Mercredi 11 juillet 2012

- Présidence de M. Serge Larcher, président -

Audition de M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

M. Serge Larcher, président. - Monsieur le ministre, je vous souhaite, avec une joie non dissimulée, la bienvenue dans le petit hémicycle qu'est la salle Médicis avant de nous retrouver, demain, en séance publique pour un débat sur la pêche. D'emblée, je veux vous remercier pour votre disponibilité.

Nos outre-mer connaissent un profond malaise aux origines anciennes et multiples. La crise frappe de plein fouet des économies et des sociétés déjà très vulnérables. Les marges de manoeuvre s'amenuisent à cause de la montée inexorable du chômage qui atteint des taux record dans nos outre-mer, des effets de la mondialisation dans un environnement régional aux coûts de production sans commune mesure ou encore de collectivités territoriales exsangues dépourvues de capacité d'investir. Cependant, rien ne sert de sombrer dans le pessimisme. Il incombe, tant au Gouvernement qu'au Parlement, de rechercher des solutions, chacun dans son rôle.

Notre jeune délégation a décidé de mener des réflexions de fond sur le fléau de la vie chère et sur le potentiel considérable que recèlent les zones économiques exclusives ultramarines, tout en s'autorisant des initiatives plus ponctuelles comme sur le dossier européen de la pêche. Sur ce dernier sujet, nous avons sollicité un débat en séance publique. Je remercie le Président du Sénat de s'être fait notre interprète et le Gouvernement de l'avoir inscrit à l'ordre du jour demain matin.

Ce programme va s'enrichir d'une nouvelle initiative relative à la communication faite par la Commission européenne sur la stratégie de l'Union pour soutenir l'emploi et la croissance dans les régions ultrapériphériques le 20 juin dernier. À l'issue de l'audition du ministre, nous désignerons le binôme de rapporteurs qui pilotera ce dossier.

M. Victorin Lurel, ministre. - Cette audition est une première, tant pour moi que pour votre jeune délégation. J'en ai souhaité ardemment la création ; elle a bénéficié de l'appui du Président Bel, que je tiens à remercier. Elle s'affirme déjà, par le travail qu'elle a mené durant l'intersession, comme une instance primordiale pour l'évaluation des politiques publiques outre-mer par une approche transversale et de fond qui est la tradition du Sénat. Des sénateurs, qui ne sont pas forcément des élus ultramarins, en sont membres. Je m'en réjouis car, depuis plusieurs années, le Parlement souffre d'une relative méconnaissance des outre-mer. Je ne doute pas que vous travaillerez en bonne intelligence avec la délégation que l'Assemblée nationale va créer à l'image de celle du Sénat. Ce sont des signes importants du changement, un changement qu'ont voulu les Français en disant avec force leur volonté d'alternance.

Ce changement s'incarne dans de nouvelles méthodes de travail d'un ministère désormais des outre-mer. Ce pluriel n'est pas cosmétique, il traduit notre volonté de remettre les élus au coeur de l'action de l'État outre-mer. Des élus que je veux recevoir au ministère avant fin juillet. Je souhaite les voir étroitement associés à notre action.

Dans les outre-mer, nous devons retisser un lien de confiance avec les populations. Leurs votes très tranchés ont montré un fort désir pour le changement, le changement d'une politique qui, sous couvert de développement endogène, a sous-estimé les difficultés spécifiques de ces territoires. Là-bas, on l'a perçue comme le signe d'un désintérêt, une intention à peine déguisée de désengagement de l'État. Il est temps d'en finir avec les promesses non tenues et d'appliquer les mesures de justice et d'équité que nos compatriotes attendent. Pour cela, mon ministère devait gagner en autorité et en transversalité, d'où la décision d'un ministère de plein exercice doté d'un cabinet de haut niveau et de correspondants dans tous les autres ministères.

Le Président de la République s'est engagé à redresser les outre-mer par la relance de la production et la lutte acharnée contre le chômage. L'emploi et la jeunesse, ces deux priorités du Gouvernement, s'appliqueront outre-mer comme partout ailleurs, pour remettre l'urgence éducative au coeur de l'action publique. Je ne reviens pas sur les chiffres du chômage, le taux d'emploi des jeunes, la détérioration du marché du travail qui se solde par la désespérance des jeunes. Inutile d'y insister pour vous prouver que, chez nous, les contrats aidés trouvent toute leur pertinence. Le Gouvernement a augmenté leur volume de 50 % au second semestre 2012 par rapport à la programmation initiale, soit 80 000 contrats supplémentaires. Il a également procédé à un réajustement progressif pour favoriser les régions manifestement sous-dotées qui comptent de nombreux demandeurs d'emploi de longue durée. C'est le cas de la Guadeloupe, qui a obtenu 2 500 contrats aidés non marchands, et de La Réunion dont les contrats aidés augmentent de 63 % par rapport à la prévision.

Pour les outre-mer, nous faisons le choix de l'amélioration de la qualité des emplois et de l'accès au travail. Terminée la logique de guichet, il faut développer de vrais projets globaux et d'insertion durable dans l'emploi. Cette priorité sera déclinée en accord avec le marché du travail et les élus locaux, elle suppose l'accord de tous. Une attention particulière sera portée aux secteurs de l'éducation, de la justice et de la police. Les outre-mer ont déjà reçu leur part de la création de 1 000 postes dans le primaire, qui sera financée dans le collectif budgétaire, et nous travaillons, avec M. Vincent Peillon, sur le projet de loi d'orientation et de programmation prévu à l'automne. De même, mon ministère a été pleinement associé à la conférence sociale et à la délimitation des périmètres sur les contrats d'avenir et de génération.

L'effort de redressement appelle également des mesures spécifiques, conformément aux trente engagements pris par le Président de la République pour les outre-mer. Il passera par un renforcement de l'investissement public de 500 millions sur cinq ans et un rattrapage en matière d'équipements structurants, en particulier de logement. Il n'y a aucune raison que les outre-mer ne bénéficient pas d'une qualité d'équipements identique à celle de la l'hexagone. Je pense, en particulier, au logement. Très concrètement, l'engagement pluriannuel de l'État se traduira localement par un contrat passé avec chacun des territoires.

Je n'oublie pas l'amélioration de l'offre de soins ; un dossier urgent, qui en Martinique, qui à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je veillerai particulièrement aux emplois que les établissements de santé abritent.

Le succès de cette politique de redressement dépend de notre capacité à lutter contre la vie chère. La députée de La Réunion, Mme Ericka Bareigts, m'a interrogé récemment sur ce sujet lors d'une séance de questions au Gouvernement. Partout, des mouvements sociaux, qui deviennent récurrents. Partout, un renchérissement du coût de la vie de 30 à 70 % par rapport à l'hexagone. Partout, des rentes de situation, des monopoles, des oligopoles, des cartels non avoués dans le secteur alimentaire, le transport aérien, le transport maritime, la téléphonie mobile, les assurances, les banques et les carburants. À Mayotte, et c'est emblématique, la bouteille de butane est à 36 euros ! Tout ce qui a été tenté jusqu'ici, même si l'intention était bonne, n'a pas fonctionné. Pour l'heure, on s'est surtout contenté de créer des observatoires indépendants et de détacher des magistrats de la Cour des comptes pour faire la transparence sur les coûts.

Comment faire ? Il faut s'attaquer aux structures par un plan de lutte contre la vie chère : ce sera l'objet de ma communication du 25 juillet prochain en Conseil des ministres. Quelle sera sa philosophie ? Administrer, réguler, contrôler n'a pas entraîné la réduction des prix. Sans compter que les effectifs de la DGCCRF, renforcés après les mouvements sociaux, ont fondu... Depuis l'ordonnance de 1986, les outre-mer connaissent un régime de liberté de prix. Revenir en arrière n'aurait pas de sens. Pour nous, la solution passe par la pierre angulaire de la « théologie européenne » : instiller une belle dose de concurrence, une concurrence un peu plus libre et moins faussée, dans tous les secteurs. Nous allons rendre plus difficiles, sinon interdire, les exclusivités de produit, de distribution et de territoires. Lorsqu'un produit quitte l'hexagone, il est frappé d'un tribut de 30 à 60 % auquel s'ajoutent le transport, l'assurance, les taxes le stockage et les marges de distribution. Cela explique le renchérissement du coût des produits de 30 à 70 %.

Au-delà des changements législatifs, il faut encourager les actions plus concrètes pour les collectivités. Je pense à la mise en place de plates-formes logistiques communes ou encore au regroupement de petits commerces, les fameux « lolos » qui existent déjà dans certains territoires pour casser le monopole des distributeurs. Pourquoi ne pas revoir aussi le seuil de concentration à partir duquel l'Autorité de la concurrence peut intervenir ? En Martinique, elle a intimé à un groupe de se séparer d'une entité. Une idée est de faire émerger un contre-pouvoir consommateur, avec des organisations de consommateurs qui auront pignon sur rue, mèneront des actions de groupe et des enquêtes plus précises que celles de l'INSEE ; il faudra leur ouvrir des plages d'antenne à la radio, à la télévision et sur la toile pour informer. Des pistes existent dans votre rapport d'information de 2009, nous ne manquerons pas de les exploiter pour alimenter ma communication du 25 juillet.

Secteur par secteur, il faut développer l'interministériel. Dans le secteur du carburant, le précédent Gouvernement m'a manifestement laissé une petite bombe : on n'a pas approuvé le budget prévisionnel des pétroliers. À La Réunion, cela pose un problème. Résultat, les pétroliers s'apprêtent à déposer des recours. Au nom de quoi peut-on facturer par anticipation la suppression de l'abattement de 30 % de l'impôt sur les sociétés en 2013 ? Sans compter que la législation fiscale peut évoluer... Même chose sur l'amortissement, on applique une quote-part d'amortissement sur les équipements neufs financés en partie par la défiscalisation ex ante, et pas au terme de l'exercice comptable. Et le client paiera plein pot à la pompe ! Ce problème très technique doit être mis à plat.

Sur l'itinérance en matière de téléphonie mobile, j'ai obtenu, par un accord à l'amiable avec les opérateurs, une baisse de 17 % du prix par anticipation sur l'entrée en vigueur d'un texte européen qui n'est pas encore transposé.

Le secteur bancaire posera davantage de difficultés. Nos PME et nos entreprises ont besoin d'accéder au crédit. Or les banques, trop souvent, justifient leurs coûts par un risque de place : encore un point à élucider.

Je félicite l'Autorité de concurrence pour sa vigilance dans les outre-mer depuis les mouvements sociaux. Nous attendons, avec quelque impatience, les résultats des enquêtes en cours.

Sur le logement, nous attendons les arbitrages budgétaires, la situation est difficile. Nous devons trouver entre 7,5 et 12 milliards d'euros selon le taux de croissance.

Il faudra tout à la fois, le Président de la République l'a dit, respecter les engagements pris et l'impératif de redressement des finances publiques avec une juste répartition de l'effort requis. Nous devrons hiérarchiser nos priorités : la lutte contre la vie chère, la jeunesse, l'emploi, la réussite éducative et le logement. Comment programmer les 500 millions sur cinq ans quand tous les ministères sont très sollicités ? Comment, si j'ose dire, prioriser les outre-mer ? Le Président de la République le sait parfaitement, comme le Premier ministre, nous avons déjà beaucoup donné, au-delà de nos facultés contributives. Il faudra tenir compte des contraintes.

Autre urgence, la situation financière et fiscale des collectivités outre-mer. Là encore, je trouve quelques petites bombes sous le tapis. Je pense à Saint-Martin, à la Polynésie Française, à Mayotte.

Un chantier institutionnel nous attend. Vous ne l'ignorez pas, puisque vous l'avez inauguré. Il s'agit de la réforme territoriale : la suppression du conseiller territorial aura des conséquences en Guadeloupe et à La Réunion.

J'aurai dû évoquer également, mais le temps presse, les problèmes de sécurité, de désenclavement, et encore quelques questions d'actualité sur les grandes productions que sont la banane et le riz avec le problème de l'épandage aérien ainsi que la départementalisation de Mayotte et sa « rupéisation ». Tout cela dans un contexte difficile où rien n'est acquis au niveau européen.

Voilà, dans les grandes lignes, la feuille de route que le Gouvernement m'a fixée.

M. Serge Larcher, président. - La mission commune d'information du Sénat sur la situation des DOM de 2009 avait préconisé de renforcer des pôles outre-mer dans chacun des ministères techniques. Notre souci était d'éviter que l'outre-mer ne soit traité en fin de course par voie d'ordonnance. Vous avez parlé de correspondants. Concrètement, comment comptez-vous faire ?

M. Victorin Lurel, ministre. - C'est une vraie question car, en réalité, les 37 autres ministres du Gouvernement sont tous des ministres de l'outre-mer. Il faut donc un processus pour anticiper la décision, y être associé en amont. Transversalité et autorité, ce ministère doit reconquérir ses compétences sans, pour autant, revenir au statu quo ante, celui de 2008, avec deux directions. La délégation générale du ministère doit-elle être transformée en direction générale ? Le sujet est sur la table.

La réponse passe aussi par la nomination de correspondants, à l'Élysée et à Matignon, ce qui est traditionnel, mais aussi par l'identification d'un référent dans le cabinet de chaque ministre pour que je sois informé en amont de tout ce qui intéresse les outre-mer. Ce ne seront pas des conseillers travaillant à temps plein sur les outre-mer, la situation budgétaire actuelle ne le permet pas, mais des personnes qui auront les questions ultramarines dans leur portefeuille. Grâce à ce dispositif, j'ai été mis au courant de l'ordonnance sur la pêche qu'a présentée le ministre Cuvillier sur Saint-Barthélemy et de la Nouvelle-Calédonie ce matin. La plupart de mes collègues m'ont déjà transmis le nom du référent.

M. Éric Doligé. - La question qu'a posée notre président est importante ; il est essentiel, pour le ministère de plein exercice, d'avoir des antennes un peu partout. Je me réjouis de cette nouvelle organisation. Pour mieux la suivre, nous aurons besoin d'un organigramme.

L'outre-mer doit être mieux connu de tous les parlementaires, nous y travaillons depuis des années au Sénat. D'où la composition paritaire de notre délégation.

Le développement endogène ? Ce n'est pas seulement une figure de style. Je fais partie de ceux qui pensent que l'outre-mer a un potentiel considérable de développement local qui n'a jamais été véritablement mis en valeur. Il faut lutter contre les carcans. La Guyane, par exemple, a été mise sous cloche : à nous de la soulever ! Ce territoire a des atouts importants : le pétrole peut-être, la pêche, l'agriculture, l'espace, la biodiversité.

Arrêtons de donner l'image de territoires sous perfusion où l'État se manifeste seulement lorsqu'il y a des situations d'urgence. Cela suppose de construire une véritable stratégie et de se donner les moyens de la mettre en oeuvre, ce qui ne sera pas facile.

M. Victorin Lurel, ministre. - Sur l'organisation du ministère, s'émanciper de la tutelle de ministère de l'intérieur ne fera pas tout. Il faut aussi concevoir une division un tant soi peut intelligente du travail en conservant des fonctions support communes. Dans le décret d'attribution, j'ai obtenu d'avoir quelque autorité sur le secrétariat général du ministère de l'intérieur, d'être consulté sur la nomination des ambassadeurs dans différents bassins océaniques et de disposer pleinement de l'inspection générale de l'administration. Grâce à la transformation de la délégation générale en direction, nous aérerons le recrutement. Pour l'heure, la plupart de nos personnels viennent du ministère de l'intérieur alors que, interministérialité oblige, nous devons aussi disposer de compétences dans les secteurs de la santé, de la culture, de l'éducation ou encore des relations internationales. C'est la logique quand je suis à la tête d'un ministère où l'on retrouve toutes les problématiques des 37 autres ministères.

La Guyane est en déshérence alors qu'elle est une région très riche : or bleu, or jaune, or vert et, demain, or noir. Il y a une vraie stratégie d'exploitation intelligente, conforme à nos nouvelles valeurs, respectueuse de l'homme et de l'environnement, à mettre en place. Prenons l'orpaillage clandestin, ce dossier comporte un volet « renseignement » à renforcer, un volet « projection aérienne » dont le développement coûtera cher, un volet diplomatique avec le Brésil et le Surinam, un volet judiciaire avec la création de nouvelles incriminations pour contrer les ruses des orpailleurs clandestins qui transforment sur place l'or en bijoux et, peut-être, avec l'allongement des délais de garde à vue. Nous avons perdu récemment deux soldats. Que faire après l'opération Harpie ? Occuper l'espace, faire des appels à candidatures, installer des sociétés légales. La carte des gisements aurifères est connue, le BRGM l'a publiée depuis longtemps. En bref, il faut une véritable stratégie d'occupation industrielle.

La logique est la même pour les hydrocarbures. Il faut revoir le code minier. Je comprends la demande de clarification, l'exigence d'engagements pour protéger la biodiversité et de meilleures retombées pour les populations guyanaises. Là aussi, nous devons avoir une stratégie de moyen et long terme pour avoir de la visibilité.

Je n'ai jamais récusé le développement endogène. Quand j'étais étudiant, c'était même un concept de gauche. Cela dit, il s'est traduit dans la réalité de nos exécutifs par des gels, voire des diminutions de crédit.

Chaque fois que nous cherchions l'appui de l'État, nous avions le sentiment d'un recul de son autorité et de sa parole. Quand un préfet inaugurait une réalisation, celle-ci avait été financée par l'argent de l'Europe. « L'État est là », « il emploie des fonctionnaires », nous disait-on : oui, comme partout ailleurs. Mais pour les investissements structurants, il n'était pas tout à fait là ! Les contrats État-région n'étaient même pas abondés. Et l'Europe, du reste, a commencé à regarder ailleurs, à se concentrer sur certains thèmes, comme l'innovation et la recherche, il est donc devenu plus difficile de mobiliser ses fonds pour combler le retard structurel. Quant aux collectivités territoriales, elles n'ont guère de marge de manoeuvre, le revenu médian de la population étant inférieur de moitié au revenu médian national. La chambre régionale des comptes peut faire toutes les observations et recommandations : que faire, sinon préserver la défiscalisation et mobiliser l'épargne locale ? Celle-ci serait utilement recyclée, en partie au moins, au profit des économies insulaires. Elle finance aujourd'hui, via le livret A, les obligations d'État. C'est normal, dans la République, mais ne pourrait-on en orienter localement par exemple 10 % des sommes ? J'ai essayé de le faire, lorsque j'étais député, avec un fonds d'investissement de proximité, mais M. Gilles Carrez m'a répondu : « on ne peut demander aux épargnants de la Nation d'investir chez toi ». Je demandais la même chose qu'en Corse, où chacun peut investir via un FIP. Chez nous, seuls les locaux peuvent le faire. Quant à la défiscalisation, elle n'est plus dans l'air du temps, mais efforçons-nous de la préserver, tout en la rendant plus efficace.

La solidarité nationale n'est pas un gros mot. Elle doit être repensée, rénovée, mais elle est nécessaire, dans le respect de l'égalité. Il y a une énorme révolution économique à accomplir, afin que la culture d'entreprise s'installe dans nos régions. Déjà, on y crée beaucoup plus d'entreprises qu'en métropole, et les 42 000 entreprises et établissements créés sont autant d'emplois de gérants, même si peu embauchent des salariés. La longévité de ces entreprises est meilleure qu'en métropole.

Je rencontrerai sous peu le ministre du budget, M. Cahuzac, pour les arbitrages budgétaires. Le respect de l'engagement à revenir à 3 % de déficit l'an prochain s'impose à tous ; mais il faut proportionner l'effort et je mettrai toute mon ardeur à promouvoir un bon équilibre.

M. Maurice Antiste. - Monsieur le Ministre, je vous félicite pour votre nomination. L'accession aux fonctions gouvernementales pourrait sembler un paradis (Sourires). Mais je sais que gérer un tel ministère,  « sé pa rédi chèz bo tab ! », ce n'est pas aussi simple que de tirer la chaise sous la table.

Il règne à la délégation une excellente atmosphère et je remercie nos collègues non ultramarins qui participent avec passion à notre réflexion sur tous les sujets qui nous touchent au quotidien.

Notre préoccupation constante est de tropicaliser les textes de loi, même quand cela paraît très difficile. Vous souhaitez avoir un correspondant dans chaque ministère, j'en suis heureux, car vous êtes le premier ou le trente-huitième ministre des DOM... Nous avons des problèmes locaux spécifiques, à quoi s'ajoutent les problèmes des insulaires vivant dans l'hexagone. Aujourd'hui, 62 % de nos jeunes sont au chômage, du jamais vu. Il y a l'emploi, le logement, que vous avez cités. Il y a aussi le déséquilibre de nos échanges commerciaux, qui affecte nos économies. Quelques mots des difficultés rencontrées par les Domiens étudiant en métropole : ils ont du mal à trouver un logement, à trouver un stage pour se conformer aux exigences des formations en alternance... Quant au droit au congé spécifique des agents d'origine insulaire, dans les hôpitaux ou dans d'autres administrations, il est de moins en moins respecté. Il est temps de revoir les conditions et les procédures, comme pour les demandes de mutation.

Je souhaite que votre ministère rayonne chaque jour par toutes ses mesures et ait une réelle influence sur la vie des Domiens ici. Comment concevez-vous votre action, les relations avec les parlementaires, les citoyens ?

M. Hilarion Vendegou. - Je vous renouvelle mes voeux de plein succès. La Nouvelle-Calédonie est au coeur de mes préoccupations bien sûr. Quel est votre sentiment concernant les accords de Matignon et de Nouméa ? Ce dernier porte sur des transferts de compétences, par exemple dans l'enseignement. Les enfants sont la richesse de notre territoire. Nous sommes à la recherche d'un destin commun qui passe par un dialogue constructif. Un comité des signataires voulu par les accords aura-t-il lieu cette année ? À quelle époque ?

M. Victorin Lurel, ministre. - Tropicaliser le droit, oui, mais avec une contrainte : le droit commun, que nous avons tous choisi. La petite marge de manoeuvre qui existe depuis 1946 a cependant été renforcée, jusqu'aux révisions constitutionnelles de 2003 et 2008. La voie est étroite mais il est possible d'adapter et même de demander des habilitations, comme l'a fait la région que je présidais pour adapter les lois sur le plan technique. J'ai fait une vingtaine de lois de région. Nos pouvoirs normatifs sont supérieurs à ceux des régions métropolitaines. En Martinique, une collectivité unique a été créée, mais on veut adapter davantage le corpus juridique : je partage ce souci. C'est un exercice permanent et les correspondants dans les ministères auront pour mission de nous alerter et nous informer à ce sujet.

Nous n'obtenons pas suffisamment de fonds de l'Europe sur la base de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Nous avons fait un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), en matière agricole et alimentaire : c'est très bien. Et des mesures favorables au développement local, très bien aussi ! Il reste beaucoup à faire concernant les produits alimentaires de première nécessité. Là encore, un régime spécifique devrait être mis en oeuvre. Les révisions de 2003 et 2008 se sont du reste inspirées de l'article 199-2 du traité d'Amsterdam relatif aux contraintes particulières pour prévoir des possibilités d'adaptation.

Sortons la jeunesse de la désespérance : un plan Marshall s'impose, car les jeunes outre-mer sont plus frappés, notamment par le chômage, qu'en métropole. Qu'est devenue l'ardente obligation du plan, chère au général de Gaulle ? Le président de la République a fait des propositions précises. Tout dépendra du rythme d'application, qui est fonction des contraintes économiques et budgétaires.

L'alternance, les contrats de professionnalisation et l'apprentissage : il y a là un vrai sujet. Les collectivités, les entreprises, les partenaires sociaux peuvent engager de belles initiatives, comme cela se fait dans nombre de territoires et de régions. Certaines expérimentations ont eu lieu, qui méritent d'être diffusées. Certes, la création de GIP par les collectivités, pour créer des contrats de professionnalisation, a donné lieu à quelques abus : soyons vigilants. La région peut prendre en charge une partie de la rémunération pour remédier à l'orientation actuellement défavorable aux contrats en alternance par rapport aux autres contrats.

Pour mettre un terme à la remise en cause du droit au congé bonifié, il convient d'unifier la doctrine administrative. L'AP-HP applique des règles très différentes d'autres administrations publiques ou collectivités. Quant à la jurisprudence du Conseil d'État, elle laisse subsister une marge d'interprétation et la notion de « centre d'intérêts matériels et moraux » est appréciée diversement.

Le président de la République avait, lors d'un déplacement à La Réunion, indiqué son souhait de donner priorité, dans le cadre du droit commun, aux demandes de mutation de ceux qui avaient fait un effort de qualification et de formation. Il n'est bien sûr pas question d'écarter les agents hexagonaux des postes outre-mer. Mais organiser des concours sur place pour les postes de la fonction publique d'État, les hôpitaux, voire la magistrature - Mme Lebranchu examine cette affaire - et faire mieux connaître les vacances de postes seraient des progrès bienvenus. L'éducation nationale pratique déjà la bonification de points destinée à accélérer le retour, le système peut encore être amélioré. Cependant, il est toujours bon d'aller frotter son esprit à d'autres environnements. Je comprends les jeunes professeurs de Martinique qui refusent l'idée d'un poste dans l'hexagone, mais j'ai du mal à les approuver. Quant aux contractuels qui réussissent un concours, on leur refuse le maintien dans leur poste au motif que celui-ci n'a pas vocation à être occupé par un titulaire et on leur propose autre chose... dans l'hexagone. J'encourage en tout cas nos compatriotes insulaires qui vivent ici et ont des postes de catégorie C à passer des concours de niveaux B voire A, car les besoins en encadrement, outre-mer, sont réels.

Bref, un énorme effort reste à accomplir dans la gestion des postes de la fonction publique, mais la tendance lourde est à la décrue du nombre de fonctionnaires et je suggère de passer également des chartes avec des entreprises privées pour inciter aux recrutements sur place. D'autant que les diplômés bac + 4 ou bac + 5 qui voient arriver de l'hexagone des personnes embauchées « à leur place » en conçoivent de l'amertume ; cette irritation nourrit des mouvements habiles à faire de cette question sensible un fonds de commerce.

Relations entre le ministère, les parlementaires et les citoyens : je me fais un devoir, qui est aussi un plaisir, de recevoir tous les parlementaires d'outre-mer d'ici à la fin de la session de juillet. Nous devons travailler ensemble, en amont de l'examen des projets ou propositions de loi, sur la vie chère par exemple, et j'associe à mon action non seulement les parlementaires mais les élus locaux, surtout ceux qui dirigent des exécutifs locaux, ainsi que les conseillers économiques et sociaux. Il y a 37 autres ministres, 21 sénateurs, 27 députés, 11 territoires...

M. Serge Larcher, président. - Le Conseil européen des 28 et 29 juin devait répondre à la demande de Mayotte de devenir région ultrapériphérique. Or une réserve parlementaire a renvoyé à plus tard la procédure écrite : pouvez-vous nous assurer de la bonne fin de cette entreprise ?

La Polynésie française a rencontré des difficultés économiques, sociales, institutionnelles. La loi de 2011 a-t-elle donné plus de stabilité aux institutions territoriales et a-t-elle amélioré leur fonctionnement ? Les évolutions en cours concernant les communes ont-elles de bons résultats ? Les solutions que peut proposer l'État pour les zones économiquement très dégradées sont-elles fixées ?

M. Victorin Lurel, ministre. - Je voudrais convaincre M. Vendegou de ma sincérité et de ma détermination à respecter tout l'accord de Nouméa et rien que l'accord. Je prendrai la suite de ce qui a été fait depuis des années. Vous tous, quelle que soit la rive où vous campez, partagez quelque chose ; vous créez un modèle neuf. Mon rôle n'est pas de faire des recommandations, certes, mais c'est le coeur qui parle. Vous êtes observés, vous serez imités. Nous animerons la mission de réflexion sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mais après tant d'années de braise et de plomb, c'est une innovation formidable. Des crispations sont apparues durant la campagne, dépassez-les. J'ai reçu tous les élus de ce territoire ; j'ai rencontré le président du gouvernement, M. Harold Martin, ainsi que M. Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, fonction qui va être renouvelée bientôt. Le nouveau gouvernement français accompagnera les évolutions, dès lors que les décisions prises sont marquées du sceau de la modération et de la sagesse. Je ferai tout pour que l'affaire du double drapeau ou mieux, du drapeau commun, ne provoque ni crispations ni blocages. Au-delà du jeu politique normal, vous avez un avenir commun en Nouvelle-Calédonie, ou en Kanaky, car il faudra aussi vous entendre sur un nom. Le gouvernement sera à vos côtés, sans vous précéder, mais comme décideur en dernière instance si nécessaire. Je veux faire quelque chose de beau avec vous, explorer une nouvelle conception du vivre ensemble. Cette tâche m'a été assignée par le président de la République et par le Premier ministre. Je m'y attellerai avec ardeur.

La demande de Mayotte a suscité une réserve de la part de la Grande-Bretagne - elle sera, après l'approbation de la Commission européenne et des autres instances européennes, inscrite à l'agenda du Conseil européen dès lors qu'elle ne fait plus l'objet de réserves parlementaires. Le Parlement britannique faisant relâche, nous n'avons pu lever la réserve dans les temps. Cependant, dans la procédure écrite, les vingt-six autres États doivent donner une sorte de nihil obstat. Il nous reste à obtenir la réponse de Malte, que nous attendons ce soir ou demain. L'européanisation de Mayotte se fera. Les Britanniques ont eu peur de flux migratoires intenses à partir de Mayotte. C'était une erreur, l'île n'appartenant pas à l'espace Schengen.

En Polynésie, les choses sont difficiles et cela ne date pas d'hier. J'ai reçu tous les élus, à commencer par le président M. Oscar Temaru. Je ne veux pas accabler mes prédécesseurs, aujourd'hui nous avons nos responsabilités, demain nous aurons nos douleurs. Mais enfin, un rapport de l'inspection générale des finances avait été envoyé à la collectivité, qui revenait à exiger la liquidation les biens de famille. Pour ma part, je demanderai des efforts, un plan de redressement, mais je ne lancerai pas d'oukases. Ce ministère est le vôtre, le lieu de la concertation, et s'il doit infliger des douleurs, il expliquera pourquoi et accompagnera les territoires concernés. J'ai repris langue avec la collectivité de Polynésie française et travaillé avec l'AFD afin d'éviter une crise de trésorerie - et préciser les voies et moyens d'un redressement. La Polynésie a demandé une révision de la gestion de la Dotation globale de développement économique (DGDE), en particulier du troisième instrument, un peu rigide. Nous examinons tout cela.

M. Georges Patient. - La Guyane regorge de richesses, mais la population n'en tire aucun profit, elles sont pillées et ne sont pas des ressources renouvelables. Actuellement, la machine ne fonctionne que sur les transferts publics. Les collectivités sont exsangues, frappées par des mesures discriminatoires, je parle bien sûr de l'octroi de mer, chez nous amputé alors qu'il est versé en totalité aux communes dans les autres DOM, ou de la dotation globale superficiaire, plafonnée en Guyane et en Guyane seulement. C'est injuste, inique. Est-il envisageable de revoir ces deux dispositifs ? La somme en jeu est inférieure à 40 millions d'euros.

La future Banque publique d'investissement (BPI) fera-t-elle une place à l'outre-mer ? Le ministre a évoqué un « absentéisme des banques outre-mer ». La BPI suscite logiquement des espoirs. Mais aura-t-elle dans nos territoires de simples représentations, ou de véritables antennes ? Les produits comme Oseo seront-ils distribués chez nous également ?

Au titre du développement endogène, on a promu la culture du riz guyanais, consommé en partie par les Guyanais. La production, qui avait atteint 30 000 tonnes, est tombée à moins de 1 000 tonnes, trois riziculteurs ont déposé le bilan... Un rapport d'audit a été commandé par le ministère en 2010 et remis, mais on hésite à le rendre public. Pourquoi ? Je voudrais aussi des informations sur les fonds reçus dans le cadre du POSEI.

Les stations de France Télévision outre-mer font l'objet de sévères critiques, y compris de la part du directeur de La Réunion Première, M. Robert Moy, qui a dénoncé une hyper-administration, une gestion depuis Paris laissant à la décision locale à peine 15 % des émissions, un « ghetto » sur France Ô en termes de diversité. C'est une chaîne publique. Quelle suite donnerez-vous à ces courageuses critiques ? M. Moy a exprimé ce que nous ressentons tous.

M. Jean-Étienne Antoinette. - Le gouvernement a identifié ses priorités, que nous soutenons. La concertation a commencé il y a quelques jours dans l'éducation nationale. L'outre-mer fera-t-il l'objet d'une approche particulière ? Les résultats scolaires y sont très inférieurs à ceux de la métropole : en Guyane, l'écart est de dix points au baccalauréat 2012, par rapport à la réussite moyenne nationale. Illettrisme, évaluation en sixième : y aura-t-il des mesures spécifiques à nos territoires ?

Le ministre de la défense M. Le Drian a annoncé une procédure accélérée afin que le Livre blanc annoncé soit publié fin 2012, en vue d'une loi de programmation militaire à l'été 2013. Or, un document sur les missions de souveraineté et d'assistance dans les espaces maritimes ultramarins, établi par le secrétariat général de la mer en 2010, a mis en évidence la prévisible dégradation des capacités d'intervention à partir de 2015, en particulier dans les eaux guyanaises et en haute mer dans les océans Pacifique et Indien. N'a-t-on pas sous-estimé les besoins ?

Les urgences sont nombreuses outre-mer : emploi, insécurité, délinquance juvénile, situation des hôpitaux... Quelles sont les réponses envisageables ? La gestion des déchets devra satisfaire les normes européennes ; or elle coûtera très cher aux collectivités. La taxe générale sur les activités polluantes, c'est un peu la double peine : elle pénalise les collectivités et empêche les investissements. Peut-on espérer des réponses en loi de finances pour 2013 ?

M. Victorin Lurel, ministre. - J'ai demandé à être associé à l'élaboration du Livre blanc, mais il y a là un vrai souci sur le travail interministériel, nous en reparlerons.

Sur l'octroi de mer, très prochainement aura lieu une présentation de l'étude demandée sur la pérennisation du dispositif : je vous y invite ! Le problème ne concerne pas seulement la Guyane car l'enveloppe y est également versée au département alors qu'ailleurs les sommes sont réservées aux communes et à la région. L'État compensera-t-il en cas de défaut de prorogation, faut-il trouver une autre péréquation ? Saint-Martin percevait de l'octroi de mer, versé par la région de Guadeloupe, mais n'y était pas assujetti. Lorsque ce territoire est devenu autonome, l'État n'a pas remplacé cette ressource ; il a demandé à la Guadeloupe de le faire à sa place pendant dix-huit mois. Mon prédécesseur M. Jégo a voulu proroger ce système, qui a été déféré au Conseil constitutionnel et censuré. Aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre ; aucune ne peut être payée par une autre. En Guyane, comment faire ? Et la question va être plus compliquée encore, maintenant que vous créez une collectivité unique. Je n'ai pas de solution aujourd'hui. Je sais que les communes vont en souffrir : seront-elles privées de leur quote-part, je l'ignore à ce jour. Quant à la dotation superficiaire, pour des communes comme Maripasoula, étendue sur 18 000 km2...

M. Christian Cointat. - Il y a un bon potentiel fiscal !

M. Victorin Lurel, ministre. - À l'époque, dans nos réflexions débridées, nous nous disions que si le puits de carbone pouvait être de quelque utilité en Guyane, cela constituerait une bonne solution. Quoi qu'il en soit, tout étant fongible, on peut toujours trouver de nouveaux dispositifs, mais la question reste pertinente.

La BPI aura des déclinaisons décentralisées, au niveau des régions, en cohérence avec les fonds d'investissement régionaux, les sociétés de capital risque existantes et les partenariats avec l'AFD, la CDC et Oseo. Ce dernier a été remplacé par l'AFD pour des raisons d'opportunité, alors que le système fonctionnait bien. Je m'en suis ouvert à M. Dov Zérah, directeur de l'AFD. Nous y réfléchirons, afin de disposer au premier semestre 2013 d'un dispositif efficace. Du reste, l'installation de la BPI sera l'occasion de mieux drainer l'épargne locale et de la recycler sur place.

Sur le riz de Guyane, le souci est réel, et les incertitudes demeurent malgré la reprise envisagée par le groupe Deoleo et une reprise d'actifs en cours par un groupe français. De nombreux problèmes restent posés : problème d'irrigation, absence de semence locale agréée, problème d'épandage aérien, sur 100 000 hectares et 66 départements - j'ai donné mon feu vert malgré l'action des militants car la toxicité n'est pas prouvée, alors que 200 000 tonnes de bananes en Martinique, sans parler des autres productions et des milliers d'hectares en Guyane, sont en jeu. Mais nous imposons des contreparties aux producteurs. La discussion interministérielle est serrée, car la décision avait un impact également sur les productions hexagonales.

Je ferai envoyer à M. Patient le rapport qu'il a demandé - et dont je n'ai pas pris connaissance. Le président de la République a expressément demandé aux ministres de pratiquer la transparence, ou d'expliquer pourquoi quand ils ne le peuvent pas.

J'ai écrit plusieurs fois, dans le passé, au président de France Télévision, au directeur d'Outre-mer Première, à celui de France Ô, pour obtenir des éclaircissements sur la ligne éditoriale, que je ne comprends plus. Je n'ai pas changé d'avis et j'ai demandé des explications à M. Claude Esclatine, car nous sommes loin du cahier des missions initial. « Ghetto », je n'irais pas jusque-là, mais on s'interroge... Les financements sont publics et les dirigeants ont à apporter des réponses aux parlementaires. Je m'y emploierai, en concertation avec ma collègue Mme Aurélie Filippetti.

M. Serge Larcher, président. - J'ai écrit moi aussi aux dirigeants de ces chaînes, je n'ai jamais reçu de réponse.

M. Victorin Lurel, ministre. - J'en ai reçu, mais rien n'a changé ! On a invoqué la survie financière de France Ô et la nécessité par conséquent de faire la part belle aux pays émergents et à l'hémisphère sud. Se réveiller à 3 heures du matin pour s'informer sur sa région, quelle galère ! Or ce n'est pas ce qui était convenu. Les parlementaires comme les téléspectateurs ont été mis devant le fait accompli : personne n'a vu venir la réorientation.

Sur les grands chantiers, et en particulier l'éducation nationale, oui il y aura des déclinaisons outre-mer ; j'ai du reste demandé à M. Vincent Peillon et Mme George Pau-Langevin de venir dans nos territoires. La « réussite éducative », intitulé des fonctions de la ministre, est un vrai souci chez nous ! Et pourtant le potentiel est là, certains de nos enfants deviennent normaliens ou centraliens... Tout se joue entre zéro et six ans ; il faut une scolarisation précoce. Sinon, l'illettrisme, fléau de nos territoires, progressera encore : il est de 25 à 30 % chez moi. Certaines collectivités n'ont aucune dotation disponible pour ce combat et l'on prélève parfois sur le Fonds social européen (FSE) de quoi financer quelques séances de formation à la lutte contre l'illettrisme. On a nommé des préfets à la cohésion sociale, ils sont dépourvus de moyens.

Notre ministère n'est pas associé à la rédaction du Livre blanc de la défense. Or, si je demandais à l'être, c'est que dans la nouvelle carte militaire, la Martinique, la Guadeloupe ont perdu leurs derniers contingents, le 41e Bima vient de partir, tout est désormais concentré en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, l'ennemi ayant changé de zone d'action et de nature. On a redéployé les dispositifs de l'Afrique, du Moyen-Orient et des DOM. Quelle sera la nouvelle stratégie, la doctrine d'emploi de nos armées ? Quelle sera la place des DOM dans cette affaire ? Les militaires s'interrogent sur le devenir du budget de la défense et craignent qu'il devienne la variable d'ajustement. Je répondrai à votre question lorsque M. Le Drian m'aura lui-même répondu...

J'ai évoqué les nouvelles menaces auxquelles nous sommes confrontés dans nos régions : trafic d'armes, de stupéfiants, de produits illicites. Elles ne sont pas militaires, certes, mais posent un problème de sécurité, qui a d'ailleurs constitué le thème des sessions régionales de l'Institut des hautes études de défense national (IHEDN), de passage en Guadeloupe et en Guyane.

J'aimerais que le Livre blanc soit plus qu'une réactualisation, qu'il contienne du neuf, tenant compte des nouvelles contraintes et menaces, et de la nouvelle spatialisation des moyens que la République réserve à sa défense.

Un mot sur les hôpitaux, sujet extrêmement important. J'interrogeai ce matin en conseil des ministres Marisol Touraine : au-delà des effets d'annonce et des courriers largement diffusés, quelle est la réalité des inscriptions budgétaires ? À ce jour, je n'en sais rien. On demande un effort important à la Martinique, 90 millions de prêts, et on accorde 590 millions de subventions à la Guadeloupe. J'ai demandé à la ministre de cosigner les engagements pris pour la Martinique qui figurent dans la lettre aux parlementaires.

Nous ne remettons pas en cause l'économie générale des hôpitaux, mais une restructuration est nécessaire. En Martinique, le déficit atteint 300 millions : le plus gros de France ! Il faut créer un CHU unique. Mais le plan de redressement doit préciser qu'il n'y aura pas de licenciement sec, et qu'en dehors des non-remplacements de postes, une partie des effectifs pourra être transférée dans le secteur médico-social. Les engagements pris envers le maire de Trinité seront tenus : près de 55 millions d'investissement sont prévus, et le développement d'activités nouvelles - maternité, diabétologie par exemple - en contrepartie de la disparition des activités chirurgicales. Nous avons une difficulté avec les syndicats, qui dénoncent une fusion-absorption. J'ai donc demandé une nouvelle concertation ; toutes les commissions médicales ont donné un avis favorable.

Je demande la même clarification du financement en Guadeloupe, et serai en mesure de vous répondre au sujet du pôle sanitaire de La Réunion quand la ministre m'aura répondu.

Wallis et Futuna est un problème interne à mon ministère, puisqu'elle compte la seule agence non payée par le ministère de la santé. Cette affaire me coûte 35 millions !

En Guyane, nous verrons l'évolution des plans régionaux de santé.

En définitive, c'est tout le secteur sanitaire et social qui devra être réévalué.

M. Serge Larcher, président. - Monsieur le ministre, les régions d'outre-mer attendent la mise en oeuvre du plan santé, qui comprend notamment la révision du coefficient géographique et le financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). La restructuration est importante mais le plan santé doit être appliqué.

M. Victorin Lurel, ministre - Je vous comprends, sans être tout à fait d'accord. Oui, il faut décliner le plan santé en outre-mer. Oui, il y a des surcoûts, notamment les MIGAC. La Martinique les a chiffrés à 31 millions, l'ancien ministre Xavier Bertrand a augmenté la dotation d'un point, de 25 à 26 millions. Pour nous, les choses se joueront entre 26 et 30 millions. Cette somme couvrira-t-elle les surcoûts ? Je n'en suis pas sûr.

Il y a aussi des réalités difficiles à affronter. Quand une maternité réalise moins de 300 accouchements par an, elle met en danger la vie de ses parturientes. C'est ce qui se passe à Marie Galante. Face à ce manque d'activité, la reconstruction et la réorientation me semblent une bonne et sage politique.

Autre sujet important, la gestion des déchets. Nous avons en ce moment une gigantesque décharge à Saint-Laurent du Maroni. Si ce n'est déjà fait, la France est proche d'une condamnation à Pointe-à-Pitre. C'est une affaire compliquée : on vient de résilier un contrat, dans le cadre de l'intercommunalité qui doit voir naître un syndicat unique. Il va falloir trouver une solution avec les autorités compétentes.

M. Michel Vergoz. - Monsieur le ministre, êtes-vous motivé pour relever tous les défis de l'outre-mer ? J'ai entendu votre volontarisme et apprécié votre notion pragmatique de hiérarchisation des priorités. À La Réunion, nous sommes prêts à vous aider.

Vous faites du logement une priorité. Sommes-nous d'accord sur la nécessité d'inverser la situation actuelle, où la défiscalisation finance l'essentiel du logement, la LBU n'intervenant à la marge que comme complément ? L'État doit retrouver ses prérogatives régaliennes : c'est à la LBU d'être sanctuarisée et à la défiscalisation de compléter. Ce qui se passe depuis des années à La Réunion est anormal : on défiscalise tous azimuts, de façon totalement incontrôlée.

Je voudrais aussi vous demander une chose au sujet des contrats aidés : que l'on cesse de nous culpabiliser ! En métropole, vous criez au feu quand le taux de chômage des jeunes atteint 25 %. Chez nous, il atteint 60 % ! Plus que jamais, il faut faire marcher l'économie réunionnaise sur ses deux jambes, en tendant la main aux PME et en développant l'économie solidaire. Ce que nous demandons, Monsieur le ministre, ce ne sont pas des contrats aidés, mais des projets, de vrais projets globaux. Le maintien de notre classement au patrimoine mondial de l'Unesco peut en constituer un. De même que les questions de la dépendance et des personnes âgées. Mais que l'on évite le saupoudrage ! Quels sont les investissements prévus par le Gouvernement pour développer l'économie solidaire ? Combien de contrats aidés nous seront-ils attribués ?

Enfin, Monsieur le ministre, j'ai apprécié vos propos sur la vie chère. Je souhaite d'ailleurs apporter de l'eau à votre moulin en vous informant des faits suivants : à La Réunion, la SRPP (Société réunionnaise de produits pétroliers) a une position dominante. Sur la zone portuaire a été établie une convention de concession du domaine public de l'État vers la Chambre de commerce et d'industrie de la Réunion (CCIR). Cette convention venait à échéance en 2015, comportait des éléments dont l'État pouvait tirer profit dans ses négociations avec les pétroliers. Or, à ma grande surprise, j'ai découvert qu'elle avait été renouvelée par anticipation en 2008 et courrait ainsi jusqu'en 2030. Êtes-vous au courant ? Pouvez-vous revenir sur cette prorogation ?

M. Michel Magras. - Monsieur le ministre, j'apprécie votre approche de l'outre-mer. Je souhaiterais vous sensibiliser à trois questions qui touchent Saint-Barthélemy.

La première concerne la réglementation du transport aérien. Les contraintes draconiennes et les taxes exagérées qui pèsent sur les compagnies françaises vont bientôt les contraindre à déposer leur bilan. En outre, les accords de réciprocité conclus entre la France et les autres États ne sont pas respectés : des autorisations sont délivrées à des compagnies étrangères dont les coûts salariaux et les charges sont beaucoup moins élevés. Les distorsions de concurrence sont trop fortes.

Deuxième sujet, la pêche : dans ce vaste archipel des Antilles où chaque île a sa propre relation avec la tutelle nationale et avec l'Europe, il est nécessaire de disposer d'un cadre réglementaire stabilisé. C'était l'objet d'une résolution du Sénat, qui demandait à l'Europe de définir ce cadre. Nous l'attendons, sous peine de graves difficultés à l'avenir entre les îles.

Enfin, la problématique de la défiscalisation. Je ne m'y oppose pas en outre-mer, mais il faudrait résoudre un point particulier : les biens défiscalisés ne devraient être utilisés que sur le territoire où ils ont fait l'objet de la défiscalisation. Il est anormal de voir des machines défiscalisées à la Martinique fonctionner à Saint Barthélemy !

M. Louis-Constant Fleming. - Monsieur le ministre, Saint-Martin s'apprête à fêter, le 15 juillet prochain, l'anniversaire du statut de collectivité d'outre-mer qu'elle a obtenu il y a cinq ans. Cinq années d'enfer et de contradiction au terme desquelles il est légitime de s'interroger sur les véritables intentions de l'État : veut-on faire de ce nouveau statut une réussite, ou craint-on qu'il suscite d'autres demandes ? En 2008, la commission d'évaluation des charges évaluait à 12 millions la somme à pérenniser par l'État pour la nouvelle communauté. L'arrêté de cette commission a été publié le 22 avril 2011. Or, au lieu de la compensation attendue, 4,7 millions par an, nous avons eu droit à une compensation négative, Saint-Martin devant verser à l'État 637 000 euros par an. L'affaire est aujourd'hui devant le Conseil d'État. En attendant, le budget primitif de 2011 a été voté en déficit, et transféré à la chambre territoriale des comptes. On attend la suite, en se demandant si le Gouvernement n'a pas l'intention de faire échouer la réforme.

Nous avons également des problèmes scolaires. Sur 36 000 habitants, 12 000 enfants sont scolarisés. Nous avions prévu de construire une cité scolaire : en aurons-nous les moyens ?

Victorin Lurel, ministre - J'ai conscience d'être sur une route cahoteuse et difficile, car le contexte se dégrade. C'est en effet un exercice de pragmatisme ; il me faut « comprendre le réel et aller à l'idéal », comme disait Jaurès. Le collectif budgétaire, la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale sont en pleine élaboration, mais c'est au terme de la législature que je vous demande de nous juger.

Pour progresser, il faut hiérarchiser nos priorités : en première année, sanctuariser la ligne budgétaire unique (LBU), le SMA, les niches fiscales et le plafonnement. Nous devons également trancher le débat sur l'inscription d'une quote-part des 500 millions : faut-il l'inscrire sur le budget de l'outre-mer ou la répartir entre les 37 ministères ?

Sur la défiscalisation, notre position est claire : son socle principal est la LBU. Peut-on la sanctuariser à son niveau actuel, entre 250 et 270 millions d'euros ? Comme les financiers vantent la défiscalisation, on a tendance à la préférer à la LBU. L'urgence de la situation et le besoin de constructions doivent nous inciter à éviter quelques travers et moraliser les pratiques : il faut trouver le juste couplage entre les défis du logement et la LBU. Certains opérateurs sociaux font des montages complexes, des monteurs en défiscalisation s'octroient 12 à 15 % de son produit, au point que le mètre carré défiscalisé revient parfois plus cher qu'en LBU !

La LBU doit rester le fondement de la politique du logement social, et marcher de concert avec la défiscalisation. Si nous arrivons à moraliser un peu les pratiques, c'est encore mieux.

Monsieur Vergoz, il ne faut pas culpabiliser sur les contrats aidés. Ils augmenteront de 50 % au second semestre 2012 : 80 000 emplois aidés supplémentaires sont prévus, en sus des 115 000 engagés. Les critères de répartition sont, d'une part, la part des demandeurs d'emplois de longue durée, et, d'autre part, le taux de consommation par les régions des contrats aidés attribués au premier semestre. Ces critères ont permis d'attribuer 10 020 emplois aidés à La Réunion - en diminution conformément au taux de consommation observé -, 1 500 en Guyane, un chiffre stable, 1 938 en Martinique, soit une légère diminution, et 2 500 en Guadeloupe. On ne vous culpabilise pas, mais on a bien conscience de ne répondre qu'à l'urgence et dans le court terme. Il faut travailler en profondeur sur la qualification et l'insertion. Il y a de vrais gisements dans l'apprentissage, cette école de la deuxième chance à laquelle nous devons familiariser les collectivités. Le SMA fonctionne bien !

Ce sont des sujets que nous devrons évoquer lors de la contractualisation avec les collectivités territoriales. Que surtout l'on ne nous dise pas qu'en matière de chômage nous n'avons pas tout essayé !

Enfin, je suis favorable à l'économie solidaire mais il faut trouver une source de financement, réactive et de confiance. Les banques se montrent frileuses. Je n'ai pas trouvé le sésame pour mobiliser l'épargne et nous en sommes à envisager une bourse régionale couvrant la zone de La Réunion, de l'île Maurice, de Mayotte, voire même Madagascar. Aujourd'hui, ces zones sont autorisées à s'insérer dans les organisations internationales. Le droit devenant polymorphe, plus souple, il permettra peut-être de trouver un moyen de mobiliser l'épargne.

Le problème de l'économie solidaire, c'est la solvabilisation. C'est un domaine foisonnant, ondoyant et divers, pour paraphraser Montaigne, mais encore faut-il payer. Les coopératives qu'on a longtemps oubliées sont à soutenir par des financements, dont le microcrédit.

Le traité de concession entre la CCI et la SRPP ? J'en ai entendu parler sans en connaître la teneur exacte. Je sais qu'on envisage une prolongation jusqu'en 2030. Toutes choses égales par ailleurs, nous avons connu pareil dispositif lorsque nous avons changé de structures aéroportuaires. Nous avons renouvelé les concessions aéroportuaires par anticipation, privatisé en proposant aux collectivités territoriales de devenir actionnaires. Nous avons un vrai souci sur les ports maritimes. Je viens de différer l'entrée en vigueur du décret au 1er janvier 2013 à la demande des socioprofessionnels mais je ne remets pas en cause la gouvernance et les montages ; s'ils fonctionnent, conservons-les. Nous devrons évoquer le monopole de la manutention, une question importante pour le coût du fret, ainsi que la structure organisationnelle de la SRPP. Les élus de La Réunion sont pour le découplage du raffinage et du stockage. Attention toutefois au contexte : ainsi ne faut-il pas que le pétrole guyanais soit raffiné à Trinidad ; je viens d'en parler à M. Montebourg. Si on est à 300 000 barils par jour, on ne peut pas imaginer de gaîté de coeur de raffiner à seulement quelques encablures des côtes de la Guyane alors que la SARA risque de fermer. Il y a là un partenariat plus intelligent à trouver. Tout cela pour dire qu'à La Réunion nous sommes prêts à examiner avec bienveillance ce découplage à la condition d'une saine concurrence sur la propriété des cuves de stockage. En Guadeloupe, un importateur a voulu s'implanter, il n'a pas pu stocker la marchandise car les cuves étaient propriété d'une société pourtant financée par la défiscalisation et des fonds publics via la facturation des quotes-parts d'amortissement.

Monsieur Magras, je prends note de vos remarques sur le transport aérien dont vous êtes un spécialiste. Les normes imposées posent effectivement un problème de rentabilité et de survie aux petites compagnies, de même que les taxes trop élevées et les accords de réciprocité non respectés. Nous avons exclu Saint-Barthélemy et la Nouvelle-Calédonie de l'ordonnance adoptée en Conseil des ministres en matière de sécurité aérienne.

Les relations avec l'Europe doivent s'inscrire dans un cadre réglementaire stabilisé, notamment en matière maritime et de pêche. L'absence de délimitation des eaux territoriales et de la ZEE avec La Dominique ou Antigua, empêche la conclusion de conventions de pêche. Cela dit, il faut un cadre dépassant le problème de la pêche pour gérer de manière globale les bassins océaniques au sens du Grenelle. Je pense, entre autres, à la coopération judiciaire et policière ou encore au cabotage. Des discussions sont en cours avec la Commission de l'océan Indien (COI).

La domiciliation des actifs défiscalisés est-elle concrètement praticable ? Peut-on empêcher un bateau de circuler librement ? La liberté d'aller et de venir sur le territoire national est garantie par la Constitution. Je suis donc perplexe.

J'ai entendu les propos du sénateur Fleming sur Saint-Martin : cinq ans d'enfer puis un arrêté qui prend 637 000 euros à une collectivité déjà en difficulté. Vu la situation, je comprends que vous ayez saisi le Conseil d'État. À l'époque, j'avais dit mon étonnement devant l'absence de compensation par l'État. L'État n'a pas compensé et la Guadeloupe a payé 18 mois. Si votre affaire prospère devant le Conseil d'État, je demanderai peut-être à ce que ma région soit remboursée des frais indûment consentis à Saint-Martin. C'est une plaisanterie... Le problème est celui de l'évaluation des charges. On a fait le même coup à Mayotte : les charges ont été évaluées sur une seule année, et non sur une moyenne pondérée. Le Conseil d'État nous éclairera. Quant à mon Gouvernement, son attitude est la bienveillance. L'autonomie doit se faire à budget constant. Le tout est de savoir ce que l'on entend par budget constant... Nous avons eu ce débat pour l'érection de collectivités autonomes en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. J'ai reçu le président Richardson, je lui proposerai un protocole d'accompagnement financier.

M. Serge Larcher, président. - Un ancien député de la Guadeloupe avait interpellé le Gouvernement sur le devenir du commissaire au développement endogène. Il avait également dénoncé dans des termes virulents le document de politique transversale (DPT), qu'il considérait particulièrement choquant dans sa philosophie. Demande-t-on combien coûte une région hexagonale à la République ? Ce même député soulignait également le coût exorbitant du roaming. Qu'en pense l'actuel ministre des outre-mer qu'il est devenu ?

À la Martinique, on s'interroge sur le Fonds alloué à France active pour le développement de l'économie sociale et solidaire. Une enveloppe sera-t-elle réservée à l'outre-mer ?

Enfin, la dimension ultramarine a-t-elle été prise en compte lors de la Conférence sociale ?

M. Victorin Lurel, ministre. - Je maintiens ma position, mais nous n'aurons pas le temps de changer la LOLF et de supprimer le DPT... à moins de supprimer mon ministère. Une autre solution consisterait à généraliser cette pratique. Environ 12 ou 13 milliards pour l'outre-mer, combien pour la région Rhône-Alpes ? Pourquoi compter dans cet effort de l'État les policiers, les gendarmes, les instituteurs, les infirmières ? C'est la présence de l'État, les fonctions régaliennes ! Il faut revenir sur cette façon comptable d'envisager la relation aux outre-mer. La livre de chair est lourde comme du grain, lit-on dans Le marchand de Venise.

Les commissaires au développement endogène ? Quelle a été leur efficacité ? Qu'ont-ils endogénéisé ? Qu'on me le dise ! Mon collègue Montebourg a créé 22 commissaires au redressement productif, peut-être peut-on envisager des mutualisations si la fonction s'avère utile, pertinente et cohérente.

Sur la place des outre-mer dans la Conférence sociale, nous avons travaillé cette rencontre en amont avec M. Michel Sapin. La constitutionnalisation du dialogue social, une promesse du candidat-président, devra tenir compte des spécificités de nos syndicats. Ils sont autonomes à telle enseigne qu'ils siègent avec les délégations étrangères lorsqu'ils se rendent dans l'Hexagone.

Sur l'itinérance, nous avons déjà obtenu une baisse de 17 %, un accord que la réglementation n'imposait pas aux opérateurs. C'est un début. Il faudra aller plus loin. L'urgence est aussi d'agir sur le transport aérien et les billets d'avion. Les compagnies low cost, qui desservent la Guadeloupe et la Martinique, sont à développer. D'autant qu'elles partent de Roissy !

Pour conclure, je veux partager avec vous une information : Mayotte vient d'être admise au club des RUP.

M. Serge Larcher, président. - Et pour France Active ?

M. Victorin Lurel, ministre. - France Active a des déclinaisons locales, je ne peux vous en dire plus à ce stade.

M. Serge Larcher, président. - Merci, Monsieur le ministre, de nous avoir consacré tout ce temps, plus de trois heures !

Désignation de rapporteurs

M. Serge Larcher, président. - Comme je vous l'ai annoncé par un message venu compléter la convocation pour notre réunion d'aujourd'hui, notre délégation, après la pêche, va s'intéresser à un nouveau dossier européen, tout à fait crucial pour nos régions ultrapériphériques puisqu'il s'agit, dans la perspective de la définition du nouveau cadre financier pour la période 2014-2020, de réagir à une communication de la Commission européenne du 20 juin dernier intitulée : « Les régions ultrapériphériques de l'Union européenne : vers un partenariat pour une croissance intelligente, durable et inclusive ».

Il nous faut, sur ce nouveau dossier, désigner un binôme de rapporteurs. Or, je dois vous informer que la commission des affaires européennes a confié à notre collègue Georges Patient un travail sur les perspectives de la politique de cohésion et l'avenir de l'octroi de mer. Le travail de la délégation serait complémentaire de celui de la commission des affaires européennes et je vous propose, comme gage de cohérence, de désigner également Georges Patient comme rapporteur de notre délégation. Pourrait s'adjoindre à lui pour équilibrer notre binôme M. Roland du Luart.

MM. Roland du Luart et Georges Patient sont désignés comme co-rapporteurs sur le nouveau sujet européen relatif aux perspectives des RUP au sein de l'Union européenne à l'horizon 2020.

Programme des travaux de la délégation

M. Serge Larcher, président. - Voici enfin quelques compléments à notre programme de la rentrée : déplacement à Bruxelles fin septembre pour informer les autorités européennes de la position du Sénat sur les adaptations à prévoir dans la politique commune de la pêche pour tenir compte des réalités ultramarines (MM. Maurice Antiste, Serge Larcher, Charles Revet) ; reprise des cycles d'auditions sur la vie chère et les ZEE ultramarines ; en ce qui concerne les États généraux de la démocratie locale les 4 et 5 octobre 2012 : 4 ateliers seront organisés le jeudi 4 octobre après-midi, dont un sur l'outre-mer. Ces ateliers, réunissant sénateurs et élus locaux, se dérouleront au Sénat le 4 octobre. Chaque atelier élaborera un rapport qui sera présenté le lendemain matin, 5 octobre, en séance plénière à la Sorbonne.