Mardi 25 juin 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Deuxième rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut français - Audition de M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères

La commission auditionne M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères, sur le deuxième rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut français.

M. Jean-Louis Carrère, président. -- Le ministère des affaires étrangères a publié au mois d'avril le second rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel des ambassades à l'Institut français.

Vous savez que la reconfiguration des outils de l'action culturelle extérieure de la France nous tient à coeur, puisqu'en 2008, une mission commune d'information de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, co-présidée par mon prédécesseur Josselin de Rohan et notre collègue Jacques Legendre, dont les conclusions ont fait l'objet d'une approbation unanime, préconisait la création d'un établissement public et le rattachement du réseau à celui-ci. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, j'ai demandé à notre collègue Louis Duvernois, rapporteur pour avis du programme 185 à la commission de la culture, de participer à cette audition.

La loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État a confié à un établissement public industriel et commercial l'Institut français, le développement de l'action culturelle extérieure et a prévu la mise en oeuvre d'une expérimentation du rattachement du réseau culturel des ambassades à cet établissement.

Cette expérimentation, d'une durée de trois ans, s'achèvera le 31 octobre 2013. Elle a donné lieu à deux rapports d'évaluation. Un troisième est attendu en octobre.

L'objectif poursuivi est d'être en mesure de choisir pour notre réseau culturel :

- soit un statut de service unique de l'Ambassade tel qu'il résulte de la fusion entre les établissements à autonomie financière (EAF) et les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) amorcée en 2009,

- soit un statut de bureau local de l'Institut français, opérateur sous statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC).

Or, au terme d'une analyse d'une douzaine de pages, le deuxième rapport d'évaluation présente des conclusions attestant du résultat peu convaincant de l'expérimentation.

Nous sommes évidemment un peu déçus par ce constat et nous nous interrogeons sur la pertinence de son périmètre et sa durée, qui ont été restreints, et sur la méthode utilisée pour réaliser cette évaluation, de même que nous nous interrogeons sur les éléments dont va pouvoir disposer le gouvernement lorsqu'il devra faire son choix.

A tout le moins, il faudrait que le troisième rapport soit un peu plus fouillé et complété par des études qui répondent aux lacunes mises en évidence par le rapport et qu'il laisse entrevoir comme des obstacles ou des difficultés, sans en préciser l'importance, ni proposer de solutions alternatives. C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre comme nous entendrons demain le président de l'Institut français, M. Xavier Darcos.

Enfin, si vous le voulez bien, je souhaiterais que nous puissions aborder deux autres questions à la fin de cette audition. La première concerne l'adaptation du réseau diplomatique et les conclusions que vous tirez du récent référé de la Cour des comptes sur ce sujet et la sécurisation des ambassades et de nos implantations, notamment au Sahel et dans le Maghreb, à la suite de l'attaque dont a été la cible celle de Tripoli.

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères - Je sais l'intérêt et l'attachement du Sénat pour l'action culturelle extérieure en général et cette question plus administrative de l'organisation que nous devons mettre en place pour être aussi efficace et influent que possible dans ce domaine. C'est un sujet que je suis depuis plusieurs années. J'avais eu le privilège, en 2009, de présider la mission de préfiguration de ce qu'est devenu l'Institut français. La loi de 2010 a créée l'Institut français et a posé les bases de cette action culturelle extérieure et de son organisation. Je tiens à souligner que le Ministère des Affaires étrangères n'est pas un ministère normatif, c'est pourquoi le fait même que la seule loi que nous ayons portée dans un passé récent concerne l'action culturelle extérieure témoigne de l'importance du sujet pour notre action, notre image, notre influence et notre politique étrangère. Depuis 2010, tous les ministres des affaires étrangères ont confirmé l'importance qu'ils attachaient à cette action. M. Laurent Fabius considère que notre action culturelle extérieure est au coeur de notre action diplomatique et politique, car la culture est aujourd'hui la première chose qui identifie notre pays dans la compétition internationale et nous devons en jouer pleinement.

Je voudrais insister sur tout ce qui a été réalisé depuis 2010 et que je considère comme des acquis très importants depuis cet acte législatif. Le premier résultat est d'avoir donné une cohésion à l'ensemble de ce réseau culturel à l'étranger grâce aux grands principes d'organisation qui ont été fixés et à la fusion entre les services d'ambassades et les centres culturels pour leur donner à tous une unité et un statut d'établissement à autonomie financière (EAF). Cette fusion des Services de Coopération d'Action Culturelle (SCAC) et des EAF est aujourd'hui quasiment achevée, elle nous aura demandé trois ans. Il y a actuellement un peu moins d'une centaine d'Instituts français dans le monde qui procèdent de cette fusion. C'est un résultat important qui a donné à notre réseau l'unité et la visibilité qui lui manquaient. Il y a ensuite la création de l'Institut français lui-même qui succède à l'Association CulturesFrance. Nous sommes passés d'un statut d'association peu solide à un véritable statut, avec une mission, une tutelle et à lui seul cette promotion juridique de l'ACF en établissement public a constitué un acte très important de nature à consolider notre dispositif.

Troisième acquis, et celui-ci doit beaucoup à votre assemblée, le fait d'avoir conféré une unité de nom et de titre à l'Institut français et aux centres culturels de par le monde. A l'expérience, les bénéfices que vous attendiez de ce nom unique se sont concrétisés. D'une part il y a unicité entre l'opérateur à Paris et les établissements locaux du réseau, d'autre part le nom « Institut français » se traduit bien, il est compréhensible et lisible et je crois qu'il s'agit véritablement là d'un acquis important de cette réforme et de cette loi de 2010.

J'ajoute qu'il existe désormais une relation apaisée entre le réseau des Alliances françaises et le réseau des Instituts français. N'oublions pas que notre réseau culturel compte quatre cents Alliances françaises qui fonctionnent sur un système associatif mais qui sont en relation à la fois organique et fonctionnelle avec le ministère des affaires étrangères et l'Institut français. N'oublions pas que l'Alliance française est présente dans des régions du monde où il n'y a pas d'Institut français, notamment en Amérique latine, et c'est une donnée que nous devons garder à l'esprit lorsque nous pensons à l'unité de notre réseau culturel à l'étranger.

Le dernier acquis est la capacité du système, tel que nous l'avons bâti, à drainer des ressources. Le résultat est assez remarquable puisque ce sont 300 millions d'euros par an (dont une centaine de millions issus des cours de langue) et près de 200 millions au titre des financements levés par les ambassadeurs et les instituts pour le cofinancement des projets et manifestations culturels. Il y a peu de politiques publiques qui parviennent à drainer des ressources propres aussi importantes.

Tous ces résultats, quelle que soit la décision définitive que nous prendrons sur la question du rattachement, constituent des acquis qui devront être préservés et consolidés.

Au sujet de l'expérimentation à présent, j'ai bien noté dans votre propos le soupçon d'une expérimentation inspirée en fonction d'une préférence. Je tiens à préciser que nous avons voulu, au premier chef les ministres successifs, que cette expérimentation soit menée conformément au texte de loi et au cahier des charges et avec la plus grande bonne foi. Le calendrier a été respecté, les rapports d'évaluation ont été rendus dans les délais impartis. Cependant, des problèmes objectifs liés à cette expérimentation et à son cahier des charges peuvent expliquer la réserve de votre part que je décèle. La principale contrainte était celle du principe de réversibilité, posé par le législateur, qui a rendu les choses un peu plus difficiles et un peu moins probantes. Ce principe signifiait qu'il fallait pouvoir revenir au statu quo ante de cette expérimentation quelle que soit la décision prise au terme de celle-ci. Or, une véritable expérimentation aurait voulu que l'on renouvelle tous les contrats de travail, que les centres culturels occupant des locaux appartenant aux ambassades quittent les lieux et trouvent à s'implanter dans la ville concernée etc. Choses qui paraissaient audacieuses à mettre en oeuvre pour une expérimentation durant trois ans et dès lors que le principe de réversibilité présidait à l'expérience. J'ajoute qu'une deuxième difficulté s'est posée : la loi de 2010 ne prend pas clairement parti en faveur du rattachement ou du non rattachement ce qui a créée de par le monde un sentiment d'incertitude et de fragilité dans les esprits. C'est bien parce que cette incertitude demeure, et qu'elle est préjudiciable à la sérénité qui serait souhaitable, que je me permets d'affirmer que le souhait du Ministère des Affaires étrangères et en particulier du Ministre est d'arriver rapidement à une décision sur l'architecture de notre dispositif afin de lever cette hypothèque et de pouvoir travailler sur des bases consolidées.

S'agissant des résultats de l'expérimentation menée dans une douzaine de postes, je précise que sa mise en oeuvre n'a pas porté préjudice aux acquis positifs de la loi de 2010 que j'évoquais tout à l'heure. De ce point de vue, il n'y a pas eu de différence sensible entre les postes d'expérimentation et les autres, parfois qualifiés de « postes miroirs ».

A l'inverse, je me permets d'exprimer une appréciation qui est celle des équipes de la Cour des comptes, qui sont en train d'auditer ce réseau, et constatent que cette expérimentation n'a pas fait apparaitre à ce stade d'avantages décisifs financiers, administratifs ou fonctionnels en faveur du rattachement.

Si il y a des éléments de nature plus critique qui apparaissent dans les deux rapports que nous vous avons soumis c'est parce que toute modification du statu quo ante génère des incertitudes d'autant plus que l'Institut français lui-même s'installait dans le même temps. Nous avons vécu, en quelque sorte une « double expérimentation » : une période de mise en place de l'Institut lui-même et une période de rattachement des 12 postes expérimentateurs à l'Institut français. Je crois donc que les réserves émises correspondent à cette situation de transition inhérente à toute réforme administrative.

Néanmoins, l'expérimentation a confirmé certaines interrogations qui étaient présentes dès 2010. La première porte sur le périmètre de ce rattachement. La loi a créé plusieurs opérateurs et plusieurs agences correspondant à des fonctions qui étaient auparavant confiées au service de coopération de l'ambassade (outre le culturel, le développement, la coopération éducative ou la coopération universitaire par exemple). Or, l'Institut français n'assume qu'une partie de ces missions, les autres étant prises en charge par d'autres agences créées en 2010 ou préexistantes comme l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ou l'Agence française de développement (AFD). L'Institut français dans un pays donné, dans l'hypothèse du rattachement, n'aurait par définition qu'un champ de compétence correspondant à celui de l'Institut. C'est le principe de la spécialité des compétences des établissements publics qui nous exposerait à devoir recréer des postes pour les fonctions et missions excédant celles de l'Institut français. Peut-être que des solutions juridico-techniques existent, mais elles sont complexes ; on peut imaginer la mise en place de conventions et de délégations entre ces agences ou bien considérer la fusion des établissements publics créés par la loi de 2010, mais ce serait nous exposer à des chantiers très lourds. En revanche ce qui serait très négatif, c'est une solution qui reviendrait sur les acquis de la fusion SCAC/EAF et qui consisterait à recréer des postes pour s'occuper des compétences ne relevant pas de l'Institut français.

Une deuxième interrogation concerne la sécurité de nos instituts. Nous faisons face aujourd'hui à la montée de l'insécurité dans beaucoup de régions du monde. Il nous faut donc assurer la meilleure protection à nos institutions culturelles dans ce contexte. Il semble aujourd'hui qu'il est plus aisé d'obtenir un périmètre de protection de la part des autorités locales s'il s'agit d'activités diplomatiques relevant de l'ambassade plutôt que d'activités exercées sous un autre statut. J'ajoute que lorsque nous voulons accueillir des artistes et des penseurs dans des pays où leur liberté de parole n'est pas toujours reconnue, nous sommes davantage en mesure d'assurer leur protection dans une enceinte que nous pouvons qualifier de diplomatique. En outre le modèle économique de nos instituts bénéficie aujourd'hui d'un régime fiscal favorable. Or cette situation est fragile. La perspective d'un détachement de l'Ambassade et d'un rattachement à l'EPIC la rendrait encore plus fragile. Quant à la possibilité de négocier par pays des conventions d'exonérations, l'époque est moins favorable à la multiplication des conventions fiscales bilatérales avec clause de réciprocité.

De plus, on s'interroge sur la capacité de l'Institut français à prendre en charge la gestion du réseau. La transformation de Culture France en établissement public a consisté en une montée en puissance (40 millions d'euros de dotation au lieu de 28 millions, 150 à 180 salariés au lieu de 80), mais cela n'a pas changé ses missions fondamentales, sa vocation et son organisation. Or, gérer quelques 7000 agents répartis dans 180 pays constituerait un changement radical de l'Institut français. Cela réclamerait une longue période de transition afin de permettre à l'Institut d'assurer cette tâche. Ce ne serait plus le même Institut français, il faut donc se demander si c'est bien la mission que nous voulons lui assigner que de transformer l'Institut en une administration de gestion alors que ces tâches juridiques ou comptables complexes sont assurées aujourd'hui par le ministère.

Enfin, se pose la question des coûts budgétaires d'un rattachement du réseau à l'Institut. Il est difficile de faire une évaluation stricte de cet impact financier. Le changement de statut des personnels entraînera l'assujettissement des salaires aux charges patronales et génèrera un coût supplémentaire. L'autonomie immobilière des instituts français locaux comme bureaux de l'Institut français à l'étranger engendrera des coûts. Il s'agit de plusieurs dizaines de millions d'euros, cette question requière une analyse financière fine. C'est une dépense qu'il faudrait assumer à court terme et qui n'est pas budgétée à ce stade. D'aucuns considèrent que le coût de la transformation de l'Institut Français à court terme serait compensé par la valeur de l'investissement sur le long terme. Toujours est-il qu'il n'existe pas de budgétisation des coûts pour les trois prochains exercices et qu'il faudrait trouver l'équivalent d'un tiers du montant de la subvention du ministère à l'Institut français pour couvrir les coûts de transition.

Voilà les données telles qu'elles apparaissent à partir des deux rapports d'évaluation. Je précise que nous avons essayé de tenir compte de tous les avis, de toutes les contributions, de toutes les analyses. Nous avons tenté de tirer profit des diverses évaluations faites par la Cour des comptes, nous avons interrogé systématiquement nos ambassadeurs sur les leçons qu'ils tirent de cette expérimentation, nous avons mis cette question à l'ordre du jour de toutes les conférences des ambassadeurs depuis deux ans et nous nous efforçons de vous présenter l'analyse la plus objective possible.

Je me permettrai de dire, pour conclure, qu'il est bien clair que la décision finale a une dimension politique qui dépend du choix de philosophie politique en matière d'action de l'État. Estimons-nous que l'État doive se concentrer sur des fonctions stratégiques de pilotage global et faire faire le plus possible par des entités distinctes de lui : des agences, des opérateurs ? La loi de 2010 s'est inscrite dans un moment politique où cette conception était à son apogée, nous avons créée beaucoup d'agences et d'opérateurs durant dix ans. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que nous sommes dans un état d'esprit plus prudent. Les mérites des actions confiées à ces agences et ces opérateurs apparaissent moins évidents en termes d'efficacité, de coût, d'emplois mobilisés et je crois que la dernière législature était elle-même arrivée à ce début de conclusion. La deuxième donnée politique concerne plus directement le ministère des affaires étrangères. Voulons-nous affirmer le caractère central, névralgique de l'action culturelle pour la diplomatie ou bien considérons-nous que la politique étrangère doit se concentrer sur un coeur de métier qui serait l'action politique, la gestion de crise, les sujets stratégiques et non l'influence, l'action culturelle, la promotion de la langue, etc... ? C'est un deuxième choix politique. Récemment, les ministres successifs, et au premier chef Laurent Fabius, ont, au contraire, affirmé que la diplomatie culturelle devait être au coeur des affaires étrangères.

Au-delà de cette question du rattachement, qui doit être tranchée mais qui est de l'ordre de l'organisation, nous estimons qu'il est indispensable de travailler sur le contenu de cette diplomatie culturelle. Quels en sont les objectifs ? Nous travaillons depuis quelques mois sur l'élaboration d'une stratégie pour notre action culturelle extérieure. Nous le faisons en auditionnant les milieux professionnels et culturels concernés. La vocation du Quai d'Orsay est d'aider tous ceux qui ont des projets culturels et qui souhaitent les exprimer à l'extérieur. La question des publics est ici essentielle. D'abord, comment mieux appréhender les publics que nous visons ? Nous avons deux objectifs à cet égard : d'abord entretenir notre public de fidèles, ensuite renouveler ces publics. Ces réflexions devraient déboucher sur un nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour l'Institut français pour 2014. Nous devons faire en sorte que cette stratégie culturelle rénovée soit articulée avec des stratégies plus sectorielles. Ainsi nous réfléchissons à une rénovation de l'enseignement du français à l'étranger, nous venons de mettre en place un plan d'action pour la francophonie et le français, nous cherchons à redéfinir notre stratégie pour la coopération scientifique. Il faut également veiller à ce que tout ceci s'articule aux objectifs de notre diplomatie économique. Nous essayerons de faire en sorte que notre stratégie culturelle s'inscrive aussi harmonieusement que possible dans ces différents objectifs.

Le deuxième grand exercice que nous menons porte sur la cartographie de nos implantations à l'étranger. Nous essayons d'avoir une réflexion globale, c'est-à-dire en ne raisonnant plus par segment (chancellerie diplomatique, consulats, services économiques réseau culturel ..), mais en pensant à la plus grande complémentarité possible entre nos différents types de présence : chancellerie, ... . L'objectif est clair : ne pas renoncer à l'universalité, viser un maillage aussi serré que possible de la présence française mais selon des principes d'adaptabilité et de fongibilité. Nous pouvons, par exemple, dans les pays à fort enjeux culturel, donner une capacité de rayonnement beaucoup plus importante à un directeur d'Institut français, et donc à la France, en lui conférant le statut de Consul général qui est un sésame dans beaucoup de pays du monde, à la fois sur le plan politique et pour lever des financements.

L'Institut français lui-même, quelle que soit la décision prise sur le rattachement, devra être renforcé, revitalisé et dynamisé. Ce sera l'objectif du contrat d'objectifs et de moyens 2014 avec le souci d'aller le plus loin possible dans la professionnalisation de notre institut et de notre réseau. Faisons en sorte d'avoir dans notre réseau de véritables professionnels du monde culturels qui soient capables d'apporter une valeur ajoutée et un service à nos interlocuteurs. Cela appelle de la formation, des échanges, une capacité à faire circuler les agents entre les instituts locaux, l'Institut à Paris et d'autres instances culturelles. Il s'agira également de faire de l'Institut une véritable tête du réseau capable d'apporter à l'ensemble du réseau (Instituts français, Alliances françaises) les banques de données, les outils numériques, en somme tout ce qui permettra de faire vivre le réseau et de faire circuler la création, les images et les écris français.

M. Jean Besson, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - Vous avez présenté les premières orientations de ce rapport d'évaluation et vos interrogations sur la généralisation de l'expérimentation. Je comprends vos doutes et les enjeux, il s'agit de rendre l'outil plus performant et non de le rendre impuissant. Je constate comme vous que l'expérimentation n'offre pas beaucoup d'éléments d'appréciation pour effectuer un choix à coup sûr.

Pourriez-vous expliquer l'une des conclusions du rapport qui estime que « l'expérimentation ne permet pas d'apprécier la capacité de l'Institut français d'assurer le changement d'échelle que représenterait, même étalé dans le temps, le transfert des ressources financières et humaines entraîné par l'intégration du réseau ». Si l'expérimentation ne le permet pas, par quelle méthode apprécier cette capacité ?

Peu d'éléments permettent d'apprécier les capacités que pourrait offrir le rattachement à l'EPIC tant pour le pilotage local, comme l'attribution de subventions ou la fongibilité partielle des lignes de crédits,  que pour le pilotage global, comme la mise en oeuvre de principes d'une gestion plus rigoureuse et plus transparente et donc la capacité à optimiser et à orienter la dépense publique en fonction d'une stratégie globale et non simplement à l'échelle du poste. Je pense à la visibilité sur les fonds de roulement, à la remontée des recettes, aux possibilités de mutualisation qui en résulteraient et aux synergies possibles entre l'IF et le réseau comme sa capacité à exercer une véritable direction dans le sens d'une professionnalisation accrue des personnels en ayant la capacité de la valoriser en termes de carrière.

Est-ce parce que les questions n'ont pas été posées, et notamment à l'Institut français ? Ou parce que les possibilités n'ont pas été mises en oeuvre, faute de temps peut-être, l'expérimentation n'étant pas déployée dans toutes ces possibilités ? Ou parce qu'elles sont, au niveau local, demeurées inconnues ? Ne faut-il pas inciter l'Institut et les postes à tester ces capacités afin de disposer d'éléments d'appréciation avant la décision ?

Enfin, le rapport indique que la visibilité accrue du réseau, sous le label « Institut français », suscite une appréhension de certaines Alliances françaises ? Cette appréhension n'est-elle pas aussi observable dans d'autres postes ? En quoi l'expérimentation change-elle la donne ? N'est-ce pas la professionnalisation, la dynamique impulsée par l'Institut français -ce dont nous ne saurions nous plaindre- et le recours à un label commun qui inquiètent davantage, que le statut juridique -étant entendu que l'existence de deux réseaux est préservée. N'est-ce pas plutôt les réductions de crédits qui ont affecté le réseau, dans son ensemble ? Où en est-on d'ailleurs de la conclusion d'une convention entre l'Institut français et les Fédération des Alliances françaises telle que prévue par le contrat d'objectifs et de moyens ?

M. René Beaumont, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - Je partage les doutes sur la capacité qu'aura le gouvernement de trancher à la fin de 2013 sur le rattachement de l'ensemble du réseau et à quel rythme, avec pour seuls éléments ceux de l'expérimentation. A défaut de trouver, dans les résultats de l'expérimentation, tous les éléments qui pourraient fonder le choix du gouvernement, ne vous paraît-il pas nécessaire de compléter le 3ème rapport par un certain nombre d'études complémentaires ?

Je pense au besoin d'évaluer de façon plus précise le coût du rattachement des agents qui seraient transférés à l'EPIC, qu'il s'agisse des personnels expatriés ou des personnels de l'administration centrale qui les gèrent.

Ne vous paraît-il pas nécessaire d'avoir une appréciation plus précise des conséquences du rattachement en matière fiscale, car on nous dit que le changement de statut va faire perdre aux établissements du réseau les privilèges fiscaux qu'ils tiennent de leur statut diplomatique ? Qu'en est-il vraiment ? Avez-vous étudié cette question dans le cadre des postes en expérimentation ? Comment les autorités locales ont-elles réagi ? Ne sont-ce pas des questions qui peuvent se régler par voie de conventions bilatérales ? Certaines de ces questions ne sont-elles pas liées à des questions de droit de la concurrence avec des entreprises fournissant des prestations de même nature et ne concernent-elles pas l'ensemble des postes quel que soit le statut juridique des établissements ?

Ne vous paraît-il pas utile de proposer des solutions alternatives en matière de rattachement de certaines missions des Conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), dont certaines, effectivement, incombent à d'autres administrations ou établissements ? Faut-il envisager d'étendre les missions de l'Institut Français, de fusionner des établissements ou peut-on procéder par délégation ou par convention ? Autant de pistes à explorer.

Des réponses dans le 3ème rapport seraient susceptibles d'éclairer plus complètement le choix du gouvernement et permettre à la représentation nationale de mieux en apprécier la pertinence.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, des crédits de l'action culturelle extérieure - Votre argumentation me rappelle le contexte d'élaboration de la loi de 27 juillet 2010 créant l'Institut français. Je ne peux oublier les difficultés rencontrées et d'ailleurs surmontées pour aboutir à la création d'un EPIC sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères, mais aussi, grande première à l'époque, du ministère de la culture et de la communication. Trois ans après, l'esprit d'un rattachement administratif à une centrale unique - le ministère de la culture et de la communication ayant failli dans ses engagements financiers- à vite refait surface, et continue à nous poser problème dans l'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut français. Il faut reconnaître que les résultats opérationnels sont positifs. La gestion dans un cadre budgétaire contraignant est vertueuse et conforme à l'esprit de la LOLF. Nous sentons bien, dans la tutelle ministérielle, une volonté de revenir à la situation antérieure. Encore faudrait-il pouvoir juger sur pièces, document à l'appui, et connaître les raisons d'un choix administratif plutôt que d'un autre. Et au premier chef, une réponse à cette question : quel est le coût du rattachement souhaité ? Cette décision d'importance n'a, semble-t-il, pas été précédé d'une consultation de l'Institut français sur le transfert des personnels. Le cahier des charges rédigé par la tutelle n'en dit mot ou n'est pas suffisamment explicite. On parle ici et là d'un surcoût de 25% mais on gomme les gains qui pourrait être obtenu grâce à l'autonomie opérationnelle d'un réseau capable de s'appuyer sur d'autres ressources financières autres que publiques qui s'amenuisent par les temps actuels au risque de devoir progressivement entretenir des outils de développement qui se vident faute de moyens financiers suffisant pour les faire vivre. Où l'État investit, c'est un choix, mais cela me paraît actuellement difficile, c'est une réalité, ou nous cherchons des partenaires locaux sous des formes comptables ou gestionnaires à définir. Dans l'élaboration de la loi il avait été dit, et nous l'imaginions compris, que la mission régalienne du ministère des affaires étrangères était d'élaborer et de proposer une politique d'action culturelle extérieure - c'est dans la mission première du ministère alors que le rôle de l'Institut français est de la faire appliquer sous la responsabilité logistique et de contrôle des postes diplomatiques, ce qu'il a fallu préciser dans la loi, et c'est une des raisons de la mise en place de l'expérimentation dans 12 pays.

Dans la situation actuelle, pouvez-vous dire que les premières évaluations du réseau sont satisfaisantes alors que le délicat problème du statut du réseau des personnels n'est pas véritablement traité.

Il n'existe pas de perspective claire de rattachement, du moins définitive. Qu'elles seront les prochaines étapes. Devons-nous nécessairement attendre un rapport de la Cour des comptes pour connaître ces perspectives et le choix administratif qui sera retenu et qui sera un choix politique ?

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères - M. Besson a posé la question de la capacité du réseau selon les deux formules (bureau local de l'EPIC ou EAF) à lever des fonds et à verser des subventions. Sur le second point, il est exact que l'Institut français qui serait un bureau local de l'EPIC en aurait la possibilité ; ce n'est pas totalement exclu pour les EAF, mais il y a là un avantage relatif à la formule du rattachement à l'EPIC sur le plan administratif et comptable.

En revanche, on peut être plus dubitatif sur l'intérêt relatif d'un système de remontée des ressources propres vers l'établissement public par rapport à une gestion plus locale. Sur le plan théorique, cela présenterait l'avantage de pouvoir mieux les répartir en fonction de priorité. Dans la réalité, ce que nous observons dans la compétition pour drainer des fonds, c'est que la variable fondamentale c'est l'action des ambassadeurs sur le terrain, leur capacité de convaincre les entreprises à participer au financement de manifestations culturelles. Ils s'y consacrent avec d'autant plus de zèle que l'essentiel du bénéfice reste local. Je crains que si les fonds devaient remonter à l'échelon central, ce zèle se trouve émoussé.

Nous avons tout fait pour dissiper les inquiétudes des alliances françaises. Elles ont été systématiquement un peu mieux traitées que notre propre réseau dans la répartition des crédits et des emplois. Nous avons aussi fait en sorte que dans l'expérimentation la plus stricte neutralité soit assurée, qu'il n'y ait ni privilège, ni pénalisation particulière pour les postes en expérimentation et c'est aussi ce que nous avons demandé à l'Institut français pour l'ensemble du réseau. En réalité, je pense que la crainte de la Fondation Alliance Française est que le traitement ne soit pas équanime dans la répartition des crédits, si le COCAC, également directeur de l'Institut français est placé sous l'autorité directe de l'Institut français (Paris). De ce point de vue, le statut diplomatique apporte un plus de garantie de neutralité et pourrait prémunir contre ce risque.

S'agissant de la capacité de l'Institut français à gérer l'ensemble du réseau, il y a une incertitude. Aujourd'hui, l'Institut français n'est pas doté de cette capacité, sa direction des ressources humaines, ses services financiers, comptables, juridiques, ne sont pas outillés pour affronter ce qui serait un changement absolu d'échelle, passant de 150 à 7000 salariés, mais aussi un changement de nature puisqu'une agence de mission, de conception de projets culturels, se transformerait en une administration de gestion. En serait-il capable ? Je ne le sais pas. Il y a là une incertitude.

M. Jean-Louis Carrère, président. -- Mais il existe ailleurs des fonctionnaires qui les gèrent.

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères - Aujourd'hui, le ministère des affaires étrangères ne gère pas ces personnels de façon différente des autres recrutés locaux dans les autres filières, qu'ils appartiennent au réseau diplomatique, au réseau culturel ou au réseau consulaire. Le transfert ne pourra être que partiel. Il risque, dès lors, d'y avoir des recrutements supplémentaires et, de fait, des dédoublements, pour faire face à ce transfert. Il faudrait l'étudier et le chiffrer, ce qui n'a pas été fait pour l'instant. En tout cas, ce que constate la Cour des comptes, c'est qu'à l'heure actuelle, l'Institut français n'est pas en mesure d'assurer la gestion du réseau.

La décision n'est pas prise. Elle le sera selon le calendrier prévu par la loi. D'ici le troisième rapport, nous allons continuer à travailler pour parfaire nos analyses et conduire des études. Les « Journées du réseau », en juillet, la « Conférence des ambassadeurs » (fin août) vont nous permettre de recueillir des éléments, de même que la remise du rapport de la Cour des comptes. Tout sera mis à profit pour compléter ce travail.

Sur les aspects de concurrence, qui est une fragilité de notre dispositif, il est vrai que, dans de nombreux pays, l'activité des cours de langue est devenue une activité largement concurrentielle et nous sommes attentifs au risque de contentieux qui pourraient être lancé par des concurrents. Nous conduisons une étude pour voir comment conforter juridiquement nos activités face à ce risque.

Nous sommes réservés sur des formules intermédiaires car nous allons entrer dans une période de contrainte forte en termes d'emplois, avec une diminution de 600 emplois sur le triennum 2013-2015. Tout ce qui ira dans le sens d'une fongibilité dans les fonctions et d'économie dans nos emplois sera le bienvenu. Revenir sur la fusion SCAC/EAF aurait un coût. Pour ces raisons et pour la clarté, nous préférons une décision franche dans un sens ou dans l'autre que des formules intermédiaires qui laisseraient une impression d'inachèvement et de précarité prolongée.

M. Duvernois a rappelé avec justesse le contexte de l'élaboration de la loi du 27 juillet 2010, avec la création de l'Institut français : nous comptions sur une mobilisation forte du ministère de la culture et c'est pourquoi l'Institut français avait été placé sur une double tutelle. Cela ne s'est pas produit, on a assisté à son désengagement très substantiel en termes budgétaires. Ce pari implicite n'a pas été gagné.

Ce faisant, si la décision n'était pas en faveur du rattachement, les acquis de la réforme (l'unité de nom, la création de l'établissement, la fusion sur le terrain) seraient préservés. Il n'y aurait pas de régression, ni retour au statu quo ex-ante.

Je vous assure également que nous avons mené le travail d'évaluation en toute transparence et échange avec l'Institut français, les données proviennent de l'établissement, tout le travail de réflexion sur la stratégie se fait avec l'Institut français. Nous espérons parvenir à des conclusions aussi unanimes que possibles. Quelle que soit la décision, notre volonté est de donner à l'Institut des objectifs ambitieux et une feuille de route aussi dynamique que possible.

L'expérimentation est satisfaisante dans son déroulement, mais elle n'a pas levé les interrogations. Sa prolongation ne permettrait pas de le faire.

M. Gilbert Roger. - La question me paraît bien complexe et un point important de la décision devrait porter sur les aspects financiers. Comment justifier une augmentation des budgets, dans la période que nous connaissons ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je me suis battue pout l'unité des structures locales et de nom, mais le rattachement n'est-il pas une fausse bonne idée ? L'action culturelle et linguistique est un élément important de notre politique d'influence. Ce doit être le centre de notre réflexion. Notre politique d'influence est différente de celle de nos partenaires européens. La réforme s'inspirait un peu des modèles du British Council ou du Goethe Institute et mon impression est que nous ne pouvons pas nous rattacher à ces exemples. Nous avons un rôle particulier en France, c'est l'exception culturelle française, un devoir de rayonnement qui se base sur notre politique culturelle et linguistique, confier ce sujet sur le terrain à des seuls culturels serait une erreur. Je crois qu'en cette matière, c'est l'ambassadeur qui doit être le chef de file en fonction du pays. L'adaptation au tissu local est importante. Je crois que nous avons bien avancé avec la fusion dans la réforme et je me demande sincèrement si nous ne devrions pas en rester là.

M. Jeanny Lorgeoux. - Dans l'élaboration de la nouvelle cartographie des réseaux, vous avez mis en avant l'importance de notre présence dans les pays émergents. Or, tous les experts nous montrent qu'à l'horizon l'Afrique sera un continent de 2 milliards d'habitants dont 700 à 750 millions de francophones et il me semble que nous y avons plutôt réduit notre présence. Pour garder notre rang sur le plan international, il faut développer la francophonie en Afrique car tout est lié Ne faut-il pas revoir nos priorité et « mettre le paquet » sur ce continent ?

M. René Beaumont. - Je rentre du Vietnam, pays qui fut francophone et ne l'est plus, l'une des raisons est que les associations ne sont pas autorisées et donc les Alliances françaises ne peuvent fonctionner. Il est important de trouver une solution, car il y a des demandes insatisfaites.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Y-a-t-il des exemples de transformation d'alliances françaises en instituts français  et un mouvement en ce sens ?

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères - Je partage le souci concernant la question du coût et mon souci est celui de l'efficacité de la dépense publique. J'incline à préférer un euro supplémentaire dépensé pour l'action, à organiser telle exposition ou à faire se déplacer tel artiste à un euro supplémentaire dépensé pour la gestion administrative, l'immobilier ou le financement de la transition de structures.

Effectivement, la spécificité française, son message, sa vocation consistent à mettre la culture au coeur de ses préoccupations et de son action diplomatique. Cela rejoint le débat sur l'exception culturelle. On l'a bien vu lorsqu'il s'est agi de réunir des soutiens en faveur de l'exclusion des services audiovisuels du mandat de négociation des accords de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis ; il a été effectivement facile de réunir 15 ou 16 signatures de ministres de la culture, mais lorsque nous sommes revenus au niveau politique global de la négociation sur le mandat de la Commission, nous n'avions plus qu'un seul allié parmi les États-membres, ce qui montre que la préoccupation culturelle ne pesait pas du même poids dans leurs évaluations.

Lorsque nous envisageons un redéploiement de notre réseau en direction des pays émergents, ce n'est pas en réduisant notre présence en Afrique ; ce sur quoi nous nous interrogeons c'est sur notre façon d'être présent en Europe, sur l'importance de notre patrimoine immobilier. Est-ce utile d'être propriétaire d'une salle de cinéma ou de lieux d'exposition dans des capitales occidentales qui en sont largement pourvues et dans laquelle on n'éprouve pas de difficultés pour organiser une manifestation culturelle, alors que, dans les pays du Sahel, le centre culturel français est souvent le seul lieu de spectacle ou d'exposition ?

Nous nous réjouissons des prévisions qui projettent 500 à 700 millions de francophones en Afrique en 2050, mais cela ne sera vrai que si nous accompagnons ces pays dans leur développement et si nous maintenons notre effort en faveur de la langue française et de la francophonie pour que les parents continuent à faire apprendre notre langue à leurs enfants. Je suis personnellement convaincu que la langue française est un vecteur essentiel de notre influence dans le monde.

Hormis un ou deux cas, à Alger et au Maroc, mais pour des circonstances purement locales, il n'y a pas de mouvements dans le sens d'une transformation d'alliances françaises en instituts français.

Le Vietnam est un enjeu important. Nous devons y développer les activités de notre Institut français.

M. Jean-Louis Carrère, président. -- Après l'intervention au Mali, le ministère des affaires étrangères a mené un audit sur les besoins de sécurisation du réseau diplomatique et des communautés françaises. L'attentat contre notre ambassade en Libye vient nous rappeler que la menace est réelle. De quels moyens dispose le ministère pour assurer la sécurité des ambassades et des autres implantations ?

M. Pierre Sellal, secrétaire général du ministère des affaires étrangères - La vulnérabilité de nos représentations en raison de la situation au Sahel et du choix fait par la France de lutter activement contre le terrorisme, nous conduit, si nous voulons maintenir notre présence et ne pas réduire ou suspendre nos activités, à renforcer nos dispositifs de sécurité. Nous le devons à nos agents et à nos ressortissants. Nous consacrons aujourd'hui une quarantaine de millions d'euros aux mesures de sécurité dont les trois-quarts, 30 à 32 millions, pour le réseau à l'étranger. Il s'agit de mesures de natures très diverses : renforcement des immeubles, gardiennage, achat de véhicules blindés... Dans la situation actuelle et compte tenu des risques, nous devons faire plus. Le gouvernement a décidé de nous accorder 4 millions supplémentaires en mesure d'urgence pour le Sahel. J'espère que la loi de finances pour 2014 retiendra la proposition retenue par le gouvernement de consacrer 20 millions d'euros supplémentaires qui seront financés pour moitié par des cessions supplémentaires d'immeubles à l'étranger.

La Libye, où l'ambassade a été détruite, fait partie de ces besoins. Nous étudions actuellement les modalités du déploiement de nos services dans des conditions plus sûres.

Dans les trois ans qui viennent, nous consacrerons 20 millions d'euros supplémentaires chaque année pour renforcer la sécurité de nos implantations.

Nous nous interrogeons aussi sur la sécurité des instituts culturels, des lycées français qui sont par vocation des lieux accessibles au public et qui sont donc plus vulnérables. Suspendre les activités, fermer les locaux, est notamment à chaque fois un crève-coeur. Notre premier réflexe, c'est d'examiner si la sécurité dans ces établissements peut être renforcée de manière efficace. Mais la priorité doit rester à cette sécurité de nos publics.

Mercredi 26 juin 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Application de garanties en France - Protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique - Examen des amendements

La commission examine les amendements sur le texte n° 622 rectifié (2012-2013) de la commission pour le projet de loi n° 328 (2006-2007) portant application du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Le texte de la commission a été adopté le 4 juin dernier et ce projet de loi sera examiné par notre assemblée le 2 juillet prochain.

Nous sommes saisis de 14 amendements au texte de la commission, déposés par nos collègues Leïla Aïchi et Kalliopi Ango Ela ainsi que par les membres du groupe écologiste, et de trois amendements du gouvernement.

Le dérouleur du service de la séance ainsi que la liasse d'amendements vous ont été distribués.

Je vais donc appeler les amendements aux articles et demander à ce que l'auteur de l'amendement puis notre rapporteur interviennent avant de voter sur chacun de ceux-ci.

Au titre Ier, article 1er, nous sommes saisis de deux amendements n°8 et n°7 de Mmes Leila Aïchi et Ango Ela ainsi que les membres du groupe écologiste. Madame Aïchi, vous avez la parole.

Mme Leila Aïchi. - L'amendement 8 est de coordination. Il emploie l'acronyme TNP au lieu de Traité de non-prolifération.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Il s'agit effectivement d'un amendement de coordination, mais avec les amendements suivants du groupe écologiste. Dans la mesure où je vous proposerai un avis défavorable sur les amendements n°s 7, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 qui mentionnent le TNP, cette proposition ne me semble pas devoir être retenue, le texte du projet de loi n'employant pas l'acronyme « TNP » dans ses articles.

Avis défavorable donc, mais afin de respecter totalement le choix de notre commission, je vous propose de réserver notre décision sur l'amendement n°8 après la discussion sur les amendements que je viens de mentionner.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous reportons donc notre décision à l'issue du vote sur l'amendement 14. Madame Aïchi, à vous la parole pour défendre l'amendement n°7.

Mme Leila Aïchi. - Le terme « ENDAN » désigne uniquement les Etats Non Dotés de l'Arme Nucléaire signataires du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Cet amendement vise à étendre les dispositions du protocole aux autres Etats non dotés de l'arme nucléaire qui n'auraient pas signé ce traité, mais qui pourraient se livrer à des activités de prolifération.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Il s'agit du premier amendement d'une série qui vise à prévoir un élargissement des dispositions du protocole aux Etats non signataire du TNP. Nous pouvons penser, par exemple, un pays comme l'Inde avec lequel du reste la France a passé des accords en ce qui concerne le nucléaire civil.

Cet amendement, et ceux qui le suivent, vont au-delà du texte du protocole additionnel dont l'objet est d'organiser les obligations de déclaration des activités que la France mène en coopération avec des états non dotés de l'arme nucléaire qui sont signataires du TNP.

Comme je viens de le dire, les coopérations que nous menons avec des Etats non signataires sont étroitement encadrées par des accords de coopération qui permettent de garantir que les activités menées à ce titre ont un objet strictement pacifique. C'est le cas avec l'Inde. Il ne me paraît donc pas utile de prévoir cet élargissement.

Avis défavorable. Je donnerai le même avis pour les amendements n° 9, 10, 11, 12, 13 et 14 qui prévoient exactement le même dispositif.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous passons aux amendements sur l'article 2.

Mme Leila Aïchi. - L'amendement n° 9 a le même objet que l'amendement n° 7.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Même avis défavorable que pour l'amendement n° 7.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Madame Aïchi, vous avez la parole pour présenter votre amendement n° 3.

Mme Leila Aïchi. - Il s'agit de supprimer l'alinéa 4 de l'article 2. Cet alinéa exclut les activités d'emballage et de conditionnement du champ des activités soumises à obligation déclarative auprès de l'Autorité administrative. Sa suppression vise donc à améliorer l'information fournie à l'Autorité administrative.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - L'objet du projet de loi est bien de fournir à l'autorité administrative les éléments suffisants pour établir la déclaration de la France au titre du protocole additionnel. Le modèle de protocole additionnel prévoit dans son article 2 de manière extrêmement détaillée les renseignements à fournir.

Je vous donne lecture de texte de l'article 2 b ii de ce modèle : « Aux fins du présent alinéa, le "traitement" de déchets de moyenne ou de haute activité n'englobe pas le réemballage des déchets ou leur conditionnement, sans séparation d'éléments, en vue de leur entreposage ou de leur stockage définitif. »

Cette information supplémentaire à laquelle conduirait l'adoption de l'amendement est donc inutile et non souhaitée par l'AIEA elle-même. Les activités visées réemballage, conditionnement etc... ne sont pas pertinentes du point de vue de la prolifération.

Je vous propose donc de retirer cet amendement. A défaut, je recommande à la commission d'émettre un avis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il est maintenu, la commission émet donc un avis défavorable. A l'article 4 nous sommes saisis d'un amendement n°10. Subit-il le même sort que l'amendement 7 ?

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - A l'article 5, l'amendement n° 11 porte aussi sur le même sujet.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Article 6, amendement n° 12, même sort.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - A l'article 7, pas d'amendement. A l'article 8, nous avons trois amendements n°13, 1 et 2. Nous commençons par l'amendement 13 qui, comme les 11 et 12, reçoit un avis défavorable. Nous passons à l'amendement n°1.

Mme Leila Aïchi. - A l'article 8 alinéa 8, l'amendement n°1 a pour objet de permettre à l'Agence d'avoir les renseignements les plus exhaustifs possibles et à améliorer la capacité de l'Agence à obtenir des informations exactes. Le format vidéo donne une meilleure retransmission de la réalité et constitue donc une preuve plus fiable.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Favorable, il s'agit effectivement d'utiliser des vidéos en complément de photographies. Cela renforce la capacité des inspecteurs de l'Agence.

Mme Leila Aïchi. - L'amendement n°2 complète cet article par un alinéa ainsi rédigé : « L'Autorité administrative peut réaliser des entretiens avec des responsables figurant sur une liste communiquée à l'avance ». Il s'agit d'améliorer les pouvoirs de contrôle de l'Agence. 

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Je crois qu'il s'agit d'une mauvaise interprétation des dispositions existantes. En effet, l'Autorité administrative a d'ores et déjà une liberté complète pour s'adresser à toute personne de son choix.

Si l'intention de l'amendement est de viser l'Agence, l'établissement d'une liste, nécessairement limitative, serait considéré comme une restriction des pouvoirs de vérification des inspecteurs qui ont toute latitude de s'adresser aux personnes ayant un lien avec les activités concernées, et ce sans aucune limitation.

Je proposerai donc aux auteurs de l'amendement de le retirer, éventuellement après avoir demandé les explications du gouvernement en séance. A défaut, je recommande à la commission d'émettre un avis défavorable.

Mme Leila Aïchi. - Il est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous passons à l'article 9, amendement 14. Même sort que l'article 7 je suppose.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - En effet, défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je reviens sur l'amendement 8 que nous avons réservé jusque-là. Je conclus, après avis défavorable sur les amendements 7, 9, 10, 11, 12, 13 et 14, que vous nous recommandez un avis défavorable sur l'amendement 8. Il en est ainsi décidé. A l'article 10, nous sommes saisis d'un amendement n°4.

Mme Leila Aïchi. - Il porte sur le premier alinéa et se propose de supprimer les mots : « et agréés par l'Autorité administrative ». C'est à l'Agence de choisir ses inspecteurs. Or la nécessité d'un agrément de l'Autorité administrative a pour conséquence de permettre à cette dernière de s'opposer au choix de l'Agence. Par ailleurs, l'alinéa 2 prévoit un accompagnement des inspecteurs par une équipe désignée par l'Autorité administrative. La suppression de l'agrément ne conduit donc pas à exclure l'Autorité administrative du processus de vérification, mais simplement à limiter la possibilité qu'elle entrave les choix de l'Agence.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Cette désignation des inspecteurs après agrément est explicitement prévue par l'article 11 du Protocole additionnel. Ce droit s'applique à la France comme il s'applique également pour la Communauté Euratom.

Ce choix s'exerce au moment de la notification d'un inspecteur des garanties par l'Agence. La France ou la Communauté Euratom disposent alors d'un délai de trois mois pour faire part de sa décision d'acceptation ou de refus. Ce délai permet la réalisation d'une enquête de sécurité.

Il ne s'agit pas d'entraver les choix de l'Agence mais au contraire d'avoir un accord total avec elle. D'ailleurs, une fois l'agrément donné, la participation d'un inspecteur ne peut plus être remise en cause.

Je vous fais observer que ce droit s'applique à tous les Etats qui ont un accord de garanties ou un protocole additionnel avec l'AIEA. Adopter l'amendement n°4 nous mettrait donc dans une situation défavorable.

C'est donc un avis défavorable si l'amendement n'est pas retiré.

Mme Leila Aïchi. - Il est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - A l'article 11, vous nous présentez un amendement n°5 du groupe écologiste.

Mme Leila Aïchi. - Il s'agit là encore de maximiser la possibilité de contrôle de l'Agence. Dans cette optique, la restriction des possibilités de contrôle aux seuls horaires d'activités ne semble pas justifiée.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - L'article 4 e du protocole additionnel prévoit que « A moins que (le pays signataire).......... n'accepte qu'il en soit autrement, l'accès n'a lieu que pendant les heures de travail normales. »

Les mots « à moins que... » permettent donc potentiellement d'élargir les possibilités de contrôle. Il est important de comprendre le pourquoi de cette disposition. Il s'agit principalement de garantir la sécurité des inspecteurs et de l'équipe d'accompagnement en prévoyant, dans des lieux évidemment non publics, la présence des personnes compétentes et disponibles.

Il me parait de bon sens de ne pas donner accès à une installation fermée dans laquelle le personnel responsable serait absent. Le fait donc de prévoir une plage horaire pendant laquelle l'activité professionnelle est en cours me semble indispensable.

Je vous demande donc le retrait de votre amendement. A défaut, je recommande à la commission d'émettre un avis défavorable.

Mme Leila Aïchi. - Il est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous avons un premier amendement n°15 du gouvernement à l'article 11. Il tend à remplacer les mots : « Leurs résultats sont consignés » par les mots : « Les opérations sont consignées ».

L'exposé des motifs nous indique que les résultats des accès complémentaires seront élaborés par l'Agence internationale de l'énergie atomique et communiqués aux autorités françaises dès que possible et en toute probabilité dans les jours suivant la réalisation effective de l'accès complémentaire. Dès lors le procès-verbal élaboré par le chef de l'équipe d'accompagnement à la fin de l'accès complémentaire ne pourra en aucun cas mentionner les résultats de cet accès. Il est en revanche souhaitable d'assurer une traçabilité des opérations effectuées par l'AIEA au cours de l'accès complémentaire et de les recenser dans un document spécifique qui sera remis à l'exploitant.

Monsieur le rapporteur, quel est votre avis ?

M. Robert del Picchia, rapporteur. - J'entends bien l'argument du gouvernement qui est un argument pratique et de bon sens constatant que l'on ne peut consigner des résultats dont on ne pourra pas disposer immédiatement.

Toutefois je demeure sensible à la mention des résultats dont certains, sans doute pas tous, peuvent être immédiatement constatés. Un relevé des seules opérations me paraît trop limitatif. Je vous proposerai donc de sous-amender le projet du gouvernement en indiquant :

Alinéa 3, seconde phrase :

Remplacer les mots :

Les résultats sont consignés

par les mots :

Dans l'attente des résultats définitifs, les résultats immédiatement disponibles et les opérations effectuées sont consignées.... ».

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il en est ainsi décidé. A l'article 13, Mme Aïchi nous propose un amendement n°6.

Mme Leila Aïchi. - Cet amendement supprime l'alinéa 4 de l'article 13. La mission de contrôle de l'Agence relevant d'un enjeu de sécurité des personnes, un enjeu de protection d'informations industrielles ou commerciales, mêmes sensibles, ne peut en aucun cas y être supérieure.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - L'amendement numéro 6 du groupe écologiste s'applique au c de l'article 13 qui prévoit de limiter l'accès et les modalités de contrôle de l'agence afin de protéger des informations exclusives ou sensibles du point de vue industriel ou commercial. Cette exclusion est tout à fait conforme au texte de l'article sept alinéa a du protocole additionnel qui prévoit que, je cite : «A la demande du pays signataire, l'Agence prend des dispositions afin de réglementer l'accès en vertu du présent Protocole pour empêcher la diffusion d'informations sensibles du point de vue de la prolifération, pour respecter les prescriptions de sûreté ou de protection physique ou pour protéger des informations exclusives ou sensibles du point de vue commercial. Ces dispositions n'empêchent pas l'Agence de mener les activités nécessaires pour donner l'assurance crédible qu'il n'y a pas de matières et d'activités nucléaires non déclarées dans l'emplacement en question, y compris pour résoudre toute question concernant l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements visés à l'article 2 ou toute contradiction relative à ces renseignements. »

Cette limitation aux informations sensibles du point de vue industriel ou commercial me semble donc totalement justifiée. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - A l'article 14, nous avons un amendement 16 du gouvernement qui en supprime l'alinéa 2. L'exposé des motifs est que cet amendement a pour objet de replacer les obligations édictées par les textes dans le domaine de la sûreté nucléaire ainsi qu'en matière de santé et de sécurité au travail sur la seule personne de l'exploitant de l'installation concernée, exerçant par ailleurs les fonctions de chef d'établissement ou d'entreprise, et d'éviter ainsi que tout ou partie des responsabilités corrélatives ne soit indûment reporté sur le chef de l'équipe d'accompagnement.

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Je comprends que l'amendement du gouvernement est motivé à la fois pour des raisons juridiques et pour des raisons pratiques.

Juridiquement parlant, la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire fait peser l'obligation en matière de sûreté nucléaire, de santé et de sécurité au travail sur l'exploitant qui est le responsable. La suppression de cet alinéa met donc de la cohérence entre les deux textes en exonérant le chef de l'équipe d'accompagnement.

A cela nous pourrions ajouter un argument pratique. Compte tenu des délais, nécessairement courts, lorsque l'Agence est amenée à demander une inspection supplémentaire, les inspecteurs pourraient ne pas être des personnes qui connaissent l'installation dans tous ses détails. Le chef de l'équipe d'accompagnement pourrait être un personnel de l'IRSN ou du comité technique Euratom par exemple. Il pourrait alors ne pas disposer de tous les éléments nécessaires pour veiller au respect des prescriptions.

Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'amendement du gouvernement.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il en est ainsi décidé. A l'article 20, le gouvernement a déposé un amendement n°17 qui rédige l'article de la façon suivante : « Le fait de faire obstacle à l'accomplissement de la vérification internationale ou de l'inspection internationale autorisée par le président du tribunal de grande instance dans les conditions prévues à l'article 12 de la présente loi est puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 euros. » L'exposé des motifs en est le suivant : Il est proposé de supprimer les mots : « par les inspecteurs de l'Agence » dès lors que l'inspection internationale mentionnée à l'article 12 peut être menée en application du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique et n'impliquer aucun inspecteur de l'AIEA.

Il est proposé de supprimer les mots : « ou du juge délégué par lui », également supprimés dans la proposition d'amendement à l'article 12.

Afin de rester en cohérence avec les principes du Code pénal, les seuils de peine d'emprisonnement et d'amende ont été supprimés. Par ailleurs, le plafond d'emprisonnement devrait être ramené à deux ans, qui correspond au plafond d'emprisonnement applicable en cas d'entrave à l'exercice du contrôle national des matières et installations nucléaires (article L. 1333-12 Code de la défense).

M. Robert del Picchia, rapporteur. - Notre objectif, lorsque nous avions modifié le texte le 4 juin dernier, était de durcir les sanctions. Je partais du principe qu'il est plus grave de refuser une inspection que de ne pas déclarer des activités ou de ne pas transmettre des informations. C'est la raison pour laquelle nous avions adopté un élargissement de la peine maximale d'emprisonnement dans une fourchette de 2 à 5 ans et de l'amende maximale dans une fourchette de 75 000 à 200 000 euros.

Le gouvernement nous propose de revoir ce dispositif.

Je crois tout à fait justifié les deux premières raisons évoquées dans l'objet de l'amendement. L'inspection internationale peut en effet être menée en application du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique et n'impliquer aucun inspecteur de l'AIEA. Il convient donc de supprimer cette mention.

Il en va de même pour la référence au juge délégué par lui qui est la procédure de droit commun.

En revanche, je suis plus réservé sur le fait de prévoir 2 ans d'emprisonnement. Notre intention était bien d'adopter une mesure dissuasive.

Toutefois, tout en demandant au gouvernement que toute la sévérité requise soit employée, je suis sensible à l'argument de cohérence avec les principes du Code pénal et des dispositions du Code de la défense. Nous protestons souvent contre la complexité juridique de l'amoncellement de dispositions différentes. Un peu de cohérence rend la loi, et son application plus lisible. Je vous propose donc de nous en remettre à la sagesse.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il en est ainsi décidé.

Le sort des amendements extérieurs examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Mme AÏCHI

8

Amendement de coordination

Défavorable

Mme AÏCHI

7

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Article 2

Mme AÏCHI

9

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Mme AÏCHI

3

Améliorer l'information fournie à l'Autorité administrative

Défavorable

Article 4

Mme AÏCHI

10

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Article 5

Mme AÏCHI

11

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Article 6

Mme AÏCHI

12

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Article 8

Mme AÏCHI

13

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Mme AÏCHI

1

Améliorer la capacité de l'Agence à obtenir des informations par l'utilisation de vidéos

Favorable

Mme AÏCHI

2

Améliorer les pouvoirs de contrôle de l'Agence

Retiré

Article 9

Mme AÏCHI

14

Etendre les dispositions aux Etats non dotés de l'arme nucléaire et non signataires du TNP

Défavorable

Article 10

Mme AÏCHI

4

Supprimer l'agrément de l'Autorité administrative

Retiré

Article 11

Mme AÏCHI

5

Maximiser la possibilité de contrôle de l'Agence

Retiré

GOUVERNEMENT

15

Assurer une traçabilité des opérations effectuées par l'AIEA

Favorable si rectifié

Article 13

Mme AÏCHI

6

Supprimer la possibilité de limitation d'accès au nom de la protection d'informations industrielles ou commerciales

Défavorable

Article 14

GOUVERNEMENT

16

Replacer les obligations édictées par les textes sur la personne de l'exploitant

Favorable

Article 20

GOUVERNEMENT

17

Rester en cohérence avec le code pénal

Sagesse du Sénat

Deuxième rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut Français - Audition de M. Xavier Darcos, président de l'Institut français

La commission auditionne M. Xavier Darcos, président de l'Institut français, sur le deuxième rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel à l'Institut Français.

M. Jean-Louis Carrère, président - Le protocole ne m'empêchera pas de vous dire que nous nous réjouissons de votre élection à l'Académie Française, le 13 juin dernier. C'est l'homme de culture qui est reconnu, mais aussi la vocation qui a toujours été la vôtre, comme professeur, comme ministre et aujourd'hui à la présidence de l'Institut Français, de transmettre cette culture.

Et la transmission de la culture française est bien l'objet de notre rencontre d'aujourd'hui. Le ministère des affaires étrangères a publié au mois d'avril le second rapport d'évaluation de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel des ambassades à l'Institut Français.

Vous savez que la reconfiguration des outils de l'action culturelle extérieure de la France nous tient à coeur puisqu'en 2008, une mission commune d'information de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, co-présidée par mon prédécesseur Josselin de Rohan et notre collègue Jacques Legendre, dont les conclusions ont fait l'objet d'une approbation unanime, préconisait la création d'un établissement public et le rattachement du réseau à celui-ci. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai demandé à notre collègue Louis Duvernois, rapporteur pour avis du programme 185 à la commission de la culture, de participer à cette audition.

La loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État a confié à un établissement public industriel et commercial l'Institut Français, le développement de l'action culturelle extérieure, et a prévu la mise en oeuvre d'une expérimentation du rattachement du réseau culturel des ambassades à cet établissement.

Cette expérimentation, d'une durée de trois ans, s'achèvera le 31 octobre 2013. Elle a donné lieu à deux rapports d'évaluation. Un troisième est attendu en octobre.

L'objectif poursuivi est d'être en mesure de choisir pour notre réseau culturel :

- soit un statut de service unique de l'Ambassade tel qu'il résulte de la fusion entre les établissements à autonomie financière (EAF) et les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) amorcée en 2009,

- soit un statut de bureau local de l'Institut Français, opérateur sous statut d'EPIC.

Or, au terme d'une analyse d'une douzaine de pages, le deuxième rapport d'évaluation présente des conclusions attestant le résultat peu convaincant de l'expérimentation.

Nous sommes évidemment un peu déçus par ce constat et nous nous interrogeons sur la pertinence de son périmètre et sa durée qui ont été restreints et sur la méthode utilisée pour réaliser cette évaluation, de même que nous nous interrogeons sur les éléments dont va pouvoir disposer le gouvernement lorsqu'il devra faire son choix.

Nous nous demandons si vous adhérez pleinement aux conclusions de ce rapport et comment l'Institut Français a été associé à son élaboration. Nous ne voyons guère apparaître, en effet, dans ses conclusions les avantages du rattachement à un EPIC : la souplesse de pilotage au niveau local et au niveau national et une gestion plus rigoureuse de la dépense publique.

C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre, comme nous avons entendu hier le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, M. Pierre Sellal.

M. Xavier Darcos, président de l'Institut Français - Je vous remercie pour votre accueil.

Contrairement au premier rapport sur le même sujet, ce document résulte de la rédaction de la Direction générale de la mondialisation du ministère des affaires étrangères (DGM). L'Institut français a pu faire valoir ses avis qui ont été pour tout ou partie pris en compte dans la version qui vous a été remise. Cela ne retranche rien à l'appréciation portée par le Département sur la concertation entre le Département et l'Institut français qui est d'une manière générale très bonne.

Quelles sont les bases de ce rapport ?

Ce rapport se fonde sur les réponses des postes en expérimentation à un questionnaire, élaboré sans validation de l'Institut français, qui n'avait pas de vocation explicite d'évaluation de l'expérimentation.

Il est bon de rappeler que l'expérimentation du rattachement du réseau culturel français à l'étranger à l'Institut français de Paris demeure un processus à distinguer de la fusion des services de coopération et d'action culturelle avec les établissements culturels à autonomie financière. Or, nombre d'appréciations portent sur ce sujet.

En effet, depuis 2009, le ministère des Affaires étrangères s'est engagé dans une vaste réforme du réseau des établissements culturels français à l'étranger. L'un des axes forts de cette réforme consiste en la fusion de ces établissements disposant de l'autonomie financière (EAF) avec les services de coopération et d'action culturelle (SCAC). Cette fusion a abouti à la création des Instituts français, établissements à autonomie financière, dirigé par le Conseiller de coopération.

Le ressenti des postes, sur lequel se fonde ce rapport, témoigne d'une confusion entre la fusion des SCAC et des EAF, et l'expérimentation. Il en ressort que ce rapport devient en filigrane une étude comparative entre les EAF et les bureaux locaux de l'Instituts français, et porte peu sur les avancées, les difficultés et les résultats concrets de l'expérimentation.

Avant d'entrer dans les détails du contenu de ce rapport, je tiens à préciser que l'Institut français dans la conduite du processus d'expérimentation s'est voulu rigoureux et vertueux, au risque que l'exercice soit mal vécu par les postes concernés habitués à des règles différentes de gestion.

En moins de deux ans, il a été capable d'apporter une réponse à des questions portant sur des aspects aussi fondamentaux et complexes que le statut de nos Instituts à l'étranger, leur pilotage stratégique auquel sont associés les ambassadeurs, des modalités de gestion adaptées aux besoins, les levée de fonds, la professionnalisation du réseau.

Certains de ces aspects ont été occultés ou leur interprétation prête à discussion.

S'agissant du statut des établissements à autonomie financière (EAF) : il faudrait rappeler qu'il est « anti-lolfique » et qu'il ne devrait pas perdurer. Une modification de ce statut doit être envisagée et les conséquences étudiées.

Le pilotage strict et précis de l'exécution budgétaire ainsi que les procédures mises en place pour assurer ce suivi tout en conservant une souplesse de gestion au directeur ne sont pas valorisés : mes collaborateurs pourront vous apporter toutes les précisions techniques sur tous ces aspects.

Concernant la conservation du lien organique avec l'ambassade pour bénéficier des avantages fiscaux, ce point était déjà identifié bien avant l'expérimentation, et il convient de rappeler que les autorités locales de nombreux pays déploient des efforts de plus en plus pressants pour contester ces bénéfices. Une réflexion sur ce sujet est urgente.

La gestion des bourses dont le montant est de plus de 3 millions d'euros pour les douze postes en expérimentation a été clarifiée. Dans le cadre de l'expérimentation, l'utilisation des coûts réels de ces bourses a permis d'avoir une connaissance précise sur les sommes engagées par pays et sur la nature des bourses. Il faut rappeler que le Département en est toujours à des taux paramétriques parfois bien éloignés des coûts réels.

La capacité de verser des subventions est reconnue comme une avancée, ces subventions permettent aux bureaux locaux de disposer de tous les processus financiers pour mettre en oeuvre leur politique. La plus grande partie de ces subventions est versée directement par les directeurs (jusqu'à 23 000€).

Le coût de l'expérimentation pour l'Institut français de Paris n'est pas nul, contrairement à ce que dit ce rapport. Il convient à ce titre de rappeler que l'organigramme de l'Institut comprend un pôle de l'expérimentation avec 2 ETP, qu'au niveau de l'agence comptable et du service administratif et financier des agents sont également en charge du suivi de l'expérimentation, sans compter le temps passé par le secrétaire général.

S'agissant des levées de fonds, il est juste d'indiquer qu'en un an, l'expérimentation n'a pas démontré la capacité des bureaux locaux à déplafonner leur capacité à lever des fonds. Il paraît en effet difficile pour les anciens EAF de changer de modes opératoires en si peu de temps. D'autre part l'Institut français de Paris avait en matière de mécénat ses propres objectifs, et le responsable de ce secteur ne pouvait appuyer les postes dans leurs demandes. Enfin les fonds européens, importante source potentielle de financement, sont régis par des modes opératoires complexes, nécessitant des formations et un accompagnement des équipes sur place. Il était difficile en un an de mettre en place de tel dispositif.

Je trouve pour ma part la tonalité de ce rapport trop négative par rapport à notre vécu de cette expérimentation. Trop peu d'aspects positifs ou de progrès sont mis en valeur ou portés au crédit de l'expérimentation. Il serait aussi souhaitable de rappeler les règles posées à l`exercice et leur inévitable conséquence : réversibilité, gestion neutre des bureaux locaux. Si ceux-ci ont pu être traités quasiment à l'identique des autres postes, c'est pourtant grâce à la vigilance de l'Institut qui y a veillé.

Là aussi, je souhaite souligner que l'investissement des équipes de l'Institut dans l'accompagnement de proximité a été intense. Dans cette phase de construction, le mode opératoire a été très participatif (en direct, au téléphone, boîte de dialogue) et efficace puisque le budget, ses rectifications et les comptes financiers ont été approuvés après les Conseils d'Administration sans observation.

La rigueur comptable et les contraintes de bonne gestion engendrées par le statut d'EPIC permettent un pilotage plus fin des postes et les avantages à en tirer dans l'optimisation des moyens consacrés au réseau dans son ensemble n'ont pas été évalués.

De plus, il convient de mentionner les programmes régionaux, exemples de la mutualisation des moyens, mis en oeuvre par les bureaux locaux de l'Institut français du Chili ou de Serbie. La régionalisation, processus impossible avec le statut d'EAF, est à mettre à l'actif de l'expérimentation.

Des difficultés structurelles liées au rattachement - et que l'Institut français ne conteste pas - sont pointées alors qu'elles étaient identifiées dès le départ et qu'elles ne résultent pas de la mise en oeuvre de l'expérimentation, comme la non coïncidence des périmètres de compétences par exemple.

Par rapport à nos partenaires, dans le cadre de l'expérimentation, le mode de gestion et l'organisation du réseau culturel extérieur public français est désormais comparable à celui du Goethe institut ou du British Council avec un positionnement des intervenants clairs : un ministère des Affaires étrangères qui assure une tutelle stratégique, un Institut français à Paris qui assure une fonction d'opérateur « pilote » et le Réseau.

Un « retour en arrière » serait mal perçu par ces partenaires européens et serait à l'origine d'une profonde confusion.

Enfin, le Département chiffre le surcoût du rattachement du réseau à l'EPIC, essentiellement lié aux charges sociales, alors que l'expérimentation n'a pas porté sur la gestion des ressources humaines en 2012. Aucune étude prospective sur la gestion de ces ressources humaines n'a été réalisée. Pourtant, un tel rattachement permettrait une révision de la cartographie des emplois fondée sur une diminution du nombre d'expatriés et l'apparition d'un nouveau statut d'agent comparable à celui des agents résidents existant déjà dans d'autres opérateurs de l'État comme l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE).

Surtout, une véritable politique de formation des agents de recrutement local pourrait être assurée par l'Institut français dont chacun reconnaît les compétences en la matière. Un véritable pilotage de la professionnalisation du réseau pourrait alors voir le jour et être mis en oeuvre.

Au final, il ressort de ce rapport que l'exercice de l'expérimentation tel qu'il a été mené ne contient pas d'enseignements déterminants permettant de mesurer objectivement les avantages et les inconvénients du rattachement et que la somme des sujets à traiter, concernant la bonne gestion du réseau public, dépasse la seule question du rattachement comptable des postes. La décision à prendre cet automne devra donc reposer sur une approche plus large et globale de la question au regard de l'objectif ultime de cette réforme: rendre le réseau culturel extérieur plus efficace et performant.

M. Jean Besson, rapporteur pour avis du programme « action extérieure de l'Etat » - Les conclusions du deuxième rapport d'évaluation nous laissent perplexes. J'aurai quatre questions. Les deux premières sur la méthode, les deux autres sur le fond.

N'y-a-t-il pas eu au départ un choix minimaliste d'expérimenter sans perturber, qui a conduit au fond à limiter l'expérimentation à la mise en place d'une chaîne budgétaire et comptable et par ailleurs à développer toute une gamme de prestations au profit de l'ensemble du réseau au nom d'un principe de traitement équitable, qui rend difficile en définitive de percevoir les avantages d'un rattachement à l'EPIC ?

Comment concrètement l'Institut Français a-t-il été associé à l'évaluation ? Les directeurs des instituts locaux ont-il pu faire remonter une appréciation, le cas échéant, différente des ambassadeurs ? Comment ont été prises en compte les observations de l'Institut français dans le rapport ?

Je constate également à la lecture du rapport que peu d'éléments permettent d'apprécier les capacités que pourrait offrir le rattachement à l'EPIC tant pour le pilotage local comme l'attribution de subventions ou la fongibilité partielle des lignes de crédits que pour le pilotage global comme la mise en oeuvre de principes d'une gestion plus rigoureuse et plus transparente et donc la capacité à optimiser et à orienter la dépense publique en fonction d'une stratégie globale et non simplement à l'échelle du poste. Je pense à la visibilité sur les fonds de roulement, à la remontée des recettes, aux possibilités de mutualisation qui en résulteraient et aux synergies possibles entre l'IF et le réseau comme sa capacité à exercer une véritable direction dans le sens d'une professionnalisation accrue des personnels en ayant la capacité de la valoriser en termes de carrière.

Est-ce parce que les questions n'ont pas été posées, et notamment à l'Institut Français ? Ou parce que les possibilités n'ont pas été mises en oeuvre, faute de temps peut-être, l'expérimentation n'étant pas déployée dans toutes ses possibilités ? Ou parce qu'elles sont, au niveau local, demeurées inconnues ? Ne faut-il pas que l'Institut et les postes testent ces capacités afin de disposer d'éléments d'appréciation avant la décision ?

Dans l'une de ses conclusions, le rapport estime que « l'expérimentation ne permet pas d'apprécier la capacité de l'Institut Français d'assurer le changement d'échelle que représenterait, même étalé dans le temps, le transfert des ressources financières et humaines entraîné par l'intégration du réseau ». Qu'en pensez-vous et si l'expérimentation ne le permet pas, par quelle méthode apprécier cette capacité ? Quels moyens l'Institut Français se donne-t-il pour se préparer à cette mission ? 

M. René Beaumont, rapporteur pour avis du programme « action extérieure de l'Etat » - J'ai des doutes sur la capacité qu'aura le gouvernement de trancher à la fin de 2013 sur le rattachement du réseau sur la base des seuls éléments explicites, ceux de l'expérimentation. Alors à défaut de trouver, dans ses résultats, tous les éléments qui pourraient fonder le choix du gouvernement, ne faut-il pas compléter le troisième rapport par un certain nombre d'études ?

Je pense au besoin d'évaluer de façon précise le coût du rattachement des agents qui seraient transférés à l'EPIC, qu'il s'agisse des personnels expatriés ou de l'administration centrale qui les gèrent ? Avez-vous engagé des discussions avec le ministère sur ce point ? À titre indicatif quel a été le surcoût du rattachement à l'Institut des fonctionnaires qui y ont été détachés ?

Le rapport indique que certaines missions des COCAC n'entrent pas dans le champ des missions de l'Institut Français. Ne vous paraît-il pas utile de proposer des solutions alternatives pour le rattachement de ces missions, dont certaines, effectivement, incombent à d'autres administrations ou établissements ? Faut-il envisager d'étendre les missions de l'Institut Français, de fusionner des établissements ou peut-on procéder par délégation ou par convention ? Travaillez-vous avec le ministère à la solution de ces questions ?

Le rapport indique que la visibilité accrue du réseau, sous le label « Institut français » suscite une appréhension de certaines Alliances françaises ? Qu'en pensez-vous ? Où en est-on de la conclusion d'une convention entre l'Institut Français et les Fédération des Alliances françaises telle que prévue par le contrat d'objectifs et de moyens ?

Enfin, une question brutale mais fondamentale, l'Institut français estime-t-il le rattachement du réseau profitable, voire indispensable, au développement d'une action culturelle extérieure de qualité et si oui pourquoi ? Sous votre impulsion et votre direction, se sent-il prêt à prendre en charge le réseau et à quelles conditions ? Le veut-il vraiment ?

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis du programme « action extérieure de l'Etat » pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication- Il s'agit désormais d'envisager un modèle administratif de fonctionnement le mieux à même de remplir les objectifs visés par la loi fondatrice de l'Institut français. La tutelle du ministère des affaires étrangères semble avoir évolué au cours des derniers mois, elle est aujourd'hui moins centralisatrice. Le retour à la situation antérieure à la loi serait pour nous l'aveu d'un échec, alors que les attentes des personnels concernés en matière de formation sont grandes. Elle aurait certainement un effet démobilisateur. Entre une recentralisation et une autonomie de fonctionnement, il nous semble qu'une voie médiane devrait être trouvée dans un contexte budgétaire très contraignant. Des analyses complémentaires s'imposent donc avant qu'une décision politique soit prise. On nous dit qu'une autonomie même régulée ferait perdre à l'Institut français des avantages fiscaux accordés à des établissements au statut diplomatique. Nous ne le pensons pas et le rapport imminent de la Cour des Compte nous apportera peut-être un éclairage sur ce point. Autrement dit, ce que nous perdons d'un côté nous pouvons facilement le gagner de l'autre grâce à des participations financières venant, entre autre, du mécénat d'entreprises, ce qui demande du temps. Nous n'avons en définitive guère le choix, la tutelle régalienne ne pouvant investir massivement dans le financement de l'Institut, celui-ci devra chercher des partenaires nationaux et locaux pour mettre en oeuvre la politique élaborée par le ministère des Affaires étrangères. Il convient donc d'établir une stratégie réfléchie afin d'instaurer une relation de confiance avec le secteur privé.

Enfin, pouvons-nous dire, dans l'hypothèse d'un rattachement, qu'un rapprochement entre l'Institut français et Campus France est souhaitable, considérant que les deux missions de ces établissements s'avèrent d'ores et déjà étroitement complémentaires sur le terrain des opérations ?

M. Christian Poncelet. - J'aimerais retenir un chiffre que vous avez cité : trois millions d'euros de bourses. J'imagine que ce chiffre ne permet pas de satisfaire toutes les demandes qui vous sont adressées. Je sais que les étudiants chinois sont nombreux à vouloir poursuivre leurs études en France. Les autorités chinoises seraient prêtes à financer la construction d'hébergements pour leurs étudiants en France. Que peut-on faire pour faciliter leur accueil dans nos établissements et trouver une solution à leur problème d'hébergement ?

M. Xavier Darcos, président de l'Institut Français - S'agissant des choix méthodologiques du rapport, le deuxième rapport insiste beaucoup sur la chaîne budgétaire et comptable. C'était l'objectif, mais évidemment cela fait un peu perdre de vue les missions de l'Institut et du réseau. Pour ce qui est de l'objectivité, l'Institut Français a été associé à l'évaluation, nous avons essayé de répondre le plus rigoureusement possible sans avoir de préjugés ou d'avis fermés, notre objectif étant d'avoir un dispositif qui fonctionne. Cela étant, je vois bien, comme le sénateur Jean Besson et comme je l'ai rappelé en préambule, quelques présupposés du rapport qui résulte des réponses à des questions qui ont été dans une certaine mesure un petit peu ciblées.

La crainte des ambassadeurs est compréhensible mais nous ne sommes qu'un instrument de la diplomatie globale. Nous n'avons pas à avoir une diplomatie autonome. L'ambassadeur conduit la diplomatie dans son poste et nous sommes là pour lui rendre service. Mais il est vrai qu'à l'Institut Français nous sommes un peu la « vitrine » de l'ambassade, ce qui permet notamment d'établir des contacts. C'est un lieu culturel et parfois, dans certaines capitales, l'un des rares ou uniques lieux culturels. De surcroit, je précise que l'ambassadeur préside le COSL (comité d'orientation stratégique local) et qu'il reste donc le maître du jeu.

S'agissant des évaluations chiffrées du coût du rattachement, elles sont multiples et je ne sais pas d'où elles viennent. Évidemment il y aurait des pertes de recettes si nous perdions certains privilèges fiscaux. Mais tout cela reste à démontrer et à préciser.

Quant au périmètre d'action du COCAC qui est plus large que celui de l'Institut Français, c'est une difficulté que nous avons que nous avons identifiée dès le vote de la loi, laquelle n'a pas été peut-être jusqu'au bout de sa logique. Ce faisant, sur le terrain, lorsque le COCAC est directeur, il s'en débrouille généralement très bien.

Les Alliances Françaises ont pu être inquiètes, car les Instituts français ont été plus visibles, mais ce qui est sûr c'est que nous serions incapables de remplir notre mission sans les Alliances françaises qui constituent la moitié du réseau et qui sont présentes, et parfois seules présentes, dans un grand nombre de postes. Il n'y a pas de concurrence. Nous travaillons en commun. Nous avons signé une convention avec la fédération des Alliances Françaises conformément à notre contrat d'objectifs et de moyens. Christian Jacq sera présent aux Ateliers que nous organisons à Lille. Les préventions qui existaient au départ ont été levées.

Vous me demandez si l'Institut Français est en mesure de prendre la gestion du réseau, et s'il le veut vraiment. Nous avons évité jusqu'à maintenant de répondre à cette question, car la question ne nous est pas posée. Elle est posée au gouvernement. En tant qu'opérateur, nous ferons ce que la tutelle nous demandera de faire. Mais il faudra trouver des solutions pour éviter de revenir en arrière. Ce serait un échec pour tout le monde. Si nous ne procédons pas au rattachement au sens juridique du terme, il faudra exprimer que le pilotage global est effectivement confié à un opérateur et que l'on va dans le sens d'une mutualisation de l'action culturelle extérieure.

Nous nous interrogeons donc moins sur la méthode que sur les ambitions. Notre ambition est que le premier réseau culturel du monde, le réseau français, ne soit pas dépassé par les évènements et par ses concurrents (notamment les Chinois qui ont déjà deux fois plus d'implantations que nous). Notre ambition est de construire un réseau numérisé, de proposer des offres de services pertinentes, d'être présents partout, et de repérer les « jeunes pousses », les jeunes talents, les créateurs, dans les domaines artistiques et culturels pour les attirer vers nous et leur proposer de travailler avec nous.

Quant à la méthode à utiliser pour y arriver, savoir s'il faut des bureaux locaux avec les personnels payés de Paris, c'est au Parlement d'en débattre et au gouvernement de décider. L'idée du grand réseau, administratif ou pas, doit être exprimée régulièrement, même vis-à-vis de nos partenaires. Ce serait nous affaiblir que d'y renoncer. Il faut revenir à l'esprit de la loi qui partait de la réflexion sur nos partenaires européens qui disposent d'institutions établies et reconnues, alors que nous continuions à monter des opérations locales au gré des initiatives des uns ou des autres, sans vision stratégique d'ensemble ni d'identification unifiée. Revenir au statu quo ante serait un échec pour tout le monde. Nous avons besoin d'analyses complémentaires, c'est l'objet du troisième rapport d'évaluation. Nous disposerons des conclusions du rapport de la mission demandée par l'Assemblée nationale à la Cour des Comptes et nous verrons ce qu'il dira sur les questions fiscales notamment. Nous attendons ces informations pour préparer le troisième rapport.

S'agissant du périmètre, il est vrai qu'au moment de la préparation de la loi en 2009 et 2010, il y eu des hésitations sur l'idée de regrouper les politiques culturelle et universitaire. Mais la loi a tranché et Campus France existe. Il serait compliqué de revenir en arrière. Les bureaux de Campus France sont au sein des Instituts français, l'étanchéité n'existe pas sur le terrain. Localement, il y a le sentiment d'appartenance à une même équipe.

La question des bourses est récurrente, elle nous est en effet posée chaque fois que nous voyageons mais elle n'est pas une de nos compétences. Nous accompagnons un certain nombre de bourses mais l'échange universitaire est pris en charge par Campus France. Quant à l'hébergement des étudiants chinois en France, il pourrait être proposé à la Chine de se rapprocher de la Cité universitaire internationale.

M. Jeanny Lorgeoux. - Ne faut-il pas renforcer notre dispositif en Afrique subsaharienne compte tenu du poids démographique et économique de cette région à moyen terme, de la place de la langue française dans ces États et de la nécessité de tenir notre rang ?

M. Xavier Darcos, président de l'Institut Français - C'est historiquement un territoire d'élection pour l'action culturelle française, y compris d'ailleurs en Afrique du Nord, le Maroc est notre plus grande implantation. Nous continuons à être présents car la concurrence notamment chinoise est forte. Demain la francophonie sera africaine majoritairement mais est-ce là que les grandes décisions mondiales se prendront, ce n'est pas certain. Démographie et puissance ne vont pas forcément de pair.

Il faut également assurer notre présence dans d'autres zones, notamment dans les pays émergents, et je pense tout particulièrement à l'Asie du Sud, où nous ne sommes pas assez ou très peu : je pense à Hong-Kong, à la Malaisie, à l'Indonésie, à Singapour où nous venons de créer un institut français

M. Pierre Colliot, secrétaire général de l'Institut Français - Nous ne disposons pas de données très précises sur l'évaluation du coût du rattachement. Le ministère des affaires étrangères part probablement de l'expérience du rattachement des assistants techniques à l'Agence Française de développement qui a entraîné des charges supplémentaires notamment en raison du changement du régime d'assurance sociale. Mais il faut examiner aussi la possibilité de financer une partie via les fonds de roulement ou par la mise en place de dispositifs autres comme ceux mis en oeuvre par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour les professeurs résidents. Il faut aussi avoir une politique vis-à-vis des agents de droit local qui, en raison des contraintes budgétaires, interviennent de plus en plus dans nos instituts, y compris dans des fonctions d'encadrement et non plus seulement d'exécution. Ils ont été recrutés sur des fonctions, et nous devons accompagner leur montée en compétence.