Mercredi 30 juin 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel pour 2010-2014 - Communication

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend tout d'abord une communication de Mme Catherine Morin-Desailly sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'Institut national de l'audiovisuel et l'Etat pour la période 2010-2014.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je commencerai par quelques remarques préliminaires. L'Institut national de l'audiovisuel, créé en 1974 par un amendement sénatorial, est un établissement que le reste du monde nous envie. Il s'agit de la première banque d'archives numérisées en Europe. Voilà une entreprise dynamique et résolument tournée vers le futur, qui a réussi avec brio la révolution numérique, alors même que l'on aurait pu penser que son coeur de métier, la conservation des archives, l'immobiliserait dans le passé. Son savoir-faire exceptionnel en matière de numérisation en fait une référence, en France comme à l'étranger, lorsqu'il s'agit de former aux métiers de l'image en même temps qu'aux métiers de l'informatique. A l'heure du média global qui veut que les professionnels de l'image et de l'information soient capables de produire pour tous les supports, l'expérience de l'INA est un véritable joyau sur lequel il faut capitaliser.

Afin de prolonger la dynamique des deux précédents contrats, ce troisième COM met en avant trois objectifs stratégiques pour la période 2010-2014 : la sauvegarde et l'enrichissement du fonds d'archives de l'INA, la valorisation et la commercialisation de ses collections et le développement de l'enseignement à l'image et aux médias.

En matière de sauvegarde des archives, l'enjeu consistera à poursuivre la mise en oeuvre du plan de sauvegarde et de numérisation et à en étendre le périmètre à d'autres archives menacées de dégradation. Ce plan se verra alloué un montant de 51,6 millions d'euros pour la période 2010-2014. Toutefois, il devrait rester environ 100 000 heures à numériser pour un montant de 22 millions d'euros qui n'est pas abondé par le COM. C'est pourquoi l'INA a élaboré un projet visant à accélérer la mise en oeuvre du plan mais aussi à étendre son périmètre à d'autres fonds qui présentent de nouvelles menaces de dégradation. L'idée est que ce projet pourrait être financé à hauteur de 51,4 millions d'euros par le grand emprunt national. C'est seulement si l'INA parvient à maintenir son avantage compétitif dans le domaine de la numérisation que ses recettes commerciales continueront à augmenter. Le plan de numérisation est donc capital à cet égard.

C'est pourquoi je vous propose que notre commission apporte son soutien total à ce projet en appelant à ce qu'il soit rapidement validé dans le cadre du grand emprunt national.

Par ailleurs, le fonds de programmes collectés par l'Institut au titre du dépôt légal de la radio et de la télévision constitue une source d'information exceptionnelle pour les chercheurs et les universitaires. Or, la loi n'autorise à rendre consultable le dépôt légal que dans les emprises de l'INA. Afin de décentraliser l'accès au dépôt légal et d'éviter aux chercheurs d'avoir à se rendre à Paris, l'INA a équipé ses six délégations régionales de points de consultation du dépôt légal. Toutefois, au-delà des points de consultation physiques, c'est véritablement l'accès en ligne au dépôt légal des chercheurs accrédités qu'il faut développer.

C'est pourquoi je vous propose de recommander la mise en place d'un service d'accès en ligne sécurisé à destination des chercheurs accrédités qui soit notamment disponible dans le réseau des bibliothèques de dépôt légal imprimeur et les universités ayant conclu un partenariat avec l'INA. Ce service d'accès en ligne pourrait, le cas échéant, prendre la forme d'un extranet. Un indicateur de suivi mesurant le nombre de consultations à caractère scientifique du dépôt légal hors de la BNF pourrait ainsi être renseigné chaque année dans le contrat d'exécution du COM.

L'INA devra également bientôt mettre en oeuvre le dépôt légal de l'Internet, introduit par la loi Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) du 1er août 2006. Toutefois, le décret sur le dépôt légal du web n'est pas encore paru.

C'est pourquoi nous devrions exiger la parution dans les plus brefs délais du décret relatif au dépôt légal de l'Internet et appeler l'INA à renseigner dès le prochain rapport d'exécution du COM le nombre de sites web captés au titre du dépôt légal, le cas échéant au travers d'un indicateur cible.

En matière de valorisation et de commercialisation des collections, j'insisterai sur le défi du rétrécissement du périmètre des droits commercialisables de l'INA. En effet, les principales chaînes de télévision sont devenues les propriétaires d'un nombre de plus en plus important de leurs programmes d'archives, en particulier depuis les années 1990. Plus on avance dans le temps, plus le nombre de programmes que l'INA pourra exploiter sous forme intégrale diminuera.

Pour faire face à ce défi, l'INA compte, d'une part, mettre l'accent sur la commercialisation des extraits d'archives pour lesquels l'Institut a développé un vrai savoir-faire en termes d'éditorialisation et de mise à disposition du grand public avec le site ina.fr, et, d'autre part, enrichir son catalogue de programmes en accueillant de nouveaux fonds d'archives par le biais des prises de mandats d'exploitation. Ce procédé permet à des chaînes mais aussi à des producteurs privés indépendants de confier leurs archives à l'INA qui se charge de les numériser et ensuite de les commercialiser. Par exemple, TF1 a confié à l'INA la gestion de 31 000 heures de ses programmes d'actualité, et ce mandat a représenté à lui seul pas moins de 50 % du chiffre d'affaires total de l'INA au titre de ses mandats d'exploitation. Je rappelle aujourd'hui que l'INA réalise 90 % de son chiffre d'affaires global de cessions de droits à partir de seulement 5 % de ses archives. Les marges de progression sont donc encore substantielles.

Le service en ligne Inamediapro.com permet l'accès des professionnels aux contenus numérisés par l'intermédiaire d'un extranet. Il constitue une source dynamique de recettes commerciales : l'INA dispose de 10 000 clients professionnels dont 30 % sont à l'étranger. Le site « ina.fr » ouvert en 2006 permet désormais au grand public de visionner près de 25 500 heures de programmes en 2009. L'objectif en termes d'heures de programmes accessibles en ligne pour le grand public a été constamment dépassé entre 2006 et 2009, avec une augmentation sur la période de 108 %. Or, le projet de COM table sur une augmentation de seulement 28 % de cet indicateur sur la période 2010-2014.

C'est pourquoi je vous propose d'inciter l'INA et l'Etat à se fixer des objectifs plus ambitieux en termes de contenus numérisés accessibles en ligne pour le grand public dans la mesure où la progression affichée pour la période 2010-2014 est presque quatre fois moins importante que celle observée sur la période 2006-2009.

En matière d'enseignement à l'image et aux médias, l'INA aura pour objectif de créer, au sein du pôle « Université Paris Est », une filière d'excellence dans les métiers de l'image et du numérique. A cet égard, l'INA envisage un vaste projet de développement immobilier sur le site de Bry-sur-Marne de 75 millions d'euros, dont 55 seront apportés par l'Etat et les 20 restants prélevés sur le fonds de roulement de l'INA.

Aujourd'hui, le site de Bry-sur-Marne ne répond plus aux normes de sécurité pour le stockage des archives. Il suffirait d'une étincelle pour que la plus grande partie de notre patrimoine audiovisuel parte en fumée. Le projet immobilier prévoit donc la rénovation de la partie « conservation » du site, en même temps que la constitution d'un pôle universitaire.

Compte tenu des enjeux majeurs qui s'attachent à ce gigantesque projet immobilier, je vous propose de recommander qu'un calendrier précis de mise en oeuvre du projet immobilier soit renseigné dès le prochain rapport d'exécution du COM, en détaillant le montant des investissements engagés chaque année. Les rapports d'exécution devraient également renseigner chaque année un indicateur de suivi mesurant la part des supports physiques et numériques conservés en environnement contrôlé et sécurisé. Les difficultés de l'INA, depuis 2007, pour atteindre ses objectifs en matière de sécurisation de ses capacités de stockage plaident clairement pour le maintien de cet indicateur.

Par ailleurs, l'INA dispose d'une offre de formation qui séduit bien au-delà du public universitaire. Même les banques ont recours à l'Institut pour la numérisation et la sécurisation de leurs données.

C'est pourquoi nous pourrions recommander que l'INA renseigne chaque année un indicateur de suivi mesurant le nombre d'heures de formation dispensées auprès d'organismes extérieurs de tous types ou mesurant les recettes propres générées par l'activité de formation de l'INA.

Pour financer l'ensemble de ces objectifs, l'INA s'appuiera sur deux types de ressources. D'un côté, ses ressources propres générées par ses recettes commerciales, d'un montant de 38 millions d'euros en 2009, devraient progresser de 13,5 % sur la période 2010-2014. De l'autre, ses ressources publiques, principalement constituées par la quote-part de la contribution à l'audiovisuel public pour un montant de 84 millions d'euros en 2009, devraient continuer à augmenter de 9 % sur la période 2010-2014. Grâce à notre commission, la contribution à l'audiovisuel public constitue une ressource pérenne et dynamique du fait de sa récente augmentation et de son indexation. Dans la mesure où l'INA a prouvé, avec un très grand succès, que ses activités constituaient une continuité et un complément indispensables des activités des diffuseurs, notamment des chaînes publiques, et compte tenu de l'ampleur de ses projets futurs, le fait de lui attribuer une part de la contribution à l'audiovisuel public me semble désormais tout à fait justifié.

En outre, l'INA a fourni d'importants efforts de maîtrise de ses frais de structure. Il doit continuer à être encouragé dans ce sens.

C'est pourquoi il serait utile de conserver dans le nouveau COM l'ancien indicateur mesurant la part des frais généraux dans les charges d'exploitation pour continuer à suivre la maîtrise par l'INA de ses frais de structure. Cet indicateur reste important au regard de l'information du citoyen pour montrer que l'argent public est bien destiné à des actions dont il bénéficie. Cet indicateur est d'ailleurs commun à toutes les sociétés de l'audiovisuel public. Pour plus de cohérence, je vous propose donc de recommander qu'il soit conservé dans le prochain COM.

Enfin, en matière de rayonnement de notre patrimoine audiovisuel à l'international, l'INA doit, selon moi, jouer pleinement son rôle. Il doit impérativement resserrer ses liens avec les opérateurs de notre action culturelle et audiovisuelle à l'étranger pour développer son ouverture internationale. Dans cette logique, nous pourrions recommander que l'INA conclue un partenariat pluriannuel avec le futur Institut français qui devrait bientôt se voir reconnaître par la loi une compétence en matière de diffusion de notre patrimoine audiovisuel à l'étranger. Dans le cadre de cet accord, l'Institut français devrait mobiliser les moyens de notre réseau culturel pour diffuser les programmes de l'INA et, en échange, l'INA pourrait participer à la formation de nos attachés culturels dans les domaines de la numérisation et de l'image. Je vous propose de recommander également que l'INA conclue un partenariat avec la société Audiovisuel extérieur de la France. L'INA a tout intérêt à s'intéresser à la gestion des archives de RFI, de France 24 et de TV5 Monde et à aider à former leurs personnels. Nous pourrions enfin recommander que l'INA développe des fonctions de conseil et d'ingénierie auprès de nos partenaires francophones africains et au Moyen-Orient pour la sauvegarde de leurs archives.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis favorable à la signature du projet de COM entre l'INA et l'Etat pour la période 2010-2014, en l'assortissant des recommandations que j'ai formulées précédemment.

M. Jean-Pierre Leleux. - En tant que représentant du Sénat au sein du conseil d'administration de l'INA, j'ai eu l'occasion de constater le dynamisme et l'ambition qui animent cette entreprise, et je partage totalement les recommandations formulées par notre collègue. Le plan de sauvegarde et de numérisation mis en oeuvre par l'INA est exemplaire et unique au monde, il avance à bon train. En 1974, le Parlement a imaginé un concept novateur : séparer juridiquement les organismes responsables de la diffusion et de la conservation des documents audiovisuels. La conservation des archives audiovisuelles est ainsi devenue un objectif à part entière, traité prioritairement par un organisme aux moyens bien identifiés, alors qu'elle est parfois diluée parmi les autres activités audiovisuelles chez nos partenaires étrangers, voire effacée au profit de la diffusion.

En ce qui concerne le dépôt légal de l'Internet, il me semble impératif de préciser avec soin les rôles respectifs de l'INA et de la BNF. Je rappelle également que l'INA a breveté une nouvelle technologie de filtrage, appelée « Signature », qui offre la possibilité d'empêcher la mise en ligne de vidéos lorsque les ayants droit ne le souhaitent pas ou de gérer des accords concernant ces contenus. Cette innovation technologique a permis de rassurer considérablement les clients de l'INA en matière de sécurisation de l'exploitation de leurs documents d'archive.

Se pose enfin la question de la pérennité des supports, impliquant que des techniques soient adoptées afin que les contenus soient régénérés rapidement sur de nouveaux supports. A cet égard, l'Académie des sciences vient de publier un rapport précisant que les fréquences de renouvellement sont de dix ans, ce qui est un peu court, notamment beaucoup plus court que pour d'autres supports magnétiques antérieurs.

Un dernier mot sur la situation sociale de l'entreprise. J'ai pu constater au conseil d'administration que les relations entre la direction et les représentants syndicaux étaient bonnes même si de nouveaux défis sont en cours, que le nouveau président Matthieu Gallet aura à relever.

Mme Françoise Laborde. - Savez-vous, Mme le rapporteur, si des sanctions pénales sont aujourd'hui prévues en cas de non respect des obligations liées au dépôt légal de l'Internet ? En matière de formation, il faut, à mon sens, que l'on réfléchisse sérieusement aux possibilités d'élargir l'offre de l'INA à tous les publics, en investissant notamment dans la formation à distance, le cas échéant par le biais d'un partenariat avec le Centre national d'enseignement à distance (CNED).

Mme Marie-Christine Blandin. - La photographie constitue un fonds d'archives exceptionnel qu'il faut valoriser et j'aurais voulu savoir dans quelle mesure l'INA pourrait intervenir dans ce sens, notamment en partenariat avec la Réunion des monuments nationaux. Je rejoins également mes collègues sur ce qui a été dit sur l'ampleur du défi que représente la mise en oeuvre du dépôt légal de l'Internet.

Il faut souligner, d'autre part, que la dimension du défi est amplifiée par le développement extraordinaire de la mission de l'INA. A cet égard, le volume de la saisie d'Internet est incroyablement élevé. Cette saisie est certes utile : dans le cadre de l'élaboration du rapport sur la grippe, sans la possibilité d'accéder aux pages Internet antérieures, nous n'aurions pas obtenu la preuve que l'OMS avait modifié sa définition de la pandémie en mai 2009. Il me semble que ce développement des missions de l'INA est considérable. L'Académie des sciences est très optimiste quand elle affirme que la fréquence de renouvellement des contenus est de dix ans, certains affirmant même qu'elle est de cinq ans. Il faut que les autorités publiques soient bien conscientes du fait qu'un accroissement des moyens de l'INA doit aller de pair avec l'élargissement de ses missions.

M. Jack Ralite. - Vous dites que le projet immobilier de l'INA sera financé par l'Etat à hauteur de 55 millions d'euros, le reste étant prélevé sur son fonds de roulement. Est-ce que ce fonds de roulement est suffisant aujourd'hui ? Vous préconisez, par ailleurs, que l'accélération et la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de l'INA soient validées dans le cadre du grand emprunt national. Pour quel montant ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - 51,4 millions d'euros.

M. Jack Ralite. - Quelles formes devrait prendre ce financement ? Avez-vous une idée des retours sur investissement envisagés ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Vraisemblablement le financement interviendra sous la forme de prêts accordés dans le cadre du grand emprunt. L'INA a élaboré un projet très précis d'accélération et d'extension de son plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) qui en souligne les impacts économiques, culturels et éducatifs et qui précise naturellement les retours sur investissement qui en sont attendus, ceux-ci conditionnant l'octroi d'une aide dans le cadre du grand emprunt national.

M. Jacques Legendre, président. - Le projet immobilier de l'INA se déroulera-t-il sur le seul site de Bry-sur-Marne ? Le pôle universitaire que vous évoquiez sera-t-il créé ou existe-t-il déjà et est appelé à être étendu ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Si vous me le permettez, je répondrai d'abord aux questions d'ordre financier qui m'ont été posées. Le projet immobilier de Bry-sur-Marne est évalué à 75 millions d'euros, 55 millions d'euros étant apportés par l'Etat et les 20 millions restants seront effectivement prélevés sur le fonds de roulement de l'INA, qui s'élève aujourd'hui à 30 millions d'euros, ce qui est un résultat exceptionnel. Pour répondre à notre président, le développement immobilier envisagé ne concernera que le site de Bry-sur-Marne et comportera bien deux volets : d'une part, la rénovation de son pôle « conservation » afin que le bâtiment réponde aux normes de sécurité, et, d'autre part, la création d'un pôle universitaire pour consolider une filière d'excellence dans les secteurs de l'image et du numérique à l'Est de Paris, dans le cadre du projet du Grand Paris. Je rappelle, à ce titre, que l'INA dispose déjà d'une longue expérience universitaire puisque l'InaSup' a diplômé, en 2009, 239 étudiants.

S'agissant du dépôt légal de l'Internet, le projet de décret préparé par le ministère de la culture et de la communication prévoit, après une longue période de consultations et de négociations, une répartition des responsabilités entre l'INA et la Bibliothèque nationale de France (BnF). En l'absence de parution de ce décret, les sanctions pénales prévues par le code du patrimoine en cas de non respect volontaire des obligations de dépôt légal ne peuvent évidemment s'appliquer. En tout état de cause, cet avis sera l'occasion pour notre commission de rappeler, encore une fois, l'urgence pour le Gouvernement de publier des décrets d'application qui se font attendre de longue date. Je rappelle, par ailleurs, que la mise en oeuvre du dépôt légal a fait l'objet d'une longue phase de préfiguration au sein de l'INA qui est désormais préparé à capter entre 4 000 et 6 000 sites web par an.

J'adhère totalement à la proposition de notre collègue Françoise Laborde qui a raison de souligner la nécessité d'élargir les publics auxquels l'INA doit s'adresser en matière de formation et je propose d'intégrer dans le rapport une recommandation visant à développer l'offre de formation de l'INA à distance.

En matière de photographie, je crois savoir que l'INA dispose déjà d'un fonds de photographies mais dont l'exploitation n'en est probablement encore qu'à ses débuts. A l'évidence, il serait intéressant qu'elle participe à la valorisation de notre patrimoine photographique en s'appuyant sur sa longue expérience en matière de numérisation et en envisageant éventuellement un partenariat avec la Réunion des monuments nationaux.

M. Jacques Legendre, président. - Je vous remercie pour vos précisions. Mes chers collègues, êtes-vous favorables aux conclusions de notre rapporteur ?

M. Ivan Renar. - A mon sens, l'INA est sans doute l'une des plus nobles de nos structures intervenant dans le secteur de l'audiovisuel. Une fois n'est pas coutume, notre groupe votera donc pour l'adoption des conclusions de notre collègue Catherine Morin-Desailly.

Mme Marie-Christine Blandin. - Je voterai également dans le même sens.

Mme Maryvonne Blondin. - Notre groupe n'a pas reçu de consigne de votre sur ce sujet, mais compte tenu des explications de notre rapporteur, nous voterons également en faveur de l'adoption de ses conclusions.

Mme Françoise Laborde. - Le groupe RDSE ira également dans le même sens.

La commission adopte à l'unanimité les conclusions du rapporteur dont elle autorise la publication et donne un avis favorable au projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'Institut national de l'audiovisuel et l'Etat pour la période 2010-2014.

Groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux - Examen du rapport d'information

La commission entend le rapport de Mme Françoise Férat, au nom du groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux (CMN).

Mme Françoise Férat, rapporteur. - Vous avez confié au groupe de travail dont j'ai l'honneur d'être aujourd'hui le rapporteur, une mission extrêmement importante et passionnante sur l'avenir du CMN.

À l'occasion du débat en séance sur le projet de loi de finances pour 2010, notre commission s'était interrogée en découvrant l'article 52. Son contenu nous avait paru discutable pour deux raisons : tout d'abord il prévoyait de relancer la décentralisation opérée en application de la loi du 13 août 2004, sans aucun bilan préalable de la première vague de transferts ; ensuite et surtout, il n'encadrait ce processus d'aucune précaution permettant de garantir la cohérence de la politique patrimoniale nationale. Cette carence mettait en danger l'avenir du Centre des monuments nationaux. Rappelons que sa mission séculaire est de mutualiser les moyens entre les monuments historiques dont il a la charge, au profit d'une politique nationale cohérente du patrimoine monumental de l'État.

Le groupe de travail a constaté que le CMN est un outil précieux au service d'une politique dynamique de protection et de valorisation du patrimoine de l'État. Avec sa présidente, l'établissement a poursuivi ses efforts pour définir une approche pragmatique de ses missions. Celles-ci devaient nécessairement évoluer pour tenir compte la nouvelle compétence de la maîtrise d'ouvrage, renforcer et valoriser la compétence scientifique de l'établissement, et développer l'offre culturelle, notamment grâce à des ressources propres plus importantes. Le groupe de travail a pu apprécier la cohérence du projet global de réforme du CMN qui privilégie à la fois le fond, à savoir l'offre culturelle et l'expertise scientifique, et la forme, avec le développement économique et les relations extérieures.

La réforme de l'établissement s'est également traduite par le renforcement du rôle des administrateurs. On peut souhaiter que le CMN et le ministère de la culture arrêtent rapidement le contrat de performance qui était attendu pour le premier semestre de l'année 2010.

Il est évidemment trop tôt pour dresser un bilan de la réforme du CMN. Cependant, notre groupe de travail a pu constater que de nombreux travaux ont été engagés pour optimiser les équipements, pour améliorer les parcours de visite et l'accessibilité des monuments. En outre, la stratégie de développement des ressources propres du CMN s'inscrit dans une politique globale où « l'économie est au service de la culture ». En dressant ce premier bilan, on peut penser que tout ce savoir-faire pourrait être davantage valorisé au profit des sites reconnus patrimoine mondial de l'UNESCO ou encore des cathédrales.

Notre groupe de travail a néanmoins constaté plusieurs difficultés qui compliquent la mise en oeuvre des missions du CMN : la transition de la maîtrise d'ouvrage, les contraintes pesant sur la gestion des ressources humaines et surtout les incertitudes relatives à l'évolution de son périmètre. Notre position ne consiste pas à refuser tout changement. Notre inquiétude concerne la pérennité du système de péréquation qui fonde la mission du CMN.

Or la relance de la dévolution aux collectivités est toujours d'actualité avec la proposition de loi de Mme Marland-Militello déposée à l'Assemblée nationale. Il nous paraît donc urgent de réaffirmer notre choix d'une dévolution encadrée, respectueuse de la politique patrimoniale nationale dont le CMN constitue l'un des acteurs majeurs.

Les propositions que je vous présenterai dans quelques instants partent de trois constats.

Le premier constat est fondé sur le témoignage des collectivités devenues propriétaires d'un monument de l'État en application de la loi de 2004. 22 d'entre elles - soit environ un tiers - ont répondu à notre questionnaire qui visait à faire un bilan des transferts. Leurs réponses ont permis de constater une politique de restauration et d'animation extrêmement dynamique de la part des collectivités, mais aussi des défaillances qui nous font penser que tout transfert devrait s'accompagner non seulement d'une obligation d'information s'imposant à toutes les conventions mais d'un réel suivi pour ne pas laisser aux collectivités les moins importantes des situations difficiles à gérer.

Le deuxième élément dont il nous semblait devoir tenir compte est relatif aux règles de la domanialité publique. Nous craignons une multiplication des décisions de déclassement du domaine public de monuments historiques ou de certaines parcelles, parallèlement au développement des projets de valorisation touristiques. Réaffirmer que les monuments historiques à vocation culturelle forment un tout nous paraît indispensable.

Le troisième et dernier constat est relatif au contexte de la politique immobilière de l'État qui ne prend pas en compte la signification patrimoniale et symbolique des monuments historiques qui ne relèvent pas du ministère de la culture. La cession de ces biens chargés d'histoire est aujourd'hui envisagée au même titre que celle de simples bâtiments de bureaux. À cet égard, la polémique de l'hôtel de la Marine est regrettable à deux titres. Tout d'abord parce qu'elle choque les personnes attachées à notre patrimoine monumental qui peuvent douter de la volonté de l'État à demeurer le garant d'une politique nationale cohérente du patrimoine, ce que nous ne pouvons accepter. Ensuite, parce qu'elle jette inutilement l'opprobre sur la nouvelle politique immobilière de l'État qui pourtant paraît indispensable pour nos finances publiques. Fort de ces constats, le groupe de travail estime qu'il devient urgent de définir les contours d'un principe de précaution appliqué au patrimoine monumental de la nation, dont les propositions suivantes constitueraient la base.

Il s'agirait premièrement de « réactiver » le principe de « transférabilité » des monuments historiques appartenant à l'État, dont les critères avaient été définis par la commission Rémond. Cette première proposition implique de reprendre la liste, établie par ladite commission, des monuments dont le ministère de la culture avait la charge. Une nouvelle commission similaire devrait être constituée pour poursuivre ce travail sur l'ensemble des monuments historiques aujourd'hui gérés par France Domaine et identifier ceux devant rester propriété de l'État.

La deuxième étape serait l'identification, par cette même nouvelle commission, des monuments historiques ayant une vocation culturelle. Le critère de la vocation culturelle, que la commission détaillerait, pourrait avoir trois effets :

- dans l'hypothèse d'un transfert possible, il entraînerait la cession à titre gratuit ;

- en cas de conservation par l'État, le critère de vocation culturelle et les prescriptions afférentes serviraient de guide pour la définition des cahiers des charges quels qu'ils soient, par exemple dans le cadre d'une convention de transfert de gestion d'un monument ou d'un bail emphytéotique administratif de l'État ;

- enfin, tout projet de déclassement du domaine public, total ou partiel, d'un monument ainsi identifié, pourrait se voir imposer l'avis préalable de la commission, y compris donc à la suite d'un transfert à une collectivité. Ce troisième aspect est fondamental, car il constitue une garantie de protection du caractère inaliénable des monuments historiques, reprenant la philosophie du rapport Rigaud sur l'inaliénabilité des oeuvres des collections publiques des musées. Ce « verrou » scientifique répond aux inquiétudes exprimées par notre commission quant au devenir des monuments transférés dont on pourrait craindre une revente inappropriée, puisque tout acte de cession à une personne privée nécessite un acte de déclassement du domaine public.

Enfin, il faut prévoir les conditions encadrant la procédure de transfert des monuments de l'État aux collectivités. Elles concerneraient les délais, les obligations d'information, réaffirmeraient le rôle prééminent du ministre en charge des monuments historiques pour autoriser un transfert, et interdiraient le dépeçage du patrimoine via des transferts partiels.

Ces mesures essaient de trouver un double équilibre entre l'État et les collectivités d'une part, et entre le principe de libre administration des collectivités et celui d'inaliénabilité du patrimoine de l'État d'autre part. Elles offriraient en outre au CMN la garantie du maintien des fondamentaux qui sous-tendent son rôle. Elles permettraient enfin sans nul doute d'apporter un peu de sérénité aux débats actuels sur le patrimoine monumental de l'État.

Mme Monique Papon. - J'ai eu le privilège de participer aux travaux de ce groupe de travail. J'ai beaucoup appris. À ce titre, je voudrais remercier notre rapporteur. J'ai découvert des lieux que je ne connaissais pas. Il me semble que plus on avance, plus des questions se posent. Notre réflexion doit se poursuivre. Vous n'avez pas mentionné le déplacement du groupe de travail à Rome. Quels enseignements utiles à votre réflexion en avez-vous tirés ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. - Ce déplacement a été riche d'enseignements. Tout d'abord, nous avons retenu des points positifs, en termes de soutien à la culture dans le sens le plus large ; c'est ainsi qu'une forme de mécénat a été mise en place avec le concours essentiellement des organismes bancaires.

Mais cette organisation comporte aussi des aspects négatifs : contrairement à ce qui se passe en France, en Italie, la boutique est gérée par une entité, la restauration par une autre, la librairie par une troisième. On peut ainsi assister à une situation incroyable : si la convention s'est terminée pour la boutique et que l'appel d'offres n'a pas permis de trouver un autre prestataire, la boutique peut ne pas fonctionner alors que les autres activités se poursuivent. Cela parait tellement de bon sens de pouvoir gérer simultanément les dates de fin de convention des prestataires.

Il existe aussi des hôtels de la culture. C'est assez intéressant ; le Centre des monuments nationaux (CNM) a l'intention de s'en inspirer.

Par ailleurs, un décret législatif en cours d'adoption envisage la dévolution du patrimoine de l'État aux collectivités territoriales. L'Italie prévoit d'établir la liste des biens transférables dans ce cadre ; actuellement, l'État a la propriété de tous les lieux culturels.

M. Jacques Legendre, président. - Pouvez-vous être plus précise sur la notion d'hôtel de la culture ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. - Les hôtels de la culture proposent non seulement un hébergement mais aussi un accompagnement culturel. L'hôtel est toujours lié à un véritable programme culturel. Il y a une volonté de faire en sorte que l'hébergement ne soit pas unique.

Mme Bernadette Bourzai. - J'ai eu aussi le plaisir de participer à ce groupe de travail. Je m'associe aux félicitations de notre collègue Mme Monique Papon. Je souscris tout à fait à ce que vous avez dit quant à la cohérence et au dynamisme du Centre des monuments nationaux. C'est un outil remarquable, qui accomplit un excellent travail sur le plan de la communication mais aussi en profondeur. Il faudra être très vigilant pour préserver l'équilibre financier de cet organisme et surtout ne pas le priver des monuments rentables par rapport à ceux qui ne le sont pas.

J'ai beaucoup apprécié le travail fait sur le constat des transferts précédents. L'enquête que vous avez menée est significative car un tiers des villes ou collectivités concernées ont répondu. Elle permet de mesurer ce qui est positif et ce qui l'est moins. On peut espérer ainsi construire des conventions de transfert plus fiables pour les collectivités territoriales qui préservent le patrimoine local tel qu'il est transféré sous réserve des améliorations nécessaires.

Je voulais aussi vous remercier d'avoir bien voulu nous associer à l'élaboration du plan du rapport. J'ai fait observer qu'il y avait un doute au cas où une collectivité qui se serait vu transférer un bien et qui ne serait pas en mesure de le valoriser souhaiterait le revendre. Nous pourrions être d'accord sur le fait qu'il faut que, dans ce cas là, l'État soit en mesure de reprendre le patrimoine et de le préserver, puisque l'inaliénabilité du patrimoine doit être garantie.

J'exprime ma satisfaction personnelle. Nous aurons plaisir à continuer à travailler sur ce sujet car il est important en termes de valorisation culturelle mais aussi touristique et économique. Nous avons également le devoir d'être vigilant par rapport à des tentations qui ne seraient pas acceptables.

Mme Françoise Férat, rapporteur. - C'est un travail que nous avons fait en toute objectivité en essayant de partir du constat initial. Les expériences négatives sont toujours utiles pour la suite des événements de manière à ne pas les répéter. J'ai réalisé ce travail avec beaucoup d'enthousiasme.

Mme Maryvonne Blondin. - Je voudrais vous remercier de la qualité objective de votre rapport. Les craintes que nous avions formulées lors de la discussion sur l'article 52 du projet de loi de finances pour 2010, étaient justifiées et partagées par tous les bords de cette commission.

Ce qui a été évoqué sur l'éventuelle revente d'un bien par une collectivité mérite beaucoup d'attention. Il me paraît essentiel que cela puisse être rediscuté et surveillé. C'est un point important. En effet, il peut y avoir la vente à la découpe de ce bien. Cela est dramatique.

L'État vient de mettre en vente près de 1 700 biens immobiliers. Nous avons dans le département du Finistère des phares. J'ai l'expérience d'un des phares d'Ouessant qui a été transféré à la collectivité d'Ouessant ; mais celle ci n'avait pas du tout les moyens de le restaurer et de le financer. Il a été repris par le conseil général qui en fait une résidence d'artistes pour leur permettre de travailler en toute sérénité. Évidemment, ce sont des travaux très lourds. Il en est de même pour des châteaux du Finistère.

Nous avons cinq sites départementaux qui nécessitent des financements très importants, à l'exemple du domaine de Trévarez qui comprend un château et un parc magnifique. Nous avons créé un établissement public de coopération culturelle (EPCC) pour pouvoir gérer ces cinq domaines patrimoniaux. La première difficulté a été de trouver un financement, il s'agira ensuite de maintenir le niveau d'activité et de projets que nous voulons faire, compte tenu des contraintes budgétaires que les collectivités vont rencontrer dans les années à venir.

L'État nous a proposé un autre château, celui de Kergean. Devant les travaux de restauration indispensables - qui nécessitent de respecter les avis des architectes des bâtiments de France, de recourir à des entreprises qualifiées et agréées, ce qui double presque le prix de la restauration - il n'a pas été possible de le reprendre. En revanche, une association qui est financée par le conseil général s'occupe de ce domaine.

Ce transfert de l'État de biens culturels me semble important. Nous serons toujours vigilants car il demeurera ce problème crucial du financement pour les collectivités territoriales et cette éventuelle tentation de revendre le bien.

M. Jack Ralite. - L'ensemble du rapport tel qu'il nous a été présenté, me semble très intéressant. Mais j'aimerais peut-être qu'il lui soit donné plus de nervosité !

Lors des différents déplacements, en général, on était toujours d'accord. On avait toujours en tête l'environnement. Or, je trouve que l'environnement devrait être souligné. Le débat sur la réforme des collectivités territoriales bouleverse les idées par rapport à ce débat. Il faut l'évoquer, car on n'est pas dans une stratosphère !

Il existe aussi un mouvement d'externalisation des personnels de gardiennage qui s'accroît.

Je trouve que la notion de service public figure dans votre esprit et dans votre rapport à travers la relation État et collectivités territoriales. Il existe aussi au niveau républicain, c'est-à-dire au niveau général. L'État doit s'en préoccuper, et la collectivité territoriale aussi. Je souhaiterais que figurent dans le rapport deux ou trois lignes qui traitent de cette question.

Vous avez évoqué à juste titre l'hôtel de la Marine. C'est un sujet très préoccupant. Je constate qu'une certaine distance est prise par rapport au groupe de M. Alexandre Allard. En réalité, pour le moment, il est toujours là. Il faut savoir qu'il est un des principaux financiers des rencontres d'État du ministère de la culture à Avignon chaque année. La vente n'est certes plus envisagée. Le ministre de la défense évoque un bail emphytéotique mais la question n'est pas réglée.

Il aurait été intéressant de mentionner davantage le rapport Rigaud. À l'origine, le rapport Jouyet-Lévy est le premier qui a posé la question. Ce rapport qui n'a jamais été voté nulle part est appliqué partout. Y figure un passage sur l'inaliénabilité. Dans la lettre de mission du Président de la République du 1er août 2007 à Mme Christine Albanel, cela figure en toutes lettres : il faut faire des expériences. Elle a désigné M. Jacques Rigaud qui a rédigé un rapport dans lequel il rappelle la proposition de loi déposée en octobre 2007 par l'ancien député Jean-François Mancel qui distingue les trésors nationaux et les oeuvres libres d'utilisation. Les gens du terrain sont opposés à ce corpus de pensée.

Je partage votre avis sur le fait que France Domaine doit être contrôlé. Ce n'est pas possible qu'une partie de la mise sur le marché de biens soit faite par des comptables et Bercy, et échappe totalement au ministère de la culture. C'est sans doute la proposition la plus forte. Je la soutiens et je suis satisfait que vous repreniez l'expression de principe de précaution, qui avait été utilisée par Mme Christine Albanel dans son discours lors de la présentation du rapport de M. Jacques Rigaud. Il est important aussi d'évoquer les personnels.

Mme Claudine Lepage. - L'évocation du voyage du groupe de travail à Rome m'a fait penser au Palais Farnèse et à notre patrimoine français à l'étranger - ambassades, consulats... Je mentionnerai aussi les instituts culturels. Certains sont aujourd'hui menacés de vente. C'est inquiétant. L'ambassade de France à Dublin a déjà été vendue.

Je prendrai l'exemple du Palais Lenzi à Florence qui abrite le consulat honoraire et l'institut culturel. C'est un magnifique palais qui nécessite des travaux de rénovation extrêmement importants. Il se peut qu'au lieu d'effectuer les travaux on se décide à le vendre. Certaines activités sont lucratives et pourraient aider à sauver le Palais Lenzi, telles les résidences d'artistes, la librairie. Or le produit de ces activités repart sur le budget général et n'est donc pas affecté à son entretien.

Est-ce que ce patrimoine français à l'étranger a fait l'objet également de votre étude ? Comment s'intègre-t-il dans le dispositif que vous avez décrit ? Qu'est-ce qu'on peut faire pour le sauver ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. - Le Palais Farnèse appartient à l'Italie. Il fait l'objet d'un bail emphytéotique dont le terme approche. Cette question a été abordée avec notre ambassadeur. En ce qui concerne les autres bâtiments qui appartiennent à l'État français, ils feront partie du travail que nous souhaitons mener avec cette commission. Tous les lieux culturels seront traités d'égale manière.

Dans ma présentation rapide, je n'ai pas pu inscrire tout ce que nous avons perçu sur le terrain. C'est à la lecture du rapport que vous allez pouvoir appréhender les lignes de force de notre travail. Je me permets d'insister sur le fait que la dévolution aux collectivités territoriales sera demain, si nous en sommes d'accord, mieux encadrée. Un véritable état des lieux devra être dressé avant la dévolution.

M. Jacques Legendre, président. - Je voudrais remercier chaleureusement Mme Françoise Férat pour son rapport. Nous sommes plusieurs ici à avoir siégé ou à siéger au Centre des monuments nationaux, M. Jack Ralite, nous y avons siégé ensemble, M. Yves Dauge qui est actuellement membre, comme moi-même. Cela nous a contraints à une certaine distance vis-à-vis du groupe de travail que nous avons cependant souhaité.

Il s'agissait de se poser plusieurs problèmes :

- la politique de l'État français par rapport à l'ensemble des monuments historiques ;

- la situation du CMN qui est un opérateur essentiel pour la préservation de ces monuments appartenant à l'État, sans être le seul ;

- la tendance voire la tentation de céder certains bâtiments à vocation culturelle soit à des collectivités territoriales soit à des opérateurs privés.

Si des monuments relevant du CMN sont cédés par l'État à des collectivités et s'ils sont parmi ceux qui lui rapportaient de l'argent, il risque de ne pouvoir continuer à exercer sa mission de solidarité. Il faut rappeler que ce Centre des monuments nationaux est utile et qu'il a un rôle d'organisation solidaire entre monuments qui rapportent et ceux qui ne rapportent pas. Nous considérons qu'il faut lui donner le plus grand dynamisme et lui permettre de jouer pleinement son rôle. Vous avez constaté un dynamisme nouveau qui mérite d'être salué, appuyé et conforté par la représentation nationale.

Il est nécessaire également de bien encadrer les conditions dans lesquelles des monuments du CMN sont cédés à des collectivités territoriales pour faire en sorte d'une part, que ce transfert ne déséquilibre pas le CMN et, d'autre part, que les collectivités en fassent un usage culturel à leur tour. Il faut analyser lors de la cession quel est le projet de la collectivité et si elle a les moyens de le mener. Ceci explique le souhait déjà exprimé par notre commission, lors de la discussion sur l'article 52 du projet de loi de finances pour 2010, de ne pas s'en remettre au préfet, qui peut être soumis à des pressions locales, mais au ministre en charge de la culture afin que le projet culturel soit prioritaire par rapport au contexte local.

J'ai été membre de la commission Rémond qui avait été mise en place par M. Jean-Jacques Aillagon. Cette commission n'a traité qu'une partie du problème, même si le travail réalisé était passionnant. Elle a essayé de recenser les biens immobiliers appartenant à l'État qui relevaient du ministère en charge des affaires culturelles et d'une de ses directions, la direction du patrimoine. Il y en a d'autres ailleurs. S'il y a une chose à souhaiter, c'est que l'État mette un peu d'ordre dans les biens qui lui appartiennent et que le travail commencé par la commission Rémond soit fait systématiquement - et dans le même esprit - pour l'ensemble des ministères.

J'ai travaillé sur ces questions au Conseil de l'Europe lorsque je présidais la sous-commission du patrimoine. Beaucoup de secteurs dans des pays européens sont menacés de voir leur patrimoine dilapidé ou remis en cause, en particulier le secteur hospitalier, et les bâtiments militaires. Nous venons de vivre l'abandon d'un certain nombre de sites par l'armée française, ce qui signifie que l'État a la tentation de les donner, contre un euro symbolique, à la collectivité sur laquelle ils sont situés. Il me semble utile avant de faire ce geste de vérifier ce que la collectivité peut et veut en faire.

Il faut exiger une étude méthodique de l'ensemble des bâtiments en main d'État pour procéder à un tri entre ceux qui n'ont pas d'intérêt culturel et ceux qui en ont un. Il faudrait instaurer une forme de mouvement entre les monuments qui peuvent sortir du CMN et ceux qui peuvent y rentrer. Il est juste de reconnaître que si le CMN a abandonné, par exemple, le château du Haut-Koenigsbourg, il y en a d'autres qui ont été attribué récemment au CMN, le château de Rambouillet ou la Villa Cavrois, qui ne sont pas de petits monuments, dont il faut reconnaître l'intérêt du transfert.

Si votre rapport peut permettre de mettre toutes ces demandes en exergue, nous aurons contribué à préserver ce patrimoine.

M. Ivan Renar. - En explication de vote, je voudrais dire que nous ne donnons pas quitus à l'État. Une inquiétude subsiste sur la diminution du nombre de postes dans le domaine de la vie culturelle. Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux a des conséquences catastrophiques pour tout ce qui nous anime ici. Il faut rappeler aussi les insuffisances budgétaires de l'État.

Certains dossiers nous inquiètent du point de vue de l'attitude de l'État, mais le groupe de travail n'y est pour rien, bien entendu. Je citerai l'affaire de l'hôtel de la Marine, ce superbe palais ; dans d'autre pays, ce serait un palais de la culture.

Je me félicite du rôle joué par le Sénat avec la publication d'un tel rapport, ainsi que de la décision qui a été prise de confier le Musée du Luxembourg à la Réunion des musées nationaux (RMN) ; il relèvera ainsi du service public de l'ensemble des musées.

Nous donnons quitus au travail remarquable réalisé par le groupe de travail dirigé par Mme Françoise Férat. Ce rapport formule des propositions, des préconisations, une espèce de philosophie des monuments nationaux. Nous allons voter favorablement en y intégrant les remarques du président de notre commission. C'est le type de rapport où les affaires de l'esprit ne sont pas dominées par l'esprit des affaires !

Mme Françoise Laborde. - Nous adoptons le rapport en partageant toutes les félicitations exprimées. Je pense que l'identification, la vigilance, l'inaliénation sont des critères parfaits. Il est important de dépassionner le débat. S'agissant de la partie finances, on a tous compris qu'il fallait « se méfier » de France Domaine, car il ne faut pas non plus laisser partir tout notre patrimoine. Je n'ai pas de réserve sur le rapport, mais bien sûr il ne faut pas donner quitus à l'État.

M. Jean-Jacques Pignard. - J'approuverai ce rapport en félicitant le groupe de travail et ma collègue. Vous avez évoqué les hôpitaux, c'est un vrai problème. Lorsque j'entends dire que le sénateur-maire de Lyon veut vendre l'Hôtel-Dieu à un groupe international pour faire un hôtel cinq étoiles, cela me gêne un petit peu.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - J'ai un certain regret de ne pouvoir disposer du rapport dès à présent.

M. Jacques Legendre, président. - La réunion de ce jour doit valider les conclusions du groupe de travail et en autoriser la publication.

Mlle Sophie Joissains. - J'ai une inquiétude sur la destination future du Palais Farnèse.

Mme Françoise Férat, rapporteur. - L'ambassadeur de France met tout en oeuvre pour se donner tous les arguments de validation pour la suite. Il n'y a pas de doute particulier dans ce domaine : on n'imagine pas l'État italien retirer la prestigieuse ambassade de France à Rome, ce serait un cas de casus belli !

M. Jacques Legendre, président. - C'est une histoire ancienne. La France a été propriétaire du Palais Farnèse. Sous Mussolini et à la suite de nombreuses pressions, l'État italien l'a récupéré, pour des raisons de prestige, et l'a consenti par bail emphytéotique pour abriter l'ambassade de France ; la France, par mesure de rétorsion, a fait la même chose pour l'ambassade d'Italie à Paris qui est située aussi dans un très bel hôtel particulier du 7e arrondissement. Nous avons là une situation diplomatique dans laquelle les deux États se tiennent un petit peu en équilibre.

Le deuxième problème est celui du coût d'entretien de ce bâtiment. Le troisième, qui agace les Italiens, est celui du très grand nombre de bâtiments - villas, églises - que la France possède à Rome. L'ensemble des bâtiments en main française est considérable.

Mme Maryvonne Blondin. - Je reprends la parole pour vous expliquer le vote de mes collègues socialistes. Nous nous sommes déjà exprimés sur le rapport lui-même. Avec la proposition que vous avez évoquée de répertorier les biens immobiliers dans les autres ministères - et je rajoute celui de la justice - nous rejoignons la position prise par notre collègue Ivan Renar. Nous ne donnons pas quitus à l'État en adoptant ce rapport car dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, avec les problèmes de financement, la clarification des compétences, nous sommes dans une situation autre que l'accord que nous donnons à Mme Françoise Férat pour son rapport.

M. Jacques Legendre, président. - Nous pouvons être tous d'accord que pour ce qui est du patrimoine, nous n'avons pas les yeux fermés, au contraire nous voulons les avoir grands ouverts. Nous posons un acte avec ce rapport et nous entendons continuer à examiner au plus près la situation de manière à pouvoir peser sur la définition de cette politique du patrimoine.

La commission a adopté à l'unanimité les conclusions de son rapporteur et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Communications diverses

Mme Bernadette Bourzai. - Monsieur le président, je souhaite revenir sur l'audition de Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, le 22 juin dernier. J'avais alors qualifié son exposé de « stratosphérique » et je maintiens ces propos.

Dans la presse agricole Agra Presse du 21 juin 2010 que je n'avais pas eu le temps de consulter avant l'audition, est parue une information selon laquelle, dans l'enseignement technique agricole, 248 postes devaient être supprimés en 2011, c'est-à-dire pour la prochaine rentrée scolaire, 168 en 2012 et 168 en 2013, soit au total 584 postes sur trois ans.

Je trouve un peu indécent que Mme Zalay nous ait dit qu'elle n'avait pas d'informations sur l'évolution des moyens de l'enseignement agricole. J'ai le sentiment d'avoir été un peu flouée lors de cette audition et j'espère que les hauts fonctionnaires ne viennent devant nos commissions avec la volonté de dissimuler une situation qui apparaîtra inévitablement à un moment donné, et qui est préjudiciable à l'idée que nous nous faisons du service public de l'éducation qu'elle soit nationale ou agricole.

M. Jacques Legendre, président. - Chère collègue, nous ne pouvons pas considérer que ce qui est écrit dans un journal ait valeur de décision. Si j'ai insisté pour que la directrice générale de l'enseignement et de la recherche viennent devant notre commission en juin, à un moment où les arbitrages budgétaires ne sont pas encore finalisés, c'est justement pour bien faire comprendre au ministère de l'agriculture que si l'enseignement agricole devait être sorti de la mission « enseignement scolaire », nous devrions en tirer toutes les conséquences et veiller à ce que son budget soit convenable. On peut comprendre qu'un haut fonctionnaire n'ait pas la liberté de parole d'un ministre, notamment dans ces phases d'arbitrage. Mais il fallait faire passer le message.

M. David Assouline. - Monsieur le président, je souhaite émettre une vive protestation relative à l'attitude du nouveau président de l'Agence France-Presse, dont je sais que vous avez souhaité l'audition par la commission depuis sa nomination au mois d'avril.

Il m'a été indiqué qu'en dépit de sollicitations répétées des services de la commission, M. Emmanuel Hoog n'est toujours pas en mesure de répondre à cette invitation, alors qu'il a rencontré le Président du Sénat la semaine dernière.

Cette attitude est pour le moins surprenante, alors qu'il est d'usage que les ministres ou personnalités du secteur public ou privé répondent rapidement aux sollicitations de la représentation nationale.

M. Jacques Legendre, président. - Je partage vos préoccupations mon cher collègue et c'est pourquoi j'ai demandé à M. Emmanuel Hoog de se rendre disponible dès la rentrée de septembre pour venir devant notre commission nous présenter ses projets pour l'AFP.

- Présidence de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -

Contrôle budgétaire sur les comptes de France Télévisions - Communication

Au cours d'une seconde séance tenue dans la matinée, la commission entend, conjointement avec la commission des finances, une communication de M. Claude Belot et Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteurs, sur les comptes de France Télévisions.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - Claude Belot et moi-même travaillons à ce rapport depuis février. Il fallait laisser France Télévisions s'adapter à la nouvelle donne et mesurer les effets culturels et financiers de la suppression de la publicité après 20 heures ; le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, dont j'étais co-rapporteur, a ainsi été assorti d'une « clause de revoyure ». Faute de décret, le comité de suivi prévu par la commission de la culture n'a pas vu le jour, non plus que le groupe de travail sur la redevance. D'où cette mission commune avec la commission des finances. Nous avons auditionné une soixantaine de personnes pour mesurer l'adéquation des financements de France Télévisions à ses missions et dresser un bilan d'étape de la réforme.

Le grand chantier de l'entreprise unique est en bonne voie. Face à la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT) et des nouveaux supports, il fallait que la stratégie de bouquet bénéficie d'une structure juridique adéquate, afin de renforcer la visibilité de la marque France Télévisions. La fusion des divers conseils d'administration facilite la prise de décision et la construction d'une stratégie lisible. Dans un souci de transparence, le nouveau conseil d'administration unifié s'est doté d'un règlement intérieur qui renforce notamment le rôle des comités spécialisés. Il faut poursuivre dans cette voie afin que les engagements financiers les plus lourds soient systématiquement approuvés par le conseil d'administration.

L'organisation en tuyaux d'orgue cède la place à une organisation transversale de grands services définis par leur fonction - marketing, gestion, fabrication, etc. -, ce qui rend les arbitrages plus nombreux et délicats et nécessite une coordination des responsabilités croisées. La direction de France Télévisions en est consciente. Un renforcement de la fonction d'audit interne serait bienvenu.

Les auditions ont montré que l'unification des programmes consolide l'identité du groupe et renforce sa capacité d'achat et de négociation. Les antennes gardent la maîtrise de la ligne éditoriale de leur grille. Elles dialoguent avec le secteur programmes pour éviter une uniformisation des programmes au détriment de la diversité culturelle. L'unité Jeunesse a ainsi construit avec « Ludo » une offre cohérente sur l'ensemble du bouquet et sur Internet, évitant les redondances et les concurrences. C'est un modèle à suivre.

La réorganisation territoriale passe par la création de quatre pôles de gouvernance chargés de la coordination éditoriale des antennes de proximité et de l'allocation des moyens, afin d'éviter les doublons, de faciliter les mutualisations et de rationaliser l'offre. Mais la mise en ordre de marche de la nouvelle organisation est délicate : les responsabilités hiérarchiques se croisent, et le nécessaire rééquilibrage entre régions se heurte au refus légitime des mobilités géographiques contraintes. Enfin, gare à la recentralisation : les acteurs de proximité doivent conserver l'initiative éditoriale.

M. Claude Belot, co-rapporteur. - Hier, lors de notre dernière audition, l'actuel patron de France Télévisions estimait avoir mené à bien la mutation de son entreprise, en cette période de révolution du paysage audiovisuel.

La commission des finances a longtemps plaidé pour une augmentation de la redevance, qui n'est intervenue que l'année dernière. Ce matin, le ministre du budget disait intégrer dans ses prévisions une hausse de 2 euros par an.

Après une année 2008 difficile, 2009 a réservé de bonnes surprises : audience en hausse et reprise économique, avec un surplus de recettes publicitaires par rapport à la prévision de 144,9 millions, ce qui permet au groupe de réaliser un bénéfice net de 23,6 millions. En conséquence, la dotation budgétaire a été réduite de 450 à 415 millions. La trajectoire de charges a été maîtrisée, même s'il faut poursuivre les efforts. Il faudra tenir compte de l'aléa judiciaire, sachant que la cour d'appel de Paris a refusé la fusion des conventions collectives.

France 3 représente la moitié des dépenses de personnel. On constate une grande disparité de coût selon les grilles régionales : il y a là des marges de progression.

L'exercice 2010 sera sans doute bénéficiaire. Nous sommes loin de la situation du groupe à la fin des années 1990... Les synergies devraient permettre de réaliser 200 à 350 millions d'euros d'économies, mais la réorganisation sociale risque d'être source de coûts imprévus. Le passage au média global entraînera également des coûts d'organisation et de production. France Télévisions doit se préparer activement ! Bref, en cette période de mutation, la maison est tenue. Les pistes annoncées sont crédibles, les méthodes pour y parvenir aussi. L'état des lieux est globalement rassurant.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - La BBC, souvent citée en exemple, consacre 250 millions d'euros au développement du média global ; France Télévisions, 60 millions. Il lui faut réaffecter une partie des économies réalisées à ce secteur stratégique car source de recettes futures.

Maupassant, Tosca, multiplication des émissions culturelles : le virage éditorial est net. Il doit se décliner pour chaque antenne. L'identité de chaque chaîne du bouquet doit être renforcée, afin de différencier l'offre pour tous les publics. Bref, si son périmètre est adéquat, le bouquet manque encore de couleurs ! France 4 a connu une hausse d'audience de 60%, la plus forte de toutes les chaînes dédiées à la jeunesse. La différenciation réussie par rapport aux chaînes privées résulte aussi de la suppression de la publicité après 20 heures...

Le développement du média global sera un chantier majeur pour France Télévisions, qui doit être sur tous les supports : demain, la télévision sera hybride ! La France compte 18,5 millions d'internautes, qui passent autant d'heures sur la Toile que devant leur téléviseur. Il faut anticiper les mutations technologiques. Ainsi, après l'accord exclusif avec Orange, France Télévisions annonce le lancement de la plateforme de télévision de rattrapage Pluzz, dont l'offre sera distribuée sur tous les supports.

Les nouveaux pôles Marketing et Fabrication suivent les évolutions des modes de consommation des médias et les évolutions technologiques. Reste à assurer la cohérence des initiatives au sein d'une stratégie lisible. Ce sera la tâche de la coordonnatrice du média global fraîchement nommée. France Télévisions ne compte pas moins de 913 sites internet ! Il faut une porte d'entrée commune, pour une consommation efficace.

Au risque de brouiller son image, France 3 adopte une programmation proche de celle de France 2 et touche le même public. Elle n'assume pas pleinement sa vocation de chaîne des régions. On justifie les horaires des décrochages régionaux par leurs faibles audiences, alors que les horaires sont précisément la cause de cette faiblesse !

Les contours du projet de Web TV régionales sont encore incertains. Cette télévision d'hyper-proximité devrait offrir un véritable service : il suffira d'un clic pour voir, par exemple, tous les reportages sur le festival des Vieilles charrues, présents et passés ! Il faudra toutefois veiller à l'articulation des Web TV avec la chaîne premium. France Télévisions doit renforcer l'identité propre des chaînes qui la composent.

M. Claude Belot, co-rapporteur. - Les moyens dont bénéficie France Télévisions doivent lui permettre de réussir sa mutation. Son financement doit reposer sur des bases juridiques solides. Or la taxe sur les opérateurs de télécoms risque fort d'être mise en cause par Bruxelles... Une solution serait d'augmenter la redevance, et d'en élargir l'assiette : la France est le seul pays à exonérer les résidences secondaires !

Il n'y a pas eu de débat sur l'opportunité de supprimer la publicité avant 20 heures. Si celle-ci est effectivement complètement supprimée, il faudra des recettes de substitution. Augmenter les crédits budgétaires n'est guère dans l'air du temps... A titre personnel, j'aurais souhaité que la publicité reste un pilier du financement de France Télévisions. En tout état de cause, après 20 heures, la publicité a été remplacée par les « parrainages », essentiellement de la grande distribution, qui représentent 20% des recettes publicitaires !

Il faut un financement responsable, assis sur des recettes commerciales et une redevance adéquate. Soit l'on supprime totalement la publicité en 2012, en ce cas il faudra soumettre les terminaux informatiques et les résidences secondaires à la redevance, soit on maintient la publicité en journée. Vous avez compris quelle solution a ma préférence...

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - En ce qui concerne le financement de France Télévisions, nous avons dégagé plusieurs principes intangibles : la réforme ne doit pas avoir d'impact négatif sur le budget de l'État, le périmètre de France Télévisions doit rester inchangé, et les économies être consacrées à la modernisation, au média global et à la négociation sociale.

Si la suppression totale de la publicité est mise en oeuvre, la décision devra être prise avant la fin du premier trimestre 2011. Il faut six mois à France Télévisions pour organiser ses programmes et vendre sa régie publicitaire. Le Parlement ne doit pas être à nouveau pris de court ! Notre rapport consacre un chapitre aux comparaisons internationales en matière de redevance. Pour combler le manque à gagner, il faudrait en élargir l'assiette à l'ensemble des terminaux et réintégrer les résidences secondaires. Une nouvelle revalorisation paraît difficile dans le contexte actuel. Supprimer le parrainage améliorerait la lisibilité de la réforme - à condition que la taxe sur les opérateurs de télécommunication ne soit pas remise en cause.

Autre hypothèse, le maintien de la publicité en journée, avec éventuellement un élargissement de la contribution à l'ensemble des terminaux et une modulation de sa clé de répartition. Le taux de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision devrait alors être revu à la baisse, afin d'ajuster son montant aux besoins. Il peut s'agir d'un simple moratoire, le temps que l'indexation de la contribution compense une suppression totale de la publicité.

Nos propositions sont donc les suivantes : redonner des couleurs au bouquet : assumer la vocation territoriale de France 3 ; développer une vraie stratégie du média global ; choisir l'une des deux hypothèses crédibles de financement ; renforcer les synergies ; charger un organisme indépendant, par exemple le CSA, de contrôler de façon permanente les besoins de financement ; mettre en phase le contrat d'objectifs et de moyens et le mandat du président.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nous disposons enfin d'un état des lieux précis. Notre commission a toujours souhaité dégager le service public de l'audiovisuel de la dictature de l'audimat. Toutefois, veillons à ce que la publicité, chassée par la porte, ne rentre pas par la fenêtre sous la forme des « parrainages » : le Parlement ne se grandirait pas en tolérant une telle hypocrisie.

Je félicite nos deux rapporteurs : le débat est ouvert sur des bases claires.

M. David Assouline. - Cet état des lieux était attendu. La question du financement pérenne de l'audiovisuel public est au coeur de nos débats.

France Télévisions avait retrouvé une gestion saine et équilibrée, accompagnée d'un renouveau éditorial perceptible, avant la réforme ! Les programmes de qualité se sont multipliés, même si je regrette le peu de place accordée aux émissions politiques et au documentaire...

La gauche n'est pas pour la publicité à tout va : nous voulons un service public émancipé de la tutelle étatique ou commerciale, car c'est la garantie de sa liberté de ton. Le gouvernement Jospin avait proposé une augmentation progressive de la redevance, permettant à terme de se passer de publicité. Mais à partir de 2002, son montant a été gelé.

Les recettes compensant la suppression de la publicité ne sont pas sûres : Bruxelles va vraisemblablement retoquer la taxe sur les opérateurs de télécoms. C'est 200 millions qu'il faudra rembourser !

Dans le contexte budgétaire actuel, le service public ne doit pas dépendre du budget de l'État. Supprimer aujourd'hui la publicité avant 20 heures, en se privant de 400 millions de recettes, n'est ni juste, ni tenable politiquement !

Oui à une extension de la redevance aux résidences secondaires, d'autant que la ponction serait faible. D'accord pour une hausse étalée de la redevance, avec un moratoire : il faut établir un calendrier, et des objectifs. L'idée d'une taxe sur l'ensemble les terminaux est séduisante, mais me paraît difficile à mettre en place.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - Elle existe en Grande-Bretagne et en Allemagne.

M. David Assouline. - Quel en est le taux ? Comment est-elle perçue ? Là encore, il faudrait un état des lieux.

Il n'y a pas lieu de baisser à nouveau la taxe sur la publicité sur les chaînes de télévision, d'autant que si la redevance couvre l'intégralité des besoins de financement, la publicité se reportera sur les chaînes privées !

Quelle est la part des économies consacrée au développement du média global ? Enfin, où en est le plan social, négocié avec les syndicats, et quid des conventions collectives ?

M. Adrien Gouteyron. - Je me réjouis de la situation de France Télévisions, que je souhaite voir consolidée et pérennisée. Nous ne devons pas pour autant perdre de vue celle des chaînes privées : il faut suivre les évolutions du marché de la publicité dans son ensemble.

Je ne comprends pas la perpétuelle inquiétude des personnels de France 3 en région. Où est le péril ? Par ailleurs, comment expliquer les importantes différences de coûts entre antennes régionales ?

M. Jean-Pierre Leleux. - Le conseil d'administration de France Télévisions, dont je suis membre, est fier des progrès effectués. La fin de la publicité après 20 heures accentue la différenciation avec les chaînes privées et est appréciée des téléspectateurs. Faut-il à terme supprimer complètement la publicité ? L'exemple espagnol montre un effet positif sur l'audimat. D'autres jugent la publicité utile pour des raisons économiques, et redoutent qu'une dépendance à l'égard du budget de l'État n'altère l'esprit de l'entreprise...

Reste le problème du financement : en temps de crise, on ne peut demander 450 millions supplémentaires au budget général de l'État. Une solution serait d'augmenter la redevance, d'y soumettre les résidences secondaires et de l'asseoir sur le nombre d'écrans réel. Financer France Télévisions coûte aujourd'hui seulement 20 centimes par jour au contribuable, le prix d'un texto ! Sur les 50% de contribuables qui ne payent pas la redevance, combien sont abonnés à Canal Plus ?

Combien ont rapporté les taxes sur la publicité sur les chaînes de télévision et sur les opérateurs de télécoms ? Quelles économies permettra le passage au tout numérique ? Enfin, attention au retour de la publicité via les parrainages !

M. Jack Ralite. - Nous avons débattu de ces questions le 5 mai en commission de la culture, en séance publique le 10, puis le 20 mai, et encore le 4 juin. Nous n'avons rien appris de nouveau aujourd'hui. Le gain constaté témoigne de l'attachement des publicitaires à la télévision publique, et de la qualité du personnel de la régie publicitaire. La situation demeure fragile. Lors de la fusion, le mécanisme comptable de revalorisation des actifs a été calculé pour atteindre 100 millions ! La synergie a déjà rapporté 67 millions. Reste que le résultat positif de 50 millions est à saluer.

Google est en train de percer dans la télévision : ce sera un sacré concurrent ! Or les nécessaires investissements de France Télévisions dans le media global ne sont pas chiffrés.

Ma position sur la publicité est claire. Ma proposition de loi de 1999, élaborée avec une cinquantaine de professionnels, prônait un financement croisé, pour préserver l'indépendance de France Télévisions. Saisissons la clause de rendez-vous prévue dans la loi du 5 mars 2009 pour en rester là ! Certes, la télévision « formate » le téléspectateur, mais celui qui regarde l'image n'en est pas esclave !

La régie publicitaire doit rester dans le giron de France Télévisions, a fortiori vu les activités parallèles de l'acquéreur potentiel, M. Courbit. Il faut rétablir les résidences secondaires dans l'assiette de la redevance. Les comptes de TF1 restent florissants : il n'y a pas lieu baisser leur taxe. Je demande enfin une étude sur la redevance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - J'estime pour ma part qu'un pôle public ne devrait pas être financé par de la publicité ou le parrainage, mais par des moyens publics. La chaîne publique doit se caractériser par son mode de financement. Pourquoi les gens du voyage, par exemple, sont-ils exonérés de redevance ?

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteur. - La redevance a été rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public ». Elle fait l'objet d'une étude détaillée dans le rapport, sur la base de comparaison avec les pays voisins. Ainsi, l'Allemagne a mis en place une taxe sur les terminaux informatiques de 5,75 euros, mais envisage de l'aligner sur la redevance.

Les recettes publicitaires sont certes en hausse, mais la situation des comptes prend en en compte la surcompensation de l'État via la dotation budgétaire... La situation est certes stabilisée, mais l'équilibre structurel reste à trouver.

Le passage au tout numérique devrait dégager une économie de 80 millions d'euros, déjà réaffectés à la modernisation. Les taxes ont rapporté 214 millions au budget de l'État, loin des 450 millions à compenser. La prévision pour 2010, en année pleine, n'est que de 366 millions. Nous n'avons pas, par ailleurs, les 200 millions nécessaires pour compenser la suppression de la publicité avant 20 heures. Si nous voulons une télévision dégagée de la contrainte de l'audimat, il faut avoir le courage d'augmenter la redevance, en travaillant sur les pistes que nous proposons.

M. Jean Arthuis, président. - Bref, seul le financement ne fait pas consensus.

A l'issue de ce débat, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et la commission des finances donnent acte à Mme Catherine Morin-Desailly et Claude Belot, rapporteurs, de leur communication, et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Jeudi 1er juillet 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Audition de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

M. Jacques Legendre, président. - Nous avons souhaité vous entendre, monsieur le ministre, afin que vous puissiez faire devant nous le point sur la sécurité dans les musées. Notre commission s'est en effet émue d'apprendre qu'un certain nombre de tableaux avaient été dérobés dans des musées nationaux et municipaux. Nous sommes tous très attachés à la préservation du patrimoine exposé dans les musées.

En outre, j'ai appris par les journaux que vous reveniez d'un voyage en Haïti. Pourrez-vous nous dire quelques mots sur ce que vous avez pu constater dans ce malheureux pays qui est un membre important de la francophonie ? Comme nous l'avions dit en séance lors du débat qui a suivi la catastrophe, sans oublier les victimes, il faut dire que le patrimoine culturel haïtien a été particulièrement touché par le tremblement de terre. Que peut faire la France pour venir en aide à ce pays, monsieur le ministre ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Tout d'abord, je tiens à vous informer que l'on vient de me remettre une dépêche AFP annonçant qu'un tableau de Picasso évalué à 180 millions d'euros a été retrouvé ce matin.

M. Ivan Renar. - Est-ce grâce à l'efficacité de la commission ?

M. Jacques Legendre, président. - Je le pensais mais n'osais le dire...

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Sachons-le : il n'y a pas de risque zéro. Nous aurons aura beau faire, l'imagination des voleurs et des réseaux sera toujours sans limite. Il s'agit d'une lutte permanente. Je ne vais donc pas venir devant vous en vous assurant que le problème est réglé : ce serait vous mentir. En outre, les musées ne sauraient devenir des bunkers : ils sont faits pour accueillir du public, un public d'ailleurs de plus en plus nombreux ces dernières années. Mais plus la fréquentation est forte, plus les risques s'accroissent.

Je vous remercie d'avoir suscité un débat sur cette question fondamentale de la sûreté dans les musées. Il s'agit d'un enjeu essentiel de la politique patrimoniale de notre pays, et d'une priorité de longue date du ministère de la culture et de la communication. Je suis d'ailleurs venu accompagné de différents responsables de mon ministère dans ce domaine, dont Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, Pierre Hanotaux, mon directeur de cabinet, et Anne-Solène Rolland.

La France est célèbre, dans le monde entier, pour ses musées qui présentent des collections d'une richesse exceptionnelle, enrichies génération après génération. Nous avons le devoir absolu de veiller sur ce patrimoine afin de le léguer dans son intégralité aux générations futures. Il s'agit d'une responsabilité collective que se partagent l'Etat, les collectivités territoriales, les professionnels des musées et les visiteurs. C'est ensemble que nous devons prévenir le vol et lutter contre le trafic des oeuvres d'art. Il est indispensable que chaque citoyen se sente concerné et que l'Etat mobilise toutes les énergies.

Cette question de la sûreté des collections a pris un relief tout particulier avec la disparition spectaculaire, dans la nuit du 19 au 20 mai, de cinq chefs-d'oeuvre du Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Ce vol a été évalué à une centaine de millions d'euros. Cet événement m'a incité à rappeler, par une circulaire adressée le 9 juin dernier aux responsables d'établissements nationaux et territoriaux, toutes les mesures qu'il leur incombe de mettre en oeuvre pour assurer cette mission fondamentale. Du directeur à l'agent de surveillance, en passant par le conservateur, le technicien et le conférencier, chacun a un rôle à jouer dans la chaîne de protection de nos collections.

Ce vol récent a suscité un très grand émoi. Dans la communication que j'ai faite hier en Conseil des ministres, j'ai rappelé que les voleurs de tableaux étaient entourés d'une sorte d'aura romantique. Ils évoquent, dans l'inconscient collectif, Arsène Lupin ou les riches collectionneurs fous que l'on trouve dans les James Bond. La réalité est, hélas, plus sombre : l'idée d'un pillage du patrimoine par des bandes organisées est insupportable, comme celle de la malveillance et du vandalisme. Cependant, ce type d'événement reste exceptionnel, et le nombre de vols dans les musées de France ne cesse de baisser d'année en année, de manière très significative, jusqu'à avoir été presque divisé par deux en une dizaine d'années : vingt vols ont été recensés en 2009 contre trente-sept en 2000. Cette baisse est due au développement des mesures de sûreté dans les musées et à l'action volontariste et concertée menée par les ministères concernés.

Les équipes spécialisées de mon ministère sont en relation constante avec l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) du ministère de l'intérieur, ainsi qu'avec l'administration des douanes, les services du ministère de la justice, mais aussi avec Interpol puisque le trafic d'oeuvres d'art ne connaît pas de frontières. Ainsi, il y a quelques années, deux chefs d'oeuvre d'Edvard Munch ont été volés en Norvège : l'un a été retrouvé dans ce pays et l'autre dans un autre pays européen.

Grâce à cette action interministérielle volontariste, les enquêtes, forcément longues et difficiles, connaissent souvent d'heureux dénouements. Ainsi, en janvier, j'ai eu l'honneur de remettre au président du Château de Fontainebleau les deux glaives du roi Jérôme qui y avaient été dérobés il y a quinze ans et qui ont pu être retrouvés au terme de patientes et minutieuses recherches menées par l'OCBC. De même, je vais prochainement remettre au Musée du quai Branly une sculpture d'Afrique Centrale, un fétiche volé probablement dans les années 1960 dans les réserves du Musée de l'Homme, et que sa documentation précise a permis d'identifier lors de son passage en vente. C'est d'ailleurs souvent à ce moment-là que les oeuvres d'art sont retrouvées. Il est alors intéressant de voir le cheminement parcouru par l'oeuvre : le plus souvent, elle passe du receleur à un premier acheteur malhonnête. Le second est généralement aveugle par inconscience ou par mauvaise foi tandis que le troisième achète l'oeuvre en toute bonne foi et c'est quand il veut s'en séparer qu'il se rend compte que les certificats dont il dispose sont faux.

Notez bien qu'il ne s'agit pas que de tableaux : toutes les oeuvres d'art sont soumises à des risques. Ainsi, il y a quelques années, un petit objet fabriqué par Picasso a été dérobé au Musée Picasso. J'ai déjà évoqué les glaives du roi de Westphalie et le fétiche retrouvé.

Tous ces succès démontrent l'efficacité remarquable des services de police et des mesures de prévention, mais il faut beaucoup de temps pour remonter les filières.

La sécurité du patrimoine est une préoccupation ancienne du ministère de la culture et elle s'inscrit dans une politique globale. La circulaire que j'évoquais rappelle cette priorité et en précise les différentes mesures. La sécurité des collections passe avant tout par une politique de prévention qui se développe dans quatre domaines.

Le premier axe concerne la prévention des actes de malveillance. On connaît à ce sujet nombre d'anecdotes tragiques : jet d'encre ou attaque au cutter d'un tableau. On se rappelle de cette artiste illuminée qui a voulu prouver son admiration pour un tableau en le couvrant de baisers : le rouge à lèvre a complètement dénaturé l'oeuvre. Les musées ne sont pas des bunkers et l'on court toujours ce genre de risques.

Les actions menées prennent la forme d'avis techniques, dispensés notamment lors des projets de rénovation ou de création de musées, tout au long de la conception des projets architecturaux, dans le cadre du contrôle technique exercé par mon ministère sur les musées de France, et réaffirmé par la loi du 4 janvier 2002. Il s'agit également de missions d'expertise technique effectuées à l'initiative soit des établissements, soit des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), en relation avec les collectivités territoriales concernées. En 2009, pas moins de douze missions ont ainsi eu lieu dans les musées nationaux et quarante-cinq dans les autres musées de France. Ces avis et missions sont formalisés dans des rapports d'expertise, qui sont ensuite transmis aux chefs d'établissement et aux collectivités propriétaires des collections publiques pour attirer leur attention sur les dangers que courent les oeuvres.

Pour renforcer l'efficacité de cette prévention des actes malveillants, j'ai lancé des audits de sûreté dans les musées nationaux jugés les plus vulnérables avec l'objectif de couvrir la totalité de ces musées d'ici la fin de l'été 2010. Je passe presque tous mes week-ends à visiter des musées afin de constater l'étendue du problème et mes équipes sont mobilisées en permanence sur ces questions.

En liaison avec les DRAC, je prévois de définir une cartographie des établissements sur lesquels une vigilance particulière est nécessaire, avec des visites périodiques destinées à apprécier les efforts entrepris par les collectivités pour sécuriser les bâtiments et les collections.

Deuxième axe de cette politique de prévention : la formation des professionnels et des responsables des collections publiques. Les formateurs du ministère de la culture et de la communication interviennent dans le cadre de stages organisés au sein du ministère comme au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), et dont le contenu s'appuie sur une « mallette pédagogique » réalisée en 1997 et actualisée en 2005. Ce corpus, élaboré en partenariat avec le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et avec la direction de la formation de la police nationale, rappelle le cadre légal des interventions des services de l'Etat, inventorie les différents systèmes de protection mécaniques et électroniques, et propose des solutions pour trouver un équilibre entre les missions de surveillance et celles qui se rapportent à l'accueil des publics, qui est, bien sûr, la vocation première des musées.

Une formation à la sûreté est aussi systématiquement dispensée pendant dix jours à chaque agent d'accueil et de surveillance nouvellement recruté dans un musée national. Ces formations ont concerné, depuis 2000, pas moins de 730 stagiaires et près de 1 500 journées-stagiaires, sans compter les stages organisés directement par les grands établissements publics tels que Versailles et le Louvre.

Une formation spécifique sur la circulation des biens culturels est proposée une fois par an aux conservateurs et aux régisseurs des collections. L'accent est mis sur la traçabilité des oeuvres avec, notamment, la présentation, dans les musées, des bases spécialisées des services de police et de gendarmerie.

Là encore, j'entends renforcer ces mesures qui ont fait leurs preuves. C'est pourquoi j'ai souhaité que se tienne en octobre prochain, à Paris, une session de formation intitulée « Vol Malveillance dans les musées : prévenir et réagir », suivie en 2011 d'une formation de terrain sur ces mêmes thèmes.

A ma demande, le programme de formations élaboré par la direction générale des patrimoines (DGP) intègrera des modules de formation consacrés à la sûreté et à la sécurité, qui seront organisés localement à la demande des directions régionales des affaires culturelles, en liaison avec le CNFPT.

Le troisième axe de notre politique de prévention concerne la diffusion de documents d'information auprès des professionnels. Ce point est essentiel. Le réseau des musées de France dispose déjà d'outils largement diffusés. Il s'agit de documents qui concernent notamment les modes de protection mécanique des bâtiments, la vidéosurveillance, la détection volumétrique ou la centrale d'alarme. Je me réjouis de la mise en ligne prochaine, en complément de ce que l'on appelle les « muséo-fiches », de documents techniques portant sur les systèmes d'accrochage et de détection. Il est avéré que, dans le vol intervenu dans le Musée d'art moderne de la Ville de Paris, les systèmes d'alarme et de protection ne fonctionnaient pas. Depuis plusieurs mois, le système était défectueux, mais les négligences se sont accumulées entre ce qu'on savait et qu'on ne disait pas, ce qu'on savait et dont on ne se préoccupait pas, sans parler des pièces manquantes pour le système d'alarme qui avaient été commandées et qui n'arrivaient pas, sans qu'il y ait eu de relance pressante auprès du constructeur. Tous ces dysfonctionnements expliquent que les voleurs aient pu se déplacer dans le musée pendant une quinzaine de minutes sans être détectés. De la même manière, le vol d'un dessin de Degas qui s'est produit dans le Musée Cantini s'est effectué alors que les caméras de vidéosurveillance étaient soit en panne, soit braquées sur d'autres oeuvres.

En cas de vol, mon ministère a élaboré et transmis aux DRAC un document d'information sur la conduite à tenir, accompagné d'une fiche d'alerte à renseigner pour documenter précisément le bien volé et les circonstances de sa disparition au moment du dépôt de plainte, ce qui facilite l'enquête menée par les services de police et de gendarmerie, et augmente ses chances de réussite rapide pour retrouver l'oeuvre.

Ces informations permettent d'alimenter la base de données « TREIMA », gérée par l'OCBC, et qui est, grâce à la recherche par similarité d'images, la plus moderne du monde pour ce qui concerne les vols dans les collections publiques. A ce jour près de 80 000 objets volés y sont répertoriés. Bien évidemment, il ne s'agit pas que d'objets dérobés dans les musées nationaux : l'immense majorité a été dérobée chez des particuliers.

J'ai souhaité que soit diffusé prochainement, à l'ensemble des DRAC et des musées nationaux, un guide d'information et de prévention des vols à l'usage des propriétaires publics et privés de biens culturels, élaboré avec l'OCBC et la direction générale des douanes du ministère du budget. Ce guide sera mis en ligne tout prochainement, afin de toucher le public le plus large possible : propriétaires, élus locaux, professionnels du secteur culturel et du marché de l'art, collectionneurs. C'est toute la chaîne du secteur qui doit être informée pour réagir rapidement et donc efficacement.

Le quatrième et dernier axe de cette politique de prévention pour une meilleure sûreté dans les musées repose sur une indispensable connaissance des oeuvres à protéger, notamment à travers l'inventaire, le récolement et la documentation des collections, leur marquage et leur numérisation.

Afin de garantir la traçabilité des biens en cas de vols, les personnes morales, publiques ou privées, propriétaires des collections d'un musée de France doivent tenir l'inventaire de ces biens sur un registre normalisé, qui réponde aux normes définies par le code du patrimoine et par ses textes d'application, notamment le décret du 2 mai 2002 et l'arrêté du 25 mai 2004. Une circulaire a été adressée en 2006 à chacun des responsables des musées de France pour leur rappeler ce devoir.

Par ailleurs, l'obligation, pour les musées de France, de procéder à un récolement décennal, prévue par le code du patrimoine, offre un outil indispensable à la sécurisation des collections publiques. L'ensemble de ces récolements doit être terminé d'ici 2014.

Le marquage des collections contribue aussi à cette traçabilité des oeuvres. Tous les objets appartenant à l'Etat ou à une collectivité publique doivent être marqués du numéro d'inventaire qui leur a été attribué, et aucun bien culturel ne peut être exposé, prêté, déposé ou mis en réserve sans avoir auparavant reçu de marquage.

La numérisation constitue également un outil particulièrement efficace d'identification et donc de protection des collections. Depuis plusieurs années, le ministère de la culture et de la communication a mis en place un plan national de numérisation des collections publiques, intitulé « JOCONDE ». Quel nom est plus approprié que celui de ce tableau qui, je vous le rappelle, a été volé, puis retrouvé une dizaine d'années plus tard au début du XXe siècle ? Ce catalogue collectif des musées de France propose à ce jour pas moins de 422 000 notices d'objets culturels de toute nature, issus de 320 musées répartis sur tout notre territoire. Comme je l'ai rappelé dans la circulaire du 9 juin, les musées sont vivement encouragés - j'y insiste - à accélérer le versement de leurs données documentaires sur cette base.

Pour mener à bien cette politique de prévention, de formation et de diffusion, le ministère de la culture et de la communication dispose, depuis longtemps, de personnels qualifiés qui travaillent en étroite collaboration avec les organismes publics oeuvrant dans les domaines de la sécurité nationale. Dès 1990, le directeur des musées de France a eu l'idée de créer une mission pour la sécurité, dirigé par un ancien officier de police. Mais il est impératif de tenir compte aujourd'hui de nouveaux paramètres, notamment de la fréquentation croissante de nos musées et de nos monuments.

Pour répondre à l'enjeu national que constitue la sécurité des collections publiques, le ministère a donc renforcé ses structures pour accompagner les collectivités territoriales et les institutions muséales engagées dans la mise en sûreté de leurs équipements et de leurs collections.

Mon ministère dispose ainsi, au sein du service des musées de France et du département de la maîtrise d'ouvrage, de la sécurité et de la sûreté, de compétences scientifiques et techniques à même d'être mobilisées pour répondre à l'ensemble des questions qui se posent dans ces domaines, tant pour ce qui concerne la protection des collections que pour la mise en sûreté des bâtiments et des espaces muséographiques.

Il faut souligner, là encore, l'apport extrêmement fructueux des collaborations interministérielles. Mon ministère bénéficie ainsi de la mise à disposition, par le ministère de l'intérieur, de deux officiers de police qui ont pour mission de procéder à des audits de sûreté, de prodiguer des avis et des conseils techniques, et de participer aux actions de formation et de sensibilisation des professionnels des musées. Cette mise à disposition nous permet en outre de rester en contact permanent avec les services de la police nationale et de la gendarmerie, tant en matière de prévention des actes de malveillance, que dans le cadre des enquêtes liées à ces actes. Ces officiers de police sont considérés par l'OCBC comme des officiers de liaison. Je tiens à développer le nombre de missions et d'audits sûreté grâce à la présence de ces fonctionnaires de police mis à disposition.

Les relations privilégiées nouées de longue date entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'intérieur se sont également traduites par la possibilité offerte aux musées de France situés dans une zone de police nationale d'être raccordés au système « Ramses Evolution II » qui permet d'alerter l'état-major de la police au niveau départemental, qui intervient alors de façon systématique et particulièrement rapide. Il est donc essentiel de multiplier le nombre de musées raccordés et je les y engage fermement.

Cette coopération interministérielle est également très précieuse en aval, dans la lutte contre le trafic des biens culturels et dans les enquêtes, coordonnée en France par l'OCBC, qui entretient des relations suivies avec la direction générale des patrimoines. Son chef, le Colonel Stéphane Gauffeny, ainsi que ses adjoints, participent régulièrement aux travaux de l'Observatoire du marché de l'art et du mouvement des biens culturels, que pilote le service des musées de France.

La prévention et le travail d'investigation ont pour nécessaire corollaire un renforcement des sanctions contre ceux qui font trafic d'oeuvres d'art volées et qui portent ainsi gravement atteinte à l'intégrité de nos collections publiques. En 2007, à l'issue d'une table ronde sur la prévention et la répression des actes de vols et vandalismes, organisée par le ministère de la culture avec des représentants des ministères de la justice et de l'intérieur, du Sénat et de l'Assemblée nationale, mais aussi des professionnels du marché de l'art, des compagnies d'assurance et des experts de la protection du patrimoine, nous sommes convenus d'alourdir les peines infligées aux trafiquants d'objets d'arts volés. Ces mesures constituent des avancées importantes : voler une oeuvre d'art, la dégrader, c'est attenter à notre patrimoine national, à notre mémoire collective, et cela mérite une sanction plus lourde que pour d'autres vols.

Cette lutte contre le trafic de biens culturels avait d'ailleurs été retenue, à la fois par le ministère de l'intérieur et par celui de la culture, comme l'un des axes prioritaires de la présidence française de l'Union européenne.

Dans le cadre des objectifs de l'Agenda européen de la Culture, un groupe de travail sur la mobilité des collections a enfin été lancé en 2008 par la Commission européenne. A cet égard, vous savez que la France a choisi de présider avec l'Italie l'un des sous-groupes consacré à la prévention des vols et du trafic illicite. Des recommandations issues du travail de réflexion et de recensement des bonnes pratiques européennes vont être intégrées dans un rapport qui sera remis à la Commission européenne et qui devrait permettre de lancer de nouvelles initiatives dans les années à venir.

La sûreté des collections publiques est un enjeu prioritaire de la politique patrimoniale de notre pays. C'est en poursuivant, ensemble, un travail amorcé depuis plusieurs années déjà, que nous serons en mesure de parvenir aux buts que nous nous sommes fixés.

L'action que je souhaite promouvoir ne peut être efficace sans une mobilisation, aux côtés de l'Etat, de l'ensemble des propriétaires d'édifices, en particulier des communes, mais aussi des collectivités publiques, des conservateurs et des responsables d'institutions muséales autour de cette question essentielle. Notre responsabilité collective vis-à-vis de ce patrimoine et de sa protection requiert la plus grande vigilance et nous oblige à prendre toutes les mesures nécessaires à la réduction des risques. Beaucoup d'églises en France contiennent des oeuvres de grande qualité : il ne suffit pas de restaurer et de replacer une oeuvre dans une église ; encore faut-il que la commune dispose des moyens adéquats pour la protéger efficacement. On sait aussi ce qu'il est advenu de nombreux châteaux achetés avec leurs meubles il y a une quinzaine d'années par un véritable gang japonais et qui ont été désossés pour être revendus à la découpe au Japon : c'était légal, mais c'était du vol. Il faudra donc trancher entre ce qui relève de la pure acquisition et de l'acquisition délictueuse.

Il importe aussi de développer les réflexes des citoyens pour qu'ils sachent, tant en métropole que dans les territoires ultramarins, où j'ai eu quelques déconvenues lors de mon récent voyage, qu'ils sont les gardiens de ce patrimoine. Il faut donc renforcer l'éducation artistique et civique, qui sont étroitement liées, mais aussi favoriser un développement sécurisé du marché de l'art. J'y travaille avec la plus grande détermination. J'espère que vous avez compris que je suis prêt à tout faire pour lutter contre les vols et la malveillance.

M. Jacques Legendre, président. - Nous allons ouvrir le débat.

Mme Catherine Dumas. - Ce sujet est très sensible, surtout après le vol de cinq tableaux majeurs au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Je suis déjà intervenue au Conseil de Paris sur ce sujet puisque ce vol à provoqué une très vive émotion, d'autant qu'il a été effectué dans des conditions bien particulières. Les voleurs ont pu s'introduire dans le musée sans grande difficulté et la qualité des enregistrements vidéo était tellement médiocre qu'elle n'a pas permis leur exploitation par les enquêteurs. Or, un rapport confidentiel rédigé par l'inspection générale de la ville avait déjà souligné en 2007 les graves déficiences de la surveillance et de la sûreté dans divers musées dans la capitale. Des préconisations avaient été faites, mais elles n'ont pas été suivies d'effet. Un second rapport datant de 2009 a repris les points soulevés en 2007, en aggravant le diagnostic : seuls quelques musées sont équipés de caméras de surveillance, la sécurité incendie est souvent obsolète, les abords des musées sont mal surveillés, les fenêtres parfois dépourvues de système anti-intrusion. Ces rapports n'ont pas été suivis d'effet, et le Musée d'art moderne a connu le vol que l'on sait.

Les élus de Paris ont demandé l'audition de l'adjoint au maire de Paris et du directeur du musée. La commission des affaires culturelles de la Ville de Paris a reçu Christophe Girard, adjoint au maire, mais la mairie de Paris a estimé que nous ne devions pas auditionner le directeur du musée.

Quel est votre sentiment, monsieur le ministre ? Vous avez adressé une circulaire le 9 juin dont nous n'avons pas eu connaissance. Comment faire pour que les musées parisiens ne connaissent plus ce genre de vols ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je n'ai pas vocation à contrôler les musées de la Ville de Paris. Certaines susceptibilités sont insurmontables. Les mesures nécessaires ont été prises pour que de tels vols ne se reproduisent pas. J'en ai d'ailleurs parlé à deux reprises avec M. Delanoë avec qui j'entretiens d'excellents rapports. M. Fabrice Hergott, dont la compétence professionnelle est reconnue, a vécu cette affaire comme un drame personnel, alors qu'il n'était pas directement responsable de la sécurité et qu'il ne disposait d'aucun pouvoir hiérarchique pour la faire respecter. Les responsabilités étaient tellement partagées qu'elles se sont diluées. Il faut donc que chaque musée désigne un seul référent responsable de la sécurité.

Bien évidemment, je vous ferai parvenir la circulaire : la question de l'herméticité des établissements est un des points sur lesquels nous insistons beaucoup.

M. Jack Ralite. - Je ne peux qu'adhérer à tout ce que vous avez dit, monsieur le ministre. Il était bon que vous entriez dans tous les détails, comme vous l'avez fait.

Pourtant, ce qui s'est passé le 29 juin, à Fontainebleau, va exactement dans le sens contraire de vos propos. Ce jour là, le conseil d'administration de ce beau musée a décidé d'appliquer les préconisations de la RGPP II en prévoyant la suppression de 400 à 500 postes afin « d'optimiser » les fonctions d'accueil et de surveillance grâce aux nouvelles technologies et à l'externalisation éventuelle de ces fonctions. L'accueil et la surveillance ne font plus partie du coeur du métier. Le 29 juin, le départ d'une partie du personnel a été décidé sans qu'il y ait eu de concertation préalable. La date de la mise en oeuvre de cette externalisation est fixée... au 1er juillet ! Je suis effaré et en colère.

Au moment où vous prenez la peine, monsieur le ministre, de définir précisément les mesures à mettre en oeuvre, sans tomber toutefois dans l'idéologie sécuritaire, la RGPP frappe au Musée de Fontainebleau. On va me dire que je n'ai pas confiance dans le privé. C'est exact ! Quand on connaît les conditions qui sont faites au personnel du privé, on est en droit de se méfier. Avec la RGPP II, la sécurité sera moindre. Et ce n'est pas le tout-technologique qui règlera la question : on l'a d'ailleurs vu dans les villes qui se sont équipées de caméras de vidéosurveillance. Ça marche un temps, et puis ...

Avec la RGPP, vont manquer des moyens et des hommes compétents. Il y des choses qui me font mal. Si je le dis haut et fort, c'est que vous êtes capable de m'entendre, monsieur le ministre.

Par parenthèse, la semaine dernière, j'ai visité le Centre de recherche et de restauration des musées de France au Louvre. J'ai rencontré tous les directeurs des filières, j'y ai passé plus de quatre heures ! Voilà une merveille inventée par le système français au rayonnement international et que l'on fragilise. Il est question de déménager le laboratoire qui n'est déjà plus mixte, le CNRS l'ayant quitté. Puisse la ville de Fontainebleau ne pas être celle de tous les adieux, en l'espèce l'adieu à la tradition française du patrimoine !

M. Ivan Renar. - Sans chercher à accabler quiconque, nous devons tirer les leçons de cette malheureuse affaire de vol survenu au Musée d'art moderne de Paris et qui est la hantise de tous les conservateurs. Permettez-moi de plaider leur cause. Contrairement aux directeurs de théâtre ou d'orchestre, ils n'exercent pas d'autorité hiérarchique sur leur personnel, y compris en matière de discipline, et doivent obtenir l'approbation du conseil pour acheter un simple photocopieur. Certains d'entre eux sont même à la merci de chefaillons qui règlent des comptes. Or la sécurité, invisible quand elle est efficace, coûte cher quand il s'agit de protéger des oeuvres qui, par leur caractère inaliénable, n'ont justement pas de prix. Il n'y a pas de panacée : les musées utilisent différents types de techniques. Vous aurez d'ailleurs l'occasion d'admirer les installations sophistiquées du Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq lorsque vous l'inaugurerez, semble-t-il, le 22 septembre : caméras de surveillance dans le parc où est situé le musée et dans les salles, contacteurs sur les vitres, détecteurs de mouvement dans les salles et les couloirs, appareils de détection rapprochée installés sur les oeuvres les plus fragiles, système d'accrochage sécurisé et personnel 24 heures sur 24. Les musées de petites villes, qui ne sont pas soutenus par d'importantes communautés urbaines comme celle de Lille, qui n'a gardé que cette compétence culturelle, n'ont pas les moyens de faire de tant de frais. Outre les intéressantes mesures que vous avez détaillées, il faut donc s'employer à convaincre de l'importance des musées et du rôle des conservateurs, auxquels il faudrait peut-être donner un statut et davantage d'autonomie, eux dont la population se souvient lorsqu'un vol est commis. Il y va du prestige de la République.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Sans être obsédé par la répression et la déploration de l'abaissement moral de notre société, il me semble nécessaire de mieux expliquer à tous les citoyens que la protection de notre patrimoine est de la responsabilité de chacun. Telle préfète quittant la préfecture en emportant tapis et meubles, l'anecdote est aussi drôle que tragique ! Nous avons dû renoncer à l'installation lumineuse de M. de Castelbajac entourant la statue équestre d'Henri IV sur le Pont-Neuf à l'occasion de la commémoration de sa mort parce qu'elle était régulièrement vandalisée par des individus ivres mort.

Monsieur Ralite, vous avez lancé une charge - c'est de bonne guerre - contre la RGPP. Qualifié par certains de fossoyeur du service public, comme sur tel tract de la CGT, j'ai quelques réticences à vous suivre sur ce chemin. Le problème de la sécurité n'est pas lié à la RGPP. Externalisation de la sécurité ne signifie pas réduction de la préoccupation de sécurité. Sans affirmer que cela constitue une solution, je note que le Quai Branly, qui a fait ce choix de l'externalisation, n'a jamais été cambriolé. Quant au Musée de Fontainebleau, la décision d'une externalisation temporaire a pour but d'ouvrir de nouveaux espaces au public durant l'été.

Monsieur Renar, les directeurs de musées placés sous l'autorité directe du ministère de la culture, qui sont neuf fois sur dix des conservateurs de musée, ont la responsabilité hiérarchique de la sécurité. Quant aux musées qui dépendent de collectivités territoriales, les équipements sophistiqués n'assurent pas une protection totale : leur technicité pose des problèmes d'utilisation, d'entretien, de réparation - pour lire la notice d'une machine à laver, il faut presque être prix Nobel ! -, leur coût est un obstacle. Chaque collectivité doit réfléchir aux moyens d'assurer la sécurité de son patrimoine. J'ai visité deux petits musées, dont l'un près de Clermont-Ferrand et l'autre dans le Morvan. Grâce aux personnes merveilleuses qui en ont la charge, ces musées ont trouvé un système adapté à la modicité de leurs moyens. Peut-être est-ce parce que leurs responsables se sentent totalement concernés... Car il y a aussi des personnes négligentes. D'où la nécessité de véritables campagnes auprès des citoyens...

M. Serge Lagauche. -...qui pourraient être confiées à France Télévisions par votre ministère et financées par les recettes publicitaires !

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Certes, mais prenons garde à leur formulation. Chercher à prévenir le vandalisme, c'est souvent y inciter.

M. Serge Lagauche. - Vous parliez tout à l'heure d'oeuvres d'art, et non de vandalisme. Certains habitants de Créteil, ignorant ce qu'est une oeuvre d'art, ne sauraient pas, de toute façon, où vendre de tels objets. Gardons un équilibre.

Pourriez-vous nous dire quelques mots de la préparation de votre budget ? Où en est le contrat d'objectifs et de moyens de Radio France qui sera bientôt discuté par son conseil d'administration ? Dans les médias, on parle beaucoup de la nomination du président de France Télévision ou encore, dans Le Figaro, du retard dans l'application de la loi Hadopi. Il faudrait éviter que ces affaires traînent... Quid du projet de musée de l'histoire ? Enfin, les problèmes liés à la numérisation des salles de cinéma. Les parlementaires, malgré leurs efforts, n'ont pas réussi à faire adopter ce texte en juillet. Les collectivités, qui possèdent moins de trois écrans, ont besoin d'en savoir davantage sur les modalités du futur complément de financement. Ce point ne peut pas être réglé par la loi parce que les crédits dépendront du Centre national de la cinématographie et, pour partie, du « Grand emprunt » qui ne pourra pas tout financer, la numérisation du livre et celle du cinéma. Autres craintes : la disparition des petites salles, notamment en milieu rural, et la relation entre distributeurs et salles. Plutôt que d'être accablé sous le poids des questions écrites des parlementaires - les périodes électorales y sont propices -, le ministère pourrait prendre l'initiative de nous tenir régulièrement informés en nous transmettant des notes.

M. Jacques Legendre, président. - Monsieur Lagauche, ces questions, si intéressantes soient-elles, ne concernent pas la sécurité dans les musées, sujet auquel est consacré cette audition.

M. Serge Lagauche. - Soit, mais je ne demande pas une réponse immédiate. J'aimerais également entendre le point de vue du ministère sur la réforme des collectivités territoriales.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Monsieur Lagauche, l'application retardée de la loi Hadopi s'explique par le fonctionnement de la machine administrative et législative, dont vous êtes plus expert que moi, la difficulté à publier les décrets - il en reste encore un ou deux - et le recours devant la CNIL, tout à fait justifié de mon point de vue. Techniquement, tout est au point : les premiers messages électroniques partiront début septembre. Pour autant, j'attache plus d'importance au message pédagogique de cette loi qu'à son volet répressif - les sanctions, il est vrai, renforçant ledit message. Marie-Françoise Marais, présidente de l'Hadopi, suit le dossier de près.

Pour le budget, je me bats comme un lion. Les arbitrages n'étant pas encore rendus, je ne peux pas vous en dire plus, sinon que je crois m'en être plutôt bien sorti, grâce au soutien de mon cabinet, qui a su trouver les arguments.

Le lieu central du futur Musée de l'histoire, où seront organisés colloques, expositions et films, sera décidé quand nous aurons terminé le travail de mutualisation des lieux qui jalonneront le parcours offert à travers toute la France. Ce travail prend un temps fou : j'ai seulement depuis quinze jours entre les mains la liste définitive des maisons d'hommes remarquables en France continentale et ultra-marine.

Le Grand emprunt, désormais appelé « investissement d'avenir », contribuera à la numérisation de notre patrimoine. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), la Réunion des musées nationaux, la Bibliothèque nationale de France et l'Institut national de l'audiovisuel, chargés de collecter les informations sur la numérisation de notre patrimoine, participent à un groupe de travail avec l'organisme responsable de la répartition des crédits. Le Grand emprunt lancera seulement la machine - vous avez raison -, il faudra ensuite faire appel au secteur privé. Je serai heureux de recueillir vos avis et recommandations le moment venu.

Faites-moi confiance concernant la numérisation des salles ! J'ai été exploitant d'une salle de cinéma durant quinze ans ; j'ai été le premier à faire venir des Cinémobiles en France ; mon premier déplacement ministériel a été pour le festival du film documentaire de Lussas en Ardèche. Je travaille avec Mme Véronique Cayla à la question du complément budgétaire ; je serai vigilant concernant le respect de la liberté de la programmation. S'il le faut, nous coulerons dans le marbre que la numérisation ne doit pas conduire à l'affaiblissement de la diversité.

Quant à la réforme des collectivités territoriales, le sujet est trop important pour que nous en discutions ce matin.

Mme Béatrice Descamps. - Pour protéger le petit patrimoine rural entreposé dans les églises, les casernes et parfois les brasseries, les élus ont trouvé deux solutions : mettre les oeuvres au placard ou fermer les lieux... Monsieur le ministre, vous avez parlé de campagnes citoyennes, je veux vous parler d'éducation. Pourquoi ne pas sensibiliser les enfants durant les cours d'éducation artistique ? Soyons optimistes : faisons confiance à notre jeunesse ! En outre, l'inventaire que vous avez évoqué concernera-t-il toutes les oeuvres ? S'il porte sur les seules oeuvres de l'Etat, votre ministère ne pourrait-il pas mettre au point un canevas afin que les élus inventorient les oeuvres locales selon la même technique ? Quels seront les critères choisis pour faire entrer une oeuvre au catalogue : sa valeur, sa date ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Le plan Joconde concerne la totalité des oeuvres des musées de France. Il me vient à l'esprit que nous devrons prendre garde à sa divulgation : évitons d'en faire une shopping list à l'usage des voleurs...

Oui, nous avons besoin d'éducation citoyenne. Le patrimoine, comme la lutte contre le tabac, peut faire l'objet de campagnes d'information telles que l'imagine M. Lagauche. Celles-ci sont globalement un succès, malgré les aspects moins positifs que je soulignais tout à l'heure. L'éducation artistique dans les programmes scolaires peut y contribuer.

M. Louis Duvernois. - Alors que se tiendra bientôt la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat, pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer comment votre ministère, à qui ce texte assigne pour la première fois un rôle important, participera à la définition de la politique culturelle extérieure française menée par l'Institut Français, placée sous la tutelle unique du ministère des Affaires étrangères ? Serez-vous consulté sur la nomination du futur président de cet institut ? Quel rôle jouera la sous-direction des affaires internationales de votre ministère ? Entretient-elle des relations avec les réseaux, particulièrement concernant la formation, une avancée importante de ce texte ? Comment éviter la confusion ou la concurrence entre cet institut et les agences dépendant de votre ministère - UniFrance pour le cinéma, le bureau export de la musique française et la société de l'audiovisuel extérieur de la France ?

M. Jacques Legendre, président. - Monsieur Duvernois, je vous ferai le même amical reproche qu'à M. Lagauche...

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Monsieur Duvernois, le ministère de la culture sera très présent concernant l'Institut Français. Au-delà des excellentes relations que j'entretiens avec M. Kouchner, le ministère des Affaires étrangères aura besoin de nous. Et ce, pour une raison simple, l'institution fonctionnera avec notre « stock », si j'ose dire. J'ajoute que nous aurons au moins trois membres au conseil d'administration - j'en aurais souhaité quatre. Nous sommes en train de définir des règles d'usage. Le futur président de l'institut est un homme d'une grande culture, je n'y reviens pas. J'ai proposé une personne pour le poste de directeur général qui sera certainement retenue. D'après mon cabinet, je suis peut-être le premier ministre autant préoccupé du rayonnement culturel de la France à l'étranger. Je connais bien ce domaine, contrairement à d'autres, pour avoir été commissaire de plusieurs expositions à l'étranger. Nous avons pris de l'avance concernant la formation des agents : celle-ci sera organisée conjointement avec le ministre des affaires étrangères. Enfin, il est évident que le CNC ou le bureau export de la musique française travailleront avec l'institut, tout en restant des organismes indépendants, ne serait-ce que parce que certains d'entre eux sont privés...

M. Jean-Pierre Leleux. - Permettez-moi d'en revenir à la protection des oeuvres dans les collectivités territoriales. Je souhaiterais évoquer l'intervention parfois lente et chère des architectes en chef des bâtiments de France avant de rappeler que certaines villes héritent parfois d'un riche patrimoine, notamment religieux. La mienne, évêché durant plus de cinq siècles, abrite une cathédrale. Une fois réglés les problèmes de toiture et d'étanchéité, il faut s'inquiéter des vestiges antérieurs au XIIe et XIIIe siècle découverts dans le bâtiment, s'occuper de la remise aux normes de l'électricité, de la restauration des statues et des tableaux. Bien que le ministère de la culture et la DRAC contribuent à 50 % de ces coûts et que les conseils général et régional prennent en charge 10 % des frais, reste 40 % à la charge de villes de moins en moins riches. Cela devient extrêmement difficile. La cathédrale a fait l'objet d'un audit de sécurité contre le vol et le vandalisme et comme une merveilleuse petite église baroque que j'ai été contraint de fermer... Comment l'Etat peut-il davantage contribuer aux travaux de mise en sécurité de ce patrimoine important ?

M. Jacques Legendre, président. - Il n'y aurait pas de vol dans les musées sans trafic d'oeuvres d'art. En tant qu'ancien rapporteur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le pillage des biens culturels africains, j'ai constaté que de nombreux pays européens ne possèdent pas un office aussi sérieux et efficace que le nôtre, notamment Bruxelles, pourtant capitale européenne. Y a-t-il une concertation en cours à ce sujet au niveau européen ? Si aucun effort n'est fait en ce sens, nos musées, nos châteaux, nos églises continueront d'être pillées. Si nous voulons promouvoir cette cause, nous devons être exemplaires en prévenant toute vente illégale ou délictueuse d'objet d'art sur notre territoire. Quid de la ratification de la convention d'Unidroit sur les biens culturels ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Peut-être cela paraîtra-t-il romanesque ou suranné de le dire ainsi, mais la protection des oeuvres, après la visite de Grasse, me hante ! Il y a tant de Grasse en France ! Nous devons trouver de nouvelles pistes, sans nous arrêter à tous ceux qui nous diront qu'elles sont déraisonnables. L'une d'entre elle, que j'étudie avec Mme Pécresse, est de recourir aux étudiants, notamment ceux des écoles d'art : plutôt que de faire du baby-sitting pour obtenir quelques sous, les étudiants feraient du « musée sitting ». J'espère avancer vite sur cette piste prometteuse et remettre une note à la rentrée. Pour protéger nos oeuvres, je ne crois pas à un miracle, mais à un faisceau d'éléments. Le raccordement d'une cathédrale à un commissariat, une plus grande attention des DRAC au sujet, tout cela ne suffira pas.

Permettez-moi une anecdote sur le trafic international des oeuvres d'art. Un milliardaire étranger à la réputation controversée a acquis une très belle commode auprès d'un grand antiquaire français, pour plusieurs millions d'euros. Celle-ci a été soumise aux restrictions d'usage : elle ne devait pas quitter le territoire français. Affectant d'ignorer notre législation, il a fait porter ladite commode dans un appartement à Monaco. De là, il comptait la faire transporter dans son palais du XVIIIe siècle, tout de béton brut, récemment érigé à Kiev. Nous avons réussi à bloquer le processus ! C'est dire toutes les formes que peut prendre le trafic illicite des oeuvres d'art !

A Bruxelles, il existe un groupe de travail, présidé par la France et l'Italie, sur la mobilité des collections et la lutte contre le trafic de biens culturels. Il manque, il est vrai, un dispositif coercitif. Nous pourrons signer toutes les conventions de l'Unesco, elles n'auront pas d'effets tant qu'il n'y aura pas de suivi !

M. Jacques Legendre, président. - Monsieur le ministre, merci d'avoir répondu à nos interrogations. Nous sommes loin d'avoir épuisé toutes nos questions, vous l'aurez constaté, je vous dis donc : « A bientôt ! ».

Equipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 563 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et la proposition de loi n° 411 (2009-2010) relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques (Rapporteur : M. Serge Lagauche).

M. Jacques Legendre, président. - Nous allons procéder à l'examen du rapport et du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 563 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et la proposition de loi n° 411 (2009-2010) relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.

M. Serge Lagauche, rapporteur. - Je vous remercie de m'avoir confié le dossier de la numérisation des salles, mutation technologique importante et inéluctable qui détermine l'avenir du cinéma.

La numérisation bouleverse le modèle économique actuel. Les exploitants vont devoir investir 80 000 euros en moyenne par salle pour l'achat de projecteurs et serveurs numériques et pour l'adaptation des cabines de projections. Les distributeurs, quant à eux, vont réaliser des économies car les coûts de fabrication et de transport des fichiers numériques des films sont très inférieurs à ceux des anciennes copies photochimiques des films en 35 mm.

Nous devons donc trouver un mode de financement pour que les exploitants de salles s'équipent le plus rapidement possible : la période transitoire est coûteuse pour tous les acteurs et il faut éviter qu'une concurrence exacerbée entre salles ne nuise à la diversité et à la richesse de leur maillage territorial.

A la suite du rapport Goudineau, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) avait proposé un fonds de mutualisation, dont le principe avait recueilli l'accord des professionnels et qui avait l'avantage de la simplicité. Le 1er février 2010, l'Autorité de la concurrence a cependant émis un avis défavorable à sa création, estimant qu'il aurait constitué une concurrence déloyale envers les opérateurs privés existants.

En effet, certains exploitants de salles ont déjà contractualisé directement avec des distributeurs, ou par le biais d'intermédiaires privés, pour financer l'achat de leur équipement numérique. Ces montages sont financés par une « contribution numérique » des distributeurs, appelée aussi « Virtual Print Fee » ou (VPF).

Ce système fonctionne bien pour les multiplexes de plus de trois ou quatre écrans, qui ont accès aux films dès leur sortie nationale ou qui programment un grand nombre de films nouveaux différents.

Cependant, la loi est nécessaire pour encadrer ce dispositif et permettre l'équipement de toutes les salles. Les petits et moyens exploitants, notamment ceux qui exploitent les films plusieurs semaines après leur sortie ou qui disposent de peu d'écrans, peuvent difficilement entrer dans ce type de montage contractuel, car ils ne génèrent pas suffisamment de contributions en vue de financer leurs investissements.

L'encadrement du dispositif vise à maintenir la liberté de programmation des exploitants et à garantir la maîtrise par les distributeurs de leurs plans de diffusion des films, c'est-à-dire le libre accès aux films pour les uns et le libre accès aux salles pour les autres.

En effet, le système contractuel actuel pourrait favoriser le placement de copies numériques au détriment des autres films pendant la période de transition et entraîner une accélération de la rotation des films, ce qui serait préjudiciable à leur bonne exposition au public. Les films les plus fragiles seraient bien sûr les premiers touchés.

A cette fin, le texte veille à assurer l'étanchéité entre les contrats de contribution numérique et la négociation sur les conditions de location et d'exposition d'un film.

Le respect de ce cadre s'exercera sous le contrôle du CNC et du Médiateur du cinéma.

Après l'avis de l'Autorité de la concurrence, le CNC s'est concerté avec les professionnels pour trouver une solution qui recueille l'accord du plus grand nombre. Un texte de loi est apparu nécessaire

Les députés et sénateurs du comité de suivi des ordonnances relatives au cinéma - M. Leleux et moi-même pour le Sénat - ont été régulièrement informés et consultés. Compte tenu de l'urgence à agir, une proposition de loi a été déposée dans les mêmes termes au Sénat - par nos collègues MM. Leleux et Legendre - et à l'Assemblée nationale, l'idée étant que la chambre qui disposerait la première d'une « fenêtre » à l'ordre du jour l'examinerait en premier lieu, en pleine concertation avec l'autre assemblée. C'est ainsi que l'Assemblée nationale a adopté le texte, le 16 juin, assorti d'amendements qui vont dans le sens que nous souhaitions et qui tenaient compte de la concertation, qui a continué.

La proposition de loi généralise et encadre la contribution numérique contractuelle. Plutôt que de créer une nouvelle taxe, elle redistribue aux exploitants une partie des économies réalisées par les distributeurs. Cette contribution n'est pas pérenne, puisqu'elle s'arrêtera une fois que toutes les salles auront été équipées.

Sans un tel système général et obligatoire, les plus petites salles ne pourront s'équiper, faute d'attirer les investisseurs nécessaires : ce texte leur permet donc de se regrouper, pour mutualiser la collecte des contributions.

Ce dispositif sera complété par des aides spécifiques du CNC aux exploitants de trois écrans ou moins, voire de quatre écrans si cela s'avère nécessaire. En effet, ces salles - dites de continuation - obtenant très rarement les films à leur sortie, elles ne généreront que peu de contribution numérique.

Les salles de quatre écrans ou moins représentent 734 établissements, soit environ 95  % de ceux qui ne percevront pas assez de contribution numérique. Le CNC évalue au maximum à 35 le nombre des établissements de plus de 3 écrans concernés.

Ces aides complèteront leurs apports propres ainsi que, le cas échéant, la contribution numérique et les aides des collectivités territoriales.

Nous voulons tous préserver l'aménagement culturel de notre territoire et la diversité cinématographique unique de notre pays. Notre réseau est le premier d'Europe et le quatrième du monde. Nous refusons de baisser les bras, contrairement à de nombreux pays étrangers, qui admettent que le numérique entraînera la fermeture de nombreuses salles de cinéma...

Ce texte prévoit que la contribution numérique sera exigible, par salle, durant les deux premières semaines de la sortie nationale du film, et - comme l'a précisé l'Assemblée nationale - au-delà lorsque l'oeuvre est mise à disposition dans le cadre d'un élargissement du plan initial de sortie du film. Elle est donc fixée sur le pic du tirage des copies. Les professionnels que nous avons rencontrés lors du Festival de Cannes nous ont convaincus de la pertinence de cette solution.

En revanche, la contribution n'est pas exigible lorsque les films sont mis à disposition pour une exploitation dite « en continuation », c'est-à-dire lorsqu'une salle reprend une copie déjà existante.

L'Assemblée nationale a précisé que la contribution sera due seulement pour l'installation des équipements de projection numérique, non pour leur renouvellement. Elle ne sera plus requise une fois assurée la couverture du coût des équipements, compte tenu des autres financements de l'exploitant et, en tout état de cause, au-delà d'un délai de dix ans après l'installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai ne puisse excéder le 31 décembre 2021 ;

L'Assemblée nationale a également précisé que la contribution serait due aux salles homologuées avant le 31 décembre 2012. Elle a encore prévu que le financement de l'équipement pourra être mutualisé entre exploitants ou par des intermédiaires financeurs. Nos collègues ont ajouté que la contribution numérique sera également due en cas de mise à disposition ou de location d'une salle de projection pour diffuser des programmes dits « hors film », comme la captation de spectacles vivants ou la retransmission de compétitions sportives ou d'émissions audiovisuelles.

Certains professionnels s'inquiètent de voir ce type de programmation se substituer à celle des films. Un décret en cours d'élaboration doit encadrer la diffusion de ces programmes « hors film » : pourquoi ne pas minorer le soutien du CNC en cas de projection de « hors film », notamment pour les salles qui ne sont pas fragiles ? En effet, s'ils diversifient l'offre et s'ils soutiennent les salles en zones rurales, ces programmes peuvent être une aubaine pour des exploitants qui bénéficieraient des aides au cinéma sans diffuser d'oeuvres cinématographiques.

En contrepartie de ces obligations, des garanties sont apportées aux distributeurs et aux exploitants. Le montant de la contribution doit rester inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'une oeuvre sous forme de fichier numérique.

Le Médiateur du cinéma - qui a la confiance de tous les professionnels - pourra être saisi de tout litige relatif à la contribution numérique. Sur les propositions de MM. Bloche et Riester, l'Assemblée nationale a précisé qu'il pourra demander la transmission du contrat de location des films, ce qui garantira davantage la transparence et l'étanchéité du dispositif.

Sera nulle de plein droit toute clause contractuelle qui ferait dépendre les choix de distribution, de programmation, ou encore le taux de location, du versement de la contribution : cela pour « préserver la diversité de l'offre cinématographique ».

Un comité de concertation professionnelle est chargé d'élaborer des recommandations de bonne pratique, il sera ouvert quand l'ordre du jour l'exige, comme le souhaitaient les professionnels.

L'Assemblée nationale a aussi prévu une clause de rendez-vous un an après la promulgation de la loi ainsi qu'un comité de suivi parlementaire composé de deux députés et de deux sénateurs chargé d'évaluer le fonctionnement du nouveau dispositif. Ce comité disposera du concours du CNC, lequel devra produire un rapport sur la mise en oeuvre de la loi.

Le comité de suivi, le comité de concertation professionnelle et le Médiateur du cinéma devront, chacun dans son rôle, vérifier l'étanchéité entre le versement de la contribution numérique et la programmation, ainsi que le respect des engagements de programmation et des plans de diffusion des films.

A l'initiative de M. Rogemont, nos collègues députés ont lié le versement d'une aide pour l'équipement numérique au respect d'engagements de programmation : c'est important.

Enfin, l'Assemblée nationale a rendu obligatoire la référence aux usages de la profession pour fixer le loyer des salles de cinéma ; c'était une demande constante de la profession.

La proposition de loi est donc consensuelle sur les principes et sur l'urgence à les mettre en oeuvre. Le texte est équilibré, ce qui est difficile pour un secteur composé d'acteurs aux intérêts parfois violemment divergents.

Le dispositif doit garder de la souplesse pour que les acteurs le fassent vivre. Nous suivrons avec vigilance son application et nous nous remettrons à l'ouvrage si cela s'avérait nécessaire. Je fais confiance aux professionnels, au comité de concertation professionnelle, au CNC et au Médiateur du cinéma pour qu'une application intelligente du texte permette d'en atteindre tous les objectifs.

Cette proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale de façon très consensuelle, je vous propose de l'adopter dans les mêmes termes.

M. Jacques Legendre, président. - De fait, nous n'avons aucun amendement à examiner. J'ai demandé un examen le plus rapide de ce texte, j'ai bon espoir pour la session extraordinaire de septembre.

M. Jack Ralite. - Bien des questions demeurent. Pour la première fois, le système qui a fait l'originalité et le maintien même de notre cinéma, ce système mis en place au lendemain de la guerre, tout entier se trouve mis en cause. Car la solution qu'on nous propose, n'est rien d'autre que la copie conforme du système américain, qui ne compte que des grandes salles. En France, grâce en particulier à l'action des agences pour le développement régional du cinéma (ADRC), nous avons encore un réseau très dynamique de salles en milieu rural, en particulier le cinéma itinérant, qui vit bien !

Or, ce texte va aider les salles d'importance, en laissant de côté les plus petites et le cinéma itinérant : c'est la conséquence de l'introduction d'un tiers opérateur, d'un tiers financier, dont on a su se passer depuis la guerre en faisant travailler ensemble le public et le privé, dans l'intérêt du public et du cinéma. Le tiers financier va constituer un groupement financier, qui ne tardera pas, comme c'est partout le cas avec la finance, à prendre le pouvoir : c'est un tournant historique dans l'histoire de notre politique cinématographique !

Les grands exploitants se sont opposés farouchement à l'idée pourtant très bonne d'une taxe, qui aurait abondé un fonds de soutien à l'équipement numérique, ils ont mis en avant tous les investissements qu'ils avaient réalisés pour faire leurs multiplexes, puis l'Autorité de la concurrence est venue à leur secours, pour interdire un véritable fonds de mutualisation. Reste une redistribution, qui serait estimée à 10 millions, certaines rumeurs évoquent même 40, voire 70 millions. Mais ce qu'il faudrait, pour aider toutes les petites salles à s'équiper, c'est une enveloppe de 120 millions : en dessous de 100 millions, il y aura des victimes.

Quand les grands distributeurs ont vu que certaines salles étaient peu rentables et qu'ils ont concentré leur diffusion en centre-ville, ils ont fermé systématiquement leurs salles de banlieue, et il a fallu que les municipalités les rachètent, qu'elles maintiennent les équipements. Rien qu'en Seine-Saint-Denis, 17 salles ont été sauvées, c'est un succès, mais que vont-elles devenir si elles ne peuvent s'équiper ? Les collectivités territoriales, on le sait, n'ont plus les moyens d'intervenir, et la loi que le Gouvernement fait passer ces jours-ci va aggraver la situation. Il faut aider les salles, toutes les salles !

Le Médiateur, ensuite, n'a pas les pouvoirs qu'il lui faut...

M. Jacques Legendre, président. - Ses pouvoirs augmentent.

M. Jack Ralite. - Oui, mais ce n'est pas suffisant. Et il faut veiller aussi à la bonne application de la règle européenne de minimis : la pression est trop forte ! Le CNC lui-même ne s'est pas assez battu pour les petites salles... Je proposerai donc des amendements en séance.

M. Serge Lagauche, rapporteur. - Les règles ont été fixées au lendemain de la guerre, mais l'Europe, depuis, est passée par là ! Nous devons en tenir compte... Les grandes salles s'équipent, nous avons cherché à ce que les salles plus petites puissent suivre.

Le projet d'aide du CNC s'adresse aux établissements qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer suffisamment de contributions des distributeurs pour couvrir au moins les trois quarts du coût de leurs investissements. Elle est placée sous le régime d'exemption de minimis, qui autorise les Etats à accorder une aide de cette nature à condition qu'elle ne dépasse pas le montant de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs. Ce montant s'apprécie en cumulant toutes les aides perçues par un bénéficiaire donné, tous dispositifs publics confondus.

L'aide est réservée aux établissements n'appartenant pas à un circuit ou groupement de plus de 50 écrans, elle est destinée en priorité aux établissements de un à trois écrans, et sont exclus les établissements qui ont moins de cinq séances hebdomadaires en moyenne sur l'année et les circuits itinérants, qui feront l'objet d'un soutien spécifique.

Le CNC se mobilise, les collectivités territoriales également, et les autres dispositifs de modernisation des salles sont en vigueur.

Des distributeurs se sont inquiétés pour la programmation, car la concurrence est particulièrement vive sur les nouveaux films, mais la numérisation diminue de beaucoup les coûts de copie, dans une proportion considérable.

Sur la gestion, ensuite, je crois que le CNC est consolidé par les ordonnances, et le Médiateur dispose de pouvoirs nouveaux, en particulier sur l'investigation.

Enfin, le comité de concertation professionnelle pourra s'ouvrir à toute personnalité, et le comité de suivi parlementaire sera très vigilant sur le devenir des petites salles. Nous ferons un premier bilan dans un an, nous mesurerons alors quelles sont les difficultés.

Nous avons donc dû composer avec un système libéral, pour équiper notre réseau de salles au mieux que nous pouvons, mais nous n'allons pas cependant faire comme si les règles de concurrence n'existaient pas, ni revoter sur le traité européen...

Nous avons utilisé nos possibilités d'action, la régulation par les pics de copies a été obtenue à l'arraché, nous adaptons un système libéral, pour protéger la diversité de notre programmation. C'est le sens également des mesures sur le « hors film » et sur les territoires ruraux.

M. Jean-Pierre Leleux. - Puisque j'ai eu l'honneur d'être le cosignataire de notre proposition de loi, monsieur le président, je veux aussi rassurer M. Ralite. Le CNC se préoccupe de la diversité, ce texte en porte témoignage.

Cette loi est nécessaire, urgente mais pas suffisante : il faut la compléter par une aide aux salles de moins de trois écrans, aux salles en territoire rural et au cinéma itinérant. Cette aide complémentaire est en préparation, les premiers éléments dont nous avons connaissance sont rassurants.

Ce texte respecte l'avis de l'Autorité de la concurrence et les regrets du CNC sont, en quelque sorte, le gage de ce qu'il se mobilisera pour aider les plus petites salles. Nous facilitons donc l'adaptation à cette mutation technologique du numérique, c'est très important.

Mme Bernadette Bourzai. - Les professionnels étaient satisfaits par la proposition d'un fonds de mutualisation, l'intervention de l'Autorité de la concurrence les préoccupe vivement, car l'avenir des petites salles est en jeu. Le cinéma accessible est le résultat d'efforts très importants, qui sont nécessaires pour que les petites salles jouent le rôle d'animation qui est le leur. Les collectivités territoriales se mobilisent. En Limousin, nous avons lancé la numérisation de six écrans, avec un subventionnement de moitié : la région finance 15 %, l'Etat aussi, et le reste des subventions vient de l'Union européenne, à travers le programme opérationnel Massif central, qui concerne aussi l'Internet à haut débit. Venez le constater au cinéma de Neuvic, qui est passé au numérique ! Dans une région comme le Limousin, où la moitié de la population est rurale, l'investissement pour le cinéma a toute son importance.

M. Serge Lagauche. - La situation des territoires ruraux doit être prise en compte, c'est ce que fait ce texte.

M. Jack Ralite. - On a évoqué la somme de 10 millions, puis de 40 à 70 millions, saura-t-on bientôt ce qu'il en est ?

L'ADRC, où j'ai longtemps siégé, s'attachait à prendre en compte la création et le pluralisme de la programmation, d'un cinéma pour tous les publics et tous les territoires : puisse cette philosophie qui a prévalu depuis soixante ans et fait travailler ensemble le public et le privé, puisse cette belle oeuvre collective ne pas être oubliée !

La proposition de loi est adoptée sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.