Mardi 2 avril 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Approbation de l'accord entre la France et le Vietnam relatif aux centres culturels - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Christian Poncelet et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 166 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels.

M. Christian Poncelet, rapporteur. - L'accord entre la France et le Vietnam relatif aux centres culturels s'inscrit dans le cadre des relations suivies que les deux États entretiennent depuis 40 ans. Il remplace une convention signée en 1991 devenue inadaptée en raison de la restructuration de notre dispositif d'action culturelle et depuis l'ouverture à Paris en 2008 d'un centre culturel vietnamien. Le nouvel accord est donc fondé sur une complète réciprocité.

Comme vous les avez, le Vietnam est un pays en transformation rapide. Face à une croissance démographique forte, 1 million d'habitants supplémentaires par an pour un pays qui en compte 88, le Vietnam donne la priorité au maintien d'un rythme de croissance élevé : le PIB a été multiplié par 3 en 10 ans. Le taux de chômage est stable autour de 5 % de la population active. Le modèle économique reste encore très dépendant des investissements étrangers et des exportations. La stratégie de développement vise à faire émerger en 2020 un Vietnam industriel, mais pour cela, il lui faudra répondre aux trois défis que sont le développement d'infrastructures de base, la formation des jeunes et la modernisation institutionnelle.

Cette transformation n'a pas, à ce jour, touché les structures politiques, ni fait beaucoup évoluer la question des droits de l'homme.

En politique étrangère, le Vietnam poursuit trois objectifs principaux : parfaire son intégration internationale en appui à sa stratégie de développement économique, garantir sa sécurité et faire entendre sa voix sur des sujets globaux. Dans cette perspective, il a apaisé les relations parfois tendues avec ses voisins et est devenu un membre actif de l'ASEAN, il s'est efforcé de réduire ses contentieux avec la Chine qu'il redoute et essaie d'en équilibrer la puissance, d'intégrer un grand nombre d'organisations internationales dont l'OMC en 2007. Il a développé ses relations avec les États-Unis et l'Europe, la France restant son principal interlocuteur sur ce continent.

Nos relations politiques sont marquées par un dialogue dense et régulier, avec nombre d'accords dans tous les domaines. Nous avons examiné en 2011 un accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et en 2012 un accord pour la création de l'université des sciences et des technologies de Hanoï.

Dans le domaine économique, nos échanges commerciaux ont progressé en 2011 de 26 %, mais restent très déséquilibrés au profit du Vietnam (751 M € d'exportations contre 1,9 Md € d'importations). La France est le deuxième investisseur européen au Vietnam, 15e rang mondial.

Les deux États ont convenu d'élever ces liens au niveau d'un partenariat stratégique lors de la visite, en France, la semaine dernière du ministre vietnamien des affaires étrangères.

Les relations culturelles ont connu une nouvelle dynamique. Elles sont conduites par l'Institut français du Vietnam, nouvelle appellation du Centre culturel depuis 2011. Cet établissement emploie 94 personnes et dispose d'un budget de 2,4 millions d'euros, autofinancé à hauteur de 50 %.  Comme tous les organes du réseau culturel, il est confronté à la diminution des dotations budgétaires. Cette situation est aggravée par la renégociation du bail de l'implantation mère d'Hanoï dont le loyer a augmenté de 60 %, s'alignant sur les prix du marché immobilier local. L'Institut comprend également des antennes à Ho Chi Minh Ville, Danang et Hué.

Ses principales activités sont les cours de langue avec plus de 5.000 étudiants inscrits et la certification en langue française, l'action culturelle et artistique, mais surtout une politique originale de coopération universitaire avec d'une part, des formations universitaires décentralisées orientées sur les besoins de l'économie vietnamienne (management, ingénierie et technologie), et, d'autre part, une aide aux études en France par l'information et les bourses. La France accueille 5.000 étudiants vietnamiens dont 1/10 soutenus par des bourses, pour une large part cofinancées. Dans le domaine de l'éducation, alors que le Vietnam a fait le choix d'enseigner en priorité la langue anglaise, la France s'efforce de maintenir son rang, le 2e, avec 100.000 apprenants par an sur 21 millions d'élèves. Enfin, elle est présente dans le secteur audiovisuel avec France 24 et TV5Monde qui compte 5 millions de téléspectateurs en offrant des programmes sous-titrés.

La présence culturelle vietnamienne en France est assurée par son centre culturel situé dans le 13e arrondissement à Paris. Ce centre a une vocation assez large pour assurer la diffusion de la culture à travers des événements artistiques dans ses locaux et en région, pour proposer des cours de langue et promouvoir le Vietnam comme destination touristique.

Le 9 avril prochain sera lancée à Hanoï l' « Année France-Vietnam », pendant plus d'un an, la saison de la France au Vietnam en 2013 et du Vietnam en France en 2014 vont proposer toute une série de manifestations pour approfondir et densifier le dialogue entre les deux pays et leurs habitants.

L'accord qui nous est soumis vise à doter les centres culturels des deux pays d'un véritable statut au regard du droit local et apporte ainsi une garantie de poursuite de notre diplomatie culturelle et d'influence dans un cadre juridique cohérent. Il est équilibré et assure une complète réciprocité.

Il est classique dans sa présentation. Il entérine la création des centres et de leurs éventuelles antennes, définit de façon assez large leurs missions et activités, garantit la liberté d'accès du public aux activités qu'ils organisent et rappelle qu'ils sont placés sous l'autorité des Ambassades respectives.

Il affirme « la possibilité pour les centres de facturer certaines prestations afin de couvrir leurs frais de fonctionnement ». Il traite du régime fiscal des centres et de leur personnel notamment pour le bénéfice de l'exonération de droits de douane et précise les questions relatives au personnel des centres culturels.

L'accord est conclu pour une durée de 10 ans renouvelable.

La procédure de ratification a été menée à bien au Vietnam en mai 2010. À cet égard, je voudrais m'étonner des délais nécessaires pour sa ratification par la France. Il a fallu au gouvernement plus de 2 ans pour le déposer sur le bureau du Sénat et 12 mois de plus pour l'inscrire à l'ordre du jour. Sans compter le délai d'examen à l'Assemblée nationale, il faudra plus de 3 ans alors que la partie vietnamienne l'a ratifié en 6 mois. Ces délais traduisent, à l'évidence, une perte d'efficacité de notre administration et nuisent gravement à nos intérêts. Ils affectent la relation avec notre partenaire : lors de la visite d'une délégation de la commission de la culture du Sénat au début du mois de mars, le ministre de la culture du Vietnam s'est étonné de cette « lenteur ». Ils retardent la mise en oeuvre d'un accord dont on souligne à l'envie l'intérêt pour le rayonnement de notre culture, pour nos entreprises et nos productions. Cela n'est pas sérieux ! Je vous demande, M. le Président, de transmettre ces observations au ministre.

Ce faisant, compte tenu de son objet, de sa place particulière dans les relations bilatérales que le projet de loi ne peut que consolider, je demande à notre Commission de l'adopter et propose également son examen en séance publique sous forme simplifiée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Approbation de la convention postale universelle - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Jean Besson et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 701 (2009-2010) autorisant l'approbation de la convention postale universelle.

M. Jean Besson, rapporteur. - Nous sommes appelés à nous prononcer sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention postale universelle.

Avant de vous présenter le contenu de cette convention et ses effets en droit français, je voudrais rappeler brièvement le cadre général régissant les envois postaux internationaux.

La convention postale universelle est une convention conclue dans le cadre de l'Union postale universelle, dont l'objectif est de favoriser le développement et la coopération entre les différents systèmes postaux du monde.

L'Union postale universelle est l'une des plus anciennes organisations internationales, puisqu'elle a été créée en 1874 à Berne.

Malgré l'invention du timbre postal, qui faisait payer le port par l'expéditeur, les expéditions vers l'étranger étaient d'une très grande complexité et il semblait nécessaire d'harmoniser les différents systèmes postaux au niveau international.

En 1947, elle est devenue une institution spécialisée des Nations unies.

Son siège se trouve toujours à Berne et sa langue officielle est le français.

Elle regroupe aujourd'hui 191 pays.

La convention postale universelle et ses règlements d'exécution comportent des règles communes applicables au service postal international, c'est-à-dire régissant les modalités d'acheminement et de distribution des envois postaux internationaux.

Cela concerne les lettres, les cartes postales, les journaux, ainsi que les colis postaux.

Cette convention a été révisée lors d'un Congrès en 2008 et remplacée par un nouveau texte, qui fait l'objet du présent projet de loi.

Il s'agissait principalement d'adapter ce texte aux évolutions du secteur postal, telles que la séparation juridique et fonctionnelle entre les Etats et les opérateurs postaux.

Parmi les principaux changements, on peut notamment citer :

- le remplacement du terme « administration postale » par « pays membre » ou par « opérateur désigné » ;

- la précision et l'harmonisation de certaines règles, par exemple concernant les dépêches mal acheminées, les envois mal dirigés ;

- l'inscription du principe de la « liberté de transit », selon lequel les pays membres s'assurent de l'acheminement par les voies les plus rapides et les moyens les plus sûrs des envois qui leur sont livrés ;

- la réaffirmation du principe du droit souverain de chaque pays de décider de la manière dont les timbres-poste sont émis sur son territoire.

Il revient, selon la convention, à chaque pays de désigner un ou plusieurs opérateurs.

Dans le cas de la France, le code des postes et télécommunications électroniques précise que « La Poste met en oeuvre, pour ce qui la concerne, les engagements pris par l'Etat, dans le cadre de l'Union postale universelle ».

La Poste est donc l'opérateur désigné par la France au sens de cette convention. La Poste continuera donc d'assurer le service postal international entrant et sortant.

La convention ne devrait avoir aucune incidence en droit français.

En particulier, elle n'a pas de lien avec la directive européenne du 20 février 2008 portant sur l'achèvement du marché intérieur des services postaux, et la loi de transposition de cette directive.

En conclusion, cette convention permettra d'améliorer les règles régissant l'acheminement des lettres et des colis internationaux.

À l'heure d'Internet et du téléphone mobile, il ne faut pas négliger pour autant les enjeux que représentent les lettres et colis, notamment pour l'opérateur historique français qu'est La Poste.

M. Robert del Picchia. - Avec le commerce électronique et sur Internet, les colis postaux représentent un marché très important qui est appelé à se développer dans les prochaines années.

M. Jean Besson, rapporteur. - Ayant moi-même travaillé quelques années à La Poste, je peux témoigner en effet des changements considérables ces dernières années.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Approbation de l'accord entre la France et l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Jacques Berthou et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 354 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.

M. Jacques Berthou, rapporteur. - Nous sommes appelés à nous prononcer sur un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord avec l'Inde sur la répartition des droits de propriété intellectuelle dans le domaine du nucléaire civil.

Cet accord a été conclu en application d'un accord-cadre plus général, signé en 2008, de coopération nucléaire. Le nucléaire est, avec la défense et l'espace, l'un des trois grands axes du partenariat stratégique conclu avec l'Inde en 1998.

Cet accord permettra, dans la mesure du possible, de régler les défis posés par la loi indienne en matière de propriété intellectuelle dans le nucléaire civil, et d'établir un cadre favorable permettant de développer l'activité des entreprises françaises dans un secteur particulièrement prometteur.

Tout d'abord, quelques mots sur l'enjeu énergétique en Inde.

Même si elle a quelque peu faibli ces dernières années, la croissance de l'économie indienne, portée par une démographie qui fera de ce pays le plus peuplé de la planète après 2020, est une croissance à deux chiffres ces dix dernières années. Malgré un récent fléchissement lié à la crise économique, sur le moyen terme le FMI prévoit une croissance future de 8 % par an en moyenne.

L'Inde, qui est aujourd'hui le 7e producteur mondial d'énergie en est surtout aujourd'hui le 3e consommateur. Pourtant, la consommation par habitant reste 3 fois inférieure à la moyenne mondiale et 15 fois moindre à celle des États-Unis. 2/3 de la population indienne a toujours recours aux matériaux traditionnels pour cuisiner et se chauffer. Les besoins énergétiques devraient donc doubler à l'horizon 2035. La demande augmente déjà de 8 % par an.

Ces chiffres qui donnent le vertige expliquent pourquoi le contexte électrique est très tendu en Inde. Le pays a connu une coupure d'électricité géante à l'été 2012, affectant durant trois jours la moitié nord du pays, avec en outre, des compagnies de distribution d'électricité en faillite virtuelle et pour lesquelles le gouvernement vient de décider d'un plan de sauvetage.

Le pays a aussi besoin d'un nouveau «mix énergétique », car aujourd'hui la production est issue pour près de la moitié de centrales au charbon. Compte tenu de sa croissance élevée depuis 10 ans, l'Inde est devenue le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre en volume, derrière les États-Unis et la Chine, devant la Russie. Toutefois, une fois les émissions rapportées à son immense population, elle se trouve au niveau d'un pays africain.

Bien que la conscience des enjeux environnementaux ait progressé en Inde, la pénurie d'énergie est un enjeu plus immédiat et plus important politiquement. Le développement économique est la priorité du gouvernement (800 millions de personnes sur 1,2 milliard gagnent moins de 2$ par jour). Le manque d'énergie est aussi un problème pour l'agriculture et pour la sécurité alimentaire, vrai grand défi de l'Inde demain.

Le Gouvernement veut agir à la fois en modernisant les centrales thermiques existantes, en développant la production d'énergie solaire et éolienne, en construisant des barrages hydroélectriques, notamment sur le fleuve Narmada, et en relevant de 3 à 20 % la part du nucléaire dans la production énergétique à l'horizon 2050. Ce qui fait de l'Inde le deuxième marché pour l'énergie électronucléaire après la Chine.

C'est dans ce contexte qu'ont été adoptés l'accord-cadre sur le nucléaire de 2008 et l'accord de décembre 2010 aujourd'hui soumis à la ratification du Sénat.

La coopération nucléaire avec l'Inde n'était plus possible après les essais nucléaires de 1974 et de 1998 mais, à la suite d'un moratoire sur les essais et d'engagements pris par l'Inde sur la séparation des activités civiles et militaires et sur la possibilité pour l'AIEA de contrôler ses installations, la coopération internationale a repris en 2008 avec la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Russie.

Dans ce cadre, les projets sont nombreux. AREVA et Alstom sont en discussion avec l'électricien nucléaire indien NPCIL pour la fourniture, sur le site de Jaitapur, de 2 (puis éventuellement 4 autres) réacteurs EPR et du combustible associé.

Après le contexte, j'en viens au contenu de l'accord. C'est assez simple : il vise à contourner autant que faire se peut la législation indienne pour protéger la propriété intellectuelle de nos organismes et entreprises en matière de recherche sur le nucléaire civil.

En effet, cette loi interdit la délivrance en Inde de brevets portant sur l'énergie nucléaire. En outre, l'obtention préalable du gouvernement fédéral est requise pour pouvoir déposer même à l'étranger les résultats issus de recherches effectuées en Inde en matière nucléaire.

Ces dispositions résultent de modifications apportées en 2005 pour répondre au refus de levée d'embargo sur certaines matières. À ce stade, l'Inde refuse de modifier les dispositions de la loi sur la propriété intellectuelle tant que l'embargo n'est pas levé.

Dans ce contexte, il fallait distinguer entre l'objectif idéal qui consistait à obtenir une modification (très improbable) de la loi indienne et un compromis, élaboré d'ailleurs avec les acteurs français du nucléaire civil, visant à obtenir l'engagement a priori du gouvernement indien qu'il ne s'opposera pas à la protection à l'étranger des résultats de recherche issus d'une coopération franco-indienne. C'est l'objet du présent texte, qui concerne les recherches du CEA, de l'autorité de sûreté nucléaire, de l'IRSN (institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), de l'ANDRA (agence des déchets radioactifs), d'AREVA, d'Alstom, d'EDF, d'Onet technologies et d'une centaine de sous-traitants.

Je termine en vous disant que tous les problèmes ne sont pas réglés : en particulier la législation indienne sur la responsabilité civile en matière nucléaire n'obéit pas au principe habituel de canalisation de la responsabilité sur l'exploitant et exposerait nos fournisseurs à un risque qu'ils ne sont pas encore en mesure d'évaluer ni de chiffrer aujourd'hui. Vous trouverez des développements sur cette question toujours pendante dans le rapport écrit.

M. Daniel Reiner. - La protection offerte aux fournisseurs français par les accords internationaux demeurera en quelque sorte limitée...

M. Jacques Berthou. - En effet. La catastrophe de Bhopal a marqué les esprits en Inde, ce qui est compréhensible.

La commission adopte le texte à l'unanimité (abstentions de Mme Leïla Aichi et de Mme Kalliopi Ango Ela) et décide de son examen sous forme de procédure simplifiée en séance publique.

Approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Robert del Picchia et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 485 (2011-2012) autorisant l'approbation du protocole commun relatif à l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, vous m'avez chargé de rapporter ce protocole relatif à l'application réciproque de deux régimes conventionnels de responsabilité civile nucléaire.

Il s'agit d'une convention technique pour laquelle je vais m'efforcer d'être le plus pédagogique possible.

Il existe aujourd'hui dans le monde trois catégories de pays qui disposent sur leur territoire d'installations nucléaires.

Vous avez les pays qui ont adhéré à la Convention de Paris, signée dans le cadre de l'OCDE en 1960.

Vous avez les pays, essentiellement dans l'Europe de l'Est, qui ont adopté la convention de Vienne en 1963 dans le cadre de l'agence internationale de l'Energie atomique.

La troisième catégorie de pays sont les pays qui n'ont adhéré à aucune convention internationale et qui ont adopté des régimes juridiques nationaux, c'est le cas du Japon et des Etats-Unis par exemple.

Dans tous les cas de figure, ces régimes juridiques reposent sur cinq principes fondamentaux que l'on retrouve dans les trois type de régime juridique sous une forme ou une autre.

Ces principes organisent la responsabilité des opérateurs en cas d'accident :

1/ Une responsabilité objective sans faute. L'exploitant est responsable de tous les dommages aux personnes et aux biens provoqués par un accident sans que les victimes aient besoin de démontrer une faute. En bref, il suffit d'établir un lien de causalité entre l'accident et le préjudice subi pour engager la responsabilité de l'exploitant.

2/ Une responsabilité exclusive canalisée sur le seul exploitant de l'installation nucléaire. Ce principe évite toute recherche de responsabilité dans les fournisseurs ou sous-traitants pour garantir un traitement rapide des contentieux.

3/ Une responsabilité limitée dans la durée et plafonnée dans le montant des réparations à la charge de l'exploitant. En contrepartie des deux premiers principes, les exploitants bénéficient d'une limitation de leurs responsabilités dans le temps et sur un montant donné.

4/ Une garantie financière obligatoire pour l'exploitant afin de prévenir son insolvabilité.

5/ Une unité de juridictions conférant aux seuls tribunaux de l'Etat sur lequel l'accident est survenu compétence pour évaluer les réparations.

Le principal intérêt de ces conventions est de garantir à chaque Etat partie que ses ressortissants seront indemnisés si un accident nucléaire dans un autre pays a des conséquences sur son propre territoire.

Si demain survient un accident nucléaire en France dont les conséquences s'étendraient au-delà des Alpes vers l'Italie, les Italiens seraient protégés par la Convention de Paris et indemnisés pour les dommages causés, aussi bien aux personnes qu'aux biens, et inversement si cela se passait en Italie avec des vents contraires. C'est cette protection réciproque qui fait l'économie principale de ces conventions et leur intérêt.

Des raisons historiques, la guerre froide et la séparation de l'Europe en deux camps, a conduit, dans les années 60, à développer deux régimes internationaux qui ont chacun leur spécificité même s'ils sont articulés autour des cinq principes que je vous ai cités.

En 1986, l'accident de Tchernobyl a fait prendre conscience à tout le monde que les nuages radioactifs ne connaissaient ni les clivages idéologiques ni les frontières internationales. D'ailleurs à l'époque, l'Ukraine n'était partie à aucune convention, si bien qu'aucune victime en dehors de l'Ukraine n'aurait pu faire valoir ses droits.

Ce constat a conduit nos gouvernements à considérer qu'il fallait mettre en place une passerelle juridique qui permette aux victimes de bénéficier de façon réciproque des dispositions figurant dans chaque convention.

C'est l'objet du présent protocole. Ce protocole étend la couverture géographique des régimes de responsabilité à l'ensemble des Etats et parties prenantes d'une des deux conventions. C'est pourquoi ce protocole constitue une avancée concrète pour la protection des citoyens français qui se voient ainsi protégés d'accidents qui pourraient survenir dans des installations nucléaires de pays membres de la convention de Vienne. Je pense notamment à la Bulgarie et à la Slovaquie qui ont des installations nucléaires.

Cette avancée constitue la principale raison pour laquelle je vous propose d'adopter ce protocole sans aucune réserve.

La deuxième raison est que l'adoption de ce protocole permettra à la France de plaider plus efficacement dans des enceintes internationales en faveur de l'adhésion par tous les pays à une convention internationale de responsabilité nucléaire, que ce soit la convention de Paris ou la convention de Vienne. Dans un monde idéal, il aurait été sans doute préférable de renégocier un régime international unique auquel tous les pays détenteurs d'installations nucléaires adhèreraient. Mais voilà il y a l'histoire, des sensibilités différentes de chacun des pays et il est apparu plus pragmatique, plus efficace et plus rapide de créer un pont entre ces deux conventions qui rassemblent pour la convention de Paris, 16 pays, et pour la convention de Vienne, 38 pays, dont la moitié n'ont pas d'installations nucléaires, soit en tout 54 pays. Avec ce protocole, on a donc presque un régime mondial de responsabilité civile nucléaire. Il reste que la moitié des pays faisant appel à l'énergie nucléaire n'ont pas adhéré à un de ces deux régimes, c'est pourquoi il convient de promouvoir une adhésion plus large à ces conventions. Pour promouvoir cette adhésion, il fallait au minimum que nous ayons adopté le protocole commun qui nous lie ainsi à l'ensemble des pays parties à la convention de Vienne.

Voilà mes chers collègues les raisons qui me conduisent à vous proposer d'adopter cette convention.

Je ne serais pas exhaustif si je ne disais pas que la France s'est par ailleurs engagée lors des négociations à déposer une réserve de réciprocité pour ne s'engager auprès des Etats à la convention de Vienne qu'à la hauteur du montant financier que ces derniers offriraient à la France. En effet, il y a une disproportion forte entre le niveau de responsabilité des exploitants prévu par la loi française et par la loi bulgare ou slovaque. Le rapport est de 1 à 2 et pourrait s'accroître avec la révision du plafond de la responsabilité de l'exploitant en France qui devrait être augmentée substantiellement avec l'entrée en application de plusieurs autres protocoles, dits de 2004.

Voilà mes chers collègues ce qu'il faut retenir de cette convention que je vous propose d'adopter.

Vous en avez cependant pas fini avec cette convention, vous ne seriez pas entièrement éclairé, si je ne vous disais pas que l'examen de cette convention m'a permis de prendre conscience que le régime juridique actuellement en vigueur en France sur la responsabilité civile nucléaire est tout à fait insuffisant.

Je voudrais en donner quelques exemples sans m'attarder trop longtemps dans un domaine qui relève de la compétence d'autres commissions que la nôtre.

Aujourd'hui, la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire et de l'Etat en cas d'accident est plafonnée à 348 millions d'euros. Ce montant est tout à fait insuffisant. L'IRSN a récemment évalué le coût d'un accident nucléaire mineur à 70 milliards d'euros. On parle aujourd'hui à Fukushima de plus de 300 milliards d'euros.

Le droit français actuel ne prévoit l'indemnisation du dommage corporel que dans les 10 ans qui suivent l'accident alors qu'il est aujourd'hui établi que les maladies radio-induites peuvent survenir après ce délai. La loi ne prévoit pas non plus de couverture des préjudices à l'environnement. La Cour des comptes a établi un rapport soulignant les limites importantes du droit actuel que je reprends dans mon rapport écrit.

Alors je vous rassure, ces limites sont connues et la France a ratifié les protocoles de 2004 qui constituent une amélioration substantielle du droit positif. Les protocoles de 2004 prévoient notamment un relèvement du plafond des responsabilités à 700 millions d'euros, une extension du champ du dommage couvert, notamment la prise en charge de la restauration de l'environnement ainsi que du délai de prescription pour les dommages corporels qui passe de 10 à 30 ans.

Le problème c'est que ces protocoles de 2004 ne sont pas encore applicables car la commission européenne a imposé que leur entrée en application soit subordonnée à l'adoption de dispositions nationales dans l'ensemble des pays signataires. Or trois pays n'ont pas encore achevé le processus interne de ratification : la Belgique, le Royaume-Uni et l'Italie. On est dans une situation de blocage notamment parce que l'Italie, qui a prévu une sortie du nucléaire, semble peu pressée d'adopter les dispositions internes, même si elle s'est formellement engagée à aboutir avant décembre 2013.

En l'état des choses, rien n'empêche cependant le gouvernement de légiférer pour anticiper l'entrée en vigueur de ces protocoles qui auront des incidences majeures, notamment sur le marché assurantiel car l'extension des garanties des citoyens en matière de préjudices et de durée va mettre à l'épreuve la capacité des assureurs français à garantir les opérateurs.

Il est donc urgent que le gouvernement engage une réflexion de fond sur cette question et propose au Parlement un régime juridique plus protecteur des citoyens. Si vous en êtes d'accord, le rapport, rappellera cette urgence.

M. Jean-Louis Carrère, président.- Je vous remercie de ce rapport qui dépasse assez largement l'objet de la convention.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Il s'agissait en effet de prendre en compte les conséquences de l'accord dans la législation nationale et de la remettre dans le contexte des nombreuses conventions sur ce sujet.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Compte tenu de l'ensemble de vos observations, pensez-vous qu'il faille organiser un débat en séance publique pour son adoption ou que nous pourrions l'adopter sous forme simplifiée, quitte à demander en conférence des présidents un débat qui pourrait être organisé à l'initiative des commissions particulièrement compétentes dans le domaine du nucléaire, je veux parler de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire ou de la commission des Affaires économiques ?

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Je pense que cette convention ne pose pas de problème et constitue u une avancée pour la protection des Français. De ce point de vue, elle pourrait être adoptée sous forme simplifiée. En revanche, il y a sans doute un débat sur le régime actuellement en vigueur de responsabilité nucléaire civile en France.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Je souhaiterais remercier le rapporteur pour avoir contextualisé cette convention internationale car la description des enjeux internationaux et nationaux nous a permis de mieux comprendre la situation.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous propose en conséquence d'adopter cette convention sous une forme simplifiée et de proposer le cas échéant à mes collègues des commissions compétentes l'organisation d'un débat en séance publique sur ce thème.

La commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de Mme Leila Aïchi et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 502 (2011-2012) autorisant l'approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques.

Mme Leila Aïchi, rapporteur. - Nous sommes ici tous conscients de l'enjeu que représentent la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète face aux agressions qu'elle subit au quotidien. 15 États européens et l'Union européenne sont signataires de la convention OSPAR dont l'objet est la préservation de l'environnement marin dans l'Atlantique du Nord-Est. Le champ d'application géographique de la convention englobe la majeure partie de l'Atlantique du Nord-Est, sur une superficie d'environ 13,5 millions de kilomètres carrés, et donc une partie de la zone Arctique, zone unique qu'il convient de préserver à tout prix des convoitises.

La convention interdisait, dans sa rédaction initiale, l'immersion en mer des déchets et autres matières. Or, récemment, des développements en matière de stockage, notamment géologique, de CO2, se sont fait jour, et la commission OSPAR a donc, par consensus, adopté des modifications au texte initial en autorisant sous certaines conditions le stockage sûr et permanent des flux de CO2 d'origine anthropique dans les structures géologiques du sous-sol marin, tout en respectant les principes de garantie de la protection de la mer.

Le premier amendement concerne l'annexe II de la convention, relative à la prévention et la suppression de la pollution par les opérations d'immersion ou d'incinération : à l'article 3, paragraphe 2, dans la liste des déchets ou autres matières pouvant faire l'objet d'une autorisation d'immersion, sont ajoutés, à certaines conditions, les flux de dioxyde de carbone résultant des processus de captage du dioxyde de carbone en vue de son stockage.

Le second amendement porte sur l'annexe III de la convention OSPAR sur la prévention et la suppression de la pollution provenant de sources offshore : sont ajoutés à l'article 3, 2 paragraphes qui traitent, dans les mêmes conditions que celles de l'annexe II modifiée, du stockage de CO2 à partir d'exploitations offshore.

C'est sur ces deux amendements que le Sénat est saisi aujourd'hui.

Concrètement, comment cela se passerait-il ? Cela requiert tout d'abord que le CO2 soit capté sur son lieu d'émission et acheminé jusqu'à son lieu de stockage. L'acheminement se fait par canalisation, par navire, ou par combinaison des deux, jusqu'à une plateforme à partir de laquelle l'injection dans le sous-sol pourra être réalisée. Trois modes de stockage géologique sont possibles : le stockage dans les gisements d'hydrocarbures matures, dans les aquifères salins profonds et dans les veines de charbon inexploitées.

Le stockage doit préalablement faire l'objet d'un permis pour une formation géologique précise et pour une qualité de flux de CO2 clairement identifiée. La qualité du flux de CO2 doit répondre à la contrainte réglementaire selon laquelle le flux de CO2 doit être majoritairement composé de dioxyde de carbone : aucun déchet ni aucune autre matière ne peut y être ajouté en vue de son élimination.

En Europe, les projets de stockage offshore concernent essentiellement la mer du Nord (stockage dans des formations géologiques ayant contenu des hydrocarbures et stockage dans des aquifères profonds). En Norvège, les projets opérationnels de Snøhvit et de Sleipner permettent respectivement de stocker annuellement environ 0,7 mégatonne et 1 mégatonne de CO2.

Quels sont les avantages d'une telle technique ? Elle est récente, donc le recul n'est pas très important. Néanmoins, les études faites en la matière s'accordent à dire que plusieurs tonnes de CO2 pourraient être épargnées à l'atmosphère grâce à cette technique : 30 à 40 % selon le GIEC, 20 % des réductions d'émission de dioxyde de carbone mondiales souhaitées d'ici 2050 selon l'AIE, ... En termes de capacités de stockage, on parle de gigatonnes disponibles pour le stockage du CO2.

Les coûts, par contre, sont peu attractifs : en moyenne 46 €/tonne pour cette technique, alors que le prix de la tonne de CO2 sur le marché s'établit aujourd'hui à 5 €/tonne, soit un surcoût de 41 €/tonne ! Il y a un travail de prise de conscience à effectuer à ce sujet, car il est aujourd'hui plus rentable pour une entreprise de polluer, de rejeter son CO2 dans l'atmosphère, plutôt que d'agir pour limiter son impact.

L'idée ne semble pas mauvaise, et on ne peut que se réjouir de cette volonté de faire baisser la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. Néanmoins elle appelle chez moi quelques interrogations.

La première d'entre elles concerne les fuites. On parle de captage et stockage de CO2 dans les zones géologiques sous-marines, et même si le processus est surveillé, il n'est pas exempt de risques pour autant ! Une fuite est toujours possible, et les conséquences seraient dramatiques pour l'écosystème local : acidification de l'eau et répercussions sur les poissons et la flore présente sur la zone touchée.

Ensuite, une très grande confiance est accordée aux opérateurs, or une défaillance de leur part n'est pas inenvisageable ! Une autorité de contrôle, chargée d'effectuer des inspections pour vérifier la conformité du stockage avec celle du permis accordé, sera en place. Il faudra veiller à ce que cette autorité puisse être globale et multipartite, et ait accès à toutes les informations et tous les documents utiles pour pouvoir réaliser un contrôle réel, objectif, dans le but premier de la préservation de l'environnement.

Enfin, c'est un procédé intéressant, mais qui masque plus qu'il ne solutionne vraiment le problème du changement climatique. Ce n'est pas une technique miracle, et pour espérer avoir réellement un impact positif sur le changement climatique, il faut aussi, et surtout, continuer à promouvoir les réelles techniques de lutte, comme le développement des énergies renouvelables ou la maitrise de la consommation d'énergie.

Pour toutes ces raisons, et en accord avec la ligne défendue par mon groupe, je m'abstiendrai et m'en remettrai à la démocratie de la commission sur l'issue que vous souhaitez donner à ce texte. Par ailleurs, s'agissant d'un sujet important, je demanderai qu'il passe en séance publique selon la procédure normale, et non simplifiée.

Enfin, je regrette que la question de l'Arctique, liée à cette convention, ait si peu intéressé notre commission, il s'agit pourtant d'un sujet majeur porteur d'enjeux environnementaux, d'accès aux matières premières, et intéressant des pays comme les États-Unis, la Chine, la Russie et le Canada.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Vous êtes tout à fait fondée à demander la procédure normale et la commission n'y voit aucun inconvénient.

M. Daniel Reiner. - Pourriez-vous préciser les contours géographiques de la convention OSPAR ?

Mme Leila Aïchi, rapporteur. - La zone géographique de la convention s'étend du sud de l'Espagne à la mer de Barents, formant un triangle.

M. Jacques Berthou. - Je ne peux m'empêcher de faire le parallèle avec le gaz de schiste, contenu dans les roches. Ici, on propose de faire l'inverse et on va infiltrer du gaz dans des structures géologiques ... n'est-on pas en train de jouer les apprentis sorciers ? Et à des prix exorbitants !

M. Jacques Gautier- Il s'agit d'une amélioration, à petits pas, d'une convention déjà en vigueur. Tout en gardant à l'esprit que le défi à l'avenir, et qui n'est pas lié à cette convention, concerne l'exploitation du gaz et du pétrole en mer de Barents, pour laquelle un accord a été trouvé entre la Norvège et la Russie après 40 ans de négociations pour le partage des eaux territoriales.

Le rapporteur s'en étant remis à la démocratie de la commission, le Groupe écologiste s'étant abstenu, la commission a adopté le projet de loi et a proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure normale en séance publique.

Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Cette audition n'a pas donné lieu à un compte rendu.