Mardi 27 novembre 2012

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Établissements publics de coopération culturelle - Communication

La commission entend une communication de M. Pierre Bordier et de Mme Cécile Cukierman, co-présidents du groupe de travail sur les établissements publics de coopération culturelle (EPCC).

Mme Cécile Cukierman, co-présidente. - Voilà dix ans, avec la loi de 2002, initiée par notre ancien collègue Ivan Renar, le Parlement créait l'établissement public de coopération culturelle. En 2006, notre commission a confié à l'auteur de la loi le soin d'en établir un premier bilan d'application. Les conclusions de son rapport d'information ont conduit à l'adoption de la loi du 22 juin 2006, modifiant celle de 2002. Cette loi a été adoptée à l'unanimité : ceci est suffisamment rare pour être rappelé. C'est dire si elle était attendue, tant par les collectivités publiques que par les professionnels.

Notre expérience concrète de son application ainsi que des remontées venues du terrain, nous ont conduits à vous demander de créer un groupe de travail dont nous vous remercions de nous avoir confié la responsabilité. Composé de 10 membres de notre commission, son objectif était d'identifier les problèmes de mise en oeuvre et d'évaluer s'il y avait ou non lieu d'amodier les textes en vigueur.

Nous avons engagé nos travaux mi septembre et les avons concentrés sur 5 semaines. Nous avons entendu une trentaine de personnes, au cours d'un déplacement en région, 6 auditions et deux tables rondes au Sénat : l'une avec des représentants des associations d'élus, l'autre avec des représentants des différents ministères concernés (culture, finances, intérieur, réforme de l'État). Après la naissance de l'EPCC et l'âge de raison, est donc venu celui de la maturité. Nous évoquerons successivement, et à deux voix, les raisons du succès de l'EPCC, les difficultés néanmoins rencontrées et nos propositions pour les résoudre. Nous achèverons notre communication en abordant la question spécifique du passage des établissements d'enseignement supérieur artistiques en EPCC.

M. Pierre Bordier, co-président. - Le recours au statut d'EPCC va croissant et ses mérites sont soulignés par tous les interlocuteurs. Tout d'abord, je rappelle que l'EPCC est une structure juridique permettant d'organiser le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales, ou entre ces dernières seules si elles le souhaitent, pour la gestion d'équipements culturels structurants. L'EPCC s'inscrit dans la logique de la décentralisation culturelle et répond au besoin d'organiser le cofinancement de projets culturels engagés sur les territoires.

Comme le Comité de liaison des EPCC l'a rappelé devant notre commission, l'EPCC a connu trois vagues de création :

- la première répondait à un besoin de regroupement de structures, en général existantes et souvent associatives ;

- une nouvelle génération d'établissements a répondu au choix, parfois par défaut, d'un statut permettant de développer de nouvelles missions ;

- la troisième vague concerne les écoles d'art, en vue de développer des pôles d'enseignement supérieur culturel, dont nous parlerons plus loin.

Au total, on compte environ 70 EPCC sur le territoire. Leur champ d'intervention est très large : le secteur de la création artistique est le plus concerné (théâtres, opéras...), puis viennent l'enseignement supérieur et le patrimoine. Les industries culturelles et la lecture publique ont eu moins recours à ce statut. Certains EPCC ont un double champ de compétence ou sont pluridisciplinaires (comme certaines agences culturelles régionales). La participation des collectivités publiques est variable : en général communes et/ou établissements publics de coopération intercommunale ; un ou deux départements dans environ la moitié des cas ; les régions et l'État également dans la moitié des cas. Nous avons été frappés par le consensus des personnes auditionnées autour des mérites et atouts de l'EPCC. Voici les avancées qu'il peut permettre :

- une réflexion approfondie des différents partenaires publics sur leurs objectifs, moyens et priorités en faveur des politiques culturelles ;

- la mise en oeuvre d'une véritable stratégie en termes de politique culturelle territoriale, permettant de prendre en compte la spécificité des dynamiques locales. C'est un gage de pérennité des actions conduites, au-delà des sensibilités et éventuelles alternances politiques ;

- l'EPCC permet la coopération et la mise en commun de moyens publics, afin de conduire des actions artistiques et culturelles ambitieuses, le cas échéant transdisciplinaires, qu'aucun des échelons territoriaux ne pourrait conduire seul ;

- une meilleure visibilité des projets, donc des territoires et de leur attractivité culturelle ;

- un meilleur service rendu aux concitoyens dans un souci d'équité d'accès sur les territoires (mises en réseaux, incitation à la diffusion, etc.) ;

- éventuellement, des économies d'échelle (après absorption des coûts de mise en place).

Le paysage n'est cependant pas sans nuages : de nouveaux problèmes sont apparus depuis 2006.

Compte tenu de la diversité des EPCC, chaque cas est certes particulier. Néanmoins, certains problèmes sont largement partagés : quelles conditions faut-il remplir pour décider d'opter pour le statut d'EPCC ? Quelle place et rôle l'État doit-il occuper ? Par ailleurs, certaines adaptations législatives s'avèrent nécessaires, en particulier dans le domaine fiscal et concernant le statut du directeur d'établissement. Il est nécessaire de rappeler les conditions du succès, pour prémunir d'une éventuelle désillusion.

Certains EPCC semblent pâtir de difficultés entre les partenaires, en raison d'une insuffisante préparation en amont, d'accords insuffisamment clarifiés ou sujets à interprétation sur les objectifs et moyens.

Première recommandation : préalablement à la création d'un établissement, les collectivités publiques devraient impérativement mesurer la réelle volonté politique de chaque partie et définir le projet de manière approfondie. Le choix du statut juridique doit résulter d'une analyse partagée et non constituer un postulat posé a priori. A défaut, le risque est de choisir l'EPCC pour de mauvaises raisons et d'en sous-estimer les coûts et contraintes propres. A cette fin, la feuille de route à suivre devrait comporter plusieurs étapes :

- étudier la pertinence des politiques publiques et leur organisation sur le territoire ;

- définir précisément la nature et le périmètre du projet, dans toutes ses dimensions : culturelles, artistiques, sociales, pédagogiques, et bien sûr, territoriales ; mais aussi financières, le surcoût du passage en EPCC étant évalué à environ 20 % (recrutement de compétences juridiques, de gestion des ressources humaines, comptabilité publique, maintenance, gardiennage...) ;

- ensuite seulement, se poser la question du mode de gouvernance et de gestion. A cet égard, l'EPCC - qui peut être à caractère administratif, ou industriel et commercial - présente à la fois des lourdeurs mais aussi une souplesse appréciable. Nous réaffirmons donc le caractère central du projet lui-même, impulsé par la volonté politique des partenaires dans l'esprit collaboratif voulu par le législateur.

Comme l'avait indiqué notre présidente, Marie-Christine Blandin, l'EPCC doit être un « objet commun de désir », au service de l'intérêt général culturel et artistique. Ce dernier ne se résume pas à l'addition des apports de chacun mais bien à un projet partagé et porté par tous, au-delà des intérêts propres à chaque collectivité. La coopération permet alors de sortir d'une éventuelle rivalité entre collectivités et/ou structures.

Il faut aussi rappeler que le projet doit être d'une taille suffisante pour justifier la création d'un établissement public, dont les coûts sont réels, et permettre à terme des économies d'échelle. Si l'on part d'une structure municipale ou intercommunale, il conviendra de recruter des compétences administratives et techniques, le recours aux services communaux étant désormais interdit ; si l'on part d'une structure associative, il est important d'anticiper notamment le coût du passage à la gestion publique. Le budget annuel minimal pour passer en EPCC est évalué à un million d'euros. Il faut aussi bien entendu s'assurer de disposer des ressources pérennes nécessaires au développement du projet dans le temps. Il est essentiel que les dispositions des statuts relatives aux apports et contributions respectives des partenaires soient rédigées avec le plus grand soin, de façon à prévenir toute difficulté dans leur application ou dans leur interprétation. Il en est de même pour les transferts ou acquisitions ; s'est ainsi posée par exemple la question de la propriété de collections de tableaux...

Deuxième recommandation : il convient également d'étudier en amont l'opportunité d'autres statuts juridiques, ceci d'autant plus que la palette des instruments s'est étoffée depuis la loi du 28 mai 2010, avec la société publique locale (SPL). Relevons que certains d'entre eux présentent l'avantage de n'être pas soumis aux règles communautaires de mise en concurrence : c'est notamment le cas de la régie municipale, du syndicat communal ou intercommunal, et de la SPL. La SPL, inexistante au moment de la création et de la révision de la loi EPCC, peut constituer une bonne alternative si toutes les conditions évoquées précédemment ne sont pas réunies et que l'État n'est pas partie prenante.

Je vous en rappelle les principales caractéristiques :

- le champ d'intervention de cette société anonyme, limité aux strictes compétences des collectivités locales, couvre l'exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial et le large champ des activités d'intérêt général ;

- son capital doit être détenu à 100 % par au moins deux collectivités territoriales (ou leurs groupements), à l'exclusion donc de l'État ;

- elle ne peut travailler que pour ses seuls actionnaires et uniquement sur leurs territoires.

Mme Cécile Cukierman, co-présidente. - Il faut trouver la juste place de l'État.

Je rappelle que la participation de l'État à un EPCC est optionnelle et qu'il n'est pas présent dans une majorité d'établissements (hors enseignement supérieur). L'État est rarement présent quand la région ne l'est pas. Sa présence est perçue comme un moyen de sécuriser dans la durée le fonctionnement des équipements culturels. Dans l'esprit du législateur de 2002, dans tous les cas, il doit légitimement jouer son rôle de garant, arbitre et conseil. La loi de 2002 limitait le nombre de représentants de l'État au conseil d'administration des établissements créés avec la participation de l'État à un plafond égal « à la moitié du nombre des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements ». Cette règle ayant pu être identifiée comme un frein à l'implication de l'État au sein des EPCC, la loi de 2006 l'a supprimée. En outre, aucune règle n'impose un rapport de proportionnalité entre le nombre de sièges réservés au CA à chacun des membres et leurs apports ou contributions financières respectifs. Les modalités de représentation de chaque partenaire sont donc librement fixées entre eux, d'un commun accord, dans les statuts de l'établissement. On a pu penser que la place de l'État se trouvait ainsi confortée, dans le respect de l'esprit de partenariat.

Distinguer poids politique et poids financier s'avère cependant parfois délicat dans la pratique, l'État étant souvent financeur très minoritaire. Les représentants de l'État semblent parfois peiner à faire entendre la voix de l'État, le principe « celui qui paye décide » s'appliquant assez largement.

Notre commission a toujours insisté cependant sur la nécessité que l'État exerce pleinement ses missions d'expertise, de conseil, de garant de l'intérêt général, et parfois d'arbitre, dans le respect des prérogatives des collectivités territoriales.

Un équilibre est sans doute à trouver, au cas par cas, sachant que le positionnement de l'État est parfois délicat compte tenu de ses multiples autres casquettes : contrôle de légalité, conduite de la politique culturelle nationale (dont les enjeux peuvent se distinguer de ceux des collectivités), contrôle scientifique et technique, application de règles d'ordre public (s'agissant des musées, par exemple), agrément pour la délivrance de diplômes le cas échéant...

Par ailleurs, la règle de l'annualité budgétaire qui s'impose, suscite deux types de préoccupations :

- les EPCC craignent qu'un éventuel désengagement de l'État n'entraîne à son tour une moindre implication des collectivités territoriales, au risque de fragiliser le projet ;

- à l'inverse, en période de budget contraint, les autres acteurs de la culture craignent de subir les conséquences d'arbitrages des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) favorables aux EPCC mais au détriment d'autres structures.

Pour garantir la juste place de l'État, nous proposons :

- que les EPCC s'engagent à donner à la DRAC les moyens d'assurer son rôle d'expert et de garant de l'intérêt général (information en amont, au même titre les autres collectivités publiques, concertation...) ;

- de demander à l'État de mieux prendre en compte, dans sa participation financière, les surcoûts liés à la structuration administrative des établissements ;

- de mieux articuler la participation des services centraux et décentralisés du ministère de la culture et de la communication, les DRAC devant être davantage épaulées pour suivre les thématiques pointues ;

- de désigner un référent EPCC au sein du ministère (un profil de juriste au secrétariat général). Pôle ressource transversal, il serait un point d'appui tant pour les DRAC que pour les élus et professionnels. L'un de ses rôles serait, en concertation avec le ministère de l'intérieur, de centraliser les arrêtés préfectoraux de création d'EPCC.

M. Pierre Bordier, co-président. - Il est essentiel de solutionner les problèmes fiscaux menaçant certains EPCC. Une difficulté majeure, inconnue en 2002 et 2006, est désormais relayée par une majorité d'interlocuteurs. Elle tient au statut fiscal complexe et défavorable des EPCC. S'agissant de la taxe sur les salaires, il existe deux cas de figure :

- si les subventions de fonctionnement perçues par l'établissement sont imposables à la TVA, la taxe sur les salaires n'est pas applicable ;

- si elles ne le sont pas, la taxe s'applique.

Ce second cas est devenu courant, la jurisprudence européenne (arrêt SATAM de 1993) ayant resserré les critères d'application de la TVA.

L'instruction fiscale du 16 juin 2006 a pris acte de ces évolutions. Depuis lors, à moins d'être assimilées à une subvention complément de prix (c'est-à-dire octroyées exclusivement pour compléter le prix demandé au public pour le bien vendu ou service rendu), les subventions se voient appliquer l'article 231 du code général des impôts (CGI) relatif à la taxe sur les salaires. Pour bon nombre d EPCC, à forte masse salariale, la charge fiscale a alors décuplé. Cette situation met en péril l'équilibre financier de certains EPCC, voire leur pérennité, et constitue un frein à la création de nouvelles structures.

Le cas de l'EPCC de l'Yonne, où nous nous sommes déplacés, est emblématique : commune et conseil général créent un EPCC pour reprendre les missions et activités (d'enseignement artistique) de structures locales existantes, qui étaient elles-mêmes exonérées de taxe sur les salaires. Pourtant, sans alerte préalable d'aucun des représentants de l'État, les services fiscaux ont assujetti l'établissement à la taxe, quand bien même d'autres EPCC similaires ne le seraient pas...

Je rappelle que l'article 231 du CGI prévoit des exemptions de taxe, notamment pour les collectivités locales, leurs régies personnalisées et leurs groupements, ou encore des établissements d'enseignement supérieur délivrant au nom de l'État des diplômes sanctionnant cinq années d'études, lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la TVA. L'EPCC de l'Yonne semblait entrer dans ce cadre. L'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise ce qu'on entend par « groupements de collectivités locales » : il mentionne notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats mixtes. Une interprétation favorable de ces articles permettrait de traiter un EPCC constitué en établissement public administratif comme un groupement de collectivités au sens de ces articles.

Les représentants de Bercy auditionnés considèrent cependant qu'il n'y a aucune raison que l'EPCC ne contribue pas à l'abondement du budget de l'État et craignent l'effet « boîte de Pandore » de la part d'autres types d'établissements. Mais, dans le même temps, les collectivités sont incitées à trouver des solutions de mutualisation, sachant que nous sommes tous très attachés à la clause de compétence générale pour la culture, ce qui implique des financements croisés ou mis en commun.

L'exception culturelle plaidée à Bruxelles ne pourrait-elle pas trouver à s'appliquer sur le territoire national ?

Il nous apparaît nécessaire :

- que le ministère des finances interprète favorablement les dispositions législatives relatives à la taxe sur les salaires (articles 231 du CGI et L. 5111-1 du CGCT) ;

- à défaut, d'inscrire l'EPCC à caractère administratif au titre des dérogations à l'assujettissement à la taxe sur les salaires prévues à l'article 231 du CGI ;

- de former les comptables publics aux spécificités des EPCC et, plus généralement, des secteurs culturels.

S'agissant de la TVA, il arrive qu'une collectivité prenne la maîtrise d'ouvrage pour bénéficier du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), alors même qu'il serait parfois plus pertinent que l'EPCC l'assure lui-même.

Par ailleurs, l'État n'étant pas éligible au FCTVA, il est arrivé qu'il se retire d'un EPCC pour que ce dernier puisse y accéder (à Nantes). Cette situation n'est pas satisfaisante.

Les statuts de l'EPCC pourraient prévoir que ce dernier assurerait la maîtrise d'ouvrage si nécessaire.

Le statut du directeur devrait être utilement conforté.

L'EPCC dispose de la personnalité morale et d'une autonomie, incarnée par son directeur dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le CA. Ce statut donne une certaine stabilité à la fonction, le directeur ne dépendant pas d'une seule autorité politique. Mais il s'avère parfois difficile de trouver l'équilibre entre le légitime intérêt des élus et l'autonomie du directeur.

Les directeurs, mais aussi d'autres interlocuteurs, insistent sur la nécessité de conforter ce statut, notamment au moment de la nomination et du renouvellement du mandat.

Nos propositions visent à conjuguer nécessité de donner au directeur le temps de mettre en oeuvre le projet et faculté pour les collectivités de renouveler le titulaire du poste.

Nous proposons de modifier la loi EPCC pour :

- faire passer la durée du mandat initial du directeur à 5 ans (au lieu de l'option 3 à 5 ans) ;

- prévoir un bilan d'étape à l'issue d'une période de 3 ans, afin de permettre une inflexion si nécessaire ;

- procéder à une évaluation à échéance de 4 ans, dans la perspective du renouvellement du mandat ;

- avant l'échéance du mandat, informer le directeur suffisamment en amont avant d'ouvrir le poste ;

- engager une réflexion au ministère de la culture sur les conditions de transition entre ce statut et la suite de la carrière.

Par ailleurs, nous souhaitons attirer votre attention sur des questions spécifiques à certains secteurs :

- en cas de transformation d'un centre dramatique national (CDN) en EPCC, le mode de nomination du directeur prévu par la loi entre en contradiction avec la nomination par le ministre de la culture prévue pour ce type de salle labellisée. Une procédure d'agrément par le ministre pourrait être envisagée, ce point méritant d'être discuté avec les représentants des élus.

- dans certains secteurs (musées par exemple), la loi réserve l'emploi de directeur à un personnel scientifique formé à cette fin. Tel n'est pas le cas en revanche pour les bibliothèques et médiathèques, qu'un nombre croissant de collectivités envisagent de transformer en EPCC. Ceci suscite des inquiétudes, la possibilité étant ouverte de recruter un directeur « manager » mais ne disposant pas des compétences scientifiques nécessaires.

Nous avons également divers autres sujets de préoccupation.

Quid des représentants des personnels membres du conseil d'administration ?

La question de l'articulation entre CGCT et code du travail se pose sans qu'une réponse claire ait pu être apportée par le ministère de la culture.

Il est nécessaire de prévoir des formations adaptées à destination des élus.

Il serait utile :

- d'une part, de faciliter le développement de l'EPCC en permettant l'adhésion de nouveaux partenaires sans que chacune des collectivités membres ait nécessairement à soumettre cette décision à délibération ;

- d'autre part, d'assouplir les conditions de sortie du statut d'EPCC, l'évolution du projet ou des partenariats pouvant le nécessiter.

L'Institut français et les EPCC devraient développer leurs relations en vue de conduire des actions à l'international.

Mme Cécile Cukierman, co-présidente. - Je souhaite enfin évoquer le cas des établissements supérieurs d'enseignement artistique. La dernière vague de création d'EPCC explique une bonne part des crispations observées récemment. Et pour cause : l'esprit de la loi a été dévoyé, le principe de volontariat ayant été bafoué. L'objectif est certes louable : il s'agit d'intégrer l'enseignement artistique dans le système européen d'enseignement supérieur organisé par les accords de Bologne, qui exigent l'autonomie juridique des établissements délivrant les enseignements et diplômes nationaux. Après une longue concertation entre les deux autorités de tutelle (ministères de la recherche et de l'enseignement supérieur), et entre l'État et les villes sur les statuts envisageables, celui de l'EPCC a été imposé.

La loi de 2006 avait certes prévu cette faculté, mais le processus s'est fait à marche forcée. Alors que les écoles s'attendaient à ce changement à échéance de fin 2011, le calendrier s'est brutalement accéléré à la rentrée 2010, pour imposer cette mutation avant le 31 décembre (en vue d'une première délivrance de diplôme en 2012).

Aujourd'hui, 31 EPCC regroupent les 54 écoles territoriales d'art préexistantes, l'effet taille permettant la visibilité des établissements, leur plus grand rayonnement et la mutualisation des enseignements. L'offre de formation du spectacle vivant devrait aussi, à terme, être constituée autour d'une dizaine de pôles d'enseignement supérieur pluridisciplinaires constitués en EPCC. Trois sont déjà créés, d'autres sont en cours d'élaboration, et deux regroupent à la fois arts plastiques et spectacle vivant.

Plusieurs problèmes se posent :

- la brièveté des délais a conduit à se concentrer sur les aspects juridiques et administratifs plus que sur le projet pédagogique et de recherche, ceci d'autant plus que les lourdeurs administratives ont été souvent sous-évaluées ;

- il s'avère difficile de rassembler dans un même établissement des personnels aux statuts souvent très divers. Leur harmonisation poserait des problèmes de nature juridique et financière, les fonctionnaires de l'État étant mieux rémunérés que les fonctionnaires territoriaux, lesquels sont eux-mêmes traités de diverses façons selon les collectivités... La question de la revalorisation du statut des enseignants des écoles territoriales est néanmoins posée ;

- les difficultés sont accrues dans les établissements multisites et pluridisciplinaires. Le cas breton est le plus complexe : il regroupe 4 sites et des personnels ayant 9 statuts différents ;

- en outre, les personnels semblent avoir été insuffisamment informés en amont du processus et les enseignants pas assez associés ;

- le positionnement du directeur et des enseignants est parfois délicat : les directeurs n'exercent pas d'autorité hiérarchique sur les enseignants mis à disposition, ce qui peut rendre difficile la conduite du projet d'établissement ; des enseignants leur contestent d'ailleurs ce rôle, qui devrait selon eux revenir à un pair ;

- les personnels (enseignants et non-enseignants) et les étudiants participent aux instances de gouvernance (conseil d'administration - CA -, conseil pédagogique, conseil scientifique) mais leur participation au CA est faible au regard de la situation des universités ;

- certains demandent un renforcement de la place des personnalités qualifiées au sein du CA.

Certaines des préoccupations exprimées devraient s'apaiser à l'issue du processus de transition. D'autres renvoient clairement à l'inadéquation du statut d'EPCC aux spécificités de l'enseignement supérieur artistique. Il conviendra de prévoir une meilleure articulation entre ce dispositif et le système général d'enseignement supérieur. Nous estimons que si la nécessité d'ajustements législatifs se confirmait pour prendre en compte ces spécificités, ils devraient concerner les seuls établissements d'enseignement supérieur. Un texte ou un volet particulier de la loi EPCC pourrait leur être consacré dans cette optique.

Les problèmes liés aux statuts des personnels doivent être traités par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, suite aux propositions que devrait élaborer le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

M. Pierre Bordier, co-président. - Pour conclure, le bilan de l'EPCC est largement positif. La loi mérite néanmoins quelques modifications, qui pourront soit faire l'objet d'une proposition de loi sénatoriale, soit être examinées à l'occasion du prochain projet de loi de décentralisation. Son application nécessiterait un respect plus scrupuleux de ses principes par l'État et, parfois, par certaines collectivités. Pour terminer, je vous dirai que l'EPCC est une exception culturelle juridique et administrative française.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Je vous confirme que l'ambiance de ce groupe de travail a été particulièrement bonne et que j'ai retrouvé dans cette communication tout ce qui avait été dit lors des auditions.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - C'est un document très précieux et nous sommes parfaitement dans notre rôle d'appui aux collectivités territoriales. Si vous en êtes d'accord, nous allons publier une plaquette « 4 pages » que vous pourrez utiliser à l'intention de vos élus. Nous l'enverrons également à Mmes Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la Fonction publique, et Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Le sujet a été fouillé et les préconisations sont assez consensuelles. Elles vont dans le bon sens. Chacun, au vu de ce qui se passe sur le terrain, peut constater que des évolutions sont nécessaires. La plus difficile à faire accepter par Bercy sera le régime fiscal dérogatoire.

Mme Cécile Cukierman, co-présidente. - Parmi les personnes auditionnées, nous avons pu entendre une grande diversité d'acteurs locaux, professionnels et institutionnels qui ont tous montré leur volonté de témoigner et de contribuer à une réflexion pour une amélioration du système. Les résultats de notre groupe de travail sont attendus au-delà de cette communication sur les suites à donner.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pour faire suite aux travaux de notre collègue Vincent Éblé, comment l'Europe regarde-t-elle le cas des EPCC ?

Mme Cécile Cukierman, co-présidente. - Il faut rester très prudent. L'objectif est d'avoir une interprétation commune.

M. Pierre Bordier, co-président. - C'est toute la différence entre les subventions et les participations financières des collectivités territoriales.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Il serait peut être nécessaire de demander à la ministre de la culture de sécuriser cette notion auprès de Bruxelles.

Loi de finances pour 2013 - Audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Puis la commission procède à l'audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi de finances pour 2013.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Pour vous entendre sur votre budget, madame la ministre, nous accueillons nos collègues de la commission des affaires économiques et le rapporteur spécial de la commission des finances. A l'issue des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, bien des points restent en suspens. Nous attendons le projet de loi annoncé pour 2013 avec impatience.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Nous participions ce matin aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous l'égide de M. Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, et de Mme Françoise Barré-Sinoussi, présidente du comité de pilotage de ces Assises, prix Nobel de médecine en 2008. La présence du Premier ministre y a été le signe d'un engagement fort du Gouvernement en faveur de la recherche. Le rapport du comité de pilotage sera remis au Président de la République le 17 décembre prochain ; un projet de loi d'orientation pour la recherche et l'enseignement supérieur suivra au cours du premier semestre 2013 après un temps de concertation, car certaines questions n'ont pas pu être tranchées dans le cadre des Assises.

Le budget 2013 amorce des transformations. Vous connaissez la situation financière difficile des universités, le statut des précaires dans les organismes de recherche, les chiffres médiocres de la réussite des étudiants en premier cycle, les conditions d'accueil des étudiants étrangers qui pourraient être meilleures. Le budget augmente de 2,2 % à structure courante - il devait initialement baisser de 3,5 %. Il s'inscrit dans le budget de combat voulu par le Premier ministre en faveur de la croissance, de l'emploi, de la compétitivité, de l'innovation ; il parie sur la jeunesse, la formation et l'avenir ; il favorise la justice sociale, au moment où l'ascenseur social ne fonctionne plus et même régresse. Avec 25,95 milliards d'euros, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) augmentent de 548 millions d'euros par rapport à 2012, soit une progression de 2,15 % à structure courante et de 2,16 % à structure constante. Je ne mélange pas, comme certains de mes prédécesseurs ont pu le faire, crédits de paiement, autorisations d'engagement, dépenses fiscales et moyens extrabudgétaires, des crédits toujours annoncés mais jamais distribués... Il s'agit de 548 millions de crédits budgétaires réels, dont 497 millions d'euros sont consacrés directement à mon ministère.

Ce budget est au coeur d'une politique de redressement et de croissance fondée sur une élévation du niveau global de formation et de notre effort de recherche, dont nous attendons une diffusion des effets dans le tissu industriel. Mais n'opposons pas recherche fondamentale, dont on ne peut anticiper les retombées éventuelles sur l'économie, et recherche appliquée. Il faut sanctuariser la recherche fondamentale. Seuls 47 % des effectifs d'une classe d'âge sont diplômés de l'enseignement supérieur et seulement 28 % si l'on considère le niveau licence. Nous stagnons. Il en va de même pour les dépenses intérieures en matière de recherche et développement qui représentent 2,24 % du produit intérieur brut (PIB) depuis dix ans, alors que l'Allemagne a déjà atteint le seuil de 3 % fixé à Lisbonne, sans parler de la Corée du Sud et des pays émergents qui sont bien au-delà. Il est essentiel, en dépit de l'effort de redressement des comptes publics, de maintenir notre engagement dans ce domaine.

La justice sociale est une priorité. Parmi toutes les composantes de ce budget, ce sont les aides aux étudiants qui progressent le plus, avec une augmentation de 7,4 %, concentrée sur les bourses sur critères sociaux et le logement étudiant, dont le budget augmente de 30 %. Les 1 000 créations de postes prévues en 2013 s'inscrivent également dans cet objectif de justice sociale puisqu'elles sont ciblées pour améliorer les conditions de réussite en premier cycle. Les actions entreprises feront l'objet d'une traçabilité, à la différence du dernier plan pluriannuel pour la réussite en licence qui a coûté 730 millions d'euros, alors que le taux de réussite a chuté de 5 %...

Ce budget met en oeuvre toutes les priorités définies par le Président de la République et le Premier ministre et inscrit pleinement l'enseignement supérieur et la recherche dans l'agenda du redressement.

Le programme 231 « Vie étudiante », avec 2,33 milliards d'euros, augmente de 158,6 millions d'euros en crédits de paiement. Cet effort exceptionnel en faveur des étudiants porte principalement sur les bourses, avec une progression de près de 140 millions. Deux anomalies seront ainsi corrigées. Le dixième mois de bourse sera enfin, pleinement et sincèrement, financé. La Cour des comptes a rappelé qu'il n'avait pas été budgétisé ces deux dernières années : en 2011, il a fallu trouver de manière improvisée 112 millions d'euros en fin de gestion, au détriment d'autres budgets ; en 2012, 140 millions. L'augmentation des crédits permettra aussi de financer la revalorisation des bourses au niveau de l'inflation - rien n'avait été prévu pour cela dans le budget 2012. Enfin, conformément aux engagements du Président de la République réaffirmés lors des Assises par le Premier ministre, une mission d'analyse des différentes aides aux étudiants sera lancée. Elle travaillera en étroite concertation avec les associations étudiantes, les familles, les collectivités, pour aboutir en 2013. En outre, l'engagement du Gouvernement en faveur du logement étudiant, avec une cible de 40 000 logements sur cinq ans, justifie une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros.

Ce programme est exemplaire de la stratégie budgétaire que j'entends conduire. Il repose, après trois ans de critiques de plus en plus sévères de la Cour des comptes, sur une budgétisation sincère et irréprochable. Il concentre ses moyens nouveaux sur les grandes priorités, notamment le logement étudiant, qui représente jusqu'à 70 % du budget d'un étudiant en région parisienne, près de la moitié ailleurs.

Le programme 150 « Formations universitaires et recherche universitaire », avec 12,76 milliards d'euros, voit ses crédits progresser de 247 millions d'euros à périmètre constant par rapport à 2012, soit une augmentation de plus de 2 %.

Les moyens alloués aux établissements, soit les crédits des titres II et III, augmentent de 210 millions en crédits de paiements. Ils correspondent à la couverture de la progression automatique des rémunérations, c'est-à-dire au financement à l'euro près des charges liées à l'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et à la consolidation des effets des mesures catégorielles antérieures. Là encore, il est mis fin aux acrobaties budgétaires. Ils permettent, de plus, de financer la création de 1 000 emplois dans les universités, pour un total de 28 millions d'euros en 2013 et de 61 millions d'euros en année pleine. Ces emplois seront consacrés à améliorer la réussite des étudiants en premier cycle ; nous tirerons toutes les leçons de l'échec du plan pluriannuel pour la réussite en licence. Ils seront alloués, dans un cadre contractuel assorti d'indicateurs précis, aux établissements qui connaissent des difficultés d'encadrement et de moyens. Ils permettront d'engager de véritables évolutions pédagogiques à côté des actions d'accompagnement individuel des étudiants : le développement du numérique, de l'alternance, le remplacement des cours en amphithéâtres surchargés par des cours en ligne afin de mieux réaffecter les enseignants vers les travaux dirigés en petits groupes... Enfin, ces moyens supplémentaires aideront à la création des futures écoles supérieures du professorat et de l'enseignement au sein des universités. Je travaille en étroite collaboration avec M. Vincent Peillon sur cette réforme qui rétablit les stages pratiques encadrés, nécessaires pour acquérir l'art de transmettre des savoirs. La mastérisation avait oublié cette réalité élémentaire...

L'autre grand poste du programme 150 correspond à l'immobilier universitaire. Ses crédits progressent de 47 millions d'euros pour atteindre 505 millions d'euros. Nous poursuivons les contrats de projets État-région (CPER) 2007-2013 dans de bonnes conditions, achevons l'opération de réhabilitation du site de Jussieu et commençons à reconstituer une ligne de mise en sécurité des bâtiments ; celle-ci était tombée à 10 millions d'euros en 2012, elle sera portée à 20 millions en 2013 et augmentera encore en 2014 et 2015. Enfin, le coût des dévolutions patrimoniales est stabilisé au niveau calculé pour les trois universités - Clermont 1, Poitiers, Toulouse Capitole - qui se sont vu transférer leurs bâtiments, soit 21,9 millions d'euros.

L'année 2013 sera une année capitale pour les universités et les établissements d'enseignement supérieur. Nous tirerons toutes les conséquences des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche pour réformer certains aspects de la loi LRU et de la loi sur la recherche de 2006, qui seront remplacées par une loi d'orientation unique. Nous concentrerons nos efforts sur la réussite en premier cycle en mettant l'accent sur les réformes pédagogiques. La carte des formations sera simplifiée, afin de la rendre plus lisible pour les étudiants, les familles et les employeurs. Comment s'y retrouver dans le maquis des 3 300 intitulés de licence et 6 600 intitulés de mastères ? Nous réformerons le système d'allocation des moyens aux universités, le bien mal nommé système « SYMPA », pour corriger les déséquilibres historiques et disciplinaires, les sciences humaines étant fortement défavorisées par rapport aux sciences dites exactes. Pour mener à bien ces chantiers, que nous conduirons en concertation avec la Conférence des présidents d'universités (CPU), nous avons besoin d'établissements dont l'autonomie est assise sur des bases solides et qui abordent le dialogue stratégique avec l'État dans un climat de confiance retrouvée. Ce budget le permet.

Enfin, la recherche. Elle regroupe les programmes 172, 187 et 193, dont les crédits progressent de 92 millions d'euros, soit plus 1,2 %, pour atteindre 7,86 milliards d'euros. Les moyens en personnel des organismes de recherche ont été maintenus en 2013 à leur niveau de 2012 avec, de surcroît, le financement intégral de la hausse des cotisations au CAS « Pensions » ; 100 % des départs en retraite seront remplacés. Le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu pour la croissance que représentent le renouvellement des chercheurs et le maintien de notre potentiel scientifique.

Les moyens de fonctionnement des organismes progresseront, pour la première fois depuis 2007, grâce à un rééquilibrage de 60 millions d'euros entre financement sur projets et financement récurrent. Leurs dotations augmenteront de 3 % à 4 %, 3,15 % en moyenne. Il s'agit d'une véritable rupture avec la tendance des dernières années, où le « tout projet », incarné par la montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du programme des investissements d'avenir (PIA), a eu pour effet d'assécher les crédits récurrents dédiés à la recherche fondamentale. Nos chercheurs doivent être protégés de la course permanente et épuisante aux financements.

Le conseil d'administration de l'ANR a adopté le 14 novembre les grandes orientations de la programmation 2013. Le soutien à la recherche fondamentale est réaffirmé : 49 % des financements seront consacrés aux appels à projet non thématiques - programmes blancs, programmes jeunes chercheurs et programmes en faveur des post-docs. Une meilleure articulation avec les programmes européens est engagée. Les bénéficiaires du programme « Jeunes chercheuses, jeunes chercheurs » seront préparés à concourir au programme starting grants du Conseil européen de la recherche. Les dossiers de candidature seront harmonisés, ainsi que les orientations de la recherche. Les enjeux sociétaux - allongement de la vie, protection de l'environnement, transition énergétique, société inclusive, novatrice et sûre - deviennent l'axe stratégique des appels d'offre thématiques, avec 51 % des financements, dans une perspective pluridisciplinaire. Cette orientation sociétale rend la recherche plus compréhensible aux citoyens. La programmation participe au redressement productif et à l'amélioration de la compétitivité grâce au renforcement de la recherche partenariale et technologique : Institut Carnot, chaires industrielles, participation au financement des nouveaux outils mis en place au niveau européen. Ce renforcement des partenariats entre la recherche publique et les petites et moyennes entreprises (PME) se fera par le financement de 100 laboratoires communs autour d'une dizaine de grands défis. En outre, la précarité sera réduite, le financement alloué aux contrats à durée déterminée (CDD) étant plafonné à 30 %, et un effort fait pour l'accueil des doctorants et des post-docs.

Enfin, nous honorons les engagements internationaux déjà souscrits par la France et nous lançons de nouvelles coopérations stratégiques : 1,1 milliard d'euros y est consacré en 2013, contre 1 milliard en loi de finances initiale 2012. Cette augmentation correspond à la stabilisation des contributions aux grandes organisations, auxquelles n'a pas été appliquée de norme d'économie transversale, et à une montée en puissance de deux contributions : la participation à l'organisation internationale ITER « International Thermonuclear Experimental Reactor », jusque-là sous-budgétisée, est portée de 61,9 à 100 millions d'euros ; et celle à l'Agence spatiale européenne (ESA), de 770 à 799 millions. A Naples, nous avons obtenu un accord pour un nouveau programme cadre de la recherche européenne (PCRD).

La reconquête des contrats européens constitue une autre priorité. La part française dans les financements accordés au titre du 7e PCRD est tombée à 11 % alors que notre contribution s'élève à plus de 18 %. Nous sommes le deuxième contributeur européen mais notre taux de retour est très inférieur, alors que notre taux de succès dans les appels à projet est supérieur à la moyenne. Nos chercheurs ont été découragés par la multiplication des appels à projet ces dernières années. Nous nous sommes privés ainsi de synergies avec nos partenaires européens et de visibilité internationale. Dans la compétition mondiale le bon niveau est le niveau européen. D'ores et déjà le conseil des ministres européen s'est rallié à notre position en décidant la simplification de l'accès aux financements du 8e programme à l'horizon 2020 : les règles de financement directes seront plus généreuses et les dépenses indirectes plus faciles car en partie forfaitaires. Les PME et les laboratoires publics auront un accès plus aisé aux financements européens. Avec ma collègue allemande nous nous sommes battues avec acharnement pour y parvenir, jusqu'à la dernière minute... Enfin le dernier conseil interministériel de l'ESA a ouvert la voie au nouveau lanceur Ariane 6. Cela n'était pas acquis.

Tels sont les grands axes politiques de ce budget. Je suis heureuse de défendre devant vous un projet qui concilie ambition et responsabilité, et qui parvient à cibler précisément les efforts dans une période de redressement budgétaire.

Je remercie les rapporteurs. Vos observations m'ont été communiquées. J'en tiendrai compte.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Merci madame la ministre pour votre présentation très complète. La CPU m'a adressé un projet d'amendement visant à intégrer dans l'élaboration du budget 2013 une augmentation de 0,5 % de la masse salariale afin d'internaliser le glissement vieillesse-technicité (GVT) solde. Quelle est votre position à l'égard d'une mesure qui ne pèse que 30 à 40 millions d'euros sur les 12 milliards du programme 150 ?

Faute d'une anticipation du coût des transferts de charges dû au passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) des universités, notamment sur la masse salariale, le GVT solde a été financé en dehors des inscriptions budgétaires par redéploiement des crédits de fonctionnement et d'investissement. Entendez-vous mettre en base pour 2013 les dégels de crédits annoncés pour 2012 ?

Concernant le CAS « Pensions », pouvez-vous nous confirmer que le budget 2013 couvre l'intégralité de la contribution du ministère et des établissements, et notamment de sa hausse ?

Nombreux sont ceux qui considèrent que le système SYMPA a conduit à une hausse des inégalités entre universités sur-dotées et universités sous-dotées, dans le cadre d'une enveloppe restée inchangée en raison de facteurs d'écrêtement et d'excédent d'initialisation. Vous proposerez des évolutions dans la loi-cadre. Ne serait-il pas opportun d'inclure une part de la masse salariale dans l'assiette du système de répartition des moyens récurrents pour accroître les possibilités de fongibilité données aux gestionnaires ?

Vous avez mis en place un système de diagnostics, d'accompagnement et de remédiation pour les universités en difficultés financières. Quel bilan tirez-vous du tableau de bord de suivi des situations financières et des diagnostics-flash réalisés ? Les universités ont-elles la volonté de se doter des compétences administratives et financières indispensables à la maîtrise de leur gestion ?

La nouvelle direction de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) a lancé une démarche d'évaluation plus constructive et analytique, plus conforme aux attentes des chercheurs et au modèle européen. Que répondez-vous à ceux qui réclament la suppression de l'AERES ?

Vous avez souhaité une évaluation du programme d'investissements d'avenir et l'audit des partenariats public-privé déjà lancés. Quelles en sont les premières conclusions ?

Depuis plusieurs mois, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France, créé par la loi du 27 juillet 2010, assure l'accueil des étudiants étrangers en France. Son modèle de gouvernance suscite de nombreuses critiques tant de ses administrateurs que des usagers. Le président du conseil d'administration a démissionné hier, en raison notamment d'une trop grande prégnance du ministère des affaires étrangères et de ses représentants au conseil d'administration et dans la structure gestionnaire. Comment redonner sa place à votre ministère dans cette instance, notamment dans son pilotage stratégique ? Quid de sa gouvernance et des moyens de rétablir la confiance avec ses partenaires ?

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits du programme « recherche ». - Je me félicite que les crédits de la recherche soient sanctuarisés. Toutefois des organismes souffrent, l'ANR aussi. Certes un rééquilibrage était nécessaire, le « tout projet » présentant des coûts de fonctionnement non négligeables. Toutefois la baisse des crédits de l'ANR est importante. En outre, pour 2013, seulement 79 % des crédits enlevés à l'ANR sont reventilés en faveur des dotations récurrentes des organismes. Ne pourrions-nous pas trouver un meilleur équilibre en jouant aussi sur le curseur du préciput, en portant à 20 % la part des subventions sur projet revenant à l'organisme de rattachement de l'équipe de chercheurs concernée?

L'Académie des sciences a prôné la suppression de l'AERES. Nous sommes nombreux à nous en être émus. Son rapport, qui s'apparente à un règlement de comptes, n'est pas argumenté. Espérons qu'elle ne reproduit pas les erreurs de jugement qu'elle avait commises en estimant que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à nos frontières... Certes, l'Agence doit évoluer ; elle a d'ailleurs commencé à le faire. Pouvez-vous nous préciser votre position sur cette question ? Aucun organisme n'a réclamé sa suppression.

Pouvez-vous aussi nous préciser quels seront les taux de mise en réserve des crédits de la recherche en 2013, sachant qu'ils étaient inférieurs de moitié à la règle commune les années précédentes ?

Nous sommes très attachés à la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle et sommes inquiets des conséquences de la réforme d'Universcience et de la gouvernance du dispositif. Les acteurs de financement institutionnel manquent, notamment dans les régions Bretagne, Languedoc-Roussillon, Aquitaine. Les associations et réseaux d'éducation populaire sont souvent ignorés, alors que leurs actions sur le terrain sont essentielles. Je suis sensible à la création de trois maisons de la culture scientifique. Dans un contexte de baisse importante des crédits du programme « Recherche culturelle et culture scientifique », quelles inflexions envisagez-vous, notamment avec des partenaires locaux ?

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » à la commission des affaires économiques. - L'organisation de la recherche est devenue très complexe, avec de nombreuses structures imbriquées. Les porteurs de projet ont des difficultés à s'y repérer. Le rapport de l'Académie des sciences confirme ce diagnostic. Quelle est votre position ? Comment rationaliser les outils existants, pour les mettre en réseau par exemple?

Le temps de recherche effectif des chercheurs diminue à cause de celui qu'ils consacrent à la gestion, au management des équipes, aux dossiers administratifs, aux questionnaires d'évaluation toujours plus nombreux. Comment alléger les contraintes pour recentrer les chercheurs sur leur coeur de métier ?

Le projet de loi de finances prévoit un rééquilibrage entre financements sur appels à projets et financements récurrents. Est-ce un réajustement ponctuel ou une inflexion durable ?

La MIRES, dans le cadre du PIA, soutient la création des Idex, Equipex, Labex et autres instituts de recherche technologique (IRT), structures censées mieux répondre aux besoins d'innovation et de recherche des entreprises. Or le rapport d'évaluation du PIA souligne la tentation de revenir aux procédures et instruments antérieurs. Quel bilan en tirez-vous ? Quelles seront les évolutions ?

Le crédit impôt-recherche (CIR) sera élargi aux dépenses d'innovation, qui est le maillon manquant. Mais ces dépenses ne sont-elles pas difficiles à identifier ? Dans quel délai le mécanisme sera-t-il opérationnel ? Une appréciation trop étroite ne risque-t-elle pas de rendre inéligibles certaines dépenses de recherche ? Enfin pensez-vous limiter le bénéfice du CIR pour les plus grands groupes, au risque d'en fragiliser certains, ou d'en préciser les modalités d'attribution ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Je suis très heureux de vous recevoir, madame la ministre, après avoir travaillé avec vous au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Votre présentation était claire et les signaux que vous envoyez vont dans le bon sens.

Où placerez-vous le curseur entre l'ANR et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ? Il me semble que l'ANR devrait être au service de l'État-stratège dans quelques grandes thématiques. Il convient également de conserver des programmes blancs ; les EPST ont leur propre logique de recherche et sont en quelque sorte enfermés dans leur champ disciplinaire.

Envisagez-vous un rééquilibrage des sommes affectées au PIA pour un aménagement du territoire plus équilibré ?

Enfin, quel sera le périmètre du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ? Le manuel d'Oslo, très pratique, existe. Utilisons-le.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. - Le système SYMPA n'a pas été appliqué comme ses initiateurs auraient aimé qu'il le fût. Il n'était pas destiné à récompenser les universités les plus élitistes mais celles qui enregistraient le plus de progrès au regard de leur situation de départ. Pouvez-vous préciser votre position à ce propos ?

De même quel sera, selon vous, l'avenir des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ? Il est important de ne pas éloigner les équipes de valorisation des laboratoires. Les charges de structures ne doivent pas consommer les crédits consacrés à la maturation des projets de recherche, faute de quoi nous n'éviterons pas « la vallée de la mort » ...

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Le GVT n'a jamais été budgétisé pour les universités - il est en revanche inclus dans le budget des organismes de recherche pour les responsabiliser dans leur gestion. A moyen terme les universités devront l'intégrer également, cela participe de leur autonomie. Nous allons les accompagner le temps de réformer le système SYMPA, ce qui prendra un an ou deux.

Le CAS « Pensions » est financé intégralement, les crédits du titre II étant transférés à due concurrence au moment du passage aux RCE, ce qui n'empêchera pas un léger écart pour les universités qui seraient intégrées après le calcul des bases. Vos auditions ont sans doute eu lieu avant l'arbitrage interministériel favorable, que nous attendions comme le Messie, dont nous avons bénéficié il y a une dizaine de jours, portant sur 6 millions d'euros pour cette année et 23 millions d'euros en année pleine.

Pour les universités sous-dotées, nous avons partagé avec la CPU la répartition des 1 000 emplois moins les 189 attribués sur critères plus qualitatifs, en nous mettant d'accord sur des critères objectifs. Le résultat a été finalement accepté par tous.

La remédiation... Sur une centaine d'universités, neuf connaissent un déficit récurrent et 30 % une situation préoccupante. Dans la mesure où les salaires sont assurés, le seuil prudentiel du fonds de roulement pourrait être réduit d'un mois à quinze jours ; nous discutons avec M. Cahuzac des conditions prudentielles qui seront précisées dans les jours qui viennent. La dégradation est incontestable. Nous devons faire face à neuf situations d'urgence. Nous accompagnons les universités les plus en difficulté, pour les aider à renforcer leur mode de gestion et anticiper leur politique de personnel. Elles ont pâti, ainsi que certains organismes de recherche, des appels à projets qui ont amplifié le recours aux emplois précaires, dont il nous revient d'assurer l'avenir.

L'Académie des sciences avait demandé la suppression de l'AERES, même si elle est revenue, devant l'Office parlementaire, à une position plus nuancée. Reste que l'agence est contestée par la plupart des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui pose, à l'évidence, un problème. L'évaluation, avec la compétence territoriale évoquée par M. Plancade, ont été deux sujets majeurs soulevés par les Assises qui n'ont pas fait l'objet de convergences.

Il n'est pas question de renoncer à l'évaluation, mais celle-ci doit s'inscrire dans une démarche de progression et non être une sanction. Nous allons y réfléchir et proposer de nouveaux dispositifs dans le futur projet de loi après concertation.

Il y aura un acte III de la décentralisation. Nous voulons donner davantage d'ampleur aux initiatives territoriales. Les régions sont volontaires pour s'occuper de la culture scientifique et technique ; les missions d'Universcience devront évoluer en ce sens ; pour autant, nous ne renonçons pas à des actions nationales, comme le soutien à « La Main à la pâte », créée par deux prix Nobel, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, suivis par Pierre Léna ; cette initiative a ouvert une voie qui, n'ayant pas pris l'amplitude qu'on pouvait attendre, doit être approfondie et soutenue par le ministère comme par les régions.

Nous avons fait dresser un bilan des investissements d'avenir et un audit des PPP, afin de comprendre pourquoi, cinq ans après, les annonces du plan Campus n'ont donné lieu à aucun permis de construire déposé ni à aucune pose de première pierre. Il en va de notre compétitivité. Un décret en Conseil d'État, pris début octobre, permet à des sociétés de réalisation, sortes de société d'économie mixte dédiées à un projet, intégrant les collectivités territoriales, de se substituer aux PPP, opaques, peu opérationnels, dont le périmètre est très strictement défini par la loi et ne peut constituer qu'un ultime recours lorsque toutes les autres formules de droit commun ont été étudiées. Ces sociétés permettent aux partenaires - collectivités, universités et organismes de recherche - de déléguer leurs droits fonciers. La Caisse des dépôts et consignations s'y associera, ce qui créera des emplois, non seulement dans l'innovation et la recherche, mais aussi dans le bâtiment et les travaux publics (BTP).

Je me suis exprimée récemment sur les SATT, parce que je m'interroge sur les ventes de licences, des études montrant que la perte de propriété industrielle entraîne la perte des emplois industriels. La poursuite de la rentabilité à tout prix conduit à ne pas prendre de risque et à ne pas favoriser l'innovation de rupture, qui crée pourtant huit fois plus de retour sur investissement que l'innovation incrémentale. Je suis tout à fait favorable au principe des SATT. J'ai simplement lancé quelques signaux d'alerte. Nous avons convenu avec le Commissariat général à l'investissement d'en dresser un bilan au bout d'un an.

Sur les investissements d'avenir, le rapport du Commissariat général à l'investissement est assez positif. Je me méfie un peu de l'auto-audit... Cela vaut pour l'évaluation, qui doit conjuguer l'expertise disciplinaire et un regard transversal.

Sur Campus France et l'accueil des étudiants étrangers, nous avons supprimé la circulaire « Guéant » : c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Je travaille avec Manuel Valls et Laurent Fabius pour améliorer leur situation et la délivrance des visas. Une chercheuse roumaine en hydraulique, que son laboratoire a réussi à faire venir en France après deux ans d'efforts, ne devrait pas être tutoyée à la préfecture et ne devrait pas avoir à faire appel à moi, parce que nous nous connaissons, pour obtenir une caution pour son logement. Nous proposerons un dispositif dès le début de 2013.

Nous avons réorienté 60 millions d'euros de l'ANR vers les crédits récurrents et les projets blancs, pour répondre à la demande unanime des acteurs des Assises. La recherche fondamentale est essentielle. Tous les lauréats Nobel, tous les médaillés Fields le disent : heureusement que des patrons de labos leur ont fait confiance ! La confiance a priori doit être suivie d'une évaluation a posteriori qui ne soit pas tatillonne ni bureaucratique, mais cible la qualité des projets. L'ANR n'est pas menacée, elle peut encore engager 636 millions d'euros en 2013. Nous poursuivrons notre engagement en faveur des projets récurrents et de la recherche fondamentale dans les deux ans qui viennent.

La complexité de la recherche a été dénoncée par tout le monde. Dresser la liste des organismes existants fait peur. La lauréate du prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, qui a reçu plus de 1 300 contributions, en a même découverts certains... Chaque structure est d'accord pour simplifier celle du voisin. Nous procéderons par regroupement, par exemple au sein d'alliances de recherche, qui n'ont pas vocation à s'institutionnaliser mais correspondent aux grands thèmes retenus pour l'horizon 2020. Nous simplifierons les candidatures : un descriptif de trois pages devrait suffire pour se porter candidat à un projet national ou européen. Il s'agit de faciliter le travail des chercheurs qui se sentent écrasés par le poids des couches administratives qui se sont sédimentées avec le temps. Hubert Curien tenait que lorsqu'on créait une nouvelle structure, il fallait d'abord en supprimer deux : c'est une excellente maxime, que nous devrions tous avoir présente à l'esprit, y compris lorsque nous proposons de nouvelles dispositions législatives !

Le rapporteur général des Assises, Vincent Berger, qui a brillamment résumé les débats, a insisté sur la nécessité de mener des stratégies nationales et de site. Notre projet de loi s'en inspirera.

J'en viens au système SYMPA, le mal nommé, qui repose d'une part sur l'activité, fonction du nombre d'étudiants et d'enseignants avec une pondération disciplinaire, et d'autre part sur la performance, laquelle dépend de l'évaluation par l'AERES. Les sciences humaines et sociales (SHS), et singulièrement les sciences économiques, mettent en cause cette évaluation. Le système sera remis à plat en 2013. En concertation avec la CPU, nous ferons des propositions qui seront mises en oeuvre en 2014.

Le CIR est un dispositif largement interministériel, qui a été examiné au plus haut niveau. En temps de crise, la stabilité fiscale doit primer. Cela n'empêchera pas le contrôle de certains grands groupes, que je ne nommerai pas, mais qui ont multiplié les sociétés par actions simplifiées (SAS). Aux 5 milliards nous avons ajouté 300 millions d'euros pour l'innovation en faveur des PME-PMI et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). J'ai demandé que l'insertion de docteurs dans les projets éligibles soit un critère d'abondement du CIR. J'ai rencontré la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), le Mouvement des entreprises de France (Medef) et les grands corps de l'État afin que les grandes entreprises, comme en Allemagne, intègrent davantage de docteurs, susceptibles d'apporter une réelle valeur ajoutée, pour leur compétitivité, par rapport aux diplômés d'écoles de commerce ou d'autres filières. La CGPME est tout à fait partante, le Medef, après m'avoir assuré que c'était fait, s'est déclaré prêt à examiner de près cette proposition. Quant à la haute fonction publique, après avoir cru qu'il suffirait de discuter avec ma collègue de la fonction publique, je me suis rendu compte qu'il faudrait négocier, corps par corps, au corps à corps, pour y intégrer des docteurs, y compris en sciences humaines, qui sont un ferment de diversité par rapport à la pensée unique. Nous espérons aboutir avant la fin du quinquennat. Nous devons être exemplaires.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Lors de nos auditions, nous avons constaté que les organismes de recherche divergent de certains grands témoins, qui invoquent, à l'encontre de l'AERES, des arguments datés. Je rappelle que l'Agence ne mène pas d'évaluation individuelle, que la promotion de l'auto-évaluation des établissements est en cours, de même que la simplification administrative. La contribution de l'AERES aux Assises fait état d'engagements très fermes, peu éloignés des positions de Vincent Berger.

M. Jacques-Bernard Magner. - Vous avez mis l'accent, madame la ministre, sur la formation des enseignants, auparavant assurée par les universités avec les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), et qui fait l'objet d'un groupe de travail. De 2005 à 2011, les abandons d'études touchent essentiellement les étudiants des couches populaires. Dans les mastères, les abandons d'enfants d'ouvriers et d'employés sont passés de 17 % à 26 %, et la proportion d'enfants de cadres est passée de 27 % à 34 %. Le vivier de recrutement des enseignants doit être élargi. Les étudiants des écoles normales ou en instituts préparatoires à l'enseignement du second degré (Ipes) étaient payés pour devenir enseignants ; aujourd'hui, les mastères sont payants et chers. Nous avons besoin des universités : nous vous demandons de leur laisser une large place dans les formations nouvelles au métier d'enseignant, afin que des étudiants de tous horizons puissent y accéder.

M. Jean-Léonce Dupont. - Je suis sensible à l'augmentation de 2,2 % de votre budget, jugé prioritaire dans le contexte actuel par notre commission de la culture et de l'éducation. J'ai également été sensible à vos propos sur les sociétés de réalisation.

Avez-vous des moyens d'action en faveur des crédits « Erasmus », si utiles aux échanges étudiants, et sur lesquels nous entendons beaucoup de choses ces temps-ci ?

Sur l'éternel débat entre recherche fondamentale et appliquée, j'ai entendu votre appel à un rééquilibrage. Pour autant, il ne faut pas rejeter le système des appels à projets. Il y a un équilibre à trouver.

Quelles perspectives tracez-vous pour les SATT et les IRT dans la bataille pour la compétitivité ?

Sans lancer le débat sur la gouvernance des universités dans le cadre de la future loi, seriez-vous pour l'expérimentation de sénats académiques ?

Mme Corinne Bouchoux. - Les crédits de la vie étudiante augmentent, c'est bien. Mais la recherche et l'enseignement supérieur ont une image. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation actuelle à Sciences Po ? Vous avez pris à bras le corps le dossier. Des inquiétudes nous sont remontées du personnel sur certains documents qui ont été publiés. N'y a-t-il pas un risque de pressions ?

Quelles mesures allez-vous prendre pour plus d'équité en faveur des universités - je pense en particulier à celles de Nantes et d'Angers - alors que les étudiants de Sciences Po viennent pour la plupart de milieux favorisés ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Vous annoncez une hausse du budget de 2,2 %. Pourra-t-il infléchir les orientations politiques précédentes ?

Le CIR est stabilisé à hauteur de 5 milliards d'euros. Il profite essentiellement aux grands groupes, qui ne jouent pas toujours le jeu, à l'instar de Sanofi. Vous avez annoncé une réorientation en faveur des PME et PMI, je m'en réjouis.

Les 28 millions d'euros affectés aux 1 000 emplois licence seront-ils suffisants ? Les universités seront-elles mises à contribution ?

Le plan Campus, que vous avez évoqué, est une vraie bombe à retardement.

Enfin, je tiens à évoquer le courrier que j'ai adressé à M. Valls, pour lui demander de ne pas infirmer la suspension, par le préfet des Hauts-de-Seine, du transfert de la résidence universitaire d'Antony, la plus grande d'Europe avec 15 % du logement étudiant en Île-de-France, à l'agglomération Hauts-de-Seine-Bièvre, car cette résidence doit rester dans le giron de l'État.

M. Jean-Pierre Leleux. - La loi LRU est un acquis important du précédent quinquennat, en tout cas son abrogation n'est pas à l'ordre du jour. Allez-vous procéder à des réorientations ? Quelle est votre position sur la concurrence entre les universités et les écoles d'ingénieurs ?

Vous avez évoqué la diffusion de la culture scientifique et technique. Le Gouvernement encouragera-t-il les expériences de jumelages entre parlementaires, scientifiques et jeunes chercheurs ? L'OPECST a lancé une étude sur le développement de la culture scientifique et technique, dont je suis le rapporteur avec Mme Olivier, députée. Nous rendrons notre rapport dans une petite année.

Mme Sophie Primas. - Le budget de l'ANR baisse ; il subit des redéploiements. Allez-vous revoir la gouvernance de l'agence ? Des projets seront-ils sacrifiés et si oui lesquels ?

Je me félicite que le CIR soit sanctuarisé. Vous avez annoncé de nouvelles dispositions en faveur de l'innovation dans les PME, mais le financement des prototypes va-t-il diminuer, comme je le crains ?

Vous avez aussi introduit un rescrit fiscal, ce qui pose le problème de l'expertise. Comment les entreprises peuvent-elles mieux dialoguer avec vos services en cas de doutes ?

Les décisions prises en matière spatiale la semaine dernière à Naples pour le lancement d'Ariane 6 sont positives, mais je m'inquiète de la faiblesse du budget allemand. Quid de la pérennisation du projet Ariane 5 ME au-delà de 2014 ?

M. Philippe Madrelle. - Les bourses Erasmus sont sous-financées. Ce n'est pas de votre responsabilité, madame la ministre, mais les universitaires bordelais s'inquiètent de la diminution du nombre et du montant des bourses. Il ne saurait y avoir en la matière de sélection sociale ; si le déficit n'est pas comblé, ces échanges seront réservés aux étudiants aisés. Je vous demande d'intervenir pour améliorer la situation.

M. Jacques Chiron. - Aboutissement d'un long processus, les Assises qui se sont tenues hier et aujourd'hui ont associé tous les acteurs : universitaires, chercheurs, étudiants, centres de recherche, élus locaux et citoyens. Nous nous réjouissons de ce changement de méthode. Les synergies sont nécessaires entre l'État et les collectivités locales, mais aussi entre celles-ci et les acteurs de la recherche, selon le modèle de Grenoble que vous connaissez bien. Beaucoup de conseils régionaux, généraux, d'agglomérations, beaucoup de communes interviennent dans ce domaine au titre de leur compétence générale. Les partenariats avec les centres de recherche publique et privée et l'industrie ont des effets positifs sur l'activité économique et l'emploi. Le rôle des collectivités, qui ont investi plus d'un milliard et demi d'euros dans la recherche en 2010, sera-t-il mieux reconnu dans le projet de loi que vous préparez ? Seront-elles mieux associées aux choix stratégiques de l'État ?

Mme Colette Mélot. - Le Gouvernement vient d'annoncer une augmentation de 5 000 à 8 000 du nombre de nouveaux logements étudiants à construire dans le cadre du plan Anciaux, avec une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros au centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). C'est l'occasion, non seulement de compenser la pénurie de logements étudiants dans les grandes agglomérations, mais aussi de construire des logements à basse consommation d'énergie. Ces 20 millions d'euros seront-ils reconduits chaque année, sans que la dotation dans les nouveaux contrats État-région ne baisse ? Les nouveaux logements sont-ils attendus uniquement dans le parc des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) ou se retrouveront-ils aussi chez les bailleurs sociaux, voire chez les investisseurs privés ?

Dans le cadre du « Passeport logement étudiant », les expériences de caution solidaire menées dans les académies de Lyon et de Lille seront-elles étendues et pérennisées ?

Quid du programme Erasmus, dont vous avez déclaré aux Assises qu'il devrait s'ouvrir aux filières technologiques ? Les crédits 2012 sont en baisse ; on dit même que les échanges pourraient être annulés en 2013...

M. Maurice Antiste. - Plus 2 %, c'est bien ! La partie de votre budget consacrée à la justice sociale est celle qui me séduit le plus. Encore conviendrait-il de regarder plus attentivement l'action en faveur du logement des jeunes ultra-marins en métropole.

L'université Antilles-Guyane (UAG) est une structure pluri-territoriale, dont le caractère tripolaire est reconnu par une ordonnance de 2008 ; les coûts de fonctionnement sont en conséquence particulièrement élevés. Il est indispensable d'intégrer la compensation des surcoûts dans son budget, d'autant que son rayonnement est reconnu au sein de la Caraïbe.

M. Marc Daunis. - J'étais rapporteur pour avis du précédent budget de la recherche. Il m'eût été plus agréable de l'être cette année, compte tenu de sa progression... Votre méthode est appréciable. Mais les problèmes à régler demeurent, et sont colossaux. Nos universités manquent de visibilité. Les efforts à fournir sont importants ; ils seront certainement difficiles à consentir. Les problèmes d'ingénierie ont été sous-estimés, y compris dans certains organismes de recherche.

Le CIR est d'importance stratégique pour le monde de la recherche et pour la compétitivité de la France. Il est urgent, au moins pour les grandes entreprises, de mettre en place une procédure de conventionnement ; j'ai vu une entreprise à Sophia-Antipolis qui, après avoir perçu 5 millions au titre du CIR en mai, a licencié en juin 62 salariés. IBM, Texas Instruments, Sanofi, sont présents sur le site. Nous ne pouvons esquiver cette question.

Les schémas locaux de recherche et d'enseignement supérieur vous paraissent-ils suffisamment promus et utilisés ? Je ne le pense pas. Comptez-vous leur donner une place supplémentaire dans votre future loi ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous nous préoccupons, non de la tutelle d'Universcience ni de ses motivations financières, mais du conflit d'intérêt né du fait que la diffusion de la culture scientifique dans nos régions soit entre les mains de cet établissement parisien. Nous en souffrons, dans nos territoires, madame la ministre, d'autant que vos prédécesseurs ont tout externalisé dans ce domaine : il n'y a plus au ministère de mission de la culture scientifique, qui relève pourtant du service public !

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Oui, vous avez raison, j'en ai été surprise en arrivant au ministère. Un conseiller technique s'occupe désormais de la culture scientifique et technique à mon cabinet. Cela dit, le budget principal est au ministère de la culture. La question n'est pas nouvelle. Je me souviens m'en être plainte dans mes précédentes fonctions. Dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, nous avons proposé au Premier ministre de définir des compétences claires dans ce domaine, en lien avec l'Association des régions de France (ARF), afin de résoudre ce problème en toute transparence et sans violence.

La démocratisation de l'accès à la formation des enseignants est importante. Les Ipes, les écoles normales, ont permis de promouvoir des jeunes de milieux modestes à ce métier, ce qui avait valeur d'exemple. Les trois fois 6 000 emplois d'avenir de professeurs rémunérés en deuxième année de licence sont un moyen de ramener cette diversité culturelle au sein du corps enseignant. Ces pré-recrutements soulignent le rôle essentiel de l'université dans la formation, disciplinaire et pédagogique, des enseignants. Elle formera non seulement les futurs professeurs des écoles et ceux du premier et du second cycle de l'enseignement secondaire, mais aussi les maîtres de conférences. Comment peut-on arriver dans un amphi, comparable à une jungle, sans disposer d'une formation préalable aux techniques, au savoir-être, au savoir-faire pédagogiques ? Cela s'apprend !

Monsieur Dupont, Bordeaux, Toulouse, Lyon et Strasbourg s'intéressent aux sociétés de réalisation. Ces initiatives permettront au plan Campus, aujourd'hui en panne, de redémarrer. Sur les SATT, nous sommes pragmatiques. Sur les IRT nous n'avons pas plus fait d'idéologie, puisque nous les avons relancés, même si nous ne les aurions pas montés de cette manière - nous n'aurions par exemple pas modifié les termes de l'appel d'offres quinze jours avant le dépôt des candidatures ! Nous pensons aux porteurs de projets, qui ont transpiré deux ans sang et eau pour constituer leurs dossiers. Nous essayons de rendre ces instituts le moins incompatibles possible avec le droit européen ; seul un projet a été à ce jour rejeté par Bruxelles. Nous avons retravaillé le sujet au sein du ministère, en simplifiant et en réunissant toutes les parties autour de la même table. Nous avons redémarré le projet de Valenciennes avec Valérie Létard, nous essayons de redémarrer celui de Toulouse : notre démarche est pragmatique. Chaque projet doit s'appuyer autant que possible sur un organisme existant, c'est le cas à Grenoble avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Je suis assez favorable au sénat académique, même si j'ai appris qu'il ne fallait pas utiliser ce mot dans pareil contexte... Nous ne pouvons demander aux présidents d'université de tout faire, d'être bons en tout. Il faut distinguer ce qui relève de la stratégie scientifique et de la formation d'une part, de la mutualisation des services et de l'international de l'autre. L'université de Lorraine a expérimenté le sénat académique...

M. Jean-Léonce Dupont. - Le mot n'est pas tabou !

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - En effet ! Jean-Yves Le Déaut n'a pas hésité à s'y associer !

Sciences Po... Je n'ai pas à me prononcer sur la nature des dysfonctionnements constatés par la Cour des comptes, à qui il appartient de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière. Je laisse la procédure suivre son cours. En revanche, il est de ma compétence de m'intéresser à la manière dont sont gérés les fonds publics à destination de Sciences Po : j'ai trouvé en arrivant, à ma grande surprise, une lettre de Claude Guéant fixant les crédits alloués pour les années 2008 à 2013, en progression de 40 % sur la période. A faire pâlir d'envie bien des universités ! De telles consignes n'ont plus cours. Nous voulons la transparence et la traçabilité de l'utilisation des fonds publics, tant au niveau du conseil d'administration de l'Institut d'études politiques (IEP) qu'à celui de la Fondation de droit privé qui gère de l'argent public et privé. Il n'est pas question de mettre la main de l'État sur Sciences Po, ni de banaliser ce modèle intéressant et innovant, qui accueille davantage de boursiers, mais aussi d'enfants de cadres que l'université. Il s'agit de reconnaître ses aspects positifs - doublement du nombre d'étudiants, rayonnement international, ouverture sur son écosystème, rapprochement avec les universités dans le cadre d'un pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) -, tout en mettant fin aux dysfonctionnements établis par la Cour des comptes, notamment l'opacité dans l'usage des fonds publics ou l'absence de représentant de l'État au conseil d'administration. Nous avons demandé qu'il soit mis un terme au système de primes, surprimes et aux anomalies qui ont été publiées dans la presse. Nous n'avons pas validé la proposition qui nous a été finalement faite le 22 novembre, alors qu'auparavant les deux présidents, que j'ai vus plusieurs fois, déclaraient ne pas pouvoir attendre cette date... Nous nous sommes expliqués sur ces contradictions, nos entretiens devenant de plus en plus amènes à mesure de leur fréquence. Je ne désespère pas de les amener à une procédure plus démocratique. Un administrateur provisoire incontestable sera nommé dans les tout prochains jours, après consultation des présidents des deux conseils, qui engagera une procédure partagée et acceptée par ces conseils. Une lettre m'a été adressée, signée par 50 % du personnel et des associations d'étudiants, demandant que la démocratie soit rétablie et que l'image de l'établissement se normalise. Je souhaite qu'il en soit ainsi et que l'administrateur provisoire puisse le plus tôt possible finir sa mission, très provisoire, afin que soit nommé, selon une procédure elle aussi incontestable, une directrice - il y a singulièrement peu de femmes dans cet univers impitoyable ! - ou un directeur.

Le CIR excède largement le champ de mon ministère. Madame Primas, les aides à l'innovation, gérées par Oséo pour le financement des prototypes, sont très insuffisantes. L'harmonisation européenne permettra d'amplifier les crédits destinés à l'innovation, actuellement inexistants, dans le cadre des Key Enabling Technologies, à hauteur de 300 millions d'euros ; ils sont destinés aux PMI-PME et ETI, celles qui ne délocalisent pas leurs emplois. Rien n'interdit le dépôt d'amendements tendant à exiger des contreparties au CIR, cela relève de votre responsabilité...

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - Très bien !

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Notre recherche fondamentale est de bonne qualité, il faut la préserver, mais nous devons encore développer notre recherche technologique : elle est inférieure à 10 % - mais de 20 % en Allemagne. C'est le problème du transfert qui est posé : nous pâtissons d'une faible sensibilisation à la propriété intellectuelle, d'une insuffisante valorisation des brevets dans la carrière des enseignants-chercheurs, ce qui sera rectifié dans le projet de loi qui se substituera à la loi LRU.

Monsieur Leleux, je ne partage pas votre optimisme sur cette dernière loi, dont les Assises ont mis en évidence les dysfonctionnements : la situation dans laquelle j'ai trouvé les universités montre qu'elle n'a pas rempli les espérances de ses supporteurs.

La loi LRU n'a pas permis l'autonomie, ou alors c'est une autonomie « Tanguy »... Quatorze présidents d'université ont souhaité revenir dans le giron du ministère. C'est un signal d'alerte qui révèle une détérioration du fonds de roulement et de la trésorerie des universités. Les transferts ont été trop rapides, ils n'ont pas été financés totalement et ont été réalisés sans accompagnement en matière d'ingénierie, d'exercice des nouvelles compétences, de gestion anticipée des personnels, ou de mise en place d'une comptabilité analytique qui ne concerne aujourd'hui que 10 % des universités. La loi à venir en 2013 et des mesures réglementaires y remédieront.

Les jumelages entre parlementaires, scientifiques et jeunes chercheurs sont très enrichissants et valorisants, notamment pour l'activité politique. J'y ai moi-même participé. Les chercheurs que j'ai invités ont découvert la réalité du métier politique dans sa dimension concrète et dans sa complexité. Je leur ai fait découvrir également d'autres univers, comme celui des start-up. Le processus est bénéfique à tout le monde.

En matière de logement, le plan Anciaux n'a pas atteint ses objectifs, seuls 21 000 logements ont été construits en huit ans sur les 40 000 prévus. Le plan Campus n'a pas démarré. Pourquoi ? Parce que les collectivités territoriales ont été oubliées. Nous avons décidé de les associer et de soutenir l'opérateur qu'est le CNOUS de façon pérenne, car il sert de levier à la construction. Ma feuille de route est de parvenir à construire 40 000 logements étudiants en cinq ans, dont 24 000 dans les deux ans et demi, en débloquant le plan Campus, en soutenant les programmes des collectivités territoriales, y compris avec le concours de bâilleurs sociaux, car les logements étudiants peuvent bénéficier du statut de prêt locatif social (PLS) ou de logement social. Dans les futurs CPER, les programmes « vie étudiante » seront encouragés ; ils doivent figurer au premier rang des priorités des établissements et des universités parce qu'ils conditionnent la réussite des étudiants. En matière de garantie, des initiatives ont déjà été prises par le CNOUS. Si le Fonds de garantie de mon prédécesseur a abouti à la signature de sept contrats seulement en neuf mois, les initiatives prises dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées ont permis d'en conclure 6 000 à 7 000 chacune. L'implication des collectivités territoriales est très efficace car elles interviennent sur une durée plus longue et se portent directement garantes. Les étudiants ultra-marins feront l'objet d'une attention particulière.

Sur Erasmus, si le budget compétitivité peine à aboutir au niveau européen, les programmes prévus pour 2012-2013 seront financés. Erasmus est un symbole de l'Europe comme l'est la coopération spatiale. Ce n'est pas seulement l'auberge espagnole, il incarne la jeunesse et l'avenir. Nous nous battrons au niveau européen pour défendre ce dispositif. Dans le programme 2020 il était prévu de doubler les échanges et de cibler les filières professionnelles et technologiques. Je serai vigilante pour qu'il en soit ainsi. Erasmus ne doit pas être un programme « bobo » car il permet à des jeunes, qui n'ont pas toujours eu l'occasion de voyager, d'acquérir les codes qui leur seront indispensables pour réussir leur vie professionnelle, et s'insérer dans d'autres communautés.

Ces dernières années toutes les politiques ont échoué car elles étaient conçues en haut pour s'appliquer en bas. Or il est impensable d'envisager des créations d'entreprises dans nos territoires sans impliquer les collectivités. Ma volonté est de les faire participer aux tours de table, comme l'a préconisé d'ailleurs Louis Gallois pour les SATT. Elles contribuent aux pôles de compétitivité et elles connaissent bien leur écosystème économique.

Enfin Ariane. A mon arrivée la partie n'était pas gagnée. Industriels et scientifiques s'opposaient. Il s'agissait d'abord de parvenir à unifier le message de la France. Aux termes d'un processus de concertation interministérielle, avec mes collègues Jean-Yves Le Drian et Arnaud Montebourg, et en réunissant l'ensemble des acteurs, nous avons pu définir une position cohérente. Nous nous sommes efforcés également de proposer une vision susceptible de répondre aux attentes de nos partenaires européens. Les industriels et le centre national d'études spatiales (CNES), puis nos partenaires allemands, ont fini par se rallier à la perspective d'une mise au point d'Ariane 6 à l'horizon 2021. Le résultat est presque miraculeux...

Un nouveau lanceur était-il nécessaire ? Ni les industriels, ni les Allemands ne le souhaitaient. Les attentes du marché les ont convaincus. Les décisions en la matière doivent être prises très en amont de la mise en service opérationnelle. Or le marché est de plus en plus compétitif : fusée Proton pour les Russes, fusée Space X pour les Américains, la concurrence à venir des Chinois ou des Indiens avec des lanceurs modulaires moins chers. Il faut s'adapter à la demande des utilisateurs pour un marché de taille désormais mondiale, ce qui n'implique pas une participation de l'ESA au-delà de 130 millions d'euros. D'ici là le développement des solutions intermédiaires sera assuré, en veillant à exploiter toutes les synergies avec le futur lanceur, afin de conserver les emplois et l'expertise dont les industriels ont besoin.

Mais en arrivant à Naples nos partenaires allemands semblaient très en retrait. Il a fallu tout reprendre à zéro, négocier en écartant les intermédiaires. Que de discussions avant de parvenir tard dans la nuit à un accord bilatéral avec mon homologue allemand, que les vingt représentants des pays membres de l'ESA et les huit observateurs non membres attendaient. Le coeur de la stratégie est le développement d'Ariane 6. Les Allemands ont plus investi dans le lanceur Ariane 5, en contrepartie nous augmentons notre investissement dans Ariane 6 et la station spatiale ISS. Nos partenaires suisses et luxembourgeois nous ont beaucoup aidés. Les Anglais et les Italiens se sont ralliés à l'idée du nouveau lanceur. Le projet est désormais partagé, y compris sur le plan industriel. Mais notre volonté est de préserver notre savoir-faire industriel. Je me suis rendu sur le site d'Astrium aux Mureaux avec Jean-Yves Le Drian et à Sassenage sur le centre de recherche d'Air Liquide. La France reste le premier contributeur à l'ESA si l'on rapporte sa contribution au PIB. La contribution des Allemands atteint 2,5 milliards, en hausse de 40 millions, la nôtre 2,3 milliards sur un budget total de 10 milliards. Ainsi j'ai pu rester dans le cadre budgétaire qui m'était imparti, tandis que le nombre des contributeurs a été élargi et que de nouveaux pays se sont ralliés à l'idée du nouveau lanceur, même si tout s'est décidé dans un dernier tête-à-tête.

Enfin l'accession aux RCE de l'université Antilles-Guyane aura lieu le 1er janvier 2013. La dotation d'accompagnement sera bonifiée et nous appliquerons les préconisations du rapport pré-RCE de l'inspection générale.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci madame la ministre de la richesse de votre intervention et de vos réponses.

Mercredi 28 novembre 2012

- Présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente -

Loi de finances pour 2013 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen des rapports pour avis

La commission examine les rapports pour avis de M. Jean-Pierre Plancade sur les crédits « Recherche » et de Mme Dominique Gillot sur les crédits « Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2013.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. - Mme Fioraso nous l'a dit hier, les crédits consacrés à la recherche progresseront de 1,2 % en crédits de paiement, afin de faire face aux dépenses des pensions. Cette évolution stabilisera, hors pensions et en euros courants, des crédits en baisse de 0,79 % l'année précédente. Un effort plus soutenu eût certes été souhaitable - nos dépenses intérieures de recherche-développement stagnaient à 2,24 % du PIB en 2010. Il convient toutefois de prendre en compte d'autres mesures comme les investissements d'avenir et le crédit d'impôt recherche.

Inscrit dans le cadre des priorités du Président de la République pour une politique de l'innovation, levier d'une économie compétitive, ce budget amorce un rééquilibrage des crédits entre subventions directes aux organismes et allocation de moyens sur projet - nous en avons parlé longuement hier. De nombreux laboratoires connaissent des difficultés : tous n'ont pas pu compenser la baisse de leurs crédits récurrents par des crédits sur projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Europe. Ils ont été fragilisés par la multiplication des guichets, la complexité administrative et le faible taux de sélection de l'ANR.

Il faut néanmoins parvenir à un équilibre, car le renforcement de la politique de recherche sur projet engagé depuis 2006 était indispensable : elle oriente une partie de la recherche vers des questions sociétales prioritaires comme l'environnement, l'énergie ou la santé, favorise la pluridisciplinarité et promeut de jeunes chercheurs talentueux. Elle a un effet levier sur les financements et le fait que la moitié des programmes de l'ANR soit blancs, c'est-à-dire non fléchés, profite à la recherche fondamentale. Mais le balancier risque d'être renvoyé trop loin, les crédits de l'ANR devant baisser de 9,6 % en 2013 et de 26,3 % entre 2013 et 2015. En outre, seulement 76 % des crédits enlevés à l'ANR en 2013 seront reversés aux organismes, la ministre ayant précisé hier que le solde serait supprimé pour contribuer à la maîtrise des finances publiques. Je propose de conjuguer, sur cette période de trois ans, baisse des crédits de l'ANR et hausse du taux de préciput, en portant à 20 % la part des subventions sur projet revenant à l'organisme de rattachement de l'équipe de chercheurs concernée.

Je me réjouis de l'inflexion donnée aux grandes orientations de l'ANR : stabilisation des taux de sélection, simplification des procédures, réduction de la précarité au titre des critères. Interrogée sur le préciput, Mme la ministre ne m'a pas répondu hier mais elle s'est engagée à le faire par écrit et n'a pas semblé hostile aux 20 %.

La politique menée préserve l'emploi, ce qui marque une inflexion par rapport aux années passées où l'emploi scientifique était précarisé et les contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée la règle. Il convient de prendre garde à d'éventuelles dérives et de mieux accompagner les chercheurs en fin de contrat. L'application de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 devrait limiter les problèmes. D'ailleurs, le 21 novembre, le ministère a obtenu les moyens de titulariser 2 000 personnes en 2013. L'objectif est de conduire le plan de titularisation en quatre ans et la ministre nous a dit hier que tous les départs à la retraite seraient compensés.

La hausse des crédits récurrents aux organismes de recherche variera selon les programmes, les subventions pour charge de service public augmentant d'environ 2 %. Les crédits du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) enregistrent une hausse de 2,9 %, pour s'établir à 2,6 milliards d'euros ; avec 72,8 millions de moyens supplémentaires, il est le principal bénéficiaire de la diminution des crédits de l'ANR. Le budget de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) bénéficie d'une hausse de 22 millions d'euros. Les dotations du Centre national d'études spatiales (CNES), au titre du programme de recherche civile, progressent d'environ 1 % soit 14,5 millions de plus ; cette hausse est cependant inférieure au budget prévu dans le contrat État-CNES 2011-2015, alors que la France doit à la fois satisfaire à ses engagements à l'égard de l'Agence spatiale européenne et lancer le programme Ariane 6. Ce dernier est essentiel pour assurer l'indépendance et la souveraineté européenne. Mme la ministre nous a apporté quelques motifs d'apaisement hier. Je l'ai également interrogée sur le montant de la réserve de précaution et je me félicite que le taux de mise en réserve sur les crédits de la recherche reste de la moitié du droit commun, soit 0,25 % de la masse salariale et 3 % des crédits de fonctionnement.

Quid des investissements d'avenir ? Avec 21,9 milliards d'euros sur 35 milliards, la MIRES est la principale bénéficiaire du programme des investissements d'avenir (PIA), dont 70,3 % sont non consomptibles, c'est-à-dire que les organismes ne pourront utiliser que les revenus issus du dépôt de ces sommes au Trésor. Enfin, 7,5 milliards, non encore affectés, iront au Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté le 6 novembre par le Premier ministre qui a fixé deux priorités : le meilleur accès des petites et moyennes entreprises (PME) à ces ressources grâce à la Banque publique d'investissement (BPI) et l'accompagnement de filières existantes, dont la filière agronomique, et de filières d'avenir, comme les technologies génériques, la santé et l'économie du vivant, la transition énergétique ou la sécurisation des informations et des transactions.

Le coût du crédit d'impôt recherche (CIR) s'élève à 3,35 milliards d'euros et devrait s'établir de 5 à 6 milliards dès 2014. Son efficacité a été reconnue par de nombreux rapports. Si la stabilité juridique et fiscale est primordiale pour les acteurs économiques, le CIR appelle néanmoins certains correctifs, en particulier pour renforcer l'accès des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il conviendrait d'encadrer son utilisation par de grandes entreprises comme Sanofi - les chiffres sur le laboratoire qu'elle a liquidé à Toulouse sont impressionnants. L'article 55 du projet de loi de finances prévoit d'ailleurs d'élargir le bénéfice du CIR à certaines dépenses d'innovation des PME pour un montant de 300 millions d'euros.

Mon rapport écrit évoque l'évolution de la politique européenne de recherche, présente le bilan du septième programme-cadre de recherche et développement (PCRD) et les perspectives du nouveau programme Horizon 2020, auquel la Commission européenne propose de consacrer 80 milliards et qui a fait l'objet d'un excellent rapport d'information de la commission des affaires européennes, présenté par André Gattolin. Je traite aussi des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont la ministre nous a parlé hier.

Le bouleversement de notre système de recherche a parfois favorisé une meilleure coordination et un partenariat plus soutenu entre les différents acteurs. Tel est notamment le cas des Alliances et des pôles de compétitivité. Reste qu'un tel millefeuille manque de lisibilité et d'efficacité. La concertation engagée préparera la réforme. Je me réjouis de l'implication de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dans ce processus.

Comme nous l'avons dit hier, Dominique Gillot et moi-même partageons le même avis sur l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). J'ai été à la fois surpris et préoccupé par la prise de position brutale de l'Académie des sciences sur cette agence, dont elle avait initialement proposé la suppression. Or, l'Agence a su s'imposer comme une autorité suffisamment indépendante, suivant les standards européens et internationaux d'évaluation et elle a été capable de s'auto-réformer. Les dernières propositions d'amélioration émises par l'AERES devraient renforcer la confiance des chercheurs. La suppression de l'AERES, que demandent les contrôlés, marquerait un retour au mandarinat. Le conservatisme des chercheurs m'inquiète. Une lutte d'influence se développe auprès de la ministre même si l'Académie des sciences semble avoir fait un peu marche arrière - après tout, n'avait-elle pas décrété que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté à nos frontières, en 1986 ? Il ne faut pas que Mme la ministre lâche du lest en matière d'évaluation.

Mme Fioraso a évoqué la politique en matière de transfert de la recherche publique dont je fais état dans mon rapport. Je m'inquiète aussi de l'évolution de la politique de valorisation et de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle.

Le programme 186 de la MIRES, intitulé « Recherche culturelle et culture scientifique », voit ses crédits diminuer de 6,2 % en autorisations d'engagement et de 4,2 % en crédits de paiement. L'essentiel des économies porte sur la subvention pour charges de service public d'Universcience. Des acteurs locaux de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle s'interrogent sur sa réforme, notamment en raison du manque de financement des acteurs institutionnels dans les régions Bretagne, Languedoc-Roussillon, Aquitaine. En outre, les associations et les réseaux d'éducation populaire sont largement ignorés alors que leurs actions sont essentielles. La ministre nous a rassurés sur ce point hier, estimant que la définition claire des compétences dans l'acte III de la décentralisation règlerait cette question en toute transparence.

Enfin, mon rapport écrit revient sur la proposition de loi de Mme Marie-Christine Blandin, que le Sénat a adoptée la semaine dernière, pour renforcer l'indépendance de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.

Compte tenu de la sanctuarisation des crédits en faveur de la recherche et d'une politique encourageant l'emploi et la croissance par l'innovation, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la recherche.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de l'enseignement supérieur. - Les crédits des programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » font l'objet d'une progression (+ 2,72 %) d'autant plus inattendue qu'elle intervient dans un contexte budgétaire contraint qui avait initialement conduit le Premier ministre, dans sa lettre de cadrage, à solliciter une réduction de 3,5 %. L'augmentation du budget s'inscrit dans le cadre des priorités affirmées par le Président de la République pour la jeunesse, et favorisera l'innovation, levier d'une économie compétitive.

Premier motif de satisfaction, la création à partir de la rentrée 2013 de 1 000 postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur, ce qui coûtera 28 millions d'euros en 2013 et 61 millions en année pleine. L'objectif est de répondre au sous-encadrement des étudiants en premier cycle, souligné par les indicateurs de performance sensiblement dégradés malgré le plan « Réussite en licence » brandi par le précédent gouvernement. Afin que ces emplois soient bien affectés à la réussite des étudiants en premier cycle, ce ciblage sera intégré par voie d'amendements dans les contrats quinquennaux entre l'État et les établissements. Responsabilisées dans le cadre d'un contrat pédagogique établi avec la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) et les recteurs, les universités bénéficiaires pourront utiliser ces postes en fonction de leurs besoins spécifiques pour l'appui à la réussite des étudiants : élargissement de l'amplitude horaire des bibliothèques, tutorat ou travail en petits groupes, renforcement de l'enseignement des langues vivantes, y compris le français.

Vingt-trois universités sont déficitaires pour la deuxième année consécutive, et le fonds de roulement de vingt autres est inférieur au seuil prudentiel de 30 jours de fonctionnement. Le précédent gouvernement n'avait créé aucun outil de suivi et de support pour accompagner les établissements. Or la gestion de leur masse salariale représente parfois jusqu'à 80 % du total des moyens récurrents attribués, ce qui a contribué à rigidifier les budgets des universités. Face à cette situation anxiogène et potentiellement explosive, la ministre a décidé d'accompagner les universités exposées à de lourdes difficultés budgétaires.

Le ministère a déployé, dès l'été, un système très fin de diagnostic et d'accompagnement. Un tableau de bord de la situation financière des établissements a été mis en place pour analyser l'origine des déficits, qu'elle soit comptable, conjoncturelle ou structurelle. Des diagnostics-flash sont établis pour proposer des mesures d'urgence afin de revenir à l'équilibre dès l'exercice suivant. C'est la première fois qu'un gouvernement analyse et anticipe les coûts et les risques du passage à l'autonomie. Que de temps perdu et d'universités fragilisées depuis 2009, pendant que les services centraux observaient, passivement, l'accession à l'autonomie ! Il était temps de redonner confiance aux universités, de reconnaître qu'elles ne pouvaient pas relever seules les défis de l'autonomie. La rhétorique stigmatisante qui pointait du doigt les mauvais élèves de l'autonomie en les plaçant sous tutelle a été abandonnée : on est enfin passé au dialogue et à l'analyse partagée.

Je souhaite que ce travail d'accompagnement débouche sur une méthodologie d'analyse prospective, de nature à clarifier les modalités de gestion des établissements, à renforcer la lisibilité et la sincérité des dotations budgétaires et à responsabiliser les choix de gestion des universités. Celles-ci devront mieux encadrer leur masse salariale tout en procédant à une affectation raisonnée de leurs moyens aux ouvertures de postes. Elles devront tenir compte des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, comme des possibilités qui s'offrent à elles pour élargir leurs sources de financement ou promouvoir des méthodes de formation moins consommatrices de postes, en s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE). Notre pays mise encore trop peu sur la formation à distance et sur le développement d'outils numériques d'apprentissage.

En contrepartie, les universités souhaitent avoir des relations de confiance avec la tutelle de l'État et des moyens récurrents sincères, alloués sur la base de critères transparents et d'équité. Cela suppose que les deux parties s'entendent sur un cadre de responsabilités partagées en matière de financement, notamment du fameux glissement vieillesse-technicité (GVT), qui ne représente que 35 à 40 millions d'euros sur un budget global de 12,5 milliards. Que n'avons-nous entendu sur le GVT ! Lorsque l'État avait la maîtrise des ressources humaines des universités, il pouvait neutraliser à l'échelle nationale le GVT solde des universités, en jouant sur l'impact des entrées-sorties sur tout le territoire. Cela n'est plus possible avec une masse salariale fractionnée entre plus de 80 universités autonomes : neutraliser le GVT au Havre, ce n'est pas la même chose que de le neutraliser à Montpellier, car la pyramide des âges et les enjeux stratégiques diffèrent. Reste que l'État doit assumer sa part de responsabilité dans l'évolution de la masse salariale en raison de l'augmentation de la valeur du point d'indice, du taux du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », des mesures catégorielles, des titularisations par la loi Sauvadet, des conditions de déroulement des carrières affectant le GVT...

Au titre du financement du GVT solde positif des universités, la ministre dégèlera 30 millions en fin d'année. Toutefois, faute d'un mécanisme de financement par anticipation de l'évolution du GVT solde des universités, le problème se reposera l'année prochaine. L'État et les universités doivent travailler ensemble pour actualiser la masse salariale. La ministre nous a assurés hier qu'à la suite à un arbitrage ministériel récent, la couverture de l'évolution du taux du CAS « Pensions » serait prise en charge à 100 %.

Je m'inquiète de voir la dotation par élève des établissements d'enseignement supérieur privés non lucratifs diminuer de 15 %. Depuis plusieurs années, ces établissements se sont rapprochés des universités afin de développer et de mutualiser leurs outils de recherche. La proximité qu'ils entretiennent avec les milieux économiques et industriels constitue un atout pour nos universités, à l'heure où, selon le rapport Gallois, l'insuffisante articulation de notre système de formation avec l'industrie handicape notre économie.

À ceux qui réclament la suppression de l'AERES, faut-il rappeler que sa création répond à une exigence européenne ? Un espace européen de l'enseignement supérieur suppose la confiance réciproque des États membres vis-à-vis des systèmes d'enseignement supérieur de leurs voisins, sur la base d'une évaluation indépendante. L'AERES offre une garantie d'évaluation collégiale, indépendante et impartiale des activités et des performances de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'évaluation a pu provoquer, notamment en 2007, lors de sa création, une lourdeur bureaucratique à laquelle il convenait de remédier. Le président de l'AERES a ainsi renforcé l'autoévaluation et allégé les procédures. Les rapports d'évaluation de l'AERES sont précieux dans le processus de négociation contractuelle qui est le pendant de l'autonomie, notamment pour l'attribution des financements par le ministère comme par les régions et les partenaires associatifs ou industriels. En outre, ces rapports aident les établissements à améliorer leur propre allocation interne des moyens.

Les crédits du programme 231 « Vie étudiante » progressent de 7,3 %. Le Gouvernement met ainsi un terme à l'impéritie de ses prédécesseurs. Le dixième mois de bourse est enfin budgétisé et les prévisions tiennent compte du nombre de boursiers. Une dotation de 20 millions est prévue pour le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) afin de participer à la construction de 8 000 logements étudiants par an. Le CNOUS, discrédité et malmené ces dernières années au profit d'une « agenciarisation » de ses activités, est véritablement plébiscité par ses partenaires.

Une réflexion sur l'évolution de l'accueil des étudiants étrangers en France est indispensable. Campus France, grand vainqueur de tous les arbitrages interministériels du précédent gouvernement, s'est vu attribuer des financements supérieurs à la masse salariale qui lui a été transférée. Le transfert des activités internationales du CNOUS vers cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) a été particulièrement coûteux pour le réseau des oeuvres puisque sa subvention est amputée de 2,4 millions tandis que ses ressources propres diminuaient de 1,5 million d'euros qui provenaient de la gestion des bourses des gouvernements étrangers.

Pour quels résultats ? Seulement 52 conventions de bourses ont été reprises, plusieurs gouvernements étrangers préférant ne pas renouveler leur coopération. Des étudiants risquent de ne pas percevoir de bourse en l'absence de reprise de leur convention, et l'accueil sur le sol français est assez froid, voire inexistant, l'objectif étant une dématérialisation maximale. Nombreux sont ceux qui s'émeuvent du peu d'égards manifestés par Campus France aux étudiants étrangers, qui substitue une gestion commerciale à l'esprit de mission de service public qui présidait à nos relations avec nos partenaires étrangers. Un article de l'édition en ligne du Monde titrait : « Campus France fait fuir les étudiants étrangers qu'elle est censée attirer », et dénonçait la perte de la dimension humaine de l'accueil assuré autrefois par le CNOUS. Hier, le président de l'établissement a démissionné, dénonçant de façon très précise des dysfonctionnements. Les ministères de tutelle doivent demander des comptes à Campus France.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la MIRES et de soutenir la ministre qui souhaite accompagner l'évolution des universités et favoriser la réussite de tous les étudiants.

M. Maurice Vincent. - Je rejoins très largement les conclusions de ces rapports très complets. Dans le contexte budgétaire actuel, la progression des crédits est très positive. Pour avoir assisté à une partie des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, je souhaite attirer votre attention sur des problèmes récurrents : pourquoi les étudiants en médecine qui échouent après leur redoublement en première année ne bénéficieraient-ils pas de plus de passerelles ? Cela éviterait une déperdition de talents. Ne faudrait-il pas proposer de payer les études des étudiants proches du numerus clausus et leur demander en contrepartie de s'installer dans les déserts médicaux ?

Depuis vingt ans, nous ne parvenons pas à orienter les titulaires de bacs techniques et professionnels dans les sections de techniciens supérieurs ou en instituts universitaires de technologie (IUT) où ils pourraient s'épanouir. Faute de mieux, ces jeunes s'inscrivent dans des filières généralistes où leur taux d'échec est préoccupant.

Mme Corinne Bouchoux. - Première préoccupation : 23 universités sont en difficulté, 9 en grande difficulté et 5 connaissent une situation inquiétante. Quelle qu'ait été la gestion passée, il est indispensable d'accompagner les nouvelles équipes.

Nonobstant les progrès de l'AERES, les enseignants-chercheurs continuent à passer plus de temps à remplir des dossiers, à courir après les appels d'offre et à procéder à des évaluations qu'à faire de la recherche. Aux États-Unis, les chercheurs ont également connu une hyper-bureaucratisation. Il conviendrait de surveiller le ratio du temps consacré à la recherche par rapport aux tâches administratives qui finissent par appauvrir la recherche. Cela dit nous voterons les rapports.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je serai moins enthousiaste. Certes, les crédits progressent dans un budget contraint, mais le Gouvernement a refusé d'examiner nos propositions sur la première partie pour desserrer la contrainte que nous nous sommes imposée. Du fait de l'inflation, il ne s'agit que d'un budget de reconduction qui ne suffira pas pour réorienter les politiques précédentes.

Le CIR profite davantage aux grands groupes qu'aux PME. M. Plancade a parlé de Sanofi, mais il y a, hélas !, bien d'autres exemples, qui pénalisent le redressement productif. En outre, cette loi de finances accentue cela, puisqu'une nouvelle ligne sera dédiée à l'innovation et aux PME.

Autre sujet de préoccupation : l'appel à projet reste la règle. Or, il a des conséquences négatives sur l'emploi et il accentue la précarisation. En outre, comme je l'ai dit hier à la ministre, les 1 000 emplois pour la réussite licence sont en danger car la provision budgétaire apparaît insuffisante.

Enfin, le plan campus me laisse très sceptique : en quoi l'entrée des collectivités territoriales va-t-elle mettre un terme aux effets pervers des partenariats public-privé (PPP) ?

Pour toutes ces raisons, notre avis est plus que réservé sur cette mission.

M. Jacques Legendre. - Je suis un peu gêné, car je n'ai pas pu assister à l'intégralité de l'audition de Mme Fioraso. Certes, je partage son souhait de voir le plus possible de jeunes accéder à l'enseignement supérieur. Si les bourses sont importantes, la proximité des premiers cycles l'est tout autant. Les antennes universitaires se sont développées dans les villes moyennes à un moment où le nombre d'étudiants augmentait fortement. La démographie des effectifs s'étant stabilisée, les universités remettent parfois en cause ces antennes, ce qui va à l'encontre de la démocratisation de l'accès aux études supérieures, car les jeunes de familles modestes ont du mal à s'installer dans une ville lointaine. Revenir sur ce maillage de notre territoire serait négatif.

Bien que le baccalauréat constitue le premier grade de l'enseignement supérieur, c'est l'inspection générale de l'enseignement secondaire qui s'en occupe. Les bacs technologiques devraient être prioritaires dans l'enseignement supérieur technologique. Les bacs pro, eux, ouvrent sur la vie professionnelle avec une qualification et un niveau d'enseignement corrects, quitte à reprendre ensuite des études grâce à la validation des acquis de l'expérience. Dans mon rapport sur le baccalauréat, j'avais d'ailleurs souhaité que l'État garantisse une reprise de formation pour les bacs pro qui sont allés dans l'enseignement supérieur. Le laxisme aboutit à des résultats catastrophiques, alors qu'une formation supplémentaire favorise la réussite.

Je partage les préoccupations de Mme Gillot sur l'accueil des étudiants étrangers. Il ne faut pas entrer dans la désagréable querelle entre le CNOUS, longtemps crispé, et Campus France. En revanche, nous devrions faire comme les Anglais, les Allemands et les Canadiens qui facilitent l'insertion et qui règlent les problèmes pratiques de ces étudiants. Campus France est utile, mais il doit jouer tout son rôle, sinon nous aurons mauvaise réputation à l'étranger.

Je n'ai pas beaucoup apprécié que vous employiez au sujet de la politique universitaire du précédent gouvernement le terme « impéritie » qui relève de la polémique. Nous ne vous suivrons pas sur ce point et c'est pourquoi je suis réservé sur ce rapport.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. -. Je regrettais simplement le manque d'anticipation des coûts et des conséquences du passage à l'autonomie par le précédent gouvernement. S'il ne s'agit que d'un mot, je le retire bien volontiers pour que vous votiez ce rapport.

M. Jacques Legendre. - Nous verrons. Mon vote va au-delà.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - Nous reconnaissons les réserves exprimées par la communauté universitaire sur l'AERES relayées par Mme Bouchoux sur l'AERES mais après cinq ans d'existence, les contrôlés ne crient plus au loup et le nouveau président s'applique à alléger toutes les procédures. Lorsque nous avons demandé aux trois principaux organismes de recherche s'ils souhaitaient la disparition de l'agence, ils ont répondu par la négative, car ils ont progressé grâce à l'évaluation, même si les dossiers restent très lourds. Le 12 décembre, lors de l'audition des responsables de celle-ci, nous leur demanderons de faire le point. Avec Mme Gillot, mais aussi avec MM. Adnot et Berson, nous estimons que s'il faut réformer l'AERES, sa suppression constituerait une régression.

Certes, certaines grandes entreprises ont profité du CIR, mais le rapport de M. Berson estime à 2 % le nombre de dossiers litigieux. Même si c'est encore trop, les dérapages ne sont pas si nombreux que cela. Les grandes entreprises perçoivent 65 % des crédits. Enfin, l'Inspection générale des finances a attribué un 3, la note maximale à la gestion du CIR. Il convient donc de réduire ou de supprimer les crédits versés aux grandes entreprises et de réorienter les CIR vers les PME et les très petites entreprises (TPE), comme le prévoit l'article 55 du projet de loi de finances.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. - Notre réflexion s'est inspirée des Assises de l'enseignement supérieur et des nouvelles orientations de Mme la ministre.

La situation des étudiants en médecine ayant échoué en première année n'est pas satisfaisante : ils devraient être réorientés dans d'autres secteurs de la santé. Il nous faudra réfléchir ainsi à des formations universitaires dans le secteur du médico-social. L'augmentation du numerus clausus aiderait-elle à traiter des déserts médicaux ? La ministre a été sollicitée, et une évaluation précise des besoins est nécessaire avant d'aller plus avant.

La conclusion des Assises, de même que les rapports de la Conférence des présidents d'université (CPU), souligne combien la situation des bacheliers professionnels est préoccupante. L'arbre ne doit pas cacher la forêt : il faut viser la réussite de tous les bacheliers. Or un étudiant sur deux échoue en première année. Il convient d'étudier la question de près ; les ateliers des Assises de l'enseignement supérieur feront des propositions. D'ores et déjà, les universités se préoccupent de ces étudiants, et ne les considèrent plus comme un moyen d'augmenter le nombre d'inscrits en première année : il y a une vraie volonté d'accompagnement et d'appui.

La procédure de diagnostic et d'accompagnement qui est mise en place révèle bien la grande diversité des universités. Une grosse université, pourvue de capacités de développement et d'alliance, voire de fusion, ne saurait être comparée à une petite qui s'attache à développer des formations de niche - même si c'est parfois cette dernière qui a le moins de difficultés. Le travail mis en oeuvre par des équipes de pairs sous la houlette de la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) consiste à rechercher un diagnostic partagé et des solutions viables pour tous. Il ne s'agit ni d'une mise sous tutelle, ni d'une libéralisation sauvage, mais d'une démarche sur le chemin de l'équilibre, voire de la croissance, dont le coût ne compromettra pas la croissance : pas question d'engager des moyens sans les assortir de contrats d'utilisation.

Les mille postes sont accordés, après une évaluation de la situation des universités, dans le cadre d'un contrat pédagogique et sont correctement budgétés. Les universités s'engagent dans une révision de leur pédagogie : dans plusieurs secteurs le déficit de pédagogie est patent, alors que le statut d'étudiant n'exonère pas d'une attention particulière à la transmission des connaissances. Les écoles supérieures de formation des enseignants contribueront à cette amélioration.

La ministre a remis dans le droit commun les commandes passées par les équipes universitaires : le PPP n'est pas la seule méthode pour construire un bâtiment utile, mais plutôt le dernier recours : la maîtrise d'ouvrage publique doit idéalement rester la règle. En particulier, pour des projets de petite taille, un PPP n'est nullement nécessaire, comme l'a bien mis en lumière la mission conduite par Roland Peylet. La programmation des investissements immobiliers des universités a ainsi pu être réorientée pour partie vers des maîtrises d'ouvrage publiques.

Suivant ses rapporteurs, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».