Mardi 19 février 2013

 - Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -

Examen du rapport « Les collectivités territoriales et le développement économique : vers une nouvelle étape » de MM. Jean-Luc Fichet et Stéphane Mazars

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Madame la présidente, chers collègues, la Délégation nous a donné pour mission de mener une réflexion sur les outils de la politique d'aménagement du territoire : sujet vaste et complexe, aux enjeux multiples, et qui couvre en fait la quasi-totalité de nos politiques publiques : transports, logement, santé, éducation, activités économiques, loisirs... Autant de sujets qui ont déjà suscité de nombreux travaux, au sein ou à l'extérieur de notre Délégation. Je citerai, par exemple, les rapports que prépare M. Hervé sur la SNCF, celui de MM. Mézard et Pointereau sur les infrastructures de transport, ou encore le rapport que vient de remettre M. Maurey sur les déserts médicaux au nom de la commission du développement durable, après celui qu'avait réalisé Mme Bruguière pour notre Délégation...

Dans ce cadre, nous avons été raisonnables, en essayant de restreindre le champ de notre analyse au développement économique. Nous avons constaté à cette occasion combien les approches du développement économique, d'une part, et de l'aménagement du territoire, d'autre part, pouvaient être cloisonnées, alors même que le développement économique est un élément de l'aménagement du territoire et vice-versa. Comment encourager l'implantation d'entreprises sans prévoir les infrastructures (de transport, de communication...) adéquates ? Comment développer un territoire sans activités économiques ?

L'aménagement du territoire est l'une des conditions du développement économique. Aussi avons-nous souhaité dresser un rapide bilan des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDT. J'y reviendrai plus précisément dans un instant.

En ce qui concerne le développement économique en tant que tel, les débats qui ont accompagné l'adoption de la loi créant la banque publique d'investissement ont mis en relief les doutes relatifs à l'efficacité de l'action économique des collectivités territoriales.

Nous avons souhaité nous emparer de ce sujet pour dresser un rapide bilan des politiques territoriales menées dans ce domaine, avant la tenue des débats sur la loi de décentralisation. L'actualité de ce sujet nous a été confirmée, il y a quelques jours, par la publication d'un rapport de la Cour des comptes sur les dispositifs de soutien à la création des entreprises. Nos constats se recoupent largement.

Je vais maintenant aborder plus précisément les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Ces schémas, instaurés par la loi Pasqua d'aménagement et de développement du territoire de 1995, fixent les orientations stratégiques, à moyen terme, du développement durable du territoire. Ce sont les conseils régionaux qui les élaborent, après avis du CESER et des conseils généraux, tandis que les agglomérations, pays, et certaines communes sont associés à la démarche. Comme l'avait esquissé notre collègue Georges Labazée dans son rapport sur les contrats de projets Etat-régions, la portée de ces documents est aujourd'hui assez limitée. Ils représentent pourtant de fortes potentialités, puisqu'ils favorisent une vision stratégique globale, intégrée et prospective du territoire. Globale, parce que chaque schéma doit prendre en compte l'ensemble du périmètre considéré, y compris les territoires les plus en retrait. Intégrée, parce que chaque schéma doit permettre de sortir d'une approche sectorielle des politiques publiques, « en silo », et tenir compte de leurs interdépendances dans un objectif de cohérence. Enfin, inutile de revenir sur l'intérêt d'une approche prospective et non seulement réactive des politiques publiques...

Dans les faits, la mise en oeuvre de ces schémas a été très variable selon les territoires : tous n'en sont pas dotés et, lorsqu'un schéma a été adopté, il n'a pas nécessairement été révisé dans une période récente. En outre, ils ont parfois manqué de traduction opérationnelle. Il s'agit en effet de documents de prospective et non de programmation : il revient donc aux collectivités de s'en saisir et de faire le choix d'y articuler leurs politiques. Par ailleurs, leurs objectifs sont rarement déclinés de façon détaillée dans les territoires et cette absence d'ancrage nuit à leur appropriation par les différents acteurs concernés : aujourd'hui, les SRADDT apparaissent pour nombre d'élus comme un document élaboré par des techniciens, et pour des techniciens...

Cette situation n'est pas satisfaisante : l'organisation de l'espace, la répartition des hommes, des infrastructures, des activités au niveau régional ne sauraient être la résultante de politiques menées individuellement par les différents acteurs qui y sont présents, sans concertation ni coordination.

Un consensus se dégage donc sur la nécessité de donner une nouvelle impulsion aux SRADDT. La question qui se pose est la suivante : comment ? Nous connaissons les positions de l'ARF sur ce point. Les régions voudraient que ce document devienne prescriptif et s'impose aux documents de planification que sont les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Dans cette optique, elles préconisent une association plus large des autres niveaux de collectivités.

Cette participation des autres collectivités nous semble effectivement essentielle mais, disons-le clairement, nous n'irions pas jusqu'à octroyer un caractère prescriptif aux schémas. Au-delà de la question d'ordre constitutionnel soulevée par ce type de proposition, la crainte d'une « recentralisation » au niveau régional, qui réduirait les marges de manoeuvres des autres collectivités, autant que la prise en compte des spécificités de leurs territoires, est réelle. Bien évidemment, la nécessité de définir une stratégie au niveau régional n'est pas remise en cause mais la crainte d'une perte d'ancrage territorial des politiques menées explique une bonne part de ces réserves. Se pose également la question des moyens de financement des différents dispositifs. Le principe du « qui paie commande » a été évoqué à différentes reprises.

Nous estimons qu'une participation effective des autres niveaux de collectivités à l'élaboration et au suivi de ces schémas permettrait déjà de renforcer leur portée. Les conférences territoriales pourraient être le lieu d'un tel débat. Ensuite, chaque conseil général mais aussi chaque conseil d'EPCI à fiscalité propre pourrait émettre un avis sur le projet de schéma. La présentation de ce projet devant les assemblées locales devrait favoriser leur appropriation par l'ensemble des élus des collectivités concernées, au-delà des membres de la conférence territoriale. Il faudra par ailleurs veiller à ce que les communautés de communes et les communes rurales soient représentées au sein de ces dernières.

Le schéma pourrait ensuite être modifié au sein de la conférence territoriale, pour tenir compte de ces avis. En cas d'absence de majorité, il reviendrait à la région d'adopter, en dernier recours, le schéma.

La traduction opérationnelle des SRADDT dans les espaces infrarégionaux gagnerait aussi à être renforcée, notamment par la conclusion de partenariats entre la région et les autres collectivités.

Enfin, une articulation de ces schémas avec les autres politiques publiques, qu'elles soient nationales ou territoriales, doit être recherchée de façon constante.

Voici les grandes lignes des enseignements que nous avons tirés de nos travaux s'agissant des SRADDT. Je laisse la parole à mon collègue Stéphane Mazars pour aborder la question du développement économique en tant que tel.

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Le domaine des politiques du développement économique ressemble à bien des égards à celui des politiques de l'emploi, qu'a récemment étudié notre collègue Patricia Schillinger au sein de notre Délégation. Il se caractérise par une responsabilité désormais partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, mais aussi l'échelon de l'Union européenne.

Dans ce domaine, la plus-value des collectivités territoriales réside dans leur capacité à imaginer et mettre en oeuvre des politiques adaptées aux besoins de leurs territoires, en lien avec les autres politiques menées à cette échelle. On connaît l'importance que revêtent aujourd'hui les PME et l'innovation dans notre économie. Or, leur développement passe souvent par un accompagnement au niveau local, que ce soit en termes de financement, d'infrastructures, de prestations de conseil, d'offre foncière, etc.

Les collectivités peuvent agir seules, soutenir des organismes spécialisés, tels que les agences de développement économique, ou s'appuyer sur les réseaux consulaires avec qui elles concluent des partenariats... Je ne reviens pas sur le détail de leur action, dont vous trouverez quelques éléments dans le rapport. Au niveau global, ces politiques sont considérées comme un atout pour les territoires.

Cependant, et comme dans le domaine des politiques de l'emploi, la multiplication des acteurs est source de difficultés, qui sont d'ailleurs bien connues : risques de redondances ou d'incohérences entre les différentes initiatives, d'illisibilité des dispositifs, d'inefficience, compte tenu de la dispersion des moyens, voire d'inefficacité lorsque des phénomènes de concurrence sont à l'oeuvre... Sans compter les risques juridiques liés à l'accumulation non contrôlée d'aides publiques, au regard de la réglementation européenne.

Ces difficultés ne sont pas nouvelles. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a tenté d'y apporter quelques réponses. Elle a affirmé le rôle majeur des régions dans le domaine des aides aux entreprises. Elle a rendu possible, à titre expérimental, l'adoption de schémas régionaux de développement économique (SRDE) par les régions, afin de favoriser la coordination des différents acteurs. Ces derniers ont par ailleurs déployé de nombreux efforts pour coordonner leurs actions respectives et mutualiser leurs moyens.

Mais ces initiatives ne sont pas allées assez loin. Le SRDE comporte les mêmes limites que le SRADDT : sa mise en oeuvre et ses effets en termes de coordination des acteurs varient selon les territoires. Dans certains d'entre eux, il a permis des avancées notables, qui expliquent d'ailleurs que certaines régions aient adopté un nouveau SRDE à l'issue du premier, malgré l'absence de prolongation du dispositif expérimental prévu par la loi. Ces nouveaux schémas ont souvent été élargis aux problématiques de l'innovation : je citerai la stratégie régionale de l'économie et de l'innovation adoptée en Ile-de-France, par exemple, ou celle adoptée en région Rhône-Alpes.

Afin de remédier aux difficultés que j'évoquais à l'instant, la piste d'un renforcement de l'action des régions fait consensus, compte tenu de leur expérience dans ce domaine, de leurs responsabilités en matière de formation, de recherche, d'innovation et d'aménagement du territoire. Mais il ne s'agit pas de leur confier une compétence exclusive, concept dont les limites ont été soulignées ici-même à plusieurs reprises : cela reviendrait à priver les territoires du savoir-faire développé par les autres collectivités, en lien avec leurs compétences, et entraînerait une recentralisation de politiques de proximité.

Il s'agirait en fait de réaffirmer le rôle de chef de file de la région. En premier lieu, un rôle prépondérant devrait lui être reconnu dans le domaine des aides aux entreprises : les autres collectivités ne pourraient intervenir qu'en complément et dans le cadre du régime d'aides adopté par la région, qui pourrait toutefois déléguer la gestion de certaines aides. Les aides à l'immobilier pourraient en revanche rester aux mains des intercommunalités, qui ont développé une certaine expertise dans le domaine.

S'agissant des autres types d'actions menées, nous proposons de généraliser l'expérience des schémas régionaux de développement économique en les élargissant aux problématiques de l'innovation, comme cela a déjà été fait dans certains territoires. Leur dimension stratégique devrait être réaffirmée, afin qu'ils ne soient plus considérés, comme par le passé, comme un catalogue d'aides régionales. Ils devraient être le lieu d'une réflexion à moyen long terme sur les façons de valoriser au mieux les spécificités de chaque région, en lien avec les politiques d'aménagement, de formation, d'emploi et d'insertion menés à leur échelle. Une articulation devra également être recherchée avec les stratégies nationale et européenne de développement économique.

Là encore, il conviendra toutefois d'associer les autres collectivités en amont de l'élaboration du schéma et dans le cadre de son suivi : il ne s'agit pas d'opérer une « recentralisation » à l'échelon régional. Ce qui fonctionne bien au niveau local doit y rester. L'ensemble des acteurs économiques, agences de développement économique, chambres consulaires, CESER, etc. devront en outre être associées à la démarche.

Il nous semble également indispensable d'opérer un véritable partage des rôles entre l'Etat et les collectivités. La pertinence d'un dédoublement au niveau des aides aux entreprises a été remise en cause à plusieurs reprises.

Enfin, il nous semble nécessaire de développer davantage la culture de l'évaluation. Elle pourrait constituer l'une des réponses aux doutes exprimés lors du vote de la loi sur la banque publique d'investissement sur l'efficacité de l'action des collectivités en matière de développement économique. Il faut cependant replacer ces réserves dans leur contexte politique, et je tiens d'ailleurs à préciser que l'évaluation est déjà largement présente dans nos collectivités. Il s'agit de la généraliser, sans tomber dans ses excès.

Enfin, nous ne pouvons qu'encourager la poursuite des efforts réalisés par l'ensemble des acteurs pour mutualiser leurs moyens, simplifier les procédures, et coordonner leurs actions.

M. Yves Krattinger. - Pourriez-vous préciser le contenu d'un SRADDT, les thématiques qu'il aborde, ce à quoi il tend, sa réalité concrète, l'autonomie dont dispose son auteur pour le mettre en oeuvre ?

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - C'est bien la question de fond, ce qui explique pourquoi les SRADDT sont pour l'instant un peu passés à côté de leur objectif. Ils résultent de la volonté des élus mais sont écrits par des techniciens, qui se les sont appropriés. Ils ne servent donc pas de référence dans l'action au quotidien et leur autorité est modeste. Ils traitent de tous les aspects émergeant de la problématique territoriale, évoquent les spécificités des territoires et sont en réalité assez éloignés des préoccupations du quotidien. Il faut pourtant qu'il devienne un vrai outil d'aménagement du territoire. A cet effet, il faudrait en particulier que, en dépit des éventuelles oppositions politiques entre la région et les départements, ils soient une véritable référence pour tous. A cet égard, la conférence des territoires devrait jouer un rôle important, car les SRADDT nécessitent de vastes concertations. Par ailleurs, l'objectif ne peut pas être de tenter d'interdire à une entreprise de s'installer à tel endroit en fonction des orientations du SRADDT, ou de l'obliger à s'installer à tel autre endroit, mais d'éclairer des priorités.

M. Yves Krattinger. - Quelle est la portée du SRADDT s'il n'est pas prescriptif, et il ne peut l'être s'il ne permet pas, à tout le moins, de conclure des contrats de cofinancement entre collectivités ?

M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Le SRADDT est un document de prospective intervenant très en amont de l'action. Il serait bon qu'il devienne, plus que ce n'est le cas à l'heure actuelle, un document de programmation des politiques et des actions locales.

M. Georges Labazée. - Avez-vous dressé une liste des dispositifs étatiques susceptibles de contrecarrer l'efficacité des outils d'aménagement du territoire des collectivités territoriales, afin de mieux les connaître, voire de les éliminer ?

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Dans le prolongement de cette question, pourriez-vous préciser votre idée selon laquelle la possibilité d'un dédoublement des aides aux entreprises a été remise en cause à plusieurs reprises ?

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Nous n'avons pas balayé l'ensemble des dispositifs : la tâche serait colossale. On évalue, en effet, entre 60 et 100 le nombre des intervenants économiques susceptibles d'être présents dans une région. Par ailleurs, le nombre des dispositifs de financement susceptible d'être en oeuvre, toujours dans une région, est évalué entre 600 et 1 200. Ajoutons que les aides sont d'une extrême variété. En outre, conséquence de la clause générale de compétence, ce foisonnement n'est pas nécessairement mis en cohérence dans le cadre d'un schéma régional.

Un certain nombre de dispositifs d'aide sont redondants entre l'État, la région, le département et les communes ou intercommunalité. L'Europe a d'ailleurs demandé une remise en ordre de cet ensemble disparate. Il faut de la clarté dans les politiques, c'est l'intérêt des schémas, que de fixer les niveaux de responsabilité, c'est aussi l'intérêt du chef de filât de la région.

M. André Reichardt. - Comme premier vice-président de la région Alsace, j'ai pu comparer l'impact respectif du SRADDT et du SRDE. J'en tire la conclusion que ces deux schémas n'ont pas la même utilité. Le premier m'apparaît méconnu par la plupart des élus, car, en dehors de la région, les collectivités ne le connaissent pas. Il est donc mal mis en oeuvre et son contenu est peu clair, à la différence d'autres schémas ou plans existants.

En revanche, le SRDE, centré sur le développement économique, est moins flou, et constitue une bonne base pour le développement. De plus, la région en est le chef de file, ce qui conduit toute autre collectivité voulant intervenir à conclure préalablement une convention avec elle. Il faut certes ouvrir et enrichir la notion de développement économique, pour qu'elle prenne en compte de nouveaux aspects, comme la compétitivité hors coût, l'innovation et la recherche.

Mais la claire désignation d'un chef de file donne tout son poids au SRDE, et le différencie du SRADDT. Ainsi, en Alsace, le SRDE conduit à une association positive des intervenants en matière de développement économique, comme les chambres de commerce ou de métier, qui ne bénéficient d'aides régionales que si elles s'inscrivent dans ce schéma, ce qui lui donne un poids supérieur à celui du SRADDT.

Les modalités de ce dernier doivent donc être rénovées pour tendre vers un véritable schéma de développement économique intégrant la problématique des infrastructures de transport et de communication, ce qui le conduirait à être conforté par l'action des autres collectivités.

Il faut donc une stratégie régionale forte, appuyée localement par l'action des autres collectivités, et associant en amont le maximum de partenaires.

M. Edmond Hervé. - Je tiens à souligner l'extrême richesse des documents prospectifs, plans et schémas existant au niveau local, région, département, communauté. Il en va ainsi des plans locaux d'urbanisme comme des plans de déplacements urbains. Au total, les collectivités territoriales élaborent une trentaine de documents, beaucoup plus riches que ceux rédigés par l'État.

Un programme local de l'habitat est également indispensable à l'aménagement du territoire, particulièrement dans une région en expansion comme la mienne. Ces documents se différencient entre eux par leur approche : il s'agit de passer d'une démarche de projet à une démarche de planification et de budgétisation.

Il est indéniable que le pouvoir économique appartient au chef d'entreprise. Les collectivités territoriales ne peuvent procéder qu'à des incitations. Ces dernières doivent s'inscrire dans une ligne cohérente, associant les assemblées délibérantes, l'éventuelle structure consultative, comme le CESER, et les services techniques.

M. Georges Labazée. - En ce qui concerne le SRADDT, il est devenu réellement effectif, dans les années 2000, à partir du moment où s'est développée la contractualisation. Ce que nous appelons la « politique des pays » a été un élément d'application des SRADDT. Les premières années, à la suite de la loi Voynet, chacun mettait dans ces documents ce qui l'intéressait. Ils ont vraiment pris leurs essors avec le développement de la contractualisation, qui a permis de canaliser les crédits européens, via la région : les territoires se sont organisés, selon des modalités diverses. Toutefois, nous sommes aujourd'hui au bout d'un cycle. Il s'agit de savoir ce que nous allons proposer aux territoires. Il est sans doute nécessaire de travailler à une rénovation des SRADDT afin qu'ils nous permettent de mener des actions publiques de manière plus intéressante.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Je partage l'avis selon lequel il est nécessaire d'associer un maximum de collectivités et de tous les niveaux. Toutefois, nous butons alors sur la difficulté de la représentation. Il est compliqué, dans ces conditions, d'élaborer un document efficace car chacun cherche à y inscrire ce qui lui tient à coeur. C'est là que la conférence des territoires prend tout son sens. Il est cependant nécessaire d'y instaurer un mode de délégation. En effet, ces conférences seront inefficaces si elles réunissent la région, les départements, les métropoles, les EPCI, l'ensemble des communautés de communes, les communautés d'agglomération. Peut-être, à un moment donné, sera-t-il nécessaire que les communautés de communes désignent un ou deux délégués qui soient porteurs de l'ensemble des réalités des territoires.

Je reviens aux points évoqués par M. Hervé. Sans doute aurait-il fallu aller plus loin en répertoriant l'ensemble des outils existants. Mais - c'est une difficulté qui est apparue dans toutes les auditions - il y a aujourd'hui un très grand nombre de schémas, de contrats de planification. Dès lors, durant les auditions, il a été difficile de parvenir à un raisonnement structuré sur le SRADDT, car chacun souhaitait y inscrire les points qui le préoccupaient. Nous ne devons pas oublier que tous ces outils sont extrêmement complexes. Il est nécessaire de les simplifier sans toutefois qu'ils ne perdent leur raison d'être. Ce sont des outils prospectifs sur lesquels les élus doivent pouvoir s'appuyer pour développer les territoires. Dès lors, une porosité entre ces documents est nécessaire, par exemple en ce qui concerne l'habitat ou les infrastructures. C'est un travail à faire extrêmement important. Les élus doivent s'approprier ces schémas. La question du caractère prescriptif est débattue. Toutefois, nous imaginons très bien que l'on puisse avoir un chef de file qui arbitre à un moment donné, si l'ensemble des participants à l'élaboration du schéma n'arrive pas à se mettre d'accord. Et, en matière économique, il semble normal que ce rôle revienne à la région.

M. Yves Krattinger. - Je souhaite insister sur deux points. Premièrement, le SRADDT doit, à mon sens, envisager trois échéances : le court terme, échéance du mandat pendant laquelle les élus vont essayer de concrétiser leurs engagements électoraux. Ensuite, une échéance de moyen terme, à dix ou quinze ans. Ce volet se prépare à l'avance, en se fondant sur des analyses économiques, territoriales, sur l'évolution de la démographie, en partenariat avec l'INSEE. Et, enfin, l'échéance du très long terme. Il s'agit par exemple des projets de plus grande échelle à vingt ans. Il est nécessaire de commencer à les préparer très tôt, car des alliances sont à construire, des terrains sont à réserver. Or, je ne trouve jamais ces trois volets dans les schémas, qui se contentent de décrire un monde idéal. Au final, on se rend compte que les projets inscrits il y a vingt-cinq ans en sont au même stade aujourd'hui. Cette planification est une vraie question de fond. Cette organisation en trois volets se retrouve d'ailleurs dans les schémas allemands.

Deuxièmement, la contractualisation est nécessaire. Je n'ai pas approuvé l'idée des conseillers territoriaux développée par la précédente majorité, mais le principe sous-jacent de contrat entre les départements et la région me paraissait fondamental. Il s'agirait, à mon sens, de faire discuter ensemble ces collectivités afin qu'elles répartissent les compétences et s'épaulent pour se rassembler dans l'action. Une deuxième contractualisation, avec les intercommunalités, est également nécessaire. Il existe un consensus aujourd'hui pour les renforcer. En Allemagne et en Italie a été fait le choix, il y a plusieurs années, de diminuer le nombre de communes à 8 000. Or, ces deux pays souhaiteraient aujourd'hui réduire encore ce nombre de moitié. En France, nous avons pris du retard dans la réduction du nombre de communes mais nous avons développé l'intercommunalité. Il y a aujourd'hui quelque 2 500 intercommunalités en France. C'est à mon sens un outil d'avenir. Mais elles ont également besoin de contrats : elles doivent savoir où elles vont avec l'Etat, la région, les départements. Si cette notion de contrat est absente des documents, alors ces derniers n'ont aucune utilité.

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - Dans notre rapport, nous avons insisté sur cet aspect. Il est évident que l'effectivité des SRADDT passe par la contractualisation. Mais cela présente toutefois une difficulté. La prospective, le long terme sont hasardeux. Le contrat doit porter sur la durée du mandat, le court terme.

M. Yves Krattinger. - Ce que je voulais dire, c'est que si l'on prépare un schéma aujourd'hui, le premier volet sera consacré à la période 2014-2020, le temps de le mettre en place. Le deuxième volet couvrira la période 2020-2025 et le troisième, la période 2025-2035. Il est nécessaire, à mon sens, de prévoir le très long terme dans ces documents. Mais il est également important de préciser que ces objectifs sont du très long terme et ne se réaliseront donc pas d'ici la fin du mandat.

M. Edmond Hervé. - Le responsable politique doit toujours rechercher le consensus. Or, cela dépend de l'ancienneté des élus, et de leurs expériences. En effet, le travail n'est pas du tout le même avec une assemblée délibérante dont les trois quarts sont de nouveaux élus, qui peuvent éprouver une certaine méfiance vis-à-vis de l'administration car elle a travaillé avec la précédente majorité, ou lorsque la majorité des élus a de l'expérience, connaît les habitudes de travail des uns et des autres.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je souhaiterais poser une question technique. J'ai bien entendu l'ensemble des remarques qui ont été faites. Il me semble que votre rapport se concentre plus particulièrement sur les outils économiques de l'aménagement du territoire. Peut-être serait-il souhaitable de le préciser dans le titre ?

M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. - En effet, nous avons choisi le titre suivant : « Les collectivités territoriales et le développement économique : vers une nouvelle étape ».

Le rapport est approuvé.