation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.

Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de M. Arnaud Philippe, président du Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), accompagné de Mme Lucie Fournier, déléguée régionale Ile-de-France

La délégation a ensuite procédé à l'audition de M. Arnaud Philippe, président du Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI) et de Mme Lucie Fournier, déléguée régionale Ile-de-France.

Mme Michèle André, présidente, a accueilli les intervenants et a indiqué que la délégation désirait approfondir la problématique des femmes dans les lieux privatifs de liberté, qui fera l'objet d'un rapport rendu à la fin de l'année. Elle a ensuite présenté plusieurs points sur lesquels la délégation souhaitait les entendre.

Elle a tout d'abord demandé à M. Arnaud Philippe de présenter le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), ses missions, ses moyens, ainsi que les relations qu'il entretient avec l'administration pénitentiaire et l'éducation nationale. Elle a ensuite souhaité connaître sa perception de la population carcérale féminine, notamment eu égard aux questions de la faiblesse de la formation initiale des détenues et de la prégnance des problèmes psychiatriques. Elle s'est également demandé si les conditions d'incarcération des femmes en établissement pour peine ou en maison d'arrêt étaient satisfaisantes, notamment concernant le maintien des liens familiaux, la formation professionnelle ou encore la réinsertion, et si la faiblesse de leur effectif posait à cet égard des problèmes spécifiques. Enfin, elle a souhaité connaître le point de vue des intervenants sur la façon dont s'effectuait la réinsertion des femmes détenues et sur les moyens à mettre en oeuvre pour l'améliorer.

Après avoir rappelé que le GENEPI avait été créé, en 1976, par M. Lionel Stoleru, dans le but de mettre en relation les étudiants de l'enseignement supérieur et les détenus, M. Arnaud Philippe a indiqué que ce groupement rassemblait aujourd'hui environ 1 300 étudiants bénévoles. Soulignant que l'action du GENEPI s'inscrivait dans le cadre général de l'effort public en faveur de la réinsertion, il a ajouté que ses missions s'étaient diversifiées. Il a indiqué, en effet, qu'elles consistaient, d'une part, en une action visant à apporter le savoir et des activités culturelles et socio-éducatives à l'intérieur des prisons et, d'autre part, en une action d'information et de sensibilisation du public à la réinsertion des personnes incarcérées dans le but de faire tomber un certain nombres de préjugés. Il a estimé que la préparation de la société à ré-accueillir en son sein les anciens détenus était un élément important de la politique carcérale. Il a enfin souligné que le GENEPI s'efforçait de mener une réflexion plus générale sur les thématiques carcérales et de justice et de prendre position sur ces sujets.

Après avoir précisé que le GENEPI intervenait très majoritairement chez les hommes en raison de leur plus grand nombre au sein des lieux privatifs de liberté, M. Arnaud Philippe a jugé que les conditions de détention des femmes étaient globalement meilleures que celles des hommes, dans la mesure où ces dernières n'étaient pas confrontées au problème de la surpopulation carcérale.

Évoquant la question des détenus particulièrement surveillés (DPS), dont l'administration pénitentiaire peut davantage craindre l'évasion, il a indiqué qu'ils étaient généralement envoyés dans les maisons centrales, établissements les plus sécurisés. A ce sujet, il a déploré que, en l'absence de telles structures pour les femmes, celles-ci soient assez systématiquement placées à l'isolement. Il a considéré que si l'isolement ne constituait pas, en théorie, une mesure disciplinaire, les détenues confrontées à cette situation se retrouvaient, en pratique, coupées de la plupart des liens sociaux possibles en détention.

S'appuyant sur des témoignages de bénévoles intervenant en prison pour le GENEPI, M. Arnaud Philippe a confirmé que les conditions de détention étaient, dans l'ensemble, plutôt meilleures pour les femmes que pour les hommes. Il a ainsi relevé que les femmes incarcérées se retrouvaient dans un environnement moins bruyant et moins tendu, que les relations entre les surveillantes et les détenues semblaient plus apaisées et qu'il y avait, en général, davantage d'activités chez les femmes, notamment dans les centres de détention.

Il a en revanche regretté que les femmes détenues soient encore trop souvent cantonnées à des activités dites traditionnelles et trop restreintes, comme la couture, la coiffure ou la bureautique.

Il a ensuite regretté l'absence quasi-totale de mixité dans l'univers carcéral féminin, tant au plan de la surveillance que de l'organisation d'activités. Il a indiqué par exemple que, dans le cadre des activités menées par le GENEPI en prison, il n'était pas possible que deux étudiants masculins dispensent des cours à des détenues, sauf dans les cas où il y a une possibilité de contrôle visuel.

Il a enfin souligné le problème de la stigmatisation des femmes condamnées pour infanticide, souvent mal vues et rejetées par l'ensemble de la population carcérale féminine.

M. Arnaud Philippe a ensuite abordé la question du rapport des détenues avec les hommes et de la sexualité. Sur la base de témoignages de bénévoles datant de 2004, il a remarqué que les unités de vie familiale (UVF) peinaient à s'installer chez les femmes. Il a donné deux raisons à cette difficulté : d'une part, la part non négligeable de femmes incarcérées pour des crimes familiaux, et, d'autre part, une certaine réticence chez les détenues femmes à faire rentrer leur famille en détention. Il a ensuite indiqué que les relations sexuelles des détenues, notamment dans les parloirs, étaient beaucoup moins fréquentes et plus difficiles chez les femmes que chez les hommes, l'administration se montrant moins conciliante par crainte des grossesses.

Rappelant que les règles pénitentiaires européennes préconisaient une formation spécialisée pour les surveillants des milieux dits particuliers, dont font partie les femmes détenues, M. Arnaud Philippe a regretté l'absence, notamment à l'Ecole nationale de l'Administration pénitentiaire (ENAP) d'une telle formation.

Après avoir remercié M. Arnaud Philippe pour son intervention, M. Alain Gournac a souhaité obtenir des précisions sur le nombre de sites où le GENEPI était présent ainsi que sur ses différents moyens d'intervention. Il a également souhaité connaître la position du GENEPI sur la problématique des fins de peine.

En réponse à M. Alain Gournac, MArnaud Philippe a indiqué que le GENEPI pouvait compter sur l'action de 1 300 étudiants bénévoles, intervenant au sein de 88 établissements pénitentiaires, soit à peu près la moitié du nombre total. Il a rappelé que, l'action du GENEPI étant dépendante de la présence d'une population étudiante, certaines régions isolées ne pouvaient être couvertes par son action. Sur la question des fins de peine, il a indiqué que le GENEPI s'était prononcé en faveur des aménagements de peine et que, à l'occasion de l'examen du projet de loi pénitentiaire, il avait, proposé un amendement dans le cadre du collectif octobre 2001, visant à permettre la libération conditionnelle, discrétionnaire à mi-peine et d'office aux deux tiers de la peine, sur le modèle de pays européens comme les Pays-Bas. Il a rappelé que le GENEPI considérait la préparation à la sortie de prison comme un investissement particulièrement utile car remettre un détenu en liberté sans qu'il ait pu bénéficier d'aucun aménagement de peine ni d'aucun accompagnement pour sa sortie pouvait porter préjudice au détenu lui-même ainsi qu'à l'ensemble de la société. Il a noté que, par rapport aux hommes, les femmes étaient moins incarcérées pour des petits délits, que la proportion de détenues incarcérées pour crime était plus importante et le taux de récidive plus faible.

M. Arnaud Philippe a déploré que, depuis la loi du 12 décembre 2005, les détenus en situation de récidive légale soient quasi exclus de la procédure de libération conditionnelle parentale, codifiée à l'article 729-3 du code de procédure pénale, soulignant que l'intérêt à prendre en compte dans une telle procédure devait demeurer celui de l'enfant.

A une question de M. Alain Gournac sur les motivations de l'engagement auprès de l'association du GENEPI, M. Arnaud Philippe a indiqué qu'il avait souhaité pouvoir donner des cours à un public différent et en difficulté, soulignant par ailleurs que cette expérience lui avait permis de pénétrer dans un univers mal connu.

Mme Lucie Fournier a estimé que l'action des membres du GENEPI était inséparable d'une réflexion approfondie sur toutes les questions touchant à la justice et aux thématiques carcérales. Elle a également indiqué que son intérêt pour ces sujets l'avait conduite à consacrer son mémoire de master 1 au thème de la littérature carcérale féminine.

A une interrogation de Mme Mireille Schurch qui a souhaité savoir si les bénévoles du GENEPI participaient à un projet plus global de formation des détenus et à un travail d'orientation professionnelle en vue de leur préparation à la sortie, M. Arnaud Philippe a répondu que leur association concentrait principalement son action sur les cours et ne s'occupait pas spécifiquement de formation professionnelle. Il a également indiqué que le GENEPI prenait en charge des ateliers ayant pour but d'entretenir et de stimuler une ouverture sur l'extérieur. Il a également évoqué le rôle de soutien que pouvait éventuellement jouer le GENEPI auprès des services de l'éducation nationale ou du centre national d'éducation à distance (CNED), insistant sur l'intérêt que pouvait représenter pour les détenus le contact avec une association ne représentant aucune institution. Il a ajouté que si le GENEPI pouvait aider les détenus à passer certains diplômes comme le diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU), les cours dispensés par les bénévoles concernaient principalement un niveau scolaire peu élevé. Sur cette question, il a distingué le cas des détenus condamnés à une courte peine, auxquels pouvait être dispensé un simple soutien scolaire, de celui des détenus condamnés à une longue peine, pour lesquels l'objectif était d'accompagner la vie en détention et de maintenir le lien avec l'extérieur, notamment par l'intermédiaire d'activités comme des revues de presse ou des jeux de société.

En réponse à une interrogation de Mme Mireille Schurch, M. Arnaud Philippe a indiqué que les cours dispensés par le GENEPI en prison pouvaient concerner la préparation au baccalauréat mais que ce cas était relativement rare. Il a ajouté que la préparation au brevet des collèges était plus fréquente et qu'il avait eu à connaître d'un cas de préparation à un diplôme du niveau de la licence. Il a rappelé que le nombre annuel de baccalauréats passés par an en détention était peu élevé.

Prenant pour exemple le cas d'un cours de niveau troisième dispensé à la maison d'arrêt de Fresnes par un bénévole du GENEPI, M. Arnaud Philippe a également indiqué que l'administration pénitentiaire concentrait plutôt son effort sur les bas niveaux et pouvait donc faire appel à leur association pour dispenser des cours d'un niveau plus élevé. Il a précisé que se posait alors souvent la question du repérage du niveau scolaire du détenu, ce qui prenait beaucoup de temps.

A une question de Mme Jacqueline Chevé qui, évoquant le thème du secret partagé, a souhaité obtenir des précisions sur la manière dont les bénévoles du GENEPI composaient avec les éventuelles confidences des détenus, M. Arnaud Philippe a répondu que ceux-ci évitaient d'entrer dans une relation de cette nature pour se concentrer sur une relation fondée sur un apport de savoir. Par ailleurs, il a affirmé que les bénévoles du GENEPI devaient signer auprès de l'association un engagement de ne pas divulguer les informations reçues à l'occasion de leurs activités en prison et que ces dispositions étaient renforcées dans le cas des activités menées par le GENEPI au sein de l'atelier nurserie au centre pénitentiaire de Rennes.

M. Arnaud Philippe a précisé à M. Yannick Bodin que 70 % des bénévoles du GENEPI étaient des étudiantes.

M. Yannick Bodin s'est ensuite interrogé sur les conditions de la prestation des bénévoles du GENEPI, notamment sur leur formation et sur leur encadrement pédagogique.

M. Arnaud Philippe a rappelé que l'objectif du GENEPI était double : apporter un savoir aux personnes incarcérées pendant leur détention et les aider à conserver un lien avec l'extérieur. Il a ensuite indiqué, en réponse à M. Yannick Bodin, que les bénévoles étaient tenus de signaler le niveau et le type d'enseignement qu'ils pouvaient prendre en charge, le baccalauréat étant une condition généralement suffisante pour pouvoir dispenser des cours d'un niveau inférieur à ce diplôme au lycée. M. Arnaud Philippe est également revenu sur le processus de formation mis en place par le GENEPI pour ses bénévoles, qui comprend quatre formations obligatoires auxquelles viennent s'ajouter deux formations facultatives supplémentaires, dont une pour les responsables de groupes. Il a également mentionné une formation annuelle concernant spécifiquement le français langue étrangère (FLE) ayant lieu au mois de novembre et organisée en coopération avec l'Agence française de lutte contre l'illettrisme, grâce à l'intervention d'une dizaine de formateurs professionnels. Il a précisé que, parmi les quatre formations obligatoires, la première avait lieu avant la première expérience en détention et avait pour but de préparer les bénévoles avec, notamment, des ateliers de mise en situation, l'intervention de personnels de l'Education nationale et la mise en place, par chaque étudiant, d'un projet pédagogique. Il a indiqué que les conseillers d'insertion et de probation étaient ensuite chargés de faire coïncider ces différents projets pédagogiques avec la demande des détenus. Il a ajouté que les autres formations étaient davantage axées sur une réflexion plus générale, sur les thèmes de la justice et de l'univers carcéral, sur l'analyse des différents retours d'expérience et sur des échanges de pratiques. Il a enfin souligné la récente mise en place d'une « Newsletter » par le GENEPI pour permettre un échange d'informations et d'expériences plus rapide.

En réponse à M. Yannick Bodin qui l'interrogeait sur l'enseignement des langues étrangères par le GENEPI, M. Arnaud Philippe a indiqué que les cours d'anglais ou d'arabe, par exemple, étaient assurés, sans toutefois que l'association puisse satisfaire à toutes les demandes de détenus.

Mme Anne-Marie Payet a souhaité avoir des précisions quant à la demande d'activités culturelles de la part des détenus.

M. Arnaud Philippe a insisté sur le fait que, dans le cas des activités culturelles, l'offre créait généralement la demande. Il a indiqué que certains projets culturels, plus libres et plus originaux, pouvaient fonctionner s'ils recevaient l'accord des conseillers d'insertion et de probation. Il a ajouté que les ateliers théâtre, les revues de presse ou encore les jeux de société faisaient partie des activités qui pouvaient attirer de nombreux détenus.

En conclusion, M. Arnaud Philippe a attiré l'attention des membres de la délégation sur la journée « Parlement-prisons », organisée par le GENEPI et qui a pour but d'inciter les parlementaires à utiliser le droit de visiter les établissements pénitentiaires que leur confie la loi du 15 juin 2000.

Mme Michèle André, présidente, a remercié les intervenants pour la précision de leurs réponses et a salué l'optimisme de leur démarche.

Echange de vues

Mme Michèle André, présidente, a souhaité revenir en quelques mots sur l'émotion provoquée ces derniers jours par la chanson du rappeur Orelsan.

Elle a indiqué que plusieurs des membres de la délégation lui avaient fait part de leur indignation, et que, partageant ce sentiment, elle avait pensé qu'il convenait de s'exprimer sans attendre sur ce sujet : aussi avait-elle diffusé en début de semaine un communiqué de presse qui avait été aussitôt distribué électroniquement aux membres de la délégation et figurait dorénavant sur le site du Sénat.

Elle a ensuite rappelé que les hébergeurs avaient accepté de restreindre l'accès à la vidéo de cette chanson pour les mineurs, mais n'étaient pas allés jusqu'à la retirer entièrement de la toile, comme on aurait pu le souhaiter, car ils hésitaient sur le caractère illicite du contenu incriminé.

Elle a indiqué que ces réticences avaient conduit Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, à annoncer devant l'Assemblée nationale son intention de faire instruire cette affaire par la justice pour envisager d'éventuelles poursuites, avec l'objectif de saisir le procureur de Paris dans les plus brefs délais.

Mme Michèle André, présidente, a présenté les leviers juridiques existant en ce domaine. Elle a rappelé que la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) avait inséré dans la loi sur la presse du 29 juillet 1881 toute une série de dispositions qui permettent de réprimer la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe.

Elle a ainsi précisé que le neuvième alinéa de l'article 24 de la loi de 1881 sanctionnait de un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ceux qui, par un quelconque moyen de communication, y compris un moyen de communication en ligne, auraient provoqué à la haine ou à la violence à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes, notamment en raison de leur sexe.

Elle a ajouté que les associations qui luttaient contre les violences ou les discriminations à l'encontre des femmes pouvaient se porter partie civile sur le fondement de l'article 48-5 de la loi de 1881, et que, dans la mesure où la publication de tels propos entraînait un trouble à l'ordre public, le ministère public pouvait également prendre l'initiative de poursuites judiciaires.

Elle a invité la délégation à rester attentive aux développements de cette affaire, et à tout faire pour éviter qu'elle ne parasite la lutte contre les violences faites aux femmes, qu'elle a jugée essentielle aux yeux de l'ensemble des membres de la délégation, comme l'a montré le débat en séance publique du 19 mars dernier.

A M. Alain Gournac qui se demandait si la délégation ne devrait pas prendre d'autres initiatives, Mme Michèle André, présidente, a indiqué qu'il fallait être conscient que, aussi justifiées qu'elles soient, les réactions à la chanson incriminée risquaient aussi, involontairement, de contribuer à la notoriété de leur auteur. Elle a soumis à la délégation l'idée d'adresser un courrier au maire de la ville de Bourges, où se déroulera mi-avril, comme chaque année, un festival de musiques actuelles, dont la programmation accueille le rappeur contesté.

Mme Françoise Laborde a indiqué qu'elle avait été contactée par plusieurs personnes, profondément choquées par la violence des parole de la chanson incriminée, et s'est réjouie de pouvoir les informer que, comme venait de l'indiquer la présidente, les associations de défense des droits des femmes pouvaient se porter partie civile et saisir la justice. Elle a précisé que la chanson en question ne constituait pas un dérapage isolé dans le répertoire du rappeur, comme le montraient les paroles d'une autre chanson : « la Saint-Valentin ».

Mme Michèle André, présidente, a invité les membres de la délégation à indiquer aux associations de défense des droits des femmes qui les contactent, qu'elles ont la possibilité de saisir la justice et d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour ce type de délit, à l'image de ce qu'ont déjà fait d'autres associations pour sanctionner des dérives racistes.

M. Alain Gournac et Mme Mireille Schurch ont fortement appuyé la proposition formulée par la présidente d'adresser un courrier au maire de Bourges pour lui exprimer la préoccupation des membres de la délégation.

Mme Michèle André, présidente, a proposé à la délégation de procéder, à l'issue des auditions prévues le jeudi 9 avril prochain, à un échange de vues sur les modalités de travail de la délégation. Elle s'est vivement alarmée des conséquences que la réforme du règlement du Sénat, actuellement à l'étude, pourrait avoir sur le bon fonctionnement de la délégation. Elle a compris le souci de réserver le mercredi matin aux travaux des commissions, mais a considéré qu'une réforme qui aurait pour effet d'interdire à la délégation de se réunir les mardi, mercredi et jeudi, ne lui permettrait plus de travailler normalement, et menacerait donc, en pratique, son existence. Elle a rappelé qu'elle avait déjà fait part au président du Sénat de sa vive préoccupation.

M. Yannick Bodin a indiqué que le groupe de travail sur le règlement du Sénat avait tenu hier sa dernière réunion et que son rapporteur s'apprêtait à présenter ses propositions, le Sénat devant aborder la discussion du projet de nouveau règlement intérieur dans le courant du mois d'avril.

Il a indiqué que ces propositions recommandaient de réserver les créneaux prioritaires à la séance publique et aux réunions de commissions, les autres organismes, délégations, observatoires, groupes de travail ou groupes interparlementaires d'amitié, n'ayant plus la possibilité de les utiliser que dans la mesure où ils seraient vacants.

Il s'est demandé si la possibilité, parfois évoquée, d'utiliser les heures des repas, ne serait pas compromise, du fait de l'allongement prévisible des réunions de commissions et notamment de celles qui sont consacrées à l'examen des amendements.

Mme Michèle André, présidente, a estimé que la délégation aux droits des femmes, dont la création résulte d'une disposition législative, l'article 6 septies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, ne pouvait être mise sur le même plan que les groupes de travail ou les groupes interparlementaires d'amitié. Elle a jugé que l'organisation d'un programme d'auditions ne pouvait s'improviser au jour le jour en fonction de vacances dans l'emploi du temps qui ne se confirmaient qu'au dernier moment.

Elle a souhaité que la délégation bénéficie d'un traitement comparable à celui de la commission des affaires européennes. Elle a indiqué que, avec l'accord des membres de la délégation, elle se proposait d'adresser au président du Sénat un courrier en ce sens, et de lui demander un entretien auquel elle proposerait à Mme Jacqueline Panis de l'accompagner en qualité de première vice-présidente.

M. Yannick Bodin a estimé qu'il convenait d'insister sur le fait que le fonctionnement de la délégation était très proche de celui des commissions.

Mme Michèle André, présidente, a regretté de n'avoir pas été auditionnée par le groupe de travail en qualité de présidente de la délégation. Elle a indiqué que sa démarche ne tendait qu'à faire reconnaître l'activité de la délégation, et à lui garantir les moyens de son bon fonctionnement.

M. Alain Gournac a souhaité que d'autres membres de la délégation puissent accompagner la présidente, lors de son entretien avec le président du Sénat, et Mme Christiane Kammermann, vice-présidente a exprimé à celle-ci son plein soutien.