Jeudi 22 octobre 2009

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Les femmes dans les lieux privatifs de liberté - Table ronde avec les représentants des principaux syndicats de l'administration pénitentiaire

La délégation a procédé à l'audition, dans le cadre d'une table ronde, de trois représentantes du syndicat national FO, Mme Valérie Stempfer, pour FO direction, Mmes Valérie Brunet et Sylvie Monot pour les personnels de surveillance, et de Mme Céline Verzeletti, secrétaire générale de l'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP-CGT).

Mme Valérie Stempfer, aujourd'hui directrice au centre de détention de Melun, a précisé qu'elle avait dirigé la maison d'arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Mérogis pendant dix ans et qu'elle représentait le syndicat national pénitentiaire Force ouvrière des personnels de direction, en l'absence de son président M. Michel Beuzon, secrétaire général de FO direction, empêché ce jour.

Mme Valérie Brunet, secrétaire nationale du syndicat national pénitentiaire Force ouvrière et première surveillante à la maison d'arrêt de Cahors depuis huit ans, a indiqué qu'elle avait également exercé ses fonctions à la MAF de Fleury-Mérogis.

Mme Sylvie Monot, représentante du même syndicat et surveillante-brigadier au Centre pénitentiaire de Rennes, a précisé qu'elle comptait dix-neuf ans d'expérience dans cet établissement et qu'elle avait également exercé ses fonctions à Fleury-Mérogis.

Mme Céline Verzeletti, secrétaire générale de l'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP-CGT), a évoqué son expérience professionnelle à la maison d'arrêt des femmes de Versailles en tant que surveillante.

Mme Michèle André, présidente, a interrogé les intervenantes sur cinq thèmes : l'adaptation du parc carcéral français à l'accueil des femmes, la prise en compte de la vulnérabilité particulière de la population des femmes détenues, la problématique de la mixité dans le monde carcéral et de l'élargissement de l'accès des femmes aux activités, celle de la présence de personnels de surveillance féminins dans les prisons pour hommes et des personnels masculins dans les prisons de femmes et, enfin, les moyens de faciliter le maintien des liens familiaux.

Mme Céline Verzeletti a rappelé le faible nombre de femmes incarcérées et son impact sur la répartition géographique des détenues, qui sont incarcérées soit dans un très petit nombre d'établissements qui leurs sont réservés, comme la maison d'arrêt de Versailles, soit dans les quelques quartiers de femmes existant au sein d'établissements pour hommes plus grands. Elle a souligné que l'éloignement géographique entre les lieux de détention et les domiciles qui en résultait rendait souvent difficile le maintien des liens familiaux.

Evoquant les nouveaux plans de construction de prisons envisagés par le gouvernement, à l'horizon 2012, elle a craint qu'ils n'accentuent encore cette situation en provoquant la fermeture de petits établissements mieux répartis sur le territoire et qui présentent en outre l'avantage, par leur taille humaine, de favoriser de meilleures relations.

Elle a cependant reconnu que les petites structures des quartiers de femmes étaient généralement exiguës et très pauvres en équipements ce qui réduisait l'accès des femmes aux activités sportives ou professionnelles. Elle a estimé qu'il en résultait la principale inégalité dont sont victimes les femmes par rapport aux hommes en prison et que l'ouverture de certaines activités à la mixité pourrait être une solution pour y remédier, sans remettre en cause l'existence des petite structures.

Elle a estimé que les parloirs aménagés permettant aux enfants de rendre visite à leur mère en détention devraient être généralisés de façon à permettre le maintien de liens familiaux particulièrement cruciaux dans le cas des mères isolées, nombreuses parmi les détenues.

Mme Céline Verzeletti s'est déclarée favorable à la féminisation du personnel dans les établissements détenant des hommes, tout en reconnaissant que celle-ci ne se passait pas toujours bien en raison d'une préparation insuffisante, qui pouvait se traduire par exemple par l'absence de vestiaires séparés ; il fallait y remédier pour permettre aux surveillantes de ne pas travailler dans de moins bonnes conditions que leurs collègues masculins. Elle a ensuite élevé une mise en garde contre la tentation, présente dans un rapport en préparation, de diminuer les effectifs de surveillantes dans les établissements et les quartiers pour femmes, pour renforcer les effectifs des quartiers pour hommes.

Mme Michèle André, présidente, s'est interrogée sur l'ampleur de ce phénomène.

Mme Sylvie Monot s'est à son tour inquiétée des conséquences en termes de diminution d'effectifs, au centre pénitentiaire de Rennes, d'une révision à la baisse du taux de calcul pour la compensation des besoins du service (TCCBS) dont elle a rappelé qu'il avait pour objet de compenser les absences pour congés de toute nature : formation, congés annuels, RTT, maladie et maternité. Elle a souligné que l'importance du travail à temps partiel, fréquent chez les personnels féminins, n'avait pas été suffisamment prise en compte dans cet éventuel réaménagement.

Elle a précisé à Mme Michèle André, présidente, et à Mme Christiane Kammermann que l'annonce de cette mesure était postérieure à la visite des parlementaires de la délégation au centre pénitentiaire de Rennes.

Mme Valérie Stempfer a indiqué que ce taux compensatoire variait en l'état selon que les personnels travaillent dans les établissements pour hommes ou pour femmes.

Mme Céline Verzeletti a souligné que les risques d'absences sont plus élevés chez les personnels féminins, ne serait-ce que du fait des congés de maternité, et qu'il convenait de prendre en compte ce paramètre et non d'aligner le taux appliqué aux quartiers de femmes sur celui des quartiers d'hommes. Elle a également fait observer que les surveillantes travaillaient souvent à temps partiel, compte tenu de la difficulté du métier, ce que l'encadrement ne prenait pas suffisamment en compte.

Mme Michèle André, présidente, a jugé que, en ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il fallait cesser de considérer les femmes comme des variables d'ajustement. Elle a évoqué la récente visite par une mission d'information de la délégation de la prison espagnole d'Aranjuez qui comporte un quartier mixte où les conjoints peuvent être incarcérés en couple.

Puis, Mme Valérie Brunet est convenue qu'en Espagne des personnels masculins exerçaient couramment leurs fonctions dans les centres de détention réservés aux femmes, mais s'est montrée réservée à l'égard de ce type de pratiques estimant qu'il convenait de bien prendre en compte les caractéristiques de populations carcérales masculines et féminines. Elle a souligné que la relation avec les détenus relevait surtout du rapport de force tandis que les femmes en détention obligeaient le personnel à une négociation permanente. Estimant que, dans une stratégie de contournement, les détenues auraient vraisemblablement tendance à s'adresser aux personnels masculins pour tenter d'obtenir ce qu'une surveillante aurait pu leur refuser, elle a fait part de ses réserves sur la généralisation de la mixité des personnels dans les prisons pour femmes.

Mme Céline Verzeletti a nuancé ce propos en faisant observer que la négociation était également nécessaire avec un certain nombre de détenus hommes. Elle a signalé que la présence des surveillantes avait favorisé un climat plus serein dans les espaces d'incarcération des hommes. Puis elle a observé que, d'ores et déjà, certains personnels masculins - les premiers surveillants, par exemple - se trouvaient en rapport direct avec les femmes détenues, ce qui ne soulevait pas de difficultés particulières. Elle a cependant rappelé qu'un surveillant n'entrait jamais seul dans une cellule de femmes, afin de prévenir tout risque d'accusation de harcèlement sexuel.

Replaçant cette question dans une perspective historique, Mme Valérie Stempfer a rappelé que, à la fin du XIXe siècle, les femmes étaient encadrées par du personnel masculin et que le constat d'incidents avait conduit, dans un premier temps, à placer les détenues sous la surveillance de religieuses, puis, après la séparation de l'Eglise et de l'Etat, à créer un corps de personnels de surveillance féminin, dans un souci de protection des femmes incarcérées. Puis elle a signalé que les femmes détenues avaient souvent un comportement de séduction plus provocateur que les hommes. Estimant souhaitable, en matière de mixité des personnels, de tenir compte des profils et des aptitudes relationnelles spécifiques de chaque surveillant, elle a rappelé que l'augmentation du nombre de surveillantes en détention pour hommes s'expliquait par l'afflux de surveillantes qui avait résulté de la suppression des quotas dans les concours de recrutement et du taux élevé de réussite des femmes.

Mme Michèle André, présidente, a remarqué que ce taux de réussite dépassait largement les 4 % qui correspondent à la proportion de détenues.

Mme Valérie Stempfer, évoquant la problématique de l'égalité et de la mixité, a tout d'abord estimé que la présence de surveillantes contribuait à l'apaisement du climat dans les établissements pénitentiaires pour hommes. Elle a fait observer que certaines femmes ne souhaitaient pas surveiller des hommes en détention. Elle a rappelé, pour illustrer une des difficultés de la répartition des tâches entre les genres, que certains gestes, comme les fouilles intégrales des détenus hommes, ne pouvaient pas être accomplis par les femmes, et s'est dite favorable à la mixité des personnels  toutes proportions gardées.

Mme Valérie Stempfer a alors témoigné, sur la base de son expérience, que la mixité des personnels de direction, d'encadrement et d'insertion ne soulevait pas de difficultés particulières dans les prisons pour femmes, hormis le fait que les personnels masculins avaient souvent tendance à se faire accompagner pour conduire leurs audiences et interventions afin de se protéger contre tout risque d'accusation de la part des personnes détenues.

Elle a évoqué les activités mixtes prévues par la loi pénitentiaire en signalant que cette modalité était déjà prévue dans certains établissements pour mineurs (EPM) dans lesquels les filles sont en très faible minorité. Elle a évoqué l'existence de parloirs aménagés pour des conjoints incarcérés, sans être sûre qu'il faille aller aussi loin que l'Espagne et les Pays-Bas, tout en estimant que la société ne pourrait pas faire l'économie d'une vraie réflexion.

Mme Michèle André, présidente, a rappelé l'exemple espagnol qui constitue un pari intéressant d'incarcération de couples dans des cellules mixtes et aménagées pour recevoir des enfants, qui bénéficient par ailleurs d'une prise en charge éducative développée.

Mme Odette Terrade a signalé que les détenus pouvaient circuler librement d'un bâtiment à l'autre.

Mme Valérie Brunet a estimé qu'une mixité limitée aux couples constitués pouvait sans doute s'envisager, mais qu'une mixité plus étendue aurait peu de chances de se dérouler dans des conditions sereines.

Mme Céline Verzeletti a considéré qu'une certaine forme de mixité pouvait être envisagée, mais sous réserve d'un encellulement individuel, et à condition de parfaire l'encadrement par une augmentation satisfaisante des moyens.

Mme Valérie Stempfer a évoqué la possibilité d'introduire la notion de régime différencié ou d'établissement différencié, dans lesquels l'éloignement géographique imposé aux détenus pourrait être contrebalancé par le développement des possibilités de réinsertion et d'une palette d'activités. Elle a estimé qu'il n'était pas possible de calquer le modèle de la population carcérale masculine sur la population carcérale féminine, notamment dans la mesure où ni la dangerosité, ni la nature des délits n'étaient similaires. Elle a souhaité qu'une réflexion autour du délit soit approfondie, notamment par l'introduction de programmes au profit des femmes détenues. Par ailleurs, elle a expliqué que le fait de privilégier une détention isolée des femmes, au sein de quartiers à part, constituait une question importante, tout en considérant qu'il était néanmoins possible de concevoir d'autres modalités de prise en charge. Elle a remarqué que la séparation des hommes et des femmes en détention était fortement ancrée dans la culture carcérale française.

Mme Sylvie Monot a considéré à ce sujet que la mentalité des femmes détenues était très différente de celle des hommes et que leur attitude était plus sereine quoique souvent plus manipulatrice. Elle a expliqué que les détenues cherchaient moins à s'évader qu'à bénéficier de remises de peine pour pouvoir récupérer la garde de leurs enfants.

Mme Michèle André, présidente, a remarqué que les femmes faisaient souvent preuve d'un surinvestissement en direction de leurs enfants.

Mme Sylvie Monot a néanmoins fait remarquer que certaines femmes pouvaient instrumentaliser leurs enfants dans le cadre de leur détention, tout en indiquant que, dans la plus grande partie des cas, l'objectif de les retrouver constituait une réelle motivation pour elles.

Mme Valérie Stempfer a ajouté qu'il était très important, lorsque les mères le souhaitaient, de pouvoir faire entrer les enfants dans l'enceinte pénitentiaire, notamment à l'occasion de certaines fêtes, et également d'avoir des espaces, des parloirs où l'enfant peut s'exprimer et évoluer plus librement.

Mme Sylvie Monot a ainsi indiqué qu'au Centre pénitentiaire des femmes de Rennes, dans le cadre des récents travaux de restructuration des parloirs, des espaces avec des salles de jeux pour les enfants avaient été mis en place pour les détenues mères. Elle a estimé que des bonnes conditions de parloirs étaient plus à même de garantir par la suite une détention plus sereine. Elle a ajouté que l'unité de vie familiale du centre n'était pas très sollicitée à cause d'un éloignement géographique et des coûts de transports pour les familles, malgré les possibilités d'hébergement souvent offertes par les associations. Elle a précisé que cette unité était néanmoins essentielle pour certaines détenues, auxquelles elle permettait de préserver les liens familiaux avec leurs enfants. Elle a illustré son propos en citant l'exemple, antérieur à la mise en place des unités de vie familiale, d'une femme qui avait été condamnée à vingt ans de réclusion, et qui ressentait la nécessité, après huit ans d'incarcération, de bénéficier de permissions pour éviter le délitement du lien familial avec ses enfants. Elle a indiqué par ailleurs que parmi les détenus, les hommes et les femmes n'avaient pas les mêmes attentes face aux unités de vie familiale, la recherche d'une intimité sexuelle étant plus prégnante chez les hommes.

Mme Valérie Stempfer a indiqué que, d'après les personnels affectés aux unités de vie familiale, les moments passés en famille dans ces unités étaient également appréciés des femmes et des hommes et se déroulaient généralement bien. Elle a d'ailleurs souhaité rendre hommage aux personnels des quartiers femmes, soulignant que le milieu de détention féminine leur laissait davantage l'opportunité d'imaginer et de concevoir des dispositifs plus audacieux. Elle a ainsi cité l'exemple d'un texte récent qui autorisait les enfants à rentrer au parloir avec des objets transitionnels, des biberons, des dessins, dans la mesure où les nouvelles technologies offraient aujourd'hui la possibilité d'un contrôle plus approfondi et moins intrusif.

Elle a cependant reconnu avec Mme Sylvie Monot que les femmes détenues n'aimaient généralement pas le contrôle par le passage sous les portiques de sécurité, qui accentuait le sentiment de contrainte qu'elles pouvaient éprouver.

Mme Michèle André, présidente, a cependant relevé que ces types de contrôle de sécurité n'étaient pas aujourd'hui exclusifs du monde carcéral mais utilisés dans de nombreuses situations courantes et notamment dans les aéroports.

Evoquant le récent déplacement de la délégation, Mme Odette Terrade a indiqué que, en Espagne, la proportion de femmes détenues était deux fois plus importante qu'en France et que les condamnations pour trafic de stupéfiants y tenaient une large place. Elle a interrogé les intervenantes sur la nature des peines des détenues en France et sur les motifs de leur incarcération.

Mme Sylvie Monot a répondu que les motifs de condamnation des femmes détenues étaient très divers et que, d'une manière générale, les surveillants de prison n'avaient pas à connaitre la nature des actes qui les avaient amenées en prison.

Mme Valérie Stempfer a noté que les différents outils d'observation ainsi que les travaux menés, notamment dans le cadre de réflexions sur des thèmes comme celui du travail autour du délit, conduisaient à une évolution des esprits et rendaient plus légitime le fait que les surveillants connaissent la nature des actes commis par les femmes détenues. Elle a ajouté que les procédures correctionnelles concernant les femmes étaient le plus souvent liées à des affaires de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, souvent aggravées par des prises de stupéfiants. Elle a noté une surreprésentation des femmes étrangères, et notamment originaires d'Amérique latine, parmi les femmes condamnées pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Enfin, elle a indiqué que, en matière criminelle, les femmes étaient le plus souvent condamnées pour meurtre, assassinat, et a constaté une augmentation du nombre de femmes condamnées pour des affaires de moeurs, notamment des complicités de viols, parfois avec actes de barbarie.

Mme Valérie Brunet a expliqué que les peines des femmes détenues étaient de nature aussi diverse que celles des hommes.

Mme Christiane Kammermann a indiqué qu'elle avait été frappée, lors de la visite du quartier de femmes du Centre pénitentiaire de Rennes par la délégation, par l'apparente sérénité des détenues condamnées pour le meurtre de leur conjoint ou de leurs enfants.

Mme Sylvie Monot a précisé que l'état psychologique de ces détenues placées dans un centre pénitentiaire avait eu le temps d'évoluer depuis la période de leur jugement.

Mme Valérie Stempfer a précisé que ces femmes étaient souvent issues d'un milieu social précaire, qu'elles avaient, dans la plupart des cas, été confrontées à des situations de violences dans leur passé familial et qu'elles avaient généralement des histoires personnelles assez lourdes.

Mme Michèle André, présidente, a considéré que l'incarcération pouvait constituer, dans la vie chaotique de ces femmes, une étape qui leur permette de se ressaisir, ce qui justifiait des efforts importants en faveur de la réinsertion.

Mme Sylvie Monot a précisé que certaines femmes condamnées pour le meurtre de leur conjoint étaient passées à l'acte pour protéger leurs enfants des violences de celui-ci.

En réponse à Mme Christiane Kammermann, qui interrogeait les intervenantes sur la récidive des femmes condamnées à des peines d'incarcération lourdes, Mme Sylvie Monot a indiqué qu'elle avait vu, en vingt ans de carrière, deux femmes revenir pour meurtre après une première peine lourde, mais que ces cas restaient relativement rares, à l'exception des condamnations pour trafic de stupéfiants.

Interrogée par Mme Christiane Kammermann sur les cas d'infanticides, Mme Valérie Stempfer a répondu que les conditions de vie difficiles de ces femmes pouvaient apporter des éléments dans l'explication de ces actes. Elle a indiqué que l'on retrouvait en général certains schémas pour les infanticides. Il pouvait s'agir, notamment, de femmes isolées ou abandonnées par leur conjoint et qui en rendaient leur enfant responsable.

Evoquant un colloque récent sur la reconnaissance juridique du déni de grossesse, Mme Odette Terrade a estimé que cette situation n'était pas comparable aux autres cas d'infanticide, les femmes se retrouvant souvent, au moment de leur accouchement, dans un état de profonde sidération.

Mme Sylvie Monot a ajouté que les médias avaient tendance à simplifier la réalité des situations complexes de ces femmes, par la charge émotionnelle importante véhiculée dans le cas de meurtres d'enfants.

Mme Valérie Stempfer a d'ailleurs indiqué que, contrairement à ce qui se passait pour certaines catégories de détenus dans les quartiers hommes, les femmes condamnées pour infanticide n'étaient pas, en maisons d'arrêt, vilipendées par les autres détenues. Mme Sylvie Monot a précisé qu'elles pouvaient cependant faire l'objet d'une certaine forme de rejet dans les maisons d'arrêt, au lendemain ou à la veille d'un procès et d'une exposition médiatique.

Mme Christiane Kammermann a tenu à rendre hommage au travail des surveillantes de prison, pour leur investissement dans un métier enrichissant mais difficile.

A Mme Claudine Lepage, qui s'est enquise du rythme de travail des surveillantes de prison, Mme Sylvie Monot a indiqué qu'il était particulièrement heurté et changeant, expliquant que, au Centre pénitentiaire de Rennes, elles travaillaient généralement au rythme d'un après-midi, un matin et un après-midi à la suite, suivis d'un matin et d'une nuit travaillés avant d'avoir deux jours de repos. Mme Céline Verzeletti a ajouté que ce rythme lourd et atypique était physiquement éprouvant, qu'il impliquait une réadaptation permanente de l'organisme du fait de prises de repas décalées et qu'il était particulièrement difficile pour les surveillantes ayant des enfants, ce qui expliquait le développement du travail à temps partiel.

Mme Valérie Stempfer a indiqué que des débats avaient eu lieu sur le thème du rythme de travail avec les organisations professionnelles et qu'il était difficile de parvenir à un consensus en la matière. Elle a évoqué par ailleurs la possibilité pour les surveillantes de solliciter des postes fixes, certes peu nombreux mais présentant l'avantage d'un rythme de travail régulier.

Mme Sylvie Monot a noté que les arbitrages étaient souvent difficiles à faire entre un travail de nuit qui ne permet pas de connaître la population carcérale et un travail de jour qui peut être épuisant quand le temps de récupération n'est pas suffisant.

Mme Christiane Kammermann a demandé aux intervenantes si leur métier était une vocation, si elles y étaient attachées ou si elles avaient appris à l'aimer.

Mme Sylvie Monot a répondu que, après une période de chômage, elle avait passé différents concours et qu'elle avait réussi celui de surveillant de prison. Elle a expliqué qu'elle avait appris à aimer son travail au fur et à mesure des différentes formations qu'elle avait entreprises et qu'elle y avait trouvé une grande richesse, dans les relations humaines notamment. En réponse à Mme Brigitte Bout, elle a indiqué que les détenues étaient parfois amenées à se confier aux surveillantes, qui les écoutaient sans pour autant se substituer aux professionnels de la psychiatrie ou aux médecins. Elle a indiqué par exemple que les détenues qui venaient d'avoir des nouvelles de leur famille ou de leurs enfants avaient souvent besoin de se confier, et qu'elles le faisaient aisément avec leurs surveillantes.

Mme Valérie Brunet a raconté qu'elle était devenue surveillante de prison, non par une vocation particulière mais parce que des membres de sa famille travaillaient déjà dans le milieu pénitentiaire. Elle a raconté aux membres de la délégation qu'elle avait réussi son concours à 18 ans et que, un an plus tard, en poste à la prison de Fleury-Mérogis, elle avait été marquée par la première fois où elle avait entendu le bruit des grilles se refermant derrière elle. Elle a expliqué qu'elle aussi avait appris à aimer son travail, surtout à partir du moment où elle était arrivée dans une petite structure où les surveillants ont, selon elle, davantage le temps de parler avec les détenus ainsi que le sentiment d'être utile. Elle a ajouté que son métier lui avait permis de forger son caractère et comportait des aspects particulièrement enrichissants.

Mme Valérie Stempfer a indiqué qu'elle avait passé et réussi le concours de directeur de prison, sans connaître ce milieu, car il se situait dans le prolongement de ses études juridiques, et de son intérêt pour le droit pénal et les problèmes humains. Elle a expliqué comment elle s'était attachée à ce métier à la fois beau et difficile, qui consiste à accompagner une personne jusqu'à la fin de sa peine et à sa sortie de prison. Elle a précisé que l'univers de la détention féminine pouvait être dur dans la mesure où les incidents, même s'ils étaient rares, pouvaient y être violents et impressionnants. Elle a ajouté qu'un des défis de ce métier consistait à combattre le sentiment d'échec et que, de ce point de vue, les personnels de surveillance féminin étaient très à l'écoute des détenues.

Mme Sylvie Monot a précisé que les personnels de surveillance féminins étaient peut-être plus à l'écoute que les personnels de surveillance masculins, qui s'inscrivaient plus souvent dans des rapports de force.

A titre d'exemple, Mme Valérie Brunet a cité le cas d'un détenu en proie à une crise de violence, qui s'était calmé dès qu'il l'avait vue entrer, enceinte, dans sa cellule, d'où l'importance d'avoir du personnel féminin chez les détenus car les femmes ont plus tendance à apaiser.

Mme Sylvie Monot a enfin souhaité soulever une question touchant l'administration pénitentiaire. En effet, elle a déploré que les mères détenues puissent percevoir leurs allocations familiales alors qu'elles n'ont pas la charge de leur enfant en détention, au lieu que ces allocations soient automatiquement versées aux personnes ayant la garde de l'enfant.

Mme Michèle André, présidente, a rappelé que souvent, les femmes détenues n'étaient pas déchues de leur autorité parentale et qu'une décision du juge pour enfant était nécessaire pour attribuer le bénéfice matériel des allocations à la personne ayant l'enfant à charge ou à la famille d'accueil de celui-ci.