Mercredi 30 mai 2012

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

La commission procède à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur les rapports relatifs à la certification des comptes de l'Etat et à l'exécution budgétaire de 2011.

M. Philippe Marini, président. - Le Premier président de la Cour des comptes, que nous avons le plaisir d'accueillir sous le feu des projecteurs, est venu nous faire part des conditions de certification des comptes de l'État pour l'exercice 2011. Ce rôle important, que la haute juridiction tient de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), est assimilable à celui d'un commissaire aux comptes. Institution indépendante, elle l'exerce en totale transparence : ses travaux, qui sont présentés aux commissions des finances des deux assemblées, ont un caractère intégralement public.

Ensuite, M. Migaud évoquera l'exécution budgétaire de 2011. Sont concernés les seuls comptes de l'État, et non ceux des administrations publiques. Cela étant précisé, l'excellent rapporteur général de la commission des affaires sociales a toute sa place parmi nous. Les finances publiques doivent, dans une large mesure, faire l'objet d'une vision coordonnée et consolidée pour apprécier leur soutenabilité. Au reste, il est le seul rapporteur général parlementaire ici présent, puisque nous avons eu la tristesse et la joie de perdre la nôtre. Appelée au Gouvernement, elle continue de remplir ses fonctions en qualité de sénatrice durant le délai légal d'un mois. De là une situation pour le moins inhabituelle : notre commission siège sans rapporteur général.

« Résultats et gestion budgétaire de l'État pour l'exercice 2011 », ce n'est pas encore l'audit... Néanmoins, ce rapport n'en constitue-t-il pas la base ? De fait, on ne saurait auditer les prévisions de 2012 et de 2013 sans revenir à la réalité budgétaire de 2011. C'est dire l'importance de l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Merci pour ces paroles de bienvenue, venir devant votre commission est un plaisir renouvelé.

La discrétion étant de mise en période électorale, la Cour des comptes n'a publié aucun document de sa propre initiative depuis le 1er mars dernier, manière de laisser place au débat démocratique. La LOLF nous conduit néanmoins à présenter au Parlement l'acte de certification des comptes de l'État ainsi que le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État. Ces deux synthèses sont adoptées par la formation interchambres permanente que Raoul Briet préside depuis sa prise de fonctions en mars.

Ce rendez-vous est le premier d'une série qui donnera à la Cour l'occasion de dresser un panorama complet de la situation de nos finances publiques. Il sera suivi d'une présentation du rapport sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale le mois prochain, puis du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Si ce dernier est traditionnel en ce sens que la LOLF le prévoit, il comportera, cette année, des analyses approfondies sur les années 2012 et 2013 afin de répondre à la demande du Gouvernement. Je mesure les attentes exprimées à l'égard de cet audit et la responsabilité, qui est celle de la Cour, d'y répondre en apportant toutes les garanties d'indépendance et de neutralité, de précision et de pertinence. Soyez certains que, le moment venu, la Cour délivrera un message clair et impartial sur les enjeux du redressement des comptes publics.

Le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État consiste à mettre en regard l'exercice budgétaire de 2011, qui est clos, et les prévisions de la loi de finances initiale, celles des quatre lois de finances rectificatives et les dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2013. S'il évoque des opérations susceptibles d'emporter des effets sur les prochains exercices, il vise d'abord à éclairer le débat sur la loi de règlement pour 2011. Pas moins de soixante analyses détaillées par mission budgétaire lui sont annexées. Fait nouveau, celles-ci sont intégralement publiées sur notre site Internet qui vient de faire peau neuve.

Quant à l'acte de certification, il porte sur la comptabilité générale de l'État. Cette comptabilité en droits constatés est distincte de la comptabilité budgétaire, par encaissements et décaissements, analysée dans le rapport sur l'exécution budgétaire. Cet acte, lui aussi, ne porte que sur les comptes de 2011, bien qu'il contienne des éléments sur le provisionnement de certains risques durables pouvant affecter les exercices ultérieurs.

C'est donc en juin, et seulement alors, que la Cour délivrera son analyse sur l'état des finances publiques. Ce sera l'occasion de mettre en évidence l'ampleur des efforts à consentir pour tenir la trajectoire de réduction des déficits sur laquelle le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés. Aujourd'hui, je m'en tiendrai à planter le décor.

D'abord, l'exécution budgétaire de 2011 est marquée par l'amélioration réelle et incontestable du solde budgétaire. Et ce, pour la première fois depuis 2007. Cette évolution était attendue, les dépenses budgétaires exceptionnelles qu'ont constituées le plan de relance, les investissements d'avenir et la réforme de la taxe professionnelle venant à leur fin. En 2011, le déficit du budget de l'Etat s'élève à 90,72 milliards d'euros. Il représente 4,55 % du PIB, contre 7,70 % en 2010, ce qui est conforme à la prévision de la loi de programmation et du programme de stabilité. Ainsi, l'État, qui est l'une des trois composantes du déficit public avec les collectivités territoriales et la sécurité sociale, a rempli ses objectifs.

L'amélioration, si l'on neutralise l'effet des dépenses exceptionnelles en 2010, s'élève plutôt à 14 milliards que 58 milliards. Nous la devons au fait que l'objectif de redressement a constamment sous-tendu la programmation et l'exécution budgétaire. La loi de programmation actuelle, contrairement à la première, mise entre parenthèses en raison de la crise, a guidé la construction du budget voté en loi de finances initiale. Surtout, en dépit des aléas de la conjoncture économique, les lois de finances rectificatives se sont efforcées de ne pas dégrader la prévision de déficit. Des annulations de crédit ont compensé les abondements de crédit ; les mesures fiscales sont venues augmenter le produit des impôts, non le réduire.

Pour autant, la vigilance s'impose quand le déficit de 2011 est très supérieur aux niveaux atteints avant la crise : 34,4 milliards de plus qu'en 2008 et 52,3 milliards de plus qu'en 2007. Si la part des collectivités territoriales et, surtout, celle des régimes de sécurité sociale dans le déficit public ne variaient pas, le déficit de l'État en 2011 resterait près de deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser le poids de la dette publique dans le PIB, soit 2,6 % environ. Un constat qui illustre combien la dégradation du solde budgétaire au cours des derniers exercices, qu'elle soit liée à la crise, aux initiatives budgétaires et fiscales ou aux deux à la fois, a durablement affecté une situation détériorée par un déficit structurel vieux de trente ans. Cela impose des efforts de redressement très importants et continus pour sortir notre pays de la zone dangereuse dans laquelle il est entré. Il faudra non seulement stabiliser, mais aussi réduire l'endettement.

Ensuite, parce que chaque exercice est caractérisé par de bonnes et de mauvaises surprises, 2,5 milliards d'euros d'éléments exceptionnels ont amélioré le solde de 2011. A ce stade, nul ne sait s'ils s'inverseront en 2012. Toujours est-il ce que, sans être considérables, ils ont permis le respect de la trajectoire.

L'amélioration du déficit repose essentiellement sur un redressement des recettes fiscales de 16 milliards d'euros si l'on neutralise l'impact de la réforme de la taxe professionnelle. Cela confirme le rebond observé en 2010. Toutefois, le niveau de ces recettes demeure inférieur de 12 milliards en euros courants à celui atteint avant la crise.

Deuxième constatation, les dépenses sont maîtrisées, quoique les objectifs de réduction restent lointains. La progression des dépenses du budget général a nettement ralenti puisque, hors plan de relance et investissements d'avenir en 2010, elle a atteint 0,32 %, soit un taux sensiblement inférieur à l'inflation de 2,1 %.

Conformément à la loi de programmation, ont été appliquées au budget 2011 la norme « zéro volume », qui impose aux dépenses du budget ainsi qu'aux prélèvements sur recettes une progression au plus égale à l'inflation, et la norme « zéro valeur », plus stricte en ce qu'elle prescrit une stabilisation des dépenses en euros pour le même périmètre, hors charge de la dette et pensions. Si les périmètres sont trop restreints et les normes contournées par les dépenses fiscales ou les débudgétisations, l'outil a indéniablement contribué à la maîtrise de la dépense. Le résultat est méritoire quand certaines composantes sont très dynamiques. Je pense, en particulier, à la charge de la dette qui a augmenté de 5,2 milliards par rapport à 2010 - c'est dire la sensibilité de notre pays à son endroit.

Pour parvenir à l'objectif d'une consolidation budgétaire durable, la maîtrise des dépenses publiques devra être encore plus résolue sur les champs que la loi de programmation désigne comme prioritaires : les dépenses de personnel, les dépenses fiscales, les dépenses d'intervention et les dépenses destinées aux opérateurs de l'État.

La progression quasi-mécanique des dépenses de personnel a fortement ralenti en 2011, notamment parce que la masse salariale a augmenté de 0,48 % seulement. Il y a deux lectures de ce chiffre : l'une, optimiste, fera valoir qu'il s'agit de la plus faible progression depuis des années ; l'autre, pessimiste, soulignera l'importance de ce chiffre malgré la diminution des effectifs de 32 000 emplois en 2011 et le gel du point d'indice. Trois raisons expliquent ce paradoxe apparent : le coût du retour catégoriel, - qui a représenté dans certains ministères davantage que la moitié des économies générées -, l'impact mécanique du « GVT positif », - c'est-à-dire des avancements de carrière -, la croissance des heures supplémentaires, principalement dans l'Education nationale. La réduction en valeur de la masse salariale, que la loi de programmation évoque pour 2013, sera très difficile à atteindre.

D'autant que les dépenses de pensions restent dynamiques, avec une augmentation de 1,8 milliard d'euros sur le programme du compte d'affectation spéciale. Les réserves accumulées des exercices précédents ont été réduites, puisque l'on a décidé de ne pas augmenter le taux de contribution de l'État employeur en 2011. Le même choix ayant présidé à la loi de finances initiale pour 2012, le fonds de roulement sera consommé à brève échéance. Pour le reconstituer, l'Etat, dès 2013, devra consentir une hausse significative de sa contribution. Preuve, s'il en est, que certaines décisions peuvent affecter les dépenses futures.

S'agissant des dépenses fiscales, leur coût a diminué de 800 millions d'euros en 2011 par rapport à 2010. Il reste cependant supérieur de 1,9 milliard au niveau de 2009. Ce résultat repose sur des mesures décidées en 2009, ce qui témoigne du temps nécessaire pour inverser la dynamique spontanée des dépenses fiscales. Cet effort ne suffira pas, les dépenses affichant une croissance spontanée souvent soutenue et au-delà des estimations du Gouvernement. Surtout, la stratégie de réduction des dépenses fiscales ne repose pas assez sur l'évaluation de leur efficacité. J'y reviendrai.

La loi de programmation affiche l'objectif très ambitieux de réduire de 10 % les dépenses d'intervention à l'horizon 2013 par rapport à 2010. En réalité, le but était de stabiliser les dépenses de guichet et de réduire les dépenses discrétionnaires. A cette aune, l'exécution de 2011 est conforme aux prévisions de la loi de finances initiale. Cependant, elle traduit, tout au plus, une stabilisation en volume en comparaison de 2010. De surcroît, les modifications de périmètres empêchent toute mesure précise. Parallèlement, de nombreux dispositifs de guichet connaissent, depuis plusieurs exercices, une substantielle croissance spontanée, en particulier les bourses d'enseignement supérieur, l'allocation temporaire d'attente ou encore l'aide médicale d'État. Pour stabiliser durablement les dépenses d'intervention, il faudra en passer par des réformes structurelles et modifier les conditions d'attribution des ces droits.

Enfin, sur l'application des règles transversales aux opérateurs de l'État, il est difficile de conclure quand les universités ayant accédé à l'autonomie, qui reçoivent près de la moitié des crédits alloués aux opérateurs, ont été dispensées de cet effort. Mission par mission, nombreux sont ceux qui ont fait l'objet d'un traitement sur mesure, ce qui pouvait se justifier dans certains cas. Autre difficulté, l'absence de données consolidées, fiables et calculées à périmètre constant. Toutefois, si l'on s'attache aux seules subventions pour charge de service public, l'hypothèse que les dépenses continuent de progresser, comme c'est la tendance depuis le milieu des années 2000, est la plus probable : à périmètre constant, elles ont augmenté de 1 milliard par rapport à 2010.

Troisième observation, les outils de pilotage et d'évaluation des dépenses manquent. Or ils sont indispensables pour suivre l'application de la loi de programmation. La loi ne définit pas les dépenses fiscales, la Cour le déplore régulièrement. Résultat, 62 milliards de dispositifs ne sont pas répertoriés officiellement, un montant équivalent au coût des dépenses fiscales figurant effectivement dans la liste.

Les plafonds d'emplois des opérateurs sont intrinsèquement fragiles. Leur contrôle est tardif et incertain. Et la perpétuation des emplois hors plafond, notamment dans l'Education nationale, ne garantit pas la maîtrise des dépenses de personnel.

Certains crédits ouverts en loi de finances initiale sont manifestement sous-évalués, ce qui pose question au regard du principe de sincérité budgétaire. Il s'agit notamment des bourses étudiantes et des dépenses d'asile.

Cette situation appelle des évolutions rapides. Au cours de la phase contradictoire, la direction du budget a dit travailler à une cartographie précise et opérationnelle des dépenses par sous-ensembles cohérents susceptibles de constituer les briques d'une programmation optimisée. Nous serons particulièrement attentifs à l'avancement de ces travaux.

En outre, la stratégie de maîtrise des dépenses repose très majoritairement, pour ne pas dire exclusivement, sur des normes transversales appliquées à des périmètres donnés. Si une telle approche est nécessaire, l'évaluation et la performance ne sont pas un accessoire de luxe. Elles doivent être mobilisées dans une perspective opérationnelle. Or elles sont peu prises en compte, comme le montre le bilan d'une décennie d'application de la LOLF, pour la programmation des crédits. Idem pour la politique de réduction des niches sociales et fiscales et des dépenses d'interventions. Ont été modifiés, non les cibles prioritaires, mais les dispositifs qui pouvaient être réduits parce que peu rigides.

La Cour, dans son rapport sur le bilan de la LOLF, rappelait l'un des objectifs de la loi organique : réhausser l'importance de la loi de règlement en faisant des résultats des politiques publiques des juges de paix pour l'allocation de la dépense l'année suivante. Cela ne s'est pas produit.

M. Philippe Marini, président. - Nous pouvons espérer !

M. Didier Migaud. - La Cour proposait également l'institution d'une loi de résultat unique, portant sur l'État et la sécurité sociale, débattue en juin. L'observation conserve toute son actualité.

M. Philippe Marini, président. - Absolument !

M. Didier Migaud. - Dans son rapport sur l'exécution budgétaire de 2011, la Cour formule dix-sept recommandations susceptibles d'améliorer la qualité de la gestion budgétaire. Sur les trente recommandations de l'an passé, seize ont été, totalement ou partiellement, mises en oeuvre, douze ne l'ont pas été, deux sont devenues sans objet. Pour la première fois, la Cour en publie un suivi complet cette année.

Dans un contexte de crise persistante, l'exercice budgétaire 2011 traduit l'amorce d'une stratégie de consolidation budgétaire qu'il faudra poursuivre et amplifier au cours des exercices suivants pour tenir la trajectoire. L'exercice sera difficile compte tenu des fragilités relevées, il devra s'appuyer sur des outils plus fiables et un recours plus systématique à l'évaluation.

J'en viens à l'acte de certification des comptes, le sixième depuis la promulgation de la LOLF, auquel la qualité des outils n'est pas une question étrangère. Cet exercice apporte une assurance raisonnable sur la sincérité des états financiers. Peu d'État dans le monde et dans la zone euro se soumettent ainsi au contrôle d'un auditeur externe, qui participe de la transparence financière due aux parlementaires, aux citoyens, et aux investisseurs.

La comptabilité générale est fondamentale pour apprécier l'évolution des passifs et des engagements de l'État ainsi que celle de ses actifs, au-delà de l'annualité budgétaire. Par exemple, les provisions pour risques et charges, qui s'établissent à 114 milliards d'euros en 2011, recouvrent des enjeux divers, du versement des primes des plans et contrats épargne logement, à l'indemnisation des victimes civiles de guerre et des anciens combattants en passant par les versements aux collectivités locales au titre du FCTVA. Elles donneront lieu à des décaissements futurs, qui ne sont pas pris en compte dans l'exécution budgétaire de 2011. Autre point, les engagements hors bilan de l'État dont un tableau synthétique retracera pour la première fois les principaux traits à notre demande.

La Cour certifie que le compte général de l'État de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et arrêté le 10 mai 2012 est régulier, sincère et fidèle. Cette certification est délivrée sous sept réserves substantielles, comprenant soixante-et-onze points significatifs d'audit, contre soixante-six au 31 décembre 2010.

Aucune des sept réserves substantielles que la Cour avait formulées sur les comptes de 2010 n'est levée cette année, quoique des progrès aient été constatés sur la comptabilisation du patrimoine immobilier de l'Etat ainsi que des améliorations ponctuelles. Elles portent respectivement sur les systèmes d'information, les dispositifs de contrôle interne et d'audit interne, les produits régaliens, les passifs d'intervention et autres passifs non financiers, les actifs et passifs du ministère de la défense, les participations et les autres immobilisations financières et le patrimoine immobilier.

Deux d'entre elles se sont alourdies cette année. D'abord, nous avons étendu la réserve relative aux passifs d'intervention aux autres passifs non financiers et aux engagements hors bilan. Concernant les passifs d'intervention, la ministre des comptes publics a pris, en avril 2012, un arrêté modifiant la norme applicable, ce qui les diminuera sans modifier la réalité des engagements. Pour mémoire, les provisions pour charges de transfert s'élèvent à 85 milliards d'euros au 31 décembre 2011, soit 2 milliards de plus qu'en 2010. L'enjeu est majeur quand le montant des charges d'intervention est globalement du même ordre que les charges de fonctionnement de l'État au compte de résultat. Autre motif de cette réserve, le manque récurrent d'exhaustivité dans le recensement des passifs et engagements hors bilan, notamment des garanties apportées par l'État. La Cour, qui attend une évolution ferme de l'administration sur ce sujet en 2012, prend acte de l'engagement pris par le directeur général du Trésor de se doter des outils nécessaires.

Ensuite, la réserve relative aux immobilisations financières. Le problème vient d'un désaccord sur le statut des établissements publics de santé. Pour l'administration, ceux-ci ne sont pas contrôlés, au sens comptable du terme, par l'État. Pourtant, depuis la loi HPST, ils sont soumis à la tutelle des agences régionales de santé. La certification des comptes des hôpitaux reste donc à mettre en oeuvre.

Le bilan de l'État au 31 décembre 2011 fait apparaître une dégradation de la situation patrimoniale nette de l'État de près de 70 milliards : le passif net de l'État augmente plus rapidement que son actif net. La cause principale en est le déficit budgétaire et l'augmentation de la dette financière.

Quelques mots de l'effet de la crise grecque sur les comptes de l'État. Outre sa contribution au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au Mécanisme européen de stabilité (MES), l'État français a consenti un prêt bilatéral à l'Etat grec de 11,4 milliards inscrit à l'actif de son bilan. Ce prêt n'a pas été déprécié, pour des raisons expliquées par le directeur général du Trésor dans un courrier du 24 avril 2012. Le compte général de l'Etat, arrêté au 10 mai 2012, ne tient pas compte des derniers développements. Il conviendra, au cours de l'année 2012, d'être vigilant sur la valeur de ce prêt.

Pour conclure, la bascule de la comptabilité générale de l'État dans Chorus au 1er janvier 2012 a nécessité d'importants travaux préparatoires. Cette étape étant franchie, reste à s'approprier progressivement l'outil et à mettre en place trente-six contrôles internes appropriés. Il contribuera à l'organisation d'une fonction financière et comptable plus cohérente, nécessaire à une retranscription comptable sincère et fidèle de la réalité des opérations, des engagements et des risques qui pèsent sur l'ensemble complexe et mouvant que forment l'État et ses participations.

S'agissant de la certification, la dynamique d'amélioration de la qualité des comptes de l'État, engagée en 2006, a connu un ralentissement marqué en 2011. Si ce mouvement devait se poursuivre, la Cour, qui avait pris le parti d'une démarche d'accompagnement en 2007, ne s'interdirait pas de se déclarer incapable de certifier les comptes. Mais nous n'en sommes pas là !

M. Philippe Marini, président. - Merci de cet exposé synthétique. Je m'en tiendrai à quelques questions de méthode pour lancer le débat.

La certification est une affaire de confiance absolument essentielle. Pour les investisseurs, les opinions et analyses de la Cour sont solides et irremplaçables. Ne risque-t-on pas, les mesures les plus faciles ayant été prises, de voir la Cour reproduire, année après année, les mêmes réserves substantielles ? Si tel était le cas, quel sens donner à la certification ?

La difficulté à recenser les garanties de l'État étonne notre commission, chacune de ces garanties ayant une base législative. Est-ce à dire que l'on s'est passé, pour certaines d'entre elles, de l'aval du Parlement ? Dispose-t-on d'une estimation du gain que représente la rémunération de ces garanties ?

Le rapport sur l'exécution budgétaire se réfère à la loi de programmation sans évoquer l'article 15, introduit à l'initiative du Sénat, créant un dispositif qui s'apparente à une « loi de règlement du programme de stabilité ». La Cour entend-elle examiner cette question dans son rapport du mois de juin ? Cet aspect est très important : l'exécution est conforme à la loi de programmation ; en va-t-il de même pour le programme de stabilité ? Quelle méthode utiliserez-vous pour aborder ce point ?

En matière d'outils de pilotage, puisque vous insistez à juste titre sur la maîtrise des dépenses, ne faudrait-il pas, pour apprécier l'ampleur des efforts à réaliser, mieux connaître la tendance spontanée de leur évolution ? Comment est-elle calculée pour chaque catégorie de dépense ? Le Gouvernement n'a jamais communiqué explicitement sur cette donnée.

La stratégie générale de maîtrise de la dépense doit s'appuyer, vous l'avez indiqué à maintes reprises, sur la mesure de l'efficacité. On ne peut que vous suivre : à quoi bon tous ces indicateurs si l'on ne s'en sert pas ? Cela dit, cette approche, dirait un esprit mal tourné, est peut-être le meilleur moyen de ne pas faire d'économies, chaque administration et chaque catégorie de bénéficiaire cherchant à montrer que sa dépense est la plus efficace. Qui peut apprécier, de manière neutre, l'adéquation des indicateurs à leurs fonctions, si ce ne n'est, d'un côté le Parlement et, de l'autre la Cour ? Si l'on devait utiliser ces indicateurs comme élément d'arbitrage budgétaire, que faudrait-il faire : récompenser les bons élèves ou ceux dont les moyens n'étaient pas à la hauteur de la tâche ? Faire de la performance une technique de l'allocation des fonds n'est évidemment pas simple. Quels conseils la Cour peut-elle nous donner à ce sujet ?

En matière de dépenses, vous n'avez évoqué ni la réserve de précaution ni les investissements d'avenir. Sans doute comptez-vous le faire en juin ?

La Cour, dans son rapport, relève une augmentation des reste-à-payer. Ils s'établissent à 86 milliards d'euros fin 2011, soit l'équivalent de 30 % des dépenses nettes du budget général. Pouvez-vous détailler quels ministères recourent le plus à ces facilités et sur quel type de dépenses ces reports portent-ils ? Ce serait dommage de les voir se recréer après les efforts difficiles consentis pour les réduire.

Vous n'en voudrez pas aux sénateurs d'être attentifs aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales... Le compte d'avance aux collectivités territoriales enregistre un écart de plus de 5 milliards d'euros entre l'excédent prévu en 2010 et l'excédent réalisé. La comptabilisation des remboursements et dégrèvements de la réforme de la taxe professionnelle ne prend pas en compte l'écrêtement de la CVAE si bien que 560 millions d'euros auraient totalement disparu. Pouvez-vous nous éclairer ?

Notre analyse est convergente sur les dépenses fiscales. Cela dit, renforcer l'application de la norme « zéro valeur », comme vous le préconisez dans votre rapport, est-ce vraiment réaliste dans une période comme la nôtre ?

J'en reste là. Les uns feront certainement valoir que le Gouvernement qui vient de rendre son tablier a tenu ses objectifs. Les autres mettront en avant les menaces et les risques qui pèsent sur la gestion qui commence. La Cour, instance neutre, indépendante et collégiale qui joue un rôle essentiel en cette période de transition, éclairera notre lanterne.

M. Didier Migaud. - Quelques questions de méthode, disiez-vous. Quelle modestie !

S'agissant de la certification, la Cour a proposé à Bercy, dès le début, une démarche constructive, estimant que nous avions un intérêt réciproque à la transparence. Beaucoup de progrès ont été accomplis, j'insiste sur ce point, y compris sur l'immobilier de l'État, sans que cela suffise pour lever nos réserves. Il importe de continuer, ce qui nous permettra d'élargir et de renouveler nos diligences. Poursuivons cette démarche

M. Philippe Marini, président. - Elève en progrès, peut mieux faire !

M. Didier Migaud. - D'autant que 2011 n'a pas été la meilleure année : une stagnation, voire un petit recul sur certains points. D'où mon observation finale : le nombre de réserves n'est pas fixé ne varietur, à la hausse comme à la baisse.

Concernant le programme de stabilité, rares sont les situations où notre pays l'a respecté.

La rationalisation des choix budgétaires et le travail sur une meilleure maîtrise des dépenses ne sont pas des exercices totalement aboutis, même si des progrès sont à noter cette année. Les règles sont nécessaires, les normes sont utiles. Néanmoins, elles ne suffisent pas quand les dépenses fiscales ou le transfert sur les opérateurs permettent de les contourner. D'où la proposition d'élargir le périmètre et de passer les dépenses fiscales et les niches au tamis de l'efficacité et de la justice, nous y reviendrons en juin et en septembre. Il est tout à fait possible de respecter un objectif de diminution des dépenses fiscales et de réduction des niches en s'appuyant sur les travaux d'évaluation menés par la Cour et l'IGF, quoique l'exercice, je le reconnais, ne soit pas des plus aisés.

Les outils de pilotage sont indispensables. L'important est de s'y tenir, sauf exception majeure. A crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles, pourvu qu'on trouve le bon équilibre entre préparation de l'avenir et redressement des comptes, une tâche qui revient aux politiques.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. - Deux raisons au manque d'exhaustivité dans le recensement des garanties : outre que certaines ont été accordées avant la LOLF, l'administration peine à retracer les textes réglementaires qui permettent de cerner l'importance du champ auquel s'attachent les garanties accordées sur autorisation parlementaire après la LOLF. Le directeur général du Trésor s'est formellement engagé en avril à mettre en place un outil de suivi interministériel et centralisé.

Les 86 milliards de reste-à-payer correspondent à des autorisations d'engagement techniquement consommées sans que les crédits de paiement correspondants l'aient été. Cette forte croissance s'explique, pour partie, par l'allongement des contrats et le recours accru aux partenariats public-privé (PPP). On ne peut reprocher à l'État d'appliquer strictement la comptabilité des engagements. En revanche, ce phénomène rigidifie la programmation des crédits dans les années à venir, ce qui est préoccupant. Cela vaut pour la loi de programmation militaire et les infrastructures de transport. Nous détaillerons ce point dans notre prochain rapport.

S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, nous avions manifesté notre étonnement l'an dernier de voir le compte d'avances aux collectivités territoriales présenter un solde excédentaire imprévu. Objectivement, et cela rejoint nos observations sur la mauvaise comptabilisation des produits régaliens, le système d'information de la DGFiP n'est pas assez complet : il retrace seulement le recouvrement, et non le fait générateur ou le millésime. Seule la DGFiP peut faire la lumière sur ce sujet.

M. François Marc. - Le travail fourni et précis de la Cour éclaire utilement nos débats sur les grandes questions financières et budgétaires à venir. Pour ma part, je retiendrai trois chiffres. Le premier, une amélioration du solde budgétaire de 14 milliards, et non de 58 milliards comme l'annonçait avec grand fracas la précédente ministre du budget. Autrement dit, nous aurons à fournir de gros efforts. Côté recettes, 12 milliards manquent par rapport à 2007. La crise y est sans doute pour quelque chose. J'y vois surtout les conséquences dramatiques de la décision de réduire les recettes au moment même où nous avions besoin de ressources afin de mener des politiques ambitieuses pour la France. Enfin, la charge de la dette progresse de plus de 5 milliards d'une année sur l'autre ; nous aurons l'occasion d'en reparler.

L'incapacité à mesurer le dispositif d'écrêtement de la CVAE est inquiétante. Elle révèle, au fond, une forme de carence de la comptabilité publique. Comment améliorer les circuits comptables ?

Les dépenses fiscales, qui s'élèvent à 62 milliards, connaissent une croissance spontanée. Je continue de m'interroger sur les raisons pour lesquelles le précédent gouvernement a préféré ignorer le rapport Guillaume. Quelles sont les préconisations de la Cour à ce sujet ?

S'il n'appartient pas à la Cour d'indiquer les postes sur lesquels réaliser des économies, peut-être dispose-t-elle d'une boîte à outils dans laquelle seraient identifiés les principaux leviers à actionner pour peser sur la dépense ?

Le programme d'investissement d'avenir n'a-t-il pas consisté en un habillage de dépenses classiques, financées en dehors de la norme de dépenses ? Du window dressing, en quelque sorte.

Enfin, quels sont les gains de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ? La Cour, contrairement à nous, dispose peut-être d'une analyse à ce sujet.

M. Didier Migaud. - L'amélioration du solde budgétaire, si l'on neutralise les éléments exceptionnels de 2010, est effectivement de 14 milliards seulement. Toute la question est de distinguer, et nous y reviendrons en juin, le conjoncturel du structurel, pour s'attaquer à la réduction de notre déficit structurel, qui est très important comparé à celui de l'Allemagne.

Le niveau de recettes est inférieur à celui de 2007, voire à celui de 2003, preuve qu'il faut agir et sur les dépenses et sur les recettes.

L'augmentation de plus de 5 milliards d'euros de la charge de la dette montre notre sensibilité à l'évolution des taux d'intérêt. Aujourd'hui, ceux-ci sont historiquement bas, une tendance qui ne devrait pas se poursuivre. L'effet de l'inflation sur les OATi explique la progression de l'an passé.

A propos de la réforme de la taxe professionnelle, je me souviens du président de la première chambre levant les bras au ciel lorsque vous le titilliez l'an passé sur les chiffres exacts de la CVAE.

Les dépenses fiscales sont un sujet difficile. Mieux vaut remettre en cause les niches dont l'évaluation a montré qu'elles étaient moins efficaces qu'un rabotage systématique, nous l'avons toujours dit. Le travail a commencé mais reste décevant avec 800 millions de dépenses fiscales en 2011. Il faut désormais l'amplifier.

Une boîte à outils ? Tous nos rapports, me semble-t-il, ont l'ambition de faciliter la réflexion des représentants du suffrage universel sur les économies à réaliser. Nous comptions bien poursuivre sur cette voie.

M. Philippe Marini, président. - En bref, nos armoires sont remplies de boîtes à outils !

Mme Fabienne Keller. - Je salue la qualité et la précision des travaux de la Cour des comptes et le principe de la certification. A la fin de votre intervention, j'ai cru relever une inquiétude devant le manque de vitesse avec lequel l'administration donnerait suite à vos réserves. Pourtant, quel dommage ce serait de casser le thermomètre !

Vous avez souligné la faible progression de la masse salariale tout en notant les effets mitigés de ce volontarisme. Quelles pistes suggérez-vous pour réduire les dépenses de personnel ? La question est d'importance au regard de l'augmentation continue des pensions, qui atteignent 120 milliard d'euros.

Vous avez évoqué une réforme des conditions d'attribution des dépenses de guichet. Pouvez-vous développer ce point ?

Enfin, M. Arthuis avait pointé le risque de voir le prêt de 11,4 milliards d'euros à la Grèce se transformer en dette. Dispose-t-on d'une appréciation plus globale de l'impact d'une défaillance de ce pays ?

M. Philippe Marini, président. - Pour l'heure, la défaillance n'est que partielle...

M. François Patriat. - Quels seraient, selon vous, les avantages et les inconvénients d'une certification des comptes des régions, agglomérations et métropoles ?

M. Albéric de Montgolfier. - La réserve concernant le patrimoine immobilier de l'État tient-elle à l'insuffisance du recensement ou à la mauvaise qualité de l'évaluation ? Pour la lever, faut-il modifier le logiciel ou la méthode des Domaines ?

Une certification des comptes des grandes collectivités territoriales obligerait à recenser le hors bilan, une opération qui n'est pas simple pour l'État et qui l'est encore moins pour les collectivités territoriales. Elles consentent de multiples garanties, que ce soit pour les maisons de retraite ou les logements.

M. Joël Bourdin. - Pourriez-vous m'indiquer la part des obligations indexées sur l'inflation dans les titres de dette que nous émettons ?

La Cour, dans son rapport, se montre sévère à l'égard de l'enseignement scolaire en soulignant sa propension à ajuster les indicateurs. Que faire ?

M. Vincent Delahaye. - Je me réjouis de la démarche de certification des comptes de l'État. Cela dit, le parallèle avec le travail d'un commissaire aux comptes a ses limites. Celui-ci aurait depuis longtemps tiré la sonnette d'alarme...

Votre démarche consiste plutôt à observer si le nombre et l'étendue des réserves se réduisent. Cela ne semble pas être le cas, bien au contraire. Cette année, il est question des actifs, mais aussi des passifs de la Défense. En outre, une modification de la norme se justifie-t-elle pour les passifs non financiers ?

Dans la conjoncture actuelle, ne pas certifier les comptes de l'État serait une bombe atomique. Pour autant, la Cour des comptes n'aurait-elle pas intérêt à signifier, comme cela se pratique dans le privé que, passé un certain seuil, elle modifiera sa démarche ? Avez-vous prévu un programme d'actions particulier pour travailler sur le hors bilan et évaluer l'étendue des dégâts ? A ce sujet, dans ma collectivité territoriale, l'engagement hors bilan est parfaitement connu.

Enfin, pour construire le bilan de l'État, on retient certainement la valeur du patrimoine immobilier de l'État et de ses participations au moment de l'acquisition. Disposez-vous d'une comparaison avec la valeur de marché ?

M. Philippe Marini, président. - Un édifice historique tel que le Palais du Luxembourg a-t-il une valeur de marché ?

M. Francis Delattre. - A ma grande surprise, vous avez évoqué le compte d'affectation spéciale « Pensions », qui fait peu l'actualité. Le 19 décembre, un décret a affecté une partie de ses crédits à des dépenses de rémunération. Va-t-on pouvoir finir l'année ? A moyen terme, se pose le problème du taux de contribution employeurs qui dépasse aujourd'hui 60 %. Il grimpe à une vitesse vertigineuse en étant très supérieur à celui des employeurs privés. Qu'en penser ?

Les incertitudes concernant la Défense portent-elles sur des actifs immobiliers ou des actifs purement militaires ? Dans le second cas, compliqué d'avouer qu'un sous-marin nucléaire est à moitié obsolète...

Quant aux PPP, l'extraordinaire contrat pour le fameux Pentagone à la française va-t-il amener plus de transparence ? Est-il intéressant économiquement ? Pour ma part, je suis convaincu que la Cour des comptes en noircira des rapports entiers !

M. Aymeri de Montesquiou. - Pourriez-vous préciser vos explications sur les garanties accordées par l'Etat après la LOLF et la difficulté à les recenser ?

M. Serge Dassault. - La Cour, dans son rapport pour 2011, dit clairement la nécessité de réduire la dépense et de ne pas augmenter les impôts. Je m'en réjouis, car ce n'est pas la ligne du Gouvernement. Il faudra confirmer ces orientations en juin. La hausse des dépenses, ça suffit comme ça ! Ce programme ne risque-t-il pas d'augmenter la difficulté à réduire le déficit ? Une hausse des taux d'intérêt serait totalement catastrophique.

M. Didier Migaud. - Monsieur Dassault, la Cour n'a pas changé de discours : il faut agir et sur les dépenses et sur les recettes. Les deux sont nécessaires dans le contexte actuel. Cela dit, le niveau des prélèvements obligatoires étant élevé, il faut insister davantage sur la maîtrise des dépenses. Rien ne serait pire, vis-à-vis de nos partenaires, que de ne pas tenir les engagements pris.

Je vous rassure, madame Keller, la Cour poursuivra son travail de certification des comptes. En revanche, elle ajustera sa position, je le dis à M. Delahaye, en fonction des progrès accomplis en matière de fiabilité et de transparence des comptes. Beaucoup de chemin a été parcouru. Honnêtement, notre position en 2007 était logique. Les réserves substantielles sont passées de treize à sept, restent des points sur lesquels l'administration doit progresser. L'an dernier déjà, nous pointions du doigt les passifs de la Défense. Des raisons techniques expliquent peut-être le ralentissement de la dynamique de progrès : la RGPP, Chorus. Espérons que celle-ci reprenne en 2012. Quoi qu'il en soit, la France est l'un des seuls pays au monde à accepter un tel contrôle ; c'est tout à son honneur. Des comptes fiables, fidèles et transparents ne sont pas nécessairement équilibrés ; notre pays en est la meilleure illustration, lui qui est confronté à un déficit structurel depuis trente ans.

Nos remarques quant aux dépenses d'intervention sont de l'ordre du constat : elles ont augmenté plus rapidement que la norme. Pour respecter le principe posé, il faudra soit modifier les conditions d'attribution, soit réduire d'autres dépenses. L'État finance 1 337 dispositifs d'intervention, sont-ils tous efficaces ? On peut en douter... Un travail d'évaluation reste à mener, notre pays ayant une fâcheuse tendance à empiler les mesures. A la représentation nationale ensuite de trancher.

M. Raoul Briet. - Monsieur Bourdin, 12 % d'encours de la dette prennent la forme d'obligations indexées sur l'indice des prix français. Quand l'inflation progresse, la charge de la dette mécaniquement aussi. Le risque n'est pas négligeable d'autant que l'inflation est, dans une large mesure, le résultat de la hausse importée du prix des matières premières.

Monsieur de Montesquiou, concernant les garanties accordées après autorisation parlementaire, manquait jusqu'alors l'outil interministériel pour tenir le registre complet des dispositifs d'application, tels les décrets ou les échanges de courrier, permettant d'apprécier la mise en oeuvre de la garantie. D'où la peine éprouvée par le producteur des comptes à donner de l'information.

Monsieur de Montgolfier, la DGFiP n'a pas ménagé ses efforts pour mieux recenser le patrimoine immobilier de l'État. Elle espérait d'ailleurs que la Cour lève sa réserve. Nous l'aurions fait si l'évaluation de certains biens de l'État, particulièrement à l'étranger, n'était pas manifestement inadéquate.

En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Pensions », le décret de décembre modifie à la fois le destinataire de la dépense et sa nature puisque les crédits sont désormais assimilables à une subvention d'équilibre. Sans être d'un rigorisme excessif, ce dispositif, qui n'est pas conforme à l'orthodoxie budgétaire, pose un problème de soutenabilité. Il faudra, au minimum, réhausser la contribution de l'État-employeur pour reconstituer un fonds de roulement.

M. Didier Migaud. - Enfin, monsieur Delattre, la Cour sera certainement amenée à formuler des observations sur certains PPP, mais cela sera sans doute trop tard. C'est le Parlement qui est force de proposition en la matière.

Monsieur Patriat, la certification des comptes n'aurait que des avantages s'agissant des grandes collectivités territoriales. Cela améliorerait la transparence et la qualité des comptes publics locaux. On peut imaginer un partage de la tâche entre les juridictions financières et les commissaires aux comptes selon la taille des collectivités.

M. Philippe Marini, président. - Nous reviendrons sur le référentiel de l'évolution spontanée des dépenses en juin, n'est-ce pas ?

M. Didier Migaud. - Tout à fait, car le sujet relève de la maîtrise de la dépense.

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes déjà impatients de vous entendre !