Mardi 16 octobre 2012

- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -

Rapports de MM. Edmond Hervé et Eric Doligé sur les travaux de l'atelier 1 des états généraux de la démocratie territoriale :
« Nouer des relations de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales et clarifier les missions des acteurs locaux »

Mme Jacqueline Gourault, présidente - Mes chers collègues, j'ai eu l'honneur de présider l'atelier des états généraux de la démocratie territoriale intitulé « Nouer des relations de confiance entre l'Etat et les collectivités territoriales et clarifier les missions des acteurs locaux. » Deux rapporteurs avaient été désignés pour cet atelier : Edmond Hervé et Eric Doligé. Beaucoup de choses ont été dites à cette occasion, qui n'ont pu être entièrement développées le lendemain, lors des tables rondes qui se sont déroulées à la Sorbonne, compte tenu des contraintes de temps. C'est la raison pour laquelle j'ai pensé qu'il serait utile de revenir sur cet atelier et sur les rapports réalisés par Edmond Hervé et Eric Doligé, d'autant plus que la loi de décentralisation qui a été annoncée portera beaucoup, me semble-t-il, sur les thèmes abordés. Bien sûr, les points traités dans les autres ateliers y figureront également. Mais la répartition des compétences et les relations avec l'Etat sont des questions fondamentales dans la perspective d'un nouvel acte de la décentralisation. Les deux rapporteurs vont reprendre leur exposé et leurs conclusions, qui pourront donner lieu à un échange.

M. Edmond Hervé - Je souhaiterais au préalable préciser que ce rapport de quatre pages a été réalisé dans la perspective d'une intervention qui ne devait pas dépasser sept minutes. Le jour de la présentation effective du rapport, cette intervention a été ramenée à moins de trois minutes, ce qui ne m'a pas permis de développer l'ensemble des sujets.

Je voudrais tout d'abord évoquer quelques éléments d'ambiance. J'ai trouvé que cet atelier était d'une très grande qualité. Je suis convaincu que votre présidence très attentive, Madame la Présidente, y a été pour beaucoup. J'ai eu un sentiment d'émotion lorsqu'un maire, qui avait exercé plusieurs mandats consécutifs de responsabilité, a affirmé qu'il prenait la parole pour la première fois dans l'hémicycle du Sénat et qu'il n'aurait jamais imaginé le faire un jour. C'est une grande leçon que nous devons retenir. Le fait de donner la parole à un maximum de personnes, avec beaucoup d'attention et de patience comme vous l'avez fait, fait partie, je pense, de l'éthique républicaine et démocratique qui doit nous caractériser.

D'une manière générale, lorsque le rapport entre l'Etat et les collectivités territoriales est évoqué, l'idée d'un pacte fait l'unanimité. Celui-ci est considéré comme nécessaire, attendu et possible. J'ai tenu à reprendre, dans la partie introductive de ce rapport, quelques réponses faites au questionnaire qui a été soumis aux élus et auquel ont répondu quelque 20 000 personnes, il faut le souligner. Lorsque nous abordons les périodes électorales, il y a un thème récurrent chez les élus locaux : les maires vont-ils se représenter ? Y aura-t-il suffisamment de candidats ? Dans les réponses au questionnaire, il y a des éléments qui doivent nous réjouir : les élus territoriaux sont attachés à leur mission. Pas à un métier, mais à une mission. Ils la vivent comme un engagement civique.

Bien évidemment, ils souhaitent moins de normes, de contraintes réglementaires, plus de conseil technique, d'expertise, de services publics, de formation. De l'État, ils attendent un rôle de sécurité (publique, civile, sanitaire, environnementale). Ils veulent un État qui soit garant du pacte républicain, stratège, régulateur, péréquateur, identifiable, proche et présent. Lorsque j'ai fait la tournée d'un certain nombre de départements à l'occasion de mon rapport sur le bilan de la décentralisation, j'ai rencontré plus de 250 personnes et j'ai constaté qu'il y a une chose que les élus n'acceptent pas, quelle que soit leur sensibilité : ils n'acceptent pas que des responsables de l'Etat passent en coup de vent, qu'il s'agisse des présidents de la République, des ministres ou des préfets. J'ai rencontré des départements dans lesquels la durée d'affectation moyenne d'un préfet était d'un an. Ce n'est pas possible. Lorsque les ministres viennent, il ne faut pas que le temps qu'ils passent sur place soit enserré dans des horaires de TGV. Cela fait partie du dialogue, d'un dialogue auquel nous devons être très attachés les uns et les autres.

Bien évidemment, les élus souhaitent un Etat qui respecte ses engagements. La présidente du conseil général de la Haute-Vienne est intervenue à ce sujet lors de l'atelier. Elle a indiqué que l'Etat a transféré plus de 4 000 km de routes au département de la Haute-Vienne - de tels transferts sont observé dans tous les départements - pour en conserver moins de 300 km. Nonobstant ce transfert, lorsqu'il y a des modifications à faire sur les routes qu'il a conservées, par exemple un élargissement à quatre voies, l'Etat sollicite l'intervention des collectivités. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un exemple significatif, que nous constatons tous, les uns et les autres.

Il faut que l'Etat soit porteur d'un droit sobre. Quand j'emploie ce qualificatif, et tout en sachant que les choses évoluent, je me réfère aux grandes lois de la IIIe République, qu'il faut prendre le temps de lire. Ce sont des lois qui sont toujours présentes, comme la loi de 1884, la charte communale. C'est une grande loi de principe. Aujourd'hui, nous ne respectons plus la Constitution de 1958, notamment les articles 34 et 37 qui déterminent les domaines législatif et réglementaire. Tout est mêlé. Lorsque le sujet des normes est évoqué, il faut en tenir compte.

Notre droit doit être lisible, prévisible et durable, telles sont les conditions de la prise en considération de la complexité. Les notions de prévisibilité et de durabilité sont fondamentales, qu'il s'agisse de la fiscalité, du développement durable, de l'assainissement, de l'urbanisme. L'insécurité juridique et la multiplication des textes empêchent les collectivités d'avoir des projets pluriannuels. C'est à nous, qui sommes à l'origine de ces textes, qu'il revient de veiller à ces difficultés. Il ne s'agit pas de rejeter la faute sur d'autres.

Les collectivités souhaitent un État organisant le savoir, l'implication de tous les acteurs territoriaux qui ont assuré des mutations qualitatives et quantitatives incontestables. On ne le souligne pas assez. Le nombre de personnes concernées par le mouvement de coopération intercommunale, par exemple, a considérablement augmenté en quinze ans. Il n'est pas vrai que les élus territoriaux sont restés conservateurs, attachés aux institutions initiales, même s'il y a toujours des imperfections. S'agissant de la fonction publique territoriale, son niveau de qualification doit être souligné. Lorsque j'ai été élu maire pour la première fois en 1977, le seul grade qui existait était celui de rédacteur. Ensuite, nous avons vu la création du grade d'attaché, puis d'administrateur. L'Institut national des études territoriales (INET) et la fonction publique territoriale n'ont aucun complexe à avoir par rapport à la fonction publique d'Etat. Certains fonctionnaires territoriaux en sont d'ailleurs issus.

Les participants à l'atelier ont récusé un État distant, censeur, qui recentralise ou reconcentre administrativement, privilégiant le chiffre, la norme par rapport au projet. D'un autre côté, même avec une clarification bienvenue des compétences, nous observons que nombre de politiques publiques sont partenariales. Ce constat est régulièrement oublié par certains. J'ai tenu à le redire ici, parce que nous allons retrouver ce thème dans le rapport d'Eric Doligé. Il y a un débat entre nous concernant la répartition des compétences, le régime juridique des compétences. Je suis très heureux qu'Antoine Lefèvre ait présenté devant notre délégation un rapport, adopté à l'unanimité, qui fait le constat suivant, que je reprends à titre personnel : si les politiques publiques sont partenariales, il n'est pas possible d'enfermer la région et le département dans des compétences exclusives. Dans des compétences obligatoires, oui, mais non dans des compétences exclusives. Même lorsque Gaston Defferre avait employé le terme de « bloc de compétences », en relisant les travaux préparatoires de ses lois, on voit bien que cette notion, qui essayait d'apporter une clarification, était plus pédagogique que juridique. Vous ne trouverez aujourd'hui aucun juriste qui plaide le caractère exclusif des blocs de compétences. Et nous, en tant que praticiens, sommes bien placés pour voir qu'indépendamment des clarifications, il y a des rapports qui s'établissent.

Il faut bien évidemment que nous tenions compte aussi de la conjoncture, et c'est pour cela que, quand nous parlons d'une nouvelle étape de la décentralisation, elle est totalement différente des autres. Le contexte financier, fiscal, économique et européen dans lequel nous sommes nous oblige précisément à un partenariat entre les collectivités territoriales et l'Etat. S'agissant du contexte fiscal et des finances publiques, on comptait hier trois composantes essentielles : l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes sociaux. Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, il y a un certain désordre. A titre d'exemple, le contribuable national s'est substitué au contribuable local, ce dont nous sommes responsables, et 30% des ressources de la sécurité sociale proviennent de la fiscalité, de la CSG qui en représente elle-même les deux tiers. Je ne l'ai pas écrit dans le rapport mais, à titre personnel, je pense qu'on ne reviendra jamais là-dessus. C'est donc vraiment une nouvelle étape, mais dans un nouveau contexte.

L'État doit reconnaître la place des collectivités territoriales dans l'économie, le social, le culturel, l'environnemental. Il doit reconnaître l'existence des cultures ou langues régionales. Nos collectivités doivent reconnaître la mission de l'État et être à ses côtés.

Certaines propositions sont avancées pour faire vivre ce pacte de confiance, ciment de notre organisation décentralisée, il faut les citer et en débattre. La première proposition concerne l'existence d'un Haut Conseil des territoires. Ce n'est pas une notion neuve, même si l'expression est plus récente. Cela fait une trentaine d'années que des rapports ont été faits sur la nécessité d'un supplément de représentation des collectivités territoriales au niveau national. Le premier rapport fait à ce sujet date de 1986, il avait été réalisé par M. Claude Martinand. Pardonnez-moi de l'évoquer, j'ai aussi réalisé un rapport à ce sujet en 1990. L'article 53 de la loi Joxe d'administration territoriale de la République reprend cette idée. A l'époque, j'avais parlé d'un Institut des collectivités territoriales et des services publics locaux. L'expression n'était pas bonne, mais l'idée était, comme pour le Haut Conseil, de favoriser la représentation des collectivités territoriales, de faire en sorte que les représentants des collectivités échangent, évaluent, fassent des propositions, valorisent ce qui se fait dans les collectivités. J'ai toujours pensé que notre savoir territorial était une chance pour notre économie et pour l'exportation. Nous avons un certain nombre d'associations représentant les collectivités territoriales. Ce que je souhaite profondément, c'est qu'indépendamment des appartenances et des sensibilités, il y ait des convergences. Pour moi, le Haut Conseil des territoires doit être un lieu de convergence et un lieu de dialogue. Je ne veux pas insister sur ce point, parce que le rapport que vous aviez fait, Madame la Présidente, avec Didier Guillaume, traite précisément de cette proposition. A nous de voir comment cette instance peut fonctionner, avec la participation de l'Etat, du Premier ministre, des ministres concernés, quels rapports peuvent être instaurés avec le Comité des finances locales. Vous aviez vous-même proposé des simplifications. Des idées ont été avancées. Il faut une simplification et une coordination. Mais je pense que ce dialogue est extrêmement important. C'est une proposition qui a été étudiée au sein de la délégation, dans le cadre de votre rapport.

J'ai relu les débats qui ont précédé, au Sénat, la loi relative à l'administration territoriale de la République de 1992. A l'époque, le Sénat était fondamentalement opposé à cette idée. Lorsqu'il a été question de représentation des collectivités, immédiatement, la majorité de l'époque a estimé que cette dernière était assurée par les sénateurs. Constitutionnellement, le Sénat est le représentant des collectivités territoriales, mais il y a aussi d'autres manières de représenter celles-ci, et le Haut Conseil n'aurait pas de compétence décisionnelle dans ses attributions, seulement une compétence consultative. Il ne peut que faciliter le travail du Sénat. Je dis cela, parce que des critiques sévères ont été faites à ce sujet.

Ce type de dialogue organisé au niveau national doit aussi être organisé aux niveaux régional et départemental. Au niveau régional, il me semble tout à fait nécessaire que le président de la région, les présidents des départements, les présidents des grandes communautés puissent se rencontrer, avec le préfet et les autorités de l'Etat, pour échanger. Il y a des régions dans lesquelles cela se fait très naturellement ; dans d'autres régions, quelques difficultés ont été constatées. Dans ma région, il y a ce qu'on appelle le Breizh 15 ou le « B15 », qui se réunit très régulièrement, et dans d'excellentes conditions. Il en va de même au niveau départemental.

La deuxième grande proposition consiste à affirmer le principe de relations contractuelles, coopératives entre l'État et les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre des démarches cohérentes de projet qui ne soient pas prisonnières des frontières ou des espaces différents qui constituent nos territoires. Ces démarches contractuelles peuvent être engagées entre l'Etat et les collectivités territoriales, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes. A ce sujet, nous ne devons pas nous plonger dans des débats tendant à rectifier les périmètres. On a beaucoup théorisé à ce sujet. Quand on regarde l'histoire de l'organisation administrative, on retrouve toujours les mêmes constats, les projets de réunion, etc. A titre personnel, je crois que ces problèmes de frontière sont très complexes. On fait et on défait. Je pense personnellement que le recours au contrat, à l'accord, est un excellent moyen pour faire avancer les choses. Par ailleurs, l'opposition ville-campagne n'a pas lieu d'être. A ce sujet, un rapport de prospective est en cours sur l'avenir des campagnes, qu'anime notamment Renée Nicoux, co-rapporteure.

J'en viens à la troisième proposition. De manière générale, on estime qu'il y a trop de textes. Les textes devraient être précédés d'études d'impact et prévoir des expérimentations afin de tenir compte de notre diversité. Culturellement, nous avons des difficultés à le faire, avec notre esprit cartésien. Dès lors que le Parlement, expression de la volonté générale, a décidé, les textes doivent s'appliquer. Mais avant, il faut tout de même voir si cela fonctionne. S'agissant du grand débat sur l'unicité et l'uniformité des textes, rappelons que la France n'est pas un Etat fédéral. C'est un Etat de droit unitaire, dans lequel l'Etat a la compétence de la compétence, ce qui personnellement me convient.

La notion de diversité est très forte. Ce n'est pas parce qu'il y a un texte unique que l'application, ou la non-application, est identique. Il faut que nous ayons des textes de respiration, qui permettent effectivement des adaptations.

Quatrième et dernier point : il ne faut pas oublier, dans cette démarche de décentralisation, l'expression civique de nos concitoyens. L'expression civique ne peut que conforter une démocratie représentative incontournable et responsable. Nous sommes tous soumis à un devoir de pédagogie civique, si nous ne voulons pas que notre société connaisse en son sein de nouvelles distances.

Je vais prendre un exemple : au sein des conseils municipaux, quelles sont les délibérations qui retiennent le plus l'attention ? Mon expérience est que l'on est capable de s'empoigner pour mille euros de subventions. En revanche, si l'on fait une zone d'aménagement concerté (ZAC) et que, pour l'équilibrer, 5 millions d'euros sont nécessaires, il n'y a aucun débat. On a parlé des emprunts toxiques. Il est très rare, dans les conseils municipaux, qu'il y ait des débats sur la politique de gestion des emprunts. Nous devons vraiment, les uns et les autres, avoir une démarche pédagogique d'explication. Ce n'est pas aisé, il faut d'abord trouver le vocabulaire, etc. Mais cette notion de démocratie, de va-et-vient, de pédagogie civique est tout à fait nécessaire et exemplaire.

Voici ce que je tenais à vous dire. Je me permettrais, Madame la Présidente, de vous faire une suggestion : lorsque je vois la qualité des propositions qui sont faites dans le cadre de la délégation, je pense qu'il serait utile de faire un petit document rassemblant les propositions des différents rapports, parce que je vous garantis que tout y est. Je ne veux pas porter de critiques à l'égard de l'autorité gouvernementale et de l'initiative gouvernementale, mais je pense que nous avons balayé toute une série de sujets qui peuvent être repris. Je tiens également à rappeler que la question fiscale ne faisait pas partie de notre atelier. Je vous remercie de m'avoir demandé de répéter et développer ce qui a été dit lors de l'atelier 1. Les idées générales exprimées à cette occasion doivent nous rassembler.

Mme Jacqueline Gourault, présidente - Je vous remercie pour cet exposé synthétique, précis et dynamique. J'ai bien entendu votre suggestion de rassembler de façon synthétique, pour chaque rapport, les propositions qui sont formulées.

Mme Marie-Thérèse Bruguière - Je tiens à féliciter monsieur le rapporteur pour la clarté de son exposé et je salue la passion et avec laquelle il a traité les sujets. Les élus se sont largement mobilisés au cours des états généraux. Après les avoir questionnés, nous avons tous ressenti, au-delà de la confiance qui doit exister entre l'Etat et tous les acteurs, leur préoccupation permanente de faire face à leurs responsabilités, qui sont de plus en plus étendues. Ils ont exprimé le besoin d'une formation au métier d'élu (a fortiori pour un élu dont c'est le premier mandat) et ont regretté le manque d'aide de la part de l'Etat, qui se désengage de plus en plus tout en leur imposant un nombre croissant de normes. Mais nos élus sont incontestablement fiers de leur mandat ; durant les états généraux, ils nous ont fait ressentir cette émotion communicative que décrivait M. Hervé, notamment pour l'atelier 1. Par ailleurs, ils ont regretté que la durée d'un mandat de préfet n'excède pas quatre ans, durée jugée peu propice à l'instauration d'une collaboration efficace, suggérant que le quinquennat serait plus indiqué.

J'adhère totalement à l'idée d'un Haut Conseil des territoires. C'est bien en allant tous dans le même sens que nous ferons naître une véritable convergence entre l'Etat et l'ensemble des collectivités.

M. Joël Labbé - J'ai également apprécié la clarté et le dynamisme des propos, extrêmement engageants, de notre rapporteur. Je souhaite néanmoins aborder un point complémentaire : vous citez l'objectif de conforter une démocratie représentative incontournable et responsable, ce qui est en effet nécessaire. Je veux revenir sur la forme de démocratie participative qui, je pense, mérite d'être mise en activité. J'ai en effet pu constater la portée de cette notion avec l'exemple d'une commune passée au-dessus des 3 500 habitants, avec pour conséquence l'obligation de mise en place de comités consultatifs. Lorsque ces comités fonctionnent bien, ils sont un véritable enrichissement pour la démocratie locale et permettent de faire le lien entre les représentants de la société civile et les élus. Et, comme vous l'avez souligné en conclusion, il y a une nécessité absolue de retisser les liens entre les élus, nationaux ou locaux, que nous sommes et les forces vives de la population.

M. François Grosdidier - Je félicite également le rapporteur pour la forme de son intervention, son enthousiasme et la clarté de son propos. En revanche, je ne partage pas sa satisfaction quant au produit des états généraux. On est dans un registre de voeux pieux, de bonnes intentions et autres déclarations sympathiques - jusqu'à ce que celle du Président de la République nous ramène à la réalité en expliquant que les difficultés financières, héritées de son prédécesseur, n'avaient pas changé... En tant qu'élus locaux, nous sommes bien sûr demandeurs de rapports de confiance entre l'Etat et les collectivités. Nous ne les avons pas toujours, quels que soient les gouvernements, et souvent moins du fait des dirigeants politiques que d'une technostructure qui défend les intérêts stricts de l'Etat, parfois au détriment des collectivités locales. Mais cela n'autorise pas les procès d'intention qui ont pu être faits. De ce point de vue, au moins, l'alternance a du bon. La précédente majorité a été constamment accusée de vouloir recentraliser ; on n'entend plus cela, alors que le discours continue de porter identiquement sur la contrainte budgétaire, financière et même européenne qui s'impose à tous, à l'Etat comme aux collectivités locales. Si un rapport de confiance doit s'instaurer, c'est parce qu'effectivement chacun doit être un élu responsable. Cela fait du bien d'entendre dire que l'Etat a souvent la partie plus difficile que les collectivités parce que ses recettes sont beaucoup plus aléatoires, ses assiettes fiscales beaucoup plus mouvantes. C'est lorsque chacun comprend ainsi la problématique de l'autre que le rapport de confiance peut se créer. A mon avis, le seul changement notable est que, la majorité ayant pris la place de l'opposition, chacun essaye de comprendre le problème de l'autre. C'est à cette condition qu'il est plus facile d'instaurer un rapport de confiance. Mais le préalable reste qu'il n'y ait plus de procès d'intention.

Deuxièmement, j'ai beaucoup entendu, de la part des maires, des discours différents de ceux des conseillers généraux et régionaux, notamment sur les compétences. L'idée qu'on est aujourd'hui obligés de s'entendre, que la contrainte s'impose à tout le monde, donc que plus personne ne peut tout faire. J'entends depuis dix ans des déclarations de bonnes intentions entre présidents de conseil général et présidents de conseil régional. Or, nous savons tous que la réalité est contraire. De même, nous savons que des problèmes surgiraient sur l'ensemble du territoire si les communes avaient encore le droit d'exercer des compétences transférées aux intercommunalités. Donc, je trouve insuffisant le discours qui consiste à dire « permettons à tout le monde de tout faire et faisons confiance à l'intelligence pour éviter les redondances, voire les contradictions entre les collectivités ».

Troisième élément : lorsqu'on rencontre un problème, on s'en sort toujours en créant une énième commission. Sur le Haut Conseil des territoires, je veux dire tout mon scepticisme : d'une part, le Sénat est le haut conseil des territoires par excellence, tout en n'ayant pas l'exclusivité de ce rôle, car il existe des structures thématiques qui peuvent être très utiles. Nombre de commissions- je suis à la commission nationale consultative des polices municipales - traitent de façon pragmatique de sujets techniques. Ainsi, créer une sorte de pseudo parlement parallèle des collectivités locales, je ne suis pas certain que cela soit une bonne solution. Ce serait une nouvelle fois croire en l'existence d'une structure censée régler tous nos problèmes : de confiance, de défiance, d'enchevêtrement des compétences... Donc, même si on peut applaudir le rapporteur sur la forme, je veux dire combien je suis loin de partager sur le fond toutes ses conclusions.

M. Edmond Hervé, rapporteur - Le sujet que j'ai eu à traiter ne portait pas sur le discours du Président de la République. Le rapport que j'ai essayé de vous présenter, c'est le rapport de ce que nous avons entendu, que j'ai choisi de traiter de manière prospective et optimiste. J'ai délibérément banni toute polémique stérile mais, surtout, j'ai relevé dans cet hémicycle un grand nombre de convergences. Enfin, j'ai dit dans mon rapport que l'idée d'un Haut Conseil ne faisait pas l'unanimité.

Sur la notion de compétences, je pense que certaines thèses ne sont pas justes. Par exemple, comment la région, organisatrice du transport, pourrait-elle organiser le transport au niveau de la région sans discuter et coopérer avec le département et, bien évidemment, les communautés ? Par ailleurs, à la région appartient la stratégie de développement économique ; au département appartient l'insertion sociale, la responsabilité sociale. Or, vous ne pouvez pas faire de développement économique sans discuter avec le département. C'est pourquoi j'ai employé la notion de compétences obligatoires, que je suis disposé à clarifier et préciser : des compétences obligatoires pour que l'on sache qui fait quoi, mais surtout pas de compétences exclusives, qui conféreraient le pouvoir de ne pas faire à la collectivité détentrice. Ma position n'était pas de refaire l'histoire, y compris sur la notion d'autonomie financière ou la réforme de 2003 ; ce n'était pas le sujet à traiter.

Mme Jacqueline Gourault, présidente - Je souhaite apporter une précision sur le Haut Conseil des territoires. Le Premier ministre François Fillon avait créé la Conférence nationale des exécutifs, mais elle n'était pas permanente, n'avait pas de secrétariat et ne s'est pas réunie suffisamment. C'est cette expérience qui nous a conduits à envisager une structure plus permanente et dans laquelle on pourrait éventuellement intégrer le comité des finances locales, la commission consultative d'évaluation des normes, etc. Il ne s'agit pas de créer une commission de plus mais de rationaliser un lieu où dialoguent les élus locaux, et nous veillerons à ce qu'il ne rassemble pas trop de parlementaires, mais beaucoup d'élus locaux.

Mme Renée Nicoux - Je veux féliciter le rapporteur pour cet excellent travail qui résume bien le contenu des débats. Je n'étais pas présente à cet atelier car j'assistais à l'atelier n° 2, mais on se rend bien compte que des préoccupations convergentes ont été abordées dans les différents ateliers, notamment en ce qui concerne la demande par les élus d'un allégement des normes et de la possibilité de les adapter aux territoires. Le problème est que la loi est conçue uniformément pour l'ensemble du territoire, or les situations sont très différentes selon que vous êtes dans une grande ville ou une petite commune rurale, par exemple en matière de normes relatives à l'accessibilité.

L'autre point que vous avez évoqué et qui a été abordé lors de ces ateliers concerne la formation. On entend souvent dire qu'être élu ce n'est pas un métier. Et pourtant cela le devient, car le mandat exige de plus en plus de compétences techniques et si l'élu n'est pas suffisamment formé, le pouvoir administratif prend le pas avec le risque qu'il se substitue un jour à lui.

Je voudrais revenir sur les relations contractuelles et l'opposition entre la ville et la campagne, dont vous avez dit qu'elle n'a pas lieu d'être. Certes, mais elle existe et nous devons oeuvrer pour la réduire, car les disparités perdurent, notamment en matière financière, et l'objectif est bien qu'elles s'estompent par le développement de la solidarité entre les territoires, justement autour de relations contractuelles.

M. Charles Guené - Je voudrais à mon tour féliciter notre rapporteur pour cette présentation et lui dire que je partage sa foi en la démocratie locale. Toutefois, la confiance réclamée entre l'État et les collectivités territoriales passe, me semble-t-il, par un langage de vérité et une prise de conscience des réalités, principalement en matière de fiscalité, qui demeure, à mon avis, le noeud gordien. Beaucoup de nos collègues n'ont toujours pas intégré le fait que les dispositions de l'article 72-2 de la Constitution consacrant l'autonomie fiscale ne sont plus aussi respectées aujourd'hui et le seront de moins en moins à l'avenir. Donc, si l'État veut qu'on se réunisse autour d'une table, c'est bien pour parler de ces réalités, car jusqu'à présent nous avons vécu dans une tranquille ignorance, avec un État qui considère que les collectivités territoriales sont une variable d'ajustement, et des collectivités territoriales qui estiment que l'État n'a pas de leçon à leur donner car elles savent très bien se gérer. Or, nous avons les mêmes contribuables, il faudra bien en prendre conscience.

Je voudrais rappeler, s'agissant des structures, que non seulement nous aurons le Haut Conseil des territoires mais aussi le Haut Conseil des finances publiques, qui va être mis en place par la loi organique et dans laquelle nous discuterons non seulement de finances mais aussi de compétences. Si j'en crois ce qui a été annoncé par le gouvernement, nous aurons en plus des conférences territoriales. Or, cette question des compétences n'est pas si simple qu'on le dit, que ce soit sur les blocs de compétences ou la notion de chef de file. Je ne suis pas certain que le gouvernement soit déjà fixé sur ces sujets et je pense que notre délégation peut justement jouer un rôle de proposition en la matière.

M. Jean-Luc Fichet - Je félicite notre rapporteur pour la qualité de son intervention, qui aborde des sujets nouveaux. Pour ma part, je pense qu'il existe effectivement des oppositions entre la ville et la campagne, tout simplement parce que c'est souvent le modèle urbain qu'on applique au monde rural et on en souffre quelquefois, lorsqu'il est mal ajusté.

Il est important de dire également qu'il n'existe pas de « grands » et de « petits » élus. Il y a des élus dont la parole possède une valeur identique, et lorsqu'ils s'expriment ici, au Sénat dans l'hémicycle, certes avec émotion comme cela a été dit, ils sont ici chez eux. Le dialogue et le partenariat reposent précisément sur le respect des uns et des autres et, il faut le souligner, c'est une condition de la confiance.

N'oublions pas non plus que nous sommes également en mouvement dans nos territoires, que ce soit en matière de fonction publique territoriale ou de coopération intercommunale.

Enfin, vous avez évoqué, Monsieur le rapporteur, ces nombreuses associations de collectivités territoriales qu'il faudrait faire converger, dans l'optique de la création du Haut Conseil des territoires. Ne pensez-vous pas nécessaire de, d'abord, réduire leur nombre ?

M. Edmond Hervé, rapporteur - Il est incontestable que le grand débat politique entre l'État et les collectivités territoriales est celui des prélèvements obligatoires. Ce que je reproche aux élus territoriaux, c'est de ne s'être intéressés qu'à la ressource elle-même et non pas à son origine. Lorsque j'ai rédigé mon rapport sur le bilan de la décentralisation, j'ai consacré un paragraphe à ce que j'ai nommé le « grand évitement », et nous en sommes là. Car, au moment où nous traversons une crise économique, où nous faisons face à la situation financière que vous savez, la solidarité financière entre l'État et les collectivités territoriales, d'une part, et entre les collectivités entre-elles, d'autre part, devient essentielle.

Sur la relation entre les villes et les campagnes, évidemment la question de la présence des services publics est importante, mais je crois que la celle des relations contractuelles joue un rôle. Ce qui me choque, par exemple, c'est le gaspillage du foncier. Vous avez, au contraire, certaines régions dans lesquelles il y a des accords contractuels entre la région, les autres collectivités et les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) qui fonctionnent bien et qui méritent d'être développés. Je pense que parmi les éléments reconstitutifs de ces liens figurent le logement, le transport, la culture. Dans tous ces domaines il faut de la péréquation et, avant de demander à l'État de s'en charger, commençons par faire de la péréquation horizontale, notamment à travers la région.

S'agissant des relations entre les élus, pour ma part, sur une longue période et en tant que maire, j'ai connu MM. Pierre Méhaignerie comme président de conseil général, et Josselin de Rohan comme président de conseil régional, et je dois dire que sur les grands sujets, tout était réglé rapidement et sans problème. De même que, concernant les relations avec les préfets, là encore, j'ai connu M. Claude Guéant, qui s'est montré un grand préfet sur le terrain, et je n'ai personnellement jamais polémiqué publiquement avec un préfet, quel qu'il soit.

M. Éric Doligé, rapporteur - Les propos échangés dans l'atelier 1 ne correspondent pas toujours aux opinions exprimées dans les milliers de réponses au questionnaire adressé aux élus dans le cadre de la préparation des états généraux. Ces réponses ont été, en effet, parfois très opposées les unes aux autres. Je vais essayer d'exposer les éléments essentiels du débat qui a eu lieu au sein de l'atelier 1 en tenant compte de cette réalité.

Je fais auparavant un détour par les normes : tout le monde - Président de la République, président du Sénat, Premier ministre, maires - se prononce pour l'adaptabilité des normes applicables par les collectivités territoriales. L'article 1er de ma proposition de loi sur la simplification des normes, inscrite la semaine prochaine à l'ordre du jour du Sénat, permet précisément cette adaptabilité ; il a été cependant rejeté par la commission des Lois. C'est que la politique prend désormais le dessus : l'objectif est de ne surtout pas adopter mes propositions. Peut-être sera-t-il quand même possible de faire voter l'amendement qui reprend cet article 1er. Il me semble, en tout état de cause, que « norme » a été le mot le plus prononcé aux états généraux.

Ceci étant, en ce qui concerne les débats de l'atelier 1 sur les compétences et les missions des collectivités territoriales, de nombreuses interventions ont porté sur le rôle de l'Etat et sur son devenir dans la perspective d'une évolution des compétences et des missions des collectivités. Le recentrage de l'Etat sur ses missions régaliennes : diplomatie, sécurité, justice et autres, a souvent été demandé. Il a aussi été souhaité que l'Etat intervienne le moins possible sur les compétences transférées. Il faut une clarification à cet égard : l'Etat a du mal à lâcher prise sur des compétences parfois transférées en quasi totalité : le social, par exemple, ou les routes nationales. L'Etat doit se recentrer sur la stratégie, il doit être régulateur, garant de la solidarité et de la péréquation. A ce sujet, il faut éviter la création d'inégalités flagrantes en fonction de la richesse et de la capacité des territoires. L'Etat doit aussi clarifier les limites de ses blocs de compétences : c'est le problème des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et des directions départementales des territoires (DDT), dont les élus ont parfois du mal à connaître le périmètre de compétences. Se pose aussi le problème de l'ingénierie locale : un certain nombre d'élus, surtout issus des communes rurales, demandent que ce service soit assuré.

Le fait que l'Etat a tendance à ne plus respecter ses engagements a été un autre sujet d'interrogation. Plusieurs élus à la tête d'exécutifs importants ont mentionné ce problème.

En ce qui concerne les communes, tout le monde a reconnu leur rôle pour préserver les services publics de proximité ainsi que la nécessité de leur conserver la clause générale de compétence. Les réponses sont en revanche différentes en ce qui concerne, sur ce dernier point, les autres collectivités. Ainsi, les départements et les régions doivent avoir la compétence générale selon 28 % des répondants au questionnaire adressé aux élus. Ceci implique, entre autres, que pour un grand nombre d'élus l'approche contractuelle peut être une bonne méthode de gestion des compétences.

En tout état de cause, des évolutions sont en cours sur le terrain. En région Centre, par exemple, un travail a été lancé sur les bassins de vie, dont certains ne correspondent plus aux départements ni aux pays. Ce travail sera difficile à articuler avec la redéfinition des compétences en perspective dans le cadre de la réforme à venir.

Tout le monde s'accorde sur la vocation du département dans le domaine social. Des réflexions sont d'ailleurs en cours au niveau national sur le transfert de l'ensemble de la compétence handicap aux départements, la première problématique étant à cet égard la capacité financière d'exercer la compétence. Certains estiment que les services départementaux d'incendie et de secours ne devraient plus être bicéphales, les collectivités finançant et l'Etat - ou les maires, par délégation - détenant la maîtrise opérationnelle. Cette problématique, dont je pense qu'elle ne débouchera sur aucun changement, est récurrente. En ce qui concerne les collèges, il est question de transférer la médecine scolaire et les gestionnaires, dont le rattachement à l'Etat pose des problèmes dans la mesure où le personnel chargé du fonctionnement des établissements est pris en charge par les départements. Il a aussi été demandé - que cette idée soit bonne ou mauvaise - que les départements soient chargés de la compétence logement, sachant que ceux-ci sont déjà très présents dans ce domaine à travers un certain nombre d'offices et de financements.

En ce qui concerne les régions, quelques présidents de région se sont exprimés à l'atelier 1, avec quelques divergences. Les positions ont été un peu contradictoires sur leur rôle stratégique. En revanche, les réponses au questionnaire et les débats de l'atelier 1 ont confirmé que l'emploi, la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, la recherche, les transports, les lycées devaient être des compétences régionales.

Sur tous ces sujets, les élus nationaux ont à relayer les nombreuses idées exprimées sur le terrain, dans les réponses au questionnaire, dans l'hémicycle, à la Sorbonne, et à les mettre en oeuvre, même s'il ne sera pas simple de faire les choix concrets.

A côté de la question de la clause générale de compétence, à côté du choix entre la notion de bloc de compétences et celle de bloc de cohérence, qui ne sont pas du tout la même chose, un sujet assez souvent évoqué a été la notion de chef de file, avec ses corollaires : la contractualisation et l'existence de lieux de rencontre et de travail en commun. Il faut, à cet égard, disposer au plan local de structures spécifiques, définies dans un cadre national, afin que le travail en commun ne dépende pas de la bonne volonté locale. Un président de région a indiqué à ce propos que la conférence territoriale des exécutifs était une bonne chose, tout en précisant que son président ne devait pas être automatiquement celui de la région mais devait être désigné par la conférence afin d'éviter la prééminence d'une collectivité sur les autres.

Par ailleurs, la nécessité que les compétences existantes soient consolidées avant les transferts a été fortement exprimée.

J'en viens aux régions. Elles demandent globalement la compétence économique, que les intercommunalités et les grandes communes ne veulent pas perdre. Il faudra donc trouver une solution, compte tenu de la diversité du contenu de cette compétence, qui peut englober aussi bien l'aide aux entreprises que l'aménagement d'une zone d'activité. Ce sujet va faire fortement débat.

L'expérimentation est plébiscitée. J'observe à ce sujet qu'il est plus facile d'expérimenter sur certains territoires, en fonction de leur nature, que sur d'autres.

Les régions demandent aussi la gestion des fonds européens. Ce thème, ainsi que celui de la banque de financement des entreprises, fera débat. Certaines collectivités, les départements en particulier, certaines grandes agglomérations peut-être, d'autres collectivités éventuellement, souhaiteront être associées.

Je note, par ailleurs, que deux représentants régionaux des Verts dans l'atelier 1 ont demandé la suppression du département.

Mme Jacqueline Gourault, présidente - Je propose d'élargir le débat et de revenir sur le discours du Président de la République du 5 octobre à la Sorbonne. Concernant les compétences, d'une part, le Président de la République a souligné la nécessité d'avoir des blocs de compétences, sans parler d'exclusivité. D'autre part, il a évoqué la clause générale de compétence. Cette dernière serait conservée par l'ensemble des niveaux de collectivités territoriales. La clause générale de compétence a fait l'objet de nombreux débats lors de la discussion du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales en 2010. En réalité, je pense qu'il s'agit d'un faux problème. A partir du moment où des blocs de compétences sont attribués aux différentes collectivités, il est entendu que la clause générale de compétence n'interviendra que pour les compétences non attribuées ou pour de nouvelles politiques publiques, comme le déploiement de la fibre optique il y a quelques années. En outre, la situation économique et financière va, en soi, limiter l'usage de la clause générale de compétence. Cette réflexion vous semble-t-elle juste ? Pensez-vous qu'elle correspond à l'idée du Président de la République ?

M. Edmond Hervé, rapporteur - La solution réside dans la notion de compétences obligatoires. Toutefois, « compétences obligatoires » ne signifie pas « compétences exclusives ». C'est une solution pragmatique et conforme à la Constitution, notamment aux principes de décentralisation, de libre administration des territoires et de subsidiarité. Certes, la Constitution n'a plus aujourd'hui la même valeur qu'autrefois, et certains n'acceptent pas ces principes. M. Balladur, ainsi, est contre la libre administration des collectivités territoriales.

Sur les moyens financiers, ceux-ci vont automatiquement fixer la limite d'intervention des collectivités. En outre, à titre personnel, je suis favorable à un gel, car j'estime nécessaire la participation des collectivités au rétablissement des grands équilibres.

M. Charles Guené - L'essentiel est qu'à chaque fois, un seul exerce la compétence. Peu importe que l'on recourt à des blocs attribués à une collectivité ou à des compétences obligatoires sur lesquelles d'autres pourront intervenir si elles tombent en désuétude ou ne sont pas exercées. Mais, dans les deux cas, il est indispensable que lorsqu'une collectivité se saisit d'une compétence, une autre ne puisse intervenir dans ce domaine. Tout cela sera validé par la conférence des exécutifs, qui dira « voilà comment on s'organise ». C'est ce qu'attendent les élus. Cela rejoint le système existant pour les EPCI et les communes. Il est contraignant, mais visible et clair. C'est ce qu'il faut. Dans le cas contraire, il y a des doublons et des dépenses supplémentaires.

Plusieurs options sont possibles, c'est pourquoi nous devons en discuter. De plus, certaines compétences se prêteront plus facilement à être des zones exclusives que d'autres. De même, selon les territoires, il pourrait y avoir des différences.

M. Edmond Hervé, rapporteur - Nous serons aidés dans cette démarche par la capacité financière des collectivités.

M. Charles Guené - En effet, à chaque fois, le volet financier devra être pris en compte.

M. Antoine Lefèvre - Je défends la libre administration des collectivités territoriales. Dans le cadre de mon rapport sur les compétences des collectivités territoriales, j'avais proposé des schémas où l'on détermine les compétences de chacun. Par ailleurs, on l'a vu lors des états généraux, suivant les régions il y a des traditions, des choses qui sont expérimentées : on a évoqué le B15 en Bretagne. Au contraire, chez moi, en Picardie, la conférence des exécutifs est beaucoup moins efficace. Si des pratiques de gouvernance fonctionnent, il faut les conserver. Instaurer un modèle unique et uniforme de gouvernance et de coordination serait une régression dans certains secteurs où les choses ont avancées, mais aussi pour certaines compétences, comme les lycées.

En outre, lors des états généraux, on a beaucoup parlé de « normes » mais très peu de « doublons ». Je n'ai pas de solutions ou de propositions pour les supprimer. Il faut l'avouer, nous, les élus, ne sommes pas toujours raisonnables. Les doublons sont un vrai sujet, surtout lorsqu'on doit faire un certain nombre d'économies dans nos organisations. Si on veut garder une capacité à agir, s'attaquer aux doublons pourrait être une réponse, car cela permet un redéploiement des personnels vers d'autres secteurs, d'autres politiques publiques.

M. Éric Doligé, rapporteur - En ce qui concerne la clause générale de compétence, tout dépend de l'organisation sur les territoires. Rien n'est pire que le flou dans lequel peuvent vivre certains d'entre eux. A partir du moment où une conférence des exécutifs se met en place et où tous travaillent ensemble, cela facilite les choses. A contrario, dans une région avec trois, quatre voire cinq départements, si un des départements mène une politique dans un domaine alors que le département voisin ne le fait pas, la région va la prendre dans le département qui ne l'exerce pas. Des tensions peuvent alors apparaître, dans la mesure où la région aidera, pour une même compétence, l'un et pas l'autre. L'une des difficultés est qu'il y a une concurrence territoriale entre le département et la région, qui veulent être partout, intervenir sur tout, et sont en compétition pour être le premier à intervenir. Une conférence des exécutifs et une organisation coordonnée peuvent régler ce problème. Pour moi, la conférence des exécutifs doit se faire à plusieurs niveaux : d'une part, une conférence élargie avec les villes et les communautés d'agglomération, d'autre part, une conférence entre la région et les départements. Cette concertation entre les départements et la région, qui dispose de moyens de financement des actions beaucoup plus important que les agglomérations, est primordiale. Une cohérence dans nos politiques est nécessaire. Je constate que les problèmes sont rarement dus à des oppositions politiques car tous ont envie de faire vivre le territoire.