Mercredi 7 avril 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Bruno Chetaille, président-directeur général de Médiamétrie

La commission a procédé à l'audition de M. Bruno Chetaille, président-directeur général de Médiamétrie.

M. Bruno Chetaille a souligné que la crise économique n'avait pas eu d'impact majeur sur la consommation de médias par les Français. Le budget annuel moyen d'un foyer consacré aux médias, hors redevance, a crû de 4,3 % en un an pour atteindre 2 324 euros en 2009. Un quart des foyers dépense plus de 3 100 euros par an. Le facteur déterminant dans la progression du budget est le nombre d'enfants du foyer qui a un impact direct sur l'équipement ADSL et en téléphonie mobile. Les ventes d'équipements audiovisuels se sont également accrues. La part des foyers équipés en téléviseurs à écran plat est passée de 40 % en 2008 à 53 % en 2009. De plus, la montée en charge du numérique et l'arrêt programmé de la diffusion analogique ont fait progresser de 16 % le taux de foyers équipés d'un poste numérique qui atteint désormais 78 %. Enfin, le nombre de contacts médias et multimédias a augmenté de 9,7 % depuis 2006, ce qui indique une croissance du « budget temporel » alloué par les ménages aux médias.

Constatant que le marché des médias était caractérisé par des effets d'addition des consommations sans substitution entre supports, M. Bruno Chetaille président-directeur général de Médiamétrie, a précisé qu'Internet n'avait pas pris la place de la télévision, le temps passé sur le réseau n'ayant pas rogné le temps consacré à ce média traditionnel. Les difficultés économiques des sociétés du secteur sont dues essentiellement à l'effondrement des recettes publicitaires qui reflète l'impact réel de la crise sur les comptes des annonceurs.

M. Bruno Chetaille a ensuite présenté les principales activités de Médiamétrie qui s'attache, média par média, à observer les comportements des consommateurs, à mesurer la pénétration de nouveaux usages (podcasts, télévision sur Internet, etc.) et à faire constamment évoluer ces référentiels de mesure sur la télévision (Médiamat), la radio (126 000 et Panel Radio) et l'Internet (eStat et Net Ratio). Un outil sera bientôt développé pour mesurer les audiences sur les téléphones mobiles. Il a souligné qu'une mesure d'audience ne constituait pas un relevé d'intentions sur le modèle des sondages électoraux, mais un relevé automatique des comportements constatés des téléspectateurs, des auditeurs et des internautes.

Concernant la télévision, M. Bruno Chetaille a souligné que les Français de 15 ans et plus y consacraient en moyenne 3 heures 25 minutes par jour, ce qui est proche de la moyenne mondiale qui varie entre 4 heures 35 en Amérique du Nord et 2 heures 41 en Asie. Cette consommation augmente avec l'âge, les jeunes de 15 à 24 ans ne regardant en moyenne que 1 heure 45 par jour la télévision. En revanche, la télévision de rattrapage (« catch-up TV ») a connu une forte progression, puisque 20,6 % des plus de 15 ans ont utilisé en 2009 ce nouveau dispositif sur une durée quotidienne moyenne de 3 minutes ; mais ce chiffre atteint 7 minutes chez les jeunes.

M. Bruno Chetaille a relevé que, depuis 2005, le paysage audiovisuel était marqué par une multiplication de l'offre corrélée à l'essor de la télévision numérique terrestre (TNT). Si la consommation globale de télévision s'est maintenue, l'émiettement de l'audience des chaînes historiques est indéniable. Au début 2010, les autres chaînes, toutes catégories confondues, représentent plus de 30 % de l'audience. A titre de comparaison, elles représentent déjà 42 % de l'audience au Royaume-Uni et plus de 75 % aux Etats-Unis d'Amérique. Enfin, la suppression de la publicité à partir de 20 heures sur France Télévisions ne semble pas avoir eu d'impact net sur l'audience. Les chaînes privées ont anticipé le démarrage de leurs programmes de première partie de soirée et les téléspectateurs sont restés fidèles aux programmes plutôt qu'aux chaînes.

Concernant la radio, M. Bruno Chetaille a insisté sur le développement de la radio sur Internet et sur le téléphone mobile. En 2009, les Français ont consacré 2 heures 55 par jour à l'écoute de la radio. L'audience de la radio s'effrite donc globalement, mais la part d'écoute des radios généralistes augmente de deux points pour atteindre 42 %, alors que les radios musicales reculent systématiquement pour représenter 33,3 % de l'écoute.

Concernant Internet, M. Bruno Chetaille a indiqué qu'il y avait 35 millions d'internautes en France en 2009, soit 1,2 million de plus que l'année précédente. Le nombre d'inscrits à un réseau social a triplé pour atteindre 18,5 millions d'individus. Le temps moyen consacré à Internet s'élève à 1 heure 22 minutes par jour. Les achats par Internet ont progressé de 9 % représentant, 25 millions d'acheteurs individuels en 2009. Enfin, M. Bruno Chetaille a précisé que 43,1 millions de personnes utilisaient un téléphone mobile. 16 % d'entre elles disposent d'un téléphone intelligent (« smart phone ») qui leur permet notamment d'avoir accès à la radio, à la télévision et à Internet.

M. Claude Bérit-Débat a relevé que le budget annuel des ménages consacré aux médias agglomérait un panier de produits et services très hétérogènes. Il a souhaité connaître la déclinaison de ce budget par catégorie socioprofessionnelle, les parts respectives d'Internet et de la téléphonie ainsi que la proportion de consommation à crédit.

Mme Marie-Agnès Labarre s'est interrogée sur le statut juridique de Médiamétrie et l'indépendance de ses mesures d'audience.

Mme Marie-Christine Blandin a souhaité connaître le détail des équipements pris en compte pour la détermination du budget moyen consacré aux médias.

M. Jean-Pierre Leleux a souligné que les mesures d'audience de multimédia jouaient un rôle essentiel dans la fixation du prix des écrans publicitaires. Il a souhaité connaître le montant du chiffre d'affaires de Médiamétrie ainsi que sa composition.

Mme Béatrice Descamps a voulu savoir si le temps passé sur Internet était pris sur les temps de loisirs ou consacrés à la télévision.

M. Jean-Jacques Lozach s'est enquis d'éventuelles analyses comparatives internationales des programmes qui pourraient mettre en évidence une appétence particulière pour l'information dans certains pays.

En réponse, M. Bruno Chetaille, président-directeur général de Médiamétrie, a apporté les précisions suivantes :

- Médiamétrie dispose d'analyses média par média pour chaque catégorie socioprofessionnelle ; elles montrent que l'effet de revenu n'est pas déterminant dans la consommation de médias ;

- les achats de produits et d'équipements représentent environ 60 % du budget médias des ménages, le reste étant consacré aux différents services ;

- Médiamétrie ne gère pas d'échantillons de consommateurs et n'a donc aucune information sur les modalités d'achat, en particulier sur la proportion d'achats à crédit ;

- Médiamétrie est une société anonyme de droit privé dont sont actionnaires des représentants de la télévision, de la radio et des annonceurs. L'indépendance des mesures est garantie, d'une part, par la constitution de comités par média où se prennent toutes les décisions d'évolution technique des référentiels, d'autre part, par une série d'audits menés tant en interne que par le centre d'étude des supports publicitaires ;

- le secteur des médias est piloté par l'offre et non par la demande, ce qui donne une importance cruciale à l'innovation technologique dans la croissance du marché ;

- le chiffre d'affaires de Médiamétrie représente 70 millions d'euros, ce qui en fait la troisième société d'études en France et la vingt-quatrième dans le monde. La mesure d'audiences constitue les deux tiers de son activité. Le secteur de la télévision assure 60 % du chiffre d'affaires ;

- on peut constater chez les jeunes un certain effet de substitution au bénéfice d'Internet et au détriment de la consommation classique de télévision, qui est dû pour partie au développement de la télévision sur Internet ;

- l'appétence pour l'information est forte en France, même si la part de l'information dans l'offre de programmes est relativement faible, notamment grâce à l'attractivité du journal télévisé de 20 heures qui reste un rendez-vous important.

Audition de M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)

La commission, conjointement avec le groupe d'études du sport, a procédé à l'audition de M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Après avoir rappelé l'importance de l'unité de la politique sportive - le sport pour le plus grand nombre, le sport amateur de haut niveau et le sport professionnel se nourrissant mutuellement - M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, a regretté que les cours d'éducation physique et sportive (EPS) dispensés par l'éducation nationale s'intègrent mal dans cette architecture.

Il a ensuite tiré le bilan des Jeux olympiques de Vancouver, soulignant notamment la réussite du ski nordique et l'échec du ski alpin, lié aux conditions de neige et au fait que les skieurs n'ont peut-être pas inscrit les Jeux comme une priorité dans leur saison.

Par ailleurs, il a regretté que la France ne dispose pas de site d'entraînement pour les épreuves de piste courte (« short track ») et de piste longue pour le patinage de vitesse, discipline pourvoyeuse de nombreuses médailles, et a espéré qu'une solution sera trouvée avant les Jeux olympiques de Sotchi.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Pierre Martin, co-rapporteur de la mission sport, jeunesse et vie associative, a considéré que :

- la France remporte souvent des titres dans les disciplines les moins médiatisées ;

- le problème majeur du sport français réside dans l'insuffisance d'équipements de qualité ;

- l'éclosion des espoirs français au plus haut niveau reste très difficile.

M. Denis Masseglia a apporté les éclairages suivants sur ces interrogations :

- de fait, la France réussit souvent assez bien dans les sports peu médiatisés. A cet égard, il serait pertinent que le CNOSF dispose d'un canal sur la télévision numérique terrestre lui permettant de mettre en valeur l'ensemble des disciplines ;

- le problème de l'absence de grandes salles de sport en France nuit clairement à sa capacité à accueillir de grands championnats d'Europe ou du monde ; les deux plus grandes salles françaises se situant respectivement à la 15e et à la 140e place européenne en termes de capacités d'accueil. Un financement spécifique pour ces équipements doit impérativement être mis en place dans le cadre d'un véritable « Plan Marshall » pour le sport ;

- la réussite des espoirs est souvent favorisée par leur rassemblement dans un même lieu où l'émulation peut jouer pleinement son rôle, comme cela a été le cas au centre de Premeno pour les athlètes du biathlon.

M. Yannick Bodin a observé que les équipes de France de ski alpin et de ski nordique renvoyaient deux états d'esprit différents et s'est inquiété du risque de la suppression de la clause générale de compétence des départements et régions qui serait lourde de conséquences pour le mouvement sportif.

M. Denis Masseglia a répondu que :

- le manque de réussite du ski alpin est probablement lié à la façon dont les objectifs de la saison ont été fixés ;

- le risque pour les politiques sportives est qu'elles pâtissent des problèmes de financements actuels des collectivités territoriales. La remise en cause de la clause générale de compétence est, certes, un sujet de préoccupation, mais là n'est pas le problème. Il paraît plus important que le sport soit une compétence spécifique inscrite dans la future loi de décentralisation, afin de créer une véritable obligation pour les collectivités territoriales ;

- il est indispensable de veiller à ce que les dix ou onze milliards d'euros consacrés chaque année par les collectivités territoriales à la promotion et au rayonnement des activités physiques et sportives du mouvement associatif puissent être maintenus.

En réponse à Mme Françoise Laborde qui l'a interrogé sur le sport à l'école, M. Denis Masseglia a estimé qu'il fallait renforcer et institutionnaliser les liens entre le monde scolaire et le mouvement associatif.

M. Jean-Jacques Lozach, co-rapporteur de la mission sport, jeunesse et vie associative, a posé des questions sur :

- les raisons de l'échec de la candidature française aux Jeux olympiques de 2012 ;

- le risque que constitue l'élargissement du fossé entre la passion grandissante des Français pour le sport et la baisse continue des crédits que l'Etat y consacre ;

- la tension entre l'intérêt général et les intérêts privés dans le sport de haut niveau, qui s'est manifestée de manière caractéristique lors de la tentative de mise en place du G14.

S'agissant des Jeux olympiques de 2012, M. Denis Masseglia a déclaré que des voix avaient été perdues à Singapour dans les derniers jours précédant la décision. Par ailleurs, le mouvement sportif rapporte à l'Etat environ 10 milliards d'euros par an et bénéficie de financements publics à peu près équivalents, c'est pourquoi leurs relations s'apparentent davantage à un partenariat qu'à une dépendance. Enfin, la raison pour laquelle il n'y a pas de ligue fermée c'est que le vivier de sportifs n'est pas alimenté par l'Université mais par les clubs et le monde associatif, qui peuvent ainsi imposer leur modèle.

M. Claude Bérit-Débat a insisté sur le fait que le sport tenait sa vitalité des 2,2 millions de bénévoles impliqués dans son organisation et s'est interrogé sur les moyens de mieux faire vivre ce bénévolat.

M. Denis Masseglia a observé que le bénévolat reposait par définition sur le bon vouloir et non sur des obligations et déclaré que son renforcement ne pouvait passer que par l'amélioration de sa reconnaissance, dont l'un des principaux vecteurs réside, dans la simplification des démarches administratives.

M. Jean-Claude Carle a souhaité savoir si le problème de l'insuffisance des équipements pouvait être en partie réglé par la mise en place de structures communes avec des pays frontaliers et si la France souffrait d'un déficit de « lobbying » dans les organisations sportives internationales.

En réponse, M. Denis Masseglia a estimé :

- que les accords avec d'autres Etats européens peuvent être extrêmement utiles ;

- que le manque d'influence de la France à l'international est patent. La mise en place récente d'un réseau des présidents des comités nationaux olympiques des pays de la francophonie est l'une des réponses apportées par le CNOSF à cet état de fait.

Alors que M. Pierre Hérisson s'inquiétait du retard pris par la candidature d'Annecy dans la course aux Jeux olympiques de 2012, M. Denis Masseglia a considéré que le dossier était bon, mais que l'implication du tissu économique national constituait également un défi d'importance qu'il convenait de relever, notamment en comparaison du dossier munichois.

M. Jacques Legendre, président, a enfin insisté sur le fait que la capacité d'influence de la francophonie était souvent négligée et qu'à cet égard l'ensemble des postes diplomatiques concernés mais également des instances de la francophonie, dont l'Assemblée parlementaire de la francophonie, devaient être mis à contribution.

Mission en Finlande - Examen du rapport d'information

Mme Colette Mélot, rapporteur, a présenté le rapport d'information de la mission effectuée en Finlande, du 7 au 9 septembre 2009, afin d'y étudier le système éducatif, notamment au niveau du lycée de l'enseignement primaire et du collège, et de l'université, en cours de réforme.

Mme Colette Mélot, rapporteur, a justifié le choix de la Finlande en raison de sa place de meilleur élève parmi les Etats de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'après les enquêtes Programme for International Student Assessment (PISA) conduites par cette dernière. L'exemple finlandais est en effet séduisant, puisque ce pays semble avoir trouvé réponse à des questions aussi difficiles que la recherche de l'équité et de l'efficience du système, la conciliation de cette équité avec une forte autonomie des acteurs, ou encore la forte réduction de l'échec scolaire.

Dans un premier temps, Mme Colette Mélot, rapporteur, a rappelé les principales caractéristiques du système éducatif finlandais dont les spécificités sont nombreuses.

En premier lieu, le système éducatif est très décentralisé, avec :

- un Gouvernement qui pilote le système, à l'aide d'une agence placée sous sa tutelle. Ils fixent le cadre national (objectifs, cadre des programmes et des méthodes d'enseignement). Les lois sont très concises et ne précisent pas les moyens d'atteindre les objectifs ;

- les communes jouent un rôle prépondérant en tant que fournisseurs d'éducation et sont responsables de l'administration locale du système. C'est ainsi, par exemple, que chaque municipalité a l'obligation d'organiser l'enseignement dit de base (qui correspond au primaire et au collège), mais elle est libre d'en définir les modalités. De même, chaque école peut choisir son matériel pédagogique ou la répartition des matières dans le cadre fixé par la loi.

Le financement de la formation est partagé :

- pour ce qui concerne le fonctionnement, l'Etat finance en moyenne 57 % et les communes en moyenne 43 % des coûts de l'enseignement primaire et secondaire. Cette moyenne recouvre une diversité de situations, l'Etat pouvant assumer de 40 à 45 % des coûts et jusqu'à 70 % pour les communes géographiquement les plus isolées ;

- l'investissement fait l'objet de subventions spécifiques, mais réduites, de l'Etat.

Le rapporteur a précisé que le coût total par élève est de 6 650 euros dans le primaire et au collège, 6 000 euros au lycée et 9 700 euros en école professionnelle. A titre de comparaison, en 2008, la dépense intérieure d'éducation en France s'élevait, à 5 620 euros par élève dans le primaire et, en 2007, à 7 930 euros par élève au collège, à 10 240 euros par élève au lycée (général et professionnel confondus) et 10 740 euros par élève au lycée professionnel.

6,1 % du PIB finlandais sont ainsi consacrés à l'éducation, contre 6,6 % du PIB français.

En deuxième lieu, l'autonomie des établissements et des enseignants est très forte.

Elle s'exerce à la fois dans le domaine pédagogique et dans le recrutement des enseignants. Ces derniers sont recrutés sous contrat (en général à durée indéterminée) par voie d'élection par le conseil d'école ou le conseil de direction du lycée, et par leur directeur. Le conseil de direction comprend des représentants des personnels, des élèves (âgés de plus de dix-huit ans) et des parents d'élèves.

Mme Colette Mélot, rapporteur, a fait remarquer que la délégation avait été frappée de constater l'attractivité du métier d'enseignant en Finlande - à salaire égal avec la France - et le caractère, semble-t-il, très approprié de leur formation, le volet pédagogique étant primordial.

Les futurs enseignants doivent obtenir des diplômes dans les deux disciplines qu'ils seront conduits à enseigner, selon le système de bivalence qui est appliqué.

En troisième lieu, l'élève est au centre d'un dispositif organisé pour sa réussite et son épanouissement.

Le système éducatif est fondé sur le principe selon lequel ce n'est pas l'enfant qui doit s'adapter à l'école mais l'école qui doit s'adapter à l'enfant. De ce principe découlent l'organisation du système éducatif et les méthodes pédagogiques employées au sein des établissements. En outre, l'orientation pédagogique et éducative est au coeur du projet et les enseignants y participent activement.

En quatrième lieu, le système se veut égalitaire et équitable : l'éducation est gratuite (à l'exception des manuels scolaires au lycée), les difficultés d'apprentissage sont traitées dès qu'elles sont repérées et le système de soutien est important, sous la responsabilité de l'enseignant. Aucun élève n'est laissé au bord du chemin.

Le rapporteur a constaté que cette politique semble être efficace, les enquêtes PISA montrant que la Finlande est le pays où l'équité en matière éducative est la plus forte : différence réduite de niveau entre les élèves de quinze ans, faible disparité de résultats entre établissements, impact limité de l'origine socio-économique des parents sur la réussite scolaire des enfants.

Puis, Mme Colette Mélot, rapporteur, a relevé aussi que le système encourage la formation tout au long de la vie.

Enfin, il règne une forte culture de l'évaluation et de l'autoévaluation.

Au cours de la période précédant le lycée, il s'agit d'évaluer l'élève par rapport à ses propres progrès et de le soutenir en lui donnant différentes possibilités d'apprendre, chaque enfant étant différent. Ses professeurs attendent que sa motivation se renforce. Cette approche permet notamment de réduire les échecs scolaires liés au découragement des élèves. Les redoublements et les abandons sont très rares.

Cependant, certains des professeurs rencontrés n'ont pas caché les limites de cette démarche en cas de motivation ou de maturité limitée, d'autant que la discipline est réduite et les relations entre enseignants et élèves très détendues.

Dans un deuxième temps, Mme Colette Mélot, rapporteur, a précisé comment ces spécificités se traduisent dans l'organisation concrète du système.

Après une période d'apprentissage passant par le jeu jusqu'à l'âge de sept ans, l'élève doit suivre un enseignement obligatoire pendant neuf années, donc jusqu'à seize ans.

Les élèves ont cinq jours de cours par semaine, avec des cours de 45 minutes, pendant une durée hebdomadaire qui croît progressivement : de 19 heures de sept à neuf ans à 30-35 heures au lycée (selon le nombre d'options). Ils quittent l'école assez tôt et ont peu de travail à effectuer à la maison, au moins avant le lycée. Les activités extrascolaires sont encouragées ; néanmoins, certains interlocuteurs ont confié à la délégation que nombre d'enfants étaient livrés à eux-mêmes l'après midi, ce qui suscite aujourd'hui des réflexions sur cette organisation.

Les élèves ayant achevé le cursus de l'enseignement fondamental sont admis au lycée pour plus de la moitié d'entre eux ou dans un établissement de formation professionnelle pour environ 40 %. Environ 4 % entrent en classe de soutien (pour une dixième année d'études) et 4 % interrompent leurs études provisoirement.

En réalité, c'est à l'entrée au lycée que la sélection académique commence véritablement, l'affectation de l'élève dépendant de la moyenne des notes obtenues à l'école fondamentale.

La note minimum à atteindre pour suivre des études dans un lycée est fixée par la direction générale de l'enseignement, le comité de direction de chaque lycée fixant la note le concernant.

Au lycée, le programme est conçu pour durer trois ans, mais les lycéens peuvent le suivre en deux ou en quatre ans. L'enseignement ne se fait pas par classe d'âge mais par module de matière. Des élèves de quinze à dix-neuf ans peuvent donc suivre un même cours et tous les élèves n'avancent pas au même rythme. Au cours de leurs études au lycée, qui durent généralement 3 ans, les élèves doivent valider 75 modules, dont 50 sont obligatoires (fixés au niveau national) et 25 facultatifs (choisis par l'établissement).

Chaque module représente 38 heures d'enseignement et l'organisation de ses cours est choisie par chaque lycéen par période de six à sept semaines, la dernière semaine de chaque période étant consacrée aux tests.

Il y a donc autant d'emplois du temps que d'élèves. C'est après avoir établi l'emploi du temps des élèves, en fonction de leurs souhaits, que l'établissement établit celui des professeurs.

Ce système modulaire au lycée et, plus généralement, l'organisation du système éducatif, sont responsabilisants et motivants. Le rapporteur a cependant exposé les critiques évoquées par certains interlocuteurs :

- le sens de l'effort est trop peu encouragé ;

- l'orientation est parfois trop précoce pour les élèves moins mûrs ;

- les apprentissages étant progressifs, les choix des lycéens peuvent ne pas respecter le rythme d'apprentissage nécessaire et surtout sa régularité. Ce problème se pose avec une particulière acuité pour ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères, ce qui nuit d'ailleurs à celui de la langue française, supplantée par l'anglais. L'apprentissage des langues demande en effet une régularité dans l'effort et celui de l'anglais est facilité par le sous-titrage systématique de tous les programmes télévisés anglo-saxons ;

- certains programmes d'enseignement sont modestes, en histoire par exemple ;

- enfin, même si, pour des raisons culturelles, les jeunes scandinaves sont autonomes plus précocement que les jeunes d'Europe du sud, certains élèves n'arrivent pas à assumer cette souplesse éducative, qui est assortie d'une forte responsabilisation.

Pourtant, le taux de réussite au baccalauréat (général et non professionnel) est de plus de 90 %. Toutes les épreuves sont affectées du même coefficient. Toutefois, le choix d'épreuves plus exigeantes donne davantage de chances aux lycéens d'entrer à l'université.

En effet, l'entrée tant à l'université que dans les écoles supérieures professionnelles est très sélective.

C'est pourquoi, seuls 26 à 30 % des bacheliers entrent à l'université à l'issue des concours d'entrée.

Une réforme universitaire est en cours, l'objectif étant - comme pour la loi française sur la liberté et les responsabilités de l'université (LRU) de 2007 - de favoriser l'insertion des universités finlandaises dans la compétition internationale.

Mme Colette Mélot, rapporteur, a brièvement indiqué que les mesures concernent notamment les aspects budgétaires, la gouvernance des universités (40 % de personnalités extérieures au conseil d'administration, ainsi qu'éventuellement le président) et le statut des enseignants-chercheurs (qui passent du statut de fonctionnaires d'Etat à celui de contractuels de l'université et doivent assurer 1 600 heures de travail).

Evoquant enfin la question de savoir si la Finlande, bon élève des systèmes éducatifs occidentaux, peut être un modèle pour la France, Mme Colette Mélot, rapporteur, a estimé que tout modèle présente ses propres limites et zones d'ombre. En outre, aucun n'est facilement transposable, cela d'autant plus que la Finlande présente un certain nombre de spécificités liées notamment à sa propre culture et à sa situation géographique et démographique.

Pour autant, elle a jugé que l'observation des réussites étrangères pouvait toujours être utilement une source de réflexion, voire d'inspiration, pour les pays partenaires.

C'est pourquoi elle s'est réjouie que la mission d'information incite à une réflexion, l'exemple finlandais pouvant être un support utile pour des réflexions fructueuses en France, par exemple - mais non exclusivement - sur les sujets suivants :

- le rythme scolaire,

- la formation des enseignants,

- le degré d'autonomie du chef d'établissement,

- le travail en équipe des enseignants,

- ou le caractère plus ou moins modulaire du lycée.

Après des interventions de M. Jacques Legendre, président, et Mme Lucienne Malovry qui ont souligné l'intérêt de cette présentation, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport de la mission sous la forme d'un rapport d'information.