Mercredi 10 février 2010

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Réforme des collectivités territoriales - Egal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs - Audition de M. Bertrand Mathieu, professeur à l'université de Paris I, directeur du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC), président de l'Association française de droit constitutionnel

La délégation a procédé à l'audition de M. Bertrand Mathieu, professeur à l'université de Paris I, directeur du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC), président de l'Association française de droit constitutionnel, sur la conformité à la Constitution des modes de scrutin retenus par le projet de loi n° 61 (2009-2010) relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.

Mme Michèle André, présidente, a souhaité que le professeur Bertrand Mathieu éclaire les membres de la délégation sur deux points.

Elle l'a interrogé, tout d'abord, sur la conformité à la Constitution du dispositif électoral prévu par le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et notamment sur la conformité aux dispositions de l'article premier, pour garantir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Puis elle a souhaité savoir sur quels leviers on pouvait s'appuyer, en fonction des divers modes de scrutin possibles, pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux locaux.

M. Bertrand Mathieu a d'abord exposé les grandes lignes du mode de scrutin actuellement proposé par le Gouvernement pour l'élection des conseillers territoriaux, rappelant que le projet de loi prévoyait une élection au scrutin uninominal majoritaire à un tour pour 80 % des conseillers territoriaux, les 20 % restants étant élus au scrutin de liste, la répartition des sièges étant effectuée à la représentation proportionnelle au plus fort reste.

Il a ensuite rappelé que le même texte prévoyait l'extension du scrutin de liste proportionnel, aujourd'hui appliqué aux communes de plus de 3 500 habitants, à celles dont la population est comprise entre 500 et 3 499 habitants.

Il a souligné que le choix du mode de scrutin mixte avait pour objet, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, de « garantir l'ancrage territorial des élus et la proximité avec la population » par l'adoption d'un scrutin majoritaire, tout en permettant de « ne pas effacer les acquis du scrutin proportionnel qui favorise la parité et la représentation des différentes sensibilités politiques ». Il a ainsi estimé que les auteurs du projet avaient souhaité permettre l'établissement de majorités claires, tout en garantissant un ancrage de proximité du conseiller territorial.

Il a terminé ces propos liminaires en observant que la prise en compte de l'objectif constitutionnel de parité ne concernerait que l'élection des conseillers territoriaux élus au scrutin proportionnel, bien qu'il soit prévu que le candidat titulaire et le candidat suppléant soient de sexe différent pour le scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Il a estimé que le mode de scrutin retenu par le projet de loi devait être apprécié au regard de trois exigences constitutionnelles : l'existence de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République relatifs au mode de scrutin ; les dispositions de l'article 4 de la Constitution relatives à la participation équitable des partis et des groupements politiques à la vie démocratique de la Nation et l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives posé par l'article premier de la Constitution, ajoutant que l'article 4 prévoyait que les partis contribuent à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions prévues par la loi.

Avant de développer la question centrale de la conformité à l'objectif de « parité », il a souhaité écarter deux objections susceptibles d'être soulevées à l'encontre du dispositif.

Evoquant, pour commencer, la question de la non-conformité du scrutin majoritaire à un tour à un principe fondamental reconnu par les lois de la République, soulevée, notamment, par le constitutionnaliste Guy Carcassonne dans un article publié le 10 novembre 2009 dans le journal « Libération », il a considéré que l'absence de recours au mode de scrutin majoritaire à un tour dans l'histoire constitutionnelle de la République ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un tel principe fondamental, s'appuyant pour conforter sa position sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle « la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution, qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l'alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » (décision 2008-573 DC).

S'agissant, d'autre part, de la conformité du mode de scrutin à l'article 4 de la Constitution, en vertu duquel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation », il a considéré que la part laissée au scrutin proportionnel suffisait à assurer le respect de l'objectif énoncé, sauf à considérer que cette disposition imposait un mode de scrutin proportionnel pour toutes les élections.

Abordant ensuite la question spécifique de l'objectif de « parité », énoncé à l'article premier de la Constitution, selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », il a insisté sur le fait que, au regard de la jurisprudence pertinente du Conseil constitutionnel, cet article n'ouvrait qu'une faculté au législateur, et non une obligation. Il a, en effet, estimé que le léger infléchissement opéré par les juges constitutionnels dans la décision 2003-468 DC n'avait été que provisoire, une décision ultérieure (2003-475 DC) ayant réaffirmé le caractère facultatif, et non contraignant, à l'égard du législateur, de l'objectif de parité.

Il a ensuite rappelé que la jurisprudence constitutionnelle autorisait le législateur, en ce domaine, à adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif soit un caractère contraignant (décision 2000-429 DC). Il a précisé, par ailleurs, que l'objectif de renforcement de l'égalité ne pouvait être apprécié seul, mais devait être concilié avec « les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger » (décision 2000-429 DC), de telle sorte que seules les dispositions « manifestement disproportionnées » au regard de l'objectif de parité étaient susceptibles d'être invalidées.

Il a conclu cette première partie de l'analyse de la jurisprudence en insistant sur la libre compétence du législateur pour fixer le régime électoral des assemblées, résultant de l'article 34 de la Constitution, dont il découle que l'objectif de parité ne peut pas, par lui-même, interdire au législateur de choisir un mode de scrutin.

Il a estimé, en conséquence, que le mode de scrutin retenu par le projet de loi ne paraissait pas contraire aux exigences de l'article premier de la Constitution, mais pouvait éventuellement être contesté au titre du non-respect des exigences de l'article 4, alinéa 2 de la Constitution.

Sur le premier point, il a estimé que les dispositions favorisant une exigence de parité ne constituaient pas une exigence constitutionnelle mais un objectif constitutionnel. Il a ajouté que, même si le nouveau mode de scrutin pouvait avoir pour effet induit de réduire la parité pour les élections aux conseils régionaux, ces possibles effets de la loi devaient être considérés de manière globale, l'extension du scrutin de liste pour les élections municipales aux communes comprenant entre 500 et 3 500 habitants favorisant la parité.

Sur le second point, il a estimé que le dispositif n'était pas assez incitatif s'agissant de la part uninominale de ce scrutin, considérant que, à partir du moment où le législateur poursuivait un objectif de renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes, le dispositif retenu devait être en adéquation avec cet objectif. Il a ajouté que la constitutionnalité de cette disposition ne pourrait alors être contestée que sur la base d'un caractère insuffisamment incitatif à l'égard des partis politiques qui, conformément à l'article 4 de la Constitution, doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe de parité énoncé au second alinéa de l'article premier.

Il a conclu son intervention en exprimant toutes réserves sur une possible incompatibilité du dispositif avec les exigences constitutionnelles de « parité », qu'il n'estime que potentielle.

Mme Gisèle Gautier a demandé si une modification de la répartition des sièges entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel, au profit de ce dernier, ne serait pas de nature à mieux prendre en compte les exigences de l'article premier de la Constitution.

Tout en convenant que cette modification aurait un effet positif sur la parité, M. Bertrand Mathieu a estimé qu'un recours exclusif au scrutin majoritaire à un tour n'aurait pas pour autant été contraire à la Constitution. Il a estimé que, au vu de la jurisprudence constitutionnelle, il conviendrait plutôt de s'orienter vers un dispositif de sanctions pécuniaires applicables aux partis politiques qui ne respecteraient pas la parité des sexes en matière de présentation des candidats aux élections locales.

Puis, interrogé par Mme Catherine Procaccia sur l'extension aux conseillers territoriaux d'un dispositif de suppléance de sexe opposé aujourd'hui applicable à quelque 3 000 conseillers généraux, M. Bertrand Mathieu a estimé que, vraisemblablement, les hommes seraient, en pratique, majoritairement titulaires et les femmes suppléantes, et que le dispositif risquait de n'avoir, en pratique, qu'une faible portée.

Mme Michèle André, présidente, a noté que le nombre de conseillers généraux titulaires remplacés par le suppléant de sexe opposé se chiffrait à quelques unités. Puis elle a souligné que le projet de loi aurait pour effet de diminuer fortement la proportion de femmes dans les conseils régionaux.

Elle s'est interrogée sur les difficultés pratiques que risquait, dans ces conditions, de soulever la conciliation du projet de loi avec les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 qui garantit la parité dans les exécutifs régionaux, Mme Gisèle Gautier déclarant partager cette interrogation.

M. Bertrand Mathieu a indiqué que la participation quasi automatique des élues à l'exécutif régional qui pourrait en résulter soulèverait effectivement une difficulté politique. Sur le plan juridique, il a fait observer que cette discordance soulevait un problème de compatibilité entre deux textes de valeur législative mais pas un problème de conformité à la Constitution.

Rappelant que le projet de loi prévoyait l'extension du scrutin de liste proportionnel, aujourd'hui appliqué aux communes de plus de 3 500 habitants, à celles dont la population est comprise entre 500 et 3 499 habitants, Mme Jacqueline Panis a estimé qu'il conviendrait de relever le seuil d'application minimum à 1 000 ou 1 500 habitants, pour des raisons démographiques et pratiques.

M. Bertrand Mathieu a constaté que, en l'absence de tout dispositif incitatif, la proportion de femmes avait progressé dans les conseils municipaux des petites communes lors des dernières élections. Il s'est demandé si le seuil de 1 000 habitants ne serait toutefois pas plus adéquat que celui de 500 habitants pour l'extension du scrutin de liste.

Mme Michèle André, présidente, a remarqué que la proportion de femmes avait progressé dans les communes de moins de 500 habitants, ce qui reflète sans doute un moindre engagement des hommes dans la vie politique locale.

En réponse à M. Bertrand Mathieu qui observait que les partis politiques jouaient un rôle moindre dans ce type d'élection, Mme Michèle André, présidente, a estimé que le clivage entre droite et gauche ressurgissait inéluctablement au niveau des intercommunalités.

M. Bertrand Mathieu a insisté sur l'intérêt des contraintes financières imposées aux partis, estimant que les pénalités qui leur sont infligées comportaient aussi une valeur symbolique négative. A ce titre, il a estimé qu'elles devraient être intégrées dans la loi.

Mme Michèle André, présidente, a cependant observé que les sanctions financières n'avaient pas, jusqu'à présent, beaucoup affecté les partis politiques et infléchi leurs comportements. Elle a également noté que ces sanctions s'appliquaient en considération de la proportion des candidates présentées et non des candidates élues.

M. Bertrand Mathieu a alors considéré qu'instituer des pénalités en fonction du nombre d'élues reviendrait à en faire reposer la responsabilité sur l'électeur, ce qui serait contraire au principe démocratique de liberté du suffrage.

A Mme Gisèle Gautier qui se demandait dans quelle mesure on pourrait envisager l'inéligibilité des candidats dont les partis ne respecteraient pas l'objectif de parité dans la présentation de leurs candidats, M. Bertrand Mathieu a répondu qu'une telle sanction entrerait en conflit avec d'autres objectifs constitutionnels et serait vraisemblablement, à ce titre, censurée.

M. Yannick Bodin a souhaité faire part aux membres de la délégation de son expérience de terrain s'agissant, en particulier, de la présence des femmes élues dans les petites communes de son département de Seine-et-Marne.

Soulignant la forte proportion de femmes maires dans ce département à forte dominante rurale, il a estimé que les femmes tendaient à s'engager dans la vie politique locale à un moment de leur vie où elles étaient libérées d'un certain nombre d'obligations familiales.

Il a estimé que la présence accrue de femmes au sein des conseils municipaux aurait nécessairement un impact sur les élections nationales, en particulier sénatoriales.

A cet égard, il a rappelé l'effet incitatif qu'avait produit l'abaissement du seuil d'application du scrutin proportionnel aux élections sénatoriales en 2004.

Soulignant les limites de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, M. Yannick Bodin a estimé que la disposition qui imposait aux titulaires de prendre un « remplaçant » de l'autre sexe, n'aurait, en pratique, qu'un impact limité. Ayant interrogé la Direction générale des collectivités locales et l'Assemblée des départements de France à ce sujet, il a indiqué n'avoir pu obtenir de réponse chiffrée.

Il a reconnu, par ailleurs, être très pessimiste quant à l'avenir des cantons, dont le sort est soumis à la finalisation de la carte de l'intercommunalité et au nouveau découpage des circonscriptions électorales, et que le nouveau mode de scrutin du conseiller territorial vient encore fragiliser.

Enfin, il s'est demandé pourquoi l'expression « la loi favorise... » qui traduit bien, dans l'usage concret, une obligation, pourrait, en langage constitutionnel, renvoyer, suivant les cas, à une obligation ou à une faculté.

Mme Catherine Procaccia a rappelé qu'en droit du travail l'indicatif présent équivalait à un impératif. Elle s'est demandé pourquoi il n'en était pas de même en droit constitutionnel.

M. Bertrand Mathieu a souligné qu'il n'y avait pas d'interprétation uniforme de l'indicatif présent en droit constitutionnel, citant à titre d'exemple l'article 13 de la Constitution : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres » qui n'emporte, pour celui-ci aucune obligation de signer. Il a rappelé que l'argument selon lequel l'indicatif présent valait, dans la Constitution, impératif, utilisé lors de l'épisode de refus de signature des ordonnances par le Président de la République avait été implicitement rejeté par le Conseil constitutionnel.

Faisant ensuite référence, pour illustrer son raisonnement, au préambule de la Constitution selon lequel « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », il a ajouté que, à supposer même que l'indicatif ait valeur impérative, il s'agissait essentiellement de prendre en compte un objectif de valeur constitutionnelle : en matière de parité politique, ce but à atteindre n'empêche pas le libre choix du mode de scrutin par le législateur.

M. Yannick Bodin a souligné que le mode de scrutin envisagé pour l'élection des conseillers territoriaux constituait une régression en matière de parité par rapport à la situation actuelle.

M. Bertrand Mathieu lui a répondu que le bloc de constitutionnalité ne comportait pas d'effet de « cliquet » interdisant toute forme de retour en arrière ; par analogie, il a rappelé qu'il n'était pas contraire à la Constitution de faciliter les conditions de licenciement, à condition que le législateur ne perde pas de vue l'objectif de plein emploi.

Cependant, il a noté qu'il convenait de ne pas descendre en dessous d'un certain seuil de parité : il a estimé légitime de se demander si le projet de loi répondait à cette exigence tirée de l'article 4 de la Constitution, en l'absence de système incitatif à la parité entre les sexes pour l'élection des 80 % de sièges de conseillers territoriaux pourvus au scrutin uninominal à un tour.

Mme Michèle André, présidente, a estimé que, avec le mode de scrutin envisagé pour les conseillers territoriaux, on ne pouvait dire que la loi « favorisait moins » l'égal accès des femmes, mais plutôt qu'elle le « défavorisait ».

Mme Catherine Procaccia s'est montrée réservée à propos de la remarque selon laquelle, globalement, les dispositions du projet de loi favorisant la place des femmes dans les scrutins municipaux compenseraient celles qui les feront régresser dans les conseils territoriaux. Puis, dans l'hypothèse où il serait adopté, elle s'est demandé s'il serait possible de contester le mode de scrutin retenu pour les conseillers territoriaux au vu des résultats des élections de 2014.

M. Bertrand Mathieu a précisé qu'en aucun cas son raisonnement ne comportait une telle idée de « compensation », mais qu'il se limitait à prendre en compte les éléments favorables à la parité contenus dans le dispositif du projet de loi. Puis il a estimé difficile, mais pas inenvisageable, de contester la conformité à la Constitution au vu du résultat des élections de 2014, d'une part, en raison de son caractère incitatif en matière de parité politique et, en second lieu, parce qu'il convient de prendre en compte le changement des circonstances dans l'appréciation de la conformité de la loi.

Mme Michèle André, présidente, a alors évoqué la suggestion faite notamment par MM. Jean-Louis Masson et Charles Gautier selon laquelle il conviendrait de mettre en place un dispositif électoral comportant deux candidats de sexe opposé par canton, l'électeur élisant un « binôme », M. Yannick Bodin ajoutant que cette solution impliquerait de fusionner certains cantons. Mme Catherine Procaccia a envisagé, à son tour, une obligation pour les partis de présenter, au niveau par exemple du département, un nombre égal de candidats et de candidates.

M. Bertrand Mathieu a estimé, a priori, qu'aucun obstacle constitutionnel ne s'opposait à un tel dispositif, M. Yannick Bodin soulignant toutefois la nécessité de préserver la liberté de présentation de candidats indépendants.

Mme Jacqueline Panis a indiqué qu'une telle idée apportait une solution au problème du remplaçant de sexe opposé.

Mme Michèle André, présidente, convenant qu'elle avait, dans un premier temps, incliné à une certaine réserve à l'égard de cette solution qui présente un caractère inédit, a ensuite estimé souhaitable, à la réflexion, d'approfondir cette piste.

Rappelant ensuite que le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par M. Edouard Balladur, avait proposé d'instaurer un scrutin de liste en zone urbaine et un scrutin uninominal en zone rurale, elle s'est interrogée sur la conformité de ce dispositif à la norme constitutionnelle.

Après avoir fait observer que le mode de scrutin sénatorial comportait aussi une dualité des modes de scrutin, M. Bertrand Mathieu a estimé qu'aucun obstacle constitutionnel ne s'opposait à ce type de dualité et que cette solution pouvait donc être envisagée.

Mme Marie-Thérèse Bruguière s'est interrogée sur les conditions d'application d'un tel dispositif qui place sur un même plan des élus au scrutin de liste et d'autres au scrutin uninominal.

M. Bertrand Mathieu a fait observer que la jurisprudence du Conseil constitutionnel nécessite d'identifier clairement les circonscriptions qui relèveraient du rural ou de l'urbain. Il a conclu son propos en rappelant que la contrainte constitutionnelle qui s'exerce sur le choix des modes de scrutin est limitée et que celui-ci relève donc essentiellement d'un choix politique.

Questions diverses

Mme Nicole Bonnefoy a attiré l'attention de la délégation sur le dernier rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), relatif à l'évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesses suite à la loi du 4 juillet 2001. Elle a souhaité que la délégation réagisse aux constats préoccupants formulés par ce rapport et qui témoignent d'un accès plus difficile pour les femmes à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle a estimé qu'il convenait, en outre, d'être attentif aux moyens budgétaires qui sont consacrés aux actions de sensibilisation des jeunes.

Mme Michèle André, présidente, a proposé que la délégation exprime publiquement sa préoccupation à travers la diffusion d'un communiqué de presse. Elle a, en outre, estimé que le problème de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse pourrait faire l'objet de questions écrites déposées par les membres de la délégation, et même d'une question orale avec débat.

Revenant, à ce propos, sur la question orale avec débat qu'elle avait posée sur la situation des personnes prostituées, et qui était inscrite à l'ordre du jour du Sénat du 9 février 2010, elle a indiqué qu'elle en avait elle-même demandé le retrait et la réinscription à l'ordre du jour d'une séance ultérieure, quand elle avait appris que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, ne pourrait être présent en séance pour y répondre lui-même, alors qu'il s'agissait d'un sujet délicat et important qui relevait à l'évidence de sa seule compétence.

Elle a déclaré partager le souci de Mme Nicole Bonnefoy de surveiller l'évolution des moyens consacrés à l'information des jeunes et au suivi de la santé des femmes, et s'est inquiétée de la diminution de l'effectif des gynécologues.

M. Yannick Bodin a souhaité que la délégation soit plus systématiquement saisie des projets et propositions de loi qui intéressent les droits des femmes, regrettant que celle-ci n'ait pu se prononcer en tant que telle sur la proposition de loi de M. Roland Courteau sur les violences au sein du couple, même si un grand nombre des intervenants en séance étaient membres de la délégation.

Mme Michèle André, présidente, a invité chacun des membres de la délégation à intervenir, en commission comme en séance plénière, sur les questions qui intéressent les droits des femmes, en faisant état de leur appartenance à la délégation.

Mme Catherine Procaccia a jugé nécessaire que la délégation soit saisie de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle.

Mme Françoise Laborde a ensuite évoqué la question orale avec débat posée le 9 février 2010 par M. Jacques Mézard sur le renforcement des droits des personnes placées en garde à vue, soulignant que les préoccupations qui l'inspiraient rejoignaient celles qu'avait exprimées la délégation dans son rapport sur « les femmes dans les lieux de privation de liberté ». Elle a indiqué qu'elle avait d'ailleurs communiqué à M. Jacques Mézard le rapport de la délégation qu'elle avait également adressé à Amnesty international et aux établissements pénitentiaires de Haute-Garonne.

Mme Michèle André, présidente, a apprécié cette initiative qui contribue à la diffusion des travaux de la délégation.

Elle a indiqué que la délégation aux droits des femmes était de plus en plus sollicitée par tout un ensemble d'associations et d'organismes oeuvrant en faveur des droits des femmes, dont elle était, en quelque sorte, devenue le référent naturel, en l'absence de ministère clairement identifié en ce domaine.

Elle a cependant reconnu que ces contacts, au demeurant fructueux, représentaient une charge de travail non négligeable. Elle a également estimé que la délégation devait s'intéresser à la dimension internationale des thématiques liées aux droits des femmes, notamment dans le cadre du suivi de la Conférence de Pékin.

Pour finir, elle a confirmé que la délégation organiserait, le 8 mars 2010, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, un colloque sur les crimes d'honneur et les mariages forcés. Elle a précisé que cette manifestation se déroulerait sur toute la journée, en salle Clemenceau, et a invité les membres de la délégation à y participer.

Mme Françoise Laborde a indiqué qu'elle ne pourrait y assister, étant retenue dans son département par une journée d'action à laquelle elle devait participer et au cours de laquelle elle devait intervenir précisément sur la question de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.