Mercredi 24 novembre 2010

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Loi de finances pour 2011 - Mission Recherche et enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Léonce Dupont sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) du projet de loi de finances pour 2011.

M. Jacques Legendre, président. - Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaite la bienvenue, au nom de la commission, à la nouvelle commissaire Mme Mireille Oudit, sénatrice de la Marne, en remplacement du Professeur Etienne qui nous a quittés pour rejoindre le Conseil économique, social et environnemental.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. - Ce budget, dans une continuité à laquelle l'État ne nous a pas habitués, montre clairement la priorité accordée à l'enseignement supérieur et à la recherche : de 2007 à 2011, il enregistre une progression 18,4 %, contre 7,3 % seulement pour le budget général de l'État. Ainsi, seront concrétisées les réformes structurelles qui commencent à porter leurs fruits. Néanmoins, la réduction des crédits de paiement pour la période 2011-2013 me préoccupe. A périmètre constant, ceux-ci diminuent de 0,88 % en 2012 et de 0,80 % en 2013, contre une hausse de 1,89 % et de 1,99 % pour le budget général. Cette évolution est toutefois, tempérée par les moyens supplémentaires dégagés dans le cadre de l'emprunt national.

Pour 2011, le programme 150 relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire, qui concentre près de la moitié des crédits de la mission, augmente de 1,02 % en crédits de paiement par rapport à 2010 tandis qu'il diminue de 0,14 % en autorisations d'engagement.

L'évolution de ces crédits est marquée par la poursuite de l'accession à l'autonomie de 31 universités au 1er janvier 2011, qui entraîne un transfert de leur masse salariale et des dépenses de fonctionnement. A cet égard, la Conférence des présidents d'université s'inquiète des modalités de prise en compte du « glissement vieillesse technicité » (GVT) jusqu'alors globalisé au sein du budget de l'État. Lors de son audition le 2 novembre dernier, la ministre a indiqué que les universités ayant un GVT en expansion seraient aidées pendant une période transitoire. Je salue la cohérence de cette position : l'État assume sa part tandis que les universités devront, à terme, gérer les conséquences de leurs décisions.

L'opération Campus, rappelons-le, est financée par les intérêts produits par la dotation exceptionnelle de 3,7 milliards provenant de la vente par l'État d'une partie des titres d'EDF en 2007, complétés à concurrence de 1,3 milliard par l'emprunt national de 2010. Dans l'attente de la finalisation des partenariats public-privé - à ce sujet, le Sénat a adopté la proposition de loi, co-signée par M. Adnot et moi-même, le 17 novembre dernier - les 270 millions d'intérêts de cette dotation sont employés pour ouvrir 58 chantiers liés à la vie étudiante - cafétérias, espaces verts, bibliothèques - dont les universités seront maîtres d'ouvrage, le plus souvent dans le cadre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

Le programme 231 « Vie étudiante » enregistre une hausse de 3,45 % de ses crédits de paiement. Je me réjouis que le Gouvernement, face aux réactions des parlementaires, ait renoncé à une alternative entre aide personnalisée au logement et demi-part de l'impôt sur le revenu : une telle décision aurait défavorisé les étudiants issus des classes moyennes.

Sans insister sur la priorité accordée au logement étudiant ces dernières années, dont Mme la ministre a longuement parlé, notons que la baisse des dépenses d'investissement de 60 % en autorisations d'engagement et de 18,7 % en crédits de paiement en 2011 s'explique par l'accélération des travaux immobiliers qu'a permise le plan de relance. J'appelle de mes voeux la mise en place d'une garantie des risques locatifs, dont le Gouvernement annonce l'expérimentation. De fait, seul le parc locatif privé peut couvrir l'essentiel des besoins en matière de logement.

La totalité de l'effort budgétaire du programme, soit 127 millions, est consacrée aux bourses : 36 millions pour les bourses sur critères sociaux, 78 millions pour la mise en place progressive du 10e mois de bourse en contrepartie de l'allongement effectif de l'année universitaire, 13 millions pour les aides au mérite. En contrepartie, les économies à hauteur de 61,1 millions en autorisations d'engagement et de 57,7 millions en crédits de paiement, se traduisent par une regrettable baisse de 25,7 % des aides à la mobilité, de 23 % des crédits du fonds national d'aide d'urgence et de 3 % de la subvention au réseau des oeuvres. N'aurait-il pas mieux valu limiter la progression des aides au mérite ? De surcroît, je m'interroge sur les modalités du rapprochement entre centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et les PRES : ne conviendrait-il pas de transformer les CROUS en agences territorialisées qui offriraient une palette plus large de services aux étudiants comme à l'étranger ?

Le décloisonnement des acteurs de la recherche, qui s'est concrétisé par la simplification des modes de gestion des unités mixtes de recherche, se poursuit par des accords entre la Conférence des présidents d'université et des organismes publics de recherche. Confortons cette évolution : dans son dernier rapport annuel, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche préconisait de renforcer le pouvoir d'orientation des conseils scientifiques et la souplesse de gestion des laboratoires.

Dans mon rapport écrit, j'évoque les conclusions du colloque sur les classements internationaux des universités, intitulé « Oublier Shanghai », organisé par notre commission avec la délégation du Sénat à la prospective, le 6 mai 2010. La réalisation des classements est un véritable chantier scientifique européen, qui doit intégrer des résultats tels que le taux d'insertion professionnelle, les brevets ou la contribution à la croissance du pays, auquel non seulement l'Observatoire des sciences et techniques mais aussi les chercheurs doivent participer activement. Je demanderai à la ministre de préciser les actions engagées à ce titre.

Je fais également un point sur l'évaluation du plan « Réussite en licence » destiné à remédier au taux d'échec trop élevé des étudiants. Le financement de ce plan représente un effort cumulé de 730 millions sur la période 2008-2012, dont 211 millions en 2011 - soit une hausse de 41,3 millions. Pour une orientation active, il faut harmoniser les indicateurs de performance des universités en matière d'insertion professionnelle. Beaucoup reste à faire pour transmettre des informations de qualité aux étudiants et à leurs familles, même si de nombreuses universités en ont pris conscience.

J'ai souhaité établir aussi un premier bilan des propositions que Philippe Adnot et moi-même avons avancé dans notre rapport de juin 2010 sur la dévolution du patrimoine immobilier des universités. J'y insiste sur notre vigilance pour que l'enseignement supérieur reste accessible à tous, notamment par le biais d'établissements de proximité. Et je propose de demander à la ministre de préciser la stratégie envisagée afin que les universités de proximité soit « tirées » par les universités les plus dynamiques et les PRES, et qu'elles trouvent pleinement leur place dans notre système en mutation.

J'y évoque un sujet d'actualité : les recours contre les décrets relatifs au statut des enseignants-chercheurs. Ces textes étant déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État est en train de statuer sur les requêtes dont il a été saisi.

J'y regrette l'insuffisance des enquêtes d'insertion professionnelle des étudiants. En effet, l'enquête sur les diplômés de master 2007, rendue publique en octobre dernier, présente des failles et ses conclusions sont peu utilisables. Je m'étonne d'un critère d'insertion 30 mois après l'obtention du diplôme. J'interrogerai la ministre sur les pistes d'amélioration envisagées.

Enfin, j'y insiste sur l'importance du Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes qui finance les associations étudiantes. La charte relative à « la dynamisation de la vie associative liée aux universités » élaborée au printemps 2009, qui a vocation à faire reculer l'opacité dans l'emploi du fonds concerné, n'a toujours pas été signée. En séance, je demanderai à la ministre des informations complémentaires.

Pour conclure, j'invite la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - La rénovation de notre paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche depuis 2006 s'est accompagnée d'un effort budgétaire sans précédent sur cinq ans, complété par 21,9 milliards de l'emprunt national. Pas moins de 68,6 % de ces fonds ont un caractère non consomptible, ce qui garantit le financement progressif et pérenne de projets d'avenir. A ce titre, 3,58 milliards abonderont les projets de recherche en 2011.

La MIRES bénéficie d'une préservation des emplois et d'une priorité donnée à l'attractivité des carrières. Ainsi, une augmentation de 311 millions des crédits est prévue dans la continuité du « plan carrières », avec un volet prime au mérite et un intéressement collectif. Cette préservation des ressources humaines, alliée aux réformes structurelles, permettra d'atteindre les objectifs fixés. Avec 7,6 chercheurs pour 1 000 actifs en 2008, notre pays se place au cinquième rang de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devant l'Allemagne mais derrière le Royaume-Uni. Par rapport à 2003, la progression a été de 9 %.

Les crédits des huit programmes consacrés à la recherche de cette mission, hors programme 150, progressent de 0,01 % en autorisations d'engagement et de 2,29 % en crédits de paiement. La moindre évolution de ces crédits est le fait du transfert des actions relevant du « Grenelle de l'Environnement » au programme d'investissements d'avenir. D'où une baisse de 42 millions en autorisations d'engagement et de 13 millions en crédits de paiement. Quoique le problème de la dette de l'Agence spatiale européenne reste entier, 70 millions devraient permettre à cette agence de respirer. L'ajustement des subventions ou dotations versées aux établissements publics scientifiques et techniques et aux établissements publics industriels et commerciaux en 2011 imposera des économies de fonctionnement. Je souhaite que les taux de mise en réserve réduits appliqués en 2009 aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) soient reconduits en 2011, comme ils l'ont été en 2009 et 2010.

Le crédit d'impôt recherche (CIR), depuis la réforme de 2008, a vu son coût fortement augmenter pour atteindre 4,15 milliards d'euros en 2008. Il faut stabiliser le dispositif jusqu'en 2013 tout en poursuivant son évaluation : les entreprises ont besoin de lisibilité. Toutefois, certains aménagements sont nécessaires. Ainsi, l'article 15 du projet de loi de finances propose de pérenniser, pour les seules PME, la mesure de remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche prise durant la crise pour l'ensemble des entreprises. Le coût de cette mesure est évalué à 311 millions en 2011. En outre, l'Assemblée nationale et le Sénat ont également apporté des modifications au dispositif.

Dans mon rapport écrit, je m'étonne de la baisse des moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en 2011 : moins 8,1 % sans oublier le gel budgétaire. Les projets que l'agence finance, contrairement à qui est affirmé, ne doublonnent pas ceux soutenus par l'emprunt national ; ils se complètent. Ces doublons concernent seulement certains appels à projets, lesquels correspondent à une baisse de 10 à 15 % des crédits. Pourquoi cette évolution quand l'organisme incarne le passage à une recherche financée essentiellement sur projets ? Celle-ci nuit à la crédibilité de l'agence : le taux de sélection des projets de recherche soumis à l'ANR, qui était compris entre 25 et 30 % - soit la moyenne européenne -, est seulement de 20 %. Si je me réjouis que l'on ait retenu un taux de 50 % pour les projets blancs et un taux de 20 % pour le préciput ainsi que l'établissement d'une programmation triennale, je souhaite que les crédits de l'ANR soient confortés pour 2012. J'interrogerai la ministre à ce sujet.

Ensuite, j'évoque le risque de sanctionner des établissements vertueux, tel l'IFP Énergies nouvelles, au nom de la contribution des organismes à l'effort budgétaire. Tandis que cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) peut se targuer d'une gestion rigoureuse et d'une politique active de développement de ses ressources propres, on lui demande un effort budgétaire supérieur à celui de l'État : soit moins 12,2 % par rapport à 2010, moins 15,1 % en 2012 et moins 17,95 % en 2013. Et, dans le même temps, le contrat de performances pour la période 2011-2015 élargit les thématiques de recherche de l'établissement, avec notamment un renforcement de son engagement dans les nouvelles énergies. Si chaque opérateur est tenu de contribuer à l'effort collectif, encore faut-il que l'effort soit bien réparti et ne pénalise pas les organismes qui ont fait preuve de rigueur. J'inviterai le Gouvernement à réviser la prévision de financement de cet organisme pour 2012 et 2013.

Autre sujet : l'amoindrissement du dispositif en faveur de la « Jeune entreprise innovante ». L'article 78 du projet de loi réforme le dispositif d'exonération de cotisations sociales accordées aux JEI, créé par la loi de finances pour 2004. Pour une économie estimée à 57 millions, il prévoit un plafonnement des exonérations sur les hauts salaires associé à un mécanisme de sortie progressive du dispositif - taux identique durant les quatre premières années, puis réduction de ce taux les quatre années suivantes. Dans un pays qui peine à conserver ses entreprises, ne nous plaignons pas de l'augmentation du coût de ce dispositif. L'évolution du CIR justifie cette économie avance le Gouvernement, mais les JEI ont été plutôt pénalisées par sa réforme en 2008 sans oublier qu'elles pâtiront de la baisse des crédits d'intervention d'Oseo de 26 millions en 2011. Je proposerai un amendement de suppression de cet article.

Dans mon rapport écrit, je décris l'impasse du brevet communautaire en raison de l'opposition de quelques États membres, qui entraîne une moindre protection des fruits de la recherche. Pour en sortir, je propose de soutenir le commissaire Barnier qui a suggéré l'utilisation de la procédure de coopération renforcée. Je vous propose de soutenir cette proposition.

Outre que j'ai consacré cette année un développement particulier à la politique de recherche du ministère de la culture à l'occasion de ses 50 ans d'existence l'an dernier, j'ai mis l'accent sur l'essentielle diffusion de la culture scientifique qu'a si bien porté le regretté Georges Charpak. Au 1er janvier 2010, la Cité des sciences et le Palais de la découverte, qui accueillent 3,5 millions de visiteurs, ont fusionné au sein de l'établissement public Universcience. Celui-ci recevra 112,5 millions en autorisations d'engagement et 112,2 millions en crédits de paiement auxquels il serait utile d'ajouter un pourcentage des crédits de l'ANR ce qui paraît impossible au vu de l'évolution des crédits d'intervention de l'agence. L'établissement s'est vu confier la gestion du réseau national ainsi que l'opérationnel, mission importante pour veiller à l'irrigation du territoire national. D'ailleurs, Universcience a organisé le 28 septembre dernier, un Forum territorial sur les enjeux et le développement de la culture scientifique dans les territoires et pour une nouvelle gouvernance de la culture scientifique, technique et industrielle en France, auquel plusieurs sénateurs de notre commission ont participé. J'évoque dans mon rapport les pistes de propositions qui y ont été avancées.

Malgré les difficultés, parce que ce budget enregistre une progression et comporte des mesures phares sur l'emploi, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Ivan Renar. - Je ressens un malaise devant les cocoricos que poussent certains - je ne vise pas les rapporteurs - à l'examen de ce budget. N'oublions pas le décalage entre les annonces et la réalité du terrain. Les organismes de recherche, dit-on, n'auraient qu'à se saisir de la manne financière pour financer leurs projets. Ce n'est pas aussi simple ! D'ailleurs, si l'on tient compte des seuls crédits à dépenser dans le budget, et non des autorisations d'engagement, la progression est seulement de 1,3 % cette année, soit moins que l'inflation. Messieurs les rapporteurs, quelle est la réalité du budget exécuté entre les annulations, gels, transferts et autres redéploiements de crédits ?

Si les effets d'aubaine du CIR subsistent, nous devrions nous pencher davantage sur le retard que la France accuse en matière de recherche en entreprise par rapport à tous les grands pays. Chez nous, elle se limite à la santé et à la pharmacie. Au reste, les crédits que nous consacrons à la recherche sont faibles en volume et en pourcentage du PIB par rapport, entre autres, à des pays comme la Corée du Sud.

La vie étudiante reste le parent pauvre de ce budget. Où en est-on de la comédie sur le 10mois de bourse ? L'augmentation des crédits alloués aux bourses sur critères sociaux n'aboutit pas à une progression significative par étudiant, ce qui est franchement regrettable en période de crise Je voterai contre ce budget en séance publique.

Mme Marie-Agnès Labarre. - Pour une présentation du budget plus exacte, mieux vaudrait étudier les modifications intervenues dans les lois de finances rectificatives. Je signale, d'une part, les craintes des personnels de la recherche sur la montée de la contractualisation et, d'autre part, les besoins criants de prévoir des postes supplémentaires de techniciens et de personnels administratifs.

Mme Maryvonne Blondin. - Monsieur Dupont, dispose-t-on d'informations plus précises sur le taux d'insertion professionnelle des IUT qui est traditionnellement élevé ? Ces établissements, désormais intégrés aux universités, craignent pour leur budget de fonctionnement.

Après M. Renar, je veux insister sur la médecine préventive étudiante. De fait, certains étudiants étrangers sont porteurs de maladies, comme la tuberculose, que l'on considère éradiquées en France. Faute de moyens, ces cas sont renvoyés vers la médecine des collectivités territoriales, telles les services de PMI. Cette difficulté relève peut-être de la mission santé...

M. Jacques Legendre, président. - Quelques observations sur les mésaventures du brevet communautaire : à la suite de demandes pressantes, la France a accepté un dispositif linguistique qui ne lui est pas favorable. Pour autant, contrairement aux arguments présentés alors, le dossier n'a pas avancé : l'Italie et l'Espagne se montrent plus vigilantes dans la défense de leur présence linguistique.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Monsieur Renar et madame Labarre, j'ai souligné les aspects négatifs de ce budget, notamment la baisse des crédits d'Oseo, de l'ANR et du FSDIE (Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes). Toutefois, reconnaissons l'importance de l'effort en matière d'emploi : tous les fonctionnaires partant à la retraite sont remplacés tandis que les autres ministères se voient appliquer la règle d'un sur deux.

M. Serge Lagauche. - Baratin !

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Notons également la modification des comportements : aujourd'hui, on finance davantage les projets que les structures. Malgré tout, le taux de 20 % a été fixé pour le préciput, soit l'apport de fonds aux structures. Mme la ministre a bien défendu les chercheurs !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. - Monsieur Renar, la situation que vous déplorez découle de toute la mécanique de la comptabilité publique. Il serait, en effet, utile de s'intéresser davantage à l'exécution du budget. S'il existe toujours un écart entre les décisions appliquées et le ressenti sur le terrain, n'oublions pas que le budget de la recherche a augmenté de 18,4 %, de 2007 à 2011 contre 7,3 % pour le budget général. Si cela reste insuffisant, cela démontre clairement la priorité donnée à la recherche et le rattrapage financier que notre commission appelle de ses voeux depuis longtemps.

Je n'ai pas nié les difficultés concernant le budget du programme « vie étudiante ». Le 10mois de bourse doit être payé sur deux exercices ; nous y sommes ! Si l'augmentation des bourses sur critères sociaux paraît faible par étudiant, 36 millions lui sont consacrés au total ! J'ai signalé les fonds dont les crédits diminuent, expliquant que j'aurais préféré une moindre progression des aides au mérite.

J'en viens à l'insertion professionnelle qui fait partie des missions des universités depuis la loi LRU. Il n'existe pas d'étude spécifique sur les IUT. Le taux d'insertion constitue un indicateur utile de pilotage pour les universités et une information essentielle pour les étudiants et leurs familles. Hélas, l'évaluation se met en place de manière progressive et très inégale sur le territoire - certains traînent des pieds. Le schéma prévu est très progressif. Plus de deux ans pour une enquête sur le taux d'emploi 30 mois après l'obtention du diplôme : dans ces conditions, comment mesurer l'apport véritable de la formation alors que les critères du profil individuel de l'étudiant et de son environnement ont joué ? Je souhaite que ce chantier soit lancé dans l'année qui vient.

M. Jacques Legendre, président. - Contrairement à ses habitudes, notre commission devrait se pencher plus attentivement sur la loi de règlement que la commission des finances estime aussi importante que le budget depuis l'entrée en vigueur de la LOLF.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Par l'amendement n° CULT-1, vos rapporteurs proposent de supprimer l'article 78 qui réforme le dispositif d'exonérations accordées aux jeunes entreprises innovantes (JEI).

M. Jacques Legendre, président. - Ce dispositif est en effet très important pour le secteur du jeu vidéo et garantit sa compétitivité.

L'amendement n° CULT-1 est adopté.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Loi de finances pour 2011 - Mission Culture - Examen du rapport pour avis

Puis la commission examine le rapport pour avis de MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche sur les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - La mission « Culture » est constituée de trois programmes : le programme « Création », confié à M. Lagauche ; le programme « Patrimoines » qui réunit l'ensemble des moyens que consacre l'État à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine culturel et regroupe 32,5 % des crédits de la mission ; et enfin, et le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui retrace les mesures de soutien à la diffusion des enseignements artistiques et de financement aux établissements supérieurs. Elle est dotée de 2,708 milliards d'autorisations d'engagement, ce qui représente une stabilisation de l'effort de l'État, a indiqué le ministre de la culture devant notre commission.

Le programme « Patrimoines » voit sa maquette budgétaire modifiée, ce qui n'est pas sans conséquence sur la politique menée par le ministère. Cette nouvelle maquette, si elle complique la comparaison des crédits, présente l'avantage de regrouper des actions autrefois liées et, donc, de faciliter les contrôles. Les actions « patrimoine écrit et documentaire », « patrimoine cinématographique » et « livre » sont désormais regroupées au sein de la mission « Médias », ce qui a justifié notre intervention devant la commission la semaine dernière. Quant aux crédits de personnel, ils figurent tous désormais au sein du programme « Transmission des savoirs ». De même, la politique archéologique, qui traverse une grave crise, est regroupée au sein d'un seul chapitre. Le programme enregistre une augmentation de 1,4 % par rapport à 2010, soit une stabilisation compte tenu de l'inflation et de l'augmentation du coût de la vie. Cette modification présente un triple intérêt : une meilleure prise en compte de l'évolution des nouvelles technologies pour le livre, une plus grande réactivité au financement de l'archéologie et l'adoption d'une nouvelle organisation au ministère. Sans m'étendre sur ce dernier sujet, rappelons qu'il existe dorénavant une direction générale du patrimoine et une direction générale des médias et de l'industrie culturelle, et que les services départementaux de l'architecture et du patrimoine seront définitivement intégrés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) le 1er janvier 2011. Cette réforme est d'importance pour les sénateurs : elle garantit l'unification des politiques de protection du patrimoine menées dans les départements et des interventions des architectes des bâtiments de France. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. », disait Pascal. Ce sera moins vrai aujourd'hui. Je souhaite que les DRAC prennent cette mission d'unification à bras-le-corps.

Les crédits alloués au patrimoine monumental progressent de 3 % en crédits de paiement et de 11 % en autorisations d'engagement, dans un contexte difficile. M. Richert et moi-même avions déterminé qu'une somme de 400 millions était nécessaire. Nous nous en approchons grâce au plan de relance. Celui-ci a financé le lancement ou l'accélération de la rénovation des cathédrales de Tours, Arras, Rouen et Beauvais ou encore du musée des civilisations de Marseille, du musée du Louvre, de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de Versailles. En 2009, 95 % des crédits du plan de relance ont été consommés.

La baisse de la subvention du Centre des monuments nationaux (CMN), de 9,5 millions, est compensée par le transfert d'une partie du produit de la taxe sur les jeux en ligne, pour 10 millions : le niveau de financement devrait donc rester stable.

M. Jacques Legendre, président. - Je ne suis pas convaincu.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - En effet, d'autant que la nouvelle ressource est par nature aléatoire...

Le régime des monuments historiques a été modifié sous la pression européenne : la responsabilité première en matière de maîtrise d'ouvrage et de conservation est restituée au propriétaire. L'État pourra continuer à assurer la maîtrise d'ouvrage au profit des petites collectivités, qui ne disposent pas des services spécialisés pour le faire. Il faut désormais unifier la politique des DRAC.

Sur la base du rapport de Mme Férat, la commission a déposé une proposition de loi sur la dévolution du patrimoine, politique qui doit être poursuivie et encadrée. J'y reviendrai dans mon rapport écrit.

Les avantages fiscaux à la restauration mobilière et immobilière sont victimes du « coup de rabot » de 10 % sur les niches : le « Malraux » est ainsi amputé de 430 millions. Il est certes difficile de soustraire totalement le patrimoine à l'effort fiscal... Je demanderai au ministre un rapport sur l'impact de la réforme du « Malraux » engagée en 2009, et rappellerai l'importance de cet instrument pour notre commission.

La politique des musées donne la priorité aux grands musées en région : 371 millions en crédits de paiement, en hausse de 7,4 %, 392 millions en autorisations d'engagement, en hausse de 13,3 %. Les critères retenus sont le rôle dans le développement culturel du territoire, la qualité scientifique des projets et l'équilibre entre les thématiques représentées. Les crédits déconcentrés, de 7,45 millions en fonctionnement et 25,95 millions en investissement, financeront les grands projets de rénovation de musées et, pour 2 millions, l'enrichissement des collections publiques.

Un effort particulier est demandé aux grands musées nationaux, dont les crédits de fonctionnement baissent de 5 %. Or tous n'ont pas la même masse salariale ou les mêmes contraintes. Le Centre Pompidou s'est ainsi lancé dans d'importantes opérations en région, notamment le projet de Centre Pompidou mobile. Il serait souhaitable de moduler la baisse en fonction des contraintes pesant sur les établissements.

Nous reparlerons de la Maison de l'Histoire de France dans le cadre du rapport d'information que la commission établira sur ce sujet. Pour l'heure, les crédits affectés aux archives sont stables : 27 millions en crédits de paiement, 66 millions en autorisations d'engagement, car les travaux du centre des archives de Pierrefitte s'achèvent.

Les crédits affectés à l'archéologie progressent de 21,7 % en autorisations d'engagement, et de 11 % en crédits de paiement, pour atteindre 8,4 millions. Il est urgent de repenser le financement de l'archéologie préventive. L'an dernier, la redevance a rapporté 72 millions, alors que les besoins s'élevaient à 102 millions ; l'écart a été comblé par le ministère, dans le cadre du plan de relance, et par des avances de trésorerie. Une lettre de mission du Premier ministre du 4 juin 2010 charge l'Inspection générale des finances de faire le point sur la crise de l'archéologie préventive.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » reconduit des actions déjà engagées en faveur des établissements d'enseignement supérieur. Ce sont 247 millions en autorisations d'engagement - en hausse de 4,5 % - et 225 millions en crédits de paiement qui bénéficieront à 122 établissements, à 33 500 étudiants qui préparent quarante diplômes dans les grands domaines artistiques. Outre la grande réforme des écoles d'architecture, je salue les actions en faveur de l'insertion professionnelle.

Les crédits de l'action « Soutien à l'éducation artistique et culturelle » étant transférés au centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour 14 millions d'euros, il conviendra de s'assurer que ce dernier assure la pérennité de ces opérations.

M. Jacques Legendre, président. - Le CNC est très riche...

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - Je me félicite enfin de l'introduction l'an prochain de l'enseignement de l'histoire de l'art au lycée. Cette politique est essentielle pour l'égalité des chances et l'accès de tous à la culture.

Compte tenu de leur bonne tenue, votre rapporteur pour avis recommande l'adoption des crédits de la mission.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis. - Le programme « Création » ne comporte plus que deux actions : le spectacle vivant, qui concentre 90,5 % des crédits, et les arts plastiques. Les crédits s'établissent, avant transferts, à 753,1 millions en autorisations d'engagement, en hausse de 4,2 %, et à 736,8 millions en crédits de paiement, en hausse de 1,8 %. Les crédits déconcentrés restent stables pour le spectacle vivant et baissent pour les arts plastiques.

Je m'inquiète de la tendance à construire ou aménager de nouveaux équipements, pour lesquels les crédits de fonctionnement risquent d'être limités. S'agissant du spectacle vivant, ceux-ci s'établissent à 681 millions en autorisations d'engagement, en hausse de 2,9 %, et à 663 millions en crédits de paiement, en baisse de 0,4 %. Les crédits d'investissement augmentent de 23,5 % en autorisations d'engagement et de 10,4 % en crédits de paiement, afin notamment de poursuivre les travaux dans de grands établissements. Les crédits d'investissement déconcentrés progressent de 4,5 %, notamment en faveur des scènes de musiques actuelles (SMAC) ou de la modernisation de scènes nationales.

En revanche, les subventions de fonctionnement, qui absorbent 43 % des crédits, ne suivent pas l'inflation. Les opérateurs devront donc arbitrer entre masse salariale et marge artistique. Les crédits de fonctionnement déconcentrés sont également strictement reconduits. Le non-remplacement d'un départ sur deux et la réduction des dépenses de fonctionnement de 5 % s'applique. La diminution des crédits alloués au programme « Création » par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2013 est également préoccupante. Les collectivités territoriales, qui financent aux deux tiers le spectacle vivant, ne pourront suppléer à ce retrait de l'État.

Aux opérateurs de développer des synergies et mieux diffuser leurs créations. Cette spécificité hexagonale est coûteuse. Je me réjouis de la signature à Avignon, le 16 juillet 2010, d'une déclaration dans laquelle les différents niveaux de collectivités s'engagent à approfondir la décentralisation et à instaurer une concertation suivie avec les acteurs de la culture et les publics.

A la suite tant du rapport de la Cour des comptes que des Entretiens de Valois, les missions de chacun vont être clarifiées. La Cour invite notamment le ministère à redéfinir son rôle, à redéployer les ressources qu'il consacre au spectacle vivant et à mettre en place un dispositif d'observation et d'évaluation du spectacle vivant. Elle invite aussi à mieux formaliser les liens entre l'État et les collectivités pour mieux articuler leurs actions.

La circulaire du 31 août 2010 définit les dix labels et réseaux nationaux qui structurent le secteur, et explicite leur tronc commun de missions. Une plateforme opérationnelle d'observation a été mise en place voilà plus d'un an, et des groupes de travail sont à l'oeuvre. Néanmoins, certaines organisations freinent ces travaux ou souhaitent en exclure les auteurs et artistes. Je demanderai des précisions au ministre, et insiste sur l'urgence de mettre en place des procédures fiables d'observation.

L'action « Arts plastiques » voit ses crédits progresser de 19,3 % en autorisations d'engagement, à 71,7 millions, et de 28,7 % en crédits de paiement, à 73,5 millions. Les crédits de fonctionnement des opérateurs augmentent de 7,2 %, notamment pour les expositions du Grand Palais. La hausse des crédits d'investissement financera deux grands projets nationaux, le Palais de Tokyo et les manifestations d'art contemporain au Grand Palais. Les crédits d'intervention permettront de soutenir la création de l'Institut des métiers d'art ; les crédits déconcentrés, de financer la montée en charge du programme des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC).

Si la fréquentation des salles de cinéma a atteint un niveau record en 2009, la part des films français n'est plus que de 36,8 %. La production reste élevée, malgré une baisse de 4,2 %. L'offre légale de films en vidéo à la demande a progressé de 18,2 % en un an. C'est le meilleur moyen de lutter contre le piratage. Mais selon un rapport de juin 2010, les industries techniques pâtissent de la numérisation des films et des salles. J'interrogerai le ministre sur les mesures envisagées pour accompagner ces industries dans leur mutation.

Mon rapport écrit présente les différentes sources de financement. Le CNC verra ses recettes augmenter en 2011, car il doit faire face à la numérisation des oeuvres et des petites salles ; en outre, un certain nombre d'actions sont débudgétisées. Ceci justifie que l'on préserve ses recettes, comme nous l'avons défendu hier à l'occasion de l'amendement présenté par la commission des finances tendant à transférer 130 millions du CNC au budget de l'État. Plus raisonnable, le Sénat a limité ce prélèvement à 20 millions.

Le rapport présente les projets en cours et évoque les problèmes structurels des petits cinémas, ainsi que les suites données par le CNC aux propositions du Club des 13 en faveur des producteurs, et à celles du rapport Bonnell. Une mission a été confiée au Médiateur du cinéma en octobre 2010 ; je demanderai au ministre de préciser les mesures envisagées.

Nous souhaitons que la Commission européenne envisage un taux réduit de TVA pour les services de commerce électronique fournissant des biens et services culturels.

Je vous proposerai par ailleurs un amendement au projet de loi de finances rectificative visant à aligner le plafond du crédit d'impôt pour les producteurs français sur celui des productions étrangères tournées en France, en le portant de 1 à 4 millions tout en l'encadrant, afin d'éviter la délocalisation de quelques très grosses productions.

Enfin, mon rapport détaille la montée en puissance de l'Hadopi. Selon un sondage, 53 % des adeptes du piratage auraient déjà réduit ou arrêté cette pratique.

En conclusion, votre rapporteur pour avis recommande l'adoption des crédits du programme « Création ». Ce rapport retrace bien la situation, mais, à titre personnel, je ne peux approuver ce budget, particulièrement contraint. Si la déclaration d'Avignon va dans le bon sens, les collectivités restent soumises à l'État, et il n'y en a que pour Paris ! Le financement du Centre Pompidou mobile, l'investissement à Marseille sont autant de sources d'inquiétude. Mon groupe ne votera pas ce budget. Les élections approchent... (Sourires).

M. Jacques Legendre, président. - Notre commission a coutume de proposer des rapports à des membres de la majorité comme de l'opposition. Qu'un membre de l'opposition exprime un avis négatif sur les crédits est compréhensible ; la commission n'est pas tenue de le suivre. Les choses sont claires entre nous.

Mme Maryvonne Blondin. - Lors de notre visite à Marseille, j'ai été frappée par l'ampleur et le coût des équipements pour Marseille capitale de la culture 2013. Je n'ai pas été convaincue par le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM). Nous dépensons beaucoup d'argent pour un résultat discutable...

Le spectacle vivant ne pourra se développer sans les collectivités territoriales, or celles-ci sont contraintes : je prévois des difficultés, d'autant que la proximité des élections fait monter la pression.

M. Yves Dauge. - Quelle part de la dotation de l'action « Patrimoine monumental » sera consacrée à apurer les dettes de l'État, au niveau régional et national ? L'augmentation des crédits doit servir à retrouver un peu d'air ! Combien vont percevoir les DRAC ? C'est avec ces crédits que les collectivités territoriales financent leurs opérations.

Nous pensions tous que les 10 millions de taxe sur les jeux en ligne iraient abonder les ressources du CMN ; il n'en est rien, puisqu'ils ne font que compenser une baisse des crédits. Je suis d'autant plus déçu que la nouvelle recette est fragile.

La question de la maîtrise d'ouvrage pour les petites communes est primordiale. La collégiale de Candes-Saint-Martin, village de 290 âmes, exige des travaux considérables ; auparavant, la commune contribuait à hauteur de 5 %. Désormais, elle ne fait plus rien, car elle ne peut assurer le montage financier !

Les mesures de 2009 ont détruit le « Malraux », et le système s'est effondré. M. Baroin, qui est aussi maire en secteur sauvegardé, l'a reconnu et promis un groupe de travail. Et l'on voudrait encore amputer le dispositif de 10 % ? Va-t-on soumettre les monuments historiques classés au même « coup de rabot » ?

L'archéologie préventive devait faire l'objet d'une mission commune avec la commission des finances. Le Premier ministre a préféré saisir l'inspection des finances, je le regrette. Il faudrait mutualiser les redevances via une surtaxe sur la taxe locale d'équipement, afin de faire contribuer toutes les opérations. Le problème est ancien, la responsabilité partagée. Reprenons contact avec nos collègues de la commission des finances sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Pignard. - Les entretiens de Valois ont accouché d'une souris. Dès lors que les collectivités continuent d'intervenir en matière culturelle - ce qui n'était pas acquis il y a un an - l'État n'a pas à imposer ses labels. Toutes les conventions que nous signons à Lyon sont des conventions de l'État ! C'est le règne de la technocratie culturelle.

Mme Françoise Cartron. - Difficile de mesurer la réalité des choses dans la nouvelle maquette budgétaire...

Où en est-on de l'enseignement de l'histoire de l'art dans le secondaire ?

Les crédits affectés au spectacle vivant augmentent certes, mais à structure constante. Les structures nouvelles, dont la création a souvent été fortement encouragée par l'État, sont donc financées au détriment des structures existantes : on partage la pénurie...

M. Jack Ralite. - Nos rapporteurs sont trop courtois pour le dire, mais la vérité est qu'il n'y a plus de ministre de la culture ! Plus d'élan, de volonté politique ! Le débat d'hier le montre : le « bleu » faisait apparaître 10 millions « supplémentaires » pour le CMN, mais on lui en retranche autant ! Cet emberlificotage est moralement inacceptable.

M. Jacques Legendre, président. - Ce n'est pas nouveau...

M. Jack Ralite. - Cela devient le Grand Magic Circus. On a perdu la culture du respect républicain des chiffres !

J'étais à Saint-Etienne la semaine dernière, pour le cinquantième anniversaire de la fédération nationale des centres culturels communaux. Tous les participants déploraient la situation actuelle. Assez de plaintes ; il est temps de porter plainte ! J'étais hier au vingtième anniversaire de la mort de Michel Guy. Tous les hauts fonctionnaires les plus âgés présents regrettaient cette époque révolue. Il est temps de passer de la peine à la colère ! J'étais dimanche à l'anniversaire du Festival d'Aubervilliers « Pour éveiller les regards ». Hier, on a voulu prendre 130 millions au CNC, alors que le cinéma est le seul secteur où public et privé s'entendent ! C'est la première atteinte à un tel établissement depuis la libération !

Je comprends que les collectivités, découragées, souhaitent que l'État les laisse agir comme elles l'entendent, mais il faut agir comme il sied. L'État a contribué à l'élaboration historique d'un grand professionnalisme. Je suis pour une responsabilité de l'État, publique et nationale.

Désormais, on ne parle plus de « culture pour tous » mais de « culture pour chacun »... Pour ma part, je suis, comme Camus, « solitaire et solidaire » : n'être que solitaire, c'est la solitude ; n'être que solidaire, la servitude !

M. Jacques Legendre, président. - Je partage l'irritation de M. Ralite. Dans notre esprit, le produit de la taxe sur les jeux en ligne était destiné à augmenter les ressources du CMN, pas à abonder le budget de l'État ! Le rapport devra souligner que la commission condamne ce tour de passe-passe.

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 insère un article additionnel après l'article 60, afin d'aménager les modalités de calcul de la valeur ajoutée des entreprises de production cinématographique pour l'évaluation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

A cette fin, cet amendement prévoit le report des charges liées à la production d'une oeuvre cinématographique lors de l'exercice fiscal de délivrance du visa d'exploitation, et au plus tard deux ans après leur engagement. Il s'agit de prendre ainsi en compte la valeur ajoutée réellement produite.

M. Ivan Renar. - Je réserve mon vote.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Sport, jeunesse et vie associative - Examen du rapport pour avis

Ensuite, la commission examine le rapport de MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Après une baisse de 7 % l'an dernier, les crédits de paiement affectés au sport diminuent encore de 15 %, pour s'établir à 208,5 millions. Les sports obtiennent un ministre de plein exercice, mais un budget en baisse : pour la première fois, le budget du programme « Sport » est inférieur à celui du programme « Jeunesse et vie associative », ainsi qu'au budget du Centre national de développement du sport (CNDS) ! La politique sportive est de moins en moins gérée par l'État, et de plus en plus par ses opérateurs...

Aux 10,7 millions inscrits dans l'action n°1 pour le sport amateur s'ajoutent 16 millions issus du fonds de roulement du CNDS qui financent les politiques fédérales de développement de la pratique sportive en direction des publics cibles. Le dynamisme des taxes affectées au CNDS permet de financer le sport amateur au-delà de ce qui était prévu.

La dotation aux actions nationales des fédérations, de 21,6 millions, vise à renforcer le lien social, notamment en faveur des publics prioritaires, personnes handicapées ou défavorisées. Ambitions pertinentes, sachant que le taux de licences au plan national est 1,43 fois plus élevé que chez les femmes et 2,34 fois plus élevé qu'en zone urbaine sensible.

La promotion du handisport doit également être une priorité : c'est un moyen d'intégration extraordinaire pour les personnes handicapées, et les exploits de ces champions au moral d'acier nous font vibrer.

Quant au musée national du sport, qui perçoit 1,6 million, notre commission pourrait le visiter avant son déménagement à Nice en 2014...

M. Jacques Legendre, président. - Nous irons !

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Les ressources affectées au CNDS s'élèvent à 247,4 millions d'euros pour 2011, contre 238,6 millions en 2010. Le CNDS finance la politique du sport pour tous à l'échelon territorial, en fonction des orientations fixées par le ministère, notamment en direction de publics prioritaires. L'efficacité de ces politiques n'est toutefois pas mesurée. Je demanderai à la ministre de nous transmettre les contrats de performance entre les opérateurs et l'État et les indicateurs qui y sont attachés.

Le budget du sport de haut niveau baisse de presque 20 %, du fait de la suppression du droit à l'image collective (DIC). Un « DIC sinon rien » nous dit l'État - ce que j'avais prophétisé l'année dernière ! Tout cela en pleine crise du football : les clubs ont perdu 180 millions la saison dernière, dont 40 millions à cause de la suppression du DIC. Cette filière pèse pourtant 4,3 milliards et représente environ 25 000 emplois non délocalisables.

Les crédits vont principalement aux fédérations sportives, pour 64 millions, dans le cadre de conventions d'objectifs. Il en va de l'image de la France et la vitalité du sport amateur, car les exploits de nos champions alimentent la passion des jeunes pousses !

Les crédits de l'INSEP, devenu Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, sont stables. Le décret du 25 novembre 2009 en fait un grand établissement. Ses missions ont été précisées de sorte à concilier performance sportive et réussite scolaire, et l'établissement peut désormais délivrer des diplômes nationaux. L'INSEP devient ainsi le pendant du CNDS pour le sport de haut niveau. Ses nouvelles compétences en font un acteur majeur du sport professionnel, surtout dans les disciplines où il n'existe pas d'acteurs privés. Pour l'avoir visité, j'ai été convaincu de la pertinence du modèle proposé, mais je souhaiterais là aussi disposer du contrat de performance.

Discrètement, on change le mode de gouvernance du sport. Notre commission devra se pencher sur cette question, qui dépasse les seuls États généraux du football.

La lutte contre le dopage nous tient à coeur. L'Agence française de lutte contre le dopage doit disposer d'une ressource propre. En attendant de trouver la taxe adaptée, le Gouvernement a prévu une dotation de 7,8 millions, soit un maintien des crédits. C'est pour l'instant satisfaisant - en attendant 2012, année olympique.

Enfin, 700 000 euros sont consacrés à la prévention et à la lutte contre les incivilités dans le sport. Les actions prévues reprennent les propositions de mon rapport sur les associations de supporters, ainsi que du récent livre vert du supportérisme. Au-delà de la répression, il faut engager le dialogue avec les supporters, créer des instances locales de dialogue qui s'appuient sur des chartes élaborées par les clubs. Ces dispositions vont dans le bon sens, tout comme la nomination d'un directeur de projet chargé de la prévention et de la lutte contre la violence dans le sport.

Sur cette note positive et en dépit des baisses de crédits, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au sport.

Article 57 decies

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 1 supprime l'article 57 decies, introduit par l'Assemblée nationale, qui revient sur la position du Sénat : les sommes versées par le club à un agent sportif ne peuvent être considérées comme un avantage en nature accordé au joueur.

L'amendement est adopté.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de modernisation des professions judiciaires réglementées afin de permettre aux avocats de devenir agents sportifs sans passer la licence spécifique. Je vous inviterai le moment venu à supprimer cette disposition, qui revient sur la proposition de loi adoptée par le Sénat.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - Le programme « Jeunesse et vie associative » regroupe 212,4 millions en crédits de paiement, soit 50,5 % des crédits de la mission. C'est une progression de 10 %, qui fait suite à la hausse de 60 % enregistrée l'année dernière. Le programme pluriannuel 2009-2012 prévoyait pourtant une forte diminution de ces crédits. Je l'avais déplorée à l'époque, estimant que les collectivités territoriales n'auraient pas les moyens de compenser cette baisse. Il y a eu une prise de conscience du Gouvernement, que j'ai reconnue, tout en espérant que le financement du service civique ne se ferait pas au détriment des autres actions en faveur de la jeunesse.

Ce risque est loin d'être écarté en 2011. Hors service civique, le programme 163 s'établit en 2011 à 115 millions, en baisse de plus de 20 %. Pour habiller le service civique, on a donc dévêtu beaucoup de monde. Les principales victimes de ces baisses sont les actions menées localement par les services déconcentrés. Le Gouvernement se replie sur son administration centrale et sur ses interlocuteurs associatifs nationaux, au détriment des services déconcentrés et des associations locales.

L'action « développement de la vie associative » est dotée de 13,4 millions, en hausse de 9,5 %. Cette augmentation bénéficie aux subventions versées dans le cadre du Conseil du développement de la vie associative, qui financent des journées de formation pour les bénévoles, mais ne prend pas en compte les 3 millions supplémentaires déjà débloqués début 2010 : il s'agit donc en fait d'une stabilisation.

Les crédits de fonctionnement des délégués départementaux à la vie associative baissent de 680 000 à 500 000 euros ; les subventions aux fédérations nationales et régionales sur les projets relatifs à la vie associative, de 1 million à 900 000 euros. Les subventions Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) aux centres de ressources et d'information des bénévoles stagnent à 1,2 million.

Elles concernent, encore une fois, des crédits locaux. Sans compter que le ralentissement de la baisse des crédits alloués au Fonjep au sein de la mission est illusoire, puisque leur financement par la politique de la ville est presque divisé par deux entre 2010 et 2011 : il passe de 9,4 à 5,6 millions.

J'en viens aux politiques de la jeunesse et de l'éducation populaire. Le financement alloué au service civique s'établit à 97,4 millions d'euros, dont 64,4 millions pour l'indemnisation des engagés de service civique, 22,1 millions consacrés à la compensation à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) des cotisations sociales et 7,9 millions d'euros à l'Agence de service civique. Si ce financement est conforme au dispositif imaginé, nous n'atteindrons pas l'objectif des 10 % de jeunes d'une classe d'âge engagés en 2014. Cela ne représente pas moins de 75 000 jeunes !

Les crédits du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) diminuent de plus de 40 %. Pour autant, ce dispositif expérimental bénéficiera des reports des crédits des années précédentes si bien que 2011 sera son point culminant. Les parlementaires ont besoin d'une évaluation approfondie de l'action du FEJ et des suites qui pourront y être données. Puisse l'instabilité ministérielle qui caractérise ce secteur ne pas nuire à la continuité de cette politique. En un an, trois ministres dont un haut-commissaire ...

Parlons maintenant des sujets qui fâchent. Le programme « Envie d'agir », supprimé par une circulaire du 12 août dernier, serait finalement maintenu, d'après les informations que M. Daubresse a transmises à la commission, via un abondement en exécution, éventuellement sur les crédits de la sous-action « Soutien aux actions locales ». A l'heure où ces derniers sont fortement réduits, cette information me laisse sceptique. Néanmoins, je salue la remise en service du site Internet du programme après notre audition.

Toutes les actions locales en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire sont regroupées sein d'une même sous-action appelée « politiques partenariales locales » pour faciliter la lecture des crédits, indique le bleu budgétaire. J'y vois surtout une technique pour vider de leur substance financière ces politiques : 12,7 millions de crédits de paiement en 2011, contre 22 millions en 2010. La réduction de ces crédits, essentiels à l'animation locale, fragilisera en particulier les zones rurales : l'État ne mettra pas un euro l'an prochain dans les contrats éducatifs locaux, malgré leur succès dans ces territoires. Selon le comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CNAJEP), 2 500 associations locales perdront leur subvention d'État. Face à ce nouveau désengagement massif de l'État, les associations, déjà désemparées devant la révision générale des politiques publiques (RGPP), se tourneront vers les collectivités territoriales, elles-mêmes étranglées par les transferts de compétences. Tirons la sonnette d'alarme ! La réussite d'un service civique, qui s'appuie à 80 % sur les associations, passe par un renforcement du maillage associatif.

Le volet animation du programme « Animation sport » est fantomatique : 1 million de crédits seulement lui sont consacrés. Substituer le service civique à ce programme, que Martin Hirsch avait estimé inefficace lors de son audition, n'est pas illogique. Mais encore faut-il l'assumer ! L'an dernier, j'avais demandé un bilan de ce dispositif à l'inspection générale de la jeunesse et des sports que je n'ai jamais reçu.

D'autres actions, qui nous tiennent tous à coeur, enregistrent des diminutions de crédits : moins 26 % pour le soutien à la rénovation des centres de vacances, ce qui mettra en difficulté les collectivités territoriales qui ont investi ; moins 30 % pour les bourses BAFA et BAFD, dispositif pourtant utile aux publics en difficulté.

En fait, seuls les dispositifs d'État - offices franco-québécois et franco-allemand pour la jeunesse, l'Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire et le centre d'information et de documentation jeunesse - bénéficient d'un maintien de leurs crédits.

Avant de conclure, je vous indique que je présenterai les conclusions de la mission d'information qui m'a été confiée sur l'avenir des centres d'éducation populaire et de sport (CREPS) lors d'une prochaine réunion.

Le sacrifice des crédits locaux sur l'autel du service civique ou celui de la contrainte budgétaire m'incite à proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Mme Françoise Laborde. - Je me réjouis de ces rapports à deux voix, de l'enthousiasme et de l'humour des deux rapporteurs. La délégation aux droits des femmes, qui mène actuellement un travail sur sport et femmes, les auditionnera.

Pour les associations, le vrai problème est que les préfets, dans les départements, mettent un terme aux emplois aidés. Cela n'aidera pas le bébé du RDSE qu'est le service civique à grandir ! Les associations, qui doivent accueillir 80 % des engagés, disparaîtront, faute de moyens. En outre, je regrette la baisse des crédits destinés aux centres de vacances : en période de crise, c'est souvent le seul moyen de faire partir les enfants ! Je ne voterai pas ce budget en séance.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Loi de finances pour 2011 - Mission Enseignement scolaire - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Claude Carle et Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » dans le projet de loi de finances pour 2011.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - L'Éducation nationale est à la fois la plus grosse dépense, la plus haute responsabilité et le meilleur investissement de l'État. Cette année, ses crédits augmentent de près de 1 milliard par rapport à 2010, soit l'équivalent du budget de la Haute-Savoie, pour s'établir à 60,5 milliards. Les dépenses de personnel représentent 93 % du total, d'où une certaine rigidité de ce budget. Pour en accroître l'efficience, seules des évolutions à la marge ou des redéploiements internes sont possible. A mon sens, celui-ci devrait davantage favoriser le primaire et le collège, auxquels la loi de 2005 a donné un objectif clair : l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Cela dit, il est légitime d'avoir sanctuarisé les moyens du lycée à l'heure de sa réforme.

J'en viens aux évolutions de chaque programme. Le premier degré public et le second progressent respectivement de 2,5 % et de 1,3 %. Le programme « Vie de l'élève », qui regroupe la santé scolaire et l'action sociale, enregistre une hausse de 2,9 % sans compter l'abondement de 20 millions décidé à l'Assemblée nationale pour régler la question des emplois de vie scolaire. L'enseignement privé est nettement moins bien traité avec une hausse de 0,6 %, soit trois fois moins forte que celle consentie pour le public. Le programme d'administration centrale et de fonctions supports reste stable à un peu moins de 2,1 milliards. Pour autant, à considérer les seules autorisations d'engagement, il progresse de 5 %. Cette augmentation, bien plus importante que celle des autres programmes, s'explique essentiellement par le renouvellement de 285 baux centraux et déconcentrés, soit un quart du parc locatif du ministère.

En respect de la règle du non-remplacement d'un départ sur deux en retraite, le schéma d'emploi prévoit la suppression de 16 000 emplois à la rentrée 2011, dont près de 9 000 emplois d'enseignants du primaire, 4 800 emplois d'enseignants dans le secondaire, 1 633 enseignants dans le privé et 600 emplois administratifs, dont 200 en établissements et 400 dans l'administration centrale et les services académiques. Les réductions de poste dans l'enseignement privé, partie intégrante du service public de l'Éducation nationale, n'affecteront pas uniquement les familles aisées. N'oublions pas qu'environ 12 % des élèves du privé sont des boursiers. En 2010, le privé a dû supprimer 1 400 postes pour 16 000 dans l'Éducation nationale. En 2011, il doit contribuer pour 1 633 postes, soit une accélération de l'effort de 16 % en un an ! Or sa capacité à absorber les réductions est beaucoup plus faible que celle du public puisqu'il ne connaît ni titulaires sur zone de remplacement, ni surnombres. Rappelons que pour 13 767 suppressions de postes l'an prochain, le public comptera sur 5 600 régularisations de surnombres. En outre 22 % des écoles privées possédant moins de trois classes, les suppressions de postes se solderont rapidement par des fermetures de classes, puis d'établissement. Certaines régions risquent d'être durement touchées, comme l'Île-de-France, Lyon ou Montpellier. Pour corriger cette situation, je propose de transférer 4 millions du programme d'administration centrale et de fonctions supports vers le privé, ce qui correspond à 100 ETPT (emplois temps plein travaillé).

M. Yannick Bodin. - Vous cherchez la bagarre !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Pour conclure sur la question des emplois, je déplore, à l'instar de la commission des finances, l'ampleur des corrections apportées au plafond d'emplois : une hausse de 14 759 ETPT, soit l'équivalent des personnels de l'enseignement agricole ! Si je loue le souci de transparence et d'exhaustivité du ministre, je déplore l'imparfaite fiabilité des informations disponibles. J'y vois une illustration des maux dont souffrent plus généralement l'Éducation nationale. Tout d'abord, la faible performance de l'appareil de prévision entraîne de mauvais calibrages dans les recrutements et, donc, des surnombres. Ensuite, l'inadaptation de ses instruments de gestion des ressources humaines : outre les défaillances de l'outil de décompte des emplois et la mise en place difficile du système de paie Chorus, je vise l'inefficacité des systèmes d'information qui serait partiellement responsable de plus de 42 millions de restes à régler en exécution 2009 sur le programme d'appui. Je salue donc la décision d'allouer 19,5 millions dans ce budget à la refonte intégrale du système d'information des ressources humaines de l'Éducation nationale. Enfin, l'articulation problématique entre gestion académique et gestion ministérielle. Le recrutement des vacataires par les recteurs est légitime pour éviter une centralisation inefficace. Toutefois, le ministère en est informé ex post. D'où la constatation de 2 900 ETPT de dépassement du « plafond d'emplois » destiné au remplacement.

Après ces remarques générales, j'en arrive aux remplacements dans le premier et le second degré publics. Pour un coût de 2,86 milliards, celui-ci donne moins satisfaction aux usagers que dans l'enseignement agricole et le privé, bien que ces derniers ne disposent pas de moyens aussi importants. Pour l'améliorer, ce que souhaitent unanimement les acteurs et surtout les parents, nous avons besoin d'outils de prévision robustes. Dans le premier degré, il faut mieux prendre en compte les absences prévisibles au titre des congés maternité ou de la formation continue pilotée par les académies. Dans le second degré, il convient d'élargir le vivier potentiel de remplaçants et assouplir les règles de recrutement ou de mise à disposition interacadémique. La récente note de service adressée par le ministre aux recteurs va dans le bon sens. Désormais, les chefs d'établissement pourront faire appel aux ressources académiques de remplacement dès le premier jour. Elle crée également un pilotage sur trois niveaux avec des référents désignés au niveau de l'établissement et du rectorat, la direction générale des ressources humaines du ministère intervenant en appui. Enfin, elle recommande un assouplissement du zonage du remplacement et la constitution de viviers de remplaçants en liaison avec Pôle emploi et les universités.

Le bilan de la mastérisation, avant la pleine application du dispositif l'an prochain, est mitigé. Si nous avons évité l'écueil du pédagogisme et des abstractions perdues dans les nuées, nous n'avons pas encore remporté le défi de la professionnalisation. Malgré l'intérêt des stages d'observation en master, la préparation aux métiers d'enseignant reste insuffisante. Enseigner en maternelle, en cours élémentaire, au collège, au lycée général ou dans la voie professionnelle est différent. Les maquettes des masters et des concours devraient mieux en tenir compte. Instruire n'est pas inné, cela s'apprend ! Il faudrait mieux aménager l'arrivée des enseignants stagiaires : actuellement, ceux-ci passent deux tiers de temps immédiatement devant des élèves sitôt diplômés. En outre, le recrutement de tuteurs compétents et motivés pose difficulté. Enfin, il existe une grande diversité entre les académies : un tiers d'entre elles a mis en place des allègements de services pour les stagiaires dans le second degré ; certaines organisent des formations concentrées sur quatre ou cinq semaines, ce qui occasionne des problèmes de remplacement ; les compagnonnages de tuteurs varient entre 36 et 108 heures selon les académies et les formations hors du temps de classe entre 60 et 160 heures d'après l'inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Le rapport d'étape, qui sera remis au ministre à la fin du mois, sera l'occasion d'apporter les corrections nécessaires.

Les médecins et les infirmières scolaires jouent un rôle primordial auprès des élèves. Leur capacité d'écoute permet souvent de prévenir des incidents et d'intervenir très tôt pour aider des jeunes en difficulté. Aujourd'hui, le manque de personnel médico-social est partout sensible, et ceux qui sont en poste sont débordés. Deux médecins scolaires, que j'ai auditionnés, avaient la responsabilité d'environ 10 000 élèves éparpillés sur plusieurs communes, voire presque un département ! Les postes ouverts au concours sont loin d'être pourvus en raison de la faible attractivité de ces carrières : les médecins scolaires débutants se voient proposer un traitement mensuel brut de 1 755 euros, soit moins qu'un interne en médecine ou un médecin du travail pour les personnels au sein de l'Éducation nationale. Le ministère a engagé une réflexion. Pour envoyer un signal fort, je souhaite abonder le programme de 1 million au détriment des crédits supports de l'administration.

Pour accroître les performances du système éducatif dans un contexte budgétaire difficile, rien ne sert de réfléchir en termes de grandes masses. Il faut travailler à l'affection différenciée des moyens selon les besoins des élèves et, ajouterai-je, des territoires. En quelque sorte, c'est la variante libérale de la formule de Louis Blanc reprise par Marx ! (Sénateurs des groupes RDSE, socialiste et CRC ironisent) Pour adapter le schéma directeur de l'Éducation nationale, il faut réfléchir à l'organisation territoriale et au partage de responsabilités, d'une part, et à l'offre et à la carte des formations, d'autre part, en privilégiant l'expérimentation et l'évaluation, trop négligée aujourd'hui. Puisse la mission commune d'information du Sénat sur le système éducatif apporter des réponses à ces questions !

En attendant, je propose de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de deux amendements.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Pour la dixième fois, j'ai l'honneur de présenter le rapport sur le budget de l'enseignement agricole. Sans revenir sur les débats de l'an dernier, au cours desquels nous avons obtenu le rétablissement de 150 postes d'enseignants et l'apurement des reports de charges sur le rythme approprié en lois de finances rectificatives, je rappelle que nos amendements, du fait de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ponctionnaient l'Éducation nationale en faveur de l'enseignement agricole, quoique de façon modeste au regard des sommes en jeu. J'ai toujours regretté de devoir ainsi arbitrer entre des voies de formation d'égale valeur et dignité.

Les corrections apportées, année après année en séance publique, avaient nourri notre crainte que l'enseignement agricole ne soit exclu de la mission « Enseignement scolaire », ce qui aurait réduit à néant les espoirs de coopération entre les ministères de l'agriculture et de l'Éducation nationale et ramené l'enseignement agricole à son triste statut de variable d'ajustement. Je me réjouis que le Premier ministre ait décidé de maintenir la maquette traditionnelle de cette mission comme de l'augmentation de 2,5 % de ses crédits en 2011, après plusieurs années de baisse. Néanmoins, je regrette le recul des crédits destinés à la formation continue des enseignants du public à l'heure où le système éducatif se concentre sur la personnalisation des parcours et l'adaptation aux besoins des élèves, ce que l'enseignement agricole a d'ailleurs largement anticipé.

Les dotations aux établissements privés ont été relevées, ce qui explique la hausse signification des crédits, par respect des obligations juridiques découlant de l'application du code rural et des protocoles signés en 2009 avec les fédérations. Ceux-ci ont été respectés par le ministère, contrairement à la pratique passée où les reports de charges, qui pesaient lourdement sur les établissements, minaient la crédibilité de la parole de l'État et ouvraient la voie à des contentieux. Disposer d'un cadrage fiable à moyen terme de l'évolution des subventions est une évolution positive. Le dégel des crédits de la réserve de précaution devrait empêcher l'accumulation des reports de charge fin 2010 de même que le bon calibrage des subventions dans ce budget, estime le ministère de l'agriculture. Néanmoins, la situation budgétaire pourrait être tendue avec un risque de l'ordre de 6 millions. Les représentants des maisons familiales et rurales sont inquiets. Je serai vigilante sur l'exécution du budget, sachant d'expérience que celle-ci peut modifier les équilibres trouvés en loi de finances. Les reports de charge dans l'enseignement privé, rappelons-le, affectent directement l'offre de formation et la scolarisation des élèves.

Comme les années précédentes, le plafond d'emploi du programme diminue. Dans un contexte économique difficile, je reconnais toutefois les efforts réalisés par le ministère de l'agriculture pour protéger l'enseignement agricole. En effet, le reste des services du ministère absorbe l'essentiel des réductions d'emploi : l'enseignement agricole représentera 46,1 % des emplois du ministère en 2011, contre 44,8 % en 2008. A la rentrée 2011, il est prévu 410 départs en retraite et 145 suppressions de postes, dont 54 suppressions dans le privé temps plein et 91 dans le public, m'a communiqué le ministère.

Quelques mots du remplacement dans l'enseignement agricole. Le public, à la différence du second degré dans l'Éducation nationale, ne dispose pas de TZR (titulaire sur zone de remplacement). Cependant, à l'expiration d'un délai de carence de quatorze jours, le remplacement est confié à des contractuels proposés par les établissements et recrutés par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) sur des contrats de droit public. Pour l'année scolaire 2009-2010, le remplacement des absences d'une durée prévisionnelle inférieure à un an a occupé 280 ETPT. Bref, le sujet ne fait pas autant débat que dans l'Éducation nationale. En revanche, dans les établissements privés du temps plein, le coût du remplacement est assumé par les établissements jusqu'au 90e jour d'absence, à partir duquel intervient le remboursement de l'État. Le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) estime que 3 % de la masse salariale de ses enseignants est absorbée par le financement des absences remplacées, soit un besoin de financement de l'ordre de 6 millions. Le ministère de l'agriculture doit résoudre ce problème, sans quoi les élèves en pâtiront.

Après une perte de 5 500 élèves environ entre les rentrées 2005 et 2008, je me réjouis de la stabilisation des effectifs autour de 171 000 élèves à la rentrée 2009. Néanmoins, je déplore que l'on ne puisse pas satisfaire la forte demande et que les fermetures de classes se poursuivent. Je suis fermement opposée à tout logique de rationnement et à tout pilotage des effectifs par l'offre de formation, c'est-à-dire par une enveloppe budgétaire définie a priori. Ce sont les crédits qui devraient être adaptés à la demande des familles et des élèves ! Aujourd'hui, 2 000 élèves sont accueillis dans les Maisons Familiales Rurales (MFR) sans être financés par l'État, parce qu'ils viennent en surplus du plafond d'effectif. Tout doit être fait pour que chaque jeune, qui le souhaite, trouve sa place dans l'enseignement agricole.

Je réitère mon souhait de renforcer les coopérations entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole, dans le respect des spécificités de chacun et au service des besoins de tous les élèves. Cette année, j'ai bon espoir pour avoir récemment participé à une rencontre de haut niveau entre les deux ministères avec le député Censi. L'Éducation nationale peut voir l'enseignement agricole comme un foyer vivant d'expérimentation et d'innovations, qu'elle pourra généraliser ensuite dans ses propres établissements. Le remplacement des enseignants, l'apprentissage des langues, l'information et l'orientation des élèves, l'organisation de concours de recrutement et d'examens nationaux sont autant de domaines dans lesquels il est possible de progresser mutuellement. Puissent les ministères entrer effectivement dans une nouvelle ère de dialogue et de coresponsabilité !

Étant donné le traitement convenable fait à l'enseignement agricole, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Jacques Legendre, président. - Madame Férat, chacun sait que cette évolution des mentalités en faveur d'un rapprochement est le fruit de vos efforts. Soyez-en remerciée !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. - Je me concentrerai sur la réforme de la voie professionnelle. Si je n'étais pas opposée à un bac professionnel en trois ans, je me suis inquiétée l'an dernier de la généralisation précipitée de l'expérimentation menée à partir de 2008 et de ses conséquences sur les élèves les plus fragiles. Je salue la mobilisation sans faille de l'ensemble des personnels : ils ont été mis à rude épreuve, mais leur action a permis d'atténuer les répercussions de la réforme sur la scolarité des élèves.

Tout d'abord, un aspect positif : le discours de revalorisation de la voie professionnelle, qui motivait la réforme, a porté auprès des jeunes et des familles. Le bac professionnel en trois ans est désormais un bac comme les autres, chargé de la même valeur rituelle et porteur de la même espérance sociale. Pour ne pas décevoir ces espoirs, les promesses d'insertion professionnelle et de poursuite dans le supérieur doivent être tenues. Or l'attentisme prévaut logiquement chez les employeurs. Certaines branches professionnelles, habituées à l'ancienne organisation, paraissent déjà regretter la dissolution des brevets d'études professionnelles (BEP). A partir de l'année prochaine, je recommande d'auditionner systématiquement toutes les organisations patronales et syndicales représentatives afin de sonder leurs intentions et de mesurer les perspectives d'emploi des jeunes diplômés.

Cette appréciation positive ne masque pas les défauts d'organisation administrative et pédagogique. L'élaboration de la carte des formations et de la répartition des flux d'élèves entre le certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) et le bac professionnel est un enjeu capital. Après une forte hausse en 2009, l'offre de CAP a continué d'augmenter légèrement. En fait, les rectorats, prenant insuffisamment en compte l'offre de formation en apprentissage, n'ont pas une vision globale de la formation professionnelle initiale. D'où, une offre de CAP globale qui englobe 40 % des effectifs, voire 50 % à Grenoble ou Poitiers. Il y a manifestement une « orientation de précaution », a dit l'un de mes interlocuteurs, vers le CAP à l'issue du collège. Le danger est de transformer le CAP en voie de relégation.

S'agissant de la conduite de la formation en lycée professionnel, les problèmes de l'an dernier sur le positionnement de la certification intermédiaire, sur l'effectivité des passerelles et sur la conduite de l'accompagnement personnalisé n'ont pas été réglés - même les inspections générales invitent à la vigilance. A quoi il faut ajouter de nouvelles difficultés cette année. Les classes sont de plus en plus hétérogènes avec une proportion croissante d'élèves de moins de 15 ans, au profil plus scolaire, que la perspective de poursuite en brevet de technicien supérieur (BTS) motive. Enfin, l'organisation des périodes de formation en milieu professionnel laisse à désirer. Les entreprises hésitent à accueillir les nouveaux élèves, qui sont d'ailleurs laissés à eux-mêmes pour trouver un stage.

Les possibilités de poursuite d'études en BTS constituent un élément fort de la revalorisation de la voie professionnelle, mais potentiellement trompeur. Les demandes d'admission en section de technicien supérieur (STS) vont probablement croître brutalement à partir de 2013 alors que les bacheliers professionnels réussissent beaucoup moins bien en BTS que les autres. Une politique volontariste d'accompagnement sera nécessaire pour mettre à niveau leurs acquis plus fragiles dans les matières scolaires traditionnelles, notamment en langues vivantes. En revanche, je suis extrêmement sceptique quant à l'utilité de proposer une année supplémentaire de formation en préparation à l'entrée au BTS pour les seuls bacheliers professionnels. Cet allongement d'études imposerait un coût financier difficilement supportable pour certaines familles défavorisées et équivaudrait à une régression pédagogique pour les élèves, ramenés brutalement à leurs années de collège.

L'an passé, je disais que la réforme du bac professionnel avait constitué une onde de choc pour caractériser la réforme du bac professionnel. A la réflexion, je pense qu'elle a ébranlé en profondeur les fondations de l'enseignement professionnel. L'envers de la revalorisation symbolique de la voie professionnelle est la déprofessionnalisation et la « technologisation » de la voie professionnelle. Et ce, en raison de la conjugaison de plusieurs facteurs : l'arrivée massive d'élèves traditionnellement orientés vers le technologique, un affaiblissement de la rupture pédagogique avec le collège et de la formation en milieu professionnel, le déclassement du BEP comme diplôme qualifiant et professionnalisant et l'insistance sur l'accès au BTS. Il faut impérativement éviter la fusion des filières technologiques et professionnelles pour préserver la capacité de la voie professionnelle à donner aux élèves les moins à l'aise à l'école une chance. De plus, la mastérisation du recrutement des enseignants se télescope avec la rénovation du baccalauréat professionnel. Elle risque de tarir drastiquement le vivier habituel de recrutement des professeurs de lycée professionnel. Les masters, dont la mise en place a été hâtive, restent largement invisibles pour les candidats potentiels si bien que, un peu partout sur le territoire, on constate que personne ne s'est présenté pour suivre une formation en préparation au concours. A cela, s'ajoutent des problèmes de financement qui freinent la reconversion de salariés, alors que la moitié du corps environ en est actuellement issue. Enfin, au terme des auditions, j'ai été frappée par l'extrême disparité de mise en oeuvre de la réforme. Le pilotage ministériel me paraît insuffisant pour définir un schéma directeur national garantissant l'égalité de traitement entre les élèves. Le cadrage national cède la place à des politiques académiques, minées par l'autonomie accrue laissée aux établissements. Si je partage le souci de tenir compte de la réalité du terrain, les divergences entre les académies et les établissements ont atteint un point inacceptable.

A titre personnel, j'émettrai donc un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Monsieur le rapporteur Carle, pourriez-vous nous donner des précisions sur le recul des crédits de l'enseignement artistique et culturel en dépit des ambitions affichées ? Lors de l'examen de la proposition de loi visant à garantir un droit à l'oubli sur Internet, nous avions longuement évoqué la nécessité de sensibiliser les enseignants aux nouvelles technologies. Des crédits ont-ils été dégagés pour ce faire ? Enfin, le financement du plan « Écoles numériques rurales » est-il reconduit l'an prochain ?

Mme Françoise Laborde. - Monsieur Carle, je me réjouis de la hausse des crédits de la mission, mais nous reparlerons de votre proposition de transférer des crédits à l'enseignement privé. Madame Férat, pour votre dixième anniversaire en tant que rapporteur, je vous félicite de votre persévérance. En revanche, comme Mme Gonthier-Maurin, je suis moins optimiste concernant l'avenir de l'enseignement professionnel.

M. Pierre Martin. - Je continue de m'interroger sur la mastérisation des enseignants du premier degré : qu'apporte-t-elle aux enfants ? Là est la question essentielle.

Un point peu abordé par les rapporteurs : les emplois de vie scolaire (EVS). Leur présence est indispensable à l'accompagnement des enfants en difficulté. Or, leur intervention étant désormais gérée par Pôle emploi ou les associations de service, l'enfant voit se succéder deux ou trois EVS au cours de la même année scolaire. L'Éducation nationale doit intervenir pour régler ce problème.

Mme Françoise Cartron. - Juste ! Le lien que l'AVS (auxiliaire de vie scolaire) tisse avec l'enfant est primordial pour la réussite scolaire ; passons à un autre mode de recrutement.

La mastérisation des enseignants donne lieu à un grand cafouillage. Une fois l'évaluation terminée, il y aura urgence à repenser le mode de formation des enseignants : je crains que les disparités constatées sur le terrain ne conduisent à des régressions.

L'enseignement scolaire, nous dit-on, doit être solidaire de la politique de réduction de la dépense publique. Jusqu'alors, l'enseignement privé a été moins sollicité. Les coupes ont surtout touché le public, notamment les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté). Pour autant, mieux vaudrait défendre les crédits de l'enseignement en général pour obtenir leur sanctuarisation, comme ceux de l'enseignement supérieur. Repensons la philosophie générale, il y va de l'avenir de nos enfants ! Enfin, étendons l'excellente innovation des postes d'animateurs culturels dans l'enseignement agricole à l'Éducation nationale !

M. Jean-Luc Fichet. - L'enseignement agricole n'est pas exemplaire. Sa situation, loin d'être convenable, est désastreuse : restructurations d'établissements, suppressions de postes et refus d'élèves à cause du manque de places. Éparpillé sur le territoire, il est menacé comme le sont les maisons familiales et rurales. Pourtant, celles-ci jouent une fonction sociale en donnant à des élèves parfois en difficulté une vraie chance de s'en sortir grâce à un enseignement innovant. M. Juppé, dans son discours, a émis le souhait de doubler les crédits de la formation en alternance. Pourquoi les supprimer dans cette mission ? Ce budget suscite beaucoup d'inquiétudes et le désespoir des maires ruraux. Bientôt, il ne subsistera un enseignement agricole qu'en ville !

M. Yannick Bodin. - Dans sa récente intervention télévisée, le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». M. Fillon, dans son discours de politique générale, ne l'a fait que pour féliciter M. Chatel. C'est dire qu'elle n'est pas la priorité ! A lire ce budget, la feuille de route confiée au ministre tient en peu de mots : faites des économies ! D'ailleurs, M. Chatel l'a reconnu. Mais pourquoi justifier cette réduction des moyens par des théories ? La scolarisation des enfants de moins de trois ans ne serait pas bénéfique, nous explique-t-on, à coups d'arguments psychologiques. Je connais pourtant de nombreuses familles où elle représenterait un avantage pour l'enfant !

Autre exemple : on supprime les langues étrangères en primaire ou bien les RASED et ensuite on théorise pour justifier ces suppressions. Mieux vaudrait dire franchement : « on supprime parce qu'on n'a pas de sous ! » Dans son plan d'austérité, le Premier ministre britannique Cameron, pourtant conservateur bon teint, a épargné un seul chapitre qu'il considère comme sacré : l'éducation. Il y a des jours où l'on regrette de ne pas être anglais...

M. Jacques Legendre, président. - Ce n'est pas l'opinion des étudiants britanniques...

M. Claude Domeizel. - Je m'étonne du salaire des médecins scolaires : 1 755 euros mensuels ! Quel est leur statut exact, est-il différent de ceux de la médecine du travail ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Ce sont deux corps différents. Celui de la médecine du travail est beaucoup plus attractif puisque, au sein même de l'Éducation nationale, le salaire des médecins du travail pour les personnels est quasiment le double de celui des médecins scolaires.

M. Jacques Legendre, président. - Quant à moi, je m'inquiète de la poursuite de la mise en place des écoles numériques en milieu rural. J'en ai visité beaucoup, j'ai constaté l'intérêt qu'elles suscitent chez les élèves comme chez les élus locaux. Il serait bon de poursuivre l'effort qui, en 2009, s'est élevé à 67 millions. Mais aucun crédit n'est prévu pour cela. Je proposerai donc un amendement qui prélève 25 millions sur les crédits du programme « Enseignement scolaire public du 2nd degré » pour les affecter à ces écoles numériques.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. - Pour la première fois, on diminue de 4 500 postes les contrats aidés que sont les EVS. Un amendement adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale leur a affecté 20 millions pour permettre à l'Éducation nationale d'appliquer la loi sur le revenu de solidarité active (RSA). La charge de l'Éducation nationale passerait de 10 à 20 %, voire 30 % du financement. Or M. Chatel nous a dit que cette part ne dépasserait pas 10 %. Donc, qui va payer ?

Je ne partage pas l'optimisme de Mme Férat. D'après ce que nous avions voté l'an dernier, nous devrions retrouver 150 ETP dans le budget de cette année. Or, nous ne les voyons pas. Enfin, avez-vous des informations sur le sort des emplois administratifs de l'enseignement agricole ?

Maintenant, en tant que rapporteur pour avis, je réponds à Mme Laborde que l'objectif est de rehausser la voie professionnelle au niveau des autres filières, aux yeux des élèves et des familles. Or, il y aura en 2013 un afflux de candidats à l'entrée en BTS ; il faudrait prévoir des dispositifs particuliers pour les élèves de l'enseignement professionnel pour qu'ils parviennent au niveau des autres bacheliers. Je crains donc une onde de choc, un risque de déprofessionnalisation, de perte de substance et d'utilité de cette filière quant aux objectifs d'insertion professionnelle et de poursuite dans l'enseignement supérieur.

M. Jacques Legendre, président. - C'est en effet un problème à creuser et à anticiper.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Madame Morin-Desailly, les crédits des enseignements artistiques et culturels s'élèvent à 2 138 millions contre 2 105 en 2010. Ils ont été intégrés dans les programmes du primaire où se pose encore le problème de la formation des enseignants, puis dans les programmes du collège en 2009 et du lycée en 2010. Aucun crédit n'étant prévu pour l'école numérique, je soutiens tout à fait l'amendement du président.

La dévalorisation de la médecine scolaire est inacceptable. Pour rendre cette profession plus attractive, il suffirait d'un million. Mon amendement propose de le prélever du programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » pour le transférer sur le programme « Vie de l'élève ». Ce prélèvement se ferait sur une ligne de l'administration centrale dotée de plusieurs milliards.

Monsieur Martin, les AVS sont des contractuels dont 12 000 sont pris en charge par l'Éducation nationale, 40 par des associations et 325 par des collectivités territoriales.

Madame Cartron, j'ai parlé de disparité entre les académies. J'ai dit au ministre que la situation était inacceptable ; il a promis de faire un rapport d'étape à la fin de ce mois.

Avec mon second amendement, je ne vise pas du tout à opposer les enseignements public et privé. Mais l'enseignement privé remplit une mission de service public ; je le dis d'autant plus facilement que je suis un pur produit de l'enseignement public ainsi que mes enfants. Et je proposerais le même amendement si la situation était inverse. Si 14 000 postes sont supprimés dans le public, 5 600 de ces suppressions ne sont que des régularisations de surnombres dans le primaire. Le public ne subissant donc que 8 167 suppressions, l'effort demandé au privé paraît disproportionné. En outre, cet enseignement privé ne disposant pas de titulaires sur zones de remplacement (TZR) ni de surnombres, sa capacité à supporter les réductions de postes est plus faible que celle du public et ces suppressions vont entraîner la fermeture d'établissements. C'est pourquoi je propose un rééquilibrage en transférant 4 millions du programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » au programme « Enseignement privé du premier et du second degré ».

M. Yannick Bodin - Le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». Pour moi, c'est le meilleur investissement de la Nation à condition que ses résultats soient soumis à évaluation. Tout dépend moins des moyens qui y sont affectés que de la bonne répartition de ces moyens. Sur l'école numérique, je suis favorable à l'amendement du président.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Oui, madame Gonthier-Maurin, les 150 ETP sont bien budgétés en année pleine, même si, je vous l'accorde c'est peu lisible dans ce budget.

Certes, il y a des suppressions d'emploi, mais l'important c'est l'augmentation de 2,5 %, obtenue malgré les contraintes budgétaires. Je crois beaucoup à la mutualisation des moyens et je vous donne rendez-vous l'an prochain pour en faire le bilan : si la situation ne s'est pas améliorée, nous en tirerons alors les conséquences.

La commission émet un avis favorable sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Examen des amendements sur l'article 48 État B

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Mon premier amendement, que j'ai déjà défendu, abonde d'un million le programme « Vie de l'élève » afin de revaloriser les carrières de la médecine scolaire.

L'amendement est adopté.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. - Mon second amendement transfère aux crédits de l'enseignement privé 4 millions afin de créer 100 EPTP, soit 250 postes. Cette somme est prélevée sur une ligne de l'administration centrale dotée de 2,1 milliards de crédits fongibles. Elle n'est pas prélevée sur les crédits de l'enseignement public mais sur une ligne surabondamment dotée.

L'amendement est adopté.

M. Jacques Legendre, président. - Mon amendement, déjà défendu, transfère 25 millions au programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » pour financer les écoles numériques et je serais heureux si toute la commission le soutenait en séance publique.

L'amendement est adopté à l'unanimité.