Jeudi 10 janvier 2013

- Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente -

Échange des vues

La délégation procède à un échange de vues sur les dispositions du projet de loi organique n° 165 (2012-2013) relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux, et du projet de loi n° 166 (2012-2013) relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, et sur leur impact sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vous remercie, mes chers collègues, d'assister à notre réunion d'aujourd'hui, même si le Sénat ne reprendra ses travaux en séance publique que la semaine prochaine, le mardi 15 janvier.

Mais c'est précisément le mardi 15 janvier 2013, dans la soirée, que débutera la discussion générale des deux textes relatifs à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, dont nous allons débattre aujourd'hui.

Je me réjouis que la Conférence des présidents ait bien voulu accorder à notre délégation un temps de parole de dix minutes dans la discussion générale de ces deux textes car ceux-ci ont, parmi leurs objectifs politiques affichés, celui de faire progresser la parité politique dans certaines assemblées locales, même si leurs dispositions vont susciter des débats et ne recueilleront pas nécessairement un avis unanime de la part de nos différentes sensibilités politiques.

C'est pourquoi j'ai souhaité que nous puissions avoir aujourd'hui un échange de vues sur les dispositions proposées par le Gouvernement et modifiées le cas échéant par la commission des Lois du Sénat, de façon à me permettre, si vous en étiez d'accord, de porter aussi fidèlement que possible notre parole commune devant le Sénat.

Les dispositions qui intéressent notre délégation au titre de leur impact sur la parité sont au nombre de quatre. Elles ont trait : au nouveau mode de scrutin, le scrutin binominal, destiné à garantir la parité dans les conseils départementaux ; aux dispositions tendant à garantir la parité pour l'élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des conseils départementaux ; à l'abaissement du seuil de la proportionnelle pour les élections municipales ; à l'élection par « fléchage » des délégués communautaires, à l'occasion des élections municipales.

L'ensemble de ces dispositions sont contenues dans le projet de loi ordinaire n° 166 (2012-2013), le projet de loi organique n° 165 (2012-2013) ayant pour objet de procéder à des coordinations et d'en tirer certaines conséquences dans la partie organique du code électoral.

Je vous rappellerai aussi succinctement que possible les quatre séries de dispositions et leur impact prévisible sur la parité.

Je commencerai par l'élection des conseillers départementaux au scrutin majoritaire binominal.

Les conseillers généraux sont actuellement élus, dans le cadre des cantons, au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. C'est un mode de scrutin auquel on reconnaît traditionnellement pour mérite de faciliter l'ancrage territorial des élus. Mais nous savons aussi qu'il ne favorise pas la parité. C'est un point qui avait été rappelé lors de la discussion de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 puisque c'est le mode de scrutin qui avait été alors retenu pour l'élection des conseillers territoriaux.

Actuellement - ce sont les chiffres publiés par l'Observatoire de la parité - les femmes ne représentent que 14 % de l'effectif des conseils généraux et trois départements sont dirigés par un conseil exclusivement masculin.

Pour y remédier, le Gouvernement propose à l'article 2 du projet de loi, de faire élire dans chaque canton du département, deux candidats de sexe différent, qui se présenteraient en binôme de candidats.

Cependant, pour maintenir inchangé l'effectif actuel des conseils généraux, l'article 3 du projet de loi propose de diviser par deux le nombre actuel de cantons.

Ces deux articles devront donc être examinés en regard.

Certes ce dispositif est mathématiquement favorable à la parité, mais son caractère nouveau peut prêter, et a d'ailleurs prêté en commission des lois, à discussion.

Conçu pour favoriser l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, ce mode de scrutin devrait garantir une parité quasi mathématique dans la mesure où il débouchera, dans chaque canton, sur l'élection de deux candidats de sexe différent.

Il s'inspire d'une recommandation adoptée en juin 2010, à l'unanimité, par la délégation dans le rapport consacré par Michèle André au projet de réforme des collectivités territoriales et, plus particulièrement, au mode de scrutin envisagé pour l'élection des conseillers territoriaux.

Ce rapport avait dressé l'état des lieux suivant : la parité avait beaucoup progressé dans toutes les élections au scrutin proportionnel ; mais surtout elle avait stagné aux élections au scrutin uninominal majoritaire.

Le Conseil constitutionnel allait-il dans ces conditions censurer une loi qui privilégiait pour l'élection des conseillers territoriaux un mode de scrutin - le scrutin uninominal majoritaire à deux tours - majoritairement défavorable à la parité ? C'était peu probable, de l'avis des constitutionnalistes interrogés par la délégation. Le juge constitutionnel avait en effet déjà eu l'occasion de rappeler que le législateur devait conserver une grande latitude dans le choix du mode de scrutin et restait libre de préférer le scrutin majoritaire, même s'il s'avérait, en pratique, défavorable à la parité. On ne pouvait dans ces conditions guère « miser » sur une annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel.

Dans une attitude constructive, la délégation, plutôt que de s'opposer au choix effectué par la majorité parlementaire et sénatoriale en faveur du scrutin majoritaire, avait recherché à l'époque un « mécanisme susceptible d'en neutraliser les effets négatifs » sur la parité.

Ce mécanisme, c'était celui de l'élection au scrutin majoritaire, dans le cadre de cantons redécoupés, d'un binôme paritaire constitué de deux candidats de sexe différent et accompagnés de deux remplaçants de sexe différent.

Pour autant, le caractère inédit de ce mode de scrutin n'est pas sans poser des interrogations.

Il est inédit en droit électoral français. Il n'existe d'ailleurs pas d'exemple de mode de scrutin comparable dans aucun autre pays, y compris au Chili, dont le mode de scrutin législatif est parfois évoqué à titre de comparaison.

Sa nouveauté ne réside pas dans l'élection de deux élus mais dans leur solidarité devant le scrutin.

On ne peut, par exemple, le comparer aux élections sénatoriales dans les départements élisant deux ou trois sénateurs où le destin de chaque candidature reste indépendant de celui des autres.

Ici, la solidarité entre les deux membres du binôme reste entière pendant toute la durée des opérations électorales : ils font une déclaration de candidature commune (article 8) ; ils ont un mandataire financier unique et un compte de campagne unique (article 11) ; l'inéligibilité d'un membre du binôme rejaillit automatiquement sur l'élection de l'autre membre, même si celui-ci n'est pas par lui-même inéligible (article 13). Autrement dit, la solidarité du binôme s'étend jusqu'à la phase contentieuse. Et si le scrutin a été vicié, le juge annule l'élection des deux membres du binôme.

Chaque élu a vocation à être remplacé, en cas de décès, démission ou empêchement, par son remplaçant qui est du même sexe.

Des élections partielles ne peuvent être organisées que dans trois cas : en cas d'annulation de l'élection, ou de démission d'office, qui concernent solidairement les deux candidats, ou encore dans le cas où les deux sièges du canton viendraient à être vacants faute de remplaçants ; si cette vacance, en l'absence de remplaçant, ne concerne que l'un des deux mandats, le siège reste non pourvu.

En revanche, une fois élus, les deux conseillers départementaux deviendront indépendants l'un de l'autre. Qu'en sera-t-il dans l'exercice de leur mandat ? Ne risque-t-on pas de retomber dans un partage inégal et sexué des responsabilités ?

Les débats en commission des lois ont soulevé un certain nombre de questions : l'objectif de parité n'aurait-il pas été aussi valablement garanti par le recours au scrutin proportionnel, dont le fonctionnement est mieux connu ? Les deux candidats d'un binôme seront-ils nécessairement de la même sensibilité politique ou la mise en place des binômes donnera-t-elle au contraire à des alliances politiques a priori, c'est-à-dire avant le premier tour de scrutin ? Ce nouveau mode de scrutin sera-t-il neutre par rapport au scrutin uninominal actuel en matière de pluralisme et d'ancrage territorial ?

Ces questions, et surtout la première qui est au coeur de nos préoccupations, reviendront sans doute dans nos débats tout à l'heure.

J'en viens au second dispositif : l'introduction de la parité dans l'élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des conseils généraux.

Aux termes de l'article 14 du projet de loi, les membres de la commission permanente autres que le président sont élus au scrutin de liste et chaque liste doit être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ; les vice-présidents sont également élus au scrutin de liste et sur chaque liste l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

Ce dispositif transpose à l'élection des exécutifs départementaux les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 qui ont permis d'assurer une quasi parité dans les exécutifs régionaux : les femmes, qui ne représentaient que 37,4 % des vice-présidents de conseils régionaux après le renouvellement de 2004, en constituaient 45,4 % au lendemain des élections de 2010.

Il s'agit donc d'un dispositif connu qui a fait ses preuves et que, à ce titre, nous devrions pouvoir approuver sans réserve.

Le troisième dispositif prévoit l'abaissement du seuil de population pour l'élection des conseillers municipaux au scrutin de liste.

Actuellement, les contraintes paritaires ne s'appliquent qu'aux communes de plus de 3 500 habitants. Elles ont facilité une entrée massive des femmes dans les conseils municipaux.

Leur proportion n'était que de 25,7 % dans les conseils municipaux lors des élections de 1995, celle-ci est grimpée à 47,5 % en 2001 puis à 48,5 % au lendemain des élections de 2008 grâce à ces contraintes paritaires.

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'élection des conseillers municipaux s'effectue au scrutin majoritaire et n'est pas assortie de contraintes paritaires.

Le projet de loi propose, à l'article 16, d'abaisser le seuil du scrutin de liste de 3 500 à 1 000 habitants. L'étude d'impact évalue à 16 000 le nombre de femmes conseillères municipales supplémentaires dont ce dispositif devrait permettre l'élection.

L'abaissement du seuil pour ce mode de scrutin avait déjà été envisagé dans le projet de réforme territoriale proposé par le précédent gouvernement. Dans le dispositif initial, il prévoyait d'abaisser ce seuil à 500 habitants, mais cette mesure n'avait pu être examinée.

Celui-ci semble donc bien faire l'objet, dans son principe, d'un certain consensus politique largement motivé, mais pas exclusivement, par la volonté de favoriser la parité.

La seule question qui peut en revanche susciter un débat réside dans la fixation du seuil : 1 000 habitants, comme le prévoit le projet de loi ou 1 500 ou 500, voire extension à l'ensemble des communes ?

Le quatrième dispositif prévoit l'élection concomitante des conseillers communautaires des EPCI à fiscalité propre et des conseillers municipaux dans le cadre d'un scrutin « fléché ».

L'article 20 du projet de loi prévoit l'élection au suffrage universel des délégués des communes de 1 000 habitants et plus par un système de « fléchage ». Initialement, le projet de loi prévoyait que les sièges des délégués étaient répartis entre les listes et attribués pour chacune d'entre elles, dans l'ordre de présentation des candidats.

La commission des lois a souhaité assouplir ce dispositif jugé trop rigide, de façon à éviter que les premiers sur la liste se retrouvent à la fois dans les exécutifs municipaux et dans les instances communautaires.

Dans le dispositif assez complexe qu'elle a adopté, les candidats communautaires pourraient être désignés au-delà des premiers de liste, selon un ordre encadré : les candidats au siège de délégués seraient identifiés au sein du bulletin par une marque distincte ; sujet qui nous intéresse : la contrainte paritaire, qui résultait dans le projet de loi initial de la composition des listes de candidats au scrutin municipal, est réintroduite par une disposition spécifique prévoyant que la liste des candidats aux sièges de délégués est « composée alternativement de candidats de chaque sexe ».

Pour les communes de moins de 1 000 habitants, l'absence de liste interdit de retenir le même système et les délégués seront désignés dans l'ordre du tableau établi lors de l'élection de la municipalité.

Telles sont mes chers collègues, les quatre séries de dispositions du projet de loi qui intéressent très directement la parité politique et que je souhaite soumettre à votre discussion.

Mme Bernadette Bourzai. - Je me félicite que, pour l'élection des futurs conseillers départementaux, ait été retenue cette formule, que certains trouveront étrange et qui sera probablement critiquée, de l'élection d'un binôme de candidats, un homme et une femme, dans le cadre de cantons redécoupés.

Elle permet aujourd'hui de faire aboutir l'objectif de parité inscrit dans la Constitution.

Je rappelle que ses dispositions ont vocation à remplacer celles que la précédente loi de réforme des collectivités territoriales avait prévues pour l'élection des conseillers territoriaux et qui prévoyait, déjà, un redécoupage des cantons. Ce redécoupage s'impose en outre du fait des évolutions démographiques qui ont eu lieu depuis le découpage initial et qui entraînent des écarts significatifs de représentation de la population. Ceux-ci ne sont plus acceptables ni dans les départementaux ruraux ni, a fortiori, dans les départements qui comportent à la fois des zones urbaines et des zones rurales.

Dans le prolongement de ces dispositions qui assureront l'élection d'un homme et d'une femme dans chaque canton, le projet de loi comporte des dispositions qui ont pour objet d'assurer la parité dans les exécutifs départementaux : il y aura autant d'hommes que de femmes parmi les vice-présidents et au sein de la commission permanente. Il y a là une logique qu'il faut saluer.

Vous avez évoqué, Madame la Présidente, comme une alternative possible, le choix d'un scrutin proportionnel, qui permettrait de refléter au pourcentage près les orientations politiques existant au sein du département ou de la région.

A cet égard, le scrutin proportionnel corrigé qui est appliqué à l'heure actuelle dans les régions permet à la fois cette représentation des différentes sensibilités politiques, en même temps qu'il assure une majorité de gestion au niveau des conseils régionaux. Il aurait pu être retenu pour l'élection des conseillers départementaux, mais présente cependant l'inconvénient de favoriser les mouvements les plus extrémistes, en l'occurrence le Front national, dans les départements où il est fortement ancré.

En outre, et c'est un point sur lequel je compte revenir, il risque de se traduire par une sous représentation des territoires ruraux si les listes sont principalement constituées de candidats issus des zones urbaines, par définition les plus peuplées.

A cet égard, j'estime que le critère démographique retenu par le projet de loi, interdisant que la population d'un canton soit supérieure ou inférieure de 20 % à la population moyenne du département, est un frein à la représentation des espaces faiblement peuplés, qui cumulent les handicaps de relief, de climat et de faiblesse de densité de population.

Je proposerai donc par amendement d'élargir ce critère en le portant à 40 %, pour donner un peu de souplesse à ce redécoupage, tout en permettant de préserver la spécificité du conseiller départemental - qui sera donc désormais un binôme -, à savoir la proximité avec le citoyen du territoire sur lequel il est élu.

M. Alain Fouché. - Que l'on parle de conseiller général ou départemental ne change pas grand-chose au fond. Pour moi, c'est un changement de dénomination de plus.

Je suis évidemment favorable à l'objectif de parité mais la méthode adoptée ne me paraît pas convenir. Elle passe par un redécoupage des cantons sur lequel nous n'avons pas encore tous les éléments mais qui, d'après les indications du ministère de l'Intérieur, ne devraient pas compter moins de 19 000 habitants. Or, dans un département comme le mien, la Vienne, qui compte trente-huit cantons, nous avons, dans le Sud, près du Limousin, quatre cantons qui à eux tous ne font pas 19 000 habitants. N'auraient-ils plus alors que deux élus au lieu des quatre actuels ?

C'est pourquoi, je crains que le redécoupage proposé ne soit défavorable à la ruralité.

Par ailleurs, la diminution du nombre de cantons ne risque-t-elle pas d'accentuer la disparition, déjà bien avancée, des services publics territoriaux ? C'est ce que je crains, le nombre de trésoreries publiques ne va-t-il pas diminuer avec le nombre de cantons ?

Je veux insister, à cet égard, sur le fait qu'un élu territorial rural et un élu territorial urbain n'ont pas les mêmes fonctions.

Etant moi-même élu départemental depuis 1979, je suis amené à côtoyer quotidiennement les maires, les associations et les structures territoriales de ma circonscription. C'est ainsi que nous contribuons à la définition des politiques dans le département.

Je doute que l'élu départemental de la ville de Poitiers, qui représente un quartier, joue un rôle identique.

Dans les villes, la politique se fait au niveau du conseil municipal alors que dans les territoires ruraux, l'élu départemental a un rôle tout à fait spécifique et je ne voudrais pas que ce projet de loi affaiblisse le rôle du conseiller général dans la ruralité.

On aurait pu retenir le scrutin proportionnel, comme dans les régions où il est déjà en usage, ou encore y recourir dans les seules zones urbaines, comme cela avait été à un moment envisagé pour le conseiller territorial : pour ma part, je n'y étais pas défavorable.

Dans mon département, M. Monory avait prévu que l'ensemble des conseillers généraux siège au sein de la commission permanente : cela fonctionne très bien et cela permettrait d'y assurer la parité. Mais le dispositif proposé par le projet de loi me paraît bon : il pose un cadre garantissant la parité parmi les vice-présidents et au sein de la commission permanente. Les deux systèmes me paraissent valables.

En revanche, je ne suis pas favorable à l'abaissement du seuil du scrutin proportionnel pour les élections municipales : le projet de loi propose de le ramener de 3 500 à 1 000 habitants. Je sais bien que le précédent gouvernement avait envisagé de l'abaisser à 500 habitants mais c'est trop bas. Il est très difficile de constituer des listes proportionnelles dans les petites villes, voire dans les villages. Les maires que je rencontre sont d'accord sur ce point. Le seuil de 3 500 habitants me paraissait bien adapté. On pourrait, à la rigueur, l'abaisser à 2 500.

Concernant l'élection des délégués communautaires, je ferai la même remarque : il me semble qu'au-delà de 2 500 habitants, le fléchage est possible, mais pas en-dessous.

Il est important à mes yeux que les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne soient pas élus directement, car cela reviendrait à en faire des « supers-maires ». Mais le texte présenté aujourd'hui ne le prévoit pas et c'est une bonne chose.

Pour conclure, c'est surtout le redécoupage des cantons qui m'inspire des doutes. D'ailleurs, ce type de « charcutage » ne porte pas chance aux gouvernements qui les entreprennent. Mais, bien sûr, je partage entièrement avec vous l'objectif de faire progresser la parité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Laurence Cohen qui devait présenter la position de notre groupe étant empêchée, je le ferai à sa place, en déposant momentanément ma casquette de présidente.

Il me paraît très intéressant que nous puissions inscrire aujourd'hui cette réflexion sur la parité dans le prolongement de nos travaux sur « femmes et travail », car c'est un gage d'efficacité pour la société.

L'instauration du binôme va certes, mathématiquement, générer la parité mais s'accompagnera d'un redécoupage des circonscriptions et d'une division par deux du nombre de cantons prévus à l'article 3 du projet de loi.

Je crains que ce dispositif ne permette pas de préserver la représentativité pluraliste des actuels conseillers généraux et favorise au contraire une nouvelle poussée du bipartisme qui mettrait sur la touche les petits partis, d'autant que l'on ne mesure pas vraiment l'impact que sont susceptibles d'avoir des alliances électorales scellées avant le premier tour.

Or, la pluralité est une condition de la démocratie.

Je m'inquiète aussi des effets que pourrait entraîner la réforme et que l'on ne connaîtra qu'a posteriori. Certes, le projet de loi prévoit une solidarité totale entre les membres du binôme pendant le processus électoral, mais celle-ci disparaît ensuite. Ne peut-on craindre que les femmes se retrouvent à nouveau cantonnées à leurs secteurs traditionnels d'intervention : les questions sociales, l'éducation et la santé, les hommes s'arrogeant le monopole des questions économiques ; cela peut être un effet pervers de ce type de scrutin qui risque de conforter des représentations sexuées défavorables aux femmes au lieu de les gommer.

Je crains également que la conjonction de ce système électoral avec le projet de décentralisation n'aboutisse à privilégier l'intercommunalité au détriment des communes ; or, nous sommes très attachés au principe de proximité territoriale, gage de la démocratie, en termes d'efficacité politique.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) aurait préféré l'instauration d'une représentation proportionnelle.

Si je suis personnellement favorable à l'abaissement du seuil, le fléchage nous inquiète d'autant que ce système électoral risque d'être fort complexe à mettre en oeuvre pour la désignation des conseillers communautaires.

Je crains que les petites communes, ossature territoriale de notre pays, ne se trouvent défavorisées en termes de nombre de conseillers communautaires les représentant. Cela pose le problème de la représentation de l'opposition quelle qu'elle soit.

Aussi, pensons-nous que ce texte mérite une réflexion approfondie.

Cette position de mon groupe que je viens de vous exposer n'est bien évidemment pas celle que je défendrai si vous me confiez la responsabilité d'intervenir au nom de la délégation : je prendrai alors soin d'effectuer une présentation globale de toutes les opinions que vous avez exprimées.

M. Alain Fouché. - Serait-il possible de nous communiquer le texte de votre présentation introductive ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Bien entendu, il sera transmis à l'ensemble des membres de la délégation dès aujourd'hui et figurera aussi avec l'intégralité du compte rendu sur le site de la délégation.

Mme Bernadette Bourzai. - Il me semble que les termes de conseiller départemental et de conseiller général, s'ils recouvrent les mêmes fonctions, renvoient à des approches différentes.

En effet, pendant les onze années au cours desquelles j'ai exercé le mandat de conseillère générale, j'ai expliqué à mes électeurs que les attributions d'un conseiller général ne devaient pas se limiter à la seule défense des intérêts du canton dont il est issu, même s'il y prête évidemment une attention particulière, mais qu'il doit aussi oeuvrer à la définition des politiques au niveau départemental, en matière sociale tels que l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou le revenu minimum d'insertion (RMI) ou en matière économique.

Ainsi, le conseil général de la Corrèze a-t-il mis en oeuvre une politique économique, centrée sur les grands axes routiers afin d'accueillir sur des plateformes des activités tant locales que d'origine extra-départementale.

Il faut donc faire progresser l'idée que les conseillers départementaux n'auront pas à défendre que les seuls intérêts du territoire dont ils sont les élus, mais aussi à participer à la définition de la politique départementale dans son ensemble.

J'y vois des aspects positifs car ayant aussi siégé au conseil régional du Limousin, où j'ai apprécié la politique menée par Robert Savy qui était guidée par ce précepte : « ce sont les territoires les plus fragiles qui ont besoin de notre aide et nous devons avoir des politiques spécifiques pour ces territoires ».

Ce volontarisme politique a permis notamment d'intégrer le plateau de Millevaches au sein d'un parc naturel régional et d'accroître son dynamisme économique et démographique.

Une politique départementale bien menée doit tenir compte à la fois des besoins des populations les plus nombreuses, situées dans les villes, et des besoins des zones rurales, plus fragiles. Pour cela, il faut sensibiliser les urbains aux difficultés des territoires ruraux, et les ruraux aux problèmes des territoires urbains, et en particulier des quartiers difficiles.

M. Alain Fouché. - La politique départementale dépend beaucoup de l'impulsion insufflée par le président du conseil général. Ainsi, dans la Vienne, nous avons été le deuxième département à mettre en place le revenu de solidarité active (RSA) et nous avons fait construire le Futuroscope. Nous avons donc l'image d'un conseil général actif et les habitants n'ont pas une vision réduite de nos attributions.

Je tiens aussi à saluer le doyen Savy, qui a été mon professeur à la faculté de droit de Poitiers et que j'ai aussi côtoyé au sein du conseil régional du Limousin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente. - Je vais préparer une intervention respectueuse de l'ensemble de vos observations pour la séance publique de la semaine prochaine.

Nous allons reprendre les travaux de notre délégation le 17 janvier 2013 à 10 heures en examinant le rapport annuel d'activité de l'année 2012 qui porte notamment sur le thème «Femmes et travail ».

Comme convenu lors du déjeuner de travail de la délégation du 20 décembre 2012, le premier semestre 2013 sera consacré à une étude sur le thème « Femmes et Culture ». Nous mènerons également, en relation avec nos collègues de l'Assemblée nationale, une réflexion sur le thème de la prostitution.

La délégation débutera ces travaux sur cette question le 24 janvier 2013 à 10 heures en auditionnant Mme Danièle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et M. Guy Geoffroy, député, auteurs de l'important rapport d'information présenté au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, « Prostitution : l'exigence de responsabilité ; en finir avec le mythe du plus vieux métier du monde ». Nous examinerons avec eux les aspects de ce sujet qui mériteraient d'être approfondis.

Mes chers collègues, je vous remercie.