Mercredi 5 décembre 2012

- Présidence de Mme Annie David, présidente - Première réunion tenue dans la matinée

Organisation des travaux

Mme Annie David, présidente. - Comme vous le savez, la proposition de loi de M. Daudigny visant à verser les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance a été retirée de l'ordre du jour du 13 décembre à la demande du groupe socialiste. Son examen en commission et en séance publique est reporté à une date ultérieure.

En lieu et place, le Sénat examinera en deuxième lecture la proposition de loi interdisant l'utilisation du bisphénol A dans les conditionnements à vocation alimentaire, adoptée par l'Assemblée nationale mercredi dernier. Mme Schillinger présentera son rapport à la commission mardi prochain.

M. Yves Daudigny. - Je vous confirme qu'il ne s'agit que d'un report. La proposition de loi sera réinscrite lors d'une prochaine niche parlementaire réservée au groupe socialiste, l'objectif étant d'obtenir une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour une mise en oeuvre rapide.

Mme Catherine Deroche. - Ce texte, qui résout un problème dont nous débattons depuis longtemps, doit effectivement aller au terme de la discussion parlementaire.

Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport de Mme Isabelle Debré sur la proposition de loi n° 555 (2011-2012) visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - La proposition de loi, que j'ai déposée le 24 mai dernier, répare l'injustice faite aux titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'Aspa. Leurs revenus d'activité sont soumis à cotisation et retranchés du montant de la prestation quand les autres retraités bénéficient, depuis 2003, du cumul emploi-retraite libéralisé, depuis 2009. Donnons-leur aussi ce droit.

Le minimum vieillesse, premier minimum social créé en 1956, constitue une prestation subsidiaire versée aux personnes âgées de soixante-cinq ans (soixante ans en cas d'inaptitude au travail ou d'invalidité) afin de compléter leurs faibles ressources. Près des trois quarts des allocataires dépendent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ; les autres dépendent des différents régimes et, s'ils n'ont pas cotisé à un système de retraite, du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de la Caisse des dépôts et consignations. Le financement de la prestation revient au fonds de solidarité vieillesse : 3 milliards d'euros en 2011, soit près de 15 % de ses dépenses.

La revalorisation exceptionnelle du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans pour les personnes isolées, décidée par l'ancien gouvernement, a été précédée de la simplification du dispositif par l'ordonnance du 24 juin 2004. Depuis 2007, le minimum vieillesse regroupe les bénéficiaires de l'ancienne allocation supplémentaire vieillesse (ASV) et de la nouvelle Aspa.

Son calcul revêt un caractère différentiel : en application de l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale, le montant de la prestation servie est égal à la différence entre le montant du minimum de ressources garanties aux personnes âgées et le montant des ressources du foyer. Au 1er avril 2012, le minimum vieillesse complète les ressources du bénéficiaire jusqu'à 777,16 euros par mois pour une personne seule et 1 206,39 euros pour un couple. Fin 2010, les bénéficiaires touchaient en moyenne 287 euros mensuels au titre de l'ASV et 382 euros mensuels au titre de l'Aspa.

Au cours des cinq dernières décennies, le nombre d'allocataires du minimum vieillesse a diminué du fait de la montée en charge des régimes d'assurance vieillesse de base et complémentaires, de la création de minima de pensions dans les principaux régimes de retraite et de la participation accrue des femmes au marché du travail. Entre 1960 et 2010, il est passé de 2,5 millions à 576 000. Il s'est stabilisé depuis le début des années 2000. Pour autant, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, a souligné le rôle essentiel de cette prestation dans la couverture vieillesse des personnes pauvres. Les effectifs d'allocataires, probablement inférieurs au nombre de personnes éligibles, risquent fort d'augmenter avec l'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant eu des carrières incomplètes - et je pense, en particulier, aux femmes.

Dans ces conditions, on comprendrait mal que les allocataires du minimum vieillesse ne puissent pas, eux aussi, bénéficier du cumul de leur allocation avec les revenus d'activité, en particulier lorsque ceux-ci sont modestes. Un constat largement partagé : un syndicat auditionné qualifie même les règles actuelles « d'aberration juridique » en soulignant que la majorité des allocataires de l'Aspa, malgré les récentes revalorisations, se situe sous le seuil de pauvreté, soit 964 euros mensuels en 2010. Le Conseil d'orientation des retraites, le COR, rappelle que « le droit à la retraite ne prive pas les retraités d'un droit fondamental, le droit au travail ». Quant à l'Igas, elle invite, dans un rapport publié peu après le dépôt de cette proposition de loi, à la création « d'un mécanisme d'intéressement pour le minimum vieillesse » afin de corriger « un facteur d'inégalité dans l'accès au cumul emploi-retraite ». De fait, ce cumul, qui s'est fortement développé depuis 2004, bénéficie aujourd'hui à un demi-million de personnes.

Ma proposition de loi est en pleine cohérence avec la recommandation de l'Igas en modifiant l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale pour autoriser le cumul de l'Aspa avec des revenus d'activité dans la limite de 1,2 Smic. La fixation d'un plafond, nécessaire parce que la l'allocation relève de la solidarité nationale, comporte forcément une part de subjectivité. Nous pourrons en discuter. Quoi qu'il en soit, 1,2 Smic me semble cohérent : l'intéressé pourrait ainsi compléter ses ressources par 565 euros de revenus d'activité.

Ce texte ne prétend évidemment pas résorber la pauvreté qui touche un million de personnes âgées en 2010, soit 10 % de cette classe d'âge, selon les données de l'Insee. Ce nombre est d'ailleurs certainement encore plus élevé d'après les témoignages des associations. Le but est simplement d'ouvrir aux personnes qui souhaitent travailler et sont en capacité de le faire, le droit de compléter leurs revenus et de garder un lien social. Les représentants du régime social des indépendants ont insisté sur l'utilité de la mesure : buralistes et restaurateurs ont souvent besoin de l'aide ponctuelle des anciens.

S'il est difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes concernées par la mesure, elle s'adresse d'abord aux allocataires âgés de soixante-cinq à soixante-quinze ans environ, soit un tiers des titulaires, et surtout aux femmes qui représentent 62 % des allocataires isolés entre soixante-cinq et soixante-dix ans.

Afin de renforcer la cohérence du texte, je propose, à l'article 1er, de maintenir le mode de calcul différentiel de l'allocation, car cela est indispensable pour apprécier les ressources sur lesquelles se fonde le montant de la prestation servie. Pour éviter de désavantager les couples en fixant un plafond unique, prévoyons pour eux un second plafond de 1,8 Smic, soit la possibilité d'un complément de revenus d'activité de 807 euros environ au total. Par souci d'équité, un article additionnel étendra le dispositif aux titulaires des anciennes allocations du minimum vieillesse.

En conclusion, ce texte, qui sera examiné en séance le 12 décembre prochain, apporte une réponse pragmatique et de bon sens aux allocataires du minimum vieillesse désireux de compléter leurs ressources par des revenus d'activité.

Mme Catherine Deroche. - Je félicite Mme Debré pour cette proposition de loi cosignée, comme moi, par de nombreux sénateurs UMP. Voilà un rapport précis sur des points parfois techniques. Nous corrigerons une injustice en autorisant les titulaires du minimum vieillesse à compléter leurs ressources par des revenus d'activité et, par la même occasion, à maintenir un lien social. Le texte renforce indéniablement la valeur sociale des personnes âgées ; je le voterai avec conviction en espérant que la commission fera de même.

M. Dominique Watrin. - Ce texte n'améliore le pouvoir d'achat des titulaires de l'Aspa qu'en apparence. La reprise de l'activité professionnelle serait la solution pour résorber la pauvreté des personnes âgées ? Ce raisonnement, simpliste, méconnaît la situation des bénéficiaires : beaucoup ne peuvent plus travailler et, quand ils le veulent, ils sont rejetés du marché du travail. Le taux d'activité des seniors est particulièrement bas en France. Un chiffre devrait retenir votre attention : 23 % des ruptures conventionnelles concernent les plus de cinquante-huit ans. D'après un récent article du Figaro, la grande majorité des seniors sont venus, crise oblige, gonfler les rangs des demandeurs d'emploi ; entre 2008 et 2011, le taux des seniors pointant à Pôle emploi a augmenté de 41 %.

Plutôt que de revaloriser les allocations, on fait croire que chacun est libre de reprendre une activité, que chacun est responsable pour soi-même. Le groupe CRC, qui a toujours combattu cette idéologie, votera contre.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je ne pourrai pas citer L'Humanité...

Mme Annie David, présidente. - Vous ratez quelque chose !

M. Jean-Noël Cardoux. - Evidemment, certains invoqueront, pour s'opposer au texte, une discrimination envers les titulaires du minimum vieillesse qui ne pourront pas travailler. Ce texte ne change pourtant rien à la situation actuelle : il y aura toujours des personnes handicapées ou invalides... Ensuite, la proposition vise des emplois supplétifs, et non les emplois à temps plein qu'occupent parfois des personnes parties en retraite anticipée. Pour ma part, je crois que le travail apporte du travail, que la richesse crée de la richesse. Un senior en semi-activité apporte beaucoup à la société, nous le voyons dans nos campagnes. Des femmes de soixante-cinq ans travaillent un ou deux jours dans une association, ou pour tenir un petit commerce qui, sans cela, devrait fermer. Parfois, elles travaillent pour une association dans le secteur des emplois à domicile. En plus, le cumul est plafonné et les cotisations sur les revenus d'activité iront aux caisses de sécurité sociale. Nous avons tout à y gagner.

M. René-Paul Savary. - Je voterai ce texte d'autant plus volontiers que je l'ai cosigné. Laissons aux personnes qui le veulent la liberté d'être actives ! Et puis, remettre le pied à l'étrier prévient les troubles cognitifs chez les personnes âgées...

Mme Gisèle Printz. - C'est un médicament ?

M. René-Paul Savary. - De la prévention !

Les autres retraités ont droit au cumul, pourquoi pas les titulaires de l'Aspa ? Je suis d'accord avec M. Cardoux : le travail crée l'emploi. Ce texte n'a rien d'aberrant. Quelques questions, madame Debré : le cumul du RSA et de l'Aspa est-il possible ?

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - Non, les bénéficiaires basculent automatiquement du premier au second à l'âge de soixante-cinq ans.

M. René-Paul Savary. - Combien coûterait la mesure ?

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - Elle ne coûtera rien puisqu'elle se traduit, non par une dépense, mais par une moindre recette. Cela dit, elle apportera un surcroît de cotisations à la sécurité sociale.

M. Jacky Le Menn. - Certains éléments du texte ne sont pas inintéressants. Il en va ainsi de l'alignement des titulaires du minimum vieillesse sur les autres retraités. Le groupe socialiste s'abstiendra. Nous développerons plus longuement notre position en séance publique.

M. Dominique Watrin. - D'après les études officielles, dont je n'ai pas les chiffres exacts en tête, les emplois à domicile sont majoritairement occupés par des personnes entre trente et quarante ans. Ce sont des métiers très pénibles, la plupart des gens arrêtent au bout de quinze ans.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je vous parle, moi, du terrain.

Mme Annie David, présidente. - Le travail qui crée de l'emploi ? Hier, chacun s'accordait en séance publique pour donner priorité à l'emploi des jeunes, et maintenant des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou invalides devraient reprendre un emploi ? Peut-être faudrait-il approfondir le sujet...

M. Jean-Noël Cardoux. - Dans mon département du Loiret, des femmes de soixante-cinq ans, bien solides pour avoir travaillé toute leur vie dans une exploitation agricole, exercent un emploi à temps partiel pour des associations d'aide à domicile. Prenons un exemple concret : un coup de main d'une personne âgée un ou deux jours par semaine afin d'assurer l'ouverture d'un petit commerce dans une ville moyenne pérennise l'activité et, à terme, peut créer de l'emploi. Un jeune ne voudra pas de ce qui n'est pas assez rémunéré.

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - Mon texte ne remet en cause aucun droit acquis.

Monsieur Watrin, au nom de quoi refuser à des personnes qui disposent de 777 euros d'arrondir leurs fins de mois quand des retraités dont la pension s'élève à 4 000 euros ont droit au cumul ? Cette question d'équité ne devrait pas faire l'objet de polémique ou de clivage entre la droite et la gauche. On ne peut pas être contre, les partenaires sociaux l'ont tous dit. La CGT demande également une hausse des minima sociaux, une décision qui appartient au seul Gouvernement et que l'ancienne majorité avait prise. Modeste parlementaire, il me reste la solution de créer un droit nouveau. Je ne prétends pas résoudre la pauvreté, je ne veux pas non plus remettre les personnes âgées au travail, mais autoriser celles qui le veulent à travailler quelques heures. Elles seront utiles pour garder les enfants, préparer les repas dans une famille où la maman travaille beaucoup, ou encore servir les clients d'une boulangerie aux heures de pointe. Sincèrement, je ne peux pas comprendre un vote négatif.

Madame la présidente, pourquoi des personnes invalides à 50 % ne pourraient-elles pas travailler trois ou quatre heures ? Actuellement, certaines le font : non seulement on prélève des cotisations sociales sur les quelques sous qu'elles ont gagnés, mais en plus on les retire du montant de leur allocation ! Le Sénat s'honorerait en adoptant un tel texte. Les jeunes ? Ils ne remplissent pas, par exemple, les conditions d'agrément imposées pour exploiter un débit de tabac alors qu'un ancien de la profession pourrait être appelé à remplacer ponctuellement un buraliste contraint de s'absenter temporairement.

Les revenus d'activité complémentaires, avec le plafond, représenteraient un montant modeste mais utile. Le COR l'a bien dit, les titulaires du minimum vieillesse ont droit au travail. Oui, sauf que l'Etat leur prend tout ce qu'ils gagnent. Est-ce équitable ?

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - J'ai exposé l'amendement n° 1 en présentant le rapport. Il prévoit l'introduction d'un second plafond applicable aux couples dont les deux membres sont bénéficiaires de l'ASP et fixé à 1,8 Smic. L'application d'un plafond unique aurait conduit à les désavantager.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 1er

Mme Isabelle Debré, rapporteure. - L'amendement n° 2 prévoit une mesure d'équité : il élargit le dispositif aux titulaires de l'ancien minimum vieillesse.

L'amendement n° 2 est adopté, puis l'article 2.

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEBRÉ, rapporteur

1

Plafond de cumul applicable aux couples allocataires

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme DEBRÉ, rapporteur

2

Extension de la possibilité de cumul aux allocataires de l'ancien minimum social

Adopté

Autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150 000 euros - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission procède à l'examen du rapport de M. Ronan Kerdraon sur la proposition de loi n° 92 (2012-2013) visant à autoriser le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les successions supérieures à 150 000 euros.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Déposée le 29 octobre dernier, la proposition de loi de M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE autorise le recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'Apa, sur les patrimoines supérieurs à 150 000 euros. Elle reprend un amendement au projet de loi de finances rectificative de cet été que ce groupe avait retiré à la demande de la commission des finances et du Gouvernement.

Son but est de préserver la capacité financière des conseils généraux à verser l'Apa dans des conditions satisfaisantes. Voilà un enjeu central : entre 2003 et 2009, les dépenses brutes d'Apa ont augmenté de 5,9 % par an, quand les dépenses restant à la charge des départements ont crû de 8,8 % par an. En 2011, la dépense totale d'Apa s'établissait à 5 264 millions ; la CNSA ne couvrant qu'un peu plus de 30 % de ce montant, la charge laissée aux départements s'établissait à 3,6 milliards. Nous sommes bien loin du respect du principe d'une égale répartition du financement de la prestation entre l'Etat et les départements qui, il est vrai, n'a jamais été gravé dans le marbre de la loi.

Si les difficultés des départements sont réelles, la réponse apportée par ce texte m'apparaît prématurée et inadaptée. Prématurée parce que nous reverrons en profondeur le mode de financement de l'Apa dans le futur projet de loi sur la prise en charge de la perte d'autonomie - ce sera aussi l'occasion d'aborder la lourde question du reste à charge en établissement. Le groupe de travail n° 4 relatif à la stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées comme le Conseil économique, social et environnemental ont étudié la piste du recouvrement sur succession avant de la rejeter dans leurs rapports de juin 2011. D'autres pistes sont envisageables : un prélèvement général mais limité sur l'ensemble des successions ou un alignement progressif du taux de CSG applicable aux pensions de retraite sur le taux de droit commun.

La réponse est inadaptée dans la mesure où, contrairement à l'aide sociale à l'hébergement servie par les départements à titre subsidiaire, l'Apa constitue une prestation universelle destinée à couvrir un risque identifié, la dépendance. Organise-t-on un prélèvement sur le patrimoine d'un malade du cancer afin d'obtenir le remboursement de ses soins ? Mme Bachelot, en son temps, avait clairement écarté cette option.

Mme Catherine Deroche. - C'est vrai !

M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Pourquoi l'envisager pour un malade d'Alzheimer ? Les ressources de la personne dépendante, son patrimoine, sont déjà pris en compte dans la définition des plans d'aide. Perfectionnons le dispositif, révisons le mode de calcul des tickets modérateurs, ce sera plus efficace qu'un recouvrement sur succession. L'Apa doit son succès à la suppression, grâce au Parlement, du frein psychologique que représentait le recouvrement sur succession, de l'ancienne prestation spécifique dépendance, la PSD. De nombreuses personnes préféraient y renoncer pour transmettre un patrimoine intact à leurs héritiers.

M. Alain Milon. - La PSD a duré moins longtemps !

M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Réintroduire le recouvrement sur succession, ce serait limiter le nombre des bénéficiaires de l'Apa, qui atteignait 1,2 million fin 2011. 140 000 personnes bénéficiaient de la PSD fin 2001, mais elles étaient plus du double à percevoir l'Apa pour les groupes iso-ressources (GIR) 1 à 3 un an plus tard. De toute évidence, quelque chose s'est débloqué. Relever le seuil pour ne toucher que les plus aisés ? Ce ne serait guère efficace : d'après toutes les personnes que j'ai auditionnées, c'est moins le niveau du seuil que son existence qui conduit à renoncer à la prestation. Par ailleurs, le recouvrement sur succession risque d'avoir un impact collatéral sur le secteur des services d'aide et d'accompagnement à domicile déjà fragilisé. En effet, 90 % des montants des plans d'aide à domicile sont utilisés pour financer le recours à un aidant professionnel.

Enfin, le dispositif proposé, qui diffère du système de gage maximal de 20 000 euros que notre mission commune d'information sur la dépendance avait envisagé en 2010, présente des limites techniques fortes : il ne prévoit ni plafond sur les sommes recouvrables ni droit d'option. Il s'appliquerait à l'ensemble des allocataires six mois après l'entrée en vigueur de la loi : ne serait-il pas plus juste de le réserver aux seules personnes entrant en dépendance après la publication de la loi ? Autre difficulté, si l'on se fie aux derniers chiffres de la Cour des comptes, le seuil de 150 000 euros correspond peu ou prou au patrimoine médian des ménages de soixante-dix ans et plus. Autrement dit, nous toucherions la très grande majorité des personnes dépendantes propriétaires de leur logement, qui ne sont pas nécessairement les plus nanties. Si les estimations sont à manier avec prudence, environ 40 % des bénéficiaires de l'Apa seraient concernés.

Alors que l'objectif est d'améliorer la situation financière des départements, nous ne disposons d'aucune information sur les ressources qui pourraient être récoltées, afin de les mettre en regard des coûts potentiels. Les coûts de gestion risquent, en effet, d'être non négligeables. De plus, si le risque d'évincement se vérifie, les sommes économisées par les départements seront dépensées à un autre niveau, notamment par l'assurance maladie, lorsque les personnes dépendantes, trop tardivement accompagnées, recourront au système de soins.

Pour toutes ces raisons je demande à la commission de ne pas adopter le texte. Ce rejet n'empêcherait pas son examen : la proposition de loi viendrait simplement en séance la semaine prochaine dans la rédaction initiale.

Ma position en tant que rapporteur rejoint celle de l'ensemble des personnes que j'ai consultées, en particulier l'assemblée des départements de France (ADF), pourtant concernée au premier chef. Il ne s'agit pas de nier les difficultés des conseils généraux, mais plutôt de ne pas adopter dans l'urgence un dispositif dont nous maîtrisons mal les implications et dont nous entrevoyons clairement les risques. Le Gouvernement a montré qu'il était attentif à la situation des départements... Dès 2013, un fonds de 170 millions d'euros sera mis en place pour soutenir les collectivités les plus en difficulté, et des solutions pérennes doivent être trouvées à compter de 2014 pour assurer un partage plus équitable du financement des prestations de solidarité.

En dépit de l'urgence, il serait contreproductif d'agir dans la précipitation. Le texte que nous attendons depuis si longtemps sera soumis au Parlement dans les prochains mois. C'est alors que nous confronterons nos idées, partagerons nos expériences et définirons ensemble les grandes lignes d'une meilleure prise en charge de la perte d'autonomie.

M. René-Paul Savary. - Le rapporteur s'est attaché à présenter tous les arguments pour et contre. Les présidents de conseils généraux ne parviennent plus à boucler les budgets. Il manque 1 milliard d'euros de compensation de la part de l'Etat pour le financement de l'Apa. En conséquence, les dépenses non obligatoires baissent à un niveau inacceptable pour nos concitoyens.

Le texte ouvre le débat. L'hébergement des personnes âgées donne droit à un recours sur succession. La situation est différente pour l'hébergement des personnes handicapées puisque les départements ne peuvent effectuer un recours qu'en l'absence d'héritiers, et les moyens des descendants ne sont pas pris en compte. Ne conviendrait-il pas de reconsidérer cette différence entre deux catégories de personnes en perte d'autonomie ? Pour ce qui est de l'Apa, les coûts de gestion ne seraient pas un obstacle. Nos services savent déjà récupérer les fonds en matière d'hébergement. Ils pourront le faire dans le cas de l'Apa.

Vous évoquez 170 millions pour le fonds d'urgence de compensation. N'est-ce pas dérisoire au regard des 6 milliards nécessaires au niveau national pour compenser le financement des prestations de solidarité versées par les départements ?

Enfin, l'assemblée des départements de France ne serait pas favorable à la proposition de loi ? Elle comprend en réalité deux groupes, écoutons les deux.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je partage la position du rapporteur. Quoique nul ne puisse me reprocher d'être insensible à la dégradation de la situation financière des départements, je m'oppose à cette proposition de loi. L'absence de recours sur succession est une des raisons du succès de l'Apa. Lors de sa création, la discussion avait été vive ; la question a été tranchée, ne revenons pas sur ce pilier du dispositif.

Je suis partisan de la reconnaissance d'un nouveau risque lié à la perte d'autonomie, aux côtés des risques vieillesse, santé ou famille, et ouvrant droit à une allocation universelle, indépendamment des causes de la perte d'autonomie et de l'âge des personnes, ce qui briserait la barrière des soixante ans. Est-ce une vue de l'esprit ? Non, et cela n'aurait rien de laxiste, car ce droit s'exercerait dans des conditions spécifiques : les modalités de gouvernance seraient différentes de celles des autres branches de la sécurité sociale, ce qui est déjà le cas avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et les allocations seraient calculées différemment selon le revenu - c'est déjà le cas pour l'Apa, à la différence des prestations maladie ou familiales. Dans ces conditions, il ne serait pas choquant que les personnes âgées plus aisées puissent bénéficier de l'Apa sans recours sur leur succession. Au demeurant, comment expliquer qu'une personne atteinte d'un cancer soit prise en charge sans que soit effectué aucun recours, tandis qu'il y aurait recours sur succession en cas de maladie d'Alzheimer ? C'est pourquoi je suis plutôt favorable à la création d'une ressource perçue sur l'ensemble des successions afin d'alimenter, notamment, le financement de l'Apa.

M. Gilbert Barbier. - Un impôt en somme ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - A la différence de ce que vous proposez, ce mécanisme s'inscrirait dans une approche collective et respecterait le principe de solidarité.

M. Dominique Watrin. - Il y a urgence à résoudre les problèmes financiers des départements. Des mesures plus ambitieuses que celles annoncées par le Gouvernement sont nécessaires. Le rapporteur a raison, on ne peut pas aborder la question de l'autonomie sous le seul angle financier, par le petit bout de la lorgnette. Ne mettons pas la charrue avant les boeufs.

Si les dépenses augmentent, le nombre d'heures Apa stagne. De nombreux bénéficiaires potentiels renoncent aux heures auxquelles ils auraient droit : depuis le décret Raffarin de 2003, il faut toucher moins de 650 euros pour être exonéré de participation. De plus, le plafonnement des GIR et la hausse des taux horaires d'intervention à domicile n'autorisent pas le même nombre d'heures qu'auparavant. C'est inquiétant, les personnes dépendantes sont moins bien accompagnées. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une réforme globale de l'Apa et pas seulement de son financement. Dans un esprit de solidarité, mettons à contribution les revenus financiers.

En outre l'Apa ne sortirait pas indemne de cette proposition. Il est grave d'agiter un épouvantail, l'exemple de la PSD l'a montré. De même, dès la publication du rapport Rosso-Debord, beaucoup d'allocataires ont réduit le nombre d'heures utilisées par crainte d'un recours sur succession. Enfin, on le sait bien, les plus riches, qui disposent de conseillers fiscaux, organiseraient leur insolvabilité.

M. Alain Milon. - Lors de son audition, Mme Delaunay avait affirmé avoir trouvé un dossier vide. Le rapporteur, lui, a reconnu l'existence de nombreux rapports sur ce sujet : le rapport de MM. Marini et Vasselle, celui du groupe de travail sur la stratégie de couverture de la dépendance des personnes âgées, le rapport du Conseil économique, social et environnemental et l'on vient de citer le rapport Rosso-Debord.

Vous dites que le moment n'est pas opportun. La ministre a parlé de mi-2013 - entendons fin 2013 - ce qui renvoie l'application à 2015. Pendant ce temps, la situation des départements continuera de s'aggraver. Il faudra bien trouver une solution. Enfin, vous affirmez que la proposition du groupe RDSE aurait des conséquences sur les services d'aide à domicile. N'est-ce pas déjà le cas avec la suppression de la base forfaitaire pour les cotisations sur les emplois à domicile dans le PLFSS ?

Le groupe UMP s'abstiendra, car nous souhaitons un débat en séance.

Mme Catherine Deroche. - J'étais initialement assez favorable à ce texte. Cependant, le seuil de 150 000 euros paraît assez bas. De plus, comme tout seuil, il s'accompagne d'effets pervers. Il nous apparaît qu'une réforme d'ensemble de la dépendance est nécessaire. Pourquoi faire contribuer les personnes atteintes de maladies de l'âge ou dégénératives et pas les autres malades ? Je m'abstiendrai.

M. Gilbert Barbier. - La tâche est difficile pour le représentant du groupe RDSE... Il a été dit que ce texte aborde l'Apa par le petit bout de la lorgnette. Pourtant, depuis sa création, la question du financement des départements est lancinante.

M. Jean-François Husson. - Tout à fait.

M. Gilbert Barbier. - D'un point de vue terre à terre, les habitants de nos villages et petites villes comprennent mal que le département prenne en charge l'autonomie de personnes qui disposent de rentes de situation, même si elles ne se comparent pas à Mme Bettancourt. Cette inégalité est mal perçue.

Certes des maladies lourdes comme le cancer sont prises en charge à 100 %, mais l'entrée dans la dépendance relève d'une problématique plus vaste. Sans doute pourrait-on moduler le seuil de 150 000 euros en fonction de la situation géographique de la résidence principale.

Ce texte a du moins le mérite de proposer des solutions pour les départements. Combien de temps attendrons-nous le grand projet qu'annonce la ministre ? Elle n'exclut pas, d'ailleurs, de mettre à contribution les personnes aisées bénéficiant de l'Apa. Dès lors, ne serait-ce que pour frayer la voie au texte du Gouvernement, il est intéressant de réaliser une petite avancée sur un sujet difficile.

M. Georges Labazée. - Je partage la position du rapporteur. Cette proposition de loi constitue une occasion d'élargir le débat, au-delà du cercle des présidents de conseils généraux, toutes tendances confondues, aux parlementaires et à tous les acteurs de la dépendance. Nous souhaitons la fixation d'un calendrier et une mise en oeuvre rapide de la réforme de la dépendance. Les enjeux sont connus. Avançons ! Je rejoins le rapporteur, les sommes gagnées au titre du recours sur succession seraient dépensées pour l'aide à la personne, comme les débats nourris de 2000 l'avaient souligné.

Mme Muguette Dini. - Le RDSE nous alerte sur la difficulté du financement pour les conseils généraux de l'Apa et sur le sentiment d'injustice que peut susciter le versement de l'allocation à des personnes aux revenus différents. Toutefois, il est vraisemblable que les personnes dépendantes hésiteront à solliciter l'Apa si elles craignent de ne pouvoir transmettre le fruit d'une vie de travail. Faut-il augmenter le seuil ou moduler le recouvrement ? En tout cas, cette proposition de loi est un appel à agir vite, je la voterai.

Mme Isabelle Debré. - Les partenaires sociaux que j'ai pu auditionner dans le cadre de la proposition de loi sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées, ont souvent souligné le manque d'équité de l'Apa. Comment comprendre que le propriétaire de centaines d'hectares de forêt touche l'Apa ? Je m'abstiendrai, parce que le sujet requiert une réflexion approfondie. Surtout, la solidarité nationale peut être complétée par la solidarité familiale. N'oublions pas que les enfants, dans le droit français, doivent assistance à leurs parents.

M. Jacky Le Menn. - Ce rapport n'avait rien de péjoratif et le collègue parlant du bout de la lorgnette voulait nous dire qu'il n'était pas possible d'isoler ainsi un aspect du dossier. Mme Delaunay a-t-elle mal regardé ? Donnez-moi acte que j'ai plusieurs fois rappelé les rapports dont nous disposions : nous avons tous les éléments de réflexion pour prendre les décisions, sans nous borner à une urgence ponctuelle. Notre réflexion doit au contraire embrasser l'ensemble du champ de la dépendance, en incluant les établissements concernés, les équipes à domicile, les équipes de proximité, ou les associations en difficulté.

Quel sera le statut de l'Apa, est-ce une prestation universelle, avec quels financements, avec des paliers ? Autant de questions d'ordre financier, très lourdes, et pas seulement pour les conseils généraux. Il convient d'aborder cette réforme de manière heuristique, globalement et non par petits morceaux. Les gens sont attachés à l'Apa. Revenir brutalement au recours sur succession, comme avec la PSD, marquerait une régression. En Ille-et-Vilaine où une expérimentation avait été menée, des personnes quittaient le dispositif de l'hébergement afin de préserver leur petit logement, toute la richesse d'une vie.

Il incombe au législateur de fixer les grandes lignes de la prise en charge de la perte d'autonomie. De même la question des finances des départements sera traitée avec la loi sur la décentralisation.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le mode de calcul de l'Apa prévoit d'ores et déjà une participation des bénéficiaires en fonction des revenus. En dessous d'un revenu d'environ 800 euros par mois, l'allocation est versée en intégralité ; entre 800 et 2 800 euros, elle varie de 0 % à 90 % ; au-delà elle est de 90 %.

M. René-Paul Savary. - Mais qu'en est-il des personnes, tels les agriculteurs et les viticulteurs, qui ont un patrimoine important, mais peu de revenus ?

Mme Annie David, présidente. - Je ne vois pas en quoi le fait qu'une personne ait du patrimoine et de faibles revenus justifie que l'on effectue un prélèvement sur son patrimoine.

M. Ronan Kerdraon, rapporteur. - Cette proposition de loi a le mérite de prolonger le débat ouvert en 2011 et de mettre en lumière la nécessité de réformer le financement de l'Apa, qui pèse sur les budgets des départements. Toutefois le texte aborde la question, sinon par le petit bout de la lorgnette, du moins sous un seul prisme. Il convient de prendre en compte tous les paramètres, faute de quoi nous aboutirons à une réponse partielle.

En outre, le calcul de l'Apa intègre déjà le capital dormant. L'enjeu est l'universalité de l'Apa. Il faudra y réfléchir lors de l'examen de la réforme que proposera le Gouvernement. Je partage le sentiment d'urgence exprimé par M. Watrin et la nécessité d'une réforme plus ambitieuse pour les départements.

L'instauration d'un recours sur succession, quel qu'en soit le montant, constituerait un frein à la demande d'Apa, avec des conséquences sur les services à domicile. Il est urgentissime de lancer un plan de lutte contre la perte d'autonomie, expression préférable à celle de dépendance. C'est une question de solidarité nationale. Peut-être faut-il créer un cinquième risque. Fixons rapidement un calendrier précis.

Comme l'a dit Mme Dini, le RDSE a exercé un droit d'alerte pour ouvrir le débat. L'articulation entre solidarité familiale et solidarité nationale est à verser au débat. La boîte à outils existe. Il ne reste plus qu'à avoir le courage de faire des choix.

L'article 1er et l'article 2 ne sont pas adoptés.

La commission repousse la proposition de loi.

Mme Annie David, présidente. - La commission n'ayant pas adopté de texte, la proposition de loi initiale sera examinée en séance publique le jeudi 13 décembre après-midi.

Politique vaccinale de la France - Audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur l'enquête relative à la politique vaccinale de la France.

Mme Annie David, présidente. - Merci à M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, ainsi qu'à Mme Marianne Lévy-Rosenwald et M. Pascal Samaran, d'être venus nous présenter les conclusions de l'enquête confiée par notre commission à la Cour sur la politique vaccinale de la France. Celle-ci fait l'objet de débats récurrents : obligation ou simple recommandation ? Quel niveau de couverture effective de la population ? Quelle répartition des coûts ? Quels effets, et quels risques ? Nous avons désigné la semaine dernière notre rapporteur : M. Georges Labazée. Il sera chargé d'analyser les conclusions de l'enquête de la Cour.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. - La politique de vaccination de la France se caractérise par un objectif encore insuffisamment ferme et par des résultats contrastés. Mais c'est aussi une politique fragilisée car le consensus assez large dont fait l'objet, dans notre pays, la vaccination, comme protection à la fois individuelle et collective, se réduit : entre 2005 et 2010, la proportion de personnes ayant une opinion positive de la vaccination est passée de 90 % à 60 %. C'est sans doute le résultat des difficultés rencontrées par de récentes campagnes de vaccinations spécifiques, contre l'hépatite B et contre la grippe H1N1.

Par la loi de santé publique du 9 août 2004, notre pays s'est assigné, en matière de vaccination, des objectifs ambitieux qui ne sont pas atteints aujourd'hui. Cette loi comprenait cent objectifs de santé publique, dont deux visaient spécifiquement la vaccination : porter le taux de couverture vaccinale de la population contre dix principales maladies à 95 %, et celui de certains groupes à risques, contre la grippe, à 65 %. Huit ans après la fixation de ces objectifs, nous avons cherché à évaluer dans quelle mesure ils avaient été atteints. Les données manquent ; c'est une des fragilités de la politique vaccinale. Mais nous avons pu constater que les résultats sont mitigés : les taux visés n'ont que rarement été atteints au terme du délai de cinq ans que la loi avait fixé. En effet, ces objectifs n'ont pas été définis avec suffisamment de finesse. Le taux de 95 % s'appliquait uniformément à toutes les pathologies, alors que la situation était pour chacune bien différente. Pour certaines maladies, l'objectif était donc extrêmement difficile à atteindre, quand pour d'autres il décrivait quasiment l'existant. Quant au taux de 65 % qui s'appliquait aux groupes à risques - personnes en affection de longue durée, professionnels de santé, personnes âgées de plus de soixante-cinq ans - il était trop ambitieux : par exemple, la définition de l'objectif de couverture vaccinale des professions de santé a été faite en s'inspirant de la situation aux Etats-Unis, qui est difficilement transposable !

Notre taux de couverture est donc très nettement insuffisant pour certaines pathologies : pour la grippe, il est inférieur de dix points à celui de la Grande-Bretagne, pour l'hépatite B, il est le plus faible d'Europe après la Suède, et pour la rougeole, il ne suffit pas à empêcher le maintien de poches de réceptivité, car 1,5 million de personnes ne sont pas immunisées contre cette maladie. C'est ainsi que nous avons connu récemment une résurgence très importante de la rougeole : 22 000 cas entre 2008 et 2011, engendrant 900 pneumopathies, 26 encéphalites et 10 décès. Triste record des pays d'Europe occidentale !

Quelles sont les causes de cette situation peu satisfaisante ? D'abord, la difficulté du suivi de la couverture vaccinale : les données sont insuffisantes et fragiles. Les données administratives concernent surtout les enfants, avec le certificat de santé qui doit être rempli au vingt-quatrième mois, et les jeunes scolarisés. Mais l'information, qui doit être centralisée dans chaque département avant d'être transmise à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) est incomplète : elle porte sur un quart environ des quelque huit cent mille enfants nés chaque année, et est transmise de manière très irrégulière par les départements. La consolidation des données sur le statut vaccinal des très jeunes enfants est donc difficile, alors que c'est l'essentiel : plus l'enfant acquiert une mémoire immunitaire tôt, plus celle-ci est efficace. Pour les enfants scolarisés, les données sont transmises par la médecine scolaire, mais elles sont assez imprécises et peu suivies. Elles montrent en tout cas que tous les enfants ne sont pas à jour de leur couverture vaccinale. Il existe enfin des enquêtes sur le statut vaccinal des personnes, mais elles sont ponctuelles. A cet égard, la disparition du service national a privé l'épidémiologie du dernier dispositif qui permettait de couvrir au moins la partie masculine de la population. Malgré les efforts de l'Inpes, qui procède également à des sondages, les données manquent et, quand elles existent, elles ne sont consolidées qu'avec retard : l'Inpes a réussi à gagner un an sur les trois ans de délai, mais cela reste trop long. Des progrès ont été faits, en revanche, dans la surveillance épidémiologique des incidents vaccinaux et dans la pharmacovigilance.

Le calendrier vaccinal est de plus en plus complexe (il est passé de 2 à 52 pages), alors que le nombre de vaccinations obligatoires est restreint : tétanos, diphtérie, et poliomyélite, tous les autres vaccins ne faisant l'objet que de recommandations, souvent nuancées. Cela traduit sans doute l'hésitation croissante de la communauté médicale et scientifique sur le bon usage de certains vaccins, mais le calendrier s'apparente de ce fait davantage à un document scientifique qu'à un guide pour les familles. Nous n'avons évidemment pas pris partie dans le débat sur le choix entre recommandation obligatoire et vaccination recommandée, car cela excède nos compétences, mais nous avons cherché à l'éclairer en rendant compte des positions des uns et des autres.

La multiplication des recommandations figurant dans le calendrier vaccinal découle aussi de la concurrence d'expertise qui s'est instaurée entre les institutions qui concourent à son élaboration. L'Agence nationale de sécurité du médicament (anciennement Afssaps) donne, pour un vaccin, une autorisation de mise sur le marché, si le rapport entre bénéfices et risque est positif. Le comité technique de la vaccination intervient ensuite : il dépend du Haut Conseil de santé publique, et est rattaché à sa commission des maladies transmissibles. Composé d'une vingtaine d'experts, il réfléchit pour chaque nouveau vaccin à la stratégie vaccinale dont il pourrait faire partie. La Haute Autorité de santé (HAS), créée par la loi de 2004, comprend une commission de la transparence qui intervient pour évaluer le service médical rendu par chaque vaccin, ainsi que l'amélioration du service médical qu'il permet. Enfin, le comité économique des produits de santé négocie, sur la base des éléments précédents, le prix du vaccin avec ses fabricants. Mais cette mécanique ne fonctionne pas aussi clairement qu'elle le devrait. Il y a concurrence d'expertise entre le comité technique de la vaccination et la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé : ainsi, quand le comité technique de la vaccination avait prévu, dans le cas de la vaccination contre l'hépatite A, un certain périmètre de vaccination, la commission de la transparence de la HAS, sur la base d'une autre expertise, l'a diminué.

La commission de la transparence propose toujours, pour les vaccins, le taux de remboursement maximal : 65 %. Contrairement à ce qui se fait avec un médicament, il n'y a aucune modulation de l'appréciation du service médical rendu et de l'amélioration du service médical rendu. Pourtant, tous les vaccins n'apportent pas la même contribution, et souvent d'autres choix sont possibles. Par exemple, avant la découverte, en 2006-2007, des vaccins contre le papillomavirus (qui est le facteur principal du cancer du col de l'utérus), la seule stratégie était le dépistage par frottis, et cela restait une stratégie individuelle : une expérimentation de dépistage organisé a été menée dans quatre départements (dont les deux départements d'Alsace) mais n'a jamais été généralisée. Quand le Gardasil et le Cervarix sont arrivés, l'administration a demandé à l'Université de Lille de procéder à une étude médico-économique des stratégies en présence : fallait-il mieux investir dans un dépistage organisé systématique, ou développer une stratégie vaccinale ? Le prix de ces vaccins était en effet très élevé. Les résultats furent clairs : le dépistage organisé, pour des résultats analogues, était plus de deux fois moins cher que le recours au vaccin.

La recommandation du comité technique de la vaccination, ainsi que celle du Haut Conseil de la santé publique, ont donc été de donner la priorité au dépistage organisé, et de le compléter par une vaccination ciblée sur les jeunes filles à partir de quatorze ans. Mais les pouvoirs publics n'ont retenu que la stratégie de vaccination, sans la coupler avec une stratégie de dépistage organisé. Résultat : notre pays a un taux de vaccination inférieur à celui des autres pays européens. Beaucoup de jeunes femmes ne se font faire que la première des trois injections nécessaires à l'efficacité du vaccin : seules 15 % vont jusqu'au bout du processus, sans doute à cause du prix trop élevé du vaccin (environ 400 euros pour les trois injections, auxquels s'ajoute le coût des consultations chez le médecin). L'absence de dépistage organisé et l'absence de mise à disposition du vaccin dans de bonnes conditions de prise en charge cumulent leurs effets chez les femmes les plus modestes : cette stratégie de santé publique va au rebours des objectifs qui seraient souhaitables. Le prix du vaccin est, de surcroît, beaucoup plus élevé qu'aux Etats-Unis, ce qui est très étonnant. Nous préconisons donc une renégociation du prix de ce vaccin par le comité économique des produits de santé : elle semble en passe d'être engagée.

Ce sont les médecins généralistes et spécialistes qui sont au coeur du dispositif de vaccination, même si en 2008 un décret a ouvert aux infirmières la possibilité de participer à la vaccination contre la grippe. On ignore le nombre exact de consultations qui sont liées à la vaccination. Selon certaines enquêtes, ce serait environ 20 % d'entre elles. Les structures de santé publique ont un rôle assez modeste. Les centres de PMI ont une activité de vaccination, le coût des vaccins étant pris en charge par l'assurance maladie. Les centres de vaccination sont dans des situations très diverses. Dans le cadre de l'acte II de la décentralisation ils ont fait l'objet d'une recentralisation : décentralisés au bénéfice des départements en 1982-1983, ils sont redevenus en 2004 de la compétence de l'Etat, même si certains départements ont souhaité en conserver la gestion. Le coût des vaccins qu'ils mettent à disposition n'est pas pris en charge par l'assurance maladie. Il est donc pris en charge par le budget des centres, et c'est parfois une limite à l'accessibilité des vaccins par leur biais, car certains sont très coûteux.

Le dispositif de vaccination paraît relativement inefficace sur certains types de populations, ou certains territoires. Les populations en situation défavorisée restent à l'écart de la vaccination. Les centres d'examen et de santé qui se sont orientés vers la prise en charge de ces populations ne sont pas autorisés à pratiquer la vaccination, cela pourrait pourtant être le moyen d'opérer un rattrapage ciblé. Si le taux de couverture des jeunes enfants est plutôt bon dans notre pays, le problème de la mise à jour des vaccinations pour les adolescents est lancinant : le dispositif actuel ne permet pas un bon suivi de leur situation vaccinale. Le service de santé scolaire pourrait peut-être aider à l'améliorer. Il existe, enfin, des disparités territoriales : les régions du Sud de la France sont moins bien couvertes. Cela appelle des politiques ciblées de prévention de la part des ARS : à l'exception du Limousin, les ARS n'ont pas fait de la vaccination une priorité de leur action.

La vaccination pose des problèmes spécifiques de communication : il s'agit de convaincre nos concitoyens qu'ils ont intérêt à se protéger individuellement pour protéger collectivement l'ensemble de la population, quitte à accepter, alors qu'ils sont en bonne santé, qu'on leur inocule un germe pathogène. Cela ne va pas de soi, et exige un effort de communication constant, surtout lorsqu'on sent que la confiance traditionnelle envers la vaccination s'érode. La politique de communication devrait être beaucoup plus active et continue, et beaucoup plus réactive : le discours anti-vaccinal qui se développe sur les réseaux sociaux doit y trouver une réponse. Les pouvoirs publics ont déjà été amenés à créer des cellules de veille sur internet, le temps d'une campagne de vaccination. Mais cette politique n'est ni continue, ni pérenne. La participation des industriels du vaccin aux campagnes de communication est un sujet controversé. Pour les médicaments, les fabricants sont par principe exclus de la promotion. Nous avons analysé les conditions dans lesquelles l'exception qui est faite pour les producteurs de vaccins est encadrée. Le Haut Conseil de la santé publique envisagerait favorablement une mutualisation des contributions des industriels des vaccins, mais la DGS craint qu'une telle mutualisation ne fasse disparaître les contributions ! Or, la politique de santé publique a très peu de moyens de communication, et la DGS estimait qu'elle pouvait difficilement se priver de la contribution des industriels du vaccin.

Notre rapport illustre bien les contradictions de la politique de prévention dans notre pays : volontariste, elle s'appuie sur des données peu établies qui en fragilisent les résultats. Elle manque souvent de cohérence et de continuité, est soumise à des pressions diverses... Bref, elle a besoin d'un nouveau souffle, et nous espérons que les seize recommandations que nous formulons pourront contribuer à le lui donner !

Mme Annie David, présidente. - Merci pour cette présentation très complète.

M. Georges Labazée, rapporteur. - Pourquoi cette défiance actuelle envers la vaccination ? Il y a quelques années, on vaccinait les enfants contre de nombreuses maladies, il y avait les piqûres pendant le service militaire... L'opinion publique, les familles, voyaient cela comme un acte de protection. Or aujourd'hui cela fait l'objet d'une répulsion. Pourquoi ? Comment peut-on y remédier ?

Les conclusions de votre rapport en appellent à une politique beaucoup plus ambitieuse. La loi de santé publique à venir pourrait-elle être le véhicule de dispositions qui iraient dans ce sens ?

Qui doit prendre en charge le coût de la vaccination ?

N'y aurait-il pas lieu de fusionner le comité technique de la vaccination et la Haute Autorité de santé ? Ils ont été conçus en 2004 par la même loi ...

M. Antoine Durrleman. - Il s'agissait de deux lois différentes, mais parallèles : l'une du 9, l'autre du 13 août 2004.

M. Georges Labazée, rapporteur. - Quel doit être, selon vous, le rôle des collectivités territoriales ? Les départements font un travail précieux dans le domaine de la protection maternelle et infantile, mais le suivi des enfants laisse à désirer, car la médecine scolaire fonctionne mal.

Les centres d'examen de santé de la sécurité sociale, qui ont une mission de prévention, ne pourraient-ils pas proposer des vaccinations ?

Mme Michelle Meunier. - Je remercie M. Durrleman de son exposé si précis. La politique de vaccination, comme toutes les politiques de prévention, a besoin de persévérance, de cohérence, et aujourd'hui d'un nouveau souffle. Le rendez-vous du service militaire n'existe plus. Les jeunes enfants sont correctement suivis, très peu de parents refusent de les vacciner, et les vaccins précoces sont efficaces jusqu'à l'âge scolaire. Mais c'est ensuite, au collège notamment, qu'il y a un vide. Les médecins généralistes, que les familles consultent régulièrement, ont leur rôle à jouer ; ils devraient systématiquement demander où en sont les vaccinations des enfants. Le suivi des adultes est encore plus difficile : plus on vieillit, plus on oublie les rappels.

M. René-Paul Savary. - Je félicite M. Durrleman de ses compétences médicales.

M. Antoine Durrleman. - Doctus cum libro !

M. René-Paul Savary. - Ce qui m'inquiète, c'est la complexité du calendrier de vaccination. Autrefois, dans le carnet de santé, une page était consacrée aux vaccinations, à renouveler tous les cinq ans. Depuis, certaines vaccinations sont devenues facultatives, le nombre et les délais des rappels varient, etc.

Des complications passées, à propos de l'hépatite B notamment, ont rendu la population rétive : il faut travailler à une prise de conscience. Il est vrai que la vie de certaines personnes a été bouleversée. Les supports de certains vaccins posent problème. Les médias ne parlent que des complications, jamais des vies sauvées grâce aux vaccins... Quant aux notices d'AMM, elles indiquent obligatoirement les contre-indications et complications éventuelles : on comprend que les gens soient effrayés...

La gratuité du vaccin contre la grippe pour certains publics n'a pas suffi à rendre le taux de couverture satisfaisant.

Mme Annie David, présidente. - C'est que les patients doivent payer une visite médicale pour se faire vacciner...

M. René-Paul Savary. - Rarement : beaucoup de médecins saisissent l'occasion d'une visite pour proposer une vaccination. La sécurité sociale fait d'ailleurs des efforts, puisque le taux de vaccination est pris en compte dans l'évaluation des médecins. Une meilleure communication n'est-elle pas nécessaire ?

Certains vaccins multiples, comme le tétagrippe, sont devenus introuvables. Les médecins ne sont pas avertis des changements de calendrier. Le suivi des jeunes enfants est satisfaisant, grâce à la PMI et aux services sociaux des départements, mais la médecine scolaire manque d'efficacité. Passé l'âge de cinq ans, un enfant n'est plus malade, il a développé des anticorps ; la surveillance médicale se relâche.

Vous avez dit que les départements tardaient trop à faire remonter les certificats de vingt-quatrième mois. Pourquoi ne pas dématérialiser la procédure ? On obtiendrait ainsi un reflet national de la situation.

M. Jacky Le Menn. - Je félicite à mon tour M. Durrleman. Je suis très surpris de voir que les spécialistes de médecine parallèle et autres charlatans savent très bien communiquer - une commission d'enquête se penche en ce moment sur le sujet, pour discerner d'éventuelles dérives -, tandis que les médecins de ville sont peu mobilisés sur la vaccination. Même les professionnels hospitaliers, que j'ai beaucoup fréquentés, sont réticents, alors que la vaccination est obligatoire à l'hôpital !

Vous avez proposé la nomination d'un chef de projet chargé de la vaccination dans chaque ARS, mais à qui s'adressera-t-il ? Il est difficile de parler à toute la population.

Mme Annie David, présidente. - En effet, la politique de vaccination a besoin d'un second souffle. Ne faut-il pas la clarifier ? Certains vaccins, naguère obligatoires, ne le sont plus ; on vaccinait systématiquement les collégiens contre l'hépatite B, on en est revenu... Dans ces conditions, on comprend les réticences des gens. Il faut les rassurer, en éclaircissant aussi le rôle des laboratoires pharmaceutiques : chacun doit être sûr que l'intérêt économique ne prévaut jamais sur l'intérêt médical. C'est en convaincant les gens de se faire vacciner que l'on évitera des épidémies.

M. Antoine Durrleman. - L'information et l'adhésion de la population sont en effet primordiales. Il est vrai que certains professionnels de santé tiennent un discours anti-vaccinal. Il n'entre pas dans les attributions de la Cour des comptes de dire si cela relève de procédures disciplinaires au sein de l'Ordre, voire de poursuites pénales... Toujours est-il que l'on accrédite ainsi des arguments fallacieux. La vaccination est d'intérêt général, elle assure notre protection collective et doit donc reposer sur la cohésion sociale. Au temps des ravages de la tuberculose, on parlait de « défense sanitaire » : la société s'estimait fondée à se protéger contre les épidémies. Mais aujourd'hui, le souvenir des grandes épidémies s'est effacé, sauf peut-être celui de la grippe espagnole.

M. Georges Labazée, rapporteur. - Et de la poliomyélite !

M. Antoine Durrleman. - La communication reste trop intermittente ; l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé a très peu de moyens. On dépense moins en France pour la prévention sanitaire que pour la sécurité routière ! Or de telles campagnes doivent être finement conçues, afin d'éviter le style moralisateur, être précédées et suivies d'essais. Comparées aux dépenses d'assurance maladie, les dépenses de prévention sont très faibles, et en leur sein la prévention est réduite à la portion congrue. En la matière, il faut un discours public de conviction.

Les médecins sont très vaccinés, les infirmiers très peu : cela montre qu'il faut aussi améliorer la protection des professionnels, considérés par la loi de 2004 comme un public prioritaire.

Quant à la prise en charge collective de la vaccination, il faut reconnaître que la gratuité des vaccins contre la rougeole ou la grippe n'a pas amélioré la couverture. Il n'est pas sûr qu'il faille dépenser davantage en ce domaine. Que tous les vaccins soient pris en charge à 65 % ne va pas de soi : certains pourraient l'être à 30 %, si l'on estimait que leur apport collectif ne méritait pas un taux de remboursement plus élevé. Cela dit, les vaccins ne coûtent que 400 millions d'euros par an, hors consultation ; c'est très peu, en comparaison des 167 milliards de l'assurance maladie.

Le rôle des institutions doit être clarifié : la HAS doit absorber le CTV, ou le CTV se voir transférer certaines compétences de la commission de la transparence. Les querelles d'experts en la matière ne sont pas de nature à favoriser la décision collective.

Les collectivités territoriales jouent un rôle important, non seulement en ce qui concerne la PMI, mais aussi par le biais des centres de santé entretenus par de nombreuses communes. En revanche, les communes auraient intérêt à regrouper leurs achats pour peser face à des firmes souvent monopolistiques. La Ville de Paris paie les vaccins en-dessous du prix de référence, d'autres communes les paient fort cher.

Pour mieux suivre la population après l'enfance, malgré l'extrême complexité des recommandations, un carnet de vaccination électronique serait précieux. Le carnet de santé des jeunes enfants est régulièrement mis à jour, mais par la suite il s'égare, se déchire, et l'on perd toute traçabilité. Ce carnet électronique pourrait être interfacé avec le dossier médical personnel. Les choses se mettent en place progressivement.

La dématérialisation du certificat de vingt-quatrième mois est en cours : j'ai pu le constater l'an dernier en examinant la politique de périnatalité. Elle simplifiera beaucoup la procédure.

Quant aux ARS, il leur appartient d'animer le réseau de prévention, puisqu'elles ont absorbé les anciens groupements régionaux de santé publique. Dans certains domaines, des campagnes régionales peuvent être utiles.

Mme Annie David, présidente. - Merci de vos réponses.

M. Georges Labazée, rapporteur. - Je vous propose d'entendre prochainement les représentants du CTV et de la HAS, ainsi que des industriels et des chercheurs.

M. René-Paul Savary. - Il faudrait aussi connaître l'avis des caisses de sécurité sociale.

M. Jacky Le Menn. - Et de l'Ordre des médecins.

M. Antoine Durrleman. - Ajoutez-y, si je puis me permettre, la direction générale de la santé.

M. René-Paul Savary. - Un an après la crise du H1N1, le taux de vaccination s'est effondré.

Mme Annie David, présidente. - En effet. La crédibilité de nos campagnes de vaccination est en cause.

M. René-Paul Savary. - D'autant que certains patients, effrayés par les contre-indications, exigent que les médecins prennent leurs responsabilités.

Mme Annie David, présidente. - Et ces derniers ont parfois peur des conséquences...