Jeudi 14 mai 2009

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, accompagné de Mme Martine Clément, contrôleur

Mme Michèle André, présidente, a remercié M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, d'avoir accepté de venir, accompagné de Mme Martine Clément, contrôleur, présenter son point de vue sur les femmes dans les lieux privatifs de liberté, sujet qui constitue le thème d'étude de la délégation pour 2009. Elle a rappelé que, compte tenu de l'importance que revêtait cette audition, elle avait souhaité qu'elle soit une audition publique, qu'elle puisse ensuite être diffusée sur la chaîne parlementaire Public Sénat et qu'elle soit en ligne sur le site Internet du Sénat.

Elle a précisé que la délégation avait décidé de définir, de façon large, le champ de cette étude et, à travers la notion de lieux privatifs de liberté, de s'intéresser non seulement aux établissements pénitentiaires proprement dits, mais aussi aux centres de rétention pour étrangers, aux centres hospitaliers spécialisés, aux dépôts et geôles des palais de justice, des commissariats ou des gendarmeries, bref, à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté par décision d'une autorité publique.

Mme Michèle André, présidente, a rappelé que, au cours des trois derniers mois, la délégation avait déjà procédé à une dizaine d'auditions qui lui avaient permis de recueillir le point de vue des représentants de l'administration pénitentiaire, ainsi que de ceux d'un certain nombre de structures associatives ou de professions médicales. Elle a également signalé que la délégation avait effectué une première visite au centre pénitentiaire de Rennes. Ces premiers travaux lui avaient permis de constater que, si les femmes ne représentaient qu'une proportion marginale de la population carcérale et une proportion un peu supérieure, quoique mal évaluée, de la population des dépôts ou des centres de rétention pour étrangers, le problème des femmes dans les lieux de privation de liberté n'était pas, pour autant, marginal et ce pour trois raisons.

Elle a estimé que, en premier lieu, la situation des femmes n'était pas dissociable de la problématique générale de l'incarcération : si les femmes, étant moins nombreuses, étaient moins affectées que les hommes par le problème de la surpopulation carcérale, cette impression générale devait être nuancée, établissement par établissement ; les femmes pâtissaient également de la fréquente vétusté des locaux ainsi que de l'impréparation fréquente des remises en liberté lorsqu'elles sortent de prison sans ressources et sans solutions d'hébergement.

Elle a estimé, en deuxième lieu, que la faible proportion des femmes était, en elle-même, une source de problèmes spécifiques dans la mesure où elle pouvait entraîner, soit un éloignement géographique de leur foyer, qui rend difficile le maintien des liens familiaux, soit une incarcération dans des quartiers pour femmes très exigus, enclavés dans des établissements essentiellement masculins.

Enfin, Mme Michèle André, présidente, a énuméré un certain nombre de problèmes propres aux femmes : celui des femmes enceintes et celui des femmes ayant de jeunes enfants ; le maintien des liens familiaux ou des relations avec les enfants, qui revêtent pour elles une importance cruciale, et, enfin, la relation spécifique qu'elles ont à leur intimité, qui les rend plus sensibles que les hommes à des pratiques comme les fouilles à corps, qu'elles ressentent comme particulièrement humiliantes.

Elle a relevé que, dans le rapport d'activité qu'il vient de publier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté consacrait un chapitre entier à cette question cruciale de l'intimité dans les lieux de privation de liberté.

M. Jean-Marie Delarue s'est demandé si, compte tenu de la réalité carcérale à laquelle sont soumis les détenus, hommes ou femmes, il ne convenait pas de parler d'une forme d'égalité des malchances plutôt que d'égalité des chances.

Il a illustré son propos en citant la correspondance d'une détenue qui donnait trois illustrations concrètes du lot quotidien des personnes en détention : les secours tardifs et négligents qu'on lui avait apportés à la suite d'une chute grave, les retards dans le paiement des salaires qui compromettaient la possibilité de « cantiner » ou encore l'impossibilité de louer un réfrigérateur pour conserver, en cellule, des produits frais.

Il a estimé que, quelles que soient les causes ou les maladies mentales qui justifient une privation de liberté, celle-ci était, d'une façon générale, aggravée par un ensemble de difficultés : la privation de travail, la privation des liens avec les proches et qu'elle se traduisait, en définitive, par une sorte de dépossession de soi. Il a indiqué qu'il s'attacherait, dans son propos, à examiner dans quelle mesure celle-ci affectait différemment les hommes et les femmes.

Abordant cette question sous un angle quantitatif, M. Jean-Marie Delarue a rappelé que la population carcérale étant, pour l'essentiel, constituée d'hommes, il convenait d'examiner dans quelle mesure les lieux de privation de liberté, d'abord conçus pour ces derniers, pouvaient effectivement réserver une place convenable aux femmes, malgré leur présence extrêmement minoritaire, à savoir, environ 3,5 % de la population carcérale - 2 386 femmes sont écrouées au 1er avril 2009 - sur un total de 68 544. Il a précisé que 238 femmes détenues, soit 10 %, faisaient l'objet de mesures alternatives à l'incarcération, en signalant que cette proportion était supérieure à celle des hommes, sans que les raisons en soient bien connues.

Puis il a déploré l'absence de statistiques sexuées recueillies dans les lieux de privation de liberté autres que la prison, notamment les centres de rétention ou certains hôpitaux. Il a estimé, sur la base des registres de garde à vue qu'il a consultés, que les femmes représentaient approximativement 10 % du total des 578 000 personnes placées en garde à vue en 2008. Il s'est demandé si ce défaut général de quantification ne trahissait pas le peu d'attention portée par les autorités administratives à la différence de genre.

S'attachant à mieux cerner la spécificité des causes d'incarcération des femmes par rapport à celles des hommes, M. Jean-Marie Delarue a rappelé la proportion élevée des détenues condamnées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants ou des crimes commis contre des proches, notamment l'infanticide. Rappelant, à cet égard, la distinction entre infractions « nobles » et « ignobles » qui sévit en prison et la hiérarchie entre les détenus qui en résulte, il a souligné que l'infanticide déclenchait des comportements de haine, de mépris et de harcèlement. Il a, par ailleurs, fait référence au témoignage de Mme Christiane de Beaurepaire, médecin-chef du service médico-psychologique régional (SMPR) de la prison de Fresnes mettant en évidence, dans un livre récent, que ce sont les mères souffrant d'une situation d'abandon qui sont amenées à commettre de tels crimes.

Il a ensuite indiqué qu'il n'y avait, en principe, aucune différence dans le régime de détention des hommes et celui des femmes, à l'exception du régime spécifique prévu par le code de procédure pénale applicable à celles qui sont enceintes ou détenues avec leur enfant en bas âge. Il a précisé que les femmes, comme les hommes, subissaient les inconvénients liés à la vétusté apparente ou structurelle de leurs quartiers respectifs ainsi qu'au traitement des détenus, parfois dénué d'aménité. M. Jean-Marie Delarue a signalé, dans ce domaine, que les femmes souffraient plus que les hommes d'une absence de civilité, en évoquant les effets bénéfiques des pratiques malheureusement peu répandues tendant à appeler une femme détenue « madame » plutôt que par son seul patronyme : il a souligné que la généralisation d'une telle pratique à l'ensemble des détenues constituerait une réforme qui ne coûterait rien aux finances publiques. Il a également signalé que la violence était présente partout en prison mais qu'elle s'exprimait de façon moins visible dans les quartiers réservés aux femmes.

Il a ajouté que la prise en charge des femmes détenues soulevait davantage de difficultés que celle des hommes, particulièrement dans les établissements où elles sont minoritaires, du fait de l'obligation de respecter le « principe d'étanchéité » entre hommes et femmes. Cette exigence conduit à intercaler les mouvements des femmes - comme, en principe, ceux des mineurs - entre ceux des hommes, ce qui a pour effet de limiter leur accès aux services communs, comme la bibliothèque, ou aux soins médicaux. Il a signalé que les assouplissements aux délais d'attente pour bénéficier d'une consultation médicale relevaient parfois, d'un « arbitraire » fréquemment évoqué par les anciens détenus comme l'une des caractéristiques majeures de leur condition carcérale. En revanche, il a mentionné, à titre de contre-exemple, le cas d'un établissement pénitentiaire disposant d'un atelier pour trente-cinq femmes et de deux pour sept cent quinze hommes, apportant dans ces cas précis aux premières des chances d'accès supérieures aux activités alors que, d'une manière générale, c'est plutôt la situation contraire qui prévaut.

S'agissant des couples, il a tout d'abord rappelé que les règles pénales imposaient, en matière de garde à vue et de détention, une ségrégation stricte entre les genres mais qu'il n'existait aucune obligation de ce type pour les personnes hospitalisées sous contrainte en soins psychiatriques même si cette ségrégation y était cependant parfois imposée par des décisions discrétionnaires prises par le médecin-chef. Rappelant que l'expérience des unités de vie familiale, qui permet à des condamnées à de longues peines de recevoir leur famille ou leurs proches, ne s'est encore développée que dans une très faible minorité d'établissements, il a également déploré l'insuffisance du nombre de parloirs spécialement aménagés pour les enfants.

Faisant référence aux articles D.400 à D.401-2 du code de procédure pénale, ainsi qu'à la circulaire du 18 aout 1999 sur les conditions d'accueil des enfants laissés auprès de leur mère incarcérée, M. Jean-Marie Delarue a alors abordé le régime particulier applicable aux femmes détenues enceintes ou ayant accouché, en définissant les caractéristiques particulières imposées aux cellules hébergeant les jeunes mères avec leur enfant et en précisant, notamment, que l'exigence d'une superficie minimale de quinze mètres carrés et de deux parties bien distinctes était, en général, satisfaite. Il a également indiqué que les mères détenues pouvaient, par exception, être autorisées à garder leur enfant auprès d'elles au-delà de l'âge de dix-huit mois, en particulier lorsque leur détention touchait à sa fin. Il a douté que la séparation qui intervient alors et qui constitue un moment pénible, avec tous ses aléas, soit toujours bien préparée. Puis il a évoqué la souffrance lancinante et quotidienne que représentait, pour les femmes incarcérées, la séparation d'avec leurs enfants et regretté que les parloirs ne soient, dans l'ensemble, guère adaptés à la visite des enfants.

Au titre des atteintes à l'intimité et à la pudeur, il a évoqué « l'habitude très générale » qui consiste à priver les femmes en garde à vue de leur soutien-gorge.

Tout en admettant la nécessité de respecter les impératifs de sécurité, il a, sur ce point précis, constaté que ni la direction générale de la gendarmerie, ni la direction générale de la police n'avaient pu lui fournir des données permettant d'établir la moindre corrélation entre le port de ce type de sous-vêtement et l'existence de tentatives d'auto-agressions. Il a alors déploré que l'administration puisse ainsi ignorer la dignité des personnes sans s'appuyer, par ailleurs, sur un quelconque fondement réglementaire, ni sur l'existence d'un risque avéré. M. Jean-Marie Delarue s'est demandé si les femmes ainsi humiliées, et qui passent parfois directement de la garde à vue à la comparution immédiate, ne seraient pas en mesure d'invoquer, avec succès, devant la Cour européenne des droits de l'Homme, une atteinte à la règle du procès équitable. Il a, en conséquence, fermement préconisé de renoncer à cette pratique indigne. Par ailleurs, il a indiqué que son rapport mentionnait également le témoignage d'une femme qui, après avoir été examinée par un médecin sous l'oeil de surveillantes, avait décidé de renoncer aux soins médicaux. Il a mis en cause l'incapacité de l'administration de discerner les vrais risques et de mettre en balance la dignité de la personne et les risques d'évasion ou de fuite des détenus, considérant que celle-là devait être respectée tant que ceux-ci n'étaient pas démontrés.

Estimant que les femmes doivent être plus rigoureusement protégées que les hommes des atteintes à la pudeur, il a marqué sa préférence pour que des femmes dirigent plus systématiquement les équipes de surveillants des quartiers féminins.

M. Jean-Marie Delarue a enfin regretté la persistance des stéréotypes sexués qui conduisent, par exemple, à proposer plus volontiers aux femmes des cours de broderie et aux hommes des enseignements de conduite de véhicules. En revanche, il s'est montré favorable au maintien des ateliers de coiffure et de maquillage, qui permettent aux détenues de soigner leur apparence et ainsi de retrouver leur fierté.

M. Jean-Marie Delarue a conclu son propos en estimant que « les femmes souffrent plus que les hommes en prison » et que ce constat justifiait un traitement différencié entre femmes et hommes dans les lieux de détention afin de préserver leur dignité et de prendre en considération leur rôle de mère. En même temps, il a estimé souhaitable de combattre les stéréotypes de genre afin de donner aux femmes et aux hommes les mêmes chances de réinsertion.

Un débat a suivi cet exposé.

Mme Jacqueline Panis a demandé des informations sur le niveau d'alphabétisation des femmes détenues et les moyens mis en oeuvre pour le faire progresser.

M. Yannick Bodin s'est demandé s'il convenait, au regard notamment des critères d'éloignement géographique et d'amélioration des conditions d'incarcération ainsi que de réinsertion, de favoriser plutôt la détention des femmes dans de grands centres pénitentiaires qui leur soient réservés, comme à Rennes, ou dans des quartiers au sein des établissements majoritairement pour hommes.

Mme Mireille Schurch a souhaité des précisions sur l'âge et la situation socio-professionnelle des femmes en détention ainsi que sur leur réinsertion.

M. Robert Badinter a souhaité savoir si le phénomène de l'accroissement des violences entre détenus concernait aussi les femmes.

Evoquant les règles pénitentiaires européennes spécifiques aux femmes ainsi que le principe de l'hébergement dans une cellule individuelle, Mme Alima Boumediene-Thiery a demandé à M. Jean-Marie Delarue d'indiquer celles dont il estimait la mise en oeuvre la plus urgente.

Mme Gisèle Printz s'est demandé si les femmes détenues étaient parfois victimes de harcèlement sexuel commis par des surveillantes ou par d'autres détenues.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Marie Delarue a apporté les précisions suivantes :

-  aucune donnée chiffrée ne permet de diagnostiquer une différence entre hommes et femmes détenus en matière d'illettrisme : les tests effectués lors de l'entrée en détention indiquent qu'en général 30 % des personnes ont de graves difficultés de lecture ; des activités d'alphabétisation sont organisées mais, à cet égard, les freins à l'accès des femmes incarcérées aux dispositifs communs à l'ensemble des détenus doivent être rappelés ; il faut saluer les efforts accomplis par le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI), constitué d'étudiants qui viennent bénévolement donner des cours en prison.

- il n'y a pas, globalement, de surpeuplement carcéral dans les quartiers réservés aux femmes puisque le taux de remplissage de ces prisons est de 90 % ; la séparation entre les quelque 30 % de prévenues et les 70 % de condamnées est cependant plus difficile à mettre en oeuvre pour les femmes que pour les hommes ; ensuite, le regroupement des « longues peines » dans de grands établissements, comme à Rennes, qui se traduit par un éloignement des familles, est extrêmement dommageable pour les femmes, cette difficulté étant également observable pour les mineurs ; enfin, la construction de nouveaux établissements de grande dimension devrait, à l'avenir, être proscrite, compte tenu de leurs inconvénients ; ils présentent non seulement une différence d'échelle mais aussi et surtout de nature avec les établissements à taille humaine : afin d'améliorer les conditions d'incarcération dans les grands ensembles pénitentiaires existants, il conviendrait d'y reconstituer des unités autonomes plus petites et de réfléchir à la construction de petites entités réservées aux femmes.

- l'âge moyen des femmes en détention, oscillant entre 37 et 38 ans, apparaît comme un peu plus élevé que celui des hommes : celles qui ont commis des infractions à la législation sur les stupéfiants sont, en général, très jeunes tandis que les femmes condamnées pour escroquerie sont plus âgées ; de façon générale, les détenues proviennent de milieux très défavorisés et sont très désocialisées lors de leur incarcération ; leur réinsertion est, en général, très difficile ; peu d'actions d'insertion efficaces sont entreprises et la sortie dite « sèche », sans solution préparée, est prédominante, à 80 % selon les études effectuées récemment dans le ressort de la cour d'appel à Amiens.

- l'administration pénitentiaire recense précisément les agressions commises sur des personnels par les détenus mais a du mal à comptabiliser les agressions des personnes incarcérées entre elles, ces dernières étant souvent dissimulées par les détenus eux-mêmes ; la montée des violences se manifeste aussi chez les femmes et, en particulier, chez les jeunes, tout particulièrement chez celles qui sont condamnées pour trafic de stupéfiants ; il faut prendre en compte les différentes formes que peuvent prendre ces violences qui ne se limitent pas aux agressions physiques.

- le droit à l'encellulement individuel résulte d'une règle de droit français et non d'une règle européenne ; il n'est ni plus ni moins important pour les femmes que pour les hommes ; il conviendrait d'accorder une attention particulière à la règle pénitentiaire européenne relative aux communications téléphoniques des détenus ; le projet de loi pénitentiaire prévoit d'étendre la mise à disposition d'un téléphone au bénéfice des prévenus ; à l'heure actuelle, dans les prisons, les téléphones sont installés dans les cours de promenade où les personnes incarcérées sont susceptibles d'être soumises à diverses pressions ou menaces ; tout particulièrement pour les femmes, la possibilité de téléphoner librement à leurs proches serait de nature à adoucir leurs conditions de détention.

- le harcèlement sexuel entre détenues existe, mais il est beaucoup moins fréquent chez les femmes que chez les hommes ; entre personnels et détenus, des rumeurs circulent parfois à ce sujet dans les quartiers de femmes mais aucun témoignage n'a signalé jusqu'alors de faits graves dans ce domaine.

Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Audition de M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, accompagné de Mme Marguerite Nass, déléguée du médiateur de la République en Moselle

La délégation a ensuite entendu M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, accompagné de Mme Marguerite Nass, déléguée du médiateur de la République en Moselle.

Mme Michèle André, présidente, a tout d'abord accueilli les intervenants et leur a indiqué que leur audition s'inscrivait dans le cadre de l'étude menée par la délégation sur la question spécifique des femmes dans les lieux privatifs de liberté, entendus au sens large, et qui fera l'objet d'un rapport dont les conclusions seront rendues en fin d'année. Elle leur a indiqué l'état d'avancement des travaux, précisant que la délégation avait déjà procédé à une dizaine d'auditions de fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, de représentants des médecins psychiatres et de responsables de diverses associations intervenant dans les lieux de privation de liberté et qu'elle avait visité le centre pénitentiaire de Rennes.

Après avoir rappelé que la fonction de médiateur de la République amenait nécessairement à percevoir la réalité carcérale à travers les différentes saisines dont il fait l'objet, en particulier par l'intermédiaire de ses délégués, présents dans un nombre croissant de centres de détention, elle a précisé aux intervenants les trois points principaux sur lesquels la délégation souhaitait les entendre. Elle a tout d'abord indiqué que la délégation désirait connaître l'appréciation qu'ils portaient, globalement et par catégorie d'établissements, sur la situation des femmes dans les différents lieux de privation de liberté. Elle a ensuite abordé la question de la nature des plaintes et des réclamations dont le médiateur de la République et ses délégués étaient saisis. Enfin, elle a souhaité connaître leurs recommandations pour améliorer la situation de ces femmes et mieux garantir le respect de leur dignité.

M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, a tout d'abord rappelé que, dès sa prise de fonctions, il avait obtenu de la Chancellerie la possibilité d'expérimenter et de mettre en oeuvre un programme visant à ce que toute personne incarcérée puisse avoir accès au droit, par l'intermédiaire des délégués du médiateur. Il a estimé que, aujourd'hui, environ 50 000 détenus sur 60 000 avaient accès à l'un de ces délégués et a indiqué que l'objectif était que la totalité de la population carcérale y ait accès en 2010. Il a souligné que cet accès à un délégué du médiateur était de droit, confidentiel, et qu'il ne pouvait porter que sur un dysfonctionnement de l'administration française. Concernant la nature des plaintes adressées au médiateur ou à ses délégués, il a indiqué que seules 30 % d'entre elles concernaient l'administration pénitentiaire et, plus précisément, des questions relatives à la perte d'objets en cas de transfert, à l'accès aux soins, à la problématique du rapprochement familial, ou encore au calcul de fins de peine. Ayant constaté que toutes les autres plaintes concernaient les relations avec l'administration, il a suggéré à la délégation qu'il serait peut-être souhaitable d'approfondir la réflexion sur les moyens d'ancrer les centres de détention dans leurs territoires d'implantation. Il a jugé réducteur de ne fixer comme objectif aux centres de détention que de protéger certains êtres humains de la dangerosité d'autres êtres humains.

S'appuyant sur les dysfonctionnements administratifs révélés par les plaintes dont il est régulièrement saisi et sur les problèmes qu'ils peuvent engendrer, il a ensuite attiré l'attention de la délégation sur la situation des femmes dont le conjoint ou les membres de la famille sont en lieux privatifs de liberté, et à l'encontre desquelles certaines dispositions administratives, comme la suppression de l'aide personnalisée au logement, ou certaines problématiques comme l'accès aux soins ou l'éducation des enfants, constituaient en quelque sorte une double sanction, s'ajoutant, pour les proches, à la sanction du détenu. Il a considéré que la délégation pourrait peut-être y consacrer un volet au sein de son étude annuelle. Il a par ailleurs indiqué que ces dysfonctionnements pouvaient empêcher certaines détenues étrangères, impliquées dans des trafics de drogue, de faire l'objet d'un rapprochement avec leur pays d'origine.

Il a ainsi insisté sur la nécessité d'une réflexion autour du double thème suivant : centres de détention et territoires d'une part, et centres de détention et réinsertion d'autre part, avec un accent spécifique mis sur le thème du maintien des liens familiaux.

M. Jean-Paul Delevoye a ensuite considéré qu'il était impossible de demander à la fois à l'administration pénitentiaire d'être un acteur de la réinsertion et de faire en sorte que la sanction ait un caractère pédagogique, sans avoir un débat sur le fait que la faute est l'échec d'une éducation et sur le fait qu'un détenu ne pouvait se réinsérer s'il était victime d'une violence supplémentaire s'ajoutant à celle qui l'a conduit en prison. Il a ainsi estimé que l'accompagnement de la réinsertion était un élément plus important que la gestion de la privation de liberté.

Il a indiqué que c'était l'équilibre entre la préservation de la dignité humaine et certaines exigences de sécurité qui était à l'origine d'un grand nombre de débats comme celui relatif aux conditions de la garde-à-vue. Il a estimé que la prise en compte de ces deux impératifs devait mener à une réflexion sur l'inévitable prise de risques de certains choix, qui permettent de préserver la dignité humaine.

Considérant que cette question était de l'ordre de la responsabilité, il a souhaité, pour sa part, que l'agent public, amené par la décision politique à respecter l'équilibre entre la dignité humaine et la sécurité, puisse être protégé et que, si la faute professionnelle devait être condamnée, l'erreur devait être excusée si elle avait été respectueuse des procédures. Il a insisté sur le fait que, à partir du moment où l'on travaillait sur des sujets concernant les êtres humains, il était nécessaire d'accepter l'existence d'une part d'imprévisible, et sur le fait que la prison ne constituait qu'un des éléments de cette réflexion.

Abordant plus particulièrement la question des femmes dans les lieux privatifs de liberté, M. Jean-Paul Delevoye a retracé, d'abord, les six problématiques les plus sensibles, à savoir l'accès à la santé, la situation des femmes enceintes, la situation des mères avec leurs enfants, la réinsertion professionnelle, la dépendance, notamment à certains stupéfiants, les troubles psychologiques, puis, enfin, la problématique de la discrimination.

Après avoir noté qu'il n'existait aucune disposition spécifique à la situation des femmes enceintes incarcérées, le médiateur de la République s'est demandé si la loi pénitentiaire ne devrait pas aborder ce sujet, comme cela avait été fait par exemple pour l'interruption volontaire de grossesse pour les mineures en détention. Il a en effet estimé que, dans certains cas, les détenues enceintes nécessitaient, dans l'accompagnement des soins, une pédagogie et un personnel médical plus adaptés.

Concernant le maintien des liens familiaux, il a relevé que le Sénat n'avait pas modifié le régime des visites rendues aux condamnés mais l'avait amélioré pour les prévenus.

Sur la question des femmes accompagnées d'enfants de moins de dix-huit mois, il a regretté que les locaux spécifiques prévus soient peu nombreux et peu adaptés aux jeunes enfants et que la loi pénitentiaire n'évoque pas la situation de ces femmes avec enfants, attirant l'attention des membres de la délégation sur le risque que la mère soit pénalisée, du fait de sa situation, dans la préparation de sa réinsertion.

Après s'être réjoui de la mise en place, dans certains établissements pénitentiaires, des règles pénitentiaires européennes 34-3 et 36-6, concernant la situation des femmes accompagnées d'un enfant, et de la prise en compte de la règle 99, concernant le maintien des liens familiaux par le projet de loi pénitentiaire, il a fait part de son souhait de voir poursuivie et accompagnée d'effets l'application de ces règles.

A propos des centres de rétention, il a indiqué que se posaient de nouveaux problèmes concernant l'interprétariat, d'une part, et la présence d'enfants de plus en plus nombreux, d'autre part.

Au sujet des institutions psychiatriques, il a indiqué qu'il avait visité, à la demande du commissaire européen des droits de l'Homme, l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris.

M. Jean-Paul Delevoye a ensuite présenté l'exemple du système pénitentiaire danois, fondé sur le principe selon lequel la détention devait se rapprocher le plus possible de la vie en liberté et où la surpopulation est interdite par la loi. Il a indiqué les principales caractéristiques de ce modèle qui favorise l'ouverture sur l'extérieur et considère que l'inactivité compromet les chances de réussite de la réinsertion, dans la mesure où le sentiment d'inutilité que pouvait ressentir un détenu l'éloignait de toute possibilité de retrouver une vie collective à sa sortie. Il a relevé que, au Danemark, tout était fait pour que les détenus soient capables de maîtriser leur vie quotidienne. Il a ajouté que les problèmes de santé mentale étaient soignés en dehors du système pénitentiaire et que les toxicomanes étaient traités de manière spécifique. Il a indiqué que le taux de suicide en prison était faible au Danemark, relevant qu'il n'y en avait eu qu'un seul en cinq ans, que les visites conjugales étaient fréquentes et les parloirs privés multiples, que les couples mariés pouvaient habiter dans la même unité de détention et que la majorité des centres de détention étaient mixtes, même si les femmes pouvaient demander à être incarcérées séparément. Il a ajouté que les enfants pouvaient rester avec leur mère jusqu'à l'âge de trois ans.

M. Jean-Paul Delevoye a ensuite évoqué l'exemple de la prison ouverte de Frondenberg en Rhénanie du Nord - Westhphalie, qui regroupe seize mères et leurs enfants jusqu'à l'âge de six ans. Il a indiqué que ces femmes étaient incarcérées dans des petits appartements et que les enfants ne se rendaient même pas compte qu'ils étaient en prison car les personnels ne portaient pas d'uniforme et aidaient ces femmes dans la prise en charge des enfants.

Il a rappelé que ces différents exemples montraient bien qu'une large réflexion était menée à l'échelon européen sur les mères incarcérées accompagnées de leurs enfants.

Mme Marguerite Nass, déléguée du médiateur de la République depuis 2007 en Moselle, a ensuite pris la parole pour évoquer son expérience à Metz. Après avoir indiqué qu'elle intervenait à la maison d'arrêt de Queuleu, elle a rappelé que le rôle d'un délégué du médiateur dans une maison d'arrêt ou un centre pénitentiaire était le même qu'à l'extérieur. Elle a précisé que les délégués intervenaient en toute indépendance et de manière bénévole, et que les interventions se concentraient, en règle générale, sur une demi-journée par semaine, uniquement à la demande des détenus. Elle a ajouté qu'elle se rendait également dans le « quartier arrivant » de la maison d'arrêt de Metz pour expliquer aux détenus la mission des délégués du médiateur et a insisté sur le fait que ces derniers n'avaient pas vocation à se substituer aux autres personnels intervenant en milieu pénitentiaire comme les avocats, les assistants sociaux, les magistrats, ni à aborder les questions pénales. Elle a indiqué, à cet égard, que les délégués du médiateur n'intervenaient qu'après avoir pris contact avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Mme Marguerite Nass a indiqué que la capacité de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu était de 408 places pour les hommes et 19 pour les femmes, avec une possibilité d'accueil de 26 mineurs, mais que la population actuelle atteignait 489 détenus chez les hommes et 31 détenues chez les femmes. Elle a attiré l'attention sur l'existence d'une surpopulation chez les femmes avec deux cellules accueillant six personnes. Elle a indiqué qu'il y avait également une détenue enceinte dans une cellule de deux personnes.

Elle a tout d'abord souligné que les quartiers de femmes étaient beaucoup plus propres que ceux des hommes, les détenues veillant à assurer elles-mêmes l'entretien de leurs locaux.

En revanche, en dehors de l'aspect hygiénique des conditions de leur détention, elle a considéré que les femmes détenues étaient pénalisées à tous les niveaux. Elle a loué les efforts entrepris par Mme Sophie Bleuet, la nouvelle directrice de la maison d'arrêt de Metz, qui est une maison d'arrêt expérimentale, comme par exemple la séparation des condamnés et des prévenus, pour les femmes comme pour les hommes, et surtout la mise en place d'un quartier arrivant. Elle a pourtant déploré que les femmes n'aient pas accès à ce dispositif qui permettait aux détenus arrivant en prison d'avoir, pendant une durée variant de huit à dix jours, des informations sur les conditions de fonctionnement de la maison d'arrêt, les différents intervenants en milieu pénitentiaire comme les services d'insertion et de probation, les visiteurs de prison ou encore les aumôniers, et de se familiariser avec le règlement intérieur de l'établissement.

Mme Marguerite Nass a également regretté que les femmes ne puissent pas être proposées pour les peines aménagées dans la mesure où le centre pour peines aménagées (CPA) de Metz, qui dispose d'environ 60 à 70 places, ne pouvait accueillir que des hommes. Par ailleurs, elle a indiqué que les femmes bénéficiaient rarement du placement sous surveillance électronique, malgré l'intérêt de cette option dans certains cas. Elle a ajouté que, en dehors des libérations conditionnelles parentales, qui n'étaient pas systématiquement accordées, les femmes n'avaient pas accès aux chantiers extérieurs, et qu'elles n'avaient pas non plus d'atelier à leur disposition au sein de la maison d'arrêt dans la mesure où le local prévu à cet effet ne respectait pas les normes en vigueur.

Elle a ensuite abordé le problème, prioritaire selon elle, des enfants, indiquant que les femmes se plaignaient souvent des difficultés rencontrées pour obtenir un rendez-vous auprès des conseillers d'insertion et de probation, chacun étant en charge du suivi d'une centaine de détenus. Elle a évoqué le travail en Moselle de l'association Marelle, qui remplit un rôle de médiation en matière de droit de visite et d'hébergement, en assurant l'accompagnement des visites rendues par leurs enfants aux femmes détenues. Toutefois, dans la mesure où les éducateurs de l'association ne prenaient en charge les enfants qu'à l'entrée de la maison d'arrêt, cet accompagnement ne résolvait qu'une partie du problème. A titre d'illustration des obstacles à la réalisation de ces visites, elle a cité le cas d'une femme condamnée pour le meurtre de son ex-conjoint, dont l'enfant avait été confié aux grands parents paternels. Elle a souligné qu'une interruption trop longue de ces visites rendait nécessaire un important travail non seulement auprès de l'enfant, mais aussi auprès de la mère, qui risquait de ne plus reconnaître son très jeune enfant ou de ne pas réussir à conserver un lien maternel avec lui.

M. Jean-Paul Delevoye a estimé que la charge qui pesait sur le personnel pénitentiaire n'était, en règle générale, pas suffisamment prise en compte, insistant de nouveau sur la nécessité d'une réflexion sur l'adaptation des circuits administratifs à la situation particulière des détenus.

Mme Marguerite Nass a apporté des précisions supplémentaires concernant les enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du département de la Moselle, citant l'exemple d'un enfant de treize ans dont les parents étaient incarcérés, et à l'égard duquel cette institution s'était considérée comme déchargée de toute responsabilité dès lors qu'il avait fugué.

Mme Michèle André, présidente, a estimé que l'un des grands atouts du médiateur de la République ou de ses délégués, était leur capacité à embrasser l'ensemble du dispositif et des problèmes, qu'ils soient d'ordre institutionnel, administratif ou affectif.

M. Jean-Paul Delevoye a indiqué que la localisation de la détention, avec les conséquences annexes qu'elle entraînait pour les départements, notamment pour la prise en charge des enfants, suscitait un débat complexe.

Concernant la préparation à la sortie, Mme Marguerite Nass a indiqué que, à Metz, seuls deux foyers sur dix accueillaient des personnes sortant de prison, avec un nombre de places limité, et que ces difficultés d'hébergement ne facilitaient ni le suivi de ces femmes, ni la refondation de leur nouvelle vie.

Enfin, après avoir rappelé qu'il n'y avait en France que trois centres de détention pour femmes, elle a indiqué que les femmes attendaient souvent entre douze et dix-huit mois en maison d'arrêt avant d'obtenir une place en centre de détention.

Un débat s'est ensuite engagé.

Mme Françoise Laborde a pris acte des deux impératifs de dignité humaine et de sécurité évoqués par le médiateur de la République et s'est interrogée sur les moyens à mettre en oeuvre pour les concilier.

Mme Françoise Henneron est revenue sur la question de l'enfant en prison, insistant sur le fossé entre les situations évoquées par Mme Marguerite Nass dans le système français et le fonctionnement de la prison de Frondenberg décrit par M. Jean-Paul Delevoye. Elle a demandé des précisions supplémentaires, notamment sur les conditions d'incarcération de la mère une fois que l'enfant a dépassé six ans.

M. Yannick Bodin a souhaité revenir sur les plaintes adressées par les détenus aux délégués du Médiateur de la République, lui demandant si les statistiques relatives à leur nature, évoquées en début d'audition, concernaient également les femmes. Il a également souhaité connaître, parmi les plaintes concernant la vie pénitentiaire et celles relatives au fonctionnement des administrations, celles qui apparaissaient comme prioritaires dans le cadre d'une réflexion en termes législatifs.

Mme Gisèle Printz a indiqué que, à l'occasion de deux visites qu'elle avait effectuées il y a quelques années à la maison d'arrêt de Metz, elle avait pu constater des pratiques peu respectueuses de l'intimité des femmes détenues. Elle a également souhaité connaître les moyens qui étaient à la disposition de l'administration pénitentiaire pour permettre aux femmes d'accéder à tout ce dont elles sont privées, comme par exemple les peines aménagées ou à l'activité.

Mme Mireille Schurch a souhaité revenir sur les moyens d'assurer un meilleur ancrage des centres de détention dans les territoires, afin qu'ils soient moins coupés de leur environnement extérieur. Elle a également interrogé le médiateur de la République sur le rôle que pourraient jouer les collectivités locales.

Mme Jacqueline Panis a enfin souhaité connaître le point de vue du médiateur de la République sur l'utilisation et l'extension du bracelet électronique.

M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, a apporté les précisions suivantes :

- il faut avoir conscience de la charge qui pèse sur le personnel pénitentiaire, que l'on a trop souvent tendance à stigmatiser en cas de problème, qu'il s'agisse du suicide d'un détenu ou d'une récidive, d'autant que, assurer à l'avenir un meilleur respect de la dignité des personnes suppose une certaine prise de risques qui devrait être assumée politiquement, et dont la responsabilité ne devrait pas être imputée, en cas d'incident, aux personnels pénitentiaires ;

- l'efficacité de l'administration pénitentiaire est inévitablement compromise par la surpopulation ; celle-ci est une invitation à ouvrir une réflexion sur les peines alternatives à l'emprisonnement et sur les chantiers de réinsertion, de façon à trouver la solution la plus adaptée à chaque détenu ;

- l'organisation d'activités en prison répond à un objectif d'intérêt général de réinsertion et doit pouvoir déroger aux règles qu'impose, à l'extérieur, le respect de la concurrence en matière commerciale ;

- la sanction pénale qui frappe la femme incarcérée est aggravée par la séparation d'avec ses enfants ; cette seconde peine, indirecte, frappe d'ailleurs aussi l'enfant qui peut, à son tour, développer des comportements violents, susceptibles de perturber la vie de son école ; compte tenu des impacts qu'il est susceptible d'entraîner pour l'ensemble de la société, ce problème doit être envisagé dans sa globalité ;

- la richesse des initiatives prises au sein des prisons par l'administration pénitentiaire n'est pas assez mise en avant ; les expérimentations doivent être encouragées, le succès des unités de vie familiale constituant un exemple encourageant ;

- il est indispensable d'adapter les procédures et les circuits administratifs à la situation particulière des détenus, notamment pour les problèmes de prestations familiales ou pour le renouvellement des papiers des étrangers en situation régulière ; à cet égard, il convient d'examiner les ajustements à mettre en place pour faciliter ces procédures et éviter des difficultés dont la responsabilité est souvent, à tort, imputée par les détenus aux surveillants de prison ;

- les instructions fermes données par les directeurs d'établissements pénitentiaires aux surveillants pour mieux garantir la dignité des personnes traduisent une évolution culturelle positive de l'administration pénitentiaire ;

- dans une perspective de réinsertion, c'est la valeur pédagogique de la sanction qui doit être privilégiée ; l'incarcération ne devrait être décidée que dans les cas où elle apparaît comme la sanction la plus appropriée pour éviter la récidive ;

- beaucoup d'initiatives sont déjà prises au sein des territoires, comme par exemple l'intégration, dans le choix de l'implantation des centres de détention, des schémas de transport, car ceux-ci conditionnent les visites aux détenues ; les travaux d'intérêt collectifs réalisés par des détenues sur des chantiers d'insertion à l'extérieur de la prison peuvent, comme à Bapaume, être perçus par le reste de la société comme une forme de contrepartie équilibrée à l'effort consenti par la collectivité en faveur des dispositifs de détention et de réinsertion de ces personnes ;

- la violence des mineurs que l'on constate aujourd'hui dans la société se retrouve aussi dans les quartiers pour mineurs, qui doivent être maintenus en-deçà de leur capacité d'accueil ;

- l'usage du bracelet électronique ne doit pas être considéré uniquement comme un moyen de désengorger les prisons ; il faut plutôt s'attacher à déterminer la sanction la plus propre à éviter la récidive ; cette conception de la prison comme un moyen de reconstruction des détenus n'est pas partagée par l'ensemble de la société, qui tend encore souvent à considérer l'incarcération sous le seul angle de la punition.

Mme Marguerite Nass a apporté les précisions suivantes :

- les statistiques relatives à la nature des doléances adressées par les détenus en Moselle varient en fonction du sexe ; pour les femmes, 52 % de ces plaintes concernent les enfants, 23 % concernent l'accès aux soins, 14 % concernent les problèmes financiers autres et 1,5 % seulement concernent l'administration pénitentiaire ; chez les hommes, les enfants ne viennent pas en priorité et les pourcentages ne sont pas les mêmes, notamment pour les plaintes relatives à l'administration pénitentiaire, qui atteignent 8 % ;

- il aurait sans doute été préférable de placer sous surveillance électronique une mère assurant seule la garde de ses cinq enfants et arrêtée pour la conduite sans permis de son véhicule, plutôt que de la condamner à six mois de prison et de devoir placer ses enfants à l'ASE.