Mardi 23 octobre 2012

- Présidence de M. Daniel Raoul, président -

Loi de finances pour 2013 - Audition de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

La commission auditionne Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.

M. Daniel Raoul, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir notre ancienne collègue, rapporteur général du budget, Nicole Bricq en tant que ministre du commerce extérieur sur le projet de loi de finances pour 2013.

Dans un contexte budgétaire très contraint, les crédits de la mission « Économie » diminuent d'environ 2 % mais les moyens des opérateurs intervenant en matière de commerce extérieur ou pour favoriser l'attractivité française sont préservés. Je vous demanderai, après une brève présentation de ces crédits, de nous faire une analyse de notre balance commerciale et de son déficit qui a atteint un niveau inédit de 73,5 milliards d'euros en 2011 et continue de s'aggraver en 2012, et des moyens que vous entendez mettre en place pour y remédier. Où sont nos faiblesses et quelles sont les solutions ? Je souhaite également que vous nous indiquiez les modalités d'intégration d'Oséo dans la future Banque publique d'investissement (BPI) ainsi que la manière dont Ubifrance sera associée à la nouvelle structure.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. - Le déficit de notre commerce extérieur est abyssal : 73 milliards d'euros -vous l'avez rappelé, Monsieur le président. Mais ces mauvais résultats ont au moins un mérite : celui d'accélérer la prise de conscience et de mobiliser les acteurs autour de l'objectif de l'export. J'ai pu le constater par exemple lors de ma visite du salon international de l'agroalimentaire. J'ai eu l'occasion d'y discuter avec les professionnels du secteur. L'agroalimentaire réalise le deuxième plus gros excédent de notre balance commerciale, mais elle perd des parts de marché. Les entreprises de la filière sont cependant conscientes des enjeux et décidées à se mobiliser. À cet égard, le Premier ministre m'a assigné un objectif clair : retrouver dans les cinq ans l'équilibre de la balance commerciale hors énergie, ce qui représente un effort de réduction du déficit de 26 milliards d'euros. L'enjeu n'est pas seulement d'être présent dans la mondialisation : il est de gagner la bataille de l'emploi. Un milliard d'euros d'exportations représente 10 000 emplois en France.

La mauvaise situation de nos échanges extérieurs s'explique par des causes multiples. Il y a d'abord un nombre insuffisant d'entreprises de taille intermédiaire (ETI). Certains chiffres sont trop peu connus. Nos exportations représentent 430 milliards d'euros en 2011, mais, sur ce total, les grands contrats représentent seulement 30 milliards d'euros, tandis que ce qu'on appelle, faute de mieux, le commerce courant se chiffre à 400 milliards. C'est dans le commerce courant qu'interviennent les PME et les ETI - d'où l'enjeu de les soutenir.

Nous avons aussi un problème de compétitivité. Le Premier ministre a commencé à en discuter avec les ministres concernés, principalement ceux du pôle économique de Bercy. Nous avons eu hier une réunion de travail sur la compétitivité hors coût et nous en aurons une très bientôt sur la compétitivité-coût. Vous le savez, Louis Gallois remettra son rapport le 5 novembre et, dès le 6, le Gouvernement au grand complet sera réuni sur ce thème. Je tiens, sur cette question, à souligner que le Premier ministre travaille avec méthode sur ce sujet. Rien n'est enterré, contrairement à ce que j'entends ici ou là.

Un autre de nos handicaps est l'organisation de notre chaîne de l'export, sur le territoire français même. Les acteurs sont nombreux mais pas toujours bien coordonnés. D'un côté, nous devons mieux identifier les entreprises qui ont un potentiel d'exportation ; de l'autre, nous devons être capables de pérenniser la présence des entreprises à l'export et générer des courants d'affaires durables. C'est là un point essentiel : identifier des primo exportateurs est important, faire en sorte que les entreprises présentes à l'export le restent l'est tout autant. On sait trop peu que, sur dix entreprises qui exportent pour la première fois au cours d'une année N, il n'en reste plus que trois encore présentes à l'export au bout de trois ans. La déperdition est donc considérable. C'est dû sans doute, pour une part, à une mauvaise orientation, car toutes les entreprises ne sont pas en capacité d'exporter, mais je crois aussi qu'il y a une insuffisance de l'accompagnement dans la durée des entreprises exportatrices.

C'est pourquoi j'ai demandé à Ubifrance de réorienter son travail d'accompagnement à l'étranger. L'agence proposera des plans d'action triennaux aux 800 entreprises de taille intermédiaire identifiées par le Fonds stratégique d'investissement (FSI). Elle devra aussi proposer à ses entreprises clientes un accompagnement sur plusieurs années. D'ailleurs les critères d'évaluation d'Ubifrance seront modifiés pour prendre en compte les chiffres d'affaires générés à l'export, car le nombre d'entreprises exportatrices n'est pas suffisant. Ces évolutions figureront dans le nouveau contrat d'objectifs et de performances que je signerai avec l'agence d'ici à la fin du premier semestre de 2013.

Dans la nécessaire réorganisation de la chaîne de l'export, les régions joueront un rôle pilote. Elles ont la compétence du développement économique et de l'innovation ; elles connaissent bien les entreprises de leur territoire ; elles financent les pôles de compétitivité et elles disposent de fonds. Je considère donc qu'elles s'insèrent naturellement dans la stratégie nationale. Il y a certes une grande diversité. Chaque région a sa manière de travailler. Les quatre déplacements en région que j'ai réalisés depuis mon entrée en fonction m'ont permis de le constater. Je dois par ailleurs me rendre en Aquitaine le 15 novembre et en Alsace, le 19. Mon rôle n'est pas d'imposer un modèle unique aux régions. Je respecte leur autonomie. L'essentiel est de viser la complémentarité entre les parties prenantes, de créer des synergies, notamment avec les réseaux consulaires. C'est indispensable pour tenir l'engagement pris auprès du Président de la République : faire en sorte qu'émergent dans les trois ans 10 000 entreprises exportatrices nouvelles. Pour mieux articuler l'action des régions avec la stratégie nationale, nous allons établir un comité de liaison avec l'Association des régions de France, dont la première réunion est prévue cette semaine. Je demanderai à chaque région, si ce n'est déjà fait, d'établir, d'ici à mars 2013, un plan régional d'internationalisation des entreprises et de l'intégrer à son schéma régional de développement économique et d'innovation. Un premier bilan sera établi au mois de mars.

Pour mieux organiser la chaîne de l'export, je réfléchis aussi, avec Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à une structuration de notre offre commerciale au travers de nos filières et de nos réseaux. À cet égard, je n'oublie pas nos pôles de compétitivité. Ils sont plutôt une réussite et nous devons les mobiliser sur le commerce international. Certes, ils n'avaient pas, à leur création, la fonction internationale « export », mais l'effet grappe est décisif en matière d'exportations. Nous devons donc devenir capables d'utiliser ces effets de réseau pour développer nos exportations.

Structurer notre offre commerciale à travers une structuration de nos filières, c'est un gros chantier. Les filières, tout le monde en parle, mais elles n'existent pas vraiment dans notre pays. En France, nous parlons de donneur d'ordre et de sous-traitant. Les Allemands, eux, ne raisonnent pas en ces termes : nous devons faire comme eux. Nous devons structurer de façon efficace nos filières classiques, comme l'automobile, mais aussi promouvoir des filières nouvelles qui auront à jouer un grand rôle avec le développement des classes moyennes dans les pays émergents. Des besoins immenses vont en effet apparaître en matière de ville durable, de mobilité, d'écotechnologies et de santé. Ce sont des points forts de notre tissu productif et nous devons les exploiter à l'international.

Parmi les outils que nous allons mettre en place, figure aussi la Banque publique d'investissement (BPI). Elle permettra de réunir les acteurs dont le métier est d'apporter des fonds propres aux entreprises. J'insiste là-dessus : pour exporter, il faut être capable d'investir et d'innover et, pour cela, il faut des capitaux. Nous avons actuellement deux acteurs, le Fonds stratégique d'investissement (FSI), dont la mission est de prendre des participations minoritaires, et CDC-entreprises, qui prend des participations majoritaires. Le rôle de ces deux institutions est cependant mal identifié par les entreprises malgré les efforts pour mettre en place des plateformes régionales. C'est pourquoi il est important de régionaliser la BPI. Toutes les modalités ne sont pas encore définies, mais j'ai oeuvré pendant l'été afin que la BPI soit à la fois une banque régionale et une banque vouée à l'international - cela n'allait pas de soi au mois de juillet, à la remise du rapport de Bruno Parent.

La BPI distribuera par ailleurs des crédits et accordera des garanties aux PME et aux ETI, qu'il s'agisse de produits de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) ou de ceux d'Oséo. Il faudra réunir ces différents acteurs : Oséo le sera de manière organique ; la Coface le sera fonctionnellement, pour la partie publique de son activité, au travers d'une distribution de ses produits par la BPI. C'est l'idée de comptoir unifié, que je préfère à l'expression de « guichet unique ».

Enfin, au-delà de l'apport de fonds propres, de crédits et de garanties, la BPI devra apporter du conseil en région. C'est là qu'intervient le lien entre Ubifrance et la BPI : l'offre d'Ubifrance, en matière de salons notamment, sera à l'avenir un produit distribué par la BPI. Je recommande par ailleurs que les services Ubifrance sur le territoire national soient intégrés à la BPI pour jouer ce rôle de conseil. Je souhaite enfin, même si ce n'est pas encore arbitré, que des personnels des Douanes ou des directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) soient mis à sa disposition.

Concernant cette question des financements, je voudrais aussi attirer votre attention sur le manque de compétitivité de nos financements. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen de la loi de finances rectificative (LFR). Certaines de nos entreprises perdent des marchés, notamment face à nos principaux concurrents, les Allemands, à cause de systèmes de crédits et de garantis insuffisamment compétitifs. Nous allons donc mettre en place, à l'occasion de la LFR, une garantie de refinancement totale. Les entreprises allemandes, avec la Banque allemande de Développement, la KfW, ont aussi un prêteur direct : cela, joint à la meilleure signature de l'Allemagne donne au refinancement des créances à l'export un avantage qui peut atteindre 160 points de base par rapport à la France. Il est donc prioritaire de créer un prêteur direct, qui pourrait être la BPI. Comme il faut le temps de créer cette activité, je souhaiterais que, dans l'intervalle, la Caisse des dépôts et consignations remplisse cette fonction -mais ce n'est pas gagné, car la Caisse a un modèle prudentiel et ne se laisse pas aisément convaincre par l'État.

Enfin, je voudrais souligner que notre offre commerciale doit être couplée avec une offre pays. Rien ne sert d'être présent partout. Il faut définir des priorités géographiques. Il s'agit d'abord de l'Europe. C'est là que nous réalisons 60 % de nos échanges et nous y perdons des parts de marché. La dégradation de notre position en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Allemagne explique les trois quarts de la dégradation globale de nos échanges. Viennent ensuite les grands émergents. Ce sont des marchés en forte croissance. Et puis, on le sait moins, un certain nombre de pays émergents, dits « intermédiaires », très dynamiques, prennent de l'importance dans les échanges mondiaux : il s'agit des CIVETS - Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie et Afrique du sud. J'étais la semaine passée à Singapour et aux Philippines, avec plusieurs entreprises françaises : l'Asie du Sud-Est est une région d'opportunités pour nos exportateurs. Enfin, il y a l'Afrique. La France n'y est pas assez présente, elle y a perdu pied. Or, l'Afrique subsaharienne connaît une croissance de 5 % par an malgré la crise. Je me rends au Kenya et en Ouganda très prochainement. De même, je dois me rendre au Maghreb avant la fin de l'année. Nous devons nouer un vrai partenariat économique avec les pays de la zone. Il s'agit vraiment d'incarner la Méditerranée des projets promue par le Président de la République. Avec Arnaud Montebourg, nous avons chargé MM. Pascal Faure et Charles Coppolani d'une mission dont les conclusions, attendues dans trois mois, devront déterminer les conditions de mise en place de ce pacte de coproduction.

Les crédits du ministère du commerce extérieur s'élèvent à 104,2 millions d'euros. Ils incluent ceux dévolus à Ubifrance et ceux finançant les interventions internationales de la direction générale du Trésor. La loi de finances initiale de 2012 prévoyait un budget de 103,46 millions d'euros pour Ubifrance. Son évolution pour 2013 intègre les économies - 1 % - demandées à tous les ministères, ainsi qu'un « rebasage » à hauteur de 1,6 millions d'euros pour tenir compte de la dernière tranche de la dévolution de compétences à l'Agence. Le plafond d'emploi est en baisse de 1,8 %, à 1 393 emplois.

Au final, le ministère participe à l'effort de réduction des déficits publics tout en préservant l'essentiel, notamment pour Ubifrance, qui concentre la majorité de ses crédits. L'Agence redéploiera ses effectifs chaque fois que nécessaire, pour développer nos priorités selon les pays. Elle va ainsi étendre son activité au Kenya - à Nairobi - et en Birmanie, ce que j'annoncerai lors d'un colloque au Sénat jeudi prochain.

La politique commerciale avec les pays tiers est intégrée à l'échelle européenne. Le multilatéralisme étant en panne, la Commission européenne a développé les accords bilatéraux de libre-échange depuis plusieurs années. Du fait de leur manque de réciprocité, et devant les difficultés que connaît la filière automobile, la France a sollicité au mois d'août l'application de la clause de sauvegarde inclue dans l'accord avec la Corée du Sud. En septembre, j'avais demandé au commissaire européen, qui a rendu sa décision hier, la mise en place d'un groupe de travail en vue de comparer les chiffres. Du point de vue du commerce extérieur, il s'agissait de la première année où nous étions globalement excédentaires. Il faut être attentif aux secteurs fragiles, et l'automobile en est un. Le fait que la France ait requis l'actionnement de la clause de sauvegarde est un signe important à cet égard.

Les principes adoptés à ma demande en Conseil des ministres le 12 septembre pour conclure un accord de libre-échange sont au nombre de quatre :

- l'absence de retombées négatives sur l'emploi ;

- la réciprocité effective des échanges avec les pays signataires, dont les marchés publics, contrairement à l'Europe, ne sont pas toujours ouverts. C'est le cas dans trois pays avec lesquels l'Union envisage de négocier ou conclure des accords : le Canada, les États-Unis et le Japon, soit trois des principales puissances commerciales du monde, qui ont un intérêt évident à pénétrer un marché de 460 millions d'habitants à fort pouvoir d'achat et souhaitent, pour les deux derniers, isoler la Chine ;

- un haut degré d'exigence environnementale et sociale ;

- un abaissement progressif des barrières douanières, tout en conservant la possibilité d'actionner à tout moment une clause de sauvegarde.

Le principe de réciprocité au sein de l'Union européenne à 27, et bientôt 28 avec l'arrivée prochaine de la Croatie, n'est pas complètement partagée. Et cela malgré deux déclarations de sommets européens, en juin et en octobre, demandant aux États d'agir au plus vite pour que l'examen du règlement de la Commission sur la réciprocité dans les marchés publics au Parlement européen soit mené à son terme. Aussi je fais le tour des capitales européennes pour chercher des pays nous soutenant en ce domaine ; les Allemands, qui me semblaient partager ce souci avec nous, sont en réalité bien plus réticents. Je suis allée en Pologne et en Italie ; je vais aller en Espagne à ce sujet. Une majorité d'États est aujourd'hui défavorable à l'introduction de ce principe de réciprocité, qui doit constituer notre principal message en matière de diplomatie économique.

M. Daniel Raoul, président. - Sur le sujet de la réciprocité, nous devrions pouvoir trouver un consensus. S'agissant de la « mortalité » des entreprises à l'export, je note qu'elle est la même que celle des jeunes entreprises.

Mme Élisabeth Lamure. - Madame la Ministre, vos fonctions, bien que stratégiques pour notre économie, sont assez peu visibles. Merci de vos messages ; il est important de ne pas toujours parler de notre commerce extérieur en termes de déficit.

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a constaté que les parts de marché de la France se réduisent dans les zones où le principe de réciprocité est appliqué, et inversement ; cela ne vous conduit-il pas à nuancer votre point de vue ? L'enjeu ne réside t-il pas davantage dans la compétitivité, comme devrait d'ailleurs l'indiquer le rapport attendu de M. Louis Gallois ?

Vous souhaitez favoriser l'accompagnement des PME à l'international ; le Conseil d'analyse économique a souligné que la politique de compétitivité des PME devait précéder une telle politique, sans quoi, a estimé la Cour des comptes, les subventions et garanties publiques favorisent autant les délocalisations que les exportations ; j'aimerais avoir votre position à cet égard.

Les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés génèreraient 40 % du montant total de nos exportations ; comment entendez-vous utiliser cet atout, alors que nos grands groupes s'affaiblissent et sont stigmatisés.

M. André Ferrand. - Merci de m'avoir invité à cette audition. De par mes fonctions de sénateur des Français de l'étranger, je suis couramment en contact avec nos communautés et dispositifs de soutien économiques dans le monde.

Je me félicite, Madame la Ministre, de votre appel à la mobilisation.

Les acteurs sont nombreux et compétents - services économiques, Ubifrance, Agence Française pour les Investissements internationaux, Atout France, Sopexa, Oseo, Association française de développement, chambres de commerce, conseillers du commerce extérieur - mais manquent d'objectifs stratégiques et d'une coordination générale. La réponse est en cours, à travers l'ambassadeur et le chef de poste, qui doivent être appuyés. Les services des ministères en charge de l'économie et des affaires étrangères peinent parfois à travailler ensemble ; il faudrait que la lettre de mission des ambassadeurs, pour leur volet économique, soit cosignée par le ministre des finances et par vous-même.

En amont, la réactivité des filières et des régions gagnerait à être renforcée ; elles doivent savoir orienter la production vers les secteurs dynamiques. Il faudrait organiser un lien efficace entre amont et aval. Je vous soutiens entièrement dans votre plaidoyer pour la réciprocité.

Mme Nicole Bricq, ministre. - Mon ministère est effectivement stratégique, mais je n'atteindrai pas seule les objectifs fixés par le Premier ministre. Nous avons des handicaps structurels : manque d'entreprises intermédiaires, insuffisante pérennité des PME et incapacité de ces dernières à devenir de grands groupes ... Ceux-ci ont été puissamment soutenus par la puissance publique dans les années 70 ; il est normal qu'ils viennent aujourd'hui en aide aux PME à travers le portage et en leur favorisent l'accès aux marchés à l'étranger. Le nombre de volontaires internationaux en entreprises (VIE) - 7 200 actuellement, sur 40 000 demandes - pourrait être ainsi significativement accru si les grands groupes en prenaient davantage au bénéfice des PME, pour lesquelles ils constituent des outils de prospection qui resteront à l'international. Les entreprises en croissance ayant des marchés à l'export finissent par être rachetées et éprouvent des problèmes de transmission. Il faut surmonter ces handicaps à la transition entre PME, ETI et grands groupes.

Nous avons besoin de ces derniers, mais ils doivent assumer leur responsabilité vis-à-vis des entreprises plus petites. Ils ont souvent réussi leur internationalisation car la puissance publique les a aidés, mais ils se sont ensuite éloignés du territoire ; ils doivent aujourd'hui faire un effort en faveur des PME. Or, seules 150 d'entre elles ont été portées par les « chartes export » signées par de grands groupes.

S'agissant du principe de réciprocité, nous perdons des parts de marché en Europe, alors que ce principe n'y pose a priori pas de problème d'application ; jouent en effet des barrières non tarifaires. En dehors, les règles de l'OMC pallient l'absence de réciprocité ; actuellement, des entreprises françaises intégrées dans un consortium allemand dans le solaire demandent la mise en oeuvre d'une procédure anti-dumping contre la Chine, tout comme les États-Unis dans l'automobile. Il faut donc que l'Europe sache se faire respecter des pays tiers ; or, tous ses États membres ne sont pas en accord sur ce point. Ainsi, les pouvoirs publics allemands ne se sont pas associés au patronat de l'industrie du solaire, de peur de mesures de rétorsions. De plus, les pays tiers, tels que la Chine, bénéficient d'aides d'État substantielles, là où la Commission européenne les encadre très strictement. Si nous ne sommes donc pas sur un pied d'égalité, la force de notre marché et sa capacité d'attraction dans le monde sont un atout majeur, comme le montre les investissements que souhaite y réaliser la Chine. A cet égard, le partenariat entre la CDC Entreprises et la China Development Bank pour créer un fonds destiné à accompagner les PME françaises et chinoises est une bonne chose. Afin de combattre cette concurrence, il faut que nos entreprises aient de meilleurs financements, que l'on travaille sur l'image de notre pays, à travers une « marque France », et que l'on soutienne à la fois nos PME et nos grands groupes.

Mme Nicole Bricq, ministre. - Vous avez également évoqué les liens entre délocalisations et exportations. Pour les salariés et pour les territoires, c'est toute une vie qui s'effondre lorsqu'intervient une opération de délocalisation. Mais dans la réalité statistique, il y a très peu de délocalisations. En même temps, l'essentiel, pour une filière exportatrice, c'est de créer de la richesse et, aujourd'hui, pour conquérir des marchés dans un certain nombre de pays il faut accepter d'abord, d'y implanter des unités de production, ensuite, de procéder à des transferts de technologie et enfin de financer des dispositifs de nature à améliorer la qualité de la main-d'oeuvre locale.

J'observe qu'au final ces implantations se révèlent plutôt productives pour la France et il faut également admettre que certains pays doivent consentir des efforts de rattrapage. L'Allemagne, pour sa part, au cours des dernières années a bénéficié d'une période favorable au cours de laquelle la demande des pays émergents correspondait bien à leur offre commerciale, mais les choses évoluent et le Brésil ou la Chine savent désormais produire des biens d'équipement et se tournent vers des problématiques nouvelles.

Dans ces conditions, la France ne doit pas manquer la troisième révolution industrielle et elle a tous les atouts pour la réussir parce qu'elle est performante dans tous les secteurs où les nouveaux besoins vont se manifester. Mon propos ne consiste donc pas à relativiser le phénomène des délocalisations mais je fais observer qu'il est normal que des pays comme le Maroc, l'Algérie, souhaitent que la France investisse chez eux, ce qui peut déboucher sur des productions locales qui succèdent à des distributions de produits français. Il faut cependant prendre un certain nombre de précautions, comme l'illustre le cas d'Airbus qui accroit ses implantations aux Etats-Unis : je comprends parfaitement qu'Airbus doit faire face à un problème de parité euro-dollar et que cette entreprise souhaite lancer une offensive aux Etats-Unis. Toutefois je m'inquiète du sort des équipementiers de rang 2 : pourront-ils suivre le mouvement et quelles aides recevront-ils de la part d'Airbus ?

Par ailleurs, j'ai pris connaissance avec intérêt du rapport d'information de M. André Ferrand et je partage les six grandes observations qu'il formule. Pour répondre à son intervention, je réaffirme que l'objectif à cinq ans est le rééquilibrage de notre commerce extérieur soit 26 milliards d'euros supplémentaires à conquérir à l'exportation. Le plan d'action est, lui aussi, parfaitement clair : je viens de vous en exposer les grandes lignes. S'agissant du rôle de l'ambassadeur, nous avons cependant une divergence. À mon sens, ce dernier a, en effet, d'autres missions que le commerce extérieur ou le volet strictement économique.

Je me considère en revanche, en tant que ministre du commerce extérieur, comme l'animatrice de la diplomatie économique. À ce sujet, je constate qu'une direction des entreprises vient d'être créée au sein du ministère des affaires étrangères : je me félicite de cette mobilisation sur le thème de la diplomatie économique et, en même temps, je souligne la nécessité de préciser clairement les missions de cette nouvelle entité afin d'éviter de créer des doublons.

A l'occasion de ma visite au salon de l'agroalimentaire, j'ai rencontré à la fois les représentants d'Ubifrance, qui développe une offre de qualité, et de la société d'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa) : nous avançons dans le sens du rapprochement pour que la France puisse présenter un pavillon unique. En même temps, la ministre ne doit pas être omniprésente sur tous les sujets : chacun doit prendre ses responsabilités.

Enfin, il faut certainement mieux structurer nos filières : le ministre du redressement productif s'y emploie ardemment pour développer à la fois leurs volets offensif et défensif.

M. Daniel Raoul, président. - Si le crédit impôt recherche (CIR) favorise l'attractivité uniquement dans le domaine de la recherche-développement et que la production, pour sa part, se délocalise ailleurs, le résultat est totalement incohérent. C'est pourquoi il me semble opportun de réfléchir, dans le cadre de la discussion budgétaire, à l'introduction de « clauses de retour ». Le CIR est certes un outil performant en matière d'attractivité mais il faut veiller à ce qu'il produise tous ses effets escomptés.

Mme Nicole Bricq, ministre. - C'est un sujet important. Je précise que si aujourd'hui l'Allemagne devance la France en termes d'attractivité, notre pays est encore au premier rang en termes de centres de production. Les entreprises étrangères investissent en France, produisent en France et exportent depuis notre pays, ce qui améliore notre balance commerciale. Je suis très attentive à cette question car il existe un lien étroit entre la compétitivité et l'attractivité.

M. André Ferrand. - Juste un mot pour éviter toute confusion. Dans ma question à madame la ministre, j'ai voulu évoquer les plans spécifiques à chaque pays. En ce qui concerne la mission de l'ambassadeur, bien loin de prétendre qu'il peut assumer un rôle directeur en matière économique ; j'estime qu'il doit être tout de même en mesure d'organiser ou d'animer des réunions tournées vers l'amélioration de nos parts de marché.

Mme Nicole Bricq, ministre. - J'assume mes responsabilités dans la conduite de cette politique.

M. Yannick Vaugrenard. - Je partage l'idée exprimée par la ministre selon laquelle les régions doivent jouer un rôle pilote à l'exportation pour les PME-PMI. Je formulerai ensuite une interrogation relative à la BPI : ne craignez-vous pas une certaine résistance de l'administration centrale à l'égard du processus de déconcentration qui va, d'une certaine manière, accompagner la mise en place de ce nouvel établissement financier.

Ma seconde remarque concerne la concurrence déloyale à laquelle sont confrontés les pays de l'Union Européenne. Ne faudrait-il pas exiger des pays qui adhèrent à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) le respect des normes édictées par l'Organisation internationale du travail (OIT), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La Commission européenne me semble beaucoup plus sourcilleuse en matière de concurrence déloyale sur le territoire de l'Union Européenne que ne l'est l'OIT au niveau international. Enfin, au plan local, je regrette que les chantiers de construction navale de Saint-Nazaire n'aient finalement pas pu finaliser la commande de deux paquebots de croisière - ce qui correspond à environ deux milliards d'euros et à vingt mille emplois - uniquement à cause de difficultés de préfinancement. Ce sont les chantiers italiens qui, grâce à l'appui de leur gouvernement, ont su préfinancer ce marché et le remporter. L'Allemagne a également mis en place des dispositifs de préfinancement à l'exportation très efficaces. Je sais que le Gouvernement français travaille depuis plusieurs mois sur ce dossier et voudrais vous interroger sur les mesures envisagées pour que la mésaventure que nous avons connue ne se reproduise plus.

M. Martial Bourquin. - J'ai particulièrement apprécié l'exposé de la ministre et vous livrerai quelques observations de fond. À mon sens, il nous faut aborder de front la problématique de la compétitivité en se gardant de la réduire à la question des coûts, comme on a trop tendance à le faire. La créativité est un sujet essentiel de même que l'innovation d'usage. Il faut aussi prendre en compte la manière de vendre les produits - nous avons interrogé le groupe Peugeot-PSA à ce sujet - et de les rendre désirable. J'ajoute que la question du design doit également être posée et prise en compte dans la recherche-développement. Je rappelle que l'industrie italienne du textile s'est redressée en faisant appel aux meilleurs designers et en suivant une politique de regroupement.

Par ailleurs, je reviens du Québec où j'ai soutenu plusieurs entreprises françaises : leurs représentants qui m'accompagnaient ont été surpris de constater le très faible nombre de voitures françaises dans cette région du monde ; c'est une question de « normes », d'après ce qui m'a été indiqué par la direction de Peugeot-PSA. Je me demande dès lors comment expliquer que les constructeurs allemands et italiens soient très présents sur ce marché. S'agissant de l'agroalimentaire et du tourisme, une montée en gamme de nos produits semble nécessaire, dans ce domaine et de façon plus générale. Je termine en soulignant qu'il faut accueillir avec beaucoup de prudence les statistiques relatives aux délocalisations. En effet, aujourd'hui, l'industrie assemble des composants en grande partie fabriqués ailleurs : j'en conclus que les délocalisations existent bien même si elles ne se traduisent pas par des fermetures d'usines.

M. Alain Chatillon. - En ce qui concerne les adjudications, j'estime nécessaire de libérer les contraintes des collectivités locales en remontant un peu les seuils. N'oublions pas non plus la protection des brevets qui est essentielle pour favoriser la compétitivité de notre économie. En second lieu, je reviens à mon tour sur la question d'Ubifrance et de la Sopexa : à mon sens, il va devenir nécessaire de prendre des mesures énergiques de coordination ou de fusion. J'ajoute qu'on ne peut plus tolérer que les entreprises qui se battent à l'exportation ne soient pas assez soutenues : je déplore que la Coface ait aujourd'hui tendance à ne financer les entreprises que dans le cas où le risque-pays est quasi nul. Je prends l'exemple de l'agro-alimentaire qui commence à avoir des difficultés à obtenir la garantie de la Coface lorsqu'il s'agit d'exporter vers l'Espagne. Enfin, en ce qui concerne le financement de nos entreprises, je rappelle que le renforcement des ratios de fonds propres des banques imposé par la norme Bale III a entraîné en moyenne une baisse de moitié des crédits : comment faire, au-delà même de la mise en place de la BPI pour que le secteur bancaire redonne un peu d'oxygène aux entreprises ?

M. Marc Daunis. - Merci Madame la ministre pour votre appel à la mobilisation en faveur du commerce extérieur. Je voudrais tout d'abord vous interroger sur les mesures envisageables pour mieux articuler les filières et les régions ? Par ailleurs, comment favoriser l'intégration, dans les contrats de plan, d'un volet relatif au commerce extérieur ? Enfin, en ce qui concerne les pôles de compétitivité, je rappelle que nous investissons beaucoup dans l'université et la formation d'élites internationales. Je me demande cependant si la mobilisation et l'accompagnement de ces dernières en faveur du rayonnement de la France est suffisante lorsqu'elles rejoignent leur pays.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Nous avons bien compris, Madame la ministre, que la synergie entre les régions et la BPI va être favorable au dynamisme de nos exportations. J'ai également cru comprendre que les chambres de commerce et d'industrie seraient intégrées dans le dispositif : pouvez-vous lever le doute à ce sujet ? Je voudrais enfin souligner que, dans la liste des pays où vont immanquablement se manifester des besoins nouveaux - et donc des marchés à conquérir pour la France, il ne faut pas oublier Cuba qui, à mon sens, a un rayonnement particulier en Amérique du Sud : j'estime que la présence de la France, notamment dans les domaines de la santé et des transports, reste insuffisante.

M. Gérard César. - J'approuve moi aussi pleinement l'action volontariste de la ministre ainsi que ses objectifs ambitieux. J'insiste sur la nécessité de l'articulation des initiatives conduites au niveau territorial : il ne faudrait pas que les vingt-deux présidents de région prennent trop d'initiatives séparées pour promouvoir leur territoire à l'exportation. Une coordination entre les chambres de commerce régionales me parait souhaitable pour éviter le gaspillage des deniers publics. J'évoque à mon tour la nécessité du rapprochement entre Ubifrance et Sopexa : je pense que nous y sommes tous favorables et, Madame la Ministre, pour y parvenir, vous disposez du levier essentiel qui consiste à dispenser les crédits budgétaires. Comme l'Italie et bien d'autres pays, la France doit être représentée sous un seul pavillon.

M. Claude Bérit-Débat. - La ministre a parfaitement rappelé la situation dramatique de notre commerce extérieur et fixé un objectif clair de rééquilibrage à cinq ans. Je m'interroge sur le rôle de la BPI au niveau régional : très concrètement, comment expliquer aux PME de nos départements qui souhaitent exporter ce que va leur apporter la BPI ?

Mme Bernadette Bourzai. - Je me limiterai à souligner le caractère incompréhensiblement déficitaire de notre filière bois alors que la France abrite la première forêt d'Europe. Il me parait souhaitable de mobiliser conjointement les trois ministères en charge de l'agriculture, du redressement productif et du commerce pour remédier à cette anomalie.

Mme Nicole Bricq, ministre. - La BPI va avoir la vertu fondamentale d'être un « point d'entrée » ou un comptoir unique - je préfère cette terminologie à celle de « guichet unique ». C'est ensuite aux territoires à s'organiser de la façon la plus pertinente possible : les régions seront bien les pilotes du dispositif mais elles ne sont pas les seuls acteurs qui doivent s'impliquer. La ministre n'interviendra que si des dysfonctionnements apparaissent. Une fois la loi débattue au Parlement, c'est au préfigurateur, M. Nicolas Dufourcq qu'il reviendra de faire des propositions opérationnelles, en se posant les bonnes questions et en y répondant efficacement. En tous cas, avec la BPI, les PME sauront plus clairement à qui s'adresser.

J'ai l'habitude de rappeler que le métier de banquier implique avant tout une attention particulière à l'égard des clients. Trop nombreuses sont les entreprises qui ne disposent pas d'informations et d'accompagnement suffisants dans leur démarche exportatrice.

S'agissant des normes sociales, j'estime qu'il est essentiel non seulement de les faire respecter par un certain nombre de pays mais également de rehausser les exigences de l'OIT pour contrecarrer le « dumping ».

En ce qui concerne l'épisode des chantiers de Saint-Nazaire, il est tout à fait exact que nous avons connu une situation difficile au cours de l'été. Avec le Premier ministre nous avons monté, à l'aide de la Caisse des dépôts, une offre de prêt « sur mesure » pour rivaliser avec l'offre concurrente et nous y sommes parvenus. Au final, il nous a été indiqué que le choix de l'entreprise étrangère s'expliquait non pas en considération du prix ou des garanties de financement mais parce que les habitudes de travail étaient mieux ancrées avec le concurrent de l'entreprise STX : c'est ce qui nous a été dit. La situation est aujourd'hui très difficile pour les chantiers navals de Saint-Nazaire mais deux commandes potentielles de grande ampleur ont été identifiées. Il faut tout faire pour que le financement ne soit pas un obstacle à la conquête des marchés par nos entreprises.

En ce qui concerne la compétitivité, je vais, très directement et parce que ce n'est pas un sujet tabou, vous donner un exemple d'avantage concurrentiel en termes de prix. Dans le secteur des services aux entreprises, je rappelle que, dans les années 1990, nous étions à égalité avec les allemands voire plus performants que ces derniers. Aujourd'hui nous sommes 20 % plus chers : il y a donc bien une difficulté à résoudre. Nous savons aussi que, dans l'agro-alimentaire, les allemands ont procédé à des rationalisations en amont de la filière, ce qui leur permet d'être plus compétitifs que nous s'agissant des produits de deuxième transformation. Encore faut-il rappeler que notre agriculture est différente de celle de l'Allemagne car elle est plus diversifiée et repose sur un grand nombre de petites exploitations alors qu'en Allemagne les entreprises agricoles sont moins nombreuses et de taille plus importante. Nous n'allons certes pas sacrifier nos petites structures et donc c'est surtout par l'innovation que la France doit progresser, bien qu'on puisse également abaisser les couts de production, par exemple dans nos filières bovines et porcines.

Je mentionne également ma récente visite à deux entreprises françaises de la branche textile : voici deux entreprises extraordinaires et leader mondiaux dans leur secteur, ce qui témoigne des possibilités de réussite basées sur l'esprit d'innovation. Cet exemple montre que l'essentiel est de nous battre pour améliorer nos performances.

J'ajoute, pour m'en être entretenue avec le représentant de Peugeot, que les parts de marché de ce constructeur automobile progressent fortement à Singapour et à Manille.

En ce qui concerne la Coface : ma méthode consiste à travailler à partir d'exemples concrets et j'appelle les parlementaires à me signaler avec précision les dysfonctionnements qui peuvent être constatés. Sur cette base, mes services ont des capacités d'intervention auprès de la Coface : cela a été le cas pour la Grèce et l'État a pris ses responsabilités.

Sur les pôles de compétitivité, j'émets, tout d'abord, une certaine réserve à l'égard des tentatives de classification ou de segmentation de ces derniers selon leur capacité d'internationalisation. Je crois plus utile de les encourager tous à renforcer leur vocation internationale : un certain nombre des quelques 71 pôles de compétitivité ont été crées dans une optique d'aménagement du territoire et j'estime préférable de les aider plutôt que de remettre en cause leurs capacités.

A propos de la recherche et de la francophonie : les efforts de la France en matière de formation sont connus des jeunes du monde entier et je déplore qu'on ne parvienne pas à mobiliser suffisamment les ressortissants étrangers diplômés en France. J'ai demandé à rencontrer un certain nombre d'acteurs, comme les grandes écoles, pour leur dire qu'eux aussi ont un rôle à jouer en tant qu'agents de la diplomatie économique.

Par ailleurs, j'évoquerai simultanément le problème des brevets et celui du crédit impôt recherche. L'Allemagne n'a pas de dispositif fiscal comparable à celui du CIR et pourtant elle consacre 2,8% de son PIB à ses dépenses intérieures de recherche et développement contre 2,5% en France. De plus, et c'est là l'essentiel, elle dépose beaucoup plus de brevets que nous. Examinant les raisons de ce décalage, j'ai constaté que le coût des brevets en France était supérieur à la moyenne européenne : il y a là une anomalie et j'estime nécessaire de nous rapprocher de cette moyenne puis d'évaluer les conséquences d'un tel alignement.

Il faut, j'en conviens, accroître la présence des représentants des régions au conseil d'administration d'Ubifrance : ces représentants pourront ainsi contrôler le respect des engagements pris par cet établissement et, par ce biais, on pourra également favoriser la coordination entre les initiatives qui conduisent à un certain éparpillement des « pavillons » de promotion des produits français à l'étranger.

S'agissant, enfin, de la filière bois, je vous annonce que le fonds bois, au même titre que les autres fonds sectoriels, va être intégré à la BPI, ce qui est un élément de dynamisme. Je vous signale également que nous avons reçu au ministère du commerce extérieur les représentants de la filière bois afin d'expertiser les besoins précis de ce secteur et nous travaillons en coopération étroite avec le ministre Arnaud Montebourg pour leur apporter des réponses pertinentes.

Transition vers un système énergétique sobre - Suite de l'examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine ensuite le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 19 (2012-2013), visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.

M. Daniel Raoul, président. - Je salue Mme la ministre, qui nous a rejoints pour l'examen du titre Ier de la proposition de loi. Je donne tout d'abord la parole au représentant du groupe communiste puisque, au préalable, la commission doit se prononcer sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que ce groupe a déposée.

Exception d'irrecevabilité

Mme Mireille Schurch. - La motion d'irrecevabilité n° COM-69 concerne l'ensemble du texte. En dépit de son changement de nom, la proposition de loi comporte des cavaliers législatifs. Selon le Conseil constitutionnel, un amendement ne peut, conformément à l'exigence de clarté et de sincérité des débats, être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Dès lors, le marché de capacité (articles 7 et suivants), les éoliennes (articles 12 et suivants), le tarif progressif de l'eau (articles 13 et suivants) sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et aux articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47- 1 de la Constitution.

En outre, le dispositif de l'article 1er est contraire à l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui pose le principe d'égalité devant la loi. Le mécanisme prévu y contrevient, alors même que l'objectif recherché en termes d'économie d'énergie ne sera probablement pas atteint, tant le dispositif est complexe, incohérent et peu lisible. Le Conseil constitutionnel, qui en appelle à la sécurité juridique, à la clarté, à la qualité et à l'intelligibilité de la loi, a estimé que l'égalité devant la loi et la garantie des droits ne sont pas effectives quand les citoyens ne disposent pas d'une connaissance des normes qui leur sont applicables - un objectif difficile à atteindre avec cette proposition de loi...

De même, en introduisant une différenciation des prix sur le territoire national, avec des critères de volumes de base différenciés selon le lieu, les logements, les situations individuelles, la proposition de loi rompt avec le principe de la péréquation tarifaire, déclinaison du principe d'égalité à laquelle nous sommes attachés.

La proposition ne prend pas en compte la situation des logements anciens qui nécessitent des rénovations notamment thermiques auxquelles les occupants ne peuvent pas faire face, faute de moyens. Ces usagers seront donc pénalisés par rapport à ceux qui ont les moyens de procéder aux travaux. Il s'agit là aussi d'une rupture du principe d'égalité dans l'accès du droit à l'énergie. Ce faisant, le texte remet en cause les acquis du Conseil national de la Résistance (CNR).

Ensuite, le dispositif prévu à l'article 1er s'apparente à un dispositif fiscal : il organise un prélèvement obligatoire sur les usagers dans le but de leur faire adopter un comportement précis, le produit de cette taxe étant ensuite reversé sans aucune certitude d'équilibre. Or, en vertu de l'article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » : le législateur ne saurait abdiquer ses prérogatives, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, au profit du pouvoir réglementaire. Tant par son imprécision que par les renvois trop larges au décret, pour la définition de l'assiette notamment, la proposition de loi s'apparente à une incompétence négative du législateur.

L'instauration d'un bonus-malus est contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel « la contribution aux dépenses d'administration doit être répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés » ; l'effort fiscal doit croître avec l'importance des ressources. La proposition de loi ne respecte pas ce principe en faisant peser une large partie des malus contraints sur les familles dépourvues des moyens de procéder aux travaux d'isolation de leur maison.

Cette proposition de loi met en oeuvre la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité à travers le marché de capacité : elle entérine la privatisation de l'effacement diffus, mission qui devrait relever du service public dans un souci d'efficacité. Elle revient sur le principe posé par l'alinéa 9 du Préambule de 1946 qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Ainsi nous présentons cette motion en raison des risques d'inconstitutionnalité et parce que nous souhaitons mettre en place un véritable service public de la transition énergétique, décliné en service public de la performance énergétique ou de l'effacement, et donner une cohérence, sous maîtrise publique, aux projets de recherche et d'investissement.

Je remercie, en dépit de nos divergences, M. le rapporteur pour le travail qu'il a mené et pour nos échanges.

M. Roland Courteau, rapporteur. - La procédure n'est pas très courante devant notre commission. Vingt sénateurs, membres du groupe CRC, ont présenté une exception d'irrecevabilité. Son adoption aurait pour conséquence le rejet du texte : nos débats s'arrêteraient et la commission présenterait alors au vote du Sénat, mardi prochain, cette exception d'irrecevabilité.

Je comprends l'insatisfaction devant le mécanisme proposé par l'Assemblée nationale. Nous pouvons le modifier. Je m'y suis employé, vous le savez, puisque je vous ai rencontrée à trois reprises. Le rôle du Sénat n'est-il pas d'affiner les dispositifs votés par les députés, et inversement ? Je ne suis pas, moi non plus, entièrement satisfait par le texte : c'est pour cette raison que j'ai travaillé sur un dispositif amélioré, qui a été diffusé hier après-midi.

M. Daniel Raoul, président. - Il a été mis en ligne hier après-midi...

M. Roland Courteau, rapporteur. - ... à 17 heures...

M. Daniel Raoul, président. - ...comme convenu mardi dernier.

Mme Élisabeth Lamure. - Nous nous sommes absentés la semaine dernière.

M. Daniel Raoul, président. - Chacun assume ses absences.

M. Roland Courteau, rapporteur. - Chacun peut se déterminer en toute connaissance de cause. Encore faut-il que nous puissions discuter du dispositif que je vous propose et des autres amendements déposés par nos collègues. Voter cette motion empêcherait le Sénat de jouer le rôle qui est le sien dans le processus législatif, c'est-à-dire d'améliorer, non pas à la marge mais profondément, des dispositifs qui lui sont soumis.

Cela reviendrait à considérer le dispositif adopté par l'Assemblée nationale comme préférable à tout dispositif que pourrait élaborer notre commission, alors même que j'ai tenté, dans ma proposition, de tenir compte de toutes les idées qui m'avaient été soumises. C'est en effet la rédaction de l'Assemblée nationale qui constituerait la base de discussion pour la commission mixte paritaire ou la deuxième lecture.

Sur le fond, le mécanisme proposé ne réalise pas de différenciation des prix sur le territoire national : il est au contraire conçu pour que le montant des bonus et des malus soit, pour des ménages similaires, identique à travers tout le territoire. Le prix du kilowattheure consommé n'est pas concerné : ce dispositif aura en tout lieu les mêmes effets sur la facture.

Je rejoins les auteurs de la motion sur la nécessité de définir plus précisément dans la loi les volumes de référence : le dispositif que je propose en apporte une définition précise. D'après les études réalisées par Bercy à ma demande, ils pourraient s'élever à 6 MWh pour l'électricité et à 15 MWh pour le gaz.

Un malus de trente euros dégagerait 180 millions. Ces sommes seraient consacrées à l'amélioration de la performance énergétique dans les logements des personnes à revenus modestes, et non de celles qui ont la chance de vivre dans un logement déjà bien isolé - ce sont rarement les plus défavorisées. Quant au malus il sera plus important pour les personnes à revenu élevé, et symbolique pour les précaires.

Je suis surpris du champ de la motion : elle aurait pour effet le rejet de l'ensemble du texte, y compris l'extension de l'application des tarifs sociaux et la généralisation de la trêve hivernale. Le Sénat a adopté, le 21 décembre dernier, le principe de la généralisation de la trêve hivernale sur une proposition faite par le groupe CRC. Pourquoi les mêmes sénateurs refusent-ils aujourd'hui son extension ? Pourquoi n'ont-ils pas simplement déposé des amendements de suppression de l'article premier et des autres articles auxquels ils sont opposés ?

En conclusion, cette proposition de loi ne présente aucun risque d'inconstitutionnalité. La motion ne porte en réalité que sur un seul article, mais si elle était adoptée, l'Assemblée nationale serait à nouveau saisie de son propre texte et le Sénat serait dans l'impossibilité de faire entendre sa voix. Je propose donc un avis défavorable.

M. Daniel Raoul, président. - Je suggère qu'un orateur de chaque groupe s'exprime.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je salue le travail important du rapporteur. Je comprends les difficultés qui l'assaillent, et auxquelles il saura répondre.

Les intentions de François Brottes étaient intéressantes : maîtriser la consommation énergétique - objectif que nous avons porté lors du Grenelle de l'environnement -, et élargir le champ des personnes démunies susceptibles de bénéficier des tarifs sociaux, objectif auquel nous adhérons également.

L'erreur toutefois est de courir deux lièvres à la fois, voire trois si l'on ajoute la question des éoliennes. Cela fait beaucoup pour un fusil à un coup... Le déclenchement de la procédure accélérée a pu laisser penser que les parlementaires ne pourraient pas réellement s'exprimer ; l'examen du texte à suscité quelques cafouillages à l'Assemblée nationale ; les délais au Sénat, étranges en raison de l'urgence déclarée, s'ils tiennent en partie à l'absence de Mme la ministre, révèlent surtout l'embarras de la majorité socialiste et l'opposition de ses alliés communistes. Le texte est extrêmement compliqué, inapplicable. Les représentants des services fiscaux, auditionnés par le rapporteur, ont avoué leur difficulté à mettre en oeuvre les dispositions votées par l'Assemblée nationale. Les bonnes intentions ont été formulées de telle sorte que personne n'en comprenne les modalités pratiques.

L'examen en commission la semaine dernière a donné lieu à un scénario inédit : la motion d'irrecevabilité, présentée aujourd'hui, a été annoncée, puis son examen réservé ; on nous a annoncé que certains articles seraient réécrits, tandis que le titre II serait discuté ; des amendements ont été examinés, voire votés, dont une disposition renvoyant au titre Ier dont l'examen était pourtant reporté...

Les modifications apportées par le rapporteur aggravent le renvoi au pouvoir réglementaire, dépossédant le législateur de ses prérogatives. Ce n'est pas de bonne méthode : La loi doit fixer des normes précises, même si des décrets précisent les modalités d'application.

Il apparaît impossible, dans l'intérêt de tous, de poursuivre l'examen de ce texte. Nous sommes prêts à travailler ensemble - le temps écoulé depuis le dépôt de cette proposition de loi aurait d'ailleurs pu y être consacré -, pour trouver les moyens de contenir la consommation d'énergie et apporter des réponses adéquates aux personnes démunies. Pour des raisons de forme et de fond nous voterons la motion d'irrecevabilité.

M. Vincent Capo-Canellas. - En l'absence de M. Jean-Claude Merceron, je retrouve la commission agitée par deux problèmes, de fond et de méthode. Le rapporteur souhaite améliorer un texte qui, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, a suscité de la circonspection au mieux, et surtout de l'embarras, car il est inapplicable : usine à gaz, foisonnant selon les mots du rapporteur, contraire au bon sens, il se révèle intrusif au regard notamment de la déclaration fiscale - l'administration fiscale aura d'ailleurs les pires difficultés à accomplir son travail -, sans parler des croisements des fichiers pour les entreprises. Ses effets induits seront contraires à ceux recherchés : il s'inscrit dans une logique de hausse des tarifs, peut-être inévitable, mais tel n'est pas l'effet annoncé ; il risque de donner le sentiment que l'on peut acheter le droit de consommer trop. Il vaudrait mieux une logique incitative et non répressive. Je ne parle pas du fonds créé, que la Caisse des Dépôts n'est pas volontaire pour gérer, ni de l'équilibre entre malus et bonus.

Est-il envisageable d'avancer une contre-proposition en quelques jours, alors qu'un travail de fond aurait dû être mené avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ? Peut-on examiner ce texte indépendamment de celui sur la transition énergétique à venir ? Nous ne le pensons pas. La proposition de loi est à la fois compliquée, foisonnante, inapplicable et lacunaire. Je salue la tentative du rapporteur de trouver, en quelques jours, une solution à un problème kafkaïen. Nous avons étudié avec attention ses propositions : elles ne règlent pas tout. Faute d'évaluations et d'études d'impact, ce serait un saut dans l'inconnu. Entre l'amendement de réécriture qui retoque l'article 1er et le rejet du texte, il n'y a qu'un pas, que nous franchissons. Nous soutenons la motion.

M. Robert Tropeano. - M. le rapporteur a réalisé un travail remarquable pour améliorer ce texte. Je soutiens ses recommandations. Nous devons surtout penser aux personnes à revenu modeste dont les logements sont souvent mal isolés. Elles n'ont pas les moyens de les isoler, elles ont déjà du mal à se chauffer. Le groupe RDSE votera contre la motion.

M. Joël Labbé. - Les procédures accélérées successives incitent à la précipitation, même si je reconnais qu'il y a urgence à légiférer sur ce sujet, que j'ai étudié avec mon collègue Ronan Dantec. Certains arguments de Mireille Schurch sont pertinents. Toutefois un travail important a été mené, dans un esprit de concertation. Nous soutenons l'objectif de maîtrise de la consommation énergétique, d'amélioration de l'habitat en tenant compte de la situation des foyers les plus pauvres. Nous approuvons aussi la création d'un mécanisme de bonus-malus, dont nous aimerions qu'il soit plus équitable et plus incitatif, et la relance de l'éolien. Nous voterons contre la motion afin d'enrichir le texte par des amendements.

M. Jean-Jacques Mirassou. - Le rapporteur n'a ménagé ni son talent ni son temps pour améliorer la rédaction de ce texte - peu satisfaisante, tout le monde en convient - et notamment la mise en oeuvre technique des dispositions du titre Ier. Je lui dis toute notre gratitude : dans un laps de temps court, il a réussi à conduire de nombreuses concertations. Toutefois, qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage. Certains ont l'idée préconçue de sanctionner le travail du rapporteur et celui du Sénat. Considérer que le texte de l'Assemblée nationale est à prendre ou à laisser, c'est faire peu de cas du rôle de notre rôle de législateur. En guise d'arguments, on mêle l'incompétence négative du législateur, la remise en cause des principes du CNR, voire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Or si l'électricité était déjà inventée à la Libération, les glorieux révolutionnaires de 1789 apprécieraient de se voir invoqués au sujet de la transition énergétique !..

La cinquième puissance mondiale peut-elle tolérer, au XXIe siècle, que 8,5 millions de personnes, à l'approche de l'hiver, aient peur de ne pas pouvoir se chauffer ? Non ! Le président de la République avait fait des propositions pour remédier à cette injustice sociale et à cette aberration.

Au-delà du bonus malus, initiant un cercle vertueux, ce texte répond à une forme patente d'urgence sociale en étendant la tarification sociale et la trêve hivernale. En jetant le bébé avec l'eau du bain, certains prennent le risque d'expliquer pourquoi ils nient l'urgence sociale. En ce qui nous concerne nous accomplirons notre travail de parlementaires dans les départements. Que chacun prenne ses responsabilités : l'adoption de la motion d'irrecevabilité va redonner la main à l'Assemblée nationale. Ceux-là mêmes qui arguent que le texte n'est pas bon et refusent le travail d'amendements reviendront à la situation initiale. Comprenne qui pourra...

Il s'agit d'une occasion, voire d'un acte manqué. Ces pensées ou plutôt ces arrière-pensées décevront ceux qui vivent en situation d'urgence sociale seront déçus. Nous voterons contre la motion.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. - Je n'étais pas présente lors de la première réunion d'examen du texte par votre commission, parce que je représentais la France à la Conférence internationale sur la biodiversité. Je remercie M. le rapporteur de son travail, le gouvernement s'étant toujours montré ouvert à des améliorations.

La notion de cavalier législatif est encadrée par l'article 45 de la constitution. Tout amendement est recevable en première lecture s'il présente un lien même indirect avec le texte. Or toutes les dispositions sont en lien avec la proposition de loi : le mécanisme de capacité est lié à celui d'effacement ; l'expérimentation d'une tarification progressive et sociale de l'eau est conforme au régime d'accès aux biens essentiels ; pour les éoliennes enfin, il y a une urgence industrielle à légiférer en raison des emplois menacés dans le secteur des énergies renouvelables.

En ce qui concerne le principe d'égalité, le texte remédie à une inégalité non encore prise en compte, celle des différences géographiques. Nous ne sommes pas tous égaux face aux caprices climatiques.

Oui, le texte s'inscrit bien dans le prolongement des acquis du CNR. Il ne remet en cause ni la péréquation tarifaire ni le principe d'unicité des tarifs de l'énergie, mais ajoute un dispositif de bonus-malus soutenant les comportements écologiques vertueux. Par l'extension des tarifs sociaux, il répond en outre à une urgence sociale, l'explosion de la précarité énergétique qui frappe 8,5 millions de personnes, tandis que la création d'un service public de la performance énergétique aidera les 4 millions de Français dont les logements sont des passoires thermiques.

Les enjeux de la lutte contre le gaspillage et la précarité énergétiques devraient nous rassembler. Si l'on peut discuter des modalités, et tel est l'objet du débat parlementaire, il est dommage de couper court à une discussion, susceptible d'aboutir à un nouveau progrès social ou environnemental, alors même que le Sénat avait adopté en 2011 le principe de la tarification progressive et celui de la trêve hivernale.

Enfin, comme ministre et comme femme de gauche, je regrette que le groupe communiste même sa voix à celle de la droite...

M. Gérard Le Cam. - C'est l'inverse !

Mme Delphine Batho, ministre. - ...pour faire obstacle à un texte porteur d'idées nouvelles en matière de justice sociale et d'efficacité écologique.

M. Gérard Bailly. - C'est une usine à gaz !

M. Daniel Raoul, président. - Nous allons procéder au vote. A la demande du groupe UMP, les délégations de pouvoir sont autorisées.

M. Pierre Hérisson. - Je demande une suspension de séance.

M. Didier Guillaume. - Les délégations de pouvoir ne sont acceptables que si elles ont été enregistrées avant le vote. On n'interrompt pas un vote en cours. Dans la précédente mandature, il avait été convenu sur proposition du président Emorine, de ne pas recourir aux délégations de pouvoir. Nous n'y avions jamais eu recours.

M. Pierre Hérisson. - Les délégations sont de droit.

La motion n° COM-69 est adoptée par vingt voix contre dix-neuf.