Jeudi 1er octobre 2015

- Présidence de Mme Chantal Jouanno, présidente -

Programme de travail de la délégation

Mme Chantal Jouanno, présidente. - L'objet de cette réunion est de présenter rapidement un bilan du travail effectué en 2014-2015 et d'élaborer ensemble notre programme de travail pour la session 2015-2016.

S'agissant tout d'abord du bilan de la session passée, je rappelle que nous avons adopté trois rapports d'information : sur les stéréotypes masculins et féminins dans les jouets, sur les femmes de la Défense et sur l'accueil des jeunes enfants.

Nous avons organisé, le 19 mai dernier, à l'occasion du 70ème anniversaire du premier vote des femmes, un colloque qui a eu un grand succès. Les actes, déjà disponibles sur notre site, vont paraître sous forme de volume « papier » très prochainement.

La délégation a travaillé sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé en publiant un rapport d'information assorti de recommandations dont certaines se sont traduites par des amendements. Ceux qui ont pu être adoptés concernent la suppression du délai de réflexion d'une semaine avant une interruption volontaire de grossesse (IVG), l'extension aux centres de santé des IVG instrumentales et l'adaptation du droit du travail aux contraintes des femmes engagées dans un processus de procréation médicalement assistée (PMA).

Nous avons également effectué, le 25 novembre 2014, un déplacement dans un foyer accueillant les auteurs de violences conjugales : ce sujet pourra être poursuivi en 2015-2016, j'y reviendrai dans un instant.

Quant aux trois auditions auxquelles nous avons procédé sur le thème « Femmes et laïcité », il faut que nous décidions quelles suites nous souhaitons leur donner en 2015-2016. L'actualité nous démontre que ce sujet demeure pertinent pour une structure comme la nôtre.

Nous avons, le 16 avril 2015, auditionné Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh), qui nous a présenté un bilan des élections de 2014 sous l'angle de la parité. Une proposition de loi sera prochainement déposée pour tirer les conséquences des constats dont elle nous a fait part, s'agissant notamment de l'accès des élues aux exécutifs locaux.

Enfin, le 25 juin dernier, nous avons organisé une table ronde sur le thème « Femmes et changement climatique » avec le groupe de travail du Sénat sur le suivi des négociations climatiques internationales, dont je vous présenterai la synthèse la semaine prochaine.

S'agissant maintenant de notre projet de programme pour la session qui commence, il s'agit de décider entre nous des sujets des rapports d'information et de colloque sur lesquels nous allons travailler pendant l'année qui vient, en dehors des sujets législatifs qui, pour des raisons évidentes, ne sont pas prévisibles à ce stade.

Mme Corinne Bouchoux. - Je pense qu'il nous faudra être vigilants quand le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine sera inscrit à l'ordre du jour. Ce texte est actuellement à l'Assemblée nationale. Notre assemblée pourrait, sous toutes réserves, en être saisie au début de l'année.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - En effet, nous veillerons le moment venu à intervenir sur les dispositions qui pourraient nous concerner.

Je reviens donc à nos sujets de rapports d'information, hors actualité législative. Un premier sujet de rapport a été validé le 2 juillet dernier : il s'agit du thème des femmes victimes de la traite des êtres humains. Le bureau, réuni le 17 septembre, a décidé que ce travail serait porté par un-e rapporteur-e par groupe, comme notre précédent travail sur les femmes de la Défense, et qu'une table ronde aurait lieu sur ce sujet le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, de 14 à 16 heures.

Les rapporteures de ce travail sont Joëlle Garriaud-Maylam pour Les Républicains, Hélène Conway-Mouret pour le groupe socialiste, Corinne Bouchoux pour le groupe Écologiste, Brigitte Gonthier-Maurin pour le groupe CRC et Mireille Jouve pour le RDSE.

Le 22 septembre, nous avons eu un échange intéressant avec la coordinatrice pour l'Union européenne de la lutte contre la traite des êtres humains : cet entretien a souligné l'intérêt du sujet retenu.

Le 29 octobre prochain, nous entendrons Mme Michèle Ramis, ambassadrice chargée de la lutte contre le crime organisé, pour « planter le décor » avant la table ronde du mercredi 25 novembre.

J'ouvre une parenthèse : le 29 octobre, Brigitte Gonthier-Maurin nous fera une restitution de son récent séjour à Madagascar, qui rejoint beaucoup des constats que nous avons faits sur le thème « Femmes et changement climatique » qui sera à l'ordre du jour de notre réunion de la semaine prochaine.

Dans le courrier que j'ai envoyé à chaque membre de la délégation le 24 juin, j'ai aussi proposé que nous procédions à un bilan des mesures existantes contre les violences au sein des couples. Je suggérais que nous mettions en place un groupe de travail comprenant un sénateur ou une sénatrice par groupe.

Je pense que ce sujet fait l'objet d'un véritable intérêt dans tous les groupes. Je propose que la désignation des membres de ce groupe ait lieu lors de notre réunion du 8 octobre.

Nous avons donc deux rapports en projet concernant les violences. Il me semble que l'on pourrait se fixer comme objectif de les avoir terminés en février, afin que nos conclusions puissent donner lieu à des questions au cours de la séance de questions au Gouvernement du mardi 8 mars.

Justement, puisque nous en venons à la journée du 8 mars, qui doit être un grand moment pour notre délégation, seriez-vous d'accord pour que nous demandions que la séance de questions du 8 mars soit dédiée au thème des femmes ? Il est rare en effet que le 8 mars « tombe » un jour de questions ! Il faut en profiter. Avec votre accord, j'écrirai donc au nom de la délégation au président du Sénat, pour exposer cette sollicitation et voir comment ce projet peut prendre forme, sous réserve de l'accord des différents groupes.

Mme Corinne Bouchoux. - Ce serait bien que, pour une fois, les sénatrices soient les seules à poser des questions ! Nous sommes en effet très sous-représentées lors des séances de questions au Gouvernement. Je tiens régulièrement des statistiques à ce sujet. Les femmes ne représentent jamais un quart des auteurs de questions, alors que les sénatrices constituent environ le quart des effectifs de notre assemblée. Sous réserve de l'accord de nos familles politiques respectives, donner la priorité aux sénatrices de tous les groupes lors de cette séance serait un beau symbole.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Pour ma part, je pense qu'il est bon aussi, dans ce genre de circonstances, de mettre en valeur l'engagement des hommes qui défendent nos droits et les sujets qui nous intéressent. Qu'un sénateur membre de la délégation aux droits des femmes pose une question au cours de cette séance montrerait que les sujets concernant les femmes sont aussi l'affaire des hommes.

Mme Michelle Meunier. - Certes, nous sommes sous-représentées lors des séances de questions. La nuit, en revanche, il me semble que nous sommes très nombreuses dans l'hémicycle ! À ces heures tardives, nous représentons en tout cas plus qu'un quart de l'hémicycle. Les statistiques concernant les sénatrices intervenant dans les séances devraient être modulées selon les horaires...

Mme Corinne Bouchoux. - Et je ne parle pas de la présence féminine dans l'hémicycle pendant les manifestations sportives comme les matchs de football !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - À propos de la journée du 8 mars, pourquoi le colloque annuel de la délégation n'aurait-il pas lieu ce jour-là? Cela me semble tout indiqué !

Quel sujet retenir ? Certaines d'entre nous m'ont déjà suggéré avant notre réunion de consacrer cet événement à l'engagement associatif des femmes. Je trouve que cette idée convient particulièrement à une journée comme celle du 8 mars. Ce thème mettrait bien en valeur un aspect de l'engagement citoyen des femmes et pourrait compléter le colloque de mai dernier sur les femmes électrices et éligibles. Les femmes sont en effet présentes dans la plupart des associations, caritatives, de quartier... Mais, là encore, si on les trouve très souvent dans des fonctions de base, elles ne sont que rarement à la tête de ces structures ! L'accès aux responsabilités semble, dans ce secteur comme en politique, une difficulté. Quoi qu'il en soit, les femmes trouvent du temps pour un engagement associatif : elles sont donc prêtes à se mobiliser au service de la Cité. Et pourtant, quand il est question de leur permettre de participer à la vie politique, l'argument du temps disponible joue contre elles.

Dans la lettre que je vous ai adressée en juin, je parlais aussi comme sujet possible d'un colloque du thème «  Femmes et guerre ». Cela reste malheureusement un sujet d'actualité, que l'on parle des femmes victimes des conflits, auxquelles Brigitte Gonthier-Maurin a consacré en décembre 2014 un très beau rapport, ou que l'on ait à l'esprit les femmes combattantes. Nous pouvons peut-être garder ce sujet pour plus tard, si vous en êtes d'accord.

Mme Corinne Bouchoux. - Absolument. Pour le 8 mars, il faut trouver un sujet qui permette de valoriser à la fois les femmes et la délégation que nous représentons, et qui mette en valeur le Sénat qui accueillera cette manifestation. Je me rappelle avoir participé en 2005 à une réunion d'associations dans ce palais : cela avait été positif pour l'image de l'institution sénatoriale et avait suscité de l'intérêt pour notre assemblée auprès du public qui y assistait. C'est important. Le thème de la guerre, bien sûr, est crucial mais il ne me semble pas très adapté au 8 mars : vous avez raison, il faudrait retenir ce sujet pour la prochaine session.

Mme Michelle Meunier. - Je valide, moi aussi, l'idée de consacrer la séance de questions du 8 mars au thème des femmes. Quant au sujet de notre colloque, je trouve l'idée de le centrer sur l'engagement associatif des femmes très positive. C'est un thème fédérateur !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Plus important encore à mon avis que le colloque, je pense que nous devrions demander à avoir, le 8 mars, un temps d'accès à l'hémicycle sur le thème de la citoyenneté des femmes, qui nous permette d'associer à ce temps fort des femmes engagées, comme le disait notre présidente, au service de la Cité. Un temps court suffirait, ne serait-ce qu'une heure, mais quel symbole !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je pense que nous n'aurions aucune difficulté à remplir l'hémicycle...

Mme Claudine Lepage. - Nous pourrions ne pas limiter nos invitations dans l'hémicycle aux femmes engagées dans les associations, mais inviter également des femmes politiques.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Le colloque du 19 mai dernier portait justement sur le thème de l'engagement des femmes en politique. J'avais pensé aussi à associer au colloque les femmes syndicalistes, mais ce serait peut-être plus pertinent de centrer un prochain travail de la délégation sur leur engagement qui semble spécifique.

Mme Corinne Bouchoux. - Je souscris absolument à cette idée. Il faudra y penser pour une prochaine occasion.

Mme Laurence Cohen. - Un colloque sur l'engagement associatif des femmes, pourquoi pas ! Mais il faudra impérativement soulever cette contradiction : les femmes sont très nombreuses dans le secteur associatif, mais comme vous le disiez, Madame la présidente, ce n'est pas à elles que l'on confie les responsabilités. D'ailleurs, je voudrais aussi évoquer ce matin la faible place qui est faite aux femmes au Sénat. Je trouve que les débats auxquels a donné lieu le projet de loi de modernisation de notre système de santé, actuellement en discussion, sont très éclairants d'une sorte de recul que j'observe pour ma part pour les questions qui nous intéressent. Je n'accepterai jamais l'idée, qui s'est exprimée lors de l'examen de ce projet de loi, selon laquelle les dispositions législatives concernant l'IVG auraient leur place dans une loi sur la bioéthique et non dans un projet de loi concernant la santé.

Et je ne parle pas de l'accès des sénatrices aux responsabilités au sein du Sénat ! Qu'il n'y ait jamais eu de femme au conseil de questure du Sénat me semble très significatif de la place qui nous est faite. Je trouve très bien que l'on parle des femmes dans les associations, mais il faut aussi que nous posions la question des femmes dans notre assemblée. Le 8 mars nous offre une tribune symbolique et nous devons absolument faire en sorte que les choses progressent à cette occasion.

Je voudrais parler aussi de ce qui se passera après la COP 21. Je remarque que, quels que soit les journaux, l'expertise en matière de climatologie est masculine. Qu'aucune femme ne soit visible dans ce domaine me semble poser problème. Nous en parlerons certainement la semaine prochaine à l'occasion de l'examen de votre rapport.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je suis d'accord avec ce que vous disiez sur nos débats, ma chère collègue, mais essayons de voir les choses de manière positive. Il me semble que les discussions auxquelles le projet de loi de modernisation de notre système de santé a donné lieu au Sénat ont suscité moins de dérapages qu'à l'Assemblée nationale, même si parfois, j'en conviens, on a pu sentir un certain recul dans la tonalité des débats.

Mme Hélène Conway-Mouret. - L'idée d'un hémicycle féminin au Sénat, à l'occasion du 8 mars, me séduit beaucoup. Ce pourrait être une manifestation extrêmement marquante. S'agissant du colloque, je crains qu'à certains égards le thème des femmes dans les associations revienne à conforter la place qui nous est traditionnellement attribuée, et mette en valeur l'engagement des femmes dans des associations à vocation sociale ou éducative. Il faut faire attention que cette journée ne revienne pas à délivrer un message qui puisse être en contradiction avec nos convictions.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je pense que ce colloque peut nous permettre de revenir sur le paradoxe de l'engagement des femmes au service de la Cité. Cet engagement existe, car les femmes sont très présentes dans les associations, comme d'ailleurs aussi dans la vie politique locale. Elles sont donc prêtes à consacrer du temps à leurs divers engagements. Ce doit être notre premier message. Notre autre message doit être qu'il faut en tirer les conséquences pour rendre leur engagement plus visible et leur conférer davantage de responsabilités. Je l'ai observé bien des fois : les femmes sont les piliers des associations, elles sont présentes même dans les associations sportives, dont toutefois les présidents demeurent des hommes, souvent même s'agissant des sports pratiqués dans une proportion importante par les femmes.

Vous posez le problème de l'engagement politique des femmes : celui-ci a été largement évoqué au cours de notre colloque du 19 mai dernier. Mais je pense qu'il peut être présent aussi dans une manifestation dédiée à l'engagement associatif, car beaucoup de femmes passent de l'engagement associatif à l'engagement politique et inversement. Ce sera intéressant de nous interroger sur ce cheminement et sur les liens entre ces différents engagements.

Quant à notre « temps fort » dans l'hémicycle, nous pourrions y associer, non seulement des femmes engagées en politique ou dans des associations, mais aussi des « grands témoins » de la cause des femmes, pourquoi pas à l'international !

Mme Danielle Michel. - Je suis d'accord, la disponibilité des femmes pour un engagement citoyen me semble devoir être une dimension importante du colloque du 8 mars.

Mme Corinne Bouchoux. - Le fait que les femmes deviennent rares dans les postes dirigeants des associations doit être évidemment abordé lors de notre colloque, comme l'a relevé notre présidente.

Pour en revenir à la tonalité de certains débats dans notre assemblée, nous pourrions décerner chaque année un « prix citron » à l'auteur de la remarque la plus déplacée sur les femmes. Les propos sexistes sont, il faut bien le dire, essentiellement le fait des hommes. Nous devrions être audacieux, dans cette délégation, sur ce sujet.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - L'année 2016, qui ne sera pas une année électorale, me semble tout indiquée pour ce genre d'initiative.

M. Roland Courteau. - D'accord pour le « prix citron », mais il y a aussi des hommes très engagés pour défendre la cause des femmes. Il faut prévoir une mention spéciale pour eux !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je suis bien d'accord, mais je crains que vous soyez peu nombreux à concourir !

Mme Christiane Kammermann. - À entendre vos échanges, je regrette d'autant plus que mes obligations d'élue des Français établis hors de France me retiennent trop souvent éloignée des réunions de la délégation, tant nos débats sont intéressants et dynamiques. Un hémicycle à 100 % féminin le 8 mars, je suis pour !

Mme Françoise Laborde. - Moi aussi ! Cela aurait un intérêt pédagogique pour beaucoup de nos collègues... Si cela pouvait se faire, ce serait très valorisant pour notre institution.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - J'ai dans mon bureau une photographie de l'Assemblée nationale de 1873. Bien évidemment, les travées sont exclusivement masculines... Le contraste avec notre hémicycle du 8 mars, si notre projet aboutit, pourrait être intéressant. Quant au nombre de questions au Gouvernement posé par des femmes, ce serait intéressant d'avoir des statistiques complètes sur la durée.

Mme Christiane Kammermann. - En ce qui concerne le sujet des femmes dans la guerre, il est extrêmement important, l'actualité le souligne chaque jour. Quand la délégation sera disponible pour consacrer du temps à ce travail, j'aimerais énormément y participer de très près.

Mme Michelle Meunier. - La nuit dernière, dans notre hémicycle, nous avons entendu les habituelles hésitations entre « Madame la ministre », « Madame la présidente » et « Madame le ministre », « Madame le président ». Nos collègues devraient en être davantage persuadés, « le » ou « la », cela a son importance. Contrairement à ce que certains pensent encore, ce n'est pas pareil.

Mme Laurence Cohen. - Ou alors, si cela n'a pas d'importance, on devrait pouvoir dire « la Gouvernement », comme cela a été rappelé cette nuit !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Le sujet de notre colloque devrait donc pouvoir être, je pense que nous serons tous d'accord : « l'engagement citoyen des femmes », avec un éclairage sur leur participation à la vie associative. Mais nous consacrerons une autre manifestation, peut-être au cours de la prochaine session, au thème « Femmes et guerre », qui demeure extrêmement important pour nous, nos échanges de ce matin le montrent très clairement.

J'en reviens à nos rapports d'information. Vous savez l'importance que j'attache au thème des femmes victimes de la précarité, plus particulièrement dans le contexte des familles monoparentales. Un important travail sur ce sujet a été publié par la délégation aux droits des femmes du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2013. Ce rapport me semble abouti et, à moins de trouver une manière beaucoup plus précise d'aborder ce sujet, je pense que vous en serez d'accord, retenons le thème de la précarité pour une autre session.

Mme Michelle Meunier. - En effet, ce document du CESE est très complet. Depuis 2013, peut-être les statistiques ont-elles changé mais le constat établi il y a deux ans ne devrait pas avoir évolué substantiellement. Ce travail ne me semble pas laisser beaucoup de place pour une initiative de notre délégation.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Dans ma lettre du mois de juin, j'évoquais aussi pour notre programme de travail le thème « Femmes et voitures ». Cela peut sembler anecdotique, mais pas seulement, car ce rapport serait l'occasion de réfléchir à des sujets plus techniques et structurants comme l'accès des jeunes filles au permis de conduire. Le sexisme au volant serait aussi, évidemment, une dimension importante de nos réflexions.

Mme Laurence Cohen. - Je suis très favorable à ce sujet, qui nous ouvrira à d'autres problématiques que les sujets sur lesquels nous débattons le plus souvent. Il faut savoir que certains véhicules sont conçus pour et par des femmes. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des voitures où les ceintures de sécurité, inadaptées à la morphologie féminine, nous étranglent !

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Les femmes ne sont plus mises à l'écart de l'industrie automobile et le marketing est aujourd'hui conçu en tenant compte de cette clientèle. C'est un acquis positif, incontestablement.

Mme Danielle Michel. - On trouve aujourd'hui des garages où travaillent des femmes. Ils ont du succès car la clientèle féminine a l'impression d'y être traitée avec davantage de considération. Les choses évoluent, ce serait intéressant de faire le point, en effet.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Corinne Bouchoux a par ailleurs proposé le thème des enfants à l'identité sexuelle non déterminée. C'est un vrai sujet de société, qui rejoint la question des stéréotypes, dont la délégation peut tout-à-fait s'emparer. Nous pourrions prévoir une table ronde sur ce sujet, suivie d'un rapport présentant un état des lieux du problème et faisant le point des besoins et solutions proposées par les intéressés.

Mme Corinne Bouchoux. - En effet, notre délégation s'honorerait d'être pionnière dans ce débat encore très mal connu. Ces enfants recouvrent en fait trois cas très différents : ceux qui sont nés avec un sexe indéterminé, ceux qui se sentent différents et dont la puberté aggrave le décalage et les enfants qui sont nés avec des attributs féminins et masculins. Par le passé, on opérait généralement dès la naissance. Dans un quart environ des cas, l'adolescence révélait par la suite l'inadéquation de cette opération. Aujourd'hui le traitement médical précoce n'est plus systématique. La situation de ces enfants pose évidemment des problèmes importants dans le cadre de l'éducation nationale : un enfant pour trois classes serait concerné. Il me semble que le travail que nous pourrions entreprendre sur ce sujet devrait commencer par établir, comme vous le disiez, Madame la présidente, un état des lieux, puis rappeler les solutions possibles aujourd'hui et recenser les problèmes rencontrés. Par exemple, un changement d'état civil n'est ni rapide ni facile. Or il semble souhaitable que ce problème soit résolu au moment où le jeune sort de l'enseignement secondaire.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'imagine que l'environnement familial se trouve très démuni face à ces questions extrêmement compliquées.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Ce sujet délicat rejoint la question de l'identité, si importante. Nous devons être conscients que beaucoup d'opérations ont lieu à l'étranger : des gens quittent notre pays puis y reviennent avec une identité qui n'y est pas reconnue officiellement. Ce vide juridique est pour eux à l'origine d'un traumatisme supplémentaire. J'appuie l'initiative de Corinne Bouchoux, nous devons avoir le courage d'aborder cette question.

Mme Michelle Meunier. - Lors des derniers débats législatifs concernant le harcèlement, nous avons fait en sorte que la discrimination à l'égard des transsexuels soit prise en compte.

Mais la difficulté posée par la situation de ces enfants est bien différente des problématiques transgenre affectant des adultes et qui sont assumées par eux, même si, on le sait, les hommes qui deviennent des femmes découvrent alors les discriminations à l'égard des femmes...

Le sujet proposé par Corinne Bouchoux concerne le respect de l'enfant et de ses intérêts, il a des prolongements évidents - nous n'y échapperons pas - dans la construction de genre. Tant l'Éducation nationale que l'entourage familial de l'enfant sont concernés. Peut-être pourrions-nous procéder, avant la table ronde, à une audition qui nous aiderait à cerner ce sujet.

Mme Claudine Lepage. - L'intérêt des enfants conduit à décaler en effet le traitement médical. Certains adultes ne se sont pas retrouvés en harmonie avec le corps qui résultait des traitements chirurgicaux ou hormonaux subis probablement trop tôt.

Mme Laurence Cohen. - En effet, ce sujet encore très méconnu dépasse la problématique des transsexuels. Qu'est-ce qui fait que l'on se sente appartenir à un sexe plutôt qu'à l'autre ? Une chose est certaine : les parents, très démunis face à ce problème qui est pour eux une source de souffrance, s'en remettent à l'expertise médicale. Or le traitement médical, dans bien des cas, ne peut reposer sur des certitudes et l'on constate parfois, comme cela a été dit, une distorsion entre l'identité réelle et profonde de l'enfant et le sexe résultant du traitement médical. L'évolution récente vers une plus grande prudence me semble sage car un traitement médical précoce semble souvent inadapté. Au cours de notre travail, nous devrons entendre des psychologues, des médecins et, bien sûr, des témoins.

Mme Françoise Laborde. - Je suis d'accord avec les interventions précédentes. Compte tenu de la proportion d'enfants concernés évoquée par Corinne Bouchoux, un gros travail d'information doit être fait à l'égard des enseignants et de leurs familles. L'essentiel de l'effort en milieu scolaire doit toutefois, à mon avis, s'adresser en priorité aux psychologues et médecins scolaires.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Il faudrait aussi que tous les professionnels qui se trouvent en contact avec des enfants dont l'identité sexuelle est indéterminée sachent quels sites officiels consulter pour obtenir l'information nécessaire et avoir la meilleure réaction possible.

Une autre thématique avait été suggérée l'année dernière dans le prolongement de notre travail sur les femmes engagées au service de la défense de notre pays. Il s'agit des femmes relevant de l'autorité du ministère de l'intérieur : police, gendarmerie, corps préfectoral. Contrairement à ce que nous avions fait en 2015 avec le ministère de la défense, cette rencontre ne serait pas notre événement du 8 mars. Toutefois, sous réserve de l'accord du ministère de l'intérieur et du bon déroulement de notre calendrier, je vous propose d'essayer d'organiser avant l'été une rencontre avec des femmes représentatives de ce ministère pour les mettre en valeur et mieux connaître leurs éventuelles difficultés.

Mme Hélène Conway-Mouret. - En effet, la gendarmerie relevant aujourd'hui du ministère de l'intérieur, il était difficile d'associer des femmes gendarmes à notre table ronde de mars 2015.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - J'en viens à un dernier sujet dont m'a fait part notre collègue Annick Billon, retenue ce matin par une autre obligation : les femmes et l'agriculture. En effet, en 2010, 27 % des exploitations agricoles étaient dirigées par des femmes, selon le site du ministère de l'agriculture. Il y a donc là un champ d'investigation pour notre délégation.

Mme Laurence Cohen. - Dans ce secteur, le travail accompli par de nombreuses femmes n'est pas reconnu, la situation des conjoints n'est pas satisfaisante. Nous devrions peut-être, avant de valider ce thème dont l'intérêt est évident, affiner notre projet.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - C'est un sujet qui me tient à coeur. Ce sujet devrait être abordé aussi dans le prolongement de la COP 21.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - En effet, je suis bien d'accord, la dimension internationale de ce sujet me semble fondamentale. Nos travaux sur la COP 21 l'ont rappelé. Dans le monde, les femmes représentent une très forte proportion de la main d'oeuvre agricole et entre 45 et 80 % des petits agriculteurs. C'est considérable ! Pourtant, les femmes sont propriétaires de moins de 2 % des terres.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - J'approuve aussi le fait que nous consacrions du temps au sujet des femmes dans l'agriculture, peut-être au cours de la prochaine session.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous sommes donc d'accord pour remettre à la prochaine session nos réflexions sur les thèmes « Femmes et guerre » et « Femmes et agriculture ». Cette année en revanche, nous avons à notre programme deux rapports concernant les violences, une manifestation importante le 8 mars, une table ronde sur les enfants à identité sexuelle indéfinie, une investigation sur le thème « Femmes et voitures » et, si notre calendrier le permet, une rencontre avec des femmes du ministère de l'intérieur. Qu'en est-il en revanche de nos premières auditions sur le thème « Femmes et laïcité » ? Poursuivons-nous cette initiative ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - À mon avis, nous devons absolument poursuivre notre travail sur ce sujet. Je ne suis pas persuadée que le rapport entre femmes et laïcité soit clair pour tous. Nous devons montrer notre engagement en faveur des droits des femmes à travers cette réflexion.

Mme Françoise Laborde. - Je suis du même avis. Il me semblerait important de recevoir pour un échange le président de l'Observatoire de la laïcité. Le lien entre femmes et laïcité est un élément incontournable de notre « vivre ensemble ». Que signifie par exemple le refus d'un homme de serrer la main à une femme ? Notre délégation doit avoir les idées claires à ce sujet.

Mme Michelle Meunier. - Ce sujet relève, j'en suis persuadée, de l'« ADN » de notre délégation. Nous devons poursuivre nos échanges et nos discussions dans ce domaine.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Pourquoi ne pas aborder ce sujet sous l'angle « Femmes, paix et laïcité » ? La laïcité doit pouvoir être perçue comme un élément apaisant dans un débat très complexe.

Mme Laurence Cohen. - Je suis tout à fait d'accord pour continuer à travailler sur la laïcité, mais je ne suis pas convaincue que cette approche apaisante soit universellement partagée. La laïcité est, on s'en aperçoit couramment, mal connue et il ne me semble pas qu'elle soit un facteur de paix pour tous.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Je vous proposerai donc des auditions sur ce sujet en commençant, selon votre suggestion, par l'Observatoire de la laïcité.

Mme Laurence Cohen. - J'aimerais que nous revenions sur la manière dont nos travaux sont perçus et écoutés à l'intérieur du Sénat. À la commission des affaires sociales, par exemple, quand nos collègues sont venus présenter le rapport de la délégation sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé...

Mme Françoise Laborde. - Je n'ai pas l'impression que nous ayons été très écoutées. Cette réunion m'a laissé un sentiment mitigé, alors qu'il me semble que notre rapport était équilibré et montrait, par exemple, qu'une approche médicale libérée des stéréotypes masculins et féminins était autant au bénéfice des femmes (je pense à notre passage sur les maladies cardiovasculaires) qu'à celui des hommes (si l'on se réfère à l'ostéoporose et à l'anorexie, qu'ils subissent aussi).

Mme Laurence Cohen. - Je partage ce point de vue. En 2013, en présentant à la commission des lois notre rapport d'information sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, j'ai eu l'impression d'une certaine condescendance. Ce serait bien de pouvoir travailler véritablement avec les commissions, sans a priori de leur part. En ce qui concerne la santé, seule notre délégation peut porter certaines convictions et certaines propositions.

Mme Françoise Laborde. - À ce propos, je pense que, quand la loi de modernisation de notre système de santé, actuellement en discussion, sera entrée en vigueur depuis suffisamment longtemps, il serait bon que nous fassions le point avec l'Ordre des sages-femmes des nouvelles compétences que leur reconnaît ce texte, notamment en matière de vaccination et d'IVG médicamenteuse. Il nous appartient de suivre avec attention l'évolution de cette profession cruciale pour la santé des femmes.

Mme Chantal Jouanno, présidente. - Nous nous y attacherons en effet le moment venu.

Notre programme de travail pour 2015-2016 est donc défini, sous réserve des aménagements qui pourraient résulter de l'actualité législative. Nous allons avoir à la délégation une session très stimulante !

Je rappelle avant que nous nous séparions que la semaine prochaine, le 8 octobre, nous adopterons, à 8 h 30, une synthèse des enseignements de la table ronde du 25 juin sur les conséquences pour les femmes des changements climatiques, dans la perspective de la COP 21. Nous rédigerons ensemble notre contribution, consacrée aux femmes, à la future proposition de résolution que le Sénat adoptera avant le sommet de Paris. Ensuite nous entendrons Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'actualité de son ministère, sur le projet de loi de finances pour 2016 et sur la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, à quelques jours de la deuxième lecture de ce texte par notre assemblée.