Mercredi 16 février 2011

- Présidence de M. François Patriat, président -

Table ronde avec les syndicats de la fonction publique

M. François Patriat, président. - Je vous remercie, messieurs, de votre présence. Vous êtes parmi les premiers invités de cette mission qui étudie les conséquences de la RGPP pour les collectivités locales. Nous avons auditionné le ministre des collectivités territoriales, nous allons entendre celui du budget. Nous sommes très intéressés par le vécu, dans les collectivités et dans les services comme par les citoyens, d'une politique qui avait trois objectifs : réorganiser, économiser, optimiser. Je ne pense pas qu'il soit trop tôt pour en évaluer les conséquences. M. Letourneux souhaite peut-être faire une déclaration liminaire ?

M. Yves Letourneux (Interco-CFDT). - Si l'intersyndicale m'a coopté à sa présidence, nous sommes trois membres de la CFDT. A ce stade, je dirai seulement qu'il n'est pas trop tôt pour s'interroger sur l'impact de cette politique afin d'en faire cesser les effets pervers.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Ma première question porte sur la méthode. Avez-vous été associés à la mise en oeuvre de la RGPP et à son suivi ? J'aimerais aussi savoir à quels rendez-vous vous participez, si vous y participez...

M. Patrick Hallinger (CGT). - Y a-t-il eu concertation ? Pour le représentant de la fonction publique d'Etat que je suis, la réponse est non. C'est même une caractéristique importante de la politique engagée depuis 2007 pour réorganiser les services dans l'intérêt, disait-on, des usagers, des contribuables et des fonctionnaires. Trois ans et demi plus tard, on observe une brutale destruction d'emplois dans la fonction publique d'Etat, et cela se traduit, du côté des collectivités territoriales, par une compression drastique des missions auxquelles elles avaient accès. C'est ainsi qu'après avoir allégé les fonctions de l'ingénierie publique, on s'attaque maintenant aux opérateurs. Le travail de la Cour des comptes concourt à la gestion privée des opérateurs, ainsi pour certains services de l'ONF ou de Météo France. En région Rhône-Alpes, c'est l'équivalent d'une direction départementale de l'agriculture qui a été supprimé en 2010 et en 2011, on a encore supprimé 10% des emplois des directions départementales interministérielles.

Tout cela nuit au service rendu aux usagers. Il est grand temps de tourner la page et d'ouvrir en grand le débat public. J'observe d'ailleurs que les élus aussi ont été écartés, en même temps que les syndicats et les citoyens. Il faut rouvrir le débat sur les fonctions et les missions publiques et pour cela définir des instances, des lieux pour le mener.

M. Didier Bourgoin (FSU). - En l'absence de Bernadette Groison, retenue par des engagements antérieurs, il me revient de dire que la FSU a une vision négative de la RGPP comme de la RéATE (réorganisation de l'administration territoriale de l'État). La RGPP a surtout été faite pour réduire radicalement la dépense publique : peut-on faire plus avec moins ? Nous ne le croyons pas. Le versant RéATE peut apparaître de bon sens, mais on aboutit surtout à une réduction du nombre de fonctionnaires, M. Tron prônant même des bonifications financières pour les collectivités qui supprimeraient des emplois.

La vision d'ensemble est brouillée, parce que l'on n'a pas clarifié les compétences et qu'on a mis fin aux financements croisés, aux dépens des services publics locaux. Une circulaire incite aux privatisations en associant la réforme des structures logistiques et immobilières à une externalisation de leur gestion. Des parlementaires de la majorité et de l'opposition partagent ce constat. Nous vous ferons passer une contribution.

Un rapport d'information de l'Assemblée nationale présenté le 7 juillet 2010 a mis en évidence la difficulté de concilier des démarches horizontale et transversale en réduisant les moyens. C'est ainsi qu'en rattachant le champ des politiques en faveur de la jeunesse à la direction de la cohésion sociale, on peut les réduire à un traitement social et cesser de soutenir 2 500 associations.

Les négociations sur l'emploi précaire montrent que le contrôle de légalité ne joue plus son rôle et que les collectivités territoriales usent et abusent de l'emploi précaire : un emploi sur trois y est désormais un emploi hors statut. L'Etat se retire tandis que la marge de manoeuvre des collectivités se réduit parce que leur pouvoir politique, fiscal et financier est fragilisé.

M Yves Letourneux. -Nous n'avons pas été associés. Lorsque le dispositif a été annoncé, il devait y avoir trois niveaux de concertation : confédérations, fédérations et organisations de terrain. D'accord pour améliorer le service public et définir les territoires pertinents ... à condition de ne pas démanteler les services, de ne pas casser l'emploi public. Or le président de la République avait déjà annoncé la règle : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux.

M. François Patriat, président. - Comment cela se traduit-il concrètement ?

M Yves Letourneux. - Les directions départementales interministérielles regroupent quatre secteurs, mais les services sont éclatés. Ceux de la concurrence et des prix ne reçoivent pas toutes les directives parce que le système informatique est incomplet ; en même temps, les ARS créées par la loi HPST obligent les conseils généraux à revoir leurs projets. Est-ce cela, améliorer le service public ? La question de la réforme était un enjeu majeur pour nous. Mais nous refusons ces procédés à la hussarde, sans concertation.

M. Patrice Rio (CFDT). -Les services de la consommation et de la répression des fraudes ont été éclatés entre la direction de la cohésion sociale au niveau départemental et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la Direccte. Nous n'avons pas été associés à un changement qui a eu de très importantes conséquences. Nous avons en réalité subi deux réformes : en juillet 2008, la répression des fraudes a été intégrée à la Direccte puis, en décembre, il y a eu un éclatement, une remise en cause à laquelle nous ne nous attendions pas. Nous l'avons ressenti comme du mépris à notre endroit alors que la première réforme avait été acceptée, la répression des fraudes ayant déjà entamé une régionalisation, la redépartementalisation obligeant à rescinder des services mutualisés.

M. François Patriat, président. - Quel était l'intérêt de cette redépartementalisation ?

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Quels arguments a-t-on avancés ?

M. Patrice Rio. - Le souci de rapprocher dans la direction départementale interministérielle services vétérinaires et répression des fraudes, au nom de la politique sanitaire. Les services de la concurrence sont restés à la Dirrecte. Cette réorganisation a cassé les équipes et le réseau d'enquêteurs ; elle a éloigné ces derniers des lieux de leur intervention. L'état d'esprit actuel est dominé par un sentiment de découragement.

Est-il trop tôt pour dresser un bilan ? On aime bien les états statistiques aux finances et le 7 février, M. Lefèbvre a dressé le bilan d'action de la concurrence. Je suis d'accord avec ses chiffres, que j'interprète différemment. L'effectif a baissé de 2,39% de 2009 à 2010 (la baisse est continue depuis plusieurs années), mais la diminution du nombre d'entreprises contrôlées a été deux fois plus forte, trois fois plus si l'on tient compte de la richesse des interventions effectuées : l'impact de la RGPP est très sensible. Que s'est-il passé avec la redépartementalisation ? On avait mutualisé au niveau régional des missions pointues comme le contrôle des engrais, des cosmétiques, des compléments alimentaires ; avec la redépartementalisation, il faut qu'elles soient représentées au niveau de chaque département alors qu'il y a moins d'agents. La polyvalence n'est pas gage d'efficacité : comme une enquête demande plus de préparation, on en fait moins, d'où une moindre protection des consommateurs, mais aussi des entreprises intéressées au respect des règles de la concurrence. Je peux vous transmettre une note détaillée.

M. François Patriat, président. - Quand je lui ai posé la question, M. Lefèbvre m'a répondu avoir les moyens de sa politique. La RGPP aurait optimisé l'efficacité.

M. Patrice Rio. - Souhaiteriez-vous que je contredise le ministre ? Il a certainement raison... Toutefois, les consommateurs n'arrivent plus à trouver les services de la concurrence et mes collègues de Rennes reçoivent tous les plaintes des consommateurs contre telle ou telle entreprise parce que leur laboratoire est le seul service de la répression des fraudes identifié comme tel dans l'annuaire. Inversement, sur qui le ministre exerce-t-il son autorité hiérarchique sinon sur la Direccte ? Comment piloter de services qui ne dépendent pas de lui ? Voilà des mois que nous le disons à Mme Lagarde. Nous fonctionnons aujourd'hui grâce aux anciennes relations entre collègues : tout repose sur le facteur humain.

M. Alain Mazeau (CFTC). - Nous aurions souhaité être associés à la démarche. Les interrogations sont palpables. La RGPP aurait pu permettre de clarifier le rôle et les compétences de chacun, mais c'est objectif n'a été atteint qu'en partie. Le processus n'est pas lisible pour les agents territoriaux - mais il est un peu tôt pour établir un bilan.

M. Denis Lefèbvre (CFTC). - La logique de la RGPP pour la fonction publique d'Etat  est comptable. Il n'y a pas eu d'audit préalable sur les missions de l'Etat, il fallait seulement limiter le déficit, donc les effectifs de fonctionnaires, mais cette politique trouve forcément ses limites. On a beau rapprocher la gendarmerie et la police, il faut toujours assurer le maillage du territoire. Si la restructuration de la défense a été mieux discutée, il n'y a pas eu de concertation, sauf pour la création des directions départementales interministérielles. Il n'y pas eu de tour de table. La CFTC n'a jamais été opposée à une évolution de l'administration, mais il s'agit ici d'une logique comptable. Il eût fallu commencer par un bilan de la situation, s'interroger sur les missions et en déduire les effectifs. On ne l'a pas fait, et c'est le vice de départ de la RGPP.

M. François Patriat, président. - L'Etat répond qu'il ne suit pas une pure logique comptable puisqu'il a augmenté parfois des effectifs, par exemple à Pôle Emploi.

M. Yves Letourneux. - Il y avait déjà eu des engagements sur Pôle Emploi et la décision avait été prise avant la présidence Sarkozy. Le guichet unique de l'emploi devait permettre une amélioration pour le personnel mais on supprime 1 500 emplois en 2011. Et quand le budget diminue de 400 millions, où est le gain pour Pôle Emploi ?

On ne peut demander aux ministres de dire le contraire de ce qu'ils doivent dire, mais l'on peut se rappeler du discours que l'on tenait après l'affaire du sang contaminé lorsqu'on a créé l'Afssaps, qui n'a pourtant pas évité l'affaire du Médiator.

Nous l'avons bien vu lors des trois journées que nous avons organisées pour les trois fonctions publiques, les fonctionnaires ne s'y retrouvent plus et les services ne tiennent que par leur engagement et leur attachement viscéral au service public. Les conditions de travail sont catastrophiques dans les services de l'Etat pour ne rien dire du secteur hospitalier, et cela va gagner la fonction publique territoriale.

M. François Patriat, président. - Pour d'autres raisons.

M. Yves Letourneux. - Il faut un constat honnête. Un ministre d'Etat comme M. Borloo a négocié avec l'encadrement du ministère afin de ne pas entrer totalement dans la RGPP. Le service public doit se réformer mais pas n'importe comment. Nous sommes toujours prêts à nous mettre autour de la table pour faire avancer les choses mais, comme pour les retraites, le gouvernement se contente de faire croire au dialogue social et casse tout sans répondre aux vrais problèmes de la fonction publique : le territoire pertinent et la proximité, entre la région et le département.

M. Hans Helmrich (UNSA). - La RGPP a sur les collectivités un impact qui varie selon leur taille. On ne s'est pas demandé quel service public l'on veut, avec quels fonctionnaires ; il n'y pas eu de concertation ; on est resté dans une logique comptable. On voit bien les effets pour les collectivités locales du désengagement de l'Etat. Les communes de moins de 1 500 habitants n'ont pas de service technique, pas d'ingénieurs ; depuis que les DDE ne les aident plus à établir les cahiers des charges et à préparer les marchés publics, elles sont obligées de faire confiance aux entreprises, ce qui les amène à valider des choses qui ne devraient pas l'être. On a fait la RGPP avant de mutualiser les services et comme les citoyens ne peuvent plus se tourner vers ceux de l'Etat, ils s'adressent aux collectivités qui sont proches ; les plus grandes peuvent faire face mais la situation des autres est complexe. Le contrôle de légalité permettait naguère aux élus de vérifier la conformité de certaines délibérations. Ils naviguent maintenant à vue.

M. Jean-Pascal Lanuit (CGC) - Il faut revenir sur la philosophie initiale de la RGPP. Cette démarche de modernisation a en effet suivi un processus descendant. On n'a pas cherché à améliorer le service public, on n'a pas consulté les partenaires sociaux, mais on a centralisé auprès du Premier ministre une décision qui a ensuite été déclinée par les ministres. Il n'est pas neutre que ceux-ci soient obligés de se justifier devant des groupes composés de fonctionnaires et d'auditeurs privés et non plus devant l'autorité législative. Ce processus descendant peut s'accélérer parce qu'il s'appuie sur un existant. Il y avait des rapports de la Cour des comptes ou des inspections générales. Comme on ne les avait pas appliqués parce qu'ils se heurtaient à des obstacles politiques ou sociaux, il ne faut pas s'étonner si l'on rencontre aujourd'hui des difficultés, en particulier au niveau de l'encadrement, auquel la CGC est attentive. Les fusions de corps affectent les collectivités locales. Celle qui est intervenue entre le génie rural et les ponts et chaussées a limité la visibilité du dispositif, et l'encadrement subit les conséquences de la réforme de l'ingénierie publique.

Tous les rapports de la RGPP n'ont pas été rendus publics. Comment discuter quand on ne dispose pas de toutes les données? Qu'en est-il du rapport entre l'Etat et les collectivités publiques, du contrôle de légalité et de l'ingénierie publique, des prestations et du contrôle ? Des données aussi importantes que les impôts locaux et les frais de gestion qu'elle occasionne ne rentrent pas dans une RGPP qui n'a pour objet ni d'améliorer le service aux collectivités ni le dialogue social.

M. Dominique Zaug (CGC). - Dans mon département, la RGPP n'a pas été synchronisée avec une procédure descendante au niveau des structures de l'Etat. Aussi avons-nous créé en interne une structure de vérification juridique pour les petites collectivités.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Où cela se passe-t-il ?

M. Dominique Zaug. - Dans les Vosges. La population est de 380 000 habitants.

Les compétences sociales du département heurtent celles de l'ARS, d'où des projets concurrents. Le personnel d'encadrement, partagé entre une politique centralisée et une équipe interministérielle, reçoit des ordres de différents ministères. Comment les agents que l'on place dans cette situation désagréable sont-ils dirigés ? Partageant des locaux, ils ont des rémunérations différenciées et des statuts hétérogènes.

M. Yves Letourneux. - Le premier effet de la RGPP est la suppression de l'ingénierie publique, la fin de l'accompagnement des collectivités qui doivent se tourner vers le privé.

Deuxièmement, avec la RéATE, on fait pression sur les conseils généraux. On leur demande des plans départementaux afin de sauver les emplois que l'on veut supprimer, en matière de gérontologie par exemple.

Le troisième effet concerne les missions de conseil confiées aux sous-préfectures -une bonne idée- mais on leur en retire les moyens.

Le quatrième effet concerne les ARS, qui résultent de la loi HPST. La CFDT était assez favorable à l'idée d'un décideur en la matière, mais aucune analyse n'a été menée en amont. A Hérouville-Saint-Clair, quatre directions avaient collaboré pour réaliser cinq places supplémentaires dans un établissement  mais, du fait de la création des ARS, il a fallu reprendre un travail de quatre ans !

Cinquièmement, la réforme de la taxe professionnelle pose la question du financement des collectivités. Quelle politique pour la région si on supprime ses moyens financiers et que 90% de son financement vient de la TIPP ?

De surcroît on va partir d'une base 2009, très défavorable, puisqu'on était en pleine crise.

M. François Patriat, président. - Il y a concomitance avec la réforme des collectivités territoriales mais aucun lien de cause à effet.

M. Yves Letourneux (Interco-CFDT). - La vraie question demeure : quels services publics veut-on pour quel projet de société ?

Mme Catherine Deroche. - Vous déplorez de n'avoir pas été associés, en 2007, à la mise en place de la RGPP, que vous qualifiez de brutale. Mais il y a eu, depuis, des rapports d'étape dans vos domaines d'activité. Y avez-vous été associés ?

Vous regrettez le manque de lisibilité de la réforme pour l'usager, mais n'est-il pas lié à la période transitoire et surmontable grâce à une communication adéquate ?

La RGPP vise en premier lieu à améliorer le service public, mais aussi à maîtriser les déficits publics.

Vous estimez les fusions de corps malvenues, mais le fait est que la complexité est telle que la simplification est apparue nécessaire.

Vous soulignez l'impact négatif de la réforme sur les collectivités, mais je relève que certaines avaient déjà leurs propres services instructeurs, pour les permis de construire, par exemple, où les démarches ne sont pas pour autant plus longues ou plus complexes. Dans mon département, on ne s'en tire pas mal.

Mme Marie-France Beaufils. - Vous avez évoqué une dégradation du service, en citant l'exemple de l'ingénierie ou des permis de construire, où l'on sent, dans les petites collectivités, que les capacités ne sont plus les mêmes que lorsqu'elles pouvaient compter sur les DDE. Y a-t-il des services, au-delà, qui ne sont plus vraiment rendus ?

On entend beaucoup parler, ces temps-ci, de territorialisation des politiques culturelles. Le sujet est-il pour vous lié à la RGPP ? Pour être responsable de la culture dans ma communauté d'agglomération, je sens venir le moment où l'écrémage sera tel dans les Drac qu'elles ne seront plus en mesure d'accompagner les projets.

Les services de l'Etat, enfin, sont-ils encore en mesure de mener les politiques d'ensemble définies par la loi - je pense aux plans de prévention des risques d'inondation ou des risques technologiques ? Quels outils reste-t-il pour que la loi soit mise en oeuvre dans les temps et que la population ne subisse pas les effets du manque de moyens ?

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Vous avez évoqué les permis de construire, mais quid de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage ? J'ai toujours été assisté, dans mon département, par les services de l'Etat, et je vois mal comment je pourrais m'en passer.

M. Gérard Bailly. - Dispose-t-on déjà de chiffres qui prennent en compte les transferts de compétences ? Quel impact a eu la dématérialisation, dont je suppose que les effets commencent à se faire sentir ?

J'ai le sentiment que les compétences du préfet de département sont peu à peu absorbées, dans de nombreux domaines, par le préfet de région. Voilà qui n'est pas pour rassurer les départements éloignés des grandes métropoles...

M. Jean-Luc Fichet. - Si j'en crois vos interventions, vous estimez tous légitime de réinterroger les politiques publiques, mais considérez que l'Etat met en place un dispositif davantage subi que dynamique. Ce qui lui a permis de transférer ses charges vers les collectivités locales, qui ont dû faire preuve d'imagination pour réinventer des services d'accompagnement ou d'ingénierie disparus. Et quand elles n'ont pu faire autrement, elles ont dû faire appel au privé.

Je me demande où la dépense a diminué car ce sont toujours les contribuables qui payent. Sans compter qu'il est paradoxal de transférer des charges nouvelles à des collectivités que l'on vilipende, dans le même temps, pour leur dissipation.

Quels sont, pour vous, les points positifs de la RGPP ?

M. Patrick Hallinger (CGT). - Alors que la crise nous fragilise un peu plus encore, se pose en effet la question vitale de la sécurité des biens et des personnes. On l'a vu lors des tempêtes en Vendée : le plan de prévention des risques n'a pas été respecté. Et je ne parle pas des alertes de la sécurité maritime... Cet hiver, on a vraiment eu le sentiment d'une carence publique, comme si l'Etat n'était plus capable d'assurer le minimum. Il n'y a pas eu mort d'homme, mais cela ne tenait qu'à un fil. Il faut revoir toute la gestion du risque, y compris avec les services de la Météo. Lorsque la neige est tombée sur l'Île-de-France, le préfet a réuni les services départementaux pour faire le point heure par heure. Mais à partir de 2012, il ne pourra plus compter sur la station de l'Eure-et-Loir, qui doit fermer à cette date. Même chose pour celle du Loiret, en 2015. Ce sont ainsi les capacités d'observation fine, sur le terrain, qui sont peu à peu mises en cause.

Il faut bien avoir conscience que nous sommes au bout du bout d'une démarche qui vise à réduire les moyens. Le dernier rapport d'étape, du 30 juin 2010, n'est qu'une compilation de rapports sectoriels. Il met en avant un grand succès : l'intégration de la direction générale de la fonction publique à Bercy. Mais en oubliant de rappeler que cette direction a d'abord été rattachée au ministère du travail, pour suivre M.Woerth, avant de revenir finalement à Bercy. Preuve que la rationalité de la démarche a ses limites... Autre grande réussite que l'on vante : Pôle emploi. En oubliant de dire qu'avec quatre millions et demi de dossiers à traiter, il lui a fallu recourir à du personnel précaire, et y compris même au privé, ce que dénonce la Cour des comptes. Il y a tout de même de quoi se poser des questions...

Nous n'avons pas été associés à l`élaboration de ce rapport. Nous sommes prêts à débattre. Il est temps de changer de méthode. Puisse cet appel être placé en exergue de votre rapport. Un an après le lancement de la RGPP ont été signés les accords de Bercy. Preuve qu'elle conduit à s'interroger sur le besoin de liant. La rénovation du dialogue social dans la fonction publique devra donner lieu à des échanges pour améliorer les décisions.

Les « usagers » ? Lancer des enquêtes de satisfaction ne mène pas à grand chose. Dans les années 1990, existaient des commissions de modernisation. Celle de la fonction publique ne se réunit plus depuis plusieurs années... Nous manquons véritablement de lieu d'expression. Nous voulons une administration de l'Etat en phase avec les réalités du pays. A cet égard, et même si la région reste le lieu de la synthèse pour l'aménagement du territoire, les services départementaux jouent un rôle essentiel de proximité. Je regrette que l'on puisse envisager de se passer d'eux. Les préfets de département, qui en sont le relais, ont un rôle central à jouer pour améliorer l'articulation entre services territoriaux et services de l'Etat, qui ne doivent pas se sentir en concurrence.

Les directions départementales interministérielles sont désormais les outils dont nous disposons pour mettre en oeuvre les politiques publiques. Mais pas moins de 10 % de leurs effectifs ont été supprimés en 2011, pour la plupart dans les services de proximité. Restent quelques moyens d'action, fragilisés, qu'il faut redynamiser. La relation entre services régionaux et départementaux gagnerait à plus de réciprocité. Il ne s'agit pas que l'un décide, tandis que l'autre applique : les services locaux ont une connaissance fine des besoins. Il faut mieux les écouter.

L'objectif premier de la RGPP était de réduire la dépense publique. Nous avions fort bien compris qu'après l'Etat viendraient les collectivités, la santé. Nous en sommes arrivés à un stade où l'on doit s'interroger sur les services publics que l'on veut dans notre pays. Sur les moyens de construire des solidarités nouvelles, intersectorielles. Les collectivités ont su réussir de grandes choses : les lycées, le ferroviaire. Il faut s'interroger sur leur complémentarité avec l'Etat. Mais il y faut aussi un peu de moyens. Ne pas remplacer un emploi sur deux rapporte 500 millions d'économie par an. Chacun est en mesure d'observer que l'outil fiscal est d'un bien meilleur rendement...

M. Jacques Nicolas (CGT). - Le baromètre BVA sur les services publics locaux témoigne depuis quatre ans d'une insatisfaction quant à l'action de l'Etat en matière de services publics. Près d'un Français sur deux est prêt à payer plus d'impôts pour améliorer le service public : autant dire que la doctrine de la RGPP est mise en cause par les usagers eux-mêmes. Quant aux fonctionnaires, de la fonction publique comme de l'Etat, ils jugent la réforme inefficace et s'estiment pénalisés par une réorganisation qui n'améliore pas le service public. Les petites collectivités, les plus nombreuses, souffrent d'être privées de toute une série de relais : comptable public, DDE... Nous avons transmis le questionnaire que vous nous avez fait tenir à nos antennes de base, les mieux à même de retracer fidèlement les effets de la RGPP, sachant qu'ils diffèrent selon la taille des collectivités. Certaines ont pu mettre en place des services relais, mais la majorité ne le peut pas.

M. Didier Bourgoin (FSU). - Avec la recentralisation le préfet de région s'érige en proconsul pour appliquer la politique du gouvernement, qui se désengage : nous nous inquiétons de l'émergence du secteur de la concurrence, le plus souvent sous la forme du partenariat public-privé. La réforme fiscale, avec la clause de compétence générale, place les collectivités face à une seule alternative : trouver d'autres moyens de financement ou réduire leur action. C'est ainsi qu'un département de la région parisienne vient de lancer un énorme projet de partenariat public-privé pour la construction et la gestion de collèges. C'est ainsi que l'on modifie insidieusement la notion même de service public local : l'usager devient peu à peu un client. Quelques exemples désastreux, en matière de gestion de l'eau ou du logement social, devraient pourtant avoir fait comprendre que la voie n'est pas la bonne. Voilà un exemple des dégâts collatéraux qui pèsent lourd sur les services publics locaux.

M. Yves Letourneux, (Interco-CFDT). - Je confirme que nous n'avons pas été associés aux rapports d'étape. Une bonne communication rendra les choses plus lisibles pour les usagers ? J'en doute. Les spots que l'on voit actuellement à la télé aideront peut-être un peu, mais ne suffiront pas. Au reste, ce terme d'usagers me gêne. Je préfèrerais que l'on parle de citoyens, car c'est à eux qu'appartiennent des services publics dont l'usager n'est que l'utilisateur. Ce sont eux qui financent ce bien commun, même s'ils n'en utilisent pas toujours tous les services. L'année 2011 sera l'année européenne de l'engagement citoyen : bonne occasion de lui rendre sa place dans la définition des services publics.

Nous ne sommes pas contre la maîtrise de la dépense, mais lorsque l'on parle de déficit public, il faut considérer et les dépenses et les recettes. Le bouclier fiscal coûte plus cher en moins-values de recettes que ce que la RGPP conduit à économiser en dépenses - surtout si l'on prend en compte le coût de l'ensemble des cabinets de conseil qui ont accompagné le processus...

Les missions publiques, comme l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, sont abandonnées aux collectivités, qui ne peuvent plus se faire accompagner par les services de l'équipement. La RGPP, par la façon dont elle a été menée, nous a fait passer à côté de la question, essentielle depuis la décentralisation de 1983, de la complémentarité entre les collectivités locales et l'Etat. C'est ainsi que l'on se retrouve, pour la prévention des risques naturels et technologiques, dans la situation suivante : un seul fonctionnaire de l'Etat, le préfet, qui utilise les services des collectivités locales. C'est le monde à l'envers. Il faut remettre les choses à l'endroit, et se demander quel service de sécurité civile revient à l'Etat pour prendre en charge, à l'échelon national, les risques.

La territorialisation des politiques ? Nous y sommes favorables, s'il l'on entend par là une vraie décentralisation : entendre la réalité des territoires. Les enjeux de santé publique, par exemple, ne sont évidemment pas les mêmes dans le Nord et en région PACA. Mais s'il ne s'agit que de passer la patate chaude aux collectivités, sans même qu'aie lieu un vrai débat législatif, nous ne sommes pas d'accord.

Les Drac sont encore le seul service de l'Etat qui semble n'être pas touché par la réforme de l'administration territoriale. Elles ont encore un directeur, un bâtiment. Mais il n'est pas sûr, en effet, qu'il reste grand chose dedans...

La compétence régionale sur les chemins de fer a permis de désenclaver bien des régions, mais il est du rôle de l'Etat de veiller à la cohésion sociale et à l'égalité.

Le préfet de département a clairement perdu son pouvoir : il est désormais sous l'autorité directe du préfet de région. Ne lui reste plus en propre que sa compétence de sécurité publique, comme représentant du ministère de l'Intérieur. Mais on ne peut rester ainsi au milieu du gué. Même placé sous l'autorité du préfet de région - dont on aimerait bien parfois qu'il ne se comporte pas comme s'il n'était préfet que du seul chef lieu de région - il doit pouvoir répondre. Quand au préfet de région, c'est sous l'autorité de Matignon, dont la compétence est interministérielle, qu'il devrait être placé, et non sous celle du ministre de l'Intérieur.

Peut-on trouver quelque chose de positif à la RGPP ? Il n'est pas mauvais que l'Etat se pose la question du territoire pertinent pour la définition des politiques publiques. La région est sans doute le bon échelon.

M. François Patriat, président. - L'échelon, pas le territoire.

M. Yves Letourneux (Interco-CFDT). - Il faut bien que quelqu'un pilote : le préfet. Il existe un comité de l'administration régionale, mais qui ne suffit pas à assurer une vraie politique interministérielle. Et les changements de périmètre ne sont guère lisibles : alors que l'on lance la RGPP et que l'on crée des directions départementales interministérielles, comment expliquer que la direction générale de la fonction publique passe au Travail puis revienne à Bercy ?

Je me suis investi dans la branche santé-solidarité pour avoir une vision unifiée de la fonction publique. Or, je me suis vite aperçu qu'il existe autant de politiques que de ministères, voire que de directions au sein des ministères.

M. François Patriat, président. - Alors qu'il faudrait connaître les incidences de l'action ministérielle sur l'ensemble de l'action publique.

M. Yves Letourneux (Interco-CFDT). - Nous sommes associés à la réflexion sur la dépendance : on s'aperçoit que les élus locaux ne sont pas conviés ! C'est une aberration : à ne pas s'asseoir tous ensemble autour de la table, on perdra de l'argent public.

M. Patrice Rio (CFDT). - Le volet immobilier de la réforme est confié au préfet, dans chaque département. Pour regrouper tous les agents dans un même immeuble, il a fallu dépenser beaucoup d'argent. La direction interministérielle est implantée, depuis quelques jours, à Cesson-Sévigné, pour un coût de location de 800 000 euros par an, alors qu'auparavant, les services étaient logés gratuitement dans une cité administrative de l'Etat. Il me semble tout de même que vendre un immeuble pour avoir ensuite à payer un loyer ne relève pas d'une gestion « de bon père de famille »... Il a fallu créer de nouveaux systèmes informatiques : on a mis les anciens à la poubelle, tiré des câbles, installé des serveurs, et cela ne fonctionne pas, parce que le système est sous-dimensionné. Quand un agent de la DCCRF veut envoyer la photo d'un tapis de jeu pour enfant à ses collègues enquêteurs, il ne peut pas le faire, parce que la messagerie n'est pas assez puissante...

L'harmonisation des rémunérations ne fera pas faire d'économies : avant d'aller plus loin dans l'interministériel, il faut harmoniser régimes et statuts, par le haut.

Mme Beaufils demandait quels services ne sont plus rendus. A la DCCRF, les réductions d'effectifs ont isolé les enquêteurs, forcés à la polyvalence : il est bien évident que la protection du consommateur n'est plus assurée comme avant. Or, on a d'autant plus besoin, en période de crise, de faire des achats éclairés. Quant aux entreprises qui subissent la concurrence, elles non plus ne sont plus protégées comme avant.

M. Patrice Beunard (FNACT-CFTC). - Sur le terrain, les sapeurs-pompiers doivent être de plus en plus accompagnés par les forces de l'ordre, dont le nombre diminue. Nous sortons donc plus nombreux à chaque fois.

En montagne, la concurrence entre sapeurs-pompiers et CRS persiste. Certes, des commissions quadripartites ont été mises en place, réunissant services de l'Etat, sécurité civile, fédérations nationales de sapeurs pompiers et associations d'urgentistes, mais cela n'empêche pas que persiste, par exemple, la dualité entre urgentistes et Samu.

Dès que l'on s'éloigne de vingt kilomètres d'une grande agglomération, les difficultés commencent. Et cela alors que les secours à personnes représentent 80 % des interventions.

La direction de la prospective, de la programmation et de la sécurité ne compte pas un seul sapeur-pompier. C'est ainsi que lors des chutes de neige à Paris, le réseau de la sécurité civile a été laissé à l'écart : c'est bien regrettable, car cela aurait aidé à résoudre un problème qui était avant tout de circulation...

Les pompiers professionnels ne sont pas plus de 35 000, les pompiers volontaires 300 000. Entendre dire qu'un tel service coûte trop cher me fait vraiment mal au coeur.

M. Denis Lefébure (CFTC-FAE). - M. Baroin a annoncé, avec l'enthousiasme qui est le sien, une nouvelle vague de la RGPP. Verra-t-on enfin s'ouvrir le dialogue social ? On parle d'inscrire dans la Constitution, à l'allemande, un principe d'équilibre des comptes. Mais tout cela pose la question des recrutements, des salaires... A quand le dialogue ? Il ne serait pas inutile...

La RGPP, d'accord, si elle ne se traduit pas par un transfert de charges massif vers les collectivités. Et je ne parle pas des effectifs civils de la Défense, qui ont été divisés par deux en vingt ans ! Avec les effets pervers que tout cela comporte, au premier rang desquels l'externalisation, dont on s'aperçoit in fine qu'elle coûte plus cher que l'administration. Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes. Enfin, il faudrait peut-être réfléchir à la dimension européenne du problème, sachant que nous n'avons pas les moyens de nous payer un deuxième porte-avions !

M. Hans Helmrich (UNSA Fonctionnaires). - Oui, des services ont disparu. Les études nécessaires aux PLU, aux Scot, coûtent aujourd'hui plus cher que lorsqu'on pouvait se tourner vers les services de l'Etat. Je doute donc que l'on ait fait des économies.

Quels services publics veut-on ? On regroupe les brigades de gendarmerie sous prétexte de rationalisation, résultat, les délais d'intervention passent d'une demi heure à une heure. Et dans les cas extrêmes, intervenir sous quinze secondes plutôt qu'après trois minutes n'est pas indifférent...

Le bilan ? Des services publics de moindre qualité, sans économies à la clé. Et tout cela faute d'analyses d'impact et de concertation avec les partenaires sociaux.

M. Jean-Pascal Lanuit (Fédération des fonctions publiques CGC). - L'Etat a mieux conscience de la misère dans laquelle il fonctionne : il faudra bien faire des choix. La réforme porte beaucoup d'effets invisibles, jusqu'au moment où l'on arrive au seuil critique, celui où le service public ne peut plus être rendu. C'est bien la seule vertu que l'on peut trouver à la RGPP...

Si le problème de lisibilité est sans doute en partie temporaire, des difficultés demeureront. Une grande partie de la population croit encore que le préfet est un élu, ou que l'architecte des bâtiments de France est un personnage tout puissant, alors qu'il n'est appelé à intervenir que sur très peu de bâtiments.

Les fusions de corps peuvent être positives, à condition que l'on n'y voie pas une solution. Les difficultés étaient jusqu'à présent en grande partie résolues grâce aux détachements. Le vrai problème tient plutôt au fait qu'à l'intérieur d'un même corps, les traitements varient beaucoup, à compétences égales selon le ministère. A quand une Inspection générale des ressources humaines ? La crainte que l'on peut avoir, c'est bien que cette réforme des corps ne soit mise au seul service de l'objectif de réduction des emplois. On ne lui affecte pas même, d'ailleurs, de moyens financiers temporaires, comme cela s'est fait dans d'autres pays. Est-ce un signe ?

Nous ne sommes pas plus consultés sur les rapports d'étape que nous ne l'avons été sur le rapport de départ.

La régionalisation met en symbiose Etat et collectivités. Avec cet effet que tout changement dans l'Etat se répercute sur tous les acteurs. Les zones fragiles le deviendront plus encore : les petites communes sont plus exposées que les grandes métropoles. Même chose pour leurs agents.

Pour les Drac, on peut espérer que la fusion avec les services de la direction des archives et du patrimoine, qui ont les pieds dans la glaise et sont en contact régulier avec les élus, leur donnera une vision plus proche du territoire. Restent cependant des difficultés d'intendance. Les bâtiments historiques dans lesquels étaient souvent installés les services sont coûteux à adapter à d'autres emplois que l'administration : ils ne seront pas faciles à vendre.

L'émergence du préfet de région peut être positive, mais il ne fait qu'affirmer son ascendant sur les services déconcentrés sauf sur la Défense, les Finances ou l'Enseignement supérieur, qui gardent leur autonomie.

M. François Patriat, président. - Je vous remercie de ces interventions, qu'il serait utile que vous complétiez en nous fournissant des exemples concrets.

M. Yves Letourneux (Interco-CFDT). - Nous vous transmettrons cette contribution. Car le plus grave dans la RGPP, c'est bien l'absence de débat démocratique sur les services publics. Le mouvement a été lancé sans débat au Parlement. On parle beaucoup de la réforme fiscale : ce doit être l'occasion de se demander au service de quoi on la met. Et comment corriger les effets pervers de la RGPP.

M. Patrick Hallinger (CGT) - Nous partageons cette analyse.

M. François Patriat, président. - Ce qui est vrai en milieu rural peut l'être aussi dans les villes. Lorsque l'on s'étonne de la faible amplitude des horaires d'ouverture des préfectures, on s'entend répondre qu'il n'est plus nécessaire de s'y rendre...

Audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

M. François Patriat, président. - Monsieur le ministre, nous souhaitons entendre votre analyse sur la mise en place de la RGPP, notamment sur la concertation, ainsi que sur ses effets après trois ans d'exercice. Les syndicats de la fonction publique, que nous venons d'auditionner, nous ont signalé que vous annonciez une deuxième vague de la RGPP : qu'en est-il ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. - Je résumerai pour commencer le constat initial qui a conduit à la mise en oeuvre de la RGPP. L'intervention de l'Etat, d'abord, était devenue multiforme et parfois peu lisible. Ses missions s'étaient multipliées et superposées sans que la cohérence d'ensemble ne soit toujours garantie. Des politiques qui ne devaient être que temporaires avaient été pérennisées. Des missions, qui ne relevaient pas du coeur de métier de l'Etat, s'étaient développées. Il convenait donc d'engager une réflexion sur les priorités de l'Etat et sur la pertinence de certaines de ses missions.

L'organisation de l'Etat, ensuite, s'était progressivement complexifiée pour les usagers, contraints de s'adresser à différentes administrations pour trouver une réponse à une même demande et pour les fonctionnaires eux-mêmes.

Enfin, les effectifs de l'Etat s'était considérablement accrus depuis 30 ans avec le recrutement de plus de 300 000 agents, en dépit des transferts de compétences vers les collectivités territoriales et les opérateurs de l'Etat.

La RGPP est d'abord une démarche globale et équitable qui concerne toutes les structures de l'Etat: les administrations centrales et déconcentrées, les opérateurs et, dans le respect de la spécificité de leur gouvernance, les organismes de sécurité sociale.

Elle bénéficie d'un soutien politique très fort qui en assure sa continuité : elle est pilotée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) présidé par le Président de la République et fait l'objet d'un suivi régulier par le Comité de suivi co-présidé par le Secrétaire général de la Présidence de la République et par le Directeur de cabinet du Premier Ministre.

La RGPP repose sur une analyse des spécificités de chaque ministère. On procède à un échenillage, dans une logique de dialogue social et de redistribution. Le principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, par exemple, se décline de manière différente dans chacun des ministères. Ainsi, le ministère de la justice a bénéficié d'emplois supplémentaires quand le ministère du budget est allé au-delà du « 1 sur 2 ».

La RGPP fait l'objet d'un suivi très rigoureux : l'état d'avancement de chaque mesure est évalué sur la base d'objectifs et d'indicateurs précis. Chaque rapport d'étape, présenté en Conseil des ministres, assure la transparence des résultats, avec un système simple de feux tricolores.

La RGPP vise à réduire les dépenses, à améliorer la qualité du service rendu aux usagers et les conditions de travail des fonctionnaires. Contribuables, usagers, fonctionnaires, tous doivent y trouver leur compte.

Enfin, la RGPP est une démarche partenariale car il faut convaincre pour réussir.

Equité, continuité, rigueur, équilibre, voilà les principes au service de cette réforme d'ampleur.

Trois ans après, où en sommes-nous?

Des réformes structurelles majeures ont été menées à bien dans tous les ministères, avec une ampleur jamais connue. J'en citerai quelques-unes : la création de la DGFiP, à laquelle tous les gouvernements avaient renoncé ; la création de Pôle Emploi : les usagers selon une étude BVA trouvent que la complexité des démarches a baissé de 11 points, passant de 42 à 31 entre 2008 et 2010 ; la restructuration de l'appareil de défense ; la reconfiguration de la carte judiciaire ; la fusion des directions régionales, qui sont passées de vingt à huit et départementales, qui sont passées de dix à deux ou trois selon les départements. L'effort de restructuration a aussi porté sur les administrations centrales où le nombre de directions diminuera de 10% sur le quinquennat.

Nous avons engagé des chantiers interministériels structurants pour améliorer la performance et la qualité des fonctions supports de l'Etat : l'opérateur national de paie gérera la paie de tous les fonctionnaires, Chorus - dont je vous signale qu'il gère l'ensemble de la dépense de l'Etat depuis le 1er janvier -, le service des achats de l'Etat, France Domaine pour l'immobilier et bientôt, une direction des systèmes d'information de l'Etat.

La RGPP réalise un effort très important pour améliorer la qualité du service public. De nombreuses mesures visent à simplifier les démarches des usagers. J'ai présenté en début de semaine les nouvelles étapes de mise en place de l'administration numérique qui simplifiera la vie tant des particuliers que des entreprises et des collectivités. La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sera plus simple et donc plus rapide. Nous publions aussi un baromètre semestriel comportant une quinzaine d'indicateurs de qualité.

Enfin, la RGPP a permis d'améliorer les conditions de travail des fonctionnaires. La mobilité entre administrations a été facilitée, les concours ont été révisés pour élargir l'accès à la fonction publique, le nombre de corps est passé de 685 en 2005 à 380 en 2010 et il va continuer de diminuer. Enfin, 1,8 milliard d'euros ont été redistribués aux fonctionnaires grâce aux économies résultant du « 1 sur 2 », ce qui correspond à environ 800 euros par agent par an en moyenne.

Entre 2011 et 2013, 100 000 emplois ne seront pas remplacés. Sur l'ensemble du quinquennat, ce chiffre le non-remplacement atteindra 150 000 emplois. Au total, dès 2012, nous aurons retrouvé le nombre de fonctionnaires de l'État dont la France disposait au début des années 1990.

La RGPP et la réforme des collectivités territoriales participent du même mouvement, pour améliorer la qualité du service public tout en rendant l'administration plus efficace et moins dépensière.

L'ambition renouvelée de la RGPP, pour être complète, doit trouver un écho favorable auprès des collectivités. Je souhaite donc que notre collaboration soit fructueuse et qu'elle permette à l'État de poursuivre sa démarche vertueuse de maîtrise des dépenses publiques.

M. François Patriat, président. - Les responsables syndicaux que nous avons auditionnés, nous ont dit que la RGPP s'était faite sans concertation, de haut en bas, et que l'Etat avait appliqué sa réforme sans étude d'impact et sans autre vue que comptable, ou notariale.

M. Dominique de Legge, rapporteur. - Effectivement, c'est une constante des auditions. Monsieur le ministre, la règle du « 1 sur 2 » fait craindre aux collectivités des transferts de facto, dès lors qu'elles devront offrir des services que l'Etat n'assurera plus, en particulier pour l'assistance à la maîtrise d'ouvrage : qu'en pensez-vous ? Il semble, ensuite, que les ministères ne se concertent pas et qu'ils prennent leurs décisions sans considérer les effets sur l'aménagement du territoire : certaines villes ont vu ainsi fermer leur hôpital, leur caserne et leur tribunal. Il semble, encore, que l'Etat réorganise ses services à partir de l'échelon régional, ce qui est cohérent avec les recommandations de la commission Balladur mais pas avec la réforme des collectivités territoriales: que pensez-vous de ce décalage ? Enfin, vous évoquez des indicateurs de performance : quels sont-ils ?

M. François Baroin, ministre. - L'idée générale de la RGPP était d'insuffler une dynamique à l'administration et il va de soi que ce mouvement nécessite d'y associer le plus grand nombre d'intervenants. La concertation a précédé le lancement de la RGPP, à travers le groupe de travail présidé par M. Lambert, consacré aux relations entre l'Etat et les collectivités territoriales : le rapport, remis en novembre 2007, proposait des pistes pour clarifier les compétences, les relations financières, et pour alléger les contraintes normatives pesant sur les collectivités. Les services de l'Etat ont été largement consultés, par des réunions autour des préfets. Les circulaires du 19 mars et du 7 juillet 2008, ensuite, ont rappelé la nécessité d'expliquer la réforme, pour que toutes les parties prenantes disposent d'un même niveau d'information. Les unions syndicales départementales ont été informées ainsi que le Conseil économique et social régional. La bonification indiciaire liée à la règle du « 1 sur 2 » fait l'objet de discussions avec les organisations syndicales de fonctionnaires.

La règle du « 1 sur 2 » ne donne lieu à aucun transfert de missions vers les collectivités locales. Voyez l'exemple des forces de sécurité : la RGPP se traduit par la mise en place de 60 brigades spécialisées de terrain, pour lutter contre la délinquance particulièrement dans les zones sensibles.

Il n'y a pas lieu de redouter une politique de silos dans l'application de la RGPP, chaque ministère décidant pour son compte : sa mise en oeuvre est unifiée par le Comité de suivi où siègent le Secrétaire général de la Présidence de la République, le Directeur de cabinet du Premier Ministre, le ministre du budget, les deux rapporteurs généraux des finances de l'Assemblée et du Sénat, ainsi que M. Pébereau comme personne qualifiée ; le comité se réunit tous les quinze jours. J'ajoute que le Premier ministre, pour mieux articuler la RGPP et l'aménagement du territoire, a demandé à tous les ministères de l'informer de leurs projets dans un souci de cohérence.

Je vous communiquerai tous nos indicateurs et leurs résultats. Il faut également prendre en compte des éléments qualitatifs. Nous sommes parvenus à fusionner les directions de l'impôt et de la comptabilité publique, c'était une réforme courageuse qui n'avait rien d'évident puisqu'on a réuni en une même direction deux cultures administratives. L'impact sur l'administration des douanes est tout à fait positif : les effectifs ont diminué mais les résultats n'ont jamais été aussi bons dans la lutte contre les stupéfiants, la contrefaçon, ou l'économie parallèle, et le temps de latence des marchandises dû aux opérations de dédouanement, a diminué de moitié.

Cela dit, je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il y a un seuil en-deçà de quoi l'administration serait nécessairement moins efficace, mais nous n'y sommes pas.

Grâce aux indicateurs, l'évaluation est quantitative et qualitative : pour le 3939, par exemple, on examine le nombre d'appels restés sans réponse. Le système de « feu vert », « feu orange » et « feu rouge » permet d'agir en fonction d'une analyse fine, qui prend en compte en particulier l'acceptation de la réforme, aussi bien que la préparation du projet, la désignation d'interlocuteurs prêts à l'action.

Le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, en décembre 2007, de regrouper le contrôle de légalité en préfecture pour les actes les plus importants. Cela ne représente pas un retrait, mais une amélioration de la qualité du contrôle, ce qui donne aux préfectures une vision d'ensemble et une meilleure expertise sur ces matières.

L'ingénierie publique est maintenue, en appui aux collectivités locales. Le conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, en 2008, que l'Etat devrait cesser d'offrir les services que des prestataires privés assument, comme certaines prestations de géomètres ou d'architectes, pour éviter une concurrence déloyale vis-à-vis de ces professions. Cette redistribution a libéré des ressources pour l'expertise mise à disposition par l'Etat au titre de l'ingénierie publique. Les collectivités locales ne sont donc pas abandonnées, puisque l'offre d'ingénierie privée est suffisante et soumise à concurrence. Ces changements ne sont pas incompatibles avec le maintien d'une ingénierie publique de qualité, en particulier pour les plus petites collectivités territoriales.

M. François Patriat, président. - Certains syndicalistes nous ont dit que des prestations avaient été supprimées. Et dans mes nombreux contacts, j'entends dire aussi que la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) est souvent très mal vécue par les agents.

M. François Baroin, ministre. - La RGPP est entrée dans les faits, et dans un pays qui compte cinq millions de fonctionnaires, on a accepté l'idée qu'il était légitime d'en diminuer le nombre tout en améliorant le pouvoir d'achat des fonctionnaires : deux milliards ont été redistribués, le pouvoir d'achat global des fonctionnaires a augmenté de 3,5%.

M. Jean-Luc Fichet. - Nous avons auditionné le président de l'Association des départements de France, celui de la Fédération des villes moyennes, les syndicats de la fonction publique, tous nous ont dit que la RGPP se fait sans concertation aucune ! Elle peut être regardée comme un mal nécessaire, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle est mal vécue par les agents, qui déclarent d'abord la subir, contrairement à la présentation que vous en faites. L'OCDE vient de souligner que notre taux d'encadrement à l'école se dégradait, dans les hôpitaux les infirmières sont débordées, et pour la justice, dans les services d'insertion et de probation, chaque agent devrait suivre 190 personnes, ce qui est impossible! Monsieur le ministre, vous nous dites que votre politique est acceptée, évaluée, qu'elle donne lieu à des rapports d'étape ; ce qu'on nous dit, ce que nous constatons, c'est plutôt que la RGPP est subie et qu'elle est une source de difficultés, de souffrance pour les agents, avec des effets dévastateurs pour les petites communes, notamment en matière d'ingénierie publique. La RGPP, pour les petites communes, est une source de dépenses plutôt que d'économies.

Comment comptez-vous aborder la deuxième vague de la RGPP ? Allez-vous vous prêter à davantage de concertation? Nous avons constaté combien les syndicats de fonctionnaires sont responsables, soucieux de l'offre de service public aux citoyens, et non pas seulement aux usagers puisque le service public est le bien commun de la Nation : Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que la RGPP poursuive ses véritables objectifs ?

M. Adrien Gouteyron. - Pouvez-vous nous dire comment la RGPP est appliquée et vécue dans les administrations centrales ? Vous nous avez dit que le nombre des directions diminuait, quid du nombre de fonctionnaires ?

Où en est-on, ensuite, sur les aspects immobiliers, en particulier sur la définition d'une surface maximale par agent ?

Enfin, comme maire d'une commune de 1 500 habitants, je sais combien l'ingénierie publique est indispensable à l'instruction des permis de construire, car les petites communes n'ont tout simplement pas les moyens de s'offrir les compétences techniques nécessaires, ni, souvent, leur communauté de communes. Monsieur le ministre, allez-vous maintenir l'assistance technique de l'Etat ?

Mme Michèle André. - Comme rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » de la loi de finances, j'ai constaté que le ministère de l'intérieur avait anticipé les gains de productivité attendus de la dématérialisation de certaines procédures, pour supprimer des postes, et que ces suppressions prématurées se traduisaient par un allongement des délais pour l'obtention de titres, comme la carte d'identité, et surtout par un accroissement considérable de la charge de travail des agents de préfecture. Les avantages de la dématérialisation des documents ont été également anticipés dans le contrôle de légalité, alors qu'elle ne concerne guère plus de 10 à 12% des documents. Monsieur le ministre, avez-vous une étude d'impact de ces phénomènes ?

Lors de mes déplacements, j'ai constaté le dévouement des agents de préfecture et je sais que la suppression de 2 000 postes supplémentaires sera insupportable, surtout pour les agents d'accueil, de catégorie C, qui ont déjà vécu plusieurs réorganisations de leur service : je me fais leur porte-parole. Monsieur le ministre, à quoi servent les rapporteurs spéciaux, si le Gouvernement reste sourd à ce qu'ils écrivent !

Mme Jacqueline Gourault. - Le slogan du « 1 sur 2 » a le mérite d'être simple, mais je crains qu'il ne soit devenu simpliste. On en vient à penser que la règle s'applique uniformément à tous les services, alors que ce n'est pas le cas.

Dans mon département, la fusion des services financiers de l'Etat s'est bien passée, de même que celle de la DDA et de la DDE, laquelle a mis fin à la concurrence parfois stérile qui pouvait exister entre certains services.

Le problème, c'est que, comme la réforme territoriale a sanctuarisé la commune, la suppression de postes place les petites communes en grande difficulté. Les géomètres relèvent déjà depuis quelques années du privé, le problème se pose plutôt pour l'expertise administrative et juridique. Les communes ont besoin d'aide pour la création d'une ZAC, pour la rédaction de certains actes : le service était assuré par les préfectures, il a disparu, les intercommunalités doivent donc s'en occuper, ce qui constitue un véritable transfert.

Cependant, on constate qu'il y a toujours des doublons entre certains services de l'Etat et du département, en matière sociale notamment : il y a donc encore des marges de suppression de postes dans certains secteurs, alors qu'on supprime des postes dans d'autres secteurs très tendus. Ne faudrait-il pas mieux coordonner ?

Enfin, l'intéressement des fonctionnaires trouble les esprits et inquiète, parce qu'il n'est pas dans notre tradition, notre culture du service public : qu'en pensez-vous ?

M. Raymond Couderc. - Monsieur le ministre, je pense qu'il existe trois raisons de supprimer des postes : la suite, tardive, de la décentralisation et des transferts de compétences aux collectivités locales ; la conséquence des gains de productivité liés aux nouvelles technologies ; la politique volontariste de réduction des dépenses publiques. Que pensez-vous de cette distinction et entre-t-elle dans la définition de vos indicateurs?

M. Georges Patient. - Monsieur le ministre, la RGPP fait-elle l'objet d'une adaptation dans les collectivités d'outre mer ? Comment les spécificités territoriales sont-elles prises en compte ? Je pense bien sûr à la Guyane, où les problèmes d'immigration et d'insécurité, notamment, sont si particuliers.

M. François Baroin, ministre. - Monsieur Fichet, le Gouvernement s'emploie à entendre tous les avis, parce que tous comptent dans une réforme qui ne peut se passer de l'adhésion du plus grand nombre pour réussir : nous sommes donc très attachés au dialogue, que nous voulons permanent. Cependant, nous assumons les objectifs d'économies budgétaires de la RGPP. La France a traversé une crise économique majeure et notre endettement exige que nous réduisions la voilure de l'Etat : nous allons revenir au nombre de fonctionnaires du début des années 1990, ce qui n'implique pas une baisse de la qualité, car la qualité n'est pas corrélée au nombre de fonctionnaires.

Pour la deuxième vague de la RGPP, nous sommes donc très à l'écoute de toutes les pistes susceptibles d'améliorer la mise en oeuvre de la réforme. Nous serons particulièrement attentifs à tout ce que votre rapport aura identifié pour rendre la réforme plus efficace. Soyez assurés, d'ores et déjà, que le dialogue existe dans tous les ministères, à tous les niveaux, et que c'est par ce dialogue que nous avançons.

Madame Gourault, je vous concède que la reconnaissance du mérite est une petite révolution dans la fonction publique : c'est un élément de motivation. Dans ma propre ville, j'avais proposé qu'une partie des économies de fonctionnement aille à une bonification liée aux résultats obtenus : la chambre régionale des comptes avait tiqué, mais aucun agent n'a été choqué du procédé, les équipes se sont mobilisées, nous avons négocié jusqu'à parvenir à des objectifs, un calendrier et des méthodes partagées. La réforme ne doit pas tomber comme un couperet, si cela se passe ainsi chez vous, faites-le moi savoir.

Monsieur Gouteyron, notre programme immobilier est ambitieux : nous voulons alléger le parc immobilier de l'État de 500 000 mètres carrés d'ici 2013, en cédant environ 1 700 sites. Nos critères sont exigeants, avec un plafond de 400 euros par mètre carré pour la location. Pour le ministère de la justice un amendement d'origine parlementaire a empêché l'opération prévue de se faire : je respecte pleinement la décision de la représentation nationale, qui est par ailleurs pleinement associée à la gestion du patrimoine immobilier de l'État, à travers les lois de finances et la présidence par le député Yves Deniau du Conseil de l'immobilier de l'État.

Les petites communes, effectivement, n'ont pas toujours les compétences pour instruire les permis de construire ou lancer des ZAC : je serai particulièrement attentif à ce que les préfectures continuent de les épauler, avec leur expertise technique.

Madame André, je vous concède que Chorus a connu quelques accrocs dans sa période de mise en place, ce qui lui a valu bien des critiques que je comprends. Cependant, passée cette période d'installation, je suis convaincu que cet outil va produire ses effets budgétaires et de coordination, pour un Etat plus efficace et moins dépensier.

Monsieur Couderc, nous attachons toute notre attention aux indicateurs de performance, qui sont effectivement des outils déterminants pour le pilotage de la réforme. Je vous communiquerai toutes nos données recueillies depuis trois ans, afin que le Parlement dispose de la même information que le Gouvernement.

Monsieur Patient, la RGPP fait l'objet d'une adaptation aux collectivités d'outre mer : le comité interministériel du 6 novembre 2009 en a décidé ainsi, au lendemain du grand mouvement social qu'a connu la Guadeloupe. La nouvelle organisation est entrée en vigueur au 1er janvier de cette année, elle comprend de nombreuses mesures d'adaptation concernant aussi bien l'alimentation, le fret, que l'action en direction de la jeunesse et l'action sociale. Nous continuerons d'adapter la réforme aux spécificités du territoire, par le dialogue. Les préfets sont vos interlocuteurs et, bien sûr, les ministres, que vous pouvez interroger au moins une fois par semaine.

M. François Patriat, président. - Monsieur le ministre, merci pour toutes ces précisions.