Mardi 24 juillet 2012

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Approbation de l'accord entre la France et le Brésil relatif à la création d'un centre de coopération policière - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. René Beaumont et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 3 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d'un Centre de coopération policière

M. René Beaumont, rapporteur - La France et le Brésil développent depuis plusieurs années un partenariat stratégique, prenant la forme d'un dialogue approfondi entre les deux pays, de visites officielles régulières, d'une coopération culturelle et scientifique riche et ambitieuse, mais aussi d'une coopération judiciaire et policière. Le Sénat est aujourd'hui saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Brésil relatif à la création d'un Centre de coopération policière. Il s'agit d'un projet de protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération du 12 mars 1997 en matière de sécurité publique, qui résulte de négociations engagées dès 2007.

Dès le début des années 1990, s'est développée une coopération en matière policière entre la France et le Brésil, avec notamment la signature de différents accords bilatéraux. Cette coopération n'a cessé de se renforcer, à mesure que nos liens avec ce pays devenaient de plus en plus forts. Elle a été consolidée en 1997 par la conclusion d'un accord de partenariat et de coopération visant à développer une coopération technique et opérationnelle en matière de sécurité publique. Les parties s'engagent à se prêter mutuellement assistance dans un certain nombre de domaines : criminalité transnationale organisée ; trafic illicite de stupéfiants ; immigration irrégulière ; terrorisme, sachant qu'il était aussi prévu que cette coopération pourrait être étendue à tous les domaines qui se révéleraient utiles aux objectifs de l'accord : blanchiment d'argent ; trafic d'armes ; sécurité des ports, aéroports et frontières ; maintien de l'ordre public ; police technique et scientifique ; gestion, recrutement et formation des personnels. 

En particulier c'est la délinquance transfrontalière qui est en jeu. Le Brésil et la Guyane, ont en commun une frontière de 730 km. Enclave européenne en Amérique Latine, la Guyane bénéficie d'un niveau de développement plus élevé que ses voisins, devenant ainsi un territoire très attractif pour les ressortissants des États alentour et les groupes criminels. Mais également, parce qu'elle dispose d'un important potentiel aurifère, elle attise la convoitise de chercheurs d'or clandestins, les « garimpeiros ». Au-delà de cette exploitation illégale, c'est toute une délinquance « collatérale » qui en découle : immigration clandestine, meurtres, prostitution, trafic d'armes, trafic de stupéfiants.

Cette délinquance se déroulant souvent au coeur de la forêt amazonienne, l'interpellation des auteurs en est rendue d'autant plus difficile. La pérennisation de l'opération HARPIE a permis ces dernières années un démantèlement de nombreux sites clandestins, malheureusement les saisies, destructions de matériels et arrestations ne découragent pas les orpailleurs pour autant. Enfin, les enquêteurs doivent faire face à la violence des orpailleurs illégaux, qui n'hésitent pas à faire usage des armes à leur encontre.

C'est ainsi que le 27 juin dernier, deux soldats du 9e RIMA ont perdu la vie lors d'un accrochage à l'arme de guerre contre des orpailleurs clandestins, deux gendarmes ont également été gravement blessés.

A cet égard, un accord entre la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées d'intérêt patrimonial a été signé à Rio de Janeiro le 23 décembre 2008. Il a été ratifié par la France mais toujours pas par le Brésil. Ce n'est pas faute, pour les parlementaires français, d'avoir insisté sur l'importance de cette ratification lors de diverses missions en Guyane ou au Brésil. Sur les deux dernières années, deux missions de notre commission ont été conduites, l'une en Guyane, l'autre au Brésil, et les deux ont préconisé un renforcement de la coopération avec le Brésil pour lutter contre ce fléau et ont appelé à la ratification de l'accord par la partie brésilienne. Une délégation du groupe interparlementaire d'amitié, dont je faisais partie, a fait de même en septembre 2011.

L'ouverture prochaine du pont sur l'Oyapock pourrait aussi poser de nouveaux défis sécuritaires. C'est pourquoi un accord relatif à la création d'un centre de coopération policière a été signé.

Le protocole prévoit que le Centre de coopération policière (CCP) sera établi sur place, à la frontière entre les deux pays, aux abords immédiats du pont, en territoire français dans un premier temps, pour une durée de trois ans, avant que la détermination de sa localisation définitive soit décidée. Il accueillera des agents de police et de gendarmes pour la partie française, et des effectifs de la police fédérale pour la partie brésilienne, et visera à l'approfondissement de la coopération transfrontalière par l'échange d'informations dans les domaines prévus dans l'accord de 1997. La liste des missions conférées au CCP comprend la lutte contre l'orpaillage illégal, qui doit figurer parmi ses priorités, les trafics qui y sont liés, la destruction des forêts...

Le centre ne pourra réaliser pas d'interventions à caractère opérationnel de manière autonome et il restera à la disposition de la gendarmerie et de la police nationale française et de la police fédérale brésilienne.

Le traitement des informations échangées est réglé à l'article 3 du protocole, qui en garantit la protection. Dans la mesure où le Brésil ne dispose pas à l'heure actuelle d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, l'échange ne portera que sur les informations de nature non personnelle, comme c'est d'ores et déjà le cas sous l'empire de la convention de 1997.

Les agents qui seront affectés au CCP verront leur statut juridique défini à l'article 5 du protocole. En cas d'intervention sur le territoire de l'autre partie, ces agents restent soumis aux dispositions en vigueur dans leur pays d'origine pour tout ce qui est lié au service et bénéficient de l'immunité de juridiction civile et pénale de cette partie pour les actions menées dans l'exercice de leurs fonctions et dans les strictes limites de leurs compétences respectives.

L'article 7 précise enfin que les deux parties participent au financement du Centre en assumant leurs dépenses d'équipement et de fonctionnement respectives. Un coordinateur sera désigné par chacune des parties pour assurer la liaison entre les parties.

Cet accord complète la liste des textes qui lient la France et le Brésil. Il permettra une coopération accrue en matière sécuritaire. Le centre est déjà opérationnel, il a été ouvert en septembre 2010 à Saint-Georges-de-l'Oyapock. Il est néanmoins nécessaire de formaliser sa création par la ratification de cet accord.

Une réserve cependant : s'il est une réponse louable aux problèmes transfrontaliers entre les deux parties, il n'est pas suffisant. Le Brésil doit ratifier l'accord sur la lutte contre l'exploitation aurifère illégale, les textes vont de pair. Seule une réelle volonté politique conjuguée des deux parties permettra de lutter efficacement contre la délinquance transfrontalière.

La partie brésilienne a d'ores et déjà transmis son instrument de ratification, le 5 octobre 2011. L'accord a également été adopté par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

M. Jacques Berthou - L'orpaillage clandestin est un désastre écologique à cause de l'utilisation du mercure. Les forces françaises en Guyane font au mieux, mais on pourrait, avec plus de moyens, limiter l'extension de l'orpaillage sauvage. Cette année deux militaires ont été tués, l'an dernier un militaire est mort noyé. C'est inquiétant et touche à l'intégrité de notre territoire ! Si le Brésil tardait à ratifier l'accord sur l'orpaillage, alors il faudra qu'on prenne ce problème en charge par d'autres moyens en attendant.

M. Alain Néri - Le pont sur l'Oyapock a été financé en partie par la France. L'inauguration a-t-elle eu lieu ? Il me semble que celle-ci était prévue pour fin 2011.

M. René Beaumont - Le pont n'a toujours pas été inauguré à ce jour, son utilisation est toujours interdite.

M. Jeanny Lorgeoux - Cette convention pourra servir de point d'appui à celle sur la lutte contre l'orpaillage clandestin, surtout si celui-ci continue à se développer. Ce pourrait être le point de départ d'une rediscussion, d'une remise à plat d'un certain nombre de problèmes soulignés par notre rapporteur.

La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Approbation de l'accord entre la France et le Liban relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. René Beaumont et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 498 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration

M. René Beaumont, rapporteur - Monsieur le Président, mes chers collègues, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration est le résultat de négociations engagées en avril 2009, à l'initiative de France.

Cet accord vient compléter le protocole de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise signé le 14 octobre 1993 à Paris.

Il s'inscrit dans la continuité du document cadre de partenariat France-Liban 2008-2012 conclu le 20 novembre 2008 à Beyrouth.

Cet accord, en conférant une base juridique solide à la coopération bilatérale, doit permettre un renforcement de celle-ci, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme.

Ce texte a été signé à Paris le 21 janvier 2010 par M. François Fillon, Premier ministre français et M. Saad Hariri, Premier ministre libanais.

Le préambule inscrit cet accord dans le cadre du renforcement de la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration. Ce texte, composé de 10 articles, est fondé sur l'accord-type élaboré par le Ministère des Affaires étrangères en 2007.

J'en viens maintenant à notre coopération, active depuis 1996. Le service de sécurité intérieure (SSI) de Beyrouth est composé d'un commissaire divisionnaire qui occupe les fonctions d'attaché de sécurité intérieure (ASI), d'un expert technique international, d'un chargé de la coopération technique et de deux employés locaux. Il faut relever que le GIGN apporte également son soutien au département de l'information du ministère libanais de l'Intérieur.

La coopération opérationnelle a pour priorité le traitement du renseignement, centré sur les luttes d'influence entre factions palestiniennes, et l'activité des services spécialisés contre les mouvances salafistes ou contre les clans mafieux de la région de la Békaa.

Le SSI renseigne notre ambassade sur plusieurs domaines sensibles dont l'appréciation des autorités libanaises sur les évènements en Syrie.

En effet, la poursuite des violences en Syrie a des conséquences importantes au Liban du fait de l'augmentation du nombre de réfugiés évalués à 26.000 dans tout le pays à la fin du mois de juin 2012. Le Premier ministre Najib Mikati, qui a fait preuve de détermination en décidant d'honorer l'engagement du Liban de financer le Tribunal spécial sur le Liban, s'est ainsi distancié du Hezbollah. Il tente de se maintenir dans son rôle de garant de la paix civile. Mais la ligne de «neutralité» à l'égard de la Syrie est de plus en plus difficile à tenir en raison de l'installation de la crise dans la durée et du rapport de forces encore favorable au régime syrien.

En plus des menaces liées au contexte régional (terrorisme, montée du salafisme, regain des tensions entre les différentes communautés), le Liban est touché par trois problèmes majeurs : la corruption, le trafic des stupéfiants et l'insécurité routière.

La corruption, le trafic d'influence et les conflits d'intérêt touchent tous les milieux, dont la classe politique, car certains ministres et députés poursuivent des activités privées pendant leur mandat.

S'agissant du trafic de stupéfiants, il est essentiellement le fait de familles de la Békaa qui protègent l'activité de leurs membres les plus impliqués dans ce négoce (système de type mafieux). Il est difficile aux services de sécurité d'enquêter et d'intervenir contre ces trafiquants sur leurs territoires.

L'insécurité routière est forte. La Croix Rouge libanaise, chargée des interventions de premier secours estime que le nombre de morts serait au moins deux fois supérieur à celui de la France.

En matière de sécurité civile, les moyens de lutte contre les incendies d'immeubles (dont de nombreux immeubles de grande hauteur) et ceux destinés aux nombreux sauvetages-déblaiements lors d'effondrements d'immeubles sont insuffisants, dans un pays très densément urbanisé en constante reconstruction.

De même, les moyens d'assistance et de secours aux victimes d'accidents de tous ordres - domestiques et routiers- sont désorganisés et inadaptés.

En 2011, la coopération a porté sur six domaines principaux : la sûreté aéroportuaire, la sécurité civile, l'enseignement du français, le contre-terrorisme, la prévention et les soins en matière de stupéfiants et l'appui à la formation des Forces de sécurité intérieures.

65 000 euros, apportés par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ont permis la poursuite de la formation de policiers formateurs anti drogue libanais, et ont facilité le projet de création à Beyrouth du premier centre hospitalier de soins pour toxicomanes.

De plus, la mobilisation soutenue de l'expertise française facilite la poursuite du projet européen SAROL (« Security and Rule of Law ») qui est prolongé jusqu'à la fin de l'année 2013.

Vous trouverez dans mon rapport écrit une description détaillée des forces de sécurité libanaise, dont l'essentiel est composé des 26 000 hommes des forces de sécurité intérieure, relevant du ministère de l'intérieur.

Notre coopération est très appréciée des responsables libanais. Certes, le présent accord n'a pas encore été ratifié par Beyrouth, mais cela tient, non à une réticence de notre partenaire, mais aux particularités de la situation politique intérieure libanaise marquée, comme vous le savez, par de vives dissensions internes.

En conclusion, je vous recommande d'adopter ce texte, et de prévoir son examen en séance publique sous forme simplifiée.

La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Approbation de l'accord entre la France et la Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Raymond Couderc et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 524 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

M. Raymond Couderc, rapporteur - Monsieur le Président, mes chers collègues, la France et la Géorgie ont signé, le 21 janvier 1994, un traité d'entente, d'amitié et de coopération, dont l'article 18 portait sur la coopération de sécurité intérieure.

Des échanges mutuels de personnels aux fins de formation se sont développés sur cette base, et leur caractère fructueux a conduit en 2002 à la création, au sein de notre ambassade à Tbilissi, d'un service de sécurité intérieure (S.S.I.).

Le développement de cette coopération a requis la conclusion du présent accord, signé le 9 novembre 2009 à Paris.

Ce texte fournit à la coopération bilatérale une base juridique claire, et cohérente avec les accords de même type déjà conclus par la France.

J'en viens à une rapide présentation de la situation de la Géorgie.

Vous savez que l'indépendance de ce pays, en 1991, a été accompagnée d'importantes difficultés politiques

L'implosion de l'URSS, en 1991, a en effet permis à Tbilissi de recouvrer son indépendance, perdue depuis 1945.

Stabilisée politiquement avec l'accession d'Edouard Chevardnadze à la tête de l'Etat, qui institue un pouvoir présidentiel fort, la situation économique, en forte dégradation, conduit, en novembre 2003, à la « révolution des roses », portant au pouvoir Mikhaïl Saakachvili, jeune président pro-occidental formé en France et aux Etats-Unis.

Subsistent cependant, à la déception des Géorgiens, d'importantes disparités économiques entre l'élite politique et le peuple, un pouvoir fort sans émergence de contrepoids, notamment dans le domaine judiciaire, qui reste soumis à l'exécutif, et des irrédentismes attisés par Moscou en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

La guerre engagée par le président géorgien, en août 2008, contre la Russie, aboutit à une défaite de Tbilissi, et à la déclaration d'indépendance de ces provinces rebelles, qui ne sont cependant reconnues que par la Russie et le Venezuela.

Les élections locales de mai 2010 ont été remportées par le parti du Président, en dépit d'un vaste mouvement de protestation de l'opposition au printemps 2009 contre l'autoritarisme supposé de Mikhaïl Saakachvili.

Depuis l'accession à la présidence de Mikhaïl Saakachvili, la Géorgie a connu une profonde modernisation de son appareil d'Etat, et particulièrement de ses structures judiciaires et policières. Des progrès restant à faire dans ces domaines comme dans la formation des personnels de police.

Comme pour tout pays en transition, la formation des personnels en matière d'éthique et de déontologie nécessite du temps. La conduite des missions de police, requiert en effet un exercice maîtrisé de la coercition. De plus, la lutte contre la corruption constitue encore une priorité pour les autorités.

Les priorités de notre coopération portent sur la lutte contre la criminalité transnationale organisée qui nécessite une formation dans des domaines de haute technicité comme la répression de la grande délinquance financière, du blanchiment et de la cybercriminalité.

La lutte contre le terrorisme, même s'il n'existe pas d'indice de menace ou d'utilisation avérée du territoire géorgien par des réseaux relevant du terrorisme transnational d'origine confessionnelle, doit également être développée. La persistance d'un terrorisme d'essence séparatiste, lié à la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud, peut constituer un facteur de risque.

Vous trouverez dans mon rapport écrit une description des actions de coopération bilatérales déjà engagées entre la France et la Géorgie.

L'autofinancement géorgien occupe une part croissante dans le budget de la coopération bilatérale, du fait de la stabilisation politique et du développement économique de l'Etat géorgien, et constitue un gage de son implication croissante.

Notre coopération doit conduire à une amélioration des pratiques professionnelles de la police géorgienne, et au développement de son action dans la lutte contre la criminalité organisée. Des résultats tangibles ont déjà été obtenus, avec le démantèlement en juin 2007 d'un réseau de trafic de Subutex (médicament de substitution à l'héroïne) en région parisienne, conduisant à la mise en examen de 12 personnes.

La lutte contre les organisations criminelles transnationales géorgiennes, opérant à l'échelle du continent européen, et ayant des ramifications en France, constitue une autre priorité. Ainsi, l'opération européenne « Java », a permis en 2010 l'arrestation de plus de 80 criminels géorgiens d'envergure, et l'interpellation de trois chefs de réseaux de vols commis en bande organisée.

Vous savez qu'un accord-type a été élaboré par notre pays pour rationaliser et unifier le contenu des nombreux accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité intérieure qu'il conclut.

C'est sur cette base qu'a été rédigé le présent texte.

Je vous recommande donc de l'adopter, comme il l'a déjà été par la Géorgie, et vous propose qu'il soit examiné en séance publique sous forme simplifiée.

M. Alain Gournac - Vous savez l'intérêt que je porte à la Géorgie, qui m'a conduit à présider le groupe interparlementaire d'amitié avec ce pays. J'apprécie le caractère équilibré de l'exposé de M. Couderc. La Géorgie progresse, en effet, vers la démocratie, mais ses forces de l'ordre doivent pouvoir bénéficier de l'appui français. C'est d'ailleurs notre intérêt bien compris, car les réseaux criminels issus de ce pays étendent leurs activités à l'Europe entière.

La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Nomination de rapporteurs

Puis la commission procède à la nomination de rapporteurs :

Sont désignés rapporteurs :

- M. Michel Boutant pour le projet de loi n° 606 (2011-2012) autorisant l'approbation de la convention relative à la construction et à l'exploitation d'une infrastructure pour la recherche sur les antiprotons et les ions en Europe ;

- M. Jean Besson pour le projet de loi n° 664 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières ;

- M. Jean Besson pour le projet de loi n° 665 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant la mise en place et l'exploitation d'un centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune ;

- M. Xavier Pintat pour le projet de loi n° 4 (AN - 14e législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole d'amendement de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l'extension en territoire français du domaine de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965 ;

- M. Xavier Pintat pour le projet de loi n° 5 (AN - 14e législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l'Organisation afin d'y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational ;

- M. Christian Cambon pour le projet de loi n° 9 (AN - 14e législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses Etats membres ;

- M. Jean-Claude Réquier pour le projet de loi n° 72 (AN - 14e législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques ;

- M. Christian Namy pour le projet de loi n° 73 (AN - 14e législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire.

Audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement

M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, mes chers collègues, c'est un plaisir de vous accueillir ici à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il s'agit d'une commission qui traite aussi bien des sujets de défense que de diplomatie et nous tenons à maintenir ces deux compétences car il s'agit en définitive des deux bras d'un même corps. Je vous dis cela parce qu'il s'agit d'une spécificité du Sénat que vous ne retrouverez pas à l'Assemblée nationale.

Sachez que l'aide au développement est un sujet qui nous tient à coeur. La commission s'est investie sur ce thème depuis de très nombreuses années.

Elle a participé à l'élaboration du document-cadre de coopération en développement qui fixe la stratégie nationale dans ce domaine. Nous avions à cette occasion organisé une table ronde puis un débat en séance publique.

Peut-être qu'un jour, en tout cas je l'espère, nous débattrons d'une loi de programmation sur la coopération au développement qui permettra d'en fixer les grandes orientations et le cadrage budgétaire, comme c'est le cas en Grande-Bretagne ou en Espagne.

Longtemps cette politique a été le monopole de l'exécutif dans le sillage de la politique africaine, il serait sain que cette politique soit désormais débattue plus largement au Parlement. Vous avez affirmé vouloir rompre avec la diplomatie parallèle, voilà une occasion de débattre du développement, au grand jour, avec le Parlement.

Nous pensons que le développement constitue un des piliers de la politique étrangère de la France. L'année dernière, nous nous étions penchés sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement. La commission avait alors adopté un rapport très approfondi sur l'activité de cet opérateur pivot de la coopération. Nos recommandations qui avaient notamment porté sur l'évaluation avaient été largement reprises. Vous nous direz comment vous voyez l'évolution de cette institution et de sa gouvernance.

Les rapporteurs de la commission sont devenus des experts du sujet au conseil d'administration de l'AFD, où ils nous représentent, mais aussi sur le terrain, au Mali, en Inde les années précédentes, à Madagascar cette année.

Sachez donc que ce que vous nous direz sera écouté avec attention.

Cette audition a, d'abord, pour vocation de vous permettre d'exposer votre analyse : du portefeuille ministériel dont vous avez la charge et de la situation des pays avec qui nous coopérons.

Je dis nous « coopérons », mais j'ai bien noté que vous n'êtes plus le ministre de la coopération, mais celui du développement, vous nous direz, sans doute, ce que cela signifie.

Nous aimerions également vous entendre sur la situation en Afrique, au Sahel et au Maghreb, je pense notamment au Mali évidemment, mais aussi aux pays arabes en transition, auxquels nous avons promis beaucoup dans le cadre du partenariat de Deauville. Le développement du Sahel et du Maghreb est, vous l'imaginez, au coeur de nos préoccupations et, j'imagine, des vôtres.

La commission a prévu, en octobre prochain, de faire le point sur les différentes évaluations de la politique de coopération qui ont été menées ces derniers mois. Après le rapport de la Cour des Comptes sur l'aide au développement, le Parlement disposera, à ce moment-là, du bilan évaluatif de la coopération française depuis dix ans. Cela sera l'occasion de dresser un constat sur l'efficacité de cette politique et de formuler des perspectives d'évolution.

J'ai pensé que cette table ronde pourrait être l'occasion pour vous de tirer les conclusions de ces évaluations et d'exposer, après trois mois d'exercice, les mesures que vous entendez prendre dans les années à venir pour améliorer le fonctionnement et les résultats concrets de cette politique.

A un moment où les deniers publics se font de plus en plus rares, je crois qu'il est important que nos concitoyens sachent que l'argent que nous consacrons au développement est bien utilisé. Ces évaluations ont notamment pour vocation de s'en assurer.

Je profite donc de cette première audition pour d'ores et déjà prendre date et vous inviter à revenir et à participer à cette table ronde le 3 octobre prochain sur l'avenir de la politique d'aide au développement.

En attendant, je vous cède la parole avant de vous livrer aux questions bienveillantes des membres de la commission, et en premier lieu de nos deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis heureux d'avoir la possibilité aujourd'hui d'échanger avec vous. Je souhaite profiter de cette première audition devant votre commission - et devant une assemblée puisque le Sénat a la primeur de mon intervention devant une commission parlementaire - pour présenter les grandes lignes qui gouverneront mon action au service du développement.

Il s'agit d'un domaine ministériel sur lequel existe un certain consensus politique qu'il convient de maintenir. J'ai cru comprendre que ce consensus républicain était largement d'usage dans cette commission sur un sujet qui, il est vrai, ne se prête pas au clivage partisan. J'entends cultiver cet état d'esprit.

Je voudrais en préambule saluer l'action de mon prédécesseur, Monsieur Henri de Raincourt, et son action pour le développement des financements innovants, l'introduction des questions relatives au développement à l'agenda du G20, ainsi que l'élaboration d'un document-cadre définissant la stratégie de notre pays dans ce domaine. Sur ces points au moins, mon intention est de m'inscrire dans la continuité.

Mon action s'inspirera de quatre principes : la soutenabilité, l'efficacité, la transparence et le dialogue.

Soutenabilité car face aux défis environnementaux et climatiques, notre politique de développement ne peut aujourd'hui qu'être durable. Nous devons modifier notre conception du développement, changer de logiciel pour intégrer cette donnée fondamentale liée à la préservation de notre environnement.

Efficacité, car en ces temps de redressement budgétaire, nous devons optimiser chaque euro dépensé. Efficacité, aussi, car les besoins des populations du Sud sont immenses.

Transparence, vis-vis du Parlement, vis-à-vis de nos citoyens, vis-à-vis de nos partenaires et de leurs populations, car chacun doit être en mesure de juger des réalités de notre politique d'aide au développement. C'est un gage d'efficacité et de démocratie.

Dialogue, enfin avec les ONG, avec nos partenaires, avec les sociétés civiles au Sud, car le développement n'est possible qu'en partenariat.

Mais avant de développer plus longuement ces priorités, je souhaitais revenir sur le périmètre de mon ministère et son intitulé. Je suis le ministre du développement et plus celui de la coopération. Ce changement est le signe d'un nouveau partenariat avec l'Afrique. C'est en premier lieu, une rupture avec les dérives de la Françafrique. Je crois que de ce point de vue, la disparition du terme coopération dans l'intitulé de ma fonction n'est pas anodine. L'époque du Ministère de la coopération est aujourd'hui close. Les relations bilatérales avec les pays africains sont normalisées. A l'Elysée où il n'existe plus de cellule Afrique. Au quai d'Orsay où le Ministre des Affaires Etrangères est pleinement en charge des relations bilatérales avec l'Afrique.

Il ne s'agit pas de rompre avec l'Afrique car les liens qui nous unissent n'ont pas changé. Il s'agit de définir un nouveau partenariat d'égal à égal avec les pays qui le souhaitent. Ce changement de cap doit se faire sans naïveté. Nous avons une histoire, des liens géographiques, des intérêts économiques à défendre. Ce nouveau partenariat doit s'inscrire dans le cadre de la nouvelle donne géopolitique. Vous l'avez noté, la Chine a annoncé la semaine dernière, pour le meilleur et pour le pire, le doublement de ses prêts à l'Afrique dans les trois prochaines années. Cette nouvelle donne, nos partenaires l'ont en tête. Nous ne pouvons l'ignorer. Il n'y a plus aujourd'hui de relations obligées, il n'y a de relation que dans un partenariat ou chacun considère l'autre comme son égal.

Ce nouveau partenariat doit se fonder sur la bonne gouvernance, le développement et la mobilisation de toutes les énergies. Cette logique, nous devons l'avoir pour l'Afrique mais aussi pour l'ensemble du monde en développement.

Cette bonne gouvernance, elle est évidemment, démocratique. Nous devons faire plus pour consolider les Etats aujourd'hui fragiles. L'effondrement du Mali, que nous vivons avec la plus grande tristesse, nous rappelle cet impératif. Avec le Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, nous suivons avec attention l'évolution de la situation au Sahel.

La France travaille à définir une réponse sécuritaire et humanitaire à la crise actuelle. Il y a chez nos partenaires européens comme au Sahel une forte attente vis-à-vis de la France. Nous avons à l'égard de cette zone une responsabilité qu'il nous faut assumer.

Vous avez examiné la semaine dernière le traité d'amitié franco-afghan. Le Ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a confirmé début juillet à Tokyo l'augmentation de l'aide française et le renforcement de la coopération civile franco-afghane. Je me suis moi-même rendu début juin en Afghanistan pour évaluer les perspectives de coopération civile. En ratifiant ce traité, la France agit pour éviter une nouvelle déstabilisation de l'Etat afghan. Je peux vous assurer que je serai très attentif à la bonne mise en oeuvre de nos projets de coopération civile et à la sécurité de nos personnels qui y participent. Pour autant, notre engagement n'est pas sans condition. Je serai tout aussi attentif au respect par nos partenaires afghans de leurs engagements notamment en matière de lutte contre la corruption et de respect des droits de l'Homme et notamment du droit des femmes.

Consolider les Etats, c'est aussi travailler à renforcer les capacités fiscales des Etats bénéficiaires pour leur permettre d'accroître leurs ressources budgétaires. L'aide au développement ne doit pas seulement s'intéresser à l'aide publique au développement, mais s'inscrire dans une réflexion plus globale sur l'ensemble des flux financiers nécessaires au développement des pays concernés. Dans cette perspective, la promotion des capacités fiscales des États est essentielle.

Mais consolider les Etats ne peut suffire à consolider la démocratie. Consolider la démocratie, c'est renforcer les parlements, renforcer la société civile, avec ses associations, ses fondations politiques, renforcer une presse et des médias libres et indépendants. C'est enfin assurer l'accès à la justice qui permet aux citoyens l'exercice effectif de leurs droits. Pour mettre en oeuvre ces objectifs, le fonds de solidarité prioritaire doit retrouver sa vocation première au service de la gouvernance démocratique.

Ce nouveau partenariat avec les pays en développement, comme je vous l'ai déjà dit, ce n'est bien évidemment pas une rupture. Demain comme hier, notre aide ira en priorité à l'Afrique subsaharienne. Car c'est là que se trouvent les besoins les plus importants. Car c'est aussi là que nous avons des liens particuliers, des liens historiques, quel que soit le regard que nous portons sur cette histoire, des liens culturels avec cette langue que nous avons en partage mais aussi des liens familiaux pour les centaines de milliers de Français dont les parents sont originaires de la région.

Je souhaite également que la rive sud de la méditerranée continue de faire l'objet d'une attention particulière pour consolider le mouvement démocratique qui est globalement à l'oeuvre dans la région.

Au-delà des institutions, l'enjeu de la politique de développement, c'est le financement de projets concrets de nature à favoriser la croissance des pays concernés, une croissance équilibrée, soutenable et partagée. C'est ce que fait la France, et notamment l'AFD.

Vous avez évoqué les pays du Maghreb et les printemps arabes. Je reviens notamment du Maroc où j'ai pu constater les progrès réalisés. Nous pouvons être fiers de ce que nous faisons. Dans le même temps, je constate que nous arrivons au bout de ce que nous pouvons faire en intervention directe de l'AFD puisque l'agence atteint sur ces géographies les limites de ses ratios prudentiels en matière de grand risque. Il nous faudra réfléchir à des nouvelles modalités d'intervention notamment sous forme de garantie.

La soutenabilité, c'est le défi de concilier développement et développement durable. D'inventer les nouveaux modes de production capables de sortir 1,3 milliard d'êtres humains de la pauvreté tout en faisant en sorte que l'humanité puisse vivre à 9 milliards dans les limites de notre planète. C'est notre défi commun.

C'était le défi de la Conférence du développement durable, Rio+20. J'étais à Rio, aux côtés du Président de la République et du Ministre des affaires étrangères. La France a porté une parole forte à Rio en faveur du développement durable. Malheureusement, nous n'avons pas - encore - réussi à convaincre nos partenaires émergents d'adopter un agenda ambitieux. Il faudra encore batailler notamment pour donner un contenu à l'un des rares acquis de Rio : les objectifs du développement durable.

Pour autant et précisément parce que nous n'avons pas réussi à dresser cette feuille de route vers un développement durable au niveau global, il faut plus que jamais continuer à agir à notre niveau. Les réalisations de notre politique d'aide au développement sont encore la meilleure démonstration de la pertinence de notre discours.

A travers nos réalisations, nous pourrons démontrer, à nos partenaires du Sud et aux émergents, que développement durable et développement économique ne sont pas des objectifs antagonistes. Prendre en compte le développement durable, c'est même une condition de réussite économique. Nos partenaires s'endettent aujourd'hui pour construire des barrages. Or, moins de pluies, plus de sécheresse, débouche rapidement sur des infrastructures surdimensionnées qui tournent au ralenti. C'est déjà le cas de certains barrages au Kenya. L'impact du changement climatique modifie donc la rentabilité économique de ces ouvrages. Or, si ces infrastructures se révèlent impossibles à rentabiliser, au lieu d'être un vecteur de développement, elles se transforment en un poids supplémentaire pour les générations futures.

A travers nos réalisations, nous pourrons démontrer que le développement durable n'est pas une composante complémentaire des politiques de développement, un luxe ou un supplément d'âmes pour les pays développés, mais bien une nouvelle façon de penser le développement.

Pour ce faire, nous aurons besoin de l'innovation. Celles de nos centres de recherche comme l'IRD et le CIRAD. Celles des entreprises françaises qui disposent de savoir-faire. Des grandes entreprises mais aussi des PME de vos territoires que vous connaissez bien mais qui ne sont pas toujours identifiées par nos partenaires. N'hésitez pas à ce propos à faire remonter vers mes services les expériences et les entreprises que vous connaissez qui peuvent contribuer au développement durable de nos pays partenaires. Il ne s'agit pas, bien entendu, de lier notre aide à la signature de tel ou tel contrat. Mais en matière de services urbains, de mobilité ou d'énergies renouvelables, il existe bien un savoir faire français, un savoir-faire utile au développement.

Nous aurons aussi besoin d'innover dans nos sources de financements. Au-delà de la taxe sur les transactions financières, dont je souhaite qu'une partie des recettes soit affectée au développement, il faut essayer d'utiliser toutes la boîte à outils évoqué par le G20 en matière de financements innovants. Il ya des pistes intéressantes, notamment le menu de 7 options envisagées par le G20 développement, comme la taxe sur les soutes des navires. Nous aurons aussi à innover en termes d'ingénierie financière, en particulier de mixage prêt-don notamment dans les énergies renouvelables. J'ai rencontré à l'occasion de sa venue à Paris le président du Sénégal, Macky Sall. Nous avons évoqué ensemble les grands enjeux de développement pour le Sénégal et en particulier les problématiques énergétiques auxquelles est confronté le pays. Aujourd'hui, le Sénégal envisage de construire une nouvelle centrale électrique - construite par la Corée du Sud - au charbon importé de Chine par bateau. Ce choix, compréhensible, c'est celui de l'énergie la moins chère. Pour changer cette réalité, il nous faut inventer les solutions pour faire en sorte que le choix de l'énergie bon marché sur le long terme devienne celui des énergies renouvelables.

M. Jean-Louis Carrère, président : Le Sénégal n'a pas encore développé l'énergie solaire ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement : non c'est encore peu développé, en revanche, des pays comme le Maroc ont des programmes très ambitieux avec 20 % de solaire et 20 % d'énergie éolienne. Des pays comme le Maroc ont pris conscience qu'en subventionnant les prix des carburants pour un montant qui aujourd'hui avoisine les 6 % du PIB, ils ont développé un modèle qui n'est pas soutenable. C'est pourquoi, ils cherchent des voies innovantes. Nous devons les aider.

Ma deuxième priorité c'est l'efficacité de notre aide. Dans un contexte budgétaire contraint, notre aide a l'obligation d'être efficace. Cette efficacité, nous la devons aux citoyens français, nous la devons aux citoyens des pays dans lesquels nous intervenons. Cette efficacité nous devons la mesurer. D'autres Etats ont réussi ce défi de la mesure de l'impact. Je souhaite que la France le relève à son tour. Nous devons cesser de ne mesurer notre aide qu'au regard des moyens mis en oeuvre.

Il nous faudra porter une plus grande attention à l'impact de notre aide. Cela suppose d'adopter de nouveaux indicateurs d'impact. Ainsi, grâce à ces mesures très concrètes de l'impact, nous pourrons justifier auprès des Français l'importance de maintenir une politique de développement ambitieuse au moment où chacun se voit demander des efforts.

L'efficacité doit aussi se retrouver sur le terrain. Nous avons besoin d'une équipe France unie. Unie quand il s'agit de travailler avec les pays où nous intervenons. Unie quand il s'agit de travailler avec la délégation de l'Union européenne ou les bailleurs multilatéraux. Notre pays est le second contributeur du Fonds européen de développement. J'ai à coeur de renforcer notre influence à Bruxelles. Je suis d'ailleurs allé pour mon premier déplacement dans mes fonctions ministérielles, à Bruxelles où j'ai rencontré notamment le commissaire au développement, Andris Piebalgs. L'effet de levier de notre action sera d'autant plus grand si nous réussissons à mobiliser des fonds européens pour nos projets. Nous sommes les premiers contributeurs du FED, nous avons une légitimité pour influencer sa programmation. De la même manière, la collaboration avec les bailleurs multilatéraux doit encore être améliorée. L'AFD est déjà parvenue à la reconnaissance mutuelle des procédures avec la BEI, la KFW et l'Union européenne. Nous devons voir comment nous pouvons encore avancer dans ce domaine, notamment au-delà de la phase d'instruction des projets.

L'efficacité c'est enfin une aide contrôlée. Trop de Français doutent encore que l'aide parvient bien à ses bénéficiaires. Ces doutes ne sont pas justifiés. Ils doivent cependant être entendus. A nous d'afficher des dispositifs de contrôle qui lèvent enfin cette suspicion. Cette efficacité nous permettra de ne plus avoir peur d'être transparents en matière d'aide publique au développement. Transparence vis-à-vis du public. Chacun, ici comme là-bas, doit être en mesure de savoir précisément quels projets nous finançons. Transparence vis-à-vis du Parlement. Je souhaite que vous puissiez disposer de l'ensemble des informations nécessaires pour exercer votre mission de contrôle parlementaire. Il ya eu le rapport de la cour des comptes. Les services de la DGM finalisent actuellement le rapport bisannuel à destination du Parlement. Par ailleurs, une évaluation plus large de la politique d'aide publique au développement a été confiée à un cabinet de conseil indépendant. Ce cabinet dispose pour cette étude d'un budget considérable, j'espère qu'il en fera un bon usage, nous sommes redevables de la qualité des services de l'Etat mais aussi de la qualité des prestations que l'Etat achète à des tiers. Nous attendons les conclusions pour septembre. Et c'est bien volontiers que je participerai à la table ronde que vous organisez en octobre pour tirer les leçons de ces évaluations. Nous devons également réfléchir aux moyens d'accroître encore la capacité du Parlement à orienter la politique de développement. Cela pourrait passer par une loi de programmation et d'orientation du développement sur laquelle s'était engagé le Président de la République durant sa campagne.

M. Jean-Louis Carrère, président - C'est le souhait de notre commission et du Parlement. Vous pouvez compter sur nous pour vous soutenir dans cette voie.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement - La transparence, ce n'est pas uniquement celle de notre aide publique au développement. C'est aussi celle des flux financiers qui entrent et qui sortent des pays en développement. Comment ignorer qu'à côté de notre aide publique au développement, il y a dix fois plus d'argent qui quitte les pays en développement, des sommes colossales qui ne génèrent ni consommation, ni emplois ou investissement productif. Des flux qui ne permettent pas aux pays du Sud de consolider les recettes fiscales qui leur permettraient de mener des politiques publiques en matière de santé ou d'éducation.

Avec le Ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, nous allons nous atteler à une plus grande transparence des flux financiers. Une directive européenne à l'initiative du commissaire européen Michel Barnier est en discussion, j'en étais d'ailleurs un des négociateurs avant d'être appelé par le Premier ministre. C'est un dossier que je continue de suivre de près.

Enfin, pour aller à l'essentiel, le dernier fondement de mon action sera le dialogue.

Dialogue, en France, avec l'ensemble des acteurs du développement : ONG, collectivités locales mais aussi entreprises. Concernant les ONG, j'ai déjà reçu l'ensemble des collectifs représentatifs des ONG françaises de développement et de solidarité internationale. J'ai aussi rencontré les ONG européennes à Bruxelles. J'ai pour l'instant engagé un dialogue informel souple et régulier sur des thèmes précis avec les ONG. Pour l'avenir, je suis en train de fixer avec elles le calendrier et les modalités de l'agenda de concertation que nous mènerons. Comme le Président de la République s'y est engagé pendant la campagne, la part de l'aide bilatérale qui passe par les ONG sera doublée. Ce doublement va permettre de faire plus. Il nous oblige aussi à réfléchir au rôle des ONG dans la politique publique d'aide au développement. L'AFD travaille à la rédaction d'une logique d'action claire et transparente en la matière, qui permettra aux ONG de comprendre pourquoi elles bénéficient ou non d'un financement.  Je me félicite de cette initiative que je suis avec attention.

Dialogue avec les collectivités locales qui mènent des actions de coopération décentralisée. Je sais qu'en tant que représentants des territoires, vous y être très attentifs. J'ai participé au dernier forum de l'action internationale des collectivités. La mission confiée par Laurent Fabius au Secrétaire général de l'Association des maires de France, André Laignel, permettra de dégager dans les prochains mois les grandes lignes d'un nouveau partenariat entre l'Etat et les collectivités locales.

Ce dialogue nous devons aussi l'avoir au Sud. Nous devons écouter les besoins de nos partenaires.

Dialogue aussi avec les acteurs de cette coopération au Sud. J'appelle d'ailleurs votre attention sur le fait que les politiques de co-développement ont été réintégrées dans le champ du Ministère des Affaires étrangères. Elles constituent donc désormais une composante de notre politique de développement sans lien direct avec les politiques migratoires.

En résumé, soutenabilité, efficacité, transparence, et dialogue.

Pour mener à bien cette ambition, la politique d'aide au développement française devra retrouver une orientation claire. Nous avons tous en tête les recommandations du dernier rapport de la cour des comptes sur l'aide publique au développement. Les critiques sont sévères, sans doute justifiées, dans tous les cas les bienvenues. Pour y répondre, je suis persuadé que nous devons en premier lieu relancer les outils institutionnels existants. Evitons de dissiper notre énergie dans la définition d'un nouveau mécano institutionnel quand les dispositifs actuels ne demandent qu'à être remis en fonctionnement. Je pense, en particulier, au comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui ne s'est réuni qu'une seule fois ces cinq dernières années. La cohérence interministérielle est déterminante pour l'efficacité de notre action.

Il s'agit également d'exercer une tutelle effective de l'AFD. L'AFD a vocation à rester l'opérateur pivot de notre politique d'aide publique au développement. Sans remettre en cause l'autonomie d'action de l'Agence, je souhaite que son action s'inscrive à nouveau dans une orientation politique claire. Cette orientation doit se refléter dans les documents stratégiques de l'agence, ces documents qui déterminent l'action de l'Agence pour les années à venir. C'est pourquoi, les ministres de tutelle ont demandé le report du plan d'orientation stratégique de l'agence à l'automne, afin d'avoir la possibilité d'amender ce document.

Elle doit également se traduire par un pilotage régulier de l'agence à travers le conseil d'orientation stratégique. Notre prochain grand chantier sera celui du contrat d'objectifs et de moyens 2014-2016 de l'agence. Je sais que la commission s'était investie dans la définition du précédent COM. Pour ce nouvel exercice, l'Etat devra réfléchir à nouveau au modèle économique de l'agence, au champ géographique comme aux modalités de ses interventions, notamment dans les pays émergents. Pour ce faire, le COS devra à nouveau se réunir de manière régulière.

Je veillerai également à ce que les représentants de l'Etat parlent d'une seule voix au conseil d'administration de l'agence. Par ailleurs, j'ai rencontré de manière informelle ceux d'entres vous qui siègent au conseil d'administration de l'agence et j'entends poursuivre ce type d'échanges.

J'aurai l'occasion de revenir devant vous pour faire le point sur l'avancée de ces différents chantiers, pour répondre à vos questions, pour rendre des comptes sur mon action. Je souhaite pouvoir travailler en toute confiance avec vous. Je souhaite travailler dans cet esprit consensuel et non partisan qui est la force de votre assemblée sur ces sujets. Au-delà des clivages politiques, nous avons en commun cette importance que nous accordons à la politique de développement, à cette politique, fondée sur les valeurs de notre république, qui participe à l'influence de notre pays dans le monde.

M. Jean-Louis Carrère, président - Soyez remercié de cet exposé dont je salue la qualité mais aussi l'excellent état d'esprit.

M. Jean-Claude Peyronnet - Je remercie le ministre pour la précision de ses propos. Je voudrais néanmoins commencer par une agression bienveillante en soulignant que si le ministre n'est pas chargé de la Francophonie, il serait souhaitable néanmoins qu'il n'abuse pas du mot de « soutenabilité » qui ne paraît guère français. Je partage tout à fait les principes qui vous inspirent, et notamment celui de transparence, transparence à l'égard des peuples que nous aidons, transparence à l'égard des contribuables français. Cette préoccupation est d'autant plus importante que la politique africaine de la France a donné lieu à de nombreux abus, comme en témoigne un reportage récent sur la Françafrique que l'on peut voir sur Public Sénat. S'agissant de l'Afrique, notre priorité doit être l'Afrique sub-saharienne, et notamment les pays qui figurent parmi les 14 pays, et donc aujourd'hui les 17 pays prioritaires de la coopération française. Or quand on regarde les chiffres de près, quel que soit l'agrégat retenu, on constate que les moyens consacrés à ces pays sont en nette diminution, en raison du déclin des crédits du programme 209. La question est donc simple : qu'allez vous faire pour redresser le niveau des subventions consacrées à ces pays dont la majorité ne peut pas emprunter sur les marchés financiers.

En ce qui concerne la coopération décentralisée sur laquelle j'effectue en ce moment un rapport, je souhaitais insister sur son importance, non seulement en termes de volume financier mais également de liens politiques entre collectivités territoriales. Je sais que vous attendez le rapport de M. Laignel, mais pouvez-vous nous dire les pistes que vous envisagez pour promouvoir ce type de coopération ?

S'agissant enfin de l'AFD, pour siéger au conseil d'administration, je constate que la mésentente entre le directeur général et le président du conseil d'administration constitue un dysfonctionnement qui pourrait à terme nuire à la bonne conduite de l'opérateur-pivot de la coopération française. J'aurais voulu connaître vos intentions sur l'évolution de la gouvernance de cette institution.

M. Christian Cambon - En tant que représentant de l'opposition sénatoriale au sein de la commission, je voudrais ici saluer la qualité de cet exposé et l'état d'esprit particulièrement ouvert du ministre qui augure d'un travail de qualité sur un sujet qui nous tient à coeur et sur lequel nous nous sommes, avec mon collègue Peyronnet, beaucoup investis.

Je tiens d'autant plus à saluer la qualité du dialogue qui s'instaure ici qu'elle contraste singulièrement avec l'attitude de son collègue du ministère des affaires étrangères chargé des affaires européennes qui n'a pas manifesté la même hauteur de vue.

Je souscris globalement à l'exposé que vous venez de faire, et aux priorités que vous avez dégagées. L'efficacité est évidemment notre première préoccupation. Dans un contexte budgétaire contraint, il nous faut plus que jamais s'assurer que chaque euro investi est bien utilisé. C'est pourquoi je souscris à l'idée qu'il ne faut pas faire du 0,7 % l'alpha et l'oméga de cette politique, mais bien plutôt de s'assurer que l'argent disponible ait un impact durable sur le développement de nos pays partenaires. Il est d'autant plus inutile de se battre sur les décimales de notre APD, que chacun sait que la déclaration d'APD à l'OCDE concerne des réalités très diverses, qui sont parfois assez éloignées de l'idée qu'on peut se faire de l'aide au développement ; je pense notamment aux frais d'écolage, ou à ceux relatifs aux réfugiés.

Sur le terrain, ce principe d'efficacité doit nous conduire à mieux coordonner notre action avec celle de nos partenaires européens. Quand on va au Mali ou à Madagascar, on ne peut être que frappé par le nombre d'agences de coopération. Cette fragmentation de l'aide est un facteur de dysfonctionnement. En outre, la diminution de nos moyens ne nous permet plus d'avoir un impact significatif tout seuls. Il nous faut donc renforcer la coordination européenne, développer les programmations conjointes, favoriser la pratique des chefs de file. J'aimerais connaître les mesures que vous entendez prendre pour aller dans ce sens.

S'agissant de l'équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, vous connaissez la préoccupation de la commission de voir les grands fonds auxquels nous contribuons comme le FED ou le Fonds SIDA, accroître la transparence de leur action et accélérer le rythme de leur décaissement. La clé du succès est dans une meilleure articulation entre le niveau national et le niveau multilatéral, quelles sont vos pistes de réflexion dans ce domaine ?

Vous avez évoqué l'évaluation ; c'est pour nous une priorité absolue. Nous devons accélérer la mise en oeuvre de procédures d'évaluation de l'impact de nos actions. La France a dans ce domaine pris du retard, nos services manquent pour ce faire de moyens mais aussi d'une implication politique claire. Les administrations vous expliqueront sans doute que c'est complexe, et assurément ça l'est, mais cette politique n'a pas le monopole de la complexité. Une politique qui n'est pas évaluée est une politique qui prend le risque de se fourvoyer. Votre discours suscite des espoirs sur ce point, j'espère qu'ils ne seront pas déçus.

En ce qui concerne l'AFD, nous avons l'année dernière, travaillé sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'agence. Ce travail nous avait conduits à bien mesurer la complexité des missions de l'AFD, qui est à la fois une agence de développement, une banque d'investissement, et un outil diplomatique et économique. Cette complexité est une richesse, elle conduit parfois l'agence à une forme de confusion des genres, qui rend son action peu lisible. Son évolution a pu susciter des interrogations, je pense notamment à la diversification de son champ géographique, mais aussi au déséquilibre croissant entre l'activité de prêts et l'activité de subventions. La diversification sectorielle et géographique a conduit l'AFD à accroître de façon considérable son encours, alors même que la diminution des crédits du programme 209 lui imposait de réduire ses activités de dons à destination de l'Afrique sub-saharienne. Il y a aujourd'hui un déséquilibre entre la structure des engagements financiers de l'AFD et ce que nous affirmons être nos priorités.

S'agissant de la coopération décentralisée, dont je suis un ardent défenseur, étant moi-même chargé de la coopération décentralisée d'un des plus grands syndicats intercommunaux d'Europe, je crois effectivement qu'il faut développer le dialogue sur ce thème avec les pouvoirs publics. Une instance de concertation associant les élus, les ONG, des parlementaires et des experts serait de nature à renforcer ce dialogue.

M. Didier Boulaud - En tant que représentant de la majorité sénatoriale au sein de la commission, je voudrais à mon tour saluer la qualité des propos qui ont été tenus par le ministre. Mes questions seront brèves : quelles sont vos réactions au rapport de la Cour des Comptes ? Dans la situation actuelle, quelle action de coopération peut-on mener au Mali ? S'agissant des principes qui doivent guider notre politique de développement, vous en citez quatre ; j'en ajouterais un cinquième : la visibilité. Je reviens d'Ethiopie, qui est un pays majeur en Afrique, avec 90 millions d'habitants et le siège de l'Union africaine. Alors même que nous sommes très présents à travers notre action bilatérale, mais surtout nos financements européens, la France semble absente du paysage alors qu'à l'inverse, les Chinois semblent extrêmement présents et particulièrement visibles.

M. Jean-Marie Bockel - Je veux à mon tour saluer la pertinence, la précision et la hauteur de vue dont témoignent les propos du ministre. Le changement d'intitulé du ministère va dans le bon sens. La logique engagée pourrait conduire à terme à l'élaboration d'un ministère du développement qui réunirait les administrations en charge de cette politique et donnerait à la problématique du développement une véritable légitimité et une plus grande efficacité. De ce point de vue, les modèles britannique ou allemand devraient nous inspirer, mais déjà la logique dans laquelle vous vous placez me semble être la bonne.

En ce qui concerne l'AFD, il faut tout d'abord souligner qu'il s'agit d'un outil remarquable, au service de notre coopération au développement. Il ne faudrait pas que des problèmes de gouvernance nuisent à son action. Je partage avec vous le souhait que le pouvoir politique assume pleinement sa tutelle sur l'Agence.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement - S'agissant de la transparence, nous pouvons avancer sur deux points : la gouvernance financière et l'accroissement des recettes fiscales. Par exemple, concernant la transparence des activités extractives, il me semble que l'initiative de la Banque mondiale pour aider les pays à mieux rédiger les contrats miniers en contrepartie d'une plus grande transparence doit être soutenue ; c'est une action pour laquelle le bilan entre les sommes consacrées en coopération technique est proportion avec les gains que peuvent retirer les États de contrats moins déséquilibrés.

S'agissant de la visibilité de notre action, je comprends les préoccupations du sénateur Boulaud. Dans le même temps, je crois qu'il faut assumer le fait que nous sommes aussi représentés par le drapeau européen. Dans un pays aussi grand que l'Ethiopie, la France seule ne peut pas faire concurrence à la Chine. Seule l'Europe a la dimension suffisante pour être un acteur comparable à la Chine. Il faut donc accepter de ranger notre drapeau derrière celui de l'Europe, mais il importe aussi que nous augmentions notre influence sur la programmation des politiques européennes. Nous sommes le premier contributeur au FED, nous avons donc une vraie légitimité pour influencer la programmation de ce fonds vers nos priorités géographiques et sectorielles. Je veux travailler à renforcer cette influence au niveau européen comme au niveau multilatéral. Il me semble par exemple que nous pourrions améliorer la situation à UNITAID, où, bien que nous soyons le principal contributeur, l'essentiel des actions est mené par la Fondation Clinton, avec une forte visibilité américaine.

En ce qui concerne l'AFD, je partage l'idée selon laquelle la France dispose à travers l'Agence d'un outil remarquable. Au-delà de la question des hommes, dont les mandats courent jusqu'en 2013, ma position sur la gouvernance est de renforcer le rôle de la tutelle de l'État et d'accroître la cohésion des positions prises par les représentants de l'État. Dans cette perspective, j'ai demandé aux administrateurs représentant l'Etat de définir une position commune préalablement à chaque conseil d'administration. J'ai par ailleurs souhaité que l'examen du plan d'orientation stratégique ainsi que de la stratégie « énergie » de l'AFD soit repoussé à l'automne prochain, afin que l'État puisse prendre le recul nécessaire à la définition d'une position commune. Je souhaiterais également, dans le respect de l'indépendance d'esprit des représentants du Parlement au conseil d'administration, que des échanges informels puissent s'établir en amont des conseils d'administration.

Pour ce qui est du rapport de la Cour des Comptes, je pense que la meilleure réponse à la fragmentation du dispositif qui est critiquée dans ce rapport réside dans le dialogue. C'est pourquoi j'entends tout faire pour favoriser le dialogue interministériel, et faire fonctionner les instances de coordination qui sont prévues à cet effet. En outre, de par mon expérience personnelle à la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, je m'efforcerai de nourrir le dialogue avec mon homologue des finances, de façon à réduire le fossé culturel qui peut parfois séparer le Quai d'Orsay et Bercy.

S'agissant de la déclaration française d'aide au développement à l'OCDE, vous l'aurez compris, je ne suis pas un fétichiste du 0,7 %, d'une part parce que les contraintes budgétaires ne nous permettront pas de respecter le calendrier prévu, d'autre part parce que cet agrégat n'est pas un reflet fidèle des actions menées en faveur du développement. Tout le monde sait qu'il s'agit d'un thermomètre biaisé qui intègre notamment les factures de chauffage des centre de rétention des réfugiés, ou les écolages, comme vous l'avez souligné. Je serais d'ailleurs preneur d'un échange avec la commission et ses rapporteurs sur la définition de cet agrégat.

S'agissant de l'équilibre entre les prêts et les dons, l'évolution soulignée par Monsieur Cambon reflète l'évolution du bilan de l'AFD. La croissance très rapide ces dernières années de l'activité de l'AFD a été rendue possible par le développement des prêts, notamment dans les pays émergents. Cette stratégie de diversification géographique et sectorielle a sa logique propre, elle conduit également à favoriser le gonflement de la déclaration française d'APD, puisque les prêts avant remboursement y sont comptabilisés. Il reste qu'il y a, à terme, un problème de soutenabilité de cette stratégie au regard des fonds propres de l'Agence, et des ratios prudentiels. Vous aviez d'ailleurs souligné ce point dans votre rapport sur l'AFD, en évoquant la question de la répartition du dividende. Je souhaite que cette question soit de nouveau discutée lors de l'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de moyens.

Vous avez raison de souligner que les crédits du programme 209 ont ces dernières années diminué. Mais il faut prendre en considération le fait que notre aide sous forme de dons passe aujourd'hui aussi par le FED. Or la contribution européenne sous forme de dons est dans certains pays considérable.

M. Christian Poncelet - Il convient toujours de s'interroger sur la finalité de notre aide. La situation à Madagascar par exemple où règne une véritable confusion politique, avec un nouveau soulèvement ces jours-ci qui a fait suite à un coup d'État, il y a trois ans, suscite par exemple des interrogations sur le rôle de notre aide. Vous avez souligné le rôle de la coopération décentralisée, c'est en effet essentiel, même si aujourd'hui les moyens des départements sont en nette diminution. Nous avons pris des engagements envers des pays du Maghreb en transition politique, a-t-on des garanties sur la bonne utilisation de ces fonds à un moment même où des majorités islamistes se dégagent dans ces pays ?

Mme Josette Durrieu - On ne peut être que favorable à cette politique de développement de nos partenaires du sud, il faut cependant être vigilant sur les conséquences de ce développement sur nos économies. Je suis par exemple frappée par le mouvement de délocalisation des centres d'appels vers les pays du sud. Je crois par ailleurs qu'il serait souhaitable de renforcer les services d'expansion économique dans nos ambassades. Vous avez raison de dire qu'il faut être présent en Afrique, il faut l'être également en Asie. Pourriez-vous également nous éclairer sur la charte européenne de l'énergie en cours de discussion au niveau européen.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Je souhaite saluer la qualité de l'intervention du ministre et son souci d'efficacité. Je voudrais savoir si vous avez bien pris en compte la dimension du genre et la question des femmes dans vos priorités. Cette question est fondamentale et devrait faire l'objet d'indicateurs budgétaires.

M. Raymond Couderc - Je souhaiterais savoir de quelle façon vous allez vous assurer de la cohérence entre les actions des ONG que vous souhaitez promouvoir et celle de l'État.

M. Jean-Pierre Chevènement - A la question sur la visibilité de l'action de la France, vous nous répondez qu'il faut mettre le drapeau français derrière le drapeau européen. Cela ne rend pas plus visible le drapeau français... En outre, il ne semble pas qu'il y ait une stratégie européenne de coopération bien établie, pour la raison simple que chaque pays a ses préoccupations liées tout autant à l'histoire qu'à la géographie. Je ne vois pas de ligne de force de la politique européenne dans ce domaine, mais je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur ce point.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement - Au-delà de l'intérêt même de la construction européenne, il y a une véritable plus-value à définir une position commune face aux pays du sud. C'est pourquoi le Conseil européen a adopté en mai dernier un agenda pour le changement qui constitue une véritable stratégie commune de coopération au développement. Dans cet agenda, pour ne prendre qu'un exemple, est définie une position commune sur ce que l'on appelle la « conditionnalité démocratique ». C'est un gage d'efficacité, parce que si nous avons des positions divergentes sur ce point, notre voix restera inaudible. Une position commune nous permet d'adresser un message clair à nos partenaires, c'est pour moi un gage d'efficacité. Mais vous avez raison, les Français doivent être plus présents dans les programmations des organes de l'Union européenne, j'entends promouvoir une meilleure articulation entre nos actions nationales et les initiatives communautaires.

La cohérence entre l'action des ONG et celle de l'État devra être assurée par des processus d'évaluation, mais aussi par la définition en cours d'un cadre d'intervention des ONG à l'AFD qui devrait permettre de renforcer la cohérence des actions que nous finançons dans le respect de la liberté d'appréciation des ONG.

S'agissant des postes d'expansion économique, ou de la charte sur l'énergie, je me permets de vous renvoyer à mes homologues en charge de ces dossiers, afin de ne pas empiéter sur leurs prérogatives ministérielles. J'appelle cependant votre attention sur les enjeux qui relèvent de ma responsabilité, et notamment des prochaines négociations internationales sur le climat, sur la désertification, sur la biodiversité et sur la déforestation. Ces différentes négociations ont en commun de mettre en jeu un modèle de développement durable. J'en profite aussi pour souligner que le sujet du co-développement a été rapatrié au Quai d'Orsay ; ainsi dorénavant la question de la gestion des flux migratoires, qui demeure de la compétence du ministère de l'Intérieur, est disjointe de la question du co-développement. Il n'y aura donc plus de conditionnalité migratoire au financement des actions de co-développement, et au soutien aux associations de migrants.

S'agissant de Madagascar, sachez que la France y est très présente, avec des engagements à hauteur de 40 millions d'euros en 2010. Une des difficultés dans ce pays est cependant la désorganisation de l'État dans cette période de transition politique. Dans la mesure où nous voulons nous assurer de la traçabilité des crédits, nous avons du mal dans ce contexte à décaisser nos engagements.

Je comprends vos préoccupations concernant la Chine : je voudrais appeler votre attention sur le thème de l'accaparement des terres. Il existe une position très progressiste de la FAO sur le sujet qu'il convient de promouvoir.

Le sujet des femmes et du genre est en effet essentiel. C'est un des thèmes de discussion que nous avons en Afghanistan. Notre action dans ce pays doit en effet promouvoir la condition de la femme. Dans le même temps, si nous érigeons ce point en conditionnalité, nous risquons de bloquer toutes les initiatives. Il nous faut donc trouver le bon équilibre.

M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le ministre, je vous remercie et je vous souhaite de poursuivre comme vous avez commencé.

Mercredi 25 juillet 2012

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Synthèse des travaux sur le Livre blanc - Communication

M. Jean-Louis Carrère, président -Mes chers collègues, j'ai souhaité que nous puissions faire une synthèse sur les travaux de notre commission qui nous ont permis de préparer la mise en chantier d'un nouveau Livre blanc sur la défense. Ces travaux se sont étalés pratiquement sur un an depuis l'annonce de la revue du Livre blanc en septembre 2011, lors de nos Universités d'été de la défense.

L'esprit de ces travaux, que j'avais défini le 17 janvier dernier en lançant la constitution de nos groupes de travail, n'était pas de se substituer aux commissions de l'exécutif mais d'y apporter nos réflexions et d'être en mesure de le faire utilement en ayant approfondi les thèmes qui nous semblaient les plus pertinents dans le cadre de ce qui était à l'époque la revue du Livre blanc sur la sécurité et la défense. Cela nous permettra une pleine et utile participation à la commission qui a été nommée et que M. Jean-Marie Guéhenno a été chargé d'animer.

Ces travaux avaient du reste été précédés par trois rapports d'information portant sur les approvisionnements stratégiques de la France, sur la réforme de la fonction anticipation et sur un premier bilan de la réintégration complète de notre pays au sein de la structure intégrée de l'OTAN.

Depuis septembre dernier, nous avons publié sept rapports d'information qui couvrent très largement les débats qui vont avoir lieu :

1. le rapport sur l'évolution du contexte stratégique depuis 2008 que je vous avais présenté ;

2. le rapport de Gilbert Roger et André Dulait sur les bases de défense, une réforme à conforter ;

3. le rapport sur l'avenir des forces nucléaires françaises de Didier Boulaud et Xavier Pintat ;

4. le rapport sur les capacités industrielles militaires critiques de Daniel Reiner et Yves Pozzo di Borgo ;

5. le rapport sur la France face à la nouvelle géopolitique des océans, ce que nous avons appelé la « Maritimisation », de nos collègues Jeanny Lorgeoux et André Trillard ;

6. le rapport sur la cyberdéfense de Jean-Marie Bockel ;

7. enfin, le rapport sur le format et l'emploi des forces armées de Jean-Marc Pastor et André Dulait.

Avec les co-présidents représentant la majorité et l'opposition de notre commission, ce sont plus de trente de nos membres qui ont suivi ces travaux.

Je crois donc que nous pouvons nous féliciter du travail accompli. Pour donner la mesure de notre travail, nous avons fait 132 auditions, dont plusieurs en commission, en réunissant des panels d'experts, et fait 16 déplacements.

Nous aurons tout à l'heure à proposer au président du Sénat la désignation de nos représentants au sein de la Commission du Livre Blanc mais auparavant je souhaite faire une synthèse de nos travaux.

A - Les bases de défense

C'est un rapport de fond indispensable à une claire vision de l'ensemble de la problématique du Livre blanc. Je vous rappelle que nous avons passé une sorte de contrat moral avec les forces armées consistant à imposer une réforme considérable du format et de l'organisation contre la poursuite de la revalorisation de la condition militaire et la modernisation.

Lancée en 2011, la réforme des bases de défense, qui vise à économiser en partageant le soutien entre plusieurs unités, a mis en place une organisation particulièrement complexe. Bouleversant le quotidien de tous les agents du ministère de la Défense, cette réforme a créé une impression de désorganisation généralisée, a éloigné la défense des PME et a fait apparaître sur le territoire des déserts militaires. Son résultat, bien que peu lisible, est pourtant réel : 6,6 milliards d'euros auront été économisés de 2008 à 2015 (soit ce que rapporte en un an un point de TVA !), et ce malgré des coûts d'accompagnement élevés (social, immobilier, territorial). Estimant l'impasse budgétaire à 130 millions d'euros (le quart des crédits), le rapport indique qu'il n'y a plus d'argent dans les bases de défense à compter de septembre.

Nous sommes clairement mis en face de nos responsabilités et je sais que nos rapporteurs seront extrêmement attentifs sur ce point lors de nos débats budgétaires sur la loi de finances rectificative et sur la LFI 2013.

L'un des points importants du rapport est de rejeter pour l'avenir tout scénario de remise à plat de la réforme et de prôner une démarche résolue de poursuite du changement. Cette réforme suppose la continuité de l'action. Pour poursuivre dans de meilleures conditions, il faut faire sauter les principaux verrous de la mutualisation des moyens, c'est-à- dire simplifier des procédures, rationaliser et moderniser des systèmes informatiques et poursuivre la « civilianisation ». Enfin nous retiendrons que l'externalisation du soutien, encore très limitée, ne produira pas de miracle financier.

B - L'avenir des forces nucléaires françaises

Le Président de la République a confirmé à plusieurs reprises le maintien de la stratégie de dissuasion nucléaire. L'analyse des menaces faite dans le rapport sur le format et l'emploi des forces montre que le risque d'un conflit symétrique de type conventionnel ou nucléaire contre notre pays est extrêmement faible. Il n'est pas nul et personne n'est capable de dire ce qu'il en sera demain ou après-demain.

Cette stratégie de dissuasion nucléaire donne en outre à la France un outil politique de grande valeur pour peser sur la scène internationale et conserver son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.

La France a toujours cherché à maintenir son arsenal au niveau le plus faible. Le principe de stricte suffisance est central dans la doctrine française.

Le coût des forces nucléaire est de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an (11 % du budget annuel de défense et 1,2 % du total des dépenses du budget de l'État pour 2012 et 0,125 % du PIB). Il s'agit d'une garantie solide de protection pour un coût assez modique, même s'il est évident qu'il y a, du fait de la sanctuarisation, un certain effet sur les dépenses conventionnelles.

La force de dissuasion existe. L'un des arguments les plus pertinents consiste à faire remarquer que l'abandonner puis la reconstruire serait très difficile, très long et très coûteux, voire impossible. Dès lors, sa modernisation s'impose pour maintenir, dans la durée, sa crédibilité opérationnelle et nos capacités de recherche et de développement.

Il peut-être tentant de redimensionner les forces nucléaires, mais il est indéniable que le fait de disposer de deux composantes donne au Président de la République une plus large palette d'options militaires et met nos armées à l'abri des surprises stratégiques. Qui sait si demain, un saut technologique ne pourrait réduire les capacités de l'une ou l'autre des composantes ?

Au surplus, forces stratégiques et forces conventionnelles forment un continuum étroitement imbriqué (certaines capacités des forces aériennes stratégiques peuvent se voir confier d'autres missions) et les retombées, dans le domaine civil, de la recherche et des process industriels mis en oeuvre pour la dissuasion nucléaire sont nombreuses (missile balistique M51 et fusée Ariane V reposent sur un socle industriel commun pour ne citer qu'un exemple).

Si ce n'est la modernisation de la flotte de ravitailleurs en vol qui a pris un retard très préoccupant, les programmes de renouvellement des deux composantes de la dissuasion ont été réalisés. L'effort d'investissement sur cette génération est derrière nous. Mais c'est dans le quinquennat qui s'ouvre que les décisions de lancer les programmes d'études pour la prochaine génération d'armes devront être prises ou non.

L'un des points importants de la lettre de mission de la commission du Livre blanc est de faire porter la réflexion sur la façon d'assurer une meilleure articulation entre la stratégie de dissuasion et les autres volets de la politique générale de défense. Il me semble en effet évident que la qualité de nos forces conventionnelles participe et renforce la dissuasion. C'est là où réside l'un des dangers de l'exercice puisque, selon moi, les recherches d'économies pourraient porter, au-delà de ce qu'il sera possible de faire sur le fonctionnement, sur le conventionnel. Il nous faudra être très vigilants.

C - Les capacités industrielles militaires critiques

Maintenir notre autonomie stratégique, c'est-à-dire l'autonomie d'appréciation, de décision et d'action, c'est assurer la protection des capacités industrielles sachant qu'elles dépendent très largement de la forme que l'Etat souhaite donner à son outil de défense.

Ces décisions seront en conséquence fonction de l'analyse à laquelle est conviée la commission du Livre blanc qui consiste dans un premier temps à confronter les ambitions de défense, résultat des exercices de prospective stratégique et opérationnelle, aux moyens et ressources, pour en déduire le format des armées en tenant compte des apports en termes de partage capacitaire et de partage opérationnel que peuvent nous apporter nos alliances.

La commission du Livre blanc devra esquisser ou déterminer une méthode pour dresser la liste de ces capacités. Il est important qu'outre les capacités industrielles à protéger, l'État poursuive ses efforts pour surveiller les matériaux critiques et notre capacité d'approvisionnement. Je renvoie au rapport de Jacques Blanc sur ce sujet que nous avons publié en 2011.

Nous avons obtenu - quand je dis nous je pense au ministre, à l'Etat-major et à notre commission - le respect de la séquence Livre blanc - LPM - budget. Le budget de la défense pour 2013 sera un budget d'attente. Nous veillerons à ce qu'il le soit bien. Ma préoccupation vient du fait que la programmation triennale sera néanmoins faite et votée avant le budget pour 2014. Il faudra mettre tout notre poids politique pour que cette programmation ne préempte pas de facto les orientations que nous donnerons dans le Livre blanc et qui seront transcrites dans la LPM. J'ai l'intention avec nos deux représentants au sein de la commission du Livre blanc de proposer une sorte de règle d'or du budget consacré à la défense qui, selon moi, doit être compris entre un minimum de 1,5 et un maximum de 2 % du PIB hors pensions.

Ce rapport et d'autres, notamment celui sur le format, ont souligné qu'en matière d'équipements, la hausse des prix n'est pas une fatalité. L'État ne doit pas renoncer à obtenir le meilleur prix des industriels, cela suppose de faire converger plusieurs types d'actions comme le réexamen des doctrines d'emploi pour déterminer les domaines où il est possible d'acquérir des équipements moins gourmands en technologie, l'utilisation de la concurrence et des appels d'offres pour acquérir certains équipements non critiques, la coopération au niveau européen sur la base d'une plus grande intégration pour la rendre plus économique...Cela suppose d'élaborer et de rendre publique une stratégie d'acquisition des équipements militaires, recommandation du Livre blanc de 2008 qui n'a pas été mise en oeuvre.

L'un des enjeux sera également de déterminer une stratégie industrielle de défense qui a pour but de maintenir la base industrielle et de technologie de défense. Cette stratégie est distincte de la stratégie d'acquisition des équipements, car elle englobe d'autres questions telles que l'emploi industriel, le maintien des bureaux d'étude, l'efficacité économique de la dépense de défense ou encore l'importance de l'industrie de défense dans la compétition technologique grâce à des technologies duales.

La stratégie d'acquisition et la stratégie industrielle doivent être conciliées, il est important que la commission du Livre Blanc propose des modalités d'arbitrage entre les deux visions.

L'industrie de défense est un pôle d'excellence de l'industrie française. Au moment où l'on prône la réindustrialisation de notre pays, ce secteur doit être pris en considération. Il représente des emplois, de l'ordre de 250 000, un solde positif en termes de balance commerciale de 2,7 milliards d'euros et des retombées positives pour le budget de l'État et les comptes sociaux. Son avenir passe-t-il par la constitution de monopoles nationaux qui laissent l'État acheteur en situation de faiblesse, ou ne faut-il pas favoriser la constitution de groupes européens d'une taille critique suffisante pour concurrencer leurs compétiteurs sur les marchés mondiaux (en forte expansion) et offrir aux armées européennes des équipements performants mais moins chers ?

Quelle action mener sur les règles d'acquisition pour permettre l'émergence d'un marché européen de la défense ? Comment éviter que nos concurrents américains, protégés par le « buy american act » se trouvent en situation d'égalité avec nos industriels européens ? C'est le débat que nous avions lancé sur la préférence communautaire.

Comment faire émerger des programmes de coopération européens en matière d'armement qui puissent dans une approche plus intégrée, peut-être au prix de l'abandon du principe du juste retour et de sur-spécifications, réduire les coûts grâce à l'allongement des séries ?

Jusqu'où aller en matière de partage capacitaire avec nos alliés européens ?

Comment faire évoluer notre stratégie industrielle de défense de concert avec nos alliés européens alors que les tentatives ont jusqu'à présent été décevantes ?

Cela passe d'abord par le partage sur la vision stratégique d'ensemble avec deux, trois ou plusieurs partenaires européens.

Il est très positif à cet égard que nos alliés les plus proches, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, soient associés à la commission du Livre blanc.

D - La Cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale

Le Livre blanc de 2008 avait déjà identifié les attaques contre les systèmes d'information comme l'une des principales menaces qui pèsent sur notre défense et notre sécurité. Il avait donné une impulsion importante à la politique française de cyberdéfense. Nous nous étions d'ailleurs intéressés à ce sujet dans un rapport d'information consacré à la cyberdéfense, présenté par notre ancien collègue M. Roger Romani.

Depuis 2008, la France a commencé à combler son retard. Une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (l'ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté en 2011 d'une stratégie dans ce domaine. Pourtant, en dépit de ces progrès, le sentiment qui prédomine aujourd'hui est que la menace a été largement sous-estimée et que notre dispositif connaît encore d'importantes lacunes.

Comme le note le document du SGDSN préparatoire à l'actualisation du Livre blanc, publié en février 2012, « depuis 2008, les risques et les menaces qui pèsent sur le cyberespace se sont nettement confirmés.... et la menace atteint désormais un niveau stratégique ».

Les attaques se sont multipliées. Elles portent atteinte aux données sensibles (technologiques, commerciales, scientifiques, etc.) de leurs cibles. Elles sont souvent de grande ampleur, résultant d'une longue préparation et d'un ciblage précis. Elles peuvent nécessiter, pour leur mise en oeuvre, des moyens dont seuls un Etat ou une organisation importante et déterminée sont capables de disposer. On se souvient des attaques contre Bercy, contre AREVA et même contre le Sénat ou, récemment, la présidence de la République.

L'existence qui a été révélée par la presse des virus STUXNET et FLAME, laisse présager de futures « armes informatiques » aux potentialités encore largement ignorées.

Afin de renforcer la protection et la défense des systèmes d'information et mettre un terme à la procrastination, le rapport d'information propose 50 recommandations concrètes regroupées en dix priorités.

J'en retire quelques lignes directrices fortes et, en premier lieu, que la protection et la défense des systèmes d'information doit d'abord faire l'objet d'une véritable priorité nationale, portée au plus haut niveau de l'Etat. Nos représentants au sein de la commission devront y veiller. Il y a urgence à combler les lacunes de notre dispositif, c'est une question d'intérêt national vital pour l'Etat et pour le tissu industriel français qu'il faut mieux intégrer et mobiliser. Cela passe notamment par une politique industrielle volontariste, à l'échelle nationale et européenne, pour faire émerger de véritables « champions » nationaux ou européens.

Face à une menace qui s'affranchit des frontières, le rapport plaide aussi pour la poursuite de la coopération bilatérale, notamment avec nos partenaires britanniques et allemands, au niveau de l'OTAN et de l'Union européenne, pour un dialogue avec la Russie et la Chine, ainsi que pour des mesures de confiance au niveau international.

Enfin, le rapport évoque la délicate question des « capacités offensives ». Estimant que l'on ne peut se défendre efficacement que si l'on connaît les modes d'attaque, le rapport se prononce en faveur de la poursuite du développement de « capacités offensives », dans un cadre d'emploi bien déterminé et d'un contrôle parlementaire qui devrait relever de la délégation parlementaire au renseignement. Il plaide aussi pour une réflexion sur l'élaboration d'une doctrine publique sur les « capacités offensives », qui pourrait être reprise dans le nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité.

E - La maritimisation

Notre conviction forte, c'est qu'une partie de l'avenir de notre pays en termes d'accès aux ressources dépendra de notre capacité à protéger et à contrôler nos zones économiques exclusives. Nous disposons du deuxième domaine maritime mondial, avec 11 millions de km2, grâce à nos territoires d'outre mer. Ce domaine regorge de ressources naturelles, il est encore peu exploré, peu exploité, ni valorisé, et parfois mal délimité. Mais nous savons d'ores et déjà qu'à partir de 2019, la Guyane devrait produire du pétrole peut être à hauteur de 200.000 barils par jour. Les premières explorations à Wallis et Futuna semblent indiquer la présence de terres rares, ces métaux stratégiques essentiels aux nouvelles technologies. Il en va de même pour les énergies marines renouvelables qui sont une filière industrielle d'avenir pour laquelle nous avons des champions nationaux.

Pour sécuriser l'espace maritime français et les voies d'approvisionnement de la métropole, pour défendre les intérêts français dans le monde et peser sur le cours des événements, la France dispose d'une marine de haute mer, à large spectre, dont les performances sont reconnues. Mais, avec un format en nette diminution depuis 2000, des renouvellements repoussés d'année en année, la marine fait aujourd'hui le grand écart et risque demain de connaître des impasses capacitaires majeures. C'est également l'analyse de notre groupe de travail sur le format. Cela est particulièrement inquiétant pour les moyens outre mer. Notre mission en Australie et Nouvelle Calédonie vient encore de le souligner.

Le prochain Livre blanc doit être l'occasion de définir les moyens nécessaires pour tirer bénéfice de la présence française sur l'ensemble des océans. Pour cela il faut donner leur juste place aux enjeux maritimes car c'est une des données majeures de l'évolution du contexte stratégique depuis dix ans. Cela doit nous conduire à faire de la stratégie maritime un des piliers de la stratégie de défense et de sécurité.

Au-delà de nos intérêts immédiats, ce qui est en jeu, c'est la préservation d'un principe fondamental : celui de la liberté de circulation en mer. Nous assistons à des stratégies d'exclusion et de déni d'accès qui sont extrêmement dangereuses. Ces stratégies s'appuient sur le développement de flottes par les émergents. Compte tenu de notre dépendance d'approvisionnement par la mer, il y a un risque à plus ou moins long terme de déclassement de la France et de l'Europe.

Avec un PIB comparable aux Etats-Unis, l'Europe aligne un porte-avions quand les Américains en possèdent onze. Plusieurs des capacités navales discriminantes, celles qui donnent l'avantage en cas de confrontation, sont, en Europe, détenues par la France et par elle seule : projection d'une aviation de chasse puissante à partir de la mer, grands bâtiments amphibies capables de mettre en oeuvre des groupes aéromobiles significatifs. D'autres ne sont partagées qu'avec un ou deux autres pays européens : sous-marins nucléaires, aviation de patrouille maritime, capacité de projection à longue distance d'une force de guerre des mines.

Les réduire ou les faire disparaître reviendra à priver l'Europe de ses capacités. La crise financière que traverse l'Europe peut être une opportunité pour avancer vers une mutualisation partielle des dépenses navales, une rationalisation des forces, voire une utilisation commune des bâtiments. Le traité franco-britannique de Londres pouvait constituer un nouveau départ vers un ensemble plus vaste. Les Britanniques et les Français possèdent, en effet, 60 % des navires de haute mer européens. La réalité de la mise en oeuvre du traité de Lancaster illustre les difficultés de l'exercice. On ne doit pas pour autant y renoncer.

Enfin nous devrons particulièrement insister sur la préservation de nos intérêts industriels et technologiques. Notre base industrielle s'affaiblit face à la concurrence, notamment asiatique, sur des segments de plus en plus innovants. C'est pourquoi cette stratégie militaire doit être accompagnée d'une stratégie industrielle de valorisation du secteur maritime. Je pense en particulier aux énergies marines renouvelables. Le groupe de travail a d'ailleurs proposé la création d'un commissariat aux énergies marines renouvelables qui puisse fédérer les acteurs publics et privés de ce secteur afin d'accélérer la mise en place de ces nouvelles technologies.

F - Le format et l'emploi des forces

Le sous titre du rapport : Peut-on encore réduire un format juste «insuffisant » en donne la tonalité.

Les menaces auxquelles nous aurons à faire face demain seront asymétriques ou bien prendront la forme d'une transformation d'un conflit dissymétrique en conflit asymétrique.

Nous ne savons naturellement pas de quoi demain sera fait et la surprise est toujours possible.

Nous dressons dans ce rapport un état des lieux de nos armées. Elles sont à la fois un outil d'une extrême qualité grâce aux hommes et aux femmes qui les composent et qui y consacrent leur vie, parfois jusqu'au sacrifice. Ils disposent de matériels et d'équipements performants mais la trajectoire de la LPM a été infléchie dès 2010 en raison de la crise économique et financière. Le format de nos armées est aujourd'hui cohérent mais fragile. Par ailleurs, à la logique de la professionnalisation, s'est ajouté le résultat de la technologisation qui augmente le coût des matériels à l'acquisition comme pour le MCO, ainsi que les coupes budgétaires qui aboutissent à la limitation des séries et à l'étalement dans le temps.

Ces trois mouvement aboutissent à un constat finalement sévère de notre commission qui se demande si nous ne connaissons pas un syndrome du paraître, un effet Potemkine qui masquerait que nos forces armées sont au bord du point de rupture.

Nous constatons que la tendance du surcoût des équipements conduit à avoir une armée « échantillonnaire » dotée de quelques capacités « polyvalentes » dans chacun des secteurs concernés mais une armée dont le RETEX des opérations en Afghanistan montre l'inadaptation partielle de nos modes d'action militaire. Nous avons une armée de poche, de haute qualité mais finalement vulnérable.

De plus, on demande tout à la défense. Or dans le cadre d'une approche globale nous ne pouvons que constater l'insuffisance de nos outils civils et l'inexistence d'un partage du fardeau au niveau interministériel.

Que faire ?

La première exigence est de définir un niveau d'ambition pour notre pays. La commission du Livre blanc va devoir en tracer le contour mais c'est bien évidemment au politique, au plus haut niveau, d'en arrêter l'expression.

Nos travaux sont partis de l'hypothèse d'un niveau d'ambition inchangé, non seulement parce que ce n'était pas de nos compétences de le déterminer mais surtout parce que nous avons la conviction qu'il est au bon niveau dans un monde qui n'est pas moins incertain et dans un contexte de désarmement européen dans un monde en réarmement accéléré.

Notre constat, c'est de dire qu'à niveau inchangé, notre format est tout juste suffisant, voire juste insuffisant.

Naturellement, si nous renonçons à certaines de nos ambitions, nous pourrons adapter nos moyens à la baisse. Mais là aussi cette décision doit être mûrement pesée en sachant notamment que :

- à l'effet d'éviction de la sanctuarisation du nucléaire auquel s'ajoute la nécessité de développer les moyens de connaissance (renseignement - espace), il faut tenir compte de la rigidité du budget en raison du nombre de programmes en cours, d'ores et déjà lancés qui s'élèvent à 45 milliards d'euros d'engagement à la fin 2011 ;

- l'analyse de ces engagements conduirait à rechercher des marges sur les programmes non encore engagés qui concernent principalement l'armée de terre, celle dont précisément on a besoin pour effectuer une indispensable empreinte au sol significative. C'est en particulier le sort du programme Scorpion ;

- au-delà des trous capacitaires clairement identifiés (ravitailleurs, transport, drones, radars de surveillance, etc.) des abandons capacitaires pourraient être envisagés. Or il faut affirmer clairement que toute capacité abandonnée est définitivement perdue sauf à accepter des coûts exorbitants et des délais insupportables pour une remontée en puissance aléatoire ;

- nos décisions devront être prises avec l'impératif de rechercher la cohérence d'ensemble de nos forces armées et leur cohérence interne arme par arme.

Notre rapport n'aurait pas été complet s'il n'avait ouvert un certain nombre de pistes que la commission du Livre blanc étudiera pour tenter de trouver des marges de manoeuvre. Certaines de ces pistes peuvent avoir un effet à moyen terme mais l'extrême rigidité de la dépense rend la recherche de solutions difficile. Cela ne doit pas empêcher la mise en place des mécanismes qui permettront à plus long terme de réelles économies, en particulier l'Europe de la défense, bilatérale ou multilatérale.

En conclusion, nous affirmons notre volonté de tout faire pour préserver un effort somme toute modeste (1,6 % du PIB mais en réalité sans doute un peu moins) pendant la période de crise et la nécessité de faire un effort supplémentaire une fois la crise passée. Notre sécurité, notre indépendance, notre place dans le concert des nations sont à ce prix.

Quelles que soient les décisions qui seront prises en 2013, elles devront être totalement transparentes et faire l'objet d'un débat ouvert devant le Parlement bien sûr, mais aussi devant l'opinion publique et l'ensemble de nos concitoyens.

M. Jean Besson - Je crois qu'il y a unanimité sur le rapport de notre président qui constitue une exacte synthèse de nos travaux. La question est à présent de savoir comment nous diffusons nos réflexions afin qu'elles touchent le public le plus large.

M. Jean-Louis Carrère, président - Nos rapporteurs ont déjà fait un gros travail de communication au travers des conférences de presse qu'ils ont tenues. Du reste, les reprises de la presse témoignent de l'intérêt qu'a suscité notre travail. Il serait légitime que les co-présidents de nos groupes de travail puissent être entendus par la Commission qui se met en place.

M. Jacques Gautier - Notre groupe est évidemment solidaire de l'ensemble du travail indispensable réalisé par la commission. Nous approuvons pleinement l'impulsion donnée. Pour défendre la défense, et en particulier l'industrie, il faudra insister sur la notion de retour au niveau économique. Je vous rappelle que quand l'Etat met 1 euro dans l'industrie de défense, il en récupère 70 ou 80 centimes.

M. Jean-Louis Carrère, président - En tout état de cause, vous aurez compris que nous ne sommes absolument pas dans une logique de renonciation et d'anticipation de réductions des moyens. Il y a un vrai débat à mener pour savoir si le budget de la défense est un budget comme les autres et si réellement il doit participer à l'effort au même titre que les autres.

M. Alain Gournac - Je partage tout à fait la position exprimée par notre président. Du reste, le contraire irait à l'encontre du travail fait par la commission, mais surtout cela ruinerait le positionnement de la France auquel nous sommes attachés.

M. Jean-Pierre Chevènement - Votre position est juste. Les travaux de notre commission montrent qu'avec 1,5 % du PIB consacrés à la défense nous avons un niveau « juste insuffisant ». Les caractéristiques de la France, sa présence mondiale au travers de notre outre-mer, notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité, tout cela justifie ce seuil minimum. De plus cette position est intelligente et il faut la tenir contre les vents contraires. Finalement l'intelligence politique rejoint les analyses et les positions de fond.

M. Pierre Bernard-Reymond - N'étant pas un expert des questions de défense, je me contenterai de souligner le très grand intérêt de la coopération européenne qui est de nature, à terme, à nous permettre de dégager des marges de manoeuvre. Nous devrions travailler à démonter les synergies entre nations européennes.

M. Jean-Louis Carrère, président - Votre remarque pertinente rejoint la proposition que je viens de faire au Bureau de notre commission afin que nous travaillons à la rentrée sur ces questions difficiles. Difficiles, car pour avoir une vision commune de la défense, il faut au préalable avoir une vision commune de l'avenir de l'Europe et partager les mêmes analyses stratégiques.

M. Christian Cambon - Il faut en effet relancer nos contacts notamment avec les Allemands que nous avions rencontrés, avec le Président Carrère, à Berlin le 18 janvier dernier.

M. Jean-Louis Carrère, président - J'ai en effet écrit à mon homologue de la commission de la défense du Bundestag pour proposer un suivi régulier entre nos commissions. Une prochaine réunion, différée par les élections législatives, aura lieu à Paris le 18 décembre prochain conjointement avec nos collègues de l'Assemblée nationale.