Mardi 31 janvier 2012

- Présidence de M. David Assouline, président -

Questions diverses

M. David Assouline, président. - A l'issue de notre réunion, la direction des systèmes d'information du Sénat nous présentera les options proposées pour notre site internet, interactif, participatif et nouveau. A chacun des sept rapports de notre programme de travail, correspondra un blog citoyen, qui alimentera le travail des rapporteurs...

M. Louis Nègre. - C'est démocratique !

M. David Assouline, président. - J'essaie de changer les moeurs.

Mise en application des lois au 31 décembre 2011 - Examen du rapport

M. David Assouline, président. - Le rapport annuel sur le contrôle de l'application des lois est au coeur de notre mission. Je me suis engagé lorsque vous m'avez élu président de cette nouvelle commission, à honorer cette fonction « avec l'enthousiasme d'innover pour renforcer le rôle du Parlement et la volonté d'approfondir le travail législatif au service direct de la vie de nos concitoyens ».

Le Parlement qui, aux termes de l'article 24 de la Constitution, vote la loi, ne saurait rester indifférent à sa mise en oeuvre. Celle-ci relevant du pouvoir exécutif, pour que la volonté du législateur s'accomplisse pleinement, il doit se donner tous les moyens de contrôle, d'évaluation et d'alerte sur l'application concrète des lois, qu'il s'agisse de la production des règlements ou de la mise en place des moyens institutionnels, humains, et financiers nécessaires à leur effectivité dans la vie quotidienne des citoyens.

Assurer l'application de la loi, c'est renforcer la légitimité, la crédibilité de l'institution parlementaire et son bon fonctionnement. Dans ce moment de défiance vis à vis de la politique en général, voilà l'un des enjeux majeurs pour susciter et encourager la confiance en notre démocratie parlementaire. La revalorisation du rôle du Parlement passe par l'amélioration de l'effectivité des lois. C'est l'un des objectifs affichés par le Président du Sénat lors de la création de notre commission sénatoriale, d'autant que les collectivités locales sont en première ligne pour faire entrer la loi dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Toutes les démocraties sont confrontées au même défi. Les Parlements européens ont cherché à y répondre, de façon différente et avec des résultats inégaux. Nous étudierons au cours de l'année leur expérience afin d'en tirer le meilleur. En France, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a consacré la fonction de contrôle de l'action du Gouvernement dévolue au Parlement. Le contrôle de l'application des lois prolonge cette activité législative. En la matière, le Sénat dispose d'une certaine expertise, acquise depuis 1971. Chaque commission permanente suit l'application des lois qu'elle a examinées. Le recensement technique et l'éventuelle appréciation politique en sont retracés dans un bilan annuel présenté et débattu dans chaque commission. Ce processus vient de se terminer, un peu tardivement. Chaque année jusqu'alors, un rapport général pour la session parlementaire précédente était publié et présenté à la Conférence des présidents. Celui que je vous présente s'appuie sur cette expérience, mais il a vocation à aller plus loin.

Les sénateurs utilisent les instruments classiques de contrôle à leur disposition. Chaque année, de nombreuses questions orales et écrites sont posées sur la publication ou les retards de textes réglementaires. Les travaux des commissions permanentes, et notamment les rapports d'information, sont souvent l'occasion d'évaluer une législation et ses effets. L'année 2011 marque une étape fondamentale dans cette évolution, en raison de la décision historique du Sénat, le 16 novembre 2011, d'institutionnaliser le contrôle de l'application des lois, en créant cette commission. Assurant une représentation équilibrée des commissions compétentes au fond, c'est en lien étroit avec ces dernières qu'elle fera oeuvre utile.

Notre rapport annuel comprend le bilan effectué par chaque commission dans son domaine pour l'année législative qui s'achève, mais aussi pour l'ensemble de la législature. Il donne un tableau complet de l'application des lois adoptées définitivement au cours de la l'année parlementaire. Il brosse aussi le panorama général de la mise en application des lois depuis 1981, puisque des lois des années quatre-vingts n'ont toujours pas reçu leurs textes d'application. Si nous nous en tenons cette année à la démarche quantitative traditionnelle, à l'avenir, nous nous attacherons davantage aux aspects qualitatifs.

Nos calculs minutieux à partir des données fournies par le Gouvernement aboutissent à un taux d'application de 73 % pour la législature 2007-2012, soit un chiffre inférieur à celui que nous a annoncé le Secrétaire général du Gouvernement lors de son audition. Le débat en séance plénière la semaine prochaine nous permettra de comprendre cet écart statistique.

Notre commission, par son travail de veille, apporte un éclairage strictement indépendant, car elle dispose de son propre dispositif statistique, la base Apleg, nourri par les commissions et complémentaire à celui du Gouvernement, afin de garantir que l'ensemble des dispositions adoptées par le législateur trouve son entière application.

De ce constat divergent doit naître avec l'exécutif un dialogue ouvert, contradictoire, sur sa façon de gérer l'application des lois : comment comptabilise-t-il règlements, arrêtés, circulaires, rapports ? Quid des règlements non inscrits dans les échéanciers prévisionnels et dont la nécessité se révèle postérieurement à la promulgation de la loi ?

Les progrès accomplis l'an dernier se maintiennent : 21 lois antérieures à l'année parlementaire 2010-2011 ont été pleinement mises en application. Or elles affectent de manière importante la vie quotidienne des personnes concernées, comme celles relatives à la gendarmerie nationale, à l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, aux revenus du travail, aux assistants maternels et aux assistants familiaux, à l'absentéisme scolaire, à la profession d'agent sportif, à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Plusieurs autres ont reçu cette année presque tous les textes d'application prévus, telles les lois relatives à l'orientation de la formation professionnelle tout au long de la vie et au financement de la sécurité sociale pour 2010.

Nos statistiques de cette année portent sur la session ordinaire de l'année parlementaire (1er octobre 2010 - 30 juin 2011), ce qui peut être parfois un peu déconcertant, du fait de son décalage par rapport à l'année civile.

Au cours de la session ordinaire 2010-2011, 48 lois ont été promulguées (hors celles portant approbation de conventions et accords internationaux), soit 11 textes législatifs de moins qu'en 2009-#172;2010. Sur ce total, on dénombre 15 lois d'application directe et 33 lois prescrivant un suivi réglementaire, moins dense que les deux années précédentes : 540 mesures réglementaires prévues, contre 670 en 2009-2010, 615 en 2008-2009, 395 en 2007-2008 et 548 en 2006-2007.

8 lois ont reçu l'intégralité de leurs textes d'application, peu nombreux il est vrai (de une à six mesures), 21 lois ont été partiellement mises en application ; sur 4 lois encore non mises en application, c'est-à-dire n'ayant reçu aucun des textes réglementaires sur la petite vingtaine qu'elles prévoient, une seule a été adoptée définitivement pendant la session extraordinaire de juillet 2011.

346 mesures réglementaires sur les 540 prévues ont été publiées, soit 64 %, taux en apparence beaucoup plus élevé que l'année précédente (20 %), qui doit être apprécié au regard à la fois du changement de la période de référence et du faible volume de suivi requis par les lois adoptées définitivement du 1er avril au 30 juin 2011 (170 mesures), soit 31 % du total de l'année. Par rapport à l'année précédente, on constate une très nette progression du taux de publication des mesures réglementaires pour les lois examinées selon la procédure accélérée.

Depuis deux ans, des améliorations se manifestent : le Gouvernement s'est efforcé d'assurer un suivi plus rigoureux de la mise en application des lois. La circulaire interministérielle du 28 février 2008 a défini une méthode et des règles communes. Le 10 mars 2011, le ministre des relations avec le Parlement a mis en place un comité de suivi. Ainsi que M. Serge Lasvignes l'a exposé lors de son audition, le Secrétariat général du Gouvernement assure le suivi quotidien de l'application, la coordination et la relance des administrations pour la rédaction des mesures réglementaires d'application.

Déjà en ce domaine, il y a quelques années, le gouvernement Jospin avait stimulé les ministères par une circulaire du 26 janvier 1998 relative à l'étude d'impact des projets de loi et de décret en Conseil d'Etat, systématisée et modulée en fonction de l'importance des mesures proposées. Par la suite, l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit a fait obligation au Gouvernement de publier des rapports sur la mise en application de chaque loi six mois après son entrée en vigueur.

Ces résultats encourageants doivent être consolidés dans la durée. Le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui réunit régulièrement les directeurs des cabinets ministériels, s'est fixé comme objectif un taux de mise en application des lois atteignant 100 % pour toutes les lois adoptées définitivement jusqu'au 30 juin 2011. Ce taux devait être atteint fin janvier 2012.

Le Gouvernement publie deux bilans, l'un au 30 juin, l'autre au 31 décembre. De nouveau, il conviendrait de réfléchir à une organisation plus pertinente du calendrier fondée sur l'année parlementaire plutôt que sur l'année civile.

Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, ont incontestablement incité les ministères à une diligence accrue. L'Assemblée fournit un important travail : ses commissions ont publié, pendant l'année parlementaire 2010-2011, 12 rapports sur l'application de lois particulières. Un Comité d'évaluation et de contrôle se penche également sur les politiques publiques.

Le Sénat fait preuve d'une vigilance croissante pour contrôler la mise en application des lois. La procédure des questions orales ou écrites au Gouvernement a été largement utilisée en 2010-2011, soit pour obtenir des informations sur la publication de décrets, soit pour s'assurer de la conformité à la loi des textes réglementaires parus ou à paraître. L'organisation de débats au cours des semaines sénatoriales de contrôle a été aussi mise à profit, ainsi que les séances de questions cribles thématiques. Le 12 janvier 2011, un débat a été organisé en séance plénière sur « l'édiction des mesures réglementaires d'application des lois ».

Mais un bilan statistique ne suffit pas. Nous avons déjà débattu, en particulier lors de l'audition du Secrétaire général du Gouvernement, des graves dysfonctionnements qui nuisent à la mise en oeuvre effective des dispositions que nous adoptons. Ainsi, nous ne sommes pas informés des raisons de la non-publication des décrets ou arrêtés et des raisons de ces retards excessifs ; comme l'a rappelé le sénateur Patrice Gélard, lors de notre dernière réunion, il a fallu attendre les décrets d'application de la loi littoral pendant ... 18 ans !

Il arrive aussi que les décrets soient contraires à l'intention du législateur : le sénateur Jean Bizet a cité le cas de la composition du Haut conseil des biotechnologies en 2008. Nous connaissons le poids des normes réglementaires en matière d'urbanisme, car il faut plusieurs années pour mener à bien un projet - je m'interroge à cet égard sur les récentes annonces du Président de la République en matière d'urbanisme.

Quant au rôle des circulaires, le sénateur Jean-Claude Lenoir a cité le cas de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000 : le législateur avait fixé des règles pour les constructions en milieu rural. Les circulaires adressées aux directions départementales de l'équipement reprenaient non pas le texte de la loi mais celui du projet, que les fonctionnaires du ministère avaient rédigé. Elles donnaient donc des informations erronées aux services déconcentrés : il a fallu que le Parlement vote une proposition de loi, trois ans plus tard, pour les corriger ! Le Conseil d'Etat a même dû censurer des décisions administratives fondées sur des circulaires non publiées, partant non opposables !

De plus en plus fréquente, la législation par itération complique encore des dispositions difficilement compréhensibles. Modifier la loi pour l'améliorer un ou deux ans après son adoption revient à expérimenter par la loi en adoptant des textes que l'on sait pertinemment incomplets, au risque d'accentuer la confusion et de paralyser nos administrations.

Notre rapport présente sept cas concrets de lois promulguées durant les deux dernières législatures, concernant notamment le Grenelle de l'environnement, les personnes handicapées, la loi pénitentiaire qui feront l'objet de rapports de notre commission.

Devant cet immense chantier, notre commission a vocation à faire des recommandations, que nous élaborerons au fil des rapports thématiques. Je serai à l'écoute de vos suggestions. Parmi les premières propositions d'amélioration, il faudra s'engager, avec le Secrétariat général du Gouvernement, vers le suivi de l'échéancier de mise en application établi pour chaque loi par les ministères, en hiérarchisant, pour distinguer le coeur de chaque texte législatif de ses dispositions plus secondaires. On peut avoir 90 % de taux de mise en application, si le décret essentiel manque, les effets de la loi sont limités, voire nuls ! Les chiffres bruts nous obligent à aller chercher une information que le Gouvernement doit pouvoir nous fournir, afin que nous sachions où « mettre la pression ». Il convient que, lors de la discussion d'une loi, tous les paramètres utiles à son application soient présentés. Ces échanges en amont entre le Gouvernement et le Parlement doivent absolument devenir la règle. Le Sénat y veillera. Mon souhait est que notre travail serve d'aiguillon pour une meilleure mise en oeuvre des lois au service de nos concitoyens.

Notre rapport est assez complet. Je demanderai aux ministres de s'engager personnellement pour que notre système de contrôle devienne plus performant : il leur faut nous transmettre les données au moment même où elles leurs sont transmises. Soit par remontée directe des administrations, soit par l'intermédiaire de l'exécutif qui peut souhaiter les retravailler avant leur transmission. C'est l'indépendance de notre expertise qui est en jeu. Cette proposition nous donnera les moyens d'exercer un meilleur contrôle de l'application des lois.

Mme Muguette Dini. - L'on suit mieux un rapport aussi dense quand l'on dispose du texte de l'intervention comme cela se fait à la commission des affaires sociales : l'on n'a pas à chercher les chiffres dans le rapport lui-même.

M. David Assouline, président. - Nous avons une grande ambition mais l'on a des moyens limités. La compilation des données que les commissions nous ont transmises jusqu'à la fin de la semaine dernière a demandé un travail de titan ! Je n'ai pu apporter les dernières corrections à mon projet d'intervention que ce matin à 8 h 45. Nous ferons en sorte qu'à l'avenir, vous puissiez disposer du texte plus tôt.

Mme Anne-Marie Escoffier. - Il me semble au contraire que ne pas disposer d'un document écrit renforce l'attention et l'écoute, c'est là une règle pédagogique, qui est parfois oubliée ! Je vous remercie pour votre travail, mais j'ai été heurtée par le terme de « défiance » que vous avez employé au début de votre intervention. S'il s'applique aux données présentées par le Gouvernement, il me gêne, car la défiance a priori n'a pas à se substituer au contrôle qu'il nous revient d'exercer. Notre mission première est précisément de vérifier ce qui nous est donné et d'identifier les difficultés éventuelles.

Ce n'est évidemment pas tant le quantitatif qui me préoccupe que le qualitatif. Avec Mme Muguette Dini, nous allons étudier l'application de la réforme sur le crédit à la consommation. Nous allons voir, concrètement, sur le terrain, comment cela se passe. C'est la qualitatif qui importe à nos concitoyens. Nous devrons identifier les raisons pour lesquelles les décrets ne sont pas publiés, pourquoi les circulaires ne sont pas conformes à l'esprit de la loi, pour quels motifs apparaissent des situations qui n'ont pas été voulues par le législateur : c'est cela qui compte.

Tous les décrets d'application de la loi sur la gendarmerie nationale, dont j'ai été rapporteur, sont en place, parce qu'ils ont été élaborés parallèlement à la loi. Il appartient au législateur d'étudier l'impact des décrets en cours d'écriture. A vrai dire, un décret n'a pas été pris, parce que le Gouvernement s'est rendu compte que la rédaction de la loi le rendait inutile. Il y a des ajustements indispensables, lors de la mise en oeuvre de la loi, qui peut elle-même édicter les principes des décrets d'application.

M. David Assouline, président. - Nous avons un quiproquo sur le terme de « défiance », que j'ai employé, non à propos du Gouvernement, mais pour parler des citoyens face aux institutions. Le renforcement du contrôle de l'application des lois va accroître la confiance envers le législateur. Celui-ci montre qu'il ne se contente pas de poser des principes, mais qu'il veille à leur inscription dans les faits. A l'heure où l'on nous pose souvent la question « l'Europe et les marchés décident de tout, à quoi servez-vous ? », le contrôle de l'application des lois contribue à restaurer la confiance.

M. Louis Nègre. - Il est vrai qu'il n'est pas facile de vous suivre tout en recherchant dans le rapport les chiffres que vous avez cités...

Au risque de vous surprendre, je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec le principe de cette commission, l'esprit de sa création et de son travail, tel que vous l'avez exposé. Elle a un rôle important à jouer dans notre système démocratique, dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 2008, qui a cherché à conférer des pouvoirs supplémentaires au Parlement. Je n'ai aucun état d'âme quant au souci de donner au Parlement toute sa place dans le contrôle de l'application des lois. Cette mesure va dans le bon sens.

Il convient de vérifier ce que font les autres Parlements en Europe, voire aux Etats-Unis d'Amérique, en examinant en particulier les moyens mis à disposition dans ce domaine.

Ayant eu la chance d'accompagner un collègue sur le terrain pour vérifier l'application de la loi dont il avait été le rapporteur, je puis témoigner de l'effet produit, y compris sur le préfet, par la visite de missi dominici du Sénat. J'en déduis qu'au-delà des données quantitatives, c'est vraiment le qualitatif qui fait tout l'intérêt de notre mission. Nous devons faire de l'évaluation comparative, afin que le Sénat ne soit pas en retrait par rapport aux autres Parlements européens. Cela vaut quels que soient la majorité parlementaire et le Gouvernement !

Vous avez évoqué la défiance. Page 98 du projet de rapport, je lis : « il ne s'agit plus de se contenter, de la part du Gouvernement, à quelques rares moments de l'année, de communications solennelles sur des bilans statistiques figés, davantage destinés à des brochures de communication », ou encore « il ne s'agit plus d'espérer pendant des années la parution de fantomatiques rapports du Gouvernement au Parlement sans relancer inlassablement, jour après jour, le ministère concerné ». Diable ! Ces propos n'expriment aucune défiance ! Je préfère le ton de votre conclusion : « l'année parlementaire 2010-2011 devrait pouvoir marquer un nouveau départ avec le lancement d'une coopération quotidienne, spontanée et de fond entre le Gouvernement et le Parlement ». J'en accepte l'augure ! Voilà qui va dans le bon sens, celui d'un travail efficace.

Mme Claire-Lise Campion. - Je tiens à mon tour à vous remercier : notre travail s'annonce passionnant. Je me souviens des débuts de mon mandat parlementaire : nous avions la chance de travailler moins dans l'urgence, les décrets étaient déjà prêts ou en préparation au moment de l'examen de la loi ; nous, parlementaires, nous pouvions échanger avec les membres des Gouvernements et leurs cabinets sur l'accompagnement des textes votés. S'en inspirer serait une excellente chose ! Il s'agit en effet de restaurer une pleine confiance, en accomplissant un travail de meilleure qualité. Il n'est pas possible d'entendre que les rapports que nous demandons au Gouvernement sont trop nombreux et ne servent à rien. Ce n'est pas vrai ! Si nous les demandons, c'est que nous les estimons nécessaires ! Oui, il en va de la confiance de nos concitoyens.

Nous imaginons ce que vont nous dire ceux que nous allons consulter de l'application, au niveau national, comme dans les départements, de la loi sur le handicap sur laquelle nous allons travailler. Pour démontrer que notre travail est indispensable et utile, nous devons faire en sorte que la volonté politique se traduise concrètement dans la vie quotidienne. Tel est notre rôle et c'est une très bonne chose.

M. Claude Dilain. - Nous sommes tous convaincus de l'importance de notre commission et de son travail. Certes, nous ne pouvons nous contenter du quantitatif. Nous devons aller vers le qualitatif, tout en analysant les retards et les dysfonctionnements, loi par loi, comme cela est fait dans le rapport et non seulement commission par commission, mais aussi ministère par ministère. J'ai été frappé, d'après les données que nous a communiquées le Secrétariat général du Gouvernement, que le ministère de la ville soit le plus mauvais élève. Est-ce par absence de volonté politique ou par insuffisance de moyens administratifs ? Seule une analyse précise, par ministère, nous apportera la réponse.

Mme Dominique Gillot. - Je partage beaucoup de ce qui vient d'être dit. Il faut distinguer le contrôle de l'application des lois de l'évaluation de l'application des lois. Au moment de leur élaboration, sont définis des objectifs, que retracent les études d'impact. Ainsi les lois touchant à la politique de la ville poursuivent-elles plus d'un objectif. Elles sont multidimensionnelles. C'est pourquoi il est si important de disposer au départ d'une étude d'impact. Si nous voulons accomplir un travail efficace et prospectif, il faut aller vers une évaluation des lois, afin de s'assurer que la lettre en respecte l'esprit, ce qui n'est pas sans conséquence sur son interprétation. Il peut exister une trahison « de bonne foi », si j'ose dire, dans la transcription de la loi, lorsque les décrets et circulaires ne sont pas pris en même temps que la loi. Nous en avons vu l'exemple, à propos de la loi de 2006 sur le séjour des étrangers, que la circulaire du ministre de l'intérieur de 2011 sur les étudiants étrangers contredit complètement !

M. David Assouline, président. - Le rapport qui vous a été distribué est un document de travail. Vos observations y seront intégrées à travers le compte rendu de cette réunion. Je ne souhaitais pas que le constat des efforts du Gouvernement le transforme en un concert de remerciements et de félicitations, il ne s'agit pas de ce Gouvernement en particulier, d'autant que nous allons probablement bientôt passer à autre chose...Il faudra toujours contrôler et critiquer l'action du Gouvernement, en jouant un rôle d'aiguillon ! Dans l'exercice de sa fonction de contrôle, le Parlement doit toujours demander plus et mieux ! Je souligne que le Gouvernement a fait de réels efforts ces deux dernières années, mais aussi, ce que le Secrétaire général du Gouvernement n'a pas contesté, il existe des insuffisances de nombreux rapports de mise en application des lois qui se contentent de mentionner en quelques lignes les décrets publiés ou non. Il y a là une situation qui perdurera. La gauche n'a pas été meilleure, parce que le problème tient au parlementarisme français. Il a été accentué par la Vème République, où l'exécutif occupe tant de place que les assemblées ont été trop souvent transformées en chambres d'enregistrement. La question même du contrôle a été posée : « ne légiférons pas de façon trop précise pour laisser au Gouvernement une latitude d'interprétation » ! Ne pas créer de difficultés à l'exécutif pour traduire les lois en actes, certes, mais transposer la volonté du législateur n'est pas dans notre culture ! Notre volonté de revaloriser le rôle du Parlement est une conviction partagée.

M. Louis Nègre. - Je souhaite qu'il joue tout son rôle !

M. David Assouline, président. - Nous atténuerons les formulations que vous avez relevées ! Nous allons voter sur l'esprit général du rapport, plutôt que sur le détail de sa rédaction.

M. Louis Nègre. - Je ne peux voter un rapport que je viens de recevoir. Je m'abstiens.

M. David Assouline, président. - De même que vous vous abstenez sur les avis budgétaires, qui ne sont pas publiés ni distribués avant que le rapporteur pour avis les expose ? La confiance viendra en son temps ! Pour l'heure, votre abstention suffit.

M. Jean-Claude Lenoir. - M. Louis Nègre a dit ce que je voulais dire. Je n'ai pu lire le rapport que de manière cursive. Il me paraît globalement intéressant. Je m'abstiens également.

M. David Assouline, président. - C'est presque normal !

Le rapport est adopté.