Mercredi 16 février 2011

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

Agriculture des départements d'outre-mer - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport de M. Daniel Marsin sur la proposition de résolution européenne n° 226 (2010-2011), présentée par MM. Serge Larcher et Éric Doligé, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, adoptée avec modifications par la Commission des affaires européennes, tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne.

M. Daniel Marsin, rapporteur- En application de l'article 88-4 de la Constitution, nos collègues Serge Larcher et Éric Doligé, respectivement président et rapporteur de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, ont déposé le 18 janvier dernier une proposition de résolution tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne (UE).

La commission des affaires européennes a examiné ce texte le 2 février dernier. A l'initiative de son rapporteur, notre collègue Christian Cointat, elle a adopté cette proposition de résolution à l'unanimité, complétée par six amendements, qui n'en modifient pas l'esprit.

Signe de l'enjeu essentiel de cette question, la Conférence des présidents a décidé que le Sénat débattra en séance de cette proposition de résolution, vraisemblablement au mois de mai prochain.

J'ai interpellé le Gouvernement sur cette question à deux reprises au cours des derniers mois : lors des questions d'actualité du Gouvernement du 6 mai 2010 et lors des questions cribles thématiques « Outre-mer et Europe » du 18 janvier dernier.

Lors de l'excellent débat organisé le 11 janvier dernier à l'initiative de la commission des affaires européennes et de notre commission sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC), M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, a affirmé : « Il ne sert à rien de se battre pour la PAC si on ne se bat pas non plus dans le cadre des négociations commerciales et du G20. Il faut aborder les négociations commerciales internationales, notamment avec le Mercosur et dans le cadre de l'OMC, sans aucune naïveté et sans aucun complexe. C'est sans complexe que nous devons défendre notre agriculture, refuser les accords qui se feraient au détriment de l'agriculture et ne pas accepter que l'agriculture soit une nouvelle fois la monnaie d'échange dans un marché de dupes entre les pays sud-américains et l'UE. »

Le risque que ferait peser un accord commercial avec le Mercosur sur l'agriculture européenne, notamment sur nos éleveurs est grand. Or, des accords emportant des conséquences similaires pour les DOM ont été conclus par l'UE au cours des derniers mois, justifiant cette proposition de résolution.

La situation de l'agriculture ultramarine est bien différente de celle métropolitaine. Son poids économique est essentiel dans les DOM : entre 1,7 et plus de 4 % du PIB (contre 2,2 % pour la France hexagonale) et entre 2 et 7,2 % de l'emploi (contre 2,3 % en France hexagonale). Les produits agricoles et agroalimentaires représentent 53 % des exportations de la Guadeloupe et 65 % de celles de La Réunion. La loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a d'ailleurs fait de l'agriculture un des secteurs clés du « développement endogène » de ces territoires.

L'agriculture ultramarine reste dominée par deux filières traditionnelles d'exportation : la banane et la filière canne-sucre-rhum, qui structurent l'économie des DOM. La filière banane représente ainsi près de 10 000 emplois dans les Antilles, ce qui en fait le premier employeur privé. La filière canne-sucre-rhum représente près de 30 % de la surface agricole utilisée (SAU).

L'UE a pris en compte les spécificités de l'agriculture ultramarine. Les traités permettent, au vu de leurs handicaps, de prendre des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques (à savoir les DOM français, les Açores, les Canaries et Madère). L'UE a donc mis en place au début des années 1990 un dispositif spécifique de soutien : le Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI). Celui-ci comporte deux volets : un régime spécifique d'approvisionnement, visant à alléger les coûts relatifs à l'approvisionnement, et des mesures d'aide à la production locale.

Le régime POSEI a été modifié à plusieurs reprises. Son bilan positif est reconnu par tous, y compris par la Commission européenne. L'agriculture des DOM bénéficie ainsi de près de 275 millions d'euros d'aides par an.

Le POSEI n'est aujourd'hui pas en danger : la proposition de règlement sur laquelle s'appuie la proposition de résolution ne comporte que des ajustements formels et des modifications de fond mineures.

En revanche, plusieurs accords signés par l'UE mettent en danger l'agriculture ultramarine. D'une part, en décembre 2009, l'UE a conclu à Genève avec certains pays sud-américains, un accord sur le commerce des bananes. Cet accord, approuvé le 3 février dernier par le Parlement européen, est censé mettre fin à la « guerre de la banane » qui dure depuis le début des années 1990. Il prévoit ainsi, en contrepartie de l'arrêt des procédures lancées contre l'UE par les pays producteurs de banane latino-américains devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une baisse importante des droits de douane européens : de 176 euros en 2009 à 114 euros en 2017, soit une diminution de 35 % en six ans.

D'autre part, en mai 2010, lors du sommet de Madrid, l'UE a conclu deux nouveaux accords : d'une part avec la Colombie et le Pérou et, d'autre part, avec l'Amérique latine. Dix mois après leur adoption, il m'a été impossible d'obtenir le texte consolidé et traduit en français. J'ai interrogé le ministère de l'agriculture, le ministère de l'outre-mer, la représentation permanente de la France auprès de l'UE et le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE). Cette situation est proprement stupéfiante ! Je n'ai réussi à obtenir que des versions provisoires et non traduites. Lorsque je me suis rendu à Bruxelles, j'ai même cru comprendre que la direction générale « Commerce » de la Commission refusait de transmettre le texte de ces accords aux États membres avant qu'ils ne soient définitivement paraphés. Nous pourrions interpeller le commissaire au Commerce sur cette question, en vue d'obtenir le texte des accords avant le débat en séance.

Quoi qu'il en soit, certains éléments de ces accords sont connus : ils prévoient une réduction des barrières commerciales concernant les produits industriels européens. En échange, ils vont plus loin que l'accord de Genève, en prévoyant une nouvelle baisse des tarifs douaniers en matière de banane, qui devraient atteindre 75 euros d'ici 2020, mais aussi en mettant en place des contingents d'exportation à droits nuls pour le sucre et le rhum.

Les intérêts des RUP semblent ne pas avoir pesé bien lourd face à ceux de l'industrie continentale. Ces accords font peser un risque d'afflux massif de productions agricoles de ces pays aux coûts de production très bas, à savoir les mêmes productions que celles de nos DOM, sur le territoire européen, c'est-à-dire sur le territoire des DOM et sur le territoire continental, qui constitue le principal débouché pour les productions ultramarines.

Face à cette situation, la proposition de résolution demande au Gouvernement français d'intervenir auprès de la Commission européenne afin que des compensations soient mises en place au profit des RUP et invite la Commission à prendre en compte les spécificités de ceux-ci dans la conduite de sa politique commerciale, notamment par l'analyse préalable systématique de l'impact sur ces régions des accords commerciaux qu'elle négocie.

Ce texte constitue un soutien aux initiatives prises par notre Gouvernement, dont je tiens à saluer l'entière mobilisation sur ce sujet, auprès de la Commission européenne.

Des négociations ont en effet lieu actuellement sur le montant des compensations : si la Commission semble en avoir accepté le principe, ses premières propositions sont purement inacceptables. Il est indispensable que la Commission européenne assure une véritable compensation des effets de ces accords.

J'invite donc la commission à adopter cette proposition de résolution, assortie de deux amendements. Le premier vise à demander une meilleure cohérence entre la politique commerciale et les autres politiques sectorielles de l'Union. Les accords commerciaux viennent en effet affaiblir des régions alors même que l'objectif de la politique de cohésion est de favoriser leur rattrapage économique et que la PAC y intervient également, via le POSEI, ce qui est loin d'être cohérent.

Par ailleurs, une meilleure articulation avec la dimension environnementale de la PAC est nécessaire. Suite au scandale du chlordécone, un plan « banane durable » a été lancé en 2008 aux Antilles. Il a conduit à une réduction de près de 70 % de l'utilisation de produits phytosanitaires. Or, ces accords commerciaux vont faciliter l'entrée sur le territoire européen de produits en provenance de pays ayant des exigences environnementales bien inférieures : dans les Antilles, entre deux et dix traitements sont effectués par an contre 60 en Colombie ! Là encore la politique européenne devrait être plus cohérente.

Le second amendement demande à côté de l'action curative - les compensations -une action préventive : des mécanismes de sauvegarde doivent permettre, en cas de perturbation sur un marché, de restaurer des droits de douane et suspendre les accords commerciaux. Ce type de clause est prévu dans nombre d'accords commerciaux et il semblerait que les accords conclus avec les pays andins et l'Amérique centrale en comprennent. Elles sont cependant particulièrement complexes à mettre en oeuvre : les conditions sont très restrictives, la procédure particulièrement longue et, bien souvent, elles ne pourraient entrer en application qu'une fois les difficultés devenues insurmontables.

Je vous propose donc d'inviter la Commission à veiller à ce que des mécanismes de sauvegarde opérationnels soient inclus, en faveur des RUP, dans les accords commerciaux qu'elle négocie.

Ce second amendement vise aussi à ce que la Commission européenne évalue l'impact des accords commerciaux sur les RUP non seulement avant leur conclusion mais également pendant leur mise en oeuvre, ces accords prévoyant en effet bien souvent une évolution dans le temps du niveau des droits de douane.

J'espère que notre commission pourra s'exprimer unanimement sur ce texte.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Afin de disposer des textes des accords internationaux passés par l'UE en langue française, je vais solliciter par courrier le commissaire européen compétent. Ces questions ne sauraient échapper totalement aux élus.

Par ailleurs, je souligne que si les filières agricoles ne peuvent se structurer uniquement par des compensations, ces dernières sont nécessaires dans un premier temps.

Mme Odette Herviaux- Je remercie le rapporteur pour son exposé et souligne que derrière les spécificités ultramarines, on retrouve des problématiques qui touchent l'agriculture européenne dans son ensemble.

Concernant l'indisponibilité des documents en français, je rappelle que lors de l'élaboration du règlement sur l'Organisation commune de marché (OCM) unique, nous n'avions pu obtenir une version française du projet de texte qu'à Bruxelles, des mains du directeur de cabinet de la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Fischer Boel.

J'approuve le principe de compensations des conséquences des accords commerciaux pour les RUP, mais je relève l'absurdité de la situation : on compense d'un côté des décisions prises par ailleurs, qui mettent en difficulté le secteur agricole. La politique européenne est, sur ce point, incohérente. D'ailleurs, les accords bilatéraux sont critiquables car ils sont systématiquement conclus au détriment de l'agriculture.

Je m'interroge sur le commerce inter-caraïbe de produits agricoles : les produits des pays de la région sont présents sur les marchés de Guadeloupe et Martinique mais l'inverse n'est pas vrai. Quelles en sont les raisons ?

Enfin, gardons à l'esprit que les aides sont versées à des agriculteurs organisés. Or l'agriculture dans DOM est parfois peu organisée et empêche de bénéficier de ces aides.

M. Jean-Paul Emorine, président. - S'agissant des négociations commerciales entre l'UE et le Mercosur, je souligne que les enjeux sont considérables : la surface agricole utilisée au Brésil est plus de deux fois supérieure à celle de la France.

M. Denis Detcheverry- La politique européenne est incohérente : pour mettre fin à la « guerre de la banane » à l'OMC, on facilite l'importation de bananes d'Amérique latine qui ne respectent pas les mêmes règles sanitaires que celles imposées en Europe. La production de bananes dans les DOM est forcément moins compétitive, et nous laissons notre population courir des dangers supplémentaires.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans le débat que nous avons eu avec les Allemands sur la PAC, la question des exigences en matière de normes sanitaires a été abordée. Il ne s'agit pas seulement des bananes. Le même problème se pose sur la viande : nous importons de la viande sud-américaine produite dans des zones où sévissent encore des épizooties qui nous auraient amenés en Europe à prendre des mesures d'interdiction de commercialisation.

M. Gérard Le Cam- Je partage largement les propos d'Odette Herviaux. Mon groupe souhaite que l'agriculture soit sortie du champ des négociations de l'OMC. Soulignons que l'agriculture est délocalisable : les importations massives de poulet brésilien ont ainsi totalement déstabilisé la filière en Bretagne. Nous devons faire face à un double enjeu : environnemental et d'alimentation.

Notre collègue Gélita Hoarau m'a fait part de son souhait que la refonte du POSEI, ne conduise pas à une remise en question de son niveau actuel, dans le périmètre de ses missions, et que ce dernier soit renforcé par des crédits compensant les effets négatifs pour l'agriculture ultramarine des accords internationaux.

Mon groupe est globalement favorable à la proposition de résolution européenne.

M. Robert Navarro- Je félicite le rapporteur pour son travail et regrette que les parlementaires, y compris les parlementaires européens - mandat que j'ai exercé - soient trop fréquemment écartés de ce type de discussions. L'agriculture a toujours été sacrifiée sur l'autel du commerce international. Il faut donc réagir. La question agricole est stratégique car demain, nous risquons d'importer davantage de produits alimentaires bénéficiant de moindres garanties sanitaires. Un changement d'approche doit avoir lieu rapidement. Malheureusement, la prochaine réforme de la PAC ne va pas dans le sens du renforcement des moyens de la politique agricole, laissant craindre des baisses de crédits de l'ordre de 30 à 40 %. En outre, l'Europe ignore trop souvent les RUP.

M. Georges Patient- Je salue l'initiative de Serge Larcher et Éric Doligé, ainsi que la qualité du rapport de Daniel Marsin. Les aides entre les RUP sont très inégalement réparties : pour la France 46 % des aides vont à la Réunion, 37 % à la Martinique, 17 % à la Guadeloupe et seulement 2 % à la Guyane. Il ne faudrait pas oublier ce territoire.

Je souhaiterais également attirer votre attention sur le riz de Guyane, qui représente environ 5 000 hectares. Cette production est en train de disparaître car elle est soumise aux normes européennes. Or la Guyane n'est pas la Camargue ! Dans le même temps, le riz du Suriname ou de Guyana est importé et consommé, alors que sa production ne respecte pas les mêmes normes sanitaires.

M. Daniel Marsin, rapporteur- Beaucoup d'interventions se recoupent. Tout d'abord, notons que la direction générale « Commerce » travaille au sein de la commission Européenne de manière isolée, déconnectée par rapport aux autres directions. Elle procède elle-même aux arbitrages entre intérêts offensifs et intérêts défensifs, sachant que les intérêts défensifs sacrifiés dans la négociation feront l'objet de compensations. Il serait souhaitable que cette direction, avant d'entamer des négociations, reçoive des instructions claires des États membres. La France, de ce point de vue, doit être vigilante.

Je crains que nous soyons entrés dans un cycle infernal de diminution des droits de douane sur la banane, jusqu'à leur disparition. Les accords de Genève n'ont donc pas mis fin à la « guerre de la banane ». La réduction des droits pour les pays d'Amérique centrale, le Pérou et la Colombie conduit le Brésil à réclamer à son tour le bénéfice d'un contingent à droits nuls.

Les négociations commerciales bilatérales menées sont problématiques pour les DOM mais aussi pour les autres pays des Caraïbes, qui bénéficient actuellement d'un régime de faveur. Au demeurant, une stratégie d'insertion régionale au niveau de l'ensemble des Caraïbes devrait être envisagée.

Les clauses de sauvegarde sont nécessaires dans les accords commerciaux mais difficiles à mettre en oeuvre, avec des délais de réaction longs, de plus de six mois, contre un mois aux États-Unis.

La Guyane est certes le parent pauvre du programme POSEI. Cette situation est liée à la faible structuration de l'agriculture guyanaise et elle devra être améliorée.

L'enjeu environnemental est tel que les DOM se sont engagés dans un plan « banane durable » visant à réduire l'usage de pesticides. Cependant, cette stratégie suppose que le consommateur soit informé et réoriente ses achats vers ce type de banane. Dans le cadre de la PAC, il faudra compenser le respect par les agriculteurs de normes plus sévères et, le cas échéant, ces compensations pourront prendre la forme de droits de douane.

Le retrait de l'agriculture du champ des négociations de l'OMC serait idéal, mais paraît difficile à obtenir.

En ce qui concerne la refonte du POSEI, elle ne conduit pas à une remise en cause du niveau des crédits, fixé à 280 millions d'euros. La réforme consiste simplement à l'actualiser pour l'adapter au traité de Lisbonne. Au-delà du POSEI, des compensations des accords internationaux pour l'agriculture ultramarine devront être négociées. Les autorités françaises sont vigilantes sur cette question et les différents ministères concernés travaillent de concert. La proposition de résolution européenne permet de renforcer la position française.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Il est vraisemblablement impossible de sortir l'agriculture du champ des négociations commerciales internationales, mais les produits agricoles ne doivent pas être la variable d'ajustement de ces discussions. Mieux, leurs spécificités doivent être reconnues. Le ministre Bruno Le Maire défend, au demeurant, cette position.

Les appellations régionales, indications géographiques protégées (IGP) ou appellations d'origine protégée (AOP), constituent une voie à suivre pour valoriser les produits de terroir et garantir la qualité du produit au consommateur européen.

M. Charles Revet- Il faut certes valoriser la qualité à travers les appellations. Je souligne également que l'agriculture française, même si elle représente 2 ou 3 % de la production agricole mondiale, est essentielle à l'alimentation du monde. Or on ne peut nourrir durablement la planète avec des à-coups permanents sur les prix et les volumes de production. Il faut donc peser au sein de l'OMC pour faire reconnaître les spécificités de l'agriculture.

M. Jean-Paul Emorine, président. - La superficie agricole mondiale cultivée ne couvre que 12 % des terres émergées, soit 1,5 milliards d'hectares. Avec 30 millions d'hectares de surface agricole utilisée (SAU), la France ne représente que 2 % de la SAU mondiale et l'Europe dans son ensemble 10 %. A titre de comparaison, le Brésil dispose de plus de 200 millions d'hectares de surface agricole et pourrait, sans déforestation, mettre en culture près de 100 millions d'hectares supplémentaires. Notre choix doit être celui d'une agriculture de qualité, qui permet de distinguer nos propres productions.

M. Daniel Marsin, rapporteur- Je propose à la commission d'adopter deux amendements à la proposition de résolution européenne.

L'amendement n° 1 vise à appeler la Commission européenne à assurer une réelle cohérence entre politique commerciale et politiques sectorielles.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'amendement n° 2 a pour double objectif de demander à la Commission d'étudier l'impact sur les RUP des accords commerciaux qu'elle négocie, non seulement avant leur conclusion mais aussi pendant leur mise en oeuvre et de veiller à l'inclusion dans ces accords de mécanismes de sauvegarde opérationnels en faveur des RUP.

L'amendement n° 2 est adopté.

La proposition de résolution européenne, ainsi modifiée, est adoptée à l'unanimité.

M. Jean-Paul Emorine, président. - La commission demandera que la proposition de résolution européenne soit débattue en séance publique au mois de mai.

Nomination de rapporteurs

La commission procède ensuite à la nomination de rapporteurs.

M. Georges Patient est désigné rapporteur sur la proposition de loi n° 267 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.

M. Dominique Braye est désigné rapporteur sur la proposition de loi n° 299 (2010-2011), présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues, visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.

Ports maritimes français - Désignation des membres du groupe de travail

La commission a ensuite désigné les membres du groupe de travail sur les ports maritimes français.

Ont été désignés : MM. Charles Revet, Louis Nègre, René Vestri, Jean-Claude Merceron, Robert Navarro, Mme Odette Herviaux et M. Gérard Le Cam.

Audition de M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique - La commission de l'économie a souhaité m'inviter à venir m'exprimer aujourd'hui, et à vous présenter mes priorités dans deux grands domaines relevant de ma compétence : l'industrie et l'économie numérique. Vous m'avez également demandé de faire un point dans un 3ème domaine, celui du photovoltaïque.

En ce qui concerne l'industrie, je vais commencer par un constat, qui est celui de son poids et de son importance dans l'économie nationale.

Quelques chiffres, tout d'abord, pour souligner cette importance. L'industrie représente près de 80 % des exportations de biens et services français. C'est également plus de 90 % des dépenses françaises privées de R&D avec des secteurs, comme l'automobile, qui sont les premiers en termes de brevets déposés. L'industrie, ce sont enfin des secteurs d'excellence et des champions mondiaux, dans le domaine de l'énergie, de la chimie ou de la santé.

L'industrie, malgré des discours alarmistes sur la « désindustrialisation » ou les « délocalisations rampantes », est donc bien toujours un moteur de notre économie, contribuant aux emplois, à l'activité et à notre balance commerciale.

Je crois profondément que la thèse selon laquelle l'économie française serait entrée dans une ère « postindustrielle », où seuls les services créeraient de la valeur, est désormais derrière nous.

Chacun est maintenant convaincu de la nécessité de maintenir une industrie solide en France. Le Président de la République, que j'accompagnais hier lors de son déplacement à Montmirail dans la Marne, sur le site de l'usine AXON Câble, a réaffirmé avec force l'importance que la politique industrielle revêt aujourd'hui et les moyens que l'État y consacre.

Je veux ensuite rappeler que beaucoup a été fait depuis 2007, afin de redynamiser notre politique industrielle :

- la création d'un environnement fiscal favorable à l'investissement et à l'innovation dans l'industrie, avec le triplement du crédit impôt recherche, qui représente désormais un montant de 4 milliards d'euros par an ; et la suppression de la taxe professionnelle, qui permet d'alléger la charge fiscale des entreprises de 12,3 milliards d'euros en 2010, et de 6,3 milliards d'euros par an à compter de 2011 ;

- le renforcement des fonds propres des entreprises, avec notamment la création du Fonds stratégique d'investissement (FSI), doté de 20 milliards d'euros dont 6 milliards d'euros de liquidités ;

- l'accélération de la politique des pôles de compétitivité, qui a permis à ce jour le financement de près de 6 milliards d'euros de projets de recherche et développement collaboratifs ;

- la mobilisation dans le cadre des États Généraux de l'Industrie, avec près de 5 000 participants dans toute la France et 23 mesures annoncées par le Président de la République en mars 2010 à Marignane ;

- les 35 milliards d'euros des investissements d'avenir enfin, qui sont un formidable levier de développement pour notre économie, avec notamment 18 milliards d'euros de financements pour l'industrie. Les appels à projets pour les instituts d'excellence - les Instituts de recherche technologiques (IRT) et les Instituts d'excellence énergies décarbonées (IEED), dotés au total de 3 milliards d'euros - ont été clos lundi 31 janvier, et devraient permettre de faire émerger prochainement de nouveaux instituts d'excellence.

- les annonces récentes, enfin, du Président de la République, lors de son déplacement à Saint Nazaire le 25 janvier dernier, où il a annoncé 3 milliards d'euros de prêts supplémentaires pour les PME industrielles, à travers la mobilisation de 75 % des dépôts supplémentaires sur les livrets A et livrets de développement durable, ainsi que l'apport de 1,5 milliard d'euros supplémentaire au FSI, afin qu'il soit mieux en mesure d'accompagner les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Beaucoup a donc été fait depuis 2007 pour redynamiser notre politique industrielle, et les statistiques commencent à le confirmer. En janvier 2011, le moral des industriels a atteint son plus haut niveau depuis le début de la crise de 2008. Je veux y voir le signe d'un retour de la confiance.

S'agissant de mes priorités en 2011 pour rendre notre industrie plus forte et plus innovante, il me paraît essentiel, maintenant que ces mesures d'urgence ont été prises depuis 2007, de s'attaquer aux leviers plus « structurels ».

Parmi ceux-ci, deux me paraissent primordiaux : l'amélioration de notre compétitivité, notamment vis-à-vis de notre principal partenaire, client et concurrent, qu'est l'Allemagne, ainsi que la nécessité de créer une vraie politique industrielle européenne.

Notre première priorité en matière industrielle doit être d'améliorer la compétitivité de notre industrie. Michel Didier, Président de COE-Rexecode, m'a remis il y a deux semaines un rapport très instructif sur le différentiel de compétitivité entre la France et l'Allemagne. Quels que soient les indicateurs retenus (solde des échanges de marchandise, valeur ajoutée, emploi industriel, chômage, progression du PIB moyen par habitant...), le constat reste invariablement le même : la France enregistre, depuis 2000, un différentiel négatif de compétitivité avec l'Allemagne, et qui s'accroit d'année en année.

Ce différentiel entre la France et l'Allemagne n'est pas la prolongation d'une tendance structurelle, ni moins encore une fatalité, puisqu'au début des années 1970, la France gagnait des parts de marché par rapport à l'Allemagne. De même, au moment de la réunification allemande, la France a conservé ses parts de marché vis-à-vis de celle-ci. Ce différentiel est donc un phénomène nouveau, que l'on date généralement du début des années 2000.

Le rapport de Michel Didier identifie toute une série de facteurs pour l'expliquer. Des explications structurelles, bien connues - la capacité à travailler ensemble, entre syndicats et patronats, en Allemagne ; la proximité recherche-éducation-industrie, plus forte en Allemagne qu'en France, ou encore la compétitivité hors coûts.

Mais l'étude insiste surtout sur le décalage important en matière de coûts salariaux, et le décrochage de la France depuis une dizaine d'années.

Les coûts salariaux complets, par exemple, ont augmenté de 28 % en France entre 2000 et 2007, contre seulement 16 % en Allemagne. Autre exemple, la structure du coût du travail : car vous le savez, la composante « charges sociales sur les salaires » est nettement supérieure en France (44 % du salaire brut en France contre 30 % en Allemagne). Il en résulte qu'augmenter un salarié de 100 euros nets coûte à l'employeur 175 euros en France, contre 155 euros en Allemagne.

Il y a donc un vrai sujet de « recalage » de nos coûts industriels. Il y a, plus généralement, l'enjeu d'une compétitivité qui passe par l'innovation, le design, la productivité de nos industries... C'est à tous ces défis qu'il nous faut nous atteler au cours de l'année 2011.

Une autre priorité « structurelle » est la promotion d'une vraie politique industrielle européenne et nous bénéficions actuellement d'une « fenêtre de tir » en la matière. La crise a montré aux gouvernements, même à ceux pourtant les moins enclins à parler de politique industrielle, comme en Grande-Bretagne, la nécessité de construire une vraie politique industrielle européenne.

Nous bénéficions également d'un commissaire européen en charge de l'industrie, Antonio Tajani, très ouvert et réceptif sur ce sujet, ainsi que de la présence active de notre ami Michel Barnier, en charge du portefeuille du marché intérieur.

Il y a donc un contexte propice, qu'il faut mettre à profit à la fois pour créer des outils communs, et pour entreprendre des réflexions plus structurantes sur la manière dont la zone Euro se comporte par rapport à ses grands concurrents.

Créer des outils communs tout d'abord : je milite en faveur de la création de pôles de compétitivité européens, la création d'un fonds européen de capital risque, ainsi que d'un brevet européen, sujet sur lequel une coopération renforcée vient d'être lancée. Tous ces outils permettront de créer une vraie solidarité et une vraie unité, au sein de l'Europe.

Il nous faut également réfléchir à nos relations avec nos principaux partenaires des pays émergents ensuite, et je pense notamment à la Chine. J'ai ainsi chargé Yvon Jacob, notre ambassadeur pour l'industrie, d'une mission sur la réciprocité avec les pays tiers. Soyons clairs : la question est de savoir comment faire pour que nos entreprises disposent des mêmes accès aux marchés chinois, que ceux dont les entreprises chinoises peuvent bénéficier en France.

L'Europe a démontré sa capacité à être une grande zone de consommation et de concurrence. Elle doit démontrer sa capacité à rester une zone de production. L'Europe a beaucoup agi pour la protection du consommateur et la promotion de la concurrence. Elle doit encore faire ses preuves en matière de soutien à ses entreprises.

Voilà ce que je voulais vous dire sur mes priorités en matière de politique industrielle. J'en viens maintenant au deuxième sujet qui nous passionne tous, je crois, l'économie numérique. L'économie numérique représente un quart de nos gains de productivité, et en représentera bientôt un tiers. Le développement du numérique en France est donc stratégique pour notre économie, la compétitivité de nos entreprises et l'attractivité de nos territoires. Conformément au plan France numérique 2012, le Gouvernement s'est fixé trois grandes priorités.

En premier lieu, il s'agit de permettre à tous les Français d'entrer pleinement dans le numérique, entre autres par le déploiement de la fibre optique dans les zones les moins denses : 2 milliards d'euros d'aides publiques seront ainsi engagés dans les prochains mois, afin que 70 % de la population française puisse bénéficier du très haut débit fixe dans un délai de 10 ans. La Télévision Numérique Terrestre apportera par ailleurs à tous les Français, d'ici le 30 novembre prochain, 18 chaînes gratuites en qualité numérique. J'avais obtenu en 2008 que les fréquences libérées, ce que l'on appelle le « dividende numérique », soient affectées aux services mobiles d'accès à Internet haut débit. Je procéderai ainsi au lancement de l'appel à candidatures des fréquences les plus performantes jamais affectées aux télécommunications civiles dans notre histoire. Ces fréquences seront attribuées à l'été, de sorte qu'au moins deux opérateurs couvrent 99 % de la population par les réseaux du très haut-débit mobile dans un délai de 15 ans.

Mais déployer des réseaux sans cesse plus performants n'aura de sens que si nous avons le souci d'apporter de nouveaux services, utiles, aux personnes connectées. Ainsi, dans le cadre du programme numérique des investissements d'avenir, piloté avec René Ricol, Commissaire général à l'Investissement, le Gouvernement va consacrer 2,5 milliards d'euros au développement des services, usages et contenus numériques innovants. Neuf thématiques très variées, allant de la nanoélectronique à la valorisation et la diffusion des contenus, ont été identifiées comme stratégiques pour le développement de l'économie numérique en France. Depuis le mois de septembre dernier, le Gouvernement a déjà lancé 7 appels à projets pour soutenir la recherche et le développement sur ces thématiques. Les appels à projets restants, sur la ville numérique et les transports intelligents, seront lancés cette semaine. Le Gouvernement va également soutenir, sous forme de prêts et de prise de participations, des projets économiquement rentables, afin de contribuer à l'émergence d'acteurs leaders dans le domaine du numérique. Ces soutiens seront ouverts sous la forme d'un appel à manifestations d'intérêt, qui sera lancé dans les prochaines semaines.

Il s'agit, enfin, de mieux prendre en compte la révolution numérique dans la définition des politiques publiques. C'est l'objectif du Conseil national du numérique, instance de consultation, dont le Président de la République a annoncé la création dans les prochaines semaines. Au plan international, il s'agira d'avancer vers un « Internet civilisé », dans le cadre de la présidence française du G8 et du G20. Les données personnelles des internautes, qui forment leur « identité numérique » et sont essentielles aux services en ligne (comme les cyberachats ou l'e-administration), devront, à cet égard, être mieux protégées et plus simples d'usage.

Enfin, je finirai en évoquant le photovoltaïque. Le Gouvernement a un objectif clair : vivre la transition énergétique comme une opportunité industrielle. Cela signifie, notamment, de mettre fin à la bulle photovoltaïque et de remettre le système sur des rails sains.

Vous le savez, le Gouvernement a décidé le 2 décembre dernier de suspendre l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque, pendant trois mois, pour les installations supérieures à 3 kilowatts-crête. Cette suspension était nécessaire, compte tenu de l'emballement observé au sein de la filière. Le défi qui se présente à nous aujourd'hui consiste à construire ensemble un cadre de soutien adapté au développement du photovoltaïque en France, tout en ayant le souci de protéger les consommateurs qui sont, vous le savez, les financeurs du système au travers de la Contribution au Service Public de l'Electricité (CSPE).

Sous l'autorité du Premier ministre, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons sollicité l'expertise de MM. Jean-Michel Charpin et Claude Trink pour nous accompagner dans cette réflexion et mener auprès des acteurs une concertation sur les modalités de soutien à la filière. Cette concertation a été conduite dans la transparence, en associant l'ensemble des parties prenantes de la filière, les parlementaires, les représentants des consommateurs et les organisations environnementales. Les échanges ont été riches et animés tout au long des six réunions de concertation, tant sur les aspects tarifaires que sur les potentiels de création d'activités et d'emplois pour la filière industrielle française. La dernière réunion a eu lieu vendredi dernier. Sur la base des conclusions de cette réunion, un rapport doit être finalisé et nous être remis avant vendredi.

Nous proposerons, alors, un nouveau cadre de soutien au photovoltaïque, et les arrêtés de mise en oeuvre du dispositif seront soumis pour avis au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ainsi qu'à la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ces arrêtés seront publiés au plus tard le 8 mars prochain au Journal Officiel, pour une entrée en vigueur le 9 mars, date à laquelle la suspension des tarifs de rachat prend fin.

Permettez-moi de vous dire quelques mots sur ma vision du nouveau dispositif. Au-delà de son caractère stable et pérenne, le nouveau régime de soutien au photovoltaïque devra répondre à trois objectifs :

- optimiser les surcoûts du nouveau dispositif sur la CSPE ;

- donner à la filière les moyens de son développement sur le territoire national, mais également à l'international, grâce à un soutien à l'innovation ;

- atteindre au plus vite la « parité réseau », c'est-à-dire parvenir à un prix de revient de l'électricité photovoltaïque comparable à celui des autres formes de production d'électricité.

Je tire, d'ores et déjà, un bilan positif de la concertation. Il me semble qu'un premier consensus s'est dégagé sur les grandes lignes du dispositif à mettre en oeuvre, qui se décline selon deux mécanismes distincts :

- un système d'appel d'offres pour les plus gros projets, comme les centrales au sol ;

- un régime de tarifs d'achat pour des projets de taille plus modeste.

J'ai aussi pris note des besoins d'information exprimés pendant la concertation, en ce qui concerne la file d'attente des projets et nous ferons des propositions allant vers plus de transparence, par exemple grâce à une publication trimestrielle, voire mensuelle, du volume de la file d'attente.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci, Monsieur le Ministre, pour ce tour d'horizon de la réindustrialisation de notre pays et des moyens financiers que compte engager l'Etat dans ce domaine. Sur la question du photovoltaïque, vous nous avez donné une réponse adaptée à la situation résultant du moratoire. Je vous invite ainsi, mes chers collègues, à concentrer vos questions sur les thèmes de la réindustrialisation et de l'économie numérique.

M. Alain Chatillon. - J'ai quelques remarques et questions à formuler.

Premier point, au niveau de l'Europe, dispose-t-on aujourd'hui d'un tableau des aides à l'installation des entreprises attribuées par l'Union européenne en France, en Allemagne ainsi que dans les autres pays européens ? Je m'étonne, en effet, que certaines grandes villes allemandes bénéficient d'aides à hauteur de 40 % du projet à financer, tandis que les territoires ruraux français les plus reculés n'en bénéficient qu'à hauteur de 7 %. Des mesures sont-elles envisagées pour remédier à ce différentiel ?

Sur la question des pôles de compétitivité, je souhaiterais rappeler que l'aide triennale qui leur est accordée s'achève à la fin de l'année. L'État doit donc se positionner, car les accords passés avec les régions pour le financement de ces pôles sont suspendus à une nouvelle orientation pour la période suivante.

Je voudrais également faire remarquer que les sociétés de capital-risque, très bénéfiques aux petites et moyennes entreprises, fonctionnent très bien au niveau régional, et qu'il est souhaitable qu'elles restent décentralisées à cet échelon.

Quatrième point, vous avez évoqué la Chine dans votre introduction, Monsieur le Ministre. Il me semble qu'aujourd'hui, le vrai problème réside dans la protection des brevets. Pour les adjudications publiques, par ailleurs, on s'aperçoit que si, en France, nous sommes ouverts à 70 % au monde extérieur, des pays comme les États-Unis ou le Japon ne le sont qu'à 15 % ou 10 %, voire restent complètement fermés, comme c'est le cas pour la Chine par exemple. Or, il est nécessaire que tous les pays soient placés dans les mêmes conditions.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent un certain nombre de PME pour renouveler leurs crédits de trésorerie, car les banques font de la rétention. Ces dernières ont suffisamment été aidées pour que l'on exige d'elles qu'elles jouent le jeu de l'industrie aujourd'hui, quitte à les taxer ou à les sanctionner dans le cas contraire.

M. Martial Bourquin. - Vous avez énuméré, Monsieur le Ministre, l'ensemble des mesures gouvernementales importantes qui ont été prises récemment : le crédit impôt-recherche, que les propositions du Sénat avaient visé à resserrer pour le cibler davantage sur les PME plutôt que sur les banques et les assurances, la suppression de la taxe professionnelle, le renforcement en fonds propres, l'aide aux pôles de compétitivité, les 35 milliards d'investissements d'avenir.

De cela, il ressort que votre approche est essentiellement concentrée sur les coûts. Or, il me semble que la question du différentiel entre la France et l'Allemagne dans le domaine de l'industrie ne peut pas être interprétée uniquement par les coûts. Il y a trente ans d'histoires industrielles différentes, comme le soulignait récemment l'ancien ministre Francis Mer. Au moment où l'on a arrêté en France de fabriquer des machines-outils, l'Allemagne a continué à en fabriquer ; au moment où l'on délaissait l'industrie pour les services, l'Allemagne a choisi de renforcer son industrie ; au moment où l'on essayait de concurrencer les pays low cost sur les produits bas de gamme, l'Allemagne a élevé la qualité de ses produits. Cette stratégie différente de l'Allemagne depuis plusieurs décennies porte aujourd'hui ses fruits et, de ce fait, même si le coût du travail augmentait légèrement en Allemagne, les produits allemands se vendraient toujours car ils sont recherchés pour leur robustesse, leur qualité et leur design. Ainsi, c'est dans cette fuite en avant, consistant à vouloir faire évoluer notre société vers une société de services, que doivent être recherchées les causes de la désindustrialisation.

Deuxièmement, les aides importantes qui sont accordées par l'Etat aux grands groupes doivent obligatoirement avoir des contreparties, comme par exemple leur présence sur le sol français, leur engagement à ne pas délocaliser et à conduire de vraies politiques de filières, qui ne feraient pas du global sourcing un principe intangible.

Mme Lilas Demmou, chargée de mission à l'OCDE, que nous avons auditionnée dans le cadre de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, que je préside, nous a indiqué que les délocalisations n'étaient pas un facteur si déterminant dans la désindustrialisation. En revanche, le global sourcing, qui réduit les centres de production à être des centres d'assemblage, déstructure complètement nos filières de production. Nous devons non seulement obtenir une attitude responsable sur les coûts, mais, en même temps, nous devons exiger des contreparties. J'ai, évidemment, en mémoire l'intervention de Carlos Ghosn, lors des États généraux de l'industrie, où il demandait la suppression de la taxe professionnelle, alors que trois mois plus tard, il annonçait que la Clio, produit de moyenne gamme, serait fabriquée en Turquie. Cela ne devrait pas être possible : dans la mesure où l'État et les contribuables ont aidé une entreprise, il doit y avoir un certain « patriotisme industriel ».

C'est une facilité de voir dans les délocalisations des refus d'innovation. Sur ce sujet, il est important que le Gouvernement demande la relocalisation de certaines fabrications.

Je rejoins Alain Chatillon sur la question des PME et des TPE. Nous avons pu constater, lors du déplacement de notre mission à Stuttgart, un certain nombre de points :

- 85 % du tissu industriel du Bade-Wurtemberg est essentiellement constitué de TPE et de PME ;

- lorsque l'on compare, au sein de l'entreprise Bosch, deux sites de production de haut niveau - un en France et un Allemagne - on constate un coût du travail identique ;

- enfin, le maire de Stuttgart a souligné le rôle essentiel de la taxe professionnelle pour l'industrie.

Je crois qu'en matière de coût du travail, si l'on veut une juste vision de la réalité, on ne peut pas se fonder uniquement sur les statistiques d'Eurostat. Il faut également regarder les statistiques du FMI, ou encore les statistiques allemandes, selon lesquelles le coût du travail en France est à peu près le même qu'en Allemagne. Plusieurs pays d'Europe, d'ailleurs, ont un coût du travail inférieur au nôtre et connaissent une désindustrialisation profonde. Nous avons également rencontré, dans le cadre de notre mission, des industriels italiens à Sophia Antipolis, qui ont estimé que notre productivité était la meilleure d'Europe et aussi que nous avions un coût de l'énergie 30 % inférieur à la moyenne européenne. Il importe de voir aussi nos avantages.

Nous croyons comme vous, Monsieur le Ministre, à la réindustrialisation. Mais cette politique doit couvrir un spectre très large. Il s'agit de comprendre les erreurs du passé afin de pouvoir se réorienter, aujourd'hui et demain, vers des axes de travail solides. A cet égard, la révolution verte est essentielle. Concernant la filière photovoltaïque, j'ai chez moi, dans le secteur automobile, des entreprises qui se sont diversifiées à 50 % dans ce domaine : si les tarifs de rachat ne sont pas mis en place pour des capteurs photovoltaïques de nouvelle génération dotés d'une empreinte carbone de qualité, la filière - qui représente environ dix mille emplois - risque de disparaître.

Enfin, si l'on veut que les politiques de réindustrialisation réussissent, il faut qu'elles s'appuient sur un pacte entre l'État et les territoires.

M. Louis Nègre. - Le Gouvernement mène depuis plusieurs années une politique positive. Les efforts qui ont été faits, notamment à travers la prise de conscience des États Généraux de l'Industrie, vont dans le bon sens. Pour autant, j'ai quelques questions.

Nous sommes aujourd'hui dans le peloton de tête pour l'industrialisation des véhicules électriques : qu'entendez-vous faire pour que la France ne décroche pas dans ce domaine et construise une véritable filière, ce dont elle a le potentiel ?

Concernant la filière ferroviaire, la France, qui était deuxième l'année dernière, se retrouve cette année classée à la troisième position. Cette filière a besoin d'être davantage soutenue. Un travail commun européen peut être accompli dans ce domaine, comme le montre l'existence du pôle de compétitivité lancé à Berlin. Un groupe de haut niveau a été mis en place pour travailler avec l'Allemagne. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour soutenir, d'une part, la filière ferroviaire française et, d'autre part, la filière ferroviaire européenne ?

Troisième élément : j'ai réuni les conseils d'administration des filières ferroviaires française et allemande et j'ai obtenu un accord écrit pour l'application du principe de réciprocité ; c'est la première fois qu'une filière industrielle allemande faisait ce geste. C'est important si l'on considère la naïveté du Gouvernement français face à ce qui se passe, non seulement dans les pays émergents, mais également au niveau européen. Qu'entendez-vous faire pour que nos industriels français arrivent au moins à vendre en Europe, lorsqu'ils bénéficient de fonds européens ?

M. Daniel Raoul. - On peut avoir une analyse différente de la vôtre Monsieur le Ministre, notamment en ce qui concerne l'utilisation du crédit impôt recherche. Comme je l'ai déjà dit, en accord avec la commission des Finances et la commission de l'Économie du Sénat, je m'interroge sur l'utilisation de ces six milliards d'euros, qui ne profitent pas assez aux PME. Concernant la taxe professionnelle, on observe un effet secondaire, car les collectivités freinent sur l'investissement, notamment dans les zones de développement économique, en raison d'un manque de visibilité sur leurs finances.

Concernant les initiatives d'excellence, il convient de ne pas se polariser sur le classement de Shangaï : il faut prendre en compte l'aménagement du territoire. Si l'on veut reconstruire des filières industrielles et des relations entre les universités et les entreprises, il ne faudra pas prendre en compte les seuls dossiers émanant de l'Île-de-France, contrairement à ce qu'avait laissé entendre le commissaire général à l'investissement René Ricol lors de son audition par notre commission.

Il ne peut pas exister d'économie sans une industrie représentant au moins 20 % du PIB : la fonction de production doit rester à un niveau suffisant pour servir de moteur à l'économie.

Sur les chiffres du coût du travail, chacun, effectivement, peut en faire une lecture différente, comme l'a exposé mon collègue Martial Bourquin. Je pourrais, pour ma part, évoquer le témoignage de l'entreprise Scania, dont l'usine d'Angers est le meilleur site au niveau européen en termes de productivité.

Pour paraphraser un grand Président de la République parlant de l'Europe, pour s'en sortir il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant « innovation, innovation, innovation » ! Je suis d'accord avec vous sur plusieurs points : l'importance de la protection des brevets européens et de la réciprocité, avec les pays tiers notamment, et en faisant attention aux transferts de technologies. Je voudrais, néanmoins, ajouter un point important : nos PME sont structurellement sous-capitalisées et ne peuvent donc pas investir dans la recherche et développement. L'appui du FSI, ou encore des banques régionales, devrait être à cet égard déterminant.

Enfin, en matière de formation technologique et professionnelle, je voudrais souligner que la disparition d'un certain nombre de baccalauréats professionnels va constituer un handicap dévastateur pour notre industrie. La formation en alternance devrait être davantage développée, notamment au niveau du master : l'apprentissage n'est pas la seule voie possible. Cela permettrait de faire tomber les cloisons culturelles qui existent entre le monde de l'université et le monde de l'entreprise.

Je voudrais aborder brièvement, pour finir, la question de la filière photovoltaïque. Nous avons dans ce domaine deux handicaps : la balance commerciale et le bilan carbone. Pourtant nous avons un potentiel de développement et de structuration d'une filière française.

M. Jean-Claude Danglot. - La France n'a pas su développer une politique industrielle et d'innovation, et nous sommes tombés dans une espèce de fatalisme face à la désindustrialisation et à la mondialisation. Il y a bien une volonté affichée de renforcer l'industrie en France, mais je suis sceptique sur ses effets. Élu du Pas-de-Calais, je vois, par exemple, que la liste des suppressions de postes s'allonge dans ce département. Le PDG d'Arc international vient, ainsi, d'annoncer une nouvelle vague de 500 suppressions. Un autre exemple de cette impuissance est celui de l'EPR de Flamanville. Sa principale pièce est fabriquée au Japon. S'agissant de la turbine, 22 parties sur 28 sont fabriquées à l'étranger. Quelles sont les intentions d'Areva ? Quels sont les effets concrets de la politique affichée de relance de l'industrie lourde ?

M. Hervé Maurey. - Je voudrais interroger le ministre sur le problème de la fracture numérique, qu'il s'agisse de la téléphonie mobile ou de l'accès à l'internet haut ou très haut débit. Vous avez reconnu la semaine dernière que les instruments de mesure de la couverture du territoire n'étaient pas pertinents, car ils conduisent à surestimer fortement le taux de couverture. Comment comptez-vous améliorer effectivement cette couverture ?

Vous avez parlé dans votre intervention de l'attribution des fréquences issues du dividende numérique. Il y a aujourd'hui, sinon une polémique, du moins des interrogations sur les critères d'attribution de ces fréquences. Va-t-elle se faire, comme l'a voulu le législateur, selon des critères qui privilégient l'aménagement du territoire ou davantage selon des critères de rentabilité ?

Concernant le haut débit, c'est un sujet sur lequel les élus locaux sont sans arrêt saisis par leurs administrés, en raison de problèmes d'accès. Pourtant, quand on interroge l'opérateur historique, il répond que, grâce à la couverture satellitaire, le territoire est couvert intégralement - c'est du moins ce qu'on me répond dans mon département. Cela ne correspond pas à la réalité. Je voudrais savoir quand et comment nous aurons ce haut débit pour tous, comme l'a souhaité récemment le Premier ministre. Je regrette que l'on n'ait pas eu le débat, dans le cadre la transposition de la directive, pour savoir s'il ne fallait pas inclure le haut débit pour tous dans le service universel, comme l'y autorise le droit européen.

Concernant le très haut débit, le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux : 70 % de la population couverte en 2020 et 100 % en 2025. Je crains, cependant, que le modèle choisi pour développer le très haut débit ne soit pas efficace, car le choix a été fait de laisser l'initiative de ce déploiement aux opérateurs. Or, ceux-ci vont aller uniquement là où c'est rentable pour eux. Ne considérez-vous pas nécessaire de faire, à brève échéance, des points d'étape sur l'évolution de la couverture, sans attendre 2020 ?

Je voudrais aussi avoir votre sentiment au sujet d'un courrier que m'a envoyé France Télécom, dans lequel il est expliqué que l'entreprise, en investissant deux milliards d'euros, permettra de couvrir 60 % de la population, soit moitié plus de ce qu'elle estimait il y a seulement un an. Cet objectif revu à la hausse de manière optimiste me paraît d'autant plus étonnant que d'après diverses estimations, notamment de l'ARCEP, cinq à huit milliards d'euros d'investissements sont nécessaires pour atteindre ce taux de 60 %. Je crains que ce message optimiste ne soit fait pour endormir la vigilance des pouvoirs publics et ralentir le rythme de déploiement, de manière à bénéficier pleinement de la rente sur le cuivre.

Enfin, quelle initiative l'État compte-t-il prendre pour alimenter le fonds numérique d'aménagement du territoire créé à l'initiative du sénateur Pintat. Vous allez peut-être me répondre que le Grand emprunt a prévu 750 millions d'euros dans ce but, mais vous savez très bien que cette somme est suffisante pour amorcer le financement mais pas pour le couvrir entièrement.

M. Rémy Pointereau. - L'accès au haut débit est parfois financé dans les départements, dans le cadre du programme « Internet pour tous », en s'appuyant sur des technologies sans doute dépassées. Je pense notamment au wifi max. Alors ne faudrait-il pas financer tout de suite le très haut débit ?

Concernant le photovoltaïque, vous évoquez l'objectif d'instaurer des prix d'achat qui ne soient pas déconnectés des prix de revient. Soit. Mais sur le terrain les très fortes variations de prix ont des effets terribles. On ne peut pas se satisfaire d'une politique de stop and go. Il faut de la lisibilité et de la pérennité pour les investisseurs, notamment pour le photovoltaïque agricole.

M. Gérard Cornu. - Si on compare la France et l'Allemagne, on constate que, dans la filière automobile, 70 % des composants des voitures allemandes sont fabriqués par des sous-traitants allemands, alors qu'en France on arrive tout juste à 40 %. Il y a donc une sorte de patriotisme, une culture industrielle nationale qui existe en Allemagne et pas en France. Quel est votre sentiment sur cette question ?

Concernant le photovoltaïque, la comparaison franco-allemande montre un fort dynamisme outre Rhin et une certaine timidité en France. Comment l'expliquer ? Est-ce le résultat de l'héritage nucléaire français ?

Enfin, sur l'internet à très haut débit, il me semble qu'il faut se montrer mesuré dans l'affichage des objectifs, car les annonces ambitieuses qui ne sont pas suivies d'effets concrets peuvent susciter une grande frustration sur le terrain. On sait bien que la couverture par la fibre optique ne permettra pas d'atteindre les objectifs, car cela demande des investissements considérables. Quant à la technologie de couverture satellitaire, elle n'est peut-être pas tout à fait mûre. Quel est votre sentiment ?

M. Pierre Hérisson. - Les premières assises du décolletage se sont tenues en Haute-Savoie il y a quelques jours. Je vous recommande de vous en procurer les actes, vous y trouverez des informations techniques et financières intéressantes, notamment en ce qui concerne le rôle des banques régionales.

Concernant la couverture numérique du territoire, la Commission supérieure des télécommunications a auditionné de nombreux acteurs sur ce sujet. Bruno Sido réalise, parallèlement, un rapport d'information pour notre commission de l'économie, en associant le groupe d'études « postes et communications électroniques ». Nous vous ferons donc passer bientôt une note qui relaie certaines inquiétudes devant la complexité de l'organisation du secteur. Elle contiendra des propositions en vue de rationaliser les relations entre l'Autorité de la concurrence, l'autorité régulatrice, le Parlement et le Gouvernement. Il y a aussi une inquiétude devant la segmentation du territoire, du fait d'une pluralité d'initiatives utilisant des techniques différentes et mobilisant des moyens financiers très variables d'un département à l'autre.

Enfin, au sujet du photovoltaïque, il semble qu'il y ait un débat en train de prendre de l'importance sur les dangers liés à l'intervention des pompiers sur des incendies touchant des locaux munis de panneaux solaires, en raison de risques de courants induits.

M. Éric Besson, ministre. - Je ferai deux remarques préalables.

Concernant l'industrie, tout diagnostic de nos forces et de nos faiblesses doit être nuancé. Tout n'est pas bon ou mauvais. Cependant, en tendance, la situation de la France et de l'Europe est bien celle d'une perte de compétitivité. Pour l'analyser, je ne me focalise pas sur la question des coûts, mais je ne la néglige pas non plus, car la compétitivité est un phénomène complexe, qui résulte d'un grand nombre de facteurs. Il faut donc prendre le problème dans son ensemble. Je crois aussi qu'en matière industrielle, on ne peut pas se permettre d'être impatient : un grand projet industriel, comme l'A380 ou les réacteurs nucléaires de 3ème ou 4ème génération, a besoin de 20 à 25 ans pour arriver à maturité. Il faut donc savoir fixer un cap et le garder. Ce que nous semons aujourd'hui sera récolté par nos successeurs.

Concernant le numérique, il y a un point d'équilibre à trouver. Nous avons besoin d'opérateurs forts. Or, nous les soumettons à de fortes tensions. Cette année, ils vont devoir financer le déploiement de la fibre optique. Je vais aussi bientôt lancer l'appel d'offre sur la téléphonie mobile de 4ème génération. Même si l'on ne prend pas pour argent comptant tout ce qu'ils déclarent, on ne peut cependant pas ignorer leur inquiétude devant ce qu'ils appellent un « mur » d'investissements à financer. De même, il y a un point d'équilibre à trouver, et cela répond à l'une des questions d'Hervé Maurey, entre l'objectif de l'État de promouvoir l'aménagement du territoire, qui reste l'objectif numéro un, et celui de valoriser au mieux son patrimoine immatériel. Les fréquences que nous allons céder sont les meilleures, et nos compatriotes ne comprendraient pas que nous les bradions.

J'indique à Alain Chatillon que nous allons nous procurer et lui transmettre le détail des aides européennes, ainsi qu'il le souhaite. Sur les pôles de compétitivité, nous souhaitons faire un point d'étape pour évaluer les résultats. Le Président de la République l'a dit : les pôles de compétitivité qui ne fonctionnent pas seront arrêtés. Sur les sociétés de capital-risque, je suis d'accord avec les remarques du sénateur relatives à la proximité des fonds régionaux, mais mon propos portait sur la nécessité de mettre en place des fonds européens pour soutenir des projets transnationaux structurants. Sur la Chine, je partage ses analyses. Quant à ses remarques sur le système bancaire, je rappelle les engagements pris par le Président de la République à Saint-Nazaire : trois milliards d'euros de prêts vont être mobilisés en direction des PME et des PMI.

Je suis d'accord avec Martial Bourquin pour dire que le problème de la compétitivité ne se réduit pas à celui des coûts, et que le rapport de COE-Rexecode n'est qu'un des rapports sur la table. Concernant les contreparties aux demandes des grands groupes, je suis également d'accord : il en faut. Cela a d'ailleurs été le cas quand l'État a accordé des prêts à Renault et Peugeot. Le plan industriel présenté par Renault il y a quelques jours en porte la trace : dans le moyen et le haut de gamme, l'essentiel des investissements et de l'emploi reste localisé en France. Ce plan n'aurait pas été ce qu'il est sans l'action de l'État actionnaire. Au sujet des aides à la réindustrialisation, l'enveloppe de 200 millions d'euros disponible pour ces aides n'est pas très importante, mais on ne peut pas dire que ce soit insuffisant, car nous ne croulons pas non plus sous les demandes. Ces aides doivent être accordées avec discernement, pour éviter les effets d'aubaine : cela n'a pas de sens de dépenser de l'argent public pour déclencher des mouvements de relocalisation qui se feraient de toute manière, comme le montre l'exemple de Rossignol.

J'indique à Louis Nègre que l'État a décidé d'accompagner les constructeurs dans le développement du véhicule électrique, en apportant 750 millions d'euros dans le cadre des investissements d'avenir. Je travaille aussi avec nos partenaires européens sur la question de la normalisation dans ce domaine. Mais il ne faut pas se cacher que le véhicule électrique est un pari industriel. Concernant le ferroviaire, il s'agit bien sûr d'un secteur stratégique. Le comité stratégique de filière travaille d'ailleurs, en ce moment même, à définir une feuille de route. Je suis également d'accord pour reconnaître que ce secteur illustre une forme de naïveté de l'Union européenne en matière industrielle. Enfin, sur le photovoltaïque, je reconnais que le stop and go est nuisible, mais il y avait une bulle spéculative et il était nécessaire d'empêcher son développement, ce qui justifie le moratoire.

Je voudrais atténuer le scepticisme de Daniel Raoul sur le crédit d'impôt recherche. Nous avons de nombreux retours d'entreprises qui nous font savoir qu'elles auraient délocalisé sans ce crédit d'impôt. Il s'agit donc d'un vrai investissement. Sur les instituts d'excellence, nous avons reçu les projets et ils sont en cours d'examen. Je ne peux donc pas encore me prononcer sur les mérites respectifs des différentes offres. Enfin, concernant l'apprentissage, un effort particulier, quantitatif et qualitatif, est conduit par la ministre concernée pour l'apprentissage dans l'industrie.

Je ferai parvenir à Jean-Claude Danglot des éléments de réponse portant sur les exemples précis qu'il a abordés.

S'agissant du très haut débit, il faudra peut-être se retrouver très prochainement pour examiner les besoins de chaque territoire. Pour le très haut débit fixe, il ne faut pas exclure les moyens alternatifs à la fibre optique, comme le satellite pour les zones reculées. 250 millions d'euros sont consacrés à ces moyens alternatifs dans le cadre des investissements d'avenir.

L'énergie photovoltaïque doit être à terme compétitive, à l'horizon 2020 ou 2025. Dans cette attente, il faudra partager l'effort entre les économies faites par les opérateurs et la contribution au service public de l'électricité. Notre position dans ce secteur, par rapport à l'Allemagne, a certes été influencée par l'importance du secteur nucléaire en France, mais faut-il se plaindre de bénéficier d'un prix de l'électricité avantageux aujourd'hui, même s'il risque d'augmenter à l'avenir en raison des coûts de renouvellement du parc nucléaire et de l'élargissement du bouquet énergétique aux énergies renouvelables ?

Je reconnais l'importance de la coopération entre les acteurs locaux en Allemagne, mais je fais observer qu'elle repose sur un état d'esprit et non sur des clauses explicites dans les appels d'offres. Des outils tels que les filières pourraient être mis en oeuvre chez nous.

En réponse à Pierre Hérisson, je dirais que l'État a été moteur dans le soutien à la filière du décolletage dans la vallée de l'Arve où le FSI a notamment contribué à sauver de nombreuses entreprises. Je n'ai malheureusement pas pu assister aux Assises du décolletage, dont j'attends le compte-rendu, et nous pourrons alors, si vous le voulez bien, prolonger cette discussion.

Pour ce qui concerne les risques des interventions des pompiers sur des installations photovoltaïques en feu, c'est la première fois que j'entends parler de la difficulté que vous soulevez. J'en prends note, et j'en ferai part au Ministre de l'Intérieur.

Je voudrais redire à Hervé Maurey que je n'ai pas éludé ses questions, mais que je lui propose une réunion informelle pour en discuter, avant de prendre des positions politiques et des engagements dans un cadre plus formel.

M. Jean-Paul Emorine, président. - Concernant l'intervention d'Hervé Maurey, Philippe Leroy avait déposé il y a quelque temps une proposition de loi sur le très haut débit, qu'il a accepté de retirer. Hervé Maurey pourrait, ainsi, être chargé d'un rapport d'information sur la couverture numérique du territoire, qui inclurait justement le haut débit et le très haut débit, ainsi que la téléphonie mobile, sachant que Bruno Sido nous présentera le 9 mars son rapport sur la couverture du territoire en téléphonie mobile. Les auditions pourraient être organisées en associant le groupe d'études Postes et télécommunications. Hervé Maurey pourrait nous présenter son rapport d'ici l'été et cosigner avec Philippe Leroy une proposition de loi sur la couverture numérique du territoire.

M. Hervé Maurey. - Je vous rappelle, Monsieur le Ministre, que j'ai été nommé parlementaire en mission sur ces sujets l'année dernière et que j'ai demandé à vous rencontrer dès votre nomination pour vous présenter les conclusions de mon rapport. Je n'ai toujours pas obtenu ce rendez-vous.

M. Eric Besson, ministre. - Je vous présente mes excuses. Je m'engage, bien sûr, à ce que ce rendez-vous soit fixé sans tarder.