Jeudi 11 octobre 2011

- Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente -

Femmes et travail - Table ronde avec les représentants d'organisations syndicales

La délégation auditionne, dans le cadre d'une table ronde, Mme Lisa Buchet, juriste, et Mme Carole Cano, membre du réseau équilibre de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), Mme Annie Fuchet, membre de la commission exécutive confédérale et de la commission élu-e-s et mandaté-e-s de la Confédération générale du travail (CGT) accompagnée de Mme Ghislaine Richard, membre de la direction et animatrice de la commission femmes-mixité, M. Claude Raoul, secrétaire confédéral en charge des discriminations à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), accompagné de Mme Mouna Benyoucef, conseillère technique, ainsi que Mme Cécile Gondard-Lalanne, secrétaire nationale de l'Union syndicale solidaire-Sud.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation malgré un agenda syndical que je sais très chargé en ce moment.

Notre délégation, vous le savez, approfondit chaque année un thème de réflexion portant sur les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cette année, nous avons décidé de nous intéresser au thème « Femmes et travail ». C'est un sujet qui est vaste, mais il nous a semblé que si nous voulions examiner les raisons pour lesquelles l'égalité professionnelle marque le pas depuis une vingtaine d'années, une approche systémique était nécessaire.

Nous avons donc commencé par auditionner des sociologues, des économistes du travail, des experts - comme Mme Brigitte Grésy -. Nous avons également rencontré les responsables de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), de l'Observatoire de la parentalité en entreprise, de l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, qui nous ont fait part de leurs analyses et de leurs suggestions. Nous avons également entendu, il y a quinze jours, la présidente du Comité hommes-femmes du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Nous avons déjà bien avancé dans notre sujet et le temps est venu pour nous d'interroger les principales organisations syndicales sur leur perception des enjeux de l'égalité professionnelle et les leviers susceptibles de la faire progresser.

Je sais que c'est un sujet auquel les syndicats portent une attention croissante et sur lequel vous avez été invités à vous prononcer tout récemment encore lors de la grande conférence sociale, puisque l'une de ses tables rondes avait pour thème « égalité professionnelle - qualité de vie au travail ».

Nous avons essayé de regrouper les questions que nous souhaitions vous poser dans un questionnaire que vous avez dû recevoir et qui est réparti en cinq sections.

Comme nous disposons d'un peu plus de deux heures, cela nous permet de consacrer une demi-heure environ à chacun des cinq thèmes que nous aborderons successivement. Je vous demanderai donc à chacun d'entre vous d'être aussi synthétique que possible.

Notre délégation ne fait pas, à elle seule, la loi mais elle formule en revanche des recommandations dans ses rapports d'information et dans les rapports qu'elle présente sur les projets et les propositions de loi qui lui sont soumis et ses recommandations sont prises en compte par le Sénat et par les pouvoirs publics et peuvent alors trouver une traduction législative. C'est ainsi que la plupart des recommandations que nous avons formulées à l'occasion de la discussion de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel ont été entendues et suivies d'effet.

Comme notre ordre du jour est chargé, je vous propose d'aborder tout de suite le premier thème, « l'égalité professionnelle et salariale ». Celui-ci vous permettra d'aborder les conclusions que vous tirez de la grande conférence sociale, de nous présenter votre point de vue sur les forces et les faiblesses de la négociation collective, sur le dispositif législatif relatif à l'égalité professionnelle et sur le régime des sanctions prévues par l'article 99 de la loi du 9 novembre 2011 portant réforme des retraites.

Mme Annie Fuchet, membre de la commission exécutive confédérale et de la commission élu-e-s et mandaté-e-s de la Confédération générale du travail (CGT). - Je n'ai pas participé personnellement à la grande conférence sociale, mais je trouve dommage, a posteriori, que la prise en compte de cette problématique de l'égalité n'ait, en dehors de la table ronde qui lui était spécifiquement consacrée, pas été abordée dans les autres tables rondes, alors que c'est un sujet absolument transversal. Elle aurait dû être présente dans toutes les thématiques abordées lors de la conférence sociale. Il me paraît en effet indispensable d'envisager autrement le travail, si l'on veut favoriser l'égalité hommes-femmes, l'amélioration des conditions de travail et la compétitivité des entreprises. Nous vous ferons parvenir, pour répondre plus précisément à vos différentes questions, un document écrit dans le courant de la semaine prochaine.

Pour la CGT, l'égalité professionnelle et la qualité du travail sont des questions imbriquées. Elles sont un facteur de croissance et d'amélioration de la productivité. Elles contribuent à la compétitivité de la France, à l'amélioration des comptes sociaux et même à celle du budget de l'État.

Mme Cécile Gondard-Lalanne, secrétaire nationale de l'Union syndicale solidaire-Sud. - Je ne puis rien dire sur la conférence sociale car nous n'y étions pas. Je vous transmettrai aussi un certain nombre de fiches que nous avons préparées pour répondre plus précisément à vos différentes questions.

Nous souhaitons plus particulièrement insister sur le fait que la fonction publique n'est pas forcément concernée par les dispositions législatives relatives à l'égalité professionnelle, ni par la négociation collective. C'est bien dommage, car la fonction publique n'est pas un monde à part de la société qui serait, à ce titre, préservé des inégalités entre les femmes et les hommes ! Elle les connaît même plutôt bien.

Les lois relatives à l'égalité professionnelle ne sont pas assez contraignantes. Si elles l'avaient été, on aurait eu le temps, depuis 1983, de s'en rendre compte ! La loi Génisson de 2001 donne des points d'appui, mais elle non plus n'est pas assez contraignante.

Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO). - Je crois qu'il est important que le thème de l'égalité professionnelle ait fait l'objet d'un traitement distinct lors de la conférence sociale, en dépit de son caractère transversal, car sinon il aurait pu passer tout simplement à la trappe. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas aussi être abordé à l'occasion des autres thématiques. La création d'un ministère des droits des femmes a confirmé la réalité d'une vraie impulsion politique sur ce sujet.

La conférence sociale a été un moment pour discuter de ces questions et je crois qu'elle nous a permis de progresser. Elle nous a permis de faire le point sur un dispositif législatif et réglementaire qui, sauf sur un point, est apparu dans l'ensemble assez complet. Il faut maintenant se donner les moyens et les outils pour aboutir à l'égalité réelle.

Mme Mouna Benyoucef, conseillère technique de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). - L'égalité professionnelle n'avait jusqu'à présent pas été suffisamment prise en compte par le Gouvernement et les partenaires sociaux : l'organisation de la conférence sociale et la mise en place d'un gouvernement paritaire ont marqué un véritable changement. Nous sommes très satisfaits de cette situation nouvelle et jugeons très constructif le dialogue qui s'est engagé à cette occasion. On en a vu rapidement les conséquences puisque le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle s'est réuni déjà deux fois. La seule réserve que nous pourrions émettre, ce serait si tout cela n'était pas suivi d'effets.

Mme Carole Cano, membre du réseau équilibre de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). - La CFE-CGC a constaté une volonté d'aboutir sur l'égalité professionnelle lors de la conférence sociale, mais la réunion du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle à laquelle j'ai participé avant-hier me laisse un goût d'amertume, parce que les mesures qu'elle a proposées ne permettront pas, à notre avis, d'aboutir à une véritable égalité professionnelle et salariale.

Mme Sophie Mandelbaum, secrétaire confédérale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). - La conférence sociale nous a permis de nous accorder sur un diagnostic positif : le caractère satisfaisant du dispositif législatif et réglementaire relatif à l'égalité professionnelle, à l'exception toutefois du décret d'application de l'article 99 de la loi portant réforme des retraites.

La question est maintenant de savoir quels moyens mobiliser pour que ce dispositif soit effectivement respecté. Nous avons également apprécié le souci de clarification et d'articulation qui a été opéré entre ce qui doit relever de la loi et ce qui doit relever de la négociation collective. Plutôt que de créer de nouvelles normes, il faut impulser une dynamique pour favoriser la mise en oeuvre des dispositifs existants.

S'agissant du suivi de la feuille de route sociale, la conférence tripartite nationale paraît un bon élément de méthode. Mais qu'il s'agisse de celui-ci ou du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, il faut relever qu'il ne suffit pas toujours de se réunir pour que les choses aboutissent !

Nous sommes très attachés, à la CFDT, à une démarche intégrée en faveur de l'égalité professionnelle, tout en ayant le souci d'éviter que cela n'aboutisse à une dilution de la problématique dans les différents sujets de négociation. Pour cela, il faut qu'elle fasse l'objet de négociations et d'un suivi spécifique par des instances bien identifiées.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je constate une assez large convergence de vues entre vous dans l'appréciation que vous portez sur la mise en place d'un gouvernement paritaire, sur la création d'un ministère propre aux droits des femmes et sur l'expérience d'un volontarisme politique.

Vous exprimez toutes et tous la nécessité d'une approche transversale. Et nous faisons comme vous le constat que, malgré un arsenal législatif important, l'égalité professionnelle marque le pas.

Nos précédentes auditions ont aussi souligné la nécessité de travailler à une déconstruction des stéréotypes. Cela soulève la question de l'éducation à l'égalité dès le plus jeune âge, et de la formation des enseignants.

En effet, comment briser le « plafond de verre » et les « parois de verre » qui se traduisent par une segmentation de l'emploi féminin ? Comment surmonter ce blocage idéologique ? Certes, nous disposons d'un arsenal législatif assez complet, mais nous avons sans doute besoin aussi de mesures plus contraignantes. Certains grands groupes ont commencé de se rendre compte combien ces inégalités entre femmes et hommes pouvaient être pénalisantes en termes de compétitivité.

Mme Ghislaine Richard, membre de la direction et animatrice de la commission femmes-mixité de la Confédération générale du travail (CGT). - La lutte contre les stéréotypes et les efforts que doit y consacrer l'éducation méritent certes tout notre intérêt. Mais je relève aussi que chaque fois que nous tentons de nous attaquer, sur le terrain, aux inégalités professionnelles, et que l'on évoque les contraintes qu'il faut imposer aux entreprises - je pense par exemple au décret d'application de l'article 99 de la loi portant réforme des retraites - on se heurte à des résistances et l'on nous dévie vers le terrain culturel. Je veux bien parler de la dimension culturelle, mais je crois qu'il faut aussi prendre des mesures pour que les lois soient effectivement appliquées. Dès lors que les lois seront respectées par les entreprises, il faudra bien puiser aussi dans les viviers de femmes compétentes et cela fera évoluer les mentalités. On l'a bien vu pour la fonction publique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Vous souhaitez donc que l'on applique les sanctions ?

Mme Ghislaine Richard. - Oui, il faut montrer la volonté d'appliquer la loi et ne pas donner aux entreprises de délais supplémentaires pour se mettre en conformité avec elle. On leur a déjà donné un an de plus ! Les employeurs arguent que c'est la crise, mais si on attend pour agir de sortir de la crise... Au contraire, l'égalité est une des conditions pour sortir de la crise. Il faut donc se montrer volontaire, aujourd'hui, sur cette question-là, et la configuration des pouvoirs politiques devrait faciliter les choses.

M. Claude Raoul, secrétaire confédéral en charge des discriminations de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). - Il faut faire appliquer les lois, c'est une nécessité sur laquelle je rejoins Annie Fuchet, mais je crois qu'il faut aussi faire évoluer les mentalités. Vous avez raison, Madame la Présidente, d'insister sur le rôle de l'Éducation nationale, car si on veut que l'égalité progresse, de manière naturelle et sur la durée, il faut la promouvoir dès le plus jeune âge, dès l'école, et ensuite dans toutes les formations existantes : formation initiale comme formation continue. Il faut aussi la prendre en compte sans la formation des responsables des ressources humaines car il faut bien constater des lacunes en ce domaine.

M. Alain Fouché. - Comment voyez-vous les choses concrètement ?

Mme Ghislaine Richard. - Il faut former les futurs éducateurs et les éducateurs actuellement en fonction. Il faut mettre en place un plan de formation des enseignants. Il y avait autrefois, dans les académies, des déléguées à l'égalité qui essayaient, mais avec peu de moyens, de faire avancer les choses. Il faut certes avoir une approche transversale de l'égalité, mais on a besoin aussi de gens qui en soient spécialement responsables. On a besoin, dans les directions départementales du travail, de gens spécialement chargés de contrôler l'application des dispositifs d'égalité professionnelle.

Mme Anne Baltazar. - Il est vrai que le Gouvernement lance actuellement de grands chantiers qui prennent corps au travers de plusieurs groupes de travail constitués.

En premier lieu, le comité de pilotage mis en place après la grande conférence sociale : la question de la déconstruction des stéréotypes fait pleinement partie de la feuille de route et a été abordée lors de la première réunion.

Des projets de formation et de sensibilisation dès la maternelle ont été évoqués et repris par la ministre dans son intervention devant le Conseil supérieur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Parmi les sujets en discussion figure aussi la question de l'égalité salariale : que signifie l'attribution d'un salaire égal à un travail égal ?

Le problème des filières sexuées - en particulier des filières professionnelles « féminisées » dévalorisées - a, par ailleurs, déjà fait l'objet de nombreux travaux : le défenseur des droits, qui a succédé à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), devrait faire paraître, avant la fin de cette année, une brochure proposant des pistes et des outils aux négociateurs des grilles de classification.

Enfin, la ministre a lancé des expérimentations en région, notamment pour faire se rapprocher certaines grandes entreprises innovantes en matière d'égalité professionnelle et des petites entreprises plus démunies. Je pense donc qu'il faut saluer ces innovations.

Mme Sophie Mandelbaum. - Me permettez-vous de vous raconter une belle histoire ? Il s'agit d'une menuiserie industrielle en Bretagne, dans laquelle le directeur des ressources humaines déplorait une pénurie de main d'oeuvre. Le délégué syndical, sensibilisé depuis plusieurs années par une militante CFDT particulièrement engagée dans la défense de l'égalité entre les femmes et les hommes, est intervenu auprès de celui-ci pour proposer d'embaucher des ouvrières du textile, inemployées depuis de nombreuses années dans la région depuis leur licenciement. Je précise qu'il s'agissait d'un atelier de production, masculin à 100 %, et que personne n'imaginait que des femmes puissent assumer ce genre de travail. Pourtant, le directeur des ressources humaines a fait ce pari et, cinq ans après, 30 % des ouvriers sont des ouvrières, et il ne viendrait à l'idée de personne de dire qu'elles n'y ont pas leur place.

Bien entendu, il a fallu procéder à de nombreux ajustements et on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'obstacles. Les outils de sécurité, par exemple, n'étaient pas adaptés aux pieds des femmes ; par ailleurs, il a fallu construire des vestiaires séparés. Mais ces contraintes ont été prises en compte au fur et à mesure.

Il me paraît important de retenir essentiellement deux choses de cette histoire. Tout d'abord, rien n'aurait été possible sans l'intervention d'une personne extrêmement sensibilisée aux questions de mixité et qui a permis à un délégué syndical d'engager des actions concrètes et efficaces au bon moment. Ensuite, il ressort des conversations que nous avons eues avec le délégué syndical qu'aujourd'hui, après l'arrivée des femmes, l'ambiance dans l'atelier est bien meilleure qu'avant. En matière d'amélioration de la qualité du travail, cette expérience est aussi exemplaire. Sans qu'aucun aménagement de poste n'ait eu lieu à proprement parler, l'ambiance, elle, s'est nettement améliorée. Les hommes expriment leur soulagement, en particulier en ce qui concerne la réduction de l'ambiance sexiste. En effet, les hommes sont les premiers à souffrir des comportements machistes et des attitudes grivoises qui caractérisent les lieux de travail à prédominance masculine !

Par conséquent, l'arrivée des femmes dans cet atelier a permis la définition de nouvelles règles du « mieux vivre ensemble ».

Dans le cadre des négociations sur la qualité de vie au travail et sur l'égalité professionnelle, parmi les pistes de travail, nous réfléchissons donc aux différentes manières possibles d'organiser la mixité au travail et à la façon d'impliquer tant les hommes que les femmes dans le changement.

Pour résumer, en matière de qualité de vie au travail, nous cherchons à construire les conditions d'une expression collective des salariés sur l'organisation du travail, en prenant en compte que, hommes comme femmes, nous sommes tous susceptibles de véhiculer des stéréotypes de genre.

Quand on aborde la question du genre avec un collectif d'hommes et de femmes, il faut préparer la parole, sans quoi l'on tombe très vite dans des affirmations stigmatisantes, par exemple en ce qui concerne la gestion des plannings.

C'est donc en étant très concrets et en organisant l'expression collective sur ces sujets que nous pensons pouvoir faire évoluer les stéréotypes de genre.

M. Alain Fouché. - L'exemple de l'introduction de la mixité dans cette menuiserie en Bretagne me paraît très intéressant. Pouvez-vous nous dire si les horaires, les salaires ou l'organisation du travail ont été modifiés après l'arrivée des femmes ?

Mme Sophie Mandelbaum. - Non, tout est resté identique. J'ajoute simplement que cette expérience a renforcé notre conviction qu'il fallait introduire la question du genre dans la formation des délégués syndicaux. Aujourd'hui, nous l'expérimentons dans une région pilote avant de la généraliser.

Mme Carole Cano. - La CFE-CGC considère également que la lutte contre les stéréotypes est la clef de voute pour parvenir à l'égalité réelle. Cela passe nécessairement par l'école. Nous considérons qu'il est tout autant essentiel d'aborder dès l'école la question de l'orientation des filles. Il s'agit d'encourager - ou à tout le moins d'accompagner - ces jeunes filles vers des métiers que, a priori, elles ne choisiraient pas ou que leur environnement, notamment familial, ne les encourage pas à choisir. Il nous semble également urgent de valoriser les métiers dans lesquels la population féminine est surreprésentée. Souvent peu rémunérés - dans le commerce ou les services - ces métiers, souvent en contact avec la population, sont essentiels à l'heure où s'appauvrit le lien social dans nos sociétés. Il faut leur faire prendre conscience qu'elles ont un métier à forte valeur ajoutée. Tant qu'elles n'en auront pas conscience, elles ne feront pas la promotion de leur métier. Or, cela nous paraît essentiel.

Concernant la promotion professionnelle, il est de la responsabilité des entreprises de détecter les potentiels. Je dois dire qu'au départ la CFE-CGC n'était pas favorable à l'idée d'imposer des quotas pour faire respecter l'égalité dans les promotions à l'intérieur de l'entreprise. Toutefois, au vu des faibles résultats obtenus par les dispositifs législatifs et réglementaires incitatifs, le système des quotas nous est apparu incontournable. Toutefois, nous proposons une mise en oeuvre au prorata des populations représentées dans les différentes classifications des métiers, à l'intérieur de l'entreprise.

Enfin, nous souhaitons que soient rendues effectives les sanctions imposées aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité salariale et professionnelle. Nous estimons que ces sanctions doivent être immédiates et systématiques pour être efficaces et non pas modulables.

Mme Cécile Gondard-Lalanne, secrétaire nationale de l'Union syndicale solidaire-Sud. - Lorsque les femmes sont arrivées à La Poste au début des années 1970, l'employeur a enfin modifié le poids de la sacoche. Dans ce métier très masculin il a donc fallu attendre l'arrivée des femmes pour améliorer les conditions de travail, alors même que les hommes souffraient du dos, mais ne le disaient pas.

Cet exemple nous montre deux choses : tout d'abord, qu'on n'a pas attendu les lois sur l'égalité professionnelle pour améliorer les conditions de travail. Parfois, les bonnes pratiques viennent des entreprises elles-mêmes et peuvent servir d'exemple ; ensuite, que l'amélioration des conditions de travail des unes bénéficient aux autres, hommes et femmes confondus dans le collectif de l'entreprise, et qu'elle dépasse donc la question du genre.

S'agissant de la lutte contre les stéréotypes dans l'entreprise, nous regrettons que les formations sur ce sujet, que nous estimons cruciales, soient réservées aux cadres et cadres supérieurs. C'est en effet ce qui ressort de l'examen d'un certain nombre d'accords sur l'égalité professionnelle. Nous considérons, au contraire, que personne n'échappe aux stéréotypes et que les actions - notamment les formations - doivent concerner toutes les catégories professionnelles, du bas au haut de l'échelle.

Concernant la question de la ségrégation professionnelle - qu'elle soit verticale (« plafond de verre ») ou horizontale (secteurs réservés aux femmes) - nous pensons qu'il faut permettre à la négociation collective de s'attaquer à ce sujet.

En ce domaine, la contrainte n'est pas nécessairement la voie la plus efficace. Il faut aussi savoir récompenser les entreprises dont les pratiques sont exemplaires.

En tout état de cause, nous pensons qu'il est essentiel de remettre sur la table la question de la valeur égale du travail, en particulier dans les secteurs professionnels très féminisés. A cet égard, le Québec a élaboré des outils spécifiques. Nous pensons que là réside la clef de la lutte contre la ségrégation sectorielle et, par conséquent, contre la division sexuelle du travail.

Bien entendu, nous considérons que cela passera automatiquement par une revalorisation salariale, dans tous les secteurs fortement féminisés - tels le social, la santé, l'Éducation nationale, la formation... - dans lesquels les femmes, bien qu'à compétences égales avec les hommes, sont moins bien rémunérées.

S'agissant enfin du plafond de verre, nous demandons la parité stricte pour les promotions. Cela permettra de faire évoluer progressivement la structure de l'emploi, que ce soit dans le secteur privé ou public.

M. Alain Fouché. - Pouvez-vous nous éclairer sur les écarts des grilles de salaires à l'hôpital ? Avez-vous des éléments par catégories professionnelles ?

Mme Cécile Gondard-Lalanne. - Si cela vous intéresse, je pourrai vous faire parvenir des éléments spécifiques à l'hôpital.

Mme Annie Fuchet. - Votre question sur l'hôpital me permet d'introduire un élément que j'estime important, à savoir la reconnaissance du diplôme dans la valorisation salariale.

En effet, une étude récente réalisée au sein de l'hôpital a montré des écarts de salaires importants entre les infirmiers/infirmières détenteurs d'un diplôme sanctionnant trois années d'études après le baccalauréat et les techniciens sans diplômes particuliers.

Le problème vient du fait qu'à diplôme égal, on observe également, parfois, des écarts de salaires considérables entre les femmes et les hommes, ce qui me conduit à introduire la notion de travail à valeur comparable, qui est une mesure plus avancée que celle de travail égal pour examiner l'égalité salariale. A cet égard, nous avons eu à examiner récemment le cas d'une jeune femme recrutée par un laboratoire lyonnais en même temps qu'un jeune homme, issus de la même école d'ingénieurs et de la même promotion, pour le même emploi. Échangeant sur leurs conditions de travail, les deux jeunes recrues se sont aperçues que le salaire de la jeune fille était inférieur de 300 euros par mois à celui du jeune homme... Elle n'a rien dit car elle a considéré qu'« avoir un travail » était déjà une chance, dans le contexte actuel de pénurie sur le marché du travail. Nous estimons que ce genre de situation est anormal.

Pour revenir sur la ségrégation professionnelle, je souhaite préciser qu'à la CGT nous considérons que le contenu du travail n'est pas sexué : ce n'est pas l'humain qui s'adapte à la machine, mais bien la machine qui s'adapte à l'humain. Des cas concrets, nous pouvons en citer aussi, telles ces femmes, dans le secteur métallurgique, recrutées dans un atelier d'une centrale thermique traditionnellement réservé aux hommes. Le contrat passé avec la direction des ressources humaines prévoyait qu'à compétences égales, elles auraient un salaire égal.

J'en viens maintenant aux stéréotypes véhiculés dans les entreprises. Perdure encore l'idée que la femme salariée vient chercher un salaire d'appoint pour le foyer, alors même qu'on a totalement changé de paradigme : la Constitution garantit aujourd'hui le droit au travail pour tous. Pourtant, la prégnance de cette conception a pour conséquence la dévalorisation non seulement des emplois proposés aux femmes, souvent précaires ou sous-payés, mais aussi du contenu du travail qu'on leur propose. C'est un sujet sur lequel nous devons tous - État, organisations syndicales et entreprises - nous pencher.

S'agissant de la négociation dans l'entreprise, plusieurs textes législatifs ont instauré l'obligation d'ouvrir des négociations de branche et d'entreprise sur l'égalité professionnelle et salariale. Pourtant, à l'heure où l'on parle, nous sommes incapables d'avoir la liste des accords négociés, signés ou non. Par conséquent, nous ignorons si leur contenu respecte ou non les prescriptions légales. Dans les plus petites entreprises, le contenu des accords reste très aléatoire alors même qu'elles sont soumises comme les autres à l'obligation de mener des négociations sérieuses, loyales et transparentes...

Nous pensons qu'il faut aller plus loin concernant notamment l'obligation de remettre un rapport de situation comparée conforme à la législation. Pourquoi ne pas instaurer une obligation de résultat à la place de l'obligation d'ouvrir les négociations ? Cela faciliterait l'application des sanctions en cas de non-respect de la loi. Il est, à cet égard, urgent qu'on cesse de reporter leur application.

Mme Carole Cano. - Je souhaite revenir un instant sur l'importance de l'éducation et de la formation pour lutter contre les stéréotypes de genre.

Je prends l'exemple d'une entreprise dont les dirigeants viennent du Nord de l'Europe, la Suède en l'occurrence, pays dans lequel l'apprentissage de l'égalité des genres se fait dès le plus jeune âge. Dans le rapport de situation comparée des filiales de cette entreprise installées en France, il apparaît clairement que l'égalité stricte est respectée, tant pour les promotions que pour les salaires. Si le dirigeant est un homme, les salariés de l'entreprise que j'ai pu rencontrer disent tous qu'il n'y a aucune distinction en fonction du genre que ce soit pour les compétences, l'égalité salariale, les promotions, les formations. L'égalité entre les sexes est une culture, intégrée dans l'entreprise et qui ne fait plus débat. Je trouve ce genre d'exemple encourageant.

Mme Ghislaine Richard. - Nous parlons beaucoup de formation et d'éducation pour arriver à l'égalité réelle, mais nous n'avons pas évoqué, pour l'instant, d'autres facteurs extérieurs qui sont pourtant essentiels, que ce soit en France ou dans les pays du Nord, ce sont toujours les femmes qui sont à temps partiel pour élever les enfants.

Or, la France est en retard sur la question de la parentalité. Sur ce sujet, la CGT a pris des positions assez différentes des autres organisations syndicales puisque nous demandons :

- la réduction du temps de travail pour tous les salariés, femmes et hommes : aujourd'hui en France, alors que les femmes subissent des temps partiels, un(e) Français(e) sur deux n'a pas bénéficié des dispositifs sur la réduction du temps de travail ;

- la mise en place d'un grand service public d'accueil des jeunes enfants et de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées : en effet, à défaut, ce sont aussi les femmes qui prennent en charge ces personnes. Par conséquent, même s'il est utile de travailler à l'éducation des mentalités, si on ne créé pas les moyens de permettre aux femmes de travailler, le travail ne sera pas émancipateur pour tout le monde...

Mme Anne Baltazar. - Les stéréotypes se nichent aussi dans l'appréciation des compétences. Ainsi, les femmes possèderaient un certain nombre de compétences « innées » - elles seraient plus douces, plus minutieuses... - qui les prédestineraient à des emplois dans le secteur des soins, par exemple. Il est étonnant de constater que, parce qu'innées, ces compétences n'auraient pas à être rémunérées, alors que les compétences des hommes - notamment techniques - sont, elles, nécessairement valorisées.

Pour revenir à votre question sur les forces et les faiblesses de la négociation, je pense qu'une des forces réside dans le fait que les interlocuteurs dans l'entreprise se saisissent du sujet, en parlent, le traitent et fassent évoluer leur propre mentalité. Mais la faiblesse, comme l'a souligné notamment la représentante de la CGT, tient dans l'absence de retour sur les accords négociés. Nous aimerions disposer d'indicateurs pour nous assurer que les points évoqués dans les accords avancent, voire réussissent. A titre d'exemple, je suis aujourd'hui incapable de vous dire si nous avons bien fait de signer en 2004 l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle.

Par ailleurs, nous savons que le contenu des accords négociés est souvent très en dessous des prescriptions légales. Il faut donc continuer à former des équipes et, parallèlement, à diffuser la réglementation contraignante existante pour les entreprises. A cet égard, nous considérons que le dispositif de sanctions n'est pas aujourd'hui opérationnel.

Nous sommes déçus, comme d'autres organisations syndicales, par ce que propose le Gouvernement pour la révision du décret du 7 juillet 2011, décret qui avait considérablement atténué les conditions d'une mise en oeuvre effective de la sanction prévue par l'article 99 de la loi du 9 novembre 2010. Nous travaillons avec le ministère pour que la définition des sanctions soit plus précise et leur effectivité renforcée.

Dans le cadre de la réglementation actuelle, le pouvoir d'appréciation des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) est trop important et le niveau de la sanction modulable.

Par ailleurs, la loi ne fixe pas assez d'indicateurs précis de progression de l'égalité réelle. Nous souhaitons donc avancer, en coordination avec la ministre, tant sur la méthode que sur le fond.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Les divers points que vous avez abordés concernent la transversalité, le personnel dédié, les questions d'éducation. L'intégration des femmes au sein d'une entreprise modifie la qualité de vie au travail et permet de constater que les hommes aussi, sans le savoir, portent de la souffrance et qu'ils doivent donc être des interlocuteurs associés à ce combat pour l'égalité.

Vous nous indiquez qu'il faut des outils et mettez en avant la reconnaissance de la valeur au travail, tant pour l'homme que pour la femme.

Concernant le sujet de la précarité imposée, pensez-vous qu'il faille travailler sur des mesures législatives contraignantes pour faire reculer le recours au temps partiel, non pas bien entendu celui choisi librement par un salarié, mais le temps partiel imposé par un employeur ? Il s'agit aussi de s'interroger sur la qualité des contrats à temps partiel proposés.

Élue des Hauts-de-Seine, je travaille beaucoup sur le site de La Défense, bassin d'emploi de 170 000 salariés. Les femmes de ménage commencent leur travail à 5 heures du matin pour revenir le soir après la fermeture des bureaux et cumulent plusieurs contrats pour survivre. Ne faudrait-il pas toiletter les dispositions régissant le temps partiel ?

Mme Ghislaine Richard. - Un très intéressant rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat publié l'année dernière abordait ces questions et proposait notamment que les contrats à temps partiel ouvrent des droits a minima aux salariés.

En effet, plus de 450 000 salariés, dont 99 % de femmes, travaillent moins de 15 heures par mois ; elles ne l'ont pas toutes choisi et elles ne s'ouvrent aucun droit : ni indemnités journalières, ni indemnités de maternité, ni cotisations pour la retraite. Puis, il y a toutes les autres femmes qui ont des contrats précaires, des horaires atypiques.

L'autre jour, lors de la négociation « qualité de vie - égalité », nous avons entendu un témoignage portant sur les conditions de travail dans une grande surface commerciale de Lyon-Part-Dieu, conditions sans doute représentatives de celles que l'on retrouve partout où les femmes travaillent avec une grande amplitude horaire, dans des conditions d'insécurité que l'on retrouve sans doute à La Défense ou dans d'autres zones artisanales et industrielles.

La CGT propose que la précarité soit plus coûteuse pour les employeurs, en leur imposant de cotiser pour un salarié à temps partiel sur la base d'un temps plein ou, à tout le moins, à concurrence du minimum nécessaire pour l'ouverture des droits sociaux. Le recours systématique aux contrats à temps partiel est devenu une méthode de gestion dans certaines entreprises. Ce type de contrat imposé à un salarié devrait être assujetti au versement d'une prime de précarité comme l'est le contrat à durée déterminé.

Ces nouvelles contraintes pourraient contribuer à réduire la propension des employeurs à recourir trop systématiquement à des contrats à temps partiel. La qualité du travail y gagnerait aussi, la gestion d'équipes de travail composées de salariés soumis à des contrats de travail différents étant compliquée.

La CGT défend ces propositions dans plusieurs négociations, notamment la négociation sur la sécurisation des parcours. Elles seraient bonnes tant pour les hommes que pour les femmes même si ce sont les femmes qui sont concernées en premier chef par les contrats précaires, 83 % des contrats à temps partiel étant occupées par des femmes.

Mme Françoise Laborde. - Quelles sont les raisons pour lesquelles les entreprises embauchent à temps partiel et pour quel type de postes le font-elles ?

S'agit-il de postes qui pourraient être occupés par un temps plein et que les entreprises choisissent de répartir entre plusieurs personnes à temps partiel, notamment dans l'idée qu'une personne malade à temps partiel sera plus facilement remplacée ?

Mme Cécile Gondard-Lalanne - Je rappelle que le recours au recrutement à temps partiel a été dynamisé par l'exonération des charges sociales sur ce type de contrat, décidée en 1982/1983. Trente ans plus tard, on ne peut que constater les conséquences de cette décision à laquelle ont contribué aussi bien le gouvernement de l'époque que les organisations syndicales.

A l'époque, on avait justifié cette mesure par le souci de permettre l'articulation, la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle ; on a considéré implicitement que c'était aux femmes qu'il revenait de concilier leur vie privée, et donc en particulier leur vie familiale, avec leur vie professionnelle.

C'est une erreur majeure sur laquelle il faut revenir. Il faut sanctionner le recrutement à temps partiel en l'assujettissant à des cotisations et des contraintes. En effet, le recours à de tels contrats est avantageux pour un employeur, le recours à plusieurs salariés à temps partiel pour occuper un temps plein leur permettant une grande flexibilité et de précariser leurs salariés en leur rendant plus difficile l'exercice de leurs droits, les organisations syndicales y étant très peu représentées.

Mme Françoise Laborde. - Cette volonté de développer le temps partiel trouvait son origine dans l'idée que le marché du travail s'en trouverait dynamisé. En ces temps où sévit la crise, on va nous rétorquer que revenir sur les exonérations accordées va encore aggraver la situation de l'emploi salarié.

Mme Cécile Gondard-Lalanne. - Depuis leur arrivée massive sur le marché du travail dans les années 1960, les femmes ont été le vecteur de création d'emplois et donc de croissance.

Comme l'a expliqué la CGT, la mise en place de services publics dans les secteurs de la dépendance et de la petite enfance est créatrice d'emploi.

Nous défendons un nouveau statut du salarié pour que ce dernier conserve des droits acquis même s'il change d'employeur.

Mme Anne Baltazar. - Les négociations portant sur la qualité de vie au travail et celles sur la sécurisation du temps de travail font une large part au temps partiel. C'est un gros sujet.

Nous défendons une série de revendications pour atténuer la précarité de ces emplois et améliorer les conditions de travail.

Les salariés à temps partiel, notamment les caissières, vivent une insécurité au quotidien en étant soumis à une flexibilité des horaires qui rend difficile la gestion de leur temps de travail compte tenu de la ventilation des heures de travail dans la journée, du temps de trajet domicile-travail ainsi que la conciliation avec leur vie familiale et personnelle.

C'est un sujet sur lequel la CFDT souhaite obtenir des avancées significatives au cours de ces négociations, notamment pour que le recours au temps partiel soit mieux encadré, afin d'éviter que certaines entreprises n'en abusent.

En effet, un recours abusif aux autres contrats précaires, comme les contrats à durée déterminée (CDD) et les missions d'intérim, peut faire l'objet d'un contrôle par l'inspecteur du travail et par les syndicats. Il faudrait l'étendre au temps partiel.

D'autres pistes sont proposées : ainsi, les postes vacants dans une entreprise employant des salariés à temps partiel devraient être proposés préférentiellement à ces salariés avant d'envisager un recrutement externe pour les pourvoir ; la réglementation actuelle qui le permet n'est pas appliquée.

Les rythmes de travail, l'amplitude horaire et le temps de trajet seront examinés lors des négociations portant sur la qualité de vie au travail.

La flexibilité des horaires permet de demander aux salariés d'effectuer des heures complémentaires avec des délais de prévenance très courts et sans que celles-ci fassent l'objet d'une majoration salariale. Nous demandons que cette majoration intervienne systématiquement pour les heures complémentaires.

Les « petits » temps partiels ne bénéficient pas, actuellement, de la protection sociale (prestations de sécurité sociale et cotisations retraite) ; il faut définir un plancher horaire ouvrant droit à la protection sociale ; limiter ou interdire les temps partiels qui seraient en-deçà de ce seuil dans certaines branches ou encore imposer à l'employeur la prise en charge des cotisations pour que le salarié ait accès à la protection sociale.

La réglementation permet déjà à l'employeur la prise en charge de cotisations retraite mais le dispositif n'est pas suffisamment incitatif.

Il faut aussi améliorer le droit à l'accès à la formation des salariés à temps partiel. Prévoir par exemple la compensation des frais de garde d'enfants lorsque la formation a lieu en dehors du temps de travail est une condition matérielle pour garantir une véritable accessibilité à la formation, notamment dans le cas des mères de famille monoparentales. Des accords d'entreprises le prévoient certes déjà, mais nous souhaiterions que ce point soit débattu à un échelon supérieur, au cours des négociations interprofessionnelles en cours.

Mme Mouna Benyoucef. - La CFTC partage le constat exposé par les autres syndicats mais revendique aussi un travail et un salaire décent pour tous les salariés.

Le temps partiel subi se concentre le plus souvent sur des métiers sous-qualifiés et sous-rémunérés ; à l'inverse, le temps partiel des cadres relève plutôt d'un choix effectué pour des raisons familiales ou pour des raisons liées à un militantisme politique.

Tout salarié devrait accéder à un temps minimal de travail procurant un salaire décent pour subvenir aux nécessités de la vie courante. Nous le revendiquons dans notre statut du travailleur.

Nous nous associons à l'idée de cotiser autant pour un salarié à temps partiel que pour un salarié à temps plein, ce qui permettrait de financer tant la sécurité sociale que le système de retraite par répartition ; certaines entreprises, comme la SNECMA, le font déjà.

Cette revendication partagée devrait donc pouvoir être mise en oeuvre ; elle inciterait les employeurs à ne pas abuser des contrats à temps partiel subi.

En matière de formation, les droits des salariés à temps partiel devraient être alignés sur ceux des salariés à temps plein.

Mme Carole Cano. - La CFE-CGC souhaite un meilleur encadrement du temps partiel et ce à tous les niveaux, aussi bien sur la charge de travail qui doit être adaptée, que sur l'égalité des droits à l'évolution professionnelle, les droits à l'augmentation mais aussi à la formation et l'égalité à l'accès aux postes à responsabilité ; en effet, plus on s'élève dans la hiérarchie de l'entreprise, plus une grande disponibilité est requise et on reproche souvent à mots couverts aux salariés à temps partiel leur manque de disponibilité. Enfin, tout contrat à temps partiel devrait comporter un volume horaire minimal permettant l'ouverture des droits sociaux au salarié.

Des accords collectifs ou des accords d'entreprises permettent de déroger aux dispositions législatives sur les heures complémentaires. Les heures complémentaires devraient être rémunérées comme des heures supplémentaires puisque la base de référence devient alors le contrat de travail du salarié et non plus la référence aux 35 heures.

Or, on constate que les premières heures complémentaires sont rémunérées comme des heures normales et ne sont rémunérées 25 % de plus qu'au-delà d'un volume horaire égal au moins à un 1/10e de l'horaire stipulé dans le contrat de travail et encore des dérogations permettent-elles d'aller jusqu'au seuil minimal d'un tiers de cet horaire contractuel.

La durée et l'organisation du temps de travail sont modifiables au gré de l'employeur, il n'y a pas de délai de prévenance.

Or, le temps partiel subi combiné à un délai de prévenance très court pose de grandes difficultés d'organisation pour le salarié, notamment pour la garde des enfants.

Il faudrait un meilleur encadrement pour permettre aux personnes qui travaillent à temps partiel d'avoir une vie professionnelle normale et d'évoluer dans cette vie professionnelle, soit en passant d'un temps partiel subi à un temps plein, soit en progressant grâce, le cas échéant, à une formation.

Il faut aussi interdire les horaires de travail morcelés à outrance.

Mme Sophie Mandelbaum. - La CFDT souhaite que d'éventuelles modifications législatives ne soient proposées qu'à l'issue des négociations en cours.

Dans la négociation « sécurisation de l'emploi et qualité de vie au travail », l'approche que nous développons sur le travail à temps partiel suppose si nécessaire de passer par des négociations de branche.

En effet, les problèmes soulevés par le temps partiel (volume horaire minimal, droits ouverts aux salariés, amplitude horaire, morcèlement, prévisibilité des horaires) recouvrent des réalités bien différentes selon la branche professionnelle concernée.

La grande distribution bénéficie d'un accord de branche très intéressant sur le temps partiel et propose notamment de rechercher la poly-activité, y compris au sein de l'entreprise, pour compléter un temps partiel et en faire un temps plein. Cependant, il faut s'assurer que les engagements de ces accords sont effectivement mis en oeuvre par tous les employeurs du secteur d'activité.

Le secteur de l'aide à domicile soulève le problème de la structuration de l'employeur selon qu'il est particulier ou collectif ; la CFDT préconise le recours à des groupements d'employeurs qui sont de nature à sécuriser le parcours professionnel du salarié ; il faut toutefois veiller à ce que ces groupements ne débouchent pas sur une forme d'entreprises d'intérim sans conventions collectives, et qui n'offriraient aux salariés ni protection ni droits à formation correspondants.

La CFDT s'interroge sur le statut du contrat à temps partiel qui n'est pas considéré comme un contrat de travail dérogatoire comme peut l'être le CDD ; de ce fait, le recours à l'emploi à temps partiel n'a pas à être motivé et on ne peut, dans ces conditions, contrôler s'il s'agit d'un temps partiel subi ou d'un temps partiel choisi.

Motiver le recours à un contrat à temps partiel permettrait de contrôler son emploi et, en amont, de vérifier la réelle nécessité d'y recourir en envisageant des solutions alternatives.

La priorité donnée au salarié à temps partiel pour obtenir à un contrat à temps plein ne fonctionne pas ; nous souhaiterions, en outre, qu'elle permette au salarié d'effectuer une mobilité professionnelle ascendante.

Nous demandons dans les négociations actuelles que les droits sociaux soient ouverts dès la première heure, pour la couverture maladie, la retraite et la formation, et, notamment, pour le droit individuel à la formation (DIF).

La sur-cotisation sur les contrats à temps partiel est un point obligatoire de la négociation annuelle sur les salaires depuis la loi de 2010 ; cependant, il n'y a pas l'obligation d'aboutir mais seulement celle de négocier. Dans les faits, ce point est très rarement abordé et je ne connais qu'une seule entreprise où elle ait été appliquée.

A contrario, la négociation d'accords « seniors » traite avec succès des mesures portant sur des sur-cotisations.

Mme Ghislaine Richard. - La loi de 1982 sur le temps partiel s'applique, en principe, à tous les salariés, hommes ou femmes ; mais on constate que ce sont les femmes qui la subissent car ce sont elles qui s'occupent des enfants.

C'est aussi le cas pour la question des retraites ; le passage de la période de référence pour le calcul des droits de 10 à 25 ans concerne tout le monde, la loi n'est pas discriminatoire ; cependant, les carrières des femmes étant différentes, elles sont plus pénalisées que les hommes.

Je trouve très intéressante la proposition de la ministre des droits des femmes, qui consiste, dans le cadre des études d'impact, à passer au crible de l'égalité entre les hommes et les femmes l'ensemble des projets de loi. Mais l'évaluation des impacts d'une disposition sur l'égalité hommes-femmes est une chose délicate. Il ne faut pas en confier la réalisation aux seuls technocrates, mais y associer les organisations syndicales, proches du terrain. C'est ainsi qu'on aura le plus de chances de prévenir les effets délétères de certaines dispositions législatives sur les salaires, les carrières et les retraites des femmes.

Mme Annie Fuchet. - Sur ce sujet, la CGT considère, en premier lieu, qu'il convient au minimum de respecter les horaires établis. La vie privée recouvre, en effet, outre la vie familiale, également des engagements citoyens. Or, tant les hommes que les femmes sont concernés. Cela dépasse, par conséquent, la question de la parentalité.

On constate que, là où l'organisation du travail fonctionne le mieux, celle-ci a été établie en concertation avec le collectif des salariés, au plus proche des réalités du travail et du quotidien des équipes.

Je ne développerai pas la question des modes de garde qui a déjà été abordée : sur ce sujet, nous espérons un grand service public de qualité et de proximité et qui soit pensé pour répondre aux attentes des papas comme des mamans, qu'ils soient ouvriers ou présidents-directeurs généraux de l'entreprise.

Mme Cécile Gondard-Lalanne. - Traditionnellement, on considère que les difficultés d'articulation entre vie privée et vie professionnelle pour les femmes reposent en grande partie sur l'inégale répartition du travail domestique et j'insiste sur la notion de « travail » domestique. Dans notre organisation, nous considérons par ailleurs que le travail occupe aujourd'hui une trop grande place dans nos vies, en particulier lorsqu'il s'exerce dans les conditions dans lesquelles la majeure partie d'entre nous travaillons.

Par conséquent, pour nous, l'articulation des temps de vie privée/professionnelle passe par une réflexion sur la 6ème semaine de congés payés et la question de la réduction du temps de travail. Il s'agit, en effet, de penser à donner un peu moins de place à la vie professionnelle dans nos vies.

A cet égard, nous avons engagé une réflexion sur le télétravail. Sur cette question, nous ne sommes pas dupes. Comme pour le temps partiel, le télétravail peut rapidement devenir un piège pour les femmes qui doivent travailler en même temps que s'occuper du nourrisson ou des enfants, confortant ainsi l'idée que la femme serait « multitâches ». Si le télétravail ne concerne que ces femmes-là, nous y sommes réticents. En revanche, l'expérience de France Télécom Orange qui a développé des plateformes collectives de télétravail pour préserver des emplois, mérite notre attention. Mais nous restons sur nos gardes sur le sujet.

Concernant la parentalité, nous insistons sur la nécessité de développer les droits et l'accès aux droits des familles monoparentales, qui reposent essentiellement sur les femmes. Il faut sortir du schéma hétérosexuel qui imprime sa marque aujourd'hui sur le droit à la parentalité.

Par ailleurs, nous appelons de nos voeux une profonde réforme du congé de paternité. Si l'on considère que le père est aussi essentiel que la mère à tous les stades de l'arrivée de l'enfant - pendant la grossesse et après la naissance - il faut que le congé du père soit aussi important que celui de la mère, et indemnisé de la même manière.

Mme Anne Balthazar. - La question de l'articulation des temps de vie suppose de réfléchir à l'organisation du travail. Elle est intégrée dans la négociation sur la qualité de vie au travail et a des implications sur la question de la prévention. Les questions d'amplitude horaire et d'interruptions de travail, qui ont été évoquées, doivent également trouver une place dans les négociations de branche et d'entreprise, dans des termes qui permettront de faire émerger un consensus à l'intérieur des entreprises.

S'agissant de la garde des enfants, FO revendique depuis plusieurs années le rétablissement d'un véritable service public de garde des petits enfants qui régresse depuis plusieurs années. Tant qu'on n'aura pas réglé cette question, on n'avancera pas sur d'autres sujets - tels le congé parental d'éducation, qui a fait l'objet d'une directive européenne.

S'agissant du télétravail, nous avons été saisis de quelques demandes par des femmes à temps partiel contraint ou des femmes qui travaillent à temps plein mais souhaitent pouvoir rester à la maison le mercredi après-midi pour garder les enfants. Mais, en tout état de cause, nous ne sommes pas favorables à sa généralisation.

Cependant, l'évolution des technologies, avec l'apparition des tablettes et des téléphones portables, qui permettent la consultation et l'envoi de courriels à distance notamment, nous oblige à repenser la question de la porosité des temps.

Certaines entreprises ont pris des mesures interdisant l'échange de courriels professionnels en dehors des périodes de travail ou reconnaissant un « droit à la déconnection ».

S'agissant de la parentalité, FO serait favorable au congé de paternité obligatoire. Tous les pères prendraient les quatorze jours de congés à la naissance de l'enfant. Nous souhaitons l'harmonisation du congé de paternité et du congé de maternité, tout en prévoyant une aide financière lorsque les deux parents décident de faire valoir ce droit simultanément.

Enfin, nous soutenons l'élargissement de la notion de paternité à celle de famille élargie.

M. Claude Raoul. - Concernant la conciliation des temps, la CFTC préfère parler de « vie personnelle », concept plus large que celui de « vie privée ». Sur le télétravail, la CFTC a publié en janvier 1999 une étude intitulée « Le télétravail, choisir la bonne voie ». Notre position reste aujourd'hui la même : la CFTC n'est pas opposée au télétravail s'il est strictement encadré, c'est-à-dire s'il est choisi par la personne, réversible et pendulaire, c'est-à-dire exercé dans le cadre d'une ou deux journées par semaine, négocié dans le cadre d'un accord collectif.

S'agissant des congés, la CFTC plaide pour un congé parental modulable. En effet, si les petits enfants ont besoin de leurs parents, il y a aussi des périodes délicates - tel le passage du collège au lycée - où l'on devrait permettre aux parents de s'absenter de l'entreprise, au moins à partir d'une certaine heure l'après-midi. Le congé parental pourrait être morcelable en ce sens.

Mme Carole Cano. - La CFE-CGC considère le télétravail comme une réponse pertinente à la demande de partage des responsabilités professionnelles et des tâches dans la sphère personnelle. Toutefois, sa mise en oeuvre doit être bien encadrée.

S'agissant des congés, nous proposons de transformer l'actuel dispositif en congé parental d'une durée d'un an - rémunéré à 80 % - avec la possibilité de le prolonger à trois ans, sous réserve d'une moindre rémunération bien entendu. Parallèlement, nous proposons le coexercice de la parentalité, ce qui signifie que le congé serait obligatoirement réparti entre la mère (pendant quatre mois), le père (pendant quatre autres mois), les deux mois restants étant à partager entre eux.

Par ailleurs, nous revendiquons le maintien intégral du salaire durant les onze jours du congé de paternité.

En ce qui concerne l'articulation des temps de vie, il faut renforcer les dispositifs d'aide : non seulement ceux qui visent à garder les enfants, mais aussi à l'intérieur des entreprises. Vous savez que, pour des considérations liées au coût des loyers, beaucoup d'entreprises déménagent en périphérie des villes. Outre que cet éloignement augmente les temps de trajet, il empêche les salariés d'accomplir certaines tâches - telles les courses, les rendez-vous chez le médecin ... - qui occupaient traditionnellement la pause du déjeuner.

Il serait donc souhaitable que les entreprises - particulièrement celles qui se délocalisent en périphérie des villes - se dotent de conciergeries qui permettent des prestations de service réelles au service des salariés sur leur lieu de travail. Il en va de même pour les garderies d'enfants.

Enfin, les horaires de travail dans ces entreprises pourraient être aménagés de façon souple à l'intérieur de plages fixes. Cela permettrait, par exemple, à chacun des deux parents de prendre une matinée alternativement et contribuerait au partage des tâches, sans que cela soit plus coûteux pour l'entreprise.

Mme Sophie Mandelbaum. - Je commencerai par la même remarque, s'agissant de la notion de vie personnelle. Elle peut être beaucoup plus vaste, et englober par exemple un engagement syndical, que la seule notion de vie privée à proprement parler.

A la CFDT, nous axons notre réflexion sur l'amélioration de l'organisation du travail, plutôt que sur l'élargissement des droits à congés qui sont susceptibles d'éloigner un peu plus les femmes du travail. Il s'agit donc de réfléchir à des organisations plus intelligentes qui permettent, notamment, la remplaçabilité du salarié par la mise en place de binômes par exemple, favorisant par là-même la coopération entre les salariés de l'entreprise.

Concernant les droits existants, dans le cadre de la négociation sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle, nous travaillons, d'une part à leur meilleure disponibilité tout au long de la vie, dans des conditions plus souples pour répondre aux besoins des salariés et, d'autre part, à la question de leur « portabilité », pour les salariés qui quittent leur entreprise.

Concernant les congés, nous attachons de l'importance aux termes : la notion de congé de « paternité » ne nous convient pas. Nous lui préférons la notion de « parentalité », qui s'adresse aussi aux familles monoparentales.

Par ailleurs, nous sommes attachés à bien distinguer le congé dit de « paternité » du congé de maternité. Certaines entreprises font valoir en effet, aujourd'hui, que le père pourrait bénéficier des jours du congé de maternité que la mère n'aurait pas totalement « utilisés ».

Nous sommes opposés à cette façon de considérer les congés. Il faut en effet distinguer ce qui relève du besoin physiologique de la mère - qui justifie le congé de maternité - de ce qui ressort du partage des tâches. Au risque de nous dissocier des autres organisations, nous ne souhaitons pas, pour ces raisons, parler de « congé de paternité ». Par exemple, nous entendons certaines organisations demander l'indemnisation à 100 % du congé de paternité, alors même que le congé de maternité n'est pas indemnisé à cette hauteur aujourd'hui !

En revanche, nous sommes favorables à une réforme du congé parental d'éducation dans le sens de son raccourcissement, de sa meilleure indemnisation et du partage obligatoire avec l'autre parent.

D'une manière plus générale, il nous paraît essentiel d'associer les hommes à la réflexion sur la réforme des congés. L'exemple récent d'une branche professionnelle, en l'occurrence celle du routage, qui souhaitait, à l'occasion de la négociation annuelle, supprimer les droits d'absence pour motifs familiaux, arguant du fait que trop d'hommes demandaient à en bénéficier, est un exemple frappant... Évidemment nous avons refusé cette requête.

Concernant le télétravail, nous avons les mêmes réserves que les autres organisations. Très destructeur du collectif de travail, le télétravail ne permet pas l'établissement d'un dialogue - notamment hiérarchique - serein au sein de l'entreprise.

Par conséquent, s'il peut être dans certains cas une solution, ce n'est que sous réserve d'un encadrement strict.

Enfin, comme cela a été dit, nous estimons que les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer dans la mise en place d'un véritable service public de garde des enfants, qui ne peut pas relever de la seule responsabilité des entreprises

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Venons-en maintenant à la place des femmes dans les organisations syndicales.

Mme Ghislaine Richard. - Sur ce sujet, je ne vais pas montrer en exemple la CGT. Les organisations syndicales n'échappent pas aux stéréotypes qui prévalent dans la société. La CGT, via la formation de ses militants, essaie néanmoins de les combattre.

D'une façon générale, les gens n'ont pas pris la mesure du fait que le salariat est aujourd'hui à moitié féminin. Pour promouvoir la place des femmes en son sein, la CGT a pris deux mesures : en 1999, le congrès confédéral de Strasbourg a introduit la parité dans la direction nationale composée de la commission exécutive et du bureau confédéral ; en 2007, une charte pour l'égalité hommes-femmes a été adoptée ; elle traite de la représentation des femmes dans les directions et les délégations qui négocient et comporte des dispositions pour révoquer les mandats de camarades condamnés pour harcèlement. Ces textes aident à combattre les préjugés et le sexisme qui existent aussi dans nos organisations.

Mme Cécile Gondard-Lalanne - Le secrétariat national de Solidaires comprend sept hommes et quatre femmes. Le bureau national et les comités nationaux comportent tout au plus un tiers de femmes, représentant aussi bien de syndicats locaux que des fédérations et syndicats nationaux. Cela n'est pas du tout satisfaisant. Nous essayons d'imposer un rapport de situation comparée à nos camarades au sein des syndicats et des fédérations nationales mais nous rencontrons de fortes réticences. Une commission « femmes » existe ainsi que des textes s'inscrivant dans une démarche féministe.

Certaines fédérations, par exemple celle des PTT, vont plus loin en instituant des quota de femmes aux instances nationales, la rotation des mandats et donc la limitation du temps de permanence, est essentielle au renouvellement des cadres. Mais cela demande beaucoup de volontarisme et la commission « femmes » permet de rester motivées et volontaires.

Des formations traitant des inégalités et des stéréotypes ont été mises en place car ces deux sujets sont pour nous liés.

Une nouvelle formation sur l'action syndicale contre les violences sexistes au travail a été développée. Nous essayons d'aiguillonner en ce sens nos syndicats et nos fédérations, tout en sachant qu'ils sont autonomes et donc agissent comme bon leur semble.

Cette autonomie politique et organisationnelle nous freine dans notre volonté de donner une plus grande place aux femmes.

Pour inciter certains de nos syndicats à oeuvrer à cet objectif, nous aurions souhaité qu'un cadre législatif impose une représentation plus paritaire au sein des institutions représentatives du personnel, les institutions représentatives du personnel (IRP), avec obligation d'avoir un nombre de candidates femmes représentatif de leur répartition parmi les salariés du bassin d'emploi concerné.

La loi instituant un quota de femmes dans les conseils d'administration et celles sur la parité politique pourraient servir d'exemple pour l'élaboration d'une loi concernant les institutions représentatives du personnel.

Mme Anne Baltazar - Aucun quota n'a été institué à FO à ma connaissance. Le fédéralisme prévaut à FO ; en conséquence, nos fédérations et nos unions départementales agissent à leur guise et nous n'avons pas de bilan général de la composition des équipes par sexe. Nous avons encore des progrès à faire sur le chemin de la mixité et sommes loin de l'égalité.

En revanche au niveau confédéral, sous l'impulsion de Jean-Claude Mailly, nous dénombrons désormais cinq femmes et huit hommes, soit 40 % de femmes. Cependant, les mandats vacants ne sont pas brigués par les femmes pour des raisons de disponibilité et de mobilité, les postes étant situés à Paris : en effet, une femme avec des enfants sait que cela bouleverserait trop sa vie familiale.

FO organise des formations destinées à sensibiliser nos structures et nos militants en s'appuyant sur un réseau de référents « égalité » dans les unions départementales et les fédérations : deux stages sont organisés chaque année pour exposer comment négocier sur ce sujet et faire progresser en interne l'égalité hommes-femmes.

Notre souci principal n'est pas tant l'égalité qu'être à l'image de ceux que l'on défend.

M. Claude Raoul - La parité est respectée au plus haut niveau à la CFTC, nous avons en effet un homme, président et secrétaire général ainsi qu'une secrétaire générale.

Certaines fédérations, par exemple, celle de l'éducation, comportent une majorité de femmes.

Je suis en charge de réformer nos statuts, afin d'aller plus loin en y inscrivant une disposition essentielle instituant l'égalité hommes-femmes comprise non pas comme une égalité mathématique au sens strict, mais plutôt comme une répartition des hommes et des femmes dans les structures de direction, à l'image de ce qu'on trouve parmi les adhérents.

Notre centre de formation national comprend 80 % de femmes.

Toutes nos formations comportent un module « discriminations » que l'on va compléter par un module « égalité hommes-femmes ».

Mme Carole Cano - La CFE-CGC, à l'image de la société, ne fait pas exception à la règle mais nous travaillons activement sur le sujet en mettant en place un « réseau équilibre » qui se consacre à l'égalité professionnelle et nous essayons d'agir pour une meilleure représentation des femmes tant au niveau des fédérations que des unions territoriales.

Cela peut être difficile d'imposer des femmes dans des secteurs encore traditionnellement masculins, comme la métallurgie.

Notre secrétaire générale est une femme, Carole Couvert.

Mme Sophie Mandelbaum - La CFDT a adopté des textes sur l'égalité et a institué des quotas d'un tiers de femmes dans les années 1980 en escomptant que ce pourcentage serait vite atteint.

Or, on constate qu'après trente années de politique de mixité nous n'atteignons que péniblement le seuil de 30 %, et encore uniquement là où il est obligatoire.

En revanche, nous avons beaucoup progressé sur la connaissance de l'état de l'organisation en recueillant les données genrées qui nous sont demandées par l'organisation européenne des syndicats.

Nous avons pour objectif d'atteindre une proportion de 50 % d'adhérentes, un tiers de femmes dans les exécutifs et un quart de femmes parmi les secrétaires généraux. Dans les faits, on constate que ces proportions varient selon le secteur d'activité.

Notre objectif est la mixité proportionnelle dans la dimension professionnelle et l'égalité à l'échelon territorial pour atteindre la stricte parité.

Une commission confédérale « femmes » mixte débat de ces questions sexuées.

Un plan d'action « mixité » a été adopté en septembre en bureau national à l'unanimité ce qui témoigne d'une plus grande maturité sur le sujet, y compris chez des hommes.

Deux mesures sont actuellement mises en oeuvre pour favoriser la mixité : la notion de tiers intervenant et le travail sur les stéréotypes de genre.

Le tiers intervenant permet d'éviter qu'un membre d'un collectif syndical ait à porter le sujet car il se met alors systématiquement ses collègues à dos et s'en trouve stigmatisé, et sa carrière syndicale peut même s'en trouver contrariée.

Il faut cependant examiner les stéréotypes de genre avant d'envisager un quelconque plan d'action au demeurant très formel.

La commission confédérale « femmes » pourra être sollicitée pour animer des réunions au niveau local sur les stéréotypes de genre puis lorsque le sujet aura été débattu une fois, une personne « ressource » prendra le relais au niveau local.

Nous avons noté la nécessité de travailler sur le harcèlement sexuel, voire les agressions sexuelles, y compris dans l'environnement syndical. Des procédures de résolution de conflit au niveau interne sont inadaptées pour le traitement de ces cas de harcèlement sexuel.

Nous nous créons des règles en interne pour promouvoir l'égalité hommes-femmes mais sommes demandeurs de tout levier législatif qui pourrait nous aider dans cette démarche.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Merci de vos contributions et de vos apports qui nous seront précieux pour élaborer les recommandations que la délégation proposera pour l'élaboration des futurs textes législatifs.