Mercredi 23 novembre 2016

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne - Communication

Au cours d'une réunion tenue dans la matinée, la commission entend une communication de M. Jean-Claude Carle sur le projet de loi n° 47 rectifié (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

M. Jean-Claude Carle. - Le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, adopté à la quasi-unanimité le mois dernier par l'Assemblée nationale après l'engagement de la procédure accélérée, se veut « l'acte II » après la loi fondatrice de 1985. Le texte a été renvoyé au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui a désigné notre collègue Cyril Pellevat rapporteur. Son examen en commission aura lieu le 7 décembre prochain.

Quelques rares dispositions de ce texte intéressent l'éducation ; c'est pourquoi, si notre commission ne s'est pas saisie pour avis, notre présidente m'a demandé de vous en présenter la substance. Comme vous l'imaginez, c'est essentiellement par le prisme de la présence des services publics dans ces territoires que sont abordés ces sujets.

En conséquence, l'article 1er donne pour finalité à l'action de l'État de « réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d'en assurer la pérennité, la qualité, l'accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d'organisation scolaire et d'offre de soins, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne ». Ce même article 1er place parmi les finalités de l'action de l'État en zone de montagne la promotion de « la richesse du patrimoine culturel, de protéger les édifices traditionnels et de favoriser la réhabilitation du bâti existant ».

Trois articles du texte, absents du texte initial et insérés par l'Assemblée nationale, portent sur l'éducation : il s'agit des articles 8 ter, 8 quater A et 8 quater. Les articles 8 ter et 8 quater A participent de la même logique. Il s'agit, dans les départements de montagne, de prévoir l'identification des écoles (ou réseaux d'écoles) ainsi que des collèges publics qui justifient l'application de modalités spécifiques d'organisation scolaire, notamment en termes de seuils d'ouverture et de fermeture de classe et, pour les collèges, d'allocation des moyens. Ces modalités spécifiques sont appréciées « au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l'isolement et des conditions d'accès par les transports scolaires ».

Vous reconnaîtrez peut-être dans ces articles, mes chers collègues, la reprise - mot pour mot - de dispositions figurant dans la circulaire du 30 décembre 2011 relative aux écoles situées en zone de montagne, prise justement pour application de la loi de 1985. Ces dispositions ont été reprises, de manière légèrement différente, dans la circulaire du 11 octobre 2016 relative aux écoles situées en zones rurale et de montagne, qui porte sur les conventions ruralités.

Ces dispositions figurent d'ores et déjà dans deux circulaires, qui sont appliquées. Qu'apporterait leur inscription dans la loi ? Rien, si ce n'est la maigre satisfaction du symbole. Je préfère les actes aux symboles - en la matière, les conventions ruralités mises en oeuvre par le ministère en partenariat avec les collectivités me semblent une piste intéressante, dès lors qu'elles s'inscrivent dans une véritable démarche partenariale entre l'État et les collectivités territoriales concernées.

En tout état de cause, la portée normative de ces deux articles est très limitée, voire inexistante. Ils sont sans doute manifestement d'ordre réglementaire, mais il ne nous appartient pas de prononcer l'irrecevabilité ; ce sera à la commission au fond de décider de la soulever.

Enfin, l'article 8 quater prévoit que le ministre chargé des transports, en collaboration avec le ministre de l'éducation nationale, sollicite la conclusion d'un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des classes de découvertes.

Notons que cet article s'appliquera à l'ensemble des établissements scolaires, non seulement aux établissements de montagne. Là encore, si l'intention est louable, la portée normative de cet article est très faible ; prévoir de solliciter pour conclure un accord, est-ce bien du ressort de la loi ? Là encore, il semble que le texte se limite à énoncer des bonnes intentions.

Au ministre qui reprochait à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de faire une loi bavarde, sa présidente a répondu, je cite, que « nous ne serions pas les premiers - et il faut savoir se faire plaisir ». Voilà la méthode empruntée par nos collègues députés !

Enfin, pour être tout à fait complet, je mentionne que la protection des moulins, qui avait fait l'objet d'un large accord lors de l'examen de la LCAP, est de nouveau inscrite dans la loi. En effet, alors que les dispositions que nous avions adoptées, à l'initiative de notre rapporteur Françoise Férat en juillet dernier, avaient été presque aussitôt abrogées par la loi biodiversité, nos collègues députés ont pris l'initiative de les réintroduire dans le projet de loi ; tel est l'objet de l'article 23 C.

Par ailleurs, notre collègue Jacques-Bernard Magner, à la fois montagnard et rapporteur des crédits de la jeunesse, sera sans doute sensible au souci des députés d'inscrire dans la loi une définition du refuge : « établissement en site isolé de montagne, gardé ou non gardé, recevant du public, dont des personnes d'âge scolaire encadrées dans des conditions établies conjointement par les ministres chargés de l'éducation, de la jeunesse et des sports ».

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je suis perplexe face à ce projet de loi ; il y a un hiatus considérable entre l'ambition de ce texte et la portée réelle des dispositions qui s'y trouvent. Je vous encourage à suivre, comme je continuerai de le faire, la discussion parlementaire en commission et en séance, afin de s'assurer que ce texte servira in fine l'intérêt des élèves des territoires de montagne.

Mme Marie-Christine Blandin. - Dans votre énoncé, vous avez mentionné le fait que la loi relative à la biodiversité avait abrogé les dispositions relatives à la protection des moulins contenues dans la loi relative à la création, à l'architecture et au patrimoine. Vous avez omis de préciser que cette dernière, à l'initiative de notre commission, avait enlevé la protection des poissons au profit des moulins. On peut continuer à faire tourner le moulin longtemps !

Il nous faut réfléchir à une mesure, peut-être d'ordre supra-législatif, visant à éviter que les navettes croisées de textes de loi, ayant des assises et des finalités différentes, mènent à un jeu infini de montage et de démontage législatif. Il faut que cela s'arrête ! Cette manière de légiférer n'est pas raisonnable.

M. Jacques-Bernard Magner. - Notre collègue Jean-Claude Carle a évoqué avec beaucoup d'esprit les dispositions relatives aux écoles en montagne contenues dans ce projet de loi. Elles me semblent pourtant tout à fait nécessaires, en ce qu'elles expriment une volonté, de laquelle découlent les moyens.

Il ne faut pas oublier que lorsque l'on a supprimé 80 000 postes lors de la précédente législature, les zones de montagne ont particulièrement souffert. À l'inverse, la création des 60 000 postes permet de renforcer l'égalité entre les élèves ; elle est particulièrement favorable à ceux qui vivent en zone rurale ou de montagne.

Mme Maryvonne Blondin. - Je fais le parallèle avec les écoles situées dans des îles, à l'instar des îles du Ponant, où les traversées sont longues et périlleuses. Les écoles et les collèges qui y sont maintenus ont peu d'élèves ; le numérique permet, dans ces conditions, de maintenir et de développer les liens avec le continent.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous n'avons pas d'opposition à la possibilité de conclure un accord avec les transporteurs en vue d'assurer des tarifs plus bas pour les classes de découverte, prévue à l'article 8 quater du projet de loi.

Concernant les deux autres articles relatifs à l'éducation, nous en comprenons la substance et les motivations. Mais il s'agit de l'accès à un droit, le droit à l'éducation, dont les conditions d'exercice sont renvoyées à une détermination au niveau local. Ces articles veulent tout et rien dire à la fois !

M. Loïc Hervé. - Ce projet de loi a été longuement attendu. Comme la comète de Halley, les projets de loi sur la montagne passent selon une période relativement longue, de trente ans environ. On aurait pu imaginer retrouver le souffle de la loi de 1985 ; ce projet de loi se limite à l'énonciation de grands principes - il s'agit, à quelques exceptions, d'un texte creux. Comptons sur le Sénat pour y introduire du pragmatisme et de la subsidiarité. S'agissant de l'école, les parlementaires de montagne se battent pour que le calendrier des vacances scolaires soit fixé de manière pluriannuelle et qu'il serve les intérêts de l'économie de montagne.

Mme Françoise Laborde. - Les dispositions relatives aux transports scolaires sont-elles en rapport avec la proposition de loi qui sera discutée le 6 décembre prochain dans l'hémicycle ?

Mme Françoise Cartron. - En ce qui concerne l'adaptation du calendrier scolaire, je rappelle que dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, certaines communes de montagne comme Chamonix ont mis en place des organisations du temps scolaire dérogatoires, avec une modification du calendrier scolaire, adaptées aux circonstances locales. Voilà un bel exemple de subsidiarité, qui a réuni l'accord de tous, et c'est vers quoi nous devons tendre.

M. Loïc Hervé. - En effet, cela fonctionne très bien. Ma remarque concernant le calendrier scolaire vaut pour l'ensemble des académies : il s'agit de fixer les dates des vacances scolaires selon une logique qui favorise l'activité touristique, notamment pour les sports d'hiver.

M. Jean-Claude Carle. - Je partage les observations de Mme Blandin quant à la méthode législative : nous en arrivons à des situations absurdes, dont l'article 23 C est un bon exemple.

Il ne faut pas non plus caricaturer ce texte. S'il est vrai que les articles qui concernent notre commission sont de niveau réglementaire et n'apportent rien, d'autres constituent de vrais enjeux, en particulier ceux relatifs aux unités touristiques nouvelles et aux offices du tourisme, ces derniers relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.

Pour ne rien vous cacher, j'ai envisagé de présenter un amendement afin de permettre d'adapter le calendrier scolaire aux réalités locales. Mais le code de l'éducation le permet déjà. Comme l'ont souligné nos collègues Françoise Cartron et Loïc Hervé, cela marche très bien, dès lors que cela fait l'objet d'une démarche partenariale et de contractualisation. Voilà la voie qu'il convient de suivre : plutôt les conventions que les incantations !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous remercions Jean-Claude Carle pour cette communication. Je vous encourage à suivre ces débats afin de faire valoir, le moment venu, le point de vue particulier de notre commission.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Culture » - Crédits « Patrimoines », « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et « Création et cinéma » - Examen du rapport pour avis

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines ». - Le programme que je traite porte sur les crédits relatifs à deux actions principales que sont les musées et le patrimoine.

Le budget connaît cette année une augmentation très sensible de 6 % des autorisations d'engagement et de 4 % des crédits de paiement. Cela correspond à une augmentation des crédits de plus de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de près de 34 millions d'euros en crédits de paiement (CP), pour un budget total de 964 millions d'euros en AE et de 903 millions d'euros en CP. Cette augmentation doit toutefois être regardée à la lumière des budgets précédents. Une baisse de plus de 20 % des CP du programme était intervenue de 2013 à 2016, soit une diminution de 100 millions d'euros. Cette différence est calculée à périmètre constant et tient donc compte de la budgétisation de la Redevance d'archéologie préventive (RAP) qui en a été déduite. L'augmentation du niveau des crédits en 2017 est donc un incontestable progrès au regard de la situation connue les années précédentes, même si elle ne permet pas de rattraper exactement le niveau de 2012, avec un recul des CP de 8 % en 2017 par rapport à 2012, hors RAP.

Ce rattrapage s'accompagne d'un rééquilibrage tant au profit des musées que du patrimoine. Les crédits de l'action 8 « acquisition et enrichissement des collections publiques » qui avaient été réduits de moitié en 2013 connaissent, par exemple, une augmentation de 12,24 %. Autre constat, des efforts budgétaires sont consentis pour financer la mise en oeuvre des mesures de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite loi CAP) : 7,9 millions d'euros de crédits d'investissement sont prévus pour accompagner la création des nouveaux sites patrimoniaux remarquables amenés à remplacer les aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP), les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les secteurs sauvegardés et l'élaboration de nouveaux documents de protection sur le périmètre de ces espaces.

Les auditions que j'ai conduites dans le cadre de la préparation de cet avis m'ont montré que les attentes des opérateurs, des associations et des professionnels restaient fortes et leurs inquiétudes vives.

Une première inquiétude financière est liée au désengagement des départements qui, dans un contexte de baisse des dotations, se concentrent en premier lieu sur leurs compétences obligatoires en matière sociale, indépendamment de leurs couleurs politiques. Les communes, qui possèdent 43 % du patrimoine protégé, que ce patrimoine soit inscrit ou classé, résistent mieux et financent plus de la moitié des aides émanant des collectivités territoriales.

La seconde inquiétude vient de la réforme territoriale résultant des fusions décidées de certaines régions et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe). Beaucoup de professionnels s'inquiètent et pensent que la culture et le patrimoine vont servir de variable d'ajustement aux nouveaux budgets régionaux et que l'harmonisation des pratiques d'intervention dans le domaine culturel dans les régions fusionnées se fera par le bas.

La région Grand-Est, à la commission de la culture de laquelle je siège, n'a toutefois pas fait ce choix. Fruit de la fusion de trois régions, elle a décidé de s'aligner sur les règles de ces anciennes régions les plus profitables pour le patrimoine. Je souhaite qu'il en soit de même dans les autres régions car le patrimoine est un élément très important pour notre pays. Il s'agit, d'une part, de notre mémoire collective, dont la préservation est plus que jamais nécessaire pour surmonter les moments difficiles que nous vivons. Il s'agit, d'autre part, d'un puissant facteur pour notre économie. M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN) m'a rappelé, lors de son audition, le lien fort entre le patrimoine et le tourisme, et donc, in fine, entre le patrimoine et l'emploi. La restauration du patrimoine dans laquelle certaines entreprises que j'ai reçues se sont spécialisées m'ont expliqué qu'un millier d'emplois avait disparu dans ce secteur en France en 2015 et 2016. Outre les drames sociaux que l'on imagine, il s'agit de pertes de savoir-faire que l'on ne retrouvera jamais. Les troisième et quatrième entreprises de ce secteur en France sont actuellement en redressement judiciaire.

Les associations et professionnels appréhendent également un risque de sous-consommation des crédits votés. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont été réorganisées, au même titre que les nouvelles régions. Ces réorganisations ont pu engendrer des retards dans la construction des dossiers et la consommation des crédits. La ministre de la culture nous a rassurés sur ce point, lors de son audition le 9 novembre dernier par notre commission, en indiquant qu'après un début d'année difficile, le taux de consommation des crédits était finalement redevenu normal, voire même un peu plus élevé que les années précédentes.

Les crédits alloués au CMN, qui gère de grands monuments emblématiques de notre pays, sont très insuffisants au regard des missions qui y sont associées. Ils représentent 19 millions d'euros alors que les frais annuels d'entretien et de restauration du CMN s'établissent depuis plusieurs années au-delà des 30 millions d'euros. Si le CMN a des réserves, elles finissent néanmoins par s'épuiser. Il a donc dû renoncer à mener en 2017 de très grandes opérations initialement prévues, au Panthéon, au Mont-Saint-Michel ou au domaine de Saint-Cloud. C'est regrettable quand on connaît le succès touristique qui suit généralement ces phases de restauration, comme le montre l'exemple récent de la villa Cavrois, avec de fortes retombées sur l'économie locale. Certaines opérations remarquables seront néanmoins réalisées cette année par le CMN, telles que l'achèvement des travaux du château de Ferney-Voltaire qui sera rouvert au public, la réhabilitation de l'hôtel de la Marine place de la Concorde à Paris et la poursuite des travaux de restauration du château d'Azay-le-Rideau qui a, de surcroît, souffert des inondations au printemps.

Les conséquences financières des attentats, qui résident, à la fois dans des pertes de ressources propres liées aux baisses de fréquentation et dans une augmentation de leur charges pour répondre aux obligations de mise en sécurité, sont également un sujet d'inquiétude. L'Arc de Triomphe, monument national le plus visité de France, a connu une baisse de 30 % de sa fréquentation et a nécessité du CMN des investissements importants, compte tenu du symbole qu'il représente. La question des baisses de fréquentation est une préoccupation majeure des institutions patrimoniales. Nous ne disposons pas de statistiques, mais le Musée du Louvre a beaucoup communiqué à ce sujet. Le ministère a donc voulu, cette année, faire un effort particulier au travers de ce budget pour accompagner la nécessaire mise en sécurité. 73 emplois nouveaux ont donc aussi été créés dans ce but au profit de l'ensemble des institutions patrimoniales dont 36 pour le seul CMN. Un dégel intégral de la réserve de précaution a, en outre, été demandé sur 2016 afin de compenser les baisses de fréquentation et les conséquences des inondations du printemps dernier pour ces institutions.

Dernier sujet que je souhaiterais aborder, la Fondation du patrimoine, dont la création est issue d'un rapport du sénateur Jean-Paul Hugot, ancien membre de notre commission. Son financement est assuré au travers des crédits levés par ses souscriptions, mais elle bénéficie également de 50 % du produit des successions en déshérence. Or ce produit a, en deux ans, chuté de 11 millions d'euros à 4,7 millions d'euros. Bercy explique cette baisse, notamment, par les évolutions technologiques récentes qui facilitent la recherche des héritiers. Devant cette diminution du produit, le Gouvernement a décidé d'en affecter 75 % et non plus 50 % au budget de la Fondation du patrimoine, pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et abonder les opérations financées par souscription. Le rôle de cette fondation est indispensable, car c'est aussi elle qui permet de soutenir des projets essentiels pour le petit patrimoine rural, non protégé, qui ne bénéficie d'aucune subvention de l'État. La décentralisation avait entraîné la suppression des crédits d'État en faveur de ce patrimoine spécifique au profit des départements.

Pour conclure, l'augmentation du budget global est la bienvenue compte tenu de l'enjeu que représente le patrimoine, mais elle vient après plusieurs années de baisse qui ne sont que partiellement rattrapées. C'est la raison pour laquelle je propose à la commission de donner sur ce programme un avis de sagesse.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle ». - Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est le plus important des trois programmes de la mission « Culture » en volume, puisqu'il finance, pour près des deux tiers de ses crédits, les fonctions de soutien du ministère de la culture et de la communication, c'est à dire les personnels, les locaux, les équipements ou encore les dépenses de communication.

Il connaît, en 2017, une hausse assez importante de ses crédits. Le programme gagne 118 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 10,3 %, et plus de 95 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse globale de 8,4 %.

Ces augmentations tiennent, pour seulement 25 % à 30 %, au financement de nouvelles mesures de rattrapage indemnitaire des personnels du ministère de la culture et de la communication et à la hausse du point d'indice dans la fonction publique, sur laquelle je ne reviendrai pas. Plusieurs collègues ont déjà eu l'occasion de l'évoquer à propos d'autres missions ces dernières semaines et nos rapporteurs sur la mission enseignement scolaire le feront peut-être à leur tour cet après-midi.

C'est surtout la nouvelle priorité assignée à ce programme en matière d'emploi qui explique une large part des augmentations de crédits. Une nouvelle action destinée à soutenir l'emploi des artistes et techniciens du spectacle fait en effet son apparition dans le programme cette année : l'action 8 « Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle » ou FONPEPS.

Ce fonds, doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement, doit compléter l'accord du 28 avril 2016 sur le régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle en agissant, cette fois-ci, sur les conditions d'emploi et non sur les conditions du chômage. Il finance différentes aides, primes et subventions pour les entreprises et les artistes et techniciens qu'elles emploient, destinés à faciliter la création d'emplois pérennes au sein des entreprises du spectacle vivant et enregistré. Malheureusement, la répartition exacte des crédits entre les neuf mesures n'est pas encore connue. Il s'agit donc d'un point sur lequel il nous faudra être attentifs l'an prochain.

Je sais que la budgétisation de ce fonds sur le programme 224 plutôt que sur le programme « Création » a soulevé bon nombre de questions, que je me suis moi-même posées. Hors Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) et augmentations de crédit destinées aux fonctions de soutien du ministère, force est de reconnaître que les crédits du programme 224 progressent encore de plus de 5 % en crédits de paiement et sont stables en autorisations d'engagement.

Toutes les actions sont concernées par ces hausses :

- les établissements d'enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la culture avec 5 % d'augmentation des crédits de paiement ;

- l'éducation artistique et culturelle qui, depuis la loi sur la refondation de l'école de 2013, constitue le vecteur privilégié de la démocratisation culturelle avec 5,5 % d'augmentation des crédits de paiement, dont 3 millions d'euros supplémentaires pour les conservatoires qui s'engagent en faveur de la jeunesse et de la diversité.

- l'action culturelle internationale avec une augmentation de 15 % des crédits de paiement, afin de financer un fonds d'intervention d'urgence en faveur du patrimoine en péril, dans la foulée des dispositions adoptées sur ce sujet dans le cadre de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (CAP).

Si l'on pousse l'analyse au-delà des simples évolutions de crédits, plusieurs sujets de préoccupation majeurs demeurent.

J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer l'an dernier les difficultés rencontrées par les écoles d'art. Des efforts doivent encore être faits pour leur permettre de combler le retard qu'elles ont pris dans l'intégration des standards de l'enseignement supérieur, ce qui suppose de s'attaquer au développement de la recherche et de diplômes reconnus au grade de doctorat. L'effort budgétaire d'1 million d'euros consenti en 2017 en faveur de la recherche, stable par rapport à 2016, paraît encore insuffisant pour nos 45 écoles d'art.

Aucune avancée n'a non plus été enregistrée en 2016 pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales sur celui des écoles nationales, en dépit des annonces faites par la ministre chargée de la culture de l'époque, Fleur Pellerin, devant notre commission en novembre 2015. Il est important que l'État apporte son soutien sur cette question pour éviter que ne se développe un enseignement des écoles d'art à deux vitesses entre les écoles territoriales et les écoles nationales.

Il en va de l'attractivité des écoles d'art françaises et la place de notre pays dans le domaine des arts et de la culture.

Un second sujet de préoccupation, particulièrement cher à notre présidente, est celui des conservatoires. Après avoir annulé en 2015 son soutien aux conservatoires, l'État s'est progressivement réengagé dans leur financement l'an dernier. La loi CAP s'est heureusement penchée sur la question et a clarifié les compétences respectives des collectivités publiques. Elle a, en particulier, réaffirmé le rôle de l'État en matière d'expertise et d'orientation pédagogiques et précisé que le financement du 3e cycle professionnalisant ne repose pas sur le seul échelon régional, afin d'ouvrir la voie au réengagement de l'État.

De fait, le projet de budget pour 2017 confirme le réengagement de l'État, pour la deuxième année consécutive, dans le financement des conservatoires. L'enveloppe budgétaire devrait se situer aux alentours de 17 millions d'euros, dont 4,4 millions pour les conservatoires adossés à des pôles d'enseignement supérieur, 1,6 million pour les bourses et près de 11 millions pour financer les projets des établissements. Toutefois, l'enveloppe budgétaire reste très en-deçà du niveau de celle de 2012, qui atteignait 27 millions d'euros. Elle représente, en ce sens, une baisse de 37 %.

L'engagement financier de l'État dans les conservatoires répond à une logique nouvelle, ce que m'ont confirmé mes interlocuteurs au ministère de la culture. L'objectif est de rééquilibrer le soutien étatique, jusqu'ici largement focalisé sur les parcours professionnels, en direction des enjeux de l'éducation artistique. Cela explique qu'il soit également être soumis à conditions. En effet, seuls peuvent prétendre à un financement les conservatoires ayant mis en place une tarification sociale et dont le projet s'appuie sur de nouvelles pratiques pédagogiques, s'ouvre aux musiques actuelles ou prévoit de développer des partenariats avec les acteurs culturels locaux.

Dans ce contexte, le ministère ne semblait pas penser que l'enveloppe avait vocation à retrouver les niveaux qu'elle avait précédemment. Quant à la question du versement par l'État des crédits aux régions qui décideraient de participer au financement du 3e cycle professionnalisant, aucun crédit n'est inscrit à ce stade, tant que les régions n'ont pas manifesté leur volonté sur ce sujet. Il est donc urgent que nous provoquions la discussion au sein de nos régions respectives.

Compte tenu de ces réserves, qui viennent un peu ternir le portrait de ce budget, pourtant en progression, je vous proposerai de donner un avis de sagesse aux crédits du programme 224.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits du programme « Création » et du soutien public au cinéma. - Autant le dire d'emblée, le budget du programme « Création » qui nous est soumis cette année est, en quelque sorte, le budget rêvé. Cette remarque s'applique au budget pour la culture dans son ensemble, à un niveau véritablement historique puisqu'il atteint 1,1% du budget global de l'État. Avec une hausse de 8 % en autorisations d'engagement et de 4 % en crédits de paiement, il traduit clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la création et de leurs artisans, les créateurs.

Cela semblait, il est vrai, nécessaire après une année marquée par le vote de la loi « création » et ses deux premiers articles qui affirment tour à tour la liberté de création et la liberté de diffusion artistique. Mais il reste rare qu'une loi à l'objet ambitieux se voit donner des moyens avec un budget conséquent.

Ce budget revalorisé était absolument indispensable pour préserver la place de la culture, sujette ces dernières années à de nombreuses attaques, frontales comme insidieuses, et garantir qu'elle demeure, selon les mots de notre ministre de la culture, Audrey Azoulay, « un fondement du pacte républicain ». J'ajouterai que ce budget était particulièrement attendu par les créateurs, dans un contexte de baisse des financements croisés qui a engendré, pour la première fois en 2016, une baisse globale du niveau des aides publiques. J'ai pu mesurer les craintes qu'une telle évolution suscite.

Au final, la hausse de 2016 et la forte hausse de 2017 auront permis de renouer avec les niveaux de 2012 et d'être à la hauteur des enjeux culturels de notre pays, malgré les baisses de 2013 et 2014 que j'avais regrettées et la stabilisation de 2015. Hors investissements relatifs à la Philharmonie, les crédits de la création ont même augmenté de 4,7 % entre 2012 et 2017.

Les hausses concernent évidemment les deux actions du programme, spectacle vivant comme arts plastiques. Sur ce point, je me réjouis même de constater qu'elles sont proportionnellement plus fortes pour les arts visuels, permettant un très léger rééquilibrage dans la répartition des crédits entre les deux actions. Depuis plusieurs années, je dénonce la situation de « parent pauvre » des arts visuels au sein du budget de la création. Je suis donc satisfait de constater que mes alertes commencent enfin à porter leurs fruits. La part de l'action 2 « arts plastiques » franchit, pour la première fois, la barre symbolique des 10 % des crédits du programme en autorisations d'engagement. Le Conseil national des arts visuels dont j'appuie la création, rapport après rapport, devrait enfin voir le jour dans les prochains mois, ce qui devrait être un vrai « plus » pour contribuer à la structuration du secteur, aujourd'hui encore trop faible.

Je suis conscient qu'il ne faut pas crier victoire trop vite. La répartition des crédits du programme reste encore très déséquilibrée au profit du spectacle vivant. Bien sûr, les coûts élevés de production et l'économie globale du spectacle vivant justifient que des moyens conséquents lui soient alloués, mais ils ne suffisent pas à expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits des deux actions.

De nombreux défis se posent au secteur des arts visuels, auxquels il va falloir nous atteler, soit par le biais de dispositions législatives, soit en pesant de tout notre poids pour faire avancer les choses. Je pense à l'élaboration d'une convention collective des arts visuels car il n'en existe pas dans ce secteur, à l'unification des régimes de sécurité sociale qui sont pour l'heure disparates et très pauvres, à la problématique de la juste rémunération des auteurs des arts visuels et au renforcement du soutien à la photographie et au photojournalisme.

Permettez-moi de dire aussi quelques mots sur les enjeux du spectacle vivant. Ce secteur a été particulièrement touché par les attentats, avec des conséquences financières lourdes pour les établissements publics et privés du secteur. Le fonds d'urgence pour le spectacle vivant, mis en place il y a un an, immédiatement après les attentats du 13 novembre à Paris, a pu venir en aide à plusieurs centaines de structures fragilisées et leur permettre de survivre dans ce contexte difficile. Toutefois, il n'a pas vocation à fonctionner au-delà de 2018 et nous devrons donc bientôt nous poser la question de son avenir car la menace terroriste semble devoir persister après cette date.

Par ailleurs, il n'apporte son soutien qu'aux structures privées puisque les opérateurs et scènes subventionnées ne sont pas éligibles. Le budget prévoit donc d'allouer une enveloppe de 4,3 millions d'euros pour la sécurisation des établissements publics en 2017 répartie en 2,3 millions d'euros pour les opérateurs de l'État et 2 millions d'euros pour aider les labels à reconstituer leurs marges artistiques, ce qui permet d'indemniser d'éventuelles pertes et surcoûts liés à la sécurité.

Le dernier sujet que je souhaitais évoquer devant vous est le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Le problème posé par le plafond de la taxe affectée au CNV est un sujet récurrent au sein de notre commission. Je rappelle que le plafonnement a des effets désastreux sur la santé financière du CNV et des conséquences sur le montant des aides sélectives octroyées, puisque lorsque le secteur est en croissance, le plafond se traduit mécaniquement par des pertes pour l'établissement, contraint de verser les 65 % de l'écrêtement en droit de tirage. À quoi bon se développer si l'on doit être privé du bénéfice de ce développement ?

Je me réjouis donc qu'après les tentatives infructueuses de certains de nos collègues députés lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ait finalement décidé de proposer de relever le plafond de la taxe, comme nous l'a indiqué Audrey Azoulay lors de son audition le 9 novembre dernier. Nous devrions ainsi éviter que le CNV puisse se retrouver en défaut, ce qui aurait inévitablement pénalisé la vitalité économique du secteur du spectacle vivant.

La seconde partie de mon propos portera sur le soutien public au cinéma, d'abord pour me réjouir de la vitalité du fleuron des industries culturelles. Le cinéma, loisir culturel intergénérationnel et populaire, enregistre, depuis 2014, plus de 200 millions d'entrées par an avec, fait exceptionnel en Europe, des oeuvres nationales qui totalisent plus de 70 millions d'entrées. La production française, particulièrement dynamique, atteint, en 2015, le niveau record de 234 oeuvres, à la rentabilité commerciale toutefois inégale.

Pilier du soutien public au cinéma, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) bénéficiera, en 2017, du versement de taxes affectées pour un montant estimé à 671,1 millions d'euros. Ces crédits enregistrent une très légère augmentation de 0,7 %, qui masque de grandes inégalités de rendement. Ainsi, la taxe sur les éditeurs progresse de 7,8 % alors que celles sur les distributeurs et sur les entrées en salles stagnent et que la taxe sur la vidéo, plombée par un marché en constante érosion, diminue de 4,6 %. En additionnant à cette somme, déjà considérable, 36 millions d'euros mobilisés sur la réserve de solidarité pluriannuelle, le CNC versera 701,1 millions d'euros d'aides en 2017, majoritairement au bénéfice de la production et de la distribution. Dans ce cadre, bien que pour des montants encore modestes, l'accent sera porté sur l'exportation des films français, avec la création d'un fonds de soutien automatique doté de 9 millions d'euros, et sur le soutien aux films « d'art et essai » à hauteur de 5 millions d'euros. Les salles d'art et d'essai revêtent une importance majeure pour nos territoires, notamment lorsqu'ils sont privés de salles plus importantes.

Partenaires indispensables du CNC, les chaînes de télévision contribuent à hauteur d'environ 35 % au financement des productions d'initiative française. Leur participation, couplée à leurs obligations de diffusion, représente un maillon essentiel du dispositif d'aide au cinéma. Pour cette raison, je m'inquiète des conséquences que pourrait avoir un désengagement, même limité, de Canal + sur l'équilibre économique et le dynamisme de la filière. Confrontée à des difficultés financières que l'on dit sérieuses, la chaîne semble aujourd'hui vouloir tenir ses engagements, tout en demandant des facilités considérables dans le cadre des négociations relatives au prochain accord professionnel sur la chronologie des médias. Jusqu'où faut-il aller pour « sauver » Canal + et préserver l'actuel modèle de financement du cinéma français ? La question est délicate, le secteur s'interroge et nous ne saurions y répondre qu'avec beaucoup de précautions tant les informations qui filtrent quant à la nature exacte des difficultés de la chaîne sont limitées et, parfois, contradictoires. Plus de transparence sur cette situation financière et de clarté sur le projet global du groupe permettrait de donner plus de visibilité au secteur concerné pour qui cette chaîne constitue un véritable poumon.

Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création », au sein de la mission « Culture », dont le niveau est véritablement exceptionnel !

Mme Marie-Christine Blandin. - Le groupe écologiste approuve les crédits de la mission. Des inventaires du patrimoine immatériel de notre pays devaient être faits par les DRAC. Je ne sais pas s'ils sont terminés. On ne parle pas assez de ce sujet. Sa plus grande mise en évidence sauverait des métiers dont le savoir-faire disparaît.

La Fondation du patrimoine maritime et fluvial était une fondation sans statut, amiablement rattachée à la Fondation du patrimoine jusqu'à une mésentente laissant le patrimoine maritime en déshérence. Ce problème est-il résolu ? La Fondation du patrimoine a-t-elle absorbé la Fondation du patrimoine maritime ?

Je pondère légèrement l'enthousiasme de M. Assouline sur les crédits de la création car je regrette que les scènes de musiques actuelles (SMAC) aient vu le montant de leur enveloppe stagner. Les musiques actuelles concentrent la pratique de la majorité des Français et semblent pourtant ici oubliées.

Où en est la mise en oeuvre des dispositions de la loi CAP sur la rémunération des auteurs dont l'image des oeuvres est mise à la disposition par les moteurs de recherche sur Internet ? Il s'agit d'une question d'ordre budgétaire qui peut permettre d'abonder les caisses de droits d'auteurs des photographes.

Mme Mireille Jouve. - Je me réjouis que le rééquilibrage territorial par le soutien aux musées en régions se poursuive grâce aux crédits du programme « Patrimoines ». L'augmentation des crédits d'investissement déconcentrés permet la mise en valeur des collections et attractivité des musées de France en régions. Il est nécessaire d'accompagner financièrement la mise en place des agendas d'accessibilité et d'assurer la sécurité des visites.

La priorité sera, en 2017, donnée aux régions avec près de 50 millions d'euros alloués aux DRAC. Il s'agit d'un interlocuteur important pour les collectivités territoriales. Les communes de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont, par exemple, reçu une proposition pour rénover leurs monuments aux morts. C'est une bonne chose car chaque commune en possède.

En matière de démocratisation de la culture, je salue la décision du Gouvernement de favoriser l'éducation artistique et culturelle en doublant ses moyens en 2017.

En matière de tourisme, le ministère disposera d'une enveloppe d'un demi-million d'euros en faveur d'actions pour le tourisme culturel.

Je me réjouis de la fréquentation que connaissent les salles de cinéma avec plus de 200 millions d'entrées par an, qui place la France au premier rang européen. Je souligne également que le tarif réduit pour la jeunesse créé en 2013 en contrepartie d'un taux réduit de TVA pour les exploitants de salle a attiré 20 millions de jeunes au cinéma en 2015.

Je m'interroge en revanche, même si ma remarque porte là sur les crédits destinés à la presse, sur l'avenir de la protection des sources après la censure de l'article qui y faisait référence dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

M. Pierre Laurent. - Je salue le redressement de ces budgets qui est le bienvenu et qui conduira le groupe communiste, républicain et citoyen à voter en leur faveur.

J'ai entendu les avis de sagesse prononcés par nos collègues rapporteurs de droite. J'espère que cette sagesse ne les quittera pas d'ici quelques mois et qu'ils ne procéderont pas à un « jeu de massacre » vis-à-vis des crédits culturels sur lesquels ils se prononcent aujourd'hui. Nous le craignons en effet.

Nous craignons également des menaces sur la liberté de création et la restauration d'un ordre moral inquiétant. Ces craintes sont motivées par la vandalisation et les critiques à l'encontre des affiches de la nouvelle campagne de prévention contre le VIH.

Je souhaite également modérer l'enthousiasme de David Assouline sur ce budget. Si les redressements qu'il met en oeuvre sont les bienvenus, il n'en demeure pas moins que les ambitions culturelles à l'échelle du quinquennat resteront un rendez-vous manqué au regard de nos attentes.

Ce dernier budget du quinquennat est pour moi l'occasion de saluer l'ensemble des mobilisations de la part de toutes les professions culturelles, qui ont sans nul doute permis d'obtenir aujourd'hui ces redressements.

Le Gouvernement a finalement rendu un arbitrage favorable au relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV comme l'a noté David Assouline.

Comme Marie-Christine Blandin, je regrette que les SMAC ne voient pas leur budget augmenter de manière significative. Il s'agit d'un exemple du rendez-vous manqué des ambitions que j'évoquais précédemment.

M. Jean-Pierre Leleux. - Notre commission a toujours su marquer une forme d'indépendance d'esprit par rapport à d'autres commissions, comme celle des finances, pour soutenir collectivement un certain nombre de sujets. Tâchons, malgré le calendrier électoral, de rester objectifs.

Je salue globalement, en ce sens, l'augmentation des crédits de la mission « Culture » depuis les deux années précédentes et, particulièrement, l'année dernière. Un effort incontestable a été produit. Mais ne nous leurrons pas, l'analyse de l'évolution des crédits sur l'ensemble du quinquennat montre que nous n'avons pas rattrapé le niveau de 2012, du fait notamment de l'intégration et de la budgétisation de la RAP.

Les augmentations de crédits ne sont toutefois pas, dans le contexte budgétaire actuellement tendu, les bons critères d'analyse d'un budget. Une augmentation continue des lignes de crédit nous emmène effectivement dans le « mur budgétaire ».

Notre ancien collègue Yves Dauge a été chargé d'une mission sur revitalisation des centres historiques, dans la perspective d'élaborer un plan national d'accompagnement des espaces protégés résultant de la loi CAP. J'ai, en ma qualité de président de la Commission nationale des secteurs sauvegardés, été consulté sur ce sujet. Le projet de rapport non définitif de cette mission me semble contenir des points intéressants. Je conseille au rapporteur Philippe Nachbar d'en prendre connaissance car certains de ses aspects ont trait aux finances. J'évoque en particulier la proposition de mettre en place une ligne commune et unique pour différents crédits affectés aux espaces protégés des petites et moyennes communes puisque ces crédits sont, à l'heure actuelle, dispersés entre différents ministères. Ces communes n'ont, en effet, pas bénéficié durant les cinquante dernières années de l'attention que nous aurions espéré pour elles.

J'approuve le relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV. Même si elle ne plaira pas à nos collègues en charge de la comptabilité et de la gestion, nous devrions tout de même défendre l'idée d'un déplafonnement et non d'une augmentation du plafond. Ce déplafonnement pourrait être compensé par une variation du taux de cette taxe. Il éviterait ainsi le découragement que provoque le plafonnement et, en outre, de devoir augmenter le plafond à l'occasion de chaque budget en fonction des recettes perçues par l'intermédiaire de cette taxe. Il ne sert, dans ce cas, à rien de plafonner ! Le problème est le même pour le CNC. Le plafonnement a pour but de permettre à Bercy de récupérer des produits de l'activité économique et culturelle. Je suis donc favorable à la mesure annoncée par la ministre en faveur du CNV lors de son audition.

Je partage l'inquiétude de la profession sur l'avenir de Canal +. Le débat est aujourd'hui tendu au sujet de la chronologie des médias que la chaîne essaie de faire évoluer. Au même titre qu'un grand nombre de partenaires du cinéma, il est nécessaire de revoir cette chronologie aujourd'hui dépassée. Il faut bien entendu protéger le cinéma en salle, qui constitue un pilier de la filière, tout en tenant compte du point de vue de Canal + dont l'aide est indispensable au financement du cinéma français. C'est d'autant plus vrai que la chaîne connaît une perte d'abonnés et souhaite modifier le tarif de ses offres alors que les financements prévus par les accords professionnels y sont indexés.

Mme Françoise Férat. - J'avais questionné la ministre lors de son audition sur la RAP au sein du budget en m'étonnant du montant dévolu aux collectivités territoriales. Pour rappel, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) effectue 80 % des diagnostics et les collectivités territoriales les 20 % restants. Or le budget prévoit l'affectation de 73 millions d'euros en faveur de l'INRAP contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Le prorata n'est donc pas respecté.

La ministre m'avait répondu que le montant prévu pour les collectivités était issu d'échanges avec l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale (ANACT) représentant les collectivités territoriales. Or l'ANACT nous fait savoir qu'il n'en est rien. Aucun accord de quelque forme que ce soit n'a été conclu en ce sens malgré les différentes relances de cette association dans le cadre des précédents budgets. Le compte n'y est pas pour les collectivités.

Pour cette raison et pour d'autres évoquées par nos collègues, notre groupe s'abstiendra sur le vote de cet avis.

Mme Françoise Laborde. - Philippe Nachbar a parlé de désengagement des départements en matière de culture, qui serait encore accru ces dernières années. Il me semblait que la loi NOTRe avait pourtant inscrit le principe d'une responsabilité partagée en matière culturelle. Qu'en est-il finalement au niveau du patrimoine ?

David Assouline a évoqué le fonds d'urgence pour le spectacle vivant et les aides aux lieux de spectacle subventionnés. Qu'en est-il des festivals ? Sont-ils soutenus et, le cas échéant, comment le sont-ils, pour faire face aux conséquences des attentats ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Qu'elle est ma stupeur de jeune élue à la Chambre haute qui s'estime privée de son droit de parlementaire ! Il constitue pourtant ce pour quoi les grands électeurs nous ont désignés : nous permettre de débattre, examiner, argumenter sur les textes législatifs qui nous sont présentés. Le budget de la nation est un projet ô combien fondamental pour la vie de l'ensemble de nos concitoyens ! Il s'agit de la loi la plus importante de l'année. Nous ne sommes pas tous du même bord sur les bancs du Sénat. Cette pluralité politique garantit la vitalité de notre démocratie. Nous sommes tous ici pour que nos propositions visant à améliorer la vie des Français, nos idées sur la bonne marche de notre pays et nos projets politiques se confrontent publiquement.

La décision de la majorité sénatoriale de ne pas examiner le budget en séance nous prive de ces moments qui sont le sens et le coeur de notre engagement. Cette décision risque d'amplifier le rejet des citoyens vis-à-vis de la politique. Elle met à mal la notion même de bicamérisme et son impact sur l'image du Sénat m'inquiète. Pourquoi la majorité sénatoriale ne propose-t-elle pas un budget alternatif à celui du Gouvernement afin qu'elle assume ses choix politiques devant les Français ?

Le groupe socialiste n'aura donc pas l'opportunité de souligner en séance les avancées notables que constitue ce budget de la culture, qu'il s'agisse de l'accent mis sur la jeunesse avec un renforcement de l'éducation artistique et culturelle associé à une hausse de 17 % des crédits, de la revalorisation des crédits déconcentrés, en progression de 7 %, pour assurer une diffusion sur tout le territoire des artistes et de la culture, en particulier dans les zones défavorisées, ou encore de l'augmentation de 3,8% des moyens en crédits de paiement du budget du patrimoine.

Nous aurions aimé en débattre en séance mais vous n'assumez pas vos divergences sur ces sujets. Nous le regrettons. Les Français jugeront.

Mme Colette Mélot. - Suite à ces observations, le groupe des Républicains s'abstiendra sur les avis présentés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souligne que les musiques dites savantes, au même titre que les musiques actuelles, n'ont pas non plus profité de la hausse budgétaire de la culture. J'en veux pour preuve que le syndicat Les Forces musicales et l'Association française des orchestres s'en sont émus auprès de la ministre.

M. Philippe Nachbar. - La Fondation du patrimoine maritime et fluvial (FPMF) était effectivement abritée depuis 1997 par la Fondation du patrimoine mais des problèmes de lourdeur administrative, liés au fait que le bras actif de la fondation, l'Association des Amis de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, devait subsister sous la forme d'association, ont conduit à transformer, au printemps 2015, la FPMF en Association patrimoine maritime et fluvial (APMF), réduisant ainsi les frais de gestion et les sources d'erreur. C'est cette association qui est désormais chargée de la mission de service public de labellisation des bateaux d'intérêt patrimonial et d'inventorier, de sauvegarder, de préserver et de promouvoir le patrimoine maritime et fluvial non protégé par l'État. Un représentant de la Fondation du patrimoine siège au sein de la commission de labellisation.

Quant au patrimoine immatériel, il n'en est pas beaucoup fait état dans le bleu budgétaire, sauf pour évoquer la défense de la pluralité linguistique et le soutien aux projets de commémoration nationale. À moins que vous n'évoquiez les métiers d'art ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Le patrimoine immatériel concerne tous les savoir-faire, notamment liés aux métiers d'art ou à l'art lui-même.

M. Philippe Nachbar. - Cela me paraît donc concerner le patrimoine dans sa globalité et relever de l'ensemble des chapitres de son budget. Pour ce qui est des savoir-faire, j'évoquais la possibilité de certaines entreprises, avec l'augmentation des crédits, de se remettre à flot. Je ne dispose pas, pour le reste, de réponse chiffrée.

Je me réjouis que la DRAC de la région PACA accorde une importance toute particulière au patrimoine, comme le souligne Mireille Jouve. En évoquant les problèmes liés aux régions, je faisais référence aux soucis posés par leurs nouveaux périmètres et la difficulté d'harmoniser des méthodes de travail. Les DRAC ont pour instruction de réserver 10 % de leurs crédits d'investissement au patrimoine des propriétaires privés. Ils rencontrent eux aussi des difficultés qui peuvent nuire à l'accessibilité du patrimoine dont ils ont la charge, faute de pouvoir financer des investissements parfois très coûteux.

Je partage l'avis de Françoise Férat sur la RAP et sur le déséquilibre au détriment des collectivités locales vis-à-vis de l'INRAP.

Enfin, la loi NOTRe a effectivement réaffirmé le principe de la compétence partagée en matière de culture et les départements peuvent évidemment continuer à financer le patrimoine. Ces départements rencontrent toutefois des difficultés, notamment liées aux budgets sociaux qui sont à leur charge et qui relèvent de leur compétence « numéro un ». Il est donc à craindre qu'ils se désengagent au profit des régions, même si certains continuent évidemment à s'investir sur les questions de protection des patrimoines.

M. David Assouline. - Ne pas être enthousiaste face à une telle augmentation du budget de la création dans le contexte budgétaire que l'on connaît reviendrait à faire montre de pessimisme. Et c'est souvent ce pessimisme qui tire notre pays vers le bas. Il faut au contraire s'accrocher à ce qui va bien, le valoriser et le faire savoir ! La culture a été très durement frappée à la suite des attentats et a, aujourd'hui, besoin de cela. On aurait pu se demander si les Français qui ont été marqués par les attentats allaient de nouveau se rendre dans les salles de spectacle, faire la queue, aller au cinéma. Mais des signes positifs ont été donnés par l'État et les Français ont répondu présents.

Je réponds à Françoise Laborde que les festivals sont éligibles au fonds d'urgence pour le spectacle vivant. Il ne concerne pas les seules salles de spectacle. D'ailleurs, le fonds avait été réabondé à hauteur de 7 millions d'euros juste avant l'été, pour permettre en particulier de venir en aide aux festivals avant le début du gros de la saison. Les difficultés rencontrées par les festivals dans notre pays sont connues et il est vrai que certains ont disparu. Mais, cette année encore, des créations de nouveaux festivals compensent et dépassent même les disparitions. Les festivals gratuits sont, toutefois, de plus en plus rares par absence de financements locaux, comme de sponsors ou d'investisseurs. Ce point particulier ne doit pas cacher l'engouement extraordinaire que connaît chaque été notre pays en faveur de ces événements culturels.

Penser que ce budget est un budget rêvé ne veut pas dire qu'il est en tout point parfait. Je suis, en général, le premier à dénoncer les points négatifs comme les baisses du budget de la culture de 2013 et 2014, alors même lorsqu'ils étaient le fait d'un Gouvernement de mon bord politique. J'espère d'ailleurs que si la droite revenait au pouvoir, l'actuelle majorité sénatoriale en ferait de même.

Si ce budget ne prévoit aucune augmentation des crédits en faveur des orchestres, les SMAC bénéficient, elles, d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros. En dépit de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, cette augmentation devrait permettre de revaloriser l'enveloppe moyenne qui peut être allouée à chacune d'entre elles.

Il est entendu que les chaînes de télévision sont favorables à une révision de la chronologie des médias puisqu'il est dans leur intérêt de pouvoir diffuser le plus tôt possible les films après leur sorties en salles. Je constate que les neuf mois d'attente prévus se situent parmi les délais les plus courts au monde. Je constate également que ce sont les entrées en salles qui garantissent la bonne santé du cinéma. Il ne faut donc pas qu'une diffusion trop hâtive des films à la télévision se fasse au détriment de la fréquentation des salles. Je ne suis, en revanche, pas contre une modification de la chronologie existante à la marge, mais la demande de Canal + de passer à six mois est excessive et personne, d'ailleurs, ne l'accepte dans le secteur du cinéma.

Enfin, j'indique que l'article instaurant un système de gestion de droits obligatoire pour les auteurs d'arts visuels dont les oeuvres sont reproduites par les services de référencement d'images sur Internet sans leur autorisation doit s'appliquer six mois après l'entrée en vigueur de la loi CAP, soit le 7 janvier 2017. Ce délai n'étant pas encore échu, je ne peux aujourd'hui vous dire ce qu'il en est. J'avais, en ce sens, interpellé la ministre afin qu'elle établisse une notification pour que d'éventuelles procédures de la Commission européenne ne retardent pas la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. Cette notification a bien été faite et j'espère que notre commission se penchera dans quelques mois sur l'application et l'efficacité de cette mesure.

M. Jean-Claude Luche. - Un certain nombre d'entre nous se réjouissent de l'augmentation des crédits mais je constate que, comparés à ceux de 2012, ces crédits ont connu une baisse. J'ai, par exemple, évoqué le recul de 37 % des crédits des conservatoires. Cette baisse a causé d'énormes dégâts dans notre pays chez les acteurs culturels, d'autant qu'elle s'est ajoutée à une baisse des dotations aux collectivités territoriales. Je confirme que les départements ont d'importantes difficultés financières. Malgré toute leur bonne volonté, certains ont beaucoup de mal à conserver l'ampleur de leur action culturelle, laissant faire les DRAC ou les régions, elles-mêmes confrontées à la difficile mise en place de la nouvelle organisation territoriale. Je suis, en ce sens, très inquiet pour les festivals devant se tenir en 2017.

Je note donc l'augmentation des crédits, ai plaidé pour un vote de sagesse, mais je pense sincèrement que nous pouvons mieux faire. On peut toujours mêler au débat les circonstances électorales de ce budget, mais les chiffres sont têtus. Ils reflètent des réalités et on ne peut que regretter les coupes faites au détriment de nos acteurs culturels. Je pense aux organisateurs d'un certain nombre de festivals ou de manifestations culturelles qui n'ont plus les moyens d'assurer la pérennité de ces événements. À travers eux, c'est l'attractivité de l'ensemble de notre pays qui est mise en péril.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Notre commission avait été saisie pour avis dans le cadre de la loi NOTRe. Puisque la compétence culture restait partagée entre les différents niveaux de collectivités territoriales et que leurs budgets représentent les deux tiers des financements à destination de la culture, la commission préconisait l'instauration d'une commission culture au sein des Conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Je constate globalement peu de coordination entre les niveaux de collectivités territoriales alors qu'il est au contraire nécessaire que ces différents niveaux s'organisent pour permettre que perdurent des pans entiers de notre politique culturelle. Je peux citer les conservatoires en exemple mais cela concerne bien d'autres sujets.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission «Culture » du projet de loi de finances pour 2017.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Médias, Livre et industries culturelles » - Crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » « Presse », « Livre et industries culturelles » et « Audiovisuel extérieur » - Examen du rapport pour avis

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel. - Nous examinons aujourd'hui les crédits de l'audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 2017 prévus par les programmes 841, 842, 843 et 845 pour les quatre sociétés de l'audiovisuel public que sont France Télévisions, Arte-France, Radio France et l'INA.

Ces crédits correspondent à la troisième année d'application du contrat d'objectif et de moyens (COM) de Radio France pour la période 2015-2019 et à la deuxième année d'application du COM de France Télévisions pour la période 2016-2020. Je vous rappelle que notre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de ces deux contrats d'objectifs et de moyens.

Vous ne serez donc pas surpris que mon regard reste assez critique sur la situation de l'audiovisuel public qui ne répond pas pleinement à nos attentes, mais je vais aussi faire mon possible pour mettre en valeur les aspects positifs de ce budget, qui ne sont pas négligeables, et qui souvent auraient mérité d'être approfondis.

Au chapitre des déceptions, je me dois de mentionner l'absence de réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). La ministre de la culture et de la communication nous a annoncé que ses services travaillaient sur cette réforme mais elle ne nous a donné ni calendrier ni précisions sur ses contours.

Le débat à l'Assemblée nationale a été très intéressant puisque nos collègues députés ont refusé d'augmenter la CAP au-delà de l'indexation sur l'inflation pour un euro. Le second euro de hausse a été remplacé par un prélèvement sur les recettes de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) sans en augmenter le taux. Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer cette initiative de la majorité de l'Assemblée nationale qui s'inscrit dans le prolongement des recommandations du rapport d'information que nous avons publié l'année dernière avec notre collègue André Gattolin. Nous avions reçu à cette occasion votre soutien, madame la présidente, pour affirmer que le produit de la TOCE avait vocation à bénéficier entièrement au financement de l'audiovisuel public comme c'était sa raison d'être initiale en 2009.

Le taux d'équipement des ménages en téléviseurs a commencé sa baisse inéluctable avec moins un point par an depuis trois ans, ce qui crée une inégalité de plus en plus forte entre les foyers qui possèdent un récepteur et doivent s'acquitter de la CAP et ceux qui écoutent la radio publique, consultent les applications mobiles comme celle de Franceinfo et regardent les programmes de France Télévisions sur leur ordinateur sans s'acquitter de la redevance. Comme l'ont reconnu les services du ministère de la culture et de la communication, il était difficile d'envisager de soumettre à cette taxe 800 000 ménages à quelques mois d'échéances démocratiques importantes. Je souhaite que cette réforme soit inscrite à l'agenda de 2018 quelle que soit l'issue de ces échéances.

La place de la publicité sur le service public continue à poser question. Le COM de France Télévisions a prévu le maintien d'un niveau élevé de recettes publicitaires et on constate que la course à l'audience continue à être un facteur déterminant dans le choix des programmes du groupe public, en particulier l'après-midi. L'échec des émissions nouvelles lancées en septembre 2016 est d'abord un échec par rapport à un objectif d'audience et donc de publicité. Ces nouvelles émissions n'ont donc pas pour objectif de surprendre par leur originalité, leur caractère innovant ou leur plus-value culturelle. Une nouvelle fois, je ne peux que constater l'absence de différence significative ou suffisante avec certaines chaînes privées. Je m'inquiète par ailleurs de la réforme du parrainage qui a tendance, dans les faits, à rétablir la publicité sur le service public de 20 h 30 à 21 heures en multipliant les programmes courts qui sont « emballés » de messages publicitaires. Là encore ce n'est pas le chemin que nous préconisons pour redonner sa spécificité au service public.

Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer en 2e lecture sur la proposition de loi de notre collègue André Gattolin visant à interdire la publicité dans les émissions consacrées à la jeunesse du service public. Ce sera pour nous le moment d'envoyer un signal clair concernant notre conception de l'audiovisuel et de la protection de l'enfance.

Concernant le groupe de télévision public, je rappellerai tout d'abord les cinq points qui me semblaient positifs dans le nouveau COM et dont on trouve la concrétisation dans ce budget pour 2017.

Le premier point positif est que les objectifs assignés à la direction de France Télévisions ont été clarifiés.

Le deuxième est que le lancement de la chaîne d'information en continu a démontré que le regroupement des moyens de l'audiovisuel public permettait de conduire des projets nouveaux avec un coût maîtrisé.

Le troisième point positif est l'objectif de hausse des recettes commerciales. Il est, en particulier, la conséquence d'une meilleure valorisation des droits attachés à la production. L'accord du 10 décembre 2015 est entré en vigueur et si Multimédia France production (MFP) devrait limiter en 2017 sa part de production dépendante à 6 ou 7 %, ce sont donc 18 % au moins des nouvelles productions financées par France Télévisions qui pourront bénéficier des droits élargis prévus dans le cadre de la zone de souplesse.

Le quatrième point de satisfaction concerne la baisse prévue des recettes publicitaires autour des émissions jeunesse à partir de 2018.

Le cinquième point de satisfaction concerne la hausse des dépenses en faveur de la création audiovisuelle de 20 millions d'euros.

Ces points positifs, je souhaitais les évoquer à nouveau pour bien montrer combien il est nécessaire d'avoir une approche globale de la situation. Il n'en demeure pas moins que le rythme des réformes n'est pas encore suffisant à mon sens et que les efforts ne doivent pas être relâchés mais accélérés. La hausse des moyens de France Télévisions, qui devrait représenter une augmentation de 38 millions d'euros de ressources publiques pour atteindre 2,547 milliards d'euros, illustre parfaitement l'insuffisance des réformes menées, qui auraient dû permettre une stabilité si ce n'est une baisse des ressources publiques.

C'est vrai notamment de la réforme de France 3 qui reste à faire, en particulier, sur les éditions locales. L'adaptation au nouveau cadre régional ne sera que partiel et on peine à comprendre pourquoi les effectifs de France 3 demeurent aussi importants. Cette chaîne compte 3 500 personnes soit autant que TF1 et M6 réunis !

Concernant la fusion des rédactions qui sera effective en 2018, je ne peux que regretter le manque de précisions sur l'évolution des effectifs qu'elle devrait permettre de conduire. La présidente de France Télévisions m'a indiqué que le projet Info 2015 n'avait pas été conçu par son prédécesseur avec l'objectif de réduire les effectifs. C'est pourtant la base lorsque l'on fait une fusion que d'essayer de faire mieux avec moins de moyens, ces derniers étant le fruit des impôts payés par les Français, je le rappelle.

La présidente de France Télévisions m'a réaffirmé sa confiance dans le fait que l'entreprise serait en mesure de tenir le rythme des non-renouvellements des départs à la retraite avec un objectif de 500 équivalents temps plein (ETP) en moins. Concernant les rémunérations multiples mises en évidence par un récent rapport de la Cour des comptes, la présidente de France Télévisions m'a indiqué qu'elle avait engagé des échanges avec les animateurs concernés afin qu'ils ne bénéficient plus de rémunérations complémentaires à leur salaire payé par France Télévisions. C'est une bonne chose. Certains animateurs étaient, en effet, payés deux fois. Une première fois en tant que salarié de France Télévisions et une seconde par les sociétés de production auxquelles France Télévisions fait appel.

Mes inquiétudes concernant l'avenir de la plateforme SVOD du groupe public ont été, je le crois, entendues. Ce projet qui reste très pertinent sur le fond n'est plus considéré comme une évidence à mettre en oeuvre à tout prix. La présidente de France Télévisions évoque maintenant des conditions à respecter pour valider le projet qui montrent que la décision n'est pas prise. Ces conditions sont, notamment, la nécessité d'un partenaire doté d'un catalogue, la viabilité sans recourir à la CAP, ou la cohérence avec les programmes du groupe. Je réaffirme mon souhait que ce projet, qui présente un véritable risque industriel, fasse l'objet d'un débat devant les commissions compétentes avant que la décision finale ne soit prise.

Un mot enfin sur la transparence, France Télévisions va renforcer les modalités de validation des achats de programmes à des sociétés de production qui emploient des conseillers de programmes issus du groupe. C'est une bonne initiative car il semble y avoir quelques abus dans ce domaine.

Je terminerai sur une remarque d'ordre général concernant les programmes de France Télévisions et plus particulièrement l'information. Le groupe public a une mission d'exemplarité et de sérieux. Il est bien de vouloir renouveler les genres et d'innover mais il ne faut pas que cela soit au détriment de la rigueur. Je pense en particulier à la façon dont sont conduits les débats politiques sur France 2 et au ton parfois léger de certains modules de Franceinfo. J'ai soutenu le lancement de la chaîne d'information du service public alors que nombre des membres de mon groupe considéraient que cette dépense n'était pas nécessaire. Mais je dois avouer que cette chaîne doit encore faire ses preuves.

J'en viens maintenant à Radio France qui bénéficiera de 625,11 millions d'euros au titre du programme 843. Les derniers chiffres d'audience ne sont pas mauvais pour les antennes du groupe. Selon la direction de l'entreprise, ce sont les changements de grille engagés depuis 2014 qui commencent à porter leurs fruits.

Concernant les moyens, la direction de l'entreprise rappelle que la trajectoire est orientée à la baisse depuis 2012 avec une inflexion particulière en 2014/2015. Par ailleurs, les moyens nouveaux ne concernent que l'investissement, c'est-à-dire le chantier et non le fonctionnement. Le surcoût généré par le chantier pèse donc sur le fonctionnement de l'entreprise. La réhabilitation de la maison de la Radio est elle-même à l'origine de nouveaux coûts pour l'entreprise, notamment en raison des frais de location occasionnés par les déménagements et les travaux.

La dotation totale de ressources publiques sera de 612,3 millions d'euros hors taxe, soit 625,1 millions d'euros toute taxe comprise, en augmentation de 5,5 millions d'euros. 577,7 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement et 34,6 millions d'euros à l'investissement.

Cette hausse de 5,5 millions d'euros se répartit entre 5 millions d'euros de CAP pour financer les travaux de la Maison de la radio et un demi-million de dotation complémentaire hors COM pour compenser la perte de recettes publicitaires liées au nouveau site de Franceinfo dépourvu de publicité. Je rappelle que le Gouvernement s'est engagé à apporter 80 millions d'euros à Radio France sur la période du COM (55 millions d'euros de dotation en capital et 25 millions d'euros de CAP).

Les chantiers de l'entreprise restent nombreux et difficiles un an après la grève de 2015. Un important travail doit être poursuivi pour renforcer le contrôle interne et renouveler le dialogue social. La masse salariale doit être véritablement maîtrisée, ce que ne prévoit pas complètement le COM. Enfin, des réformes comme celle des formations musicales restent à conduire. À ce sujet, il semble qu'un accord soit à portée de main pour permettre une meilleure articulation entre les deux orchestres qui verraient leurs périmètres redéfinis.

J'ai déjà eu l'occasion de regretter le fait que l'entreprise publique connaisse des déficits. Compte tenu de l'absence de véritables recettes dépendantes de son activité puisque l'évolution du cahier des charges sur la publicité de Radio France a plutôt permis de consolider les recettes, un déficit pour une telle entreprise ne peut que signifier des problèmes de gestion.

Je note néanmoins que le déficit de 2016 qui était prévu à 16,5 millions d'euros devrait finalement atteindre 13,5 millions d'euros. Un déficit de 6,5 millions est prévu en 2017.

J'observe également les difficultés que connaît Radio France pour faire baisser ses effectifs qui devraient atteindre 4 201 ETP fin 2016, en retrait de seulement six ETP.

Face à cette rigidité du côté des effectifs, les efforts portent sur les achats.

Cette situation assez tendue sur le plan financier ne met pas l'entreprise dans les meilleures dispositions pour poursuivre ses missions, on pense au développement de la filière production, à la couverture des festivals sur le territoire et à l'éducation aux médias. Le développement numérique pour toucher des publics plus jeunes a également un coût.

La direction de Radio France a exprimé sa plus vive inquiétude sur l'absence de réforme de la CAP, craignant, le moment venu, une rupture dans les moyens alloués à l'entreprise, qui se traduirait inévitablement par une modification du périmètre des activités.

Concernant les grands sujets d'avenir, il est clair que le prochain gouvernement sera confronté à un choix difficile concernant la fin du chantier. La réfection des studios moyens de la maison de la Radio dont le coût est estimé à 67,5 millions d'euros n'a pas été budgétée. Or, il apparaît difficilement imaginable de ne pas finir complètement ces travaux. Y revenir ne ferait qu'augmenter les coûts, puisqu'il faudrait à nouveau mettre le bâtiment en mode chantier. L'entreprise serait sans doute prête à prendre 35 % du coût de ce dernier chantier à sa charge mais cela laisse encore 43 millions d'euros à trouver.

Radio France propose de poursuivre les mutualisations entre les entreprises publiques sur les thèmes de la jeunesse et de la culture. Par ailleurs, la direction ne ferme pas la porte à une proposition de rapprochement entre France 3 et France Bleu, sur la base d'un vrai projet éditorial restant à définir.

J'en viens maintenant à Arte qui bénéficiera de 280 millions d'euros inscrits au programme 842. Le précédent COM prévoyait de mettre l'accent sur une relance éditoriale et le développement numérique. Les résultats obtenus sont au-delà de toutes les espérances puisque l'audience a augmenté de 50 % en France en 5 ans passant de 1,5 % à 2,2 % et de 30 % en Allemagne. Les fondements de cette relance sont à rechercher dans les programmes. La tranche info de 19h45 a trouvé un ton et un style de grande qualité. Les reportages sont également appréciés, de même que les soirées consacrées à la fiction et au cinéma d'auteur. Sur internet, Arte a multiplié les initiatives en lançant des plateformes comme Arte Concert, Arte Créative ou Arte info. La stratégie européenne se poursuit. Après avoir ajouté l'anglais et l'espagnol dans ses langues de diffusion, Arte prévoit de diffuser prochainement des programmes en polonais.

Nous examinerons prochainement le projet de COM 2017-2021 d'Arte. Sans entrer dans le détail, je crois pouvoir dire que son ambition vise l'augmentation des programmes inédits afin de pouvoir réduire les rediffusions en journée avec un objectif de d'augmentation de 15 % d'inédits d'ici 2021. La présidente d'Arte est convaincue que le délinéarisé va devenir le mode de diffusion dominant. La chaîne va donc multiplier les modes de diffusion sur internet et sur les réseaux sociaux. Dès 2017, la priorité sera donnée aux programmes grâce aux 10 millions d'euros supplémentaires de crédits.

Je terminerai en évoquant brièvement la situation de l'INA qui bénéficiera de 89 millions d'euros hors taxe, soit 90,87 millions d'euros toute taxe comprise au titre du programme 845.

L'année 2017 constituera la troisième année de la mise en oeuvre du COM 2015-2019 auquel nous avions donné un avis favorable. L'INA continuera sa mission de conservation des archives audiovisuelles lancée en 1999. Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) est prévu pour s'achever en 2020. Il doit aussi faire évoluer son offre dans le nouveau contexte marqué par l'explosion des usages numériques.

Le président de l'INA souhaite que son établissement puisse relancer ses ressources propres, en baisse en 2016, afin de justifier son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

Les efforts de gestion seront poursuivis concernant en particulier les achats et les emprises immobilières. La résiliation du bail de l'immeuble de la rue de Patay doit permettre une économie de 500 000 euros en 2016 et 2,3 millions sur la durée du bail.

L'INA a pu rappeler son savoir-faire remarquable à l'occasion de sa participation à la chaîne Franceinfo à laquelle elle fournit des modules historiques extraits de ses archives.

Cet esprit de coopération pourrait permettre des initiatives conjointes dans le domaine de la formation où les moyens sont encore très dispersés. Laurent Vallet propose de faire de la formation la seconde brique des mutualisations engagées par les sociétés de l'audiovisuel public. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'encourager ces initiatives qui amènent de l'eau au moulin du projet de regrouper les quatre sociétés de l'audiovisuel public dans une structure commune.

À noter également que la masse salariale devrait être légèrement inférieure à l'objectif du COM en 2017 à 67 millions d'euros, contre 67,5 millions d'euros.

Un mot enfin sur le service SVOD « INA Premium » lancé en septembre 2015, qui comprend aujourd'hui 8 000 abonnés pour un coût de 2,99 euros par mois. Avec un prix attractif et des contenus de haute valeur ajoutée dont l'INA possède les droits, le nombre d'abonnés reste très modeste, ce qui démontre la difficulté à lancer une plateforme SVOD, surtout pour ceux qui n'ont pas de catalogue.

Au terme de cette présentation, on constate un vrai dynamisme de notre audiovisuel public et des initiatives, qui contrastent avec les incertitudes qui planent sur son financement et les difficultés à mener des réformes pour réduire les coûts comme le permet la révolution numérique. Il manque toujours, à mon sens, une véritable volonté politique pour avancer dans cette direction.

C'est pourquoi, sans mésestimer les efforts réalisés par les différents acteurs, je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel pour 2017.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur. - Nous examinons aujourd'hui à la fois les crédits de l'audiovisuel extérieur et le projet de COM de France Médias Monde. Je serai donc assez brève sur la situation de France Médias Monde puisque nous y reviendrons plus en détail dans quelques instants.

Je rappellerai seulement concernant France Médias Monde que l'entreprise a été créée formellement le 13 février 2012 dans un contexte difficile marqué par des conflits. Le COM qui s'achève est donc le premier pour le groupe qui reste constitué d'entités avec une identité propre.

Le rapprochement des rédactions ayant été abandonné en 2012, la stratégie retenue repose aujourd'hui sur la complémentarité des antennes afin de toucher des publics différents.

La situation de la radio et celle de la télévision demeurent différentes puisque RFI émet en une quinzaine de langues avec des positions de leader, notamment en Afrique, tandis que France 24 n'émet qu'en français, en anglais, en arabe et bientôt en espagnol et reste le plus souvent un « challenger » sur ses marchés. De plus, les moyens de France Médias Monde sont sans commune mesure avec ceux de ses concurrents, la BBC et Deutsche Welle, créant un décalage permanent entre les ambitions du groupe de figurer dans le peloton de tête au niveau mondial et les moyens qui lui sont accordés, uniquement suffisants pour maintenir ses positions.

Il est à noter que l'année 2016, première année d'application du nouveau contrat d'objectifs et de moyens, a marqué une inflexion heureuse pour l'entreprise qui a vu sa part de CAP augmenter de 2 millions d'euros à 244 millions d'euros.

Cette tendance sera plus que confirmée en 2017 avec une part de CAP de 251,5 millions d'euros. Les ressources propres sont également appelées à croître pour atteindre 4,5 millions d'euros contre 4,3 millions en 2016. Le total des produits devrait donc s'élever à 260,9 millions d'euros en 2017 contre 254,6 millions d'euros en 2016.

Le total des charges devrait atteindre 260,6 millions d'euros en 2017, laissant apparaître un résultat d'exploitation positif de 0,3 million d'euros. Il n'est pas souhaitable, en effet, que les sociétés de l'audiovisuel public connaissent des déficits comme c'est le cas à Radio France.

Le coût des grilles de programmes constitue le poste le plus important des comptes de FMM puisqu'il s'élèvera à 176,2 millions d'euros en 2017. Le coût de la nouvelle chaîne France 24 en espagnol qui sera lancée en septembre 2017 devrait s'élever à 2,3 millions d'euros et à 7,3 millions en 2018, première année pleine. Les investissements dans le numérique seront également en hausse à 8,9 millions d'euros, de même que les frais de diffusion à 27,3 millions d'euros.

À noter, par ailleurs, que le bleu budgétaire prévoit, pour sa part, que les crédits affectés à FMM dans le cadre du PLF 2017 s'élèveront à 256,81 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiements, contre 249,12 millions d'euros en 2016, soit une hausse de 7,68 millions d'euros.

Il est important de constater que de fortes progressions des chiffres d'audience sont intervenues depuis trois ans.

France 24 a ainsi accru sa distribution de 50 % en trois ans, plus de 315 millions de foyers reçoivent au moins l'une de ses trois versions et 60 millions de téléspectateurs la regardent chaque semaine avec des positions très fortes au Maghreb et en Afrique.

L'audience mondiale de RFI a connu, pour sa part une hausse de 16 % en trois ans avec 40 millions d'auditeurs hebdomadaires et celle de Monte Carlo Doualiya (MCD) une augmentation de 9% en deux ans avec 7,3 millions d'auditeurs mesurés dans le monde arabe.

Ces résultats qui parlent d'eux-mêmes montrent bien la réussite du COM 2013-2015 qui comprenait quatre objectifs principaux. Le premier de ces objectifs était de poursuivre la consolidation de la couverture mondiale de France 24, le deuxième de continuer à adapter les programmes de RFI et MCD à leurs publics, notamment par les langues de diffusion et le troisième de renforcer la stratégie de diffusion sur tous les supports numériques. Enfin, le dernier objectif de ce COM était d'approfondir les synergies, tant en interne qu'avec les autres acteurs de l'audiovisuel public.

Le bilan du COM 2013-2015 peut être considéré comme positif au vu du développement de RFI en Afrique, les progrès de MCD dans le monde arabe ainsi que la notoriété croissante de France 24, notamment au travers de ses antennes anglophones et arabophones.

Je ne peux que saluer, par ailleurs, la participation de France 24 à la nouvelle chaîne d'information du service public Franceinfo, signe qu'un renforcement des coopérations est possible au sein du service public de l'audiovisuel. Marie-Christine Saragosse nous a rappelés, lors de son audition, l'importance qualitative et quantitative de cette participation.

Le principe d'un échange équilibré sur le plan économique entre France Médias Monde et France Télévisions, retenu dans la convention de partenariat, permet de ne pas solliciter le budget de l'entreprise au détriment de ses missions internationales. C'est ainsi qu'un terme a été mis à la facturation à France 24 de l'accès aux images de France Télévisions à hauteur d'un million d'euros par an, instituée à l'origine de la création de la chaîne d'information internationale.

Concernant les personnels de France Médias Monde, l'accord professionnel du 31 décembre 2015 a permis, après deux années de négociations, d'avancer dans la voie du rapprochement des conditions de travail. L'effort de convergence a visé deux objectifs distincts : le premier d'augmenter la durée du temps de travail et les salaires chez RFI et MCD et le second de baisser le temps de travail chez France 24. Au total, le coût des mesures prévues pour engager l'harmonisation sociale s'établit à 4,135 millions d'euros en 2016. Je détaillerai dans mon rapport écrit l'ensemble des aspects financiers de cette négociation mais permettez-moi d'ores et déjà de saluer les qualités managériales de la présidente de France Médias Monde et de son équipe qui a réussi, à travers cet accord, à poser les fondements de règles communes à l'ensemble des personnels.

Je terminerai sur France Médias Monde en évoquant le projet de chaîne France 24 en espagnol. Le projet éditorial retenu prévoit une diffusion de six heures quotidiennes, deux heures le matin et quatre heures le soir, afin de toucher le coeur de l'audience dans l'ensemble des pays couverts. La grille comprendra des journaux télévisés de 15 minutes toutes les heures avec le rappel des titres et la météo, ainsi que des magazines d'analyse et de décryptage déjà existants sur les autres chaînes et adaptés en espagnol. Enfin, trois émissions de débats et d'idées seront réalisées depuis Paris en coproduction avec la rédaction hispanophone de RFI. Il s'agit de « Café des sports », « Club de la presse » et « Grand entretien ».

Afin de permettre d'assurer une certaine proximité, une rédaction décentralisée en Amérique latine est en voie de création à Bogota, en Colombie, qui comprendra 28 ETP recrutés localement. La chaîne pourra également solliciter l'important réseau de correspondants de RFI et de France 24 sur le continent. L'équipe parisienne devrait comprendre six ETP répartis entre France 24 et RFI. Elle pourra s'appuyer sur l'expertise de la rédaction espagnole de RFI.

Sur un marché total de 100 millions de foyers, France 24 vise, à terme, une performance équivalente à celle de Deutsche Welle qui touche à 8 et 10 millions de foyers. Le projet est donc à la fois ambitieux et très motivant pour l'entreprise et ses salariés.

Concernant TV5 Monde maintenant, je rappellerai que cette chaîne multilatérale francophone basée à Paris associe les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Canada et plus spécifiquement du Québec. Sa mission consiste à servir de vitrine à la francophonie, à promouvoir la diversité culturelle et à favoriser les échanges de programmes. Elle diffuse ses programmes par câble et satellite, sous la forme de neufs signaux régionaux distincts, dans plus de 200 pays représentant plus de 255 millions de foyers. La présidente de France Télévisions, qui détient 49 % des parts, préside le conseil d'administration de TV5 Monde.

Les audiences de TV5 Monde au niveau mondial ne peuvent pas être calculées précisément faute d'outil, mais elle est estimée à 44 millions par semaine en 2015 sur 24 pays mesurés. Un autre indicateur est représenté par la notoriété de la chaîne, de 97% à Abidjan en Côte d'Ivoire, de 87% en Algérie mais seulement de 40% en Europe sur un public de cadres. Ces chiffres d'audience confirment les fortes positions de la chaîne en Afrique. En Europe, TV5 Monde constate depuis deux ans une baisse de ses audiences du fait des progrès de la délinéarisation, en particulier aux Pays-Bas. Le bleu budgétaire précise que « compte tenu de la segmentation des audiences du fait de l'augmentation de l'offre de chaînes numériques, le simple objectif de maintien de la performance d'audience globale sur les cibles d'audiences en 2016 et 2017 demeure un objectif ambitieux ».

Sur le plan budgétaire, la chaîne internationale francophone se trouve confrontée à une double difficulté qui tient, d'une part, aux suites de l'attaque informatique dont elle a été victime le 8 avril 2015 et, d'autre part, à l'insuffisance des financements accordés par certains actionnaires.

On peut rappeler, tout d'abord, que le précédent plan stratégique 2014-2016 a été essentiellement autofinancé par des économies, des redéploiements et une hausse des ressources propres. Les recettes publicitaires sont ainsi passées de 2,5 millions en 2013 à 2,89 millions en 2016 et celles de distribution de 6,47 millions en 2013 à 7,24 millions en 2016. Sur cette même période, la contribution française aura progressé de 1,9 million d'euros, soit une augmentation de 2,53 %, pour tenir compte des besoins induits pas la cybersécurité. On peut rappeler que le coût de l'attaque informatique a été de 4,6 millions d'euros en 2015, 3,5 millions d'euros en 2016 et devrait par la suite s'élever à 3 millions d'euros par an.

Les autres partenaires ont participé à hauteur de 2,06 millions d'euros en 2016 pour financer les mesures de sécurité et à un niveau de 0,42 million sur le reste de la période.

Le niveau élevé des dépenses de sécurité informatique depuis 2015 a eu pour conséquence de contraindre TV5 Monde à limiter ses investissements, sa communication mais aussi ses achats de programmes.

La chaîne est donc encore aujourd'hui affaiblie. Non seulement elle n'a pas retrouvé son fonctionnement normal mais la dégradation de son antenne devrait inéluctablement avoir des conséquences en 2016 sur ses audiences.

Aujourd'hui encore, les équipes de TV5 Monde vivent dans la crainte d'une nouvelle attaque qui, selon l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), pourrait intervenir au moment où le réseau informatique sera complètement raccordé à internet.

Cette situation contraint la chaîne à tenter de trouver de nouveaux partenaires pour assurer son financement et retrouver une dynamique porteuse dans le cadre de son nouveau plan stratégique 2017-2020. Le directeur général de TV5 Monde, Yves Bigot, m'a indiqué à cet égard que Monaco et le Luxembourg avait été sollicités, mais que seule la principauté avait montré de l'intérêt. Elle demandait à pouvoir s'impliquer de manière progressive et pour un niveau moindre que celui de la Belgique, la Suisse, et le Canada par le biais du Québec, qui détiennent chacun 11,11 % du capital.

Alors que le précédent plan stratégique mettait l'accent sur le repositionnement éditorial avec le développement de productions propres, un recentrage sur les valeurs de la chaîne, et le lancement d'une chaîne jeunesse en Afrique, le nouveau plan met l'accent sur la transformation numérique de l'entreprise. Cette priorité donnée au numérique nécessitera à la fois de former les personnels et de s'adapter aux spécificités des différents publics qui ne consomment pas le numérique de la même façon.

Les priorités de TV5 Monde étant fixées par ses différents actionnaires, la chaîne devra poursuivre des objectifs pas toujours simples à mener de front, comme le passage à la haute définition (HD) en Afrique, sans renoncer pour autant à la définition standard (SD) afin de préserver ses positions et maintenir une distribution la plus large possible.

Afin de ne pas se limiter aux publics francophones, la chaîne devra également poursuivre sa politique ambitieuse de sous-titrage. La distribution aux États-Unis et en Afrique de la chaîne « jeunesse » et en Asie et dans le monde arabe de la chaîne « art de vivre » demeureront également des priorités.

Une refonte des différents sites de TV5 Monde est également prévue ainsi que la création de nouvelles applications mobiles. Il est toutefois à craindre que l'insuffisance des moyens nécessite de décaler dans le temps certains aspects du plan stratégique comme la poursuite du passage en HD en Europe, l'augmentation du sous-titrage et le renforcement des productions propres.

Dans ce contexte, je ne peux que saluer l'augmentation de la contribution française au financement de TV5 Monde inscrite au programme 847 créé en 2015 qui passera de 78,55 millions d'euros en 2016 à 80 millions d'euros en 2017.

Pour conclure sur une note peut-être plus positive, il ressort de l'audition du directeur général de la chaîne, Yves Bigot, que la coopération de TV5 Monde avec France Télévisions continue à produire des effets positifs, que ce soit sur la fourniture de programmes, la lutte contre le piratage et l'association aux procédures d'achats. Un des enjeux importants à l'avenir sera la possibilité pour TV5 Monde de s'associer à France Télévisions pour l'achat des droits numériques.

Le directeur général de TV5 Monde appelle également à des échanges sur la future plateforme SVOD et propose de réfléchir à une dimension francophone en indiquant que la fiction africaine devrait être de qualité d'ici quelques années. Il regrette cependant que TV5 Monde n'ait pas été associé à la chaîne publique d'information.

À l'issue de cette présentation, il apparaît clairement que les enjeux auxquels doit faire face notre audiovisuel extérieur sont considérables. Cependant le budget 2017 est l'occasion pour le Gouvernement d'accorder des moyens nouveaux significatifs qui, s'ils ne sauraient être suffisants, constituent néanmoins une avancée importante qu'il convient de saluer. C'est donc sans hésitation que je vous propose de donner un avis favorable aux crédits prévus par les programmes 844 et 847.

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse ». - Les années passent, le constat demeure : le marché de la presse papier, victime d'un vieillissement de son lectorat et de la fuite de ses recettes publicitaires, s'érode inexorablement. En 2015, pour la huitième année consécutive, il affiche une perte de 3 % en valeur, pour établir son chiffre d'affaires à 7,5 milliards d'euros.

Il serait pourtant inutilement pessimiste de limiter notre analyse à une oraison funèbre car les éditeurs, soutenu par l'État, ont su réagir et moderniser leur offre, malgré une rentabilité encore vacillante. La mutation digitale de la presse représente son avenir, même si elle ne compense pas encore les pertes de revenus traditionnels compte tenu d'un prix d'abonnement inférieur à celui proposé pour les versions imprimées et de recettes publicitaires limitées bien qu'en croissance continue.

Le présent projet de budget s'attache, sur le programme 180 « presse et médias », doté de 294,3 millions d'euros dont 127,8 millions d'euros d'aides à la presse, à accompagner la presse dans sa mue, en consacrant davantage de moyens au soutien aux projets de modernisation tout en renforçant les aides aux titres les plus fragiles et les plus malmenés par une révolution numérique qu'ils ont peine à accompagner.

Dans un contexte de concentration des entreprises de presse, de paupérisation des rédactions où pigistes et stagiaires remplacent trop souvent les journalistes salariés comme c'est le cas, à titre d'illustration, de la rédaction de L'Obs, d'une crise de confiance à l'égard des médias et de concurrence des réseaux sociaux qui ne manque pas d'inquiéter, la presse représente un enjeu de société et de démocratie, qui dépasse le cadre d'un projet de loi de finances et nous oblige à la réflexion tout autant qu'à la responsabilisation.

D'un point de vue budgétaire, le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), une première fois réformé en 2014, poursuit, avec le décret du 26 août 2016, son adaptation aux besoins des éditeurs : son champ d'application est étendu à davantage de titres et, surtout, le taux de subvention des projets est relevé à 40 % voire à 70 % pour les entreprises émergentes qui souhaitent innover. 27,4 millions d'euros y seront consacrés en 2017. Parallèlement, est créé, en application du même décret, un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, doté de 5 millions d'euros en 2017 pour subventionner des programmes d'incubation et des bourses pour les médias émergents.

Ces initiatives doivent évidemment être saluées, même si, en termes d'aides à la presse, un déséquilibre considérable demeure entre les montants dont bénéficie la presse imprimée et les aides destinées à la presse en ligne. À titre d'illustration, sur 108 millions d'euros d'aides directes distribués en 2015, 93 % ont été attribués au support papier. En 2017, avec le renforcement des aides à la modernisation, cette proportion tombera à 75 %, signe d'une lente mais nécessaire adaptation de notre arsenal budgétaire en faveur de la presse aux défis de demain.

S'agissant du soutien au pluralisme, qui, vous le savez mes chers collègues, me tient particulièrement à coeur, le présent projet de budget opère également un effort louable avec l'élargissement à l'ensemble des périodicités de l'aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale en application du décret du 26 août 2016 précité. 1,47 million d'euros y sont inscrits pour 2017, qui s'ajoutent, au bénéfice du pluralisme, au 1,4 million d'euros de l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et, surtout, aux 13,2 millions d'euros de l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires déjà ambitieusement réformée l'an passé. Certes, les crédits consacrés à ces dispositifs semblent modestes en comparaison d'autres aides à la presse, mais ils n'en demeurent pas moins indispensables à la survie des titres concernés.

L'originalité du présent projet de loi de finances, pour ce qui concerne les aides à la presse inscrites au programme 180, s'arrête ici. Pour le reste, les enveloppes de l'an passé sont reconduites pour 2017, notamment pour ce qui concerne l'aide au portage (36 millions d'euros), dont la réforme ne cesse d'être annoncée sans jamais intervenir, et son appendice l'exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse (16,9 millions d'euros). Il en va de même de l'aide à la distribution de la presse (18,8 millions d'euros au bénéfice de Presstalis) et de l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (1,6 million d'euros correspondant à l'accompagnement par l'État des plans sociaux intervenus par le passé dans les imprimeries). En revanche, l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse est portée à 6 millions d'euros, soit une augmentation de 2,3 millions d'euros. Sachant que le revenu moyen d'un marchand de journaux s'établit à 11 000 euros bruts par an et que le réseau enregistre la fermeture d'environ 1 000 points de vente par an, c'est peu de dire que le coup de pouce est utile.

Les kiosquiers bénéficieront également d'une augmentation de 0,7 point de leur commission, troisième étape de la revalorisation de leur rémunération décidée par le Conseil supérieur des messageries de presse le 1er juillet 2014. Je m'en réjouis, comme je me réjouis qu'enfin, après des années d'efforts et au prix d'une casse sociale considérable, la société Presstalis affiche des résultats moins inquiétants avec un résultat d'exploitation à 2,1 millions d'euros en 2015, qui pourrait atteindre 5,1 millions d'euros cette année, nonobstant des capitaux propres lourdement négatifs. Le soutien de l'État et des éditeurs, les économies drastiques opérées par la direction et les sacrifices des salariés, dont le nombre a été divisé par deux en dix ans, ont payé.

Mon optimisme est nettement plus mesuré quant à l'avenir des Messageries lyonnaises de presse, victimes d'un changement brutal de gouvernance le 21 juin dernier et depuis soumises à la pression commerciale d'éditeurs souhaitant rejoindre Presstalis. Les engagements pris par la précédente direction en matière de mutualisation logistique avec Presstalis sont même remis en cause, au point que des voix s'élèvent pour que, dans ce contexte, la question de la fusion des deux messageries soit à nouveau examinée. Pour ma part, j'y suis plutôt favorable, dès lors que les inévitables conséquences sociales sont raisonnablement compensées et accompagnées. En tout état de cause, les négociations relatives aux barèmes, en cours dans chacune des messageries et avec les autorités de régulation, devront être l'occasion, pour chacun, de se responsabiliser et de donner aux messageries les moyens de fonctionner convenablement.

J'aborderai enfin l'épineux dossier de l'Agence France-Presse, doté, au titre du programme 180, de 132,5 millions d'euros, soit 5 millions supplémentaires, correspondant à 110,8 millions d'euros de compensation pour charges de service public et à 21,7 millions d'euros d'abonnements destinés aux administrations.

Je suis particulièrement inquiet à la lecture des chiffres qui m'ont été transmis - le résultat net, négatif pour la troisième année consécutive, s'établit à - 4,9 millions d'euros en 2015, le chiffre d'affaires commercial se rétracte et la dette consolidée atteint 71,5 millions d'euros -, comme de la teneur des auditions menées sur ce dossier, où transpiraient les tensions sociales et les inquiétudes pour l'avenir de l'Agence. En effet, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, à l'heure où un risque supérieur à 10 millions d'euros plane sur l'AFP au titre de la régularisation juridico-fiscale de ses personnels à l'étranger et où, dès 2018, des échéances de prêts pèseront un peu plus sur les comptes de l'Agence, comment croire qu'une spécialisation en « sport », domaine peu rentable pour n'importe quel média, puisse « sauver » l'Agence » ? J'en doute moi-même beaucoup et j'appelle de mes voeux un sursaut de réalisme de la part de la direction et un soutien renforcé de l'État.

Les difficultés rencontrées par la presse en matière de pluralisme, d'indépendance et de liberté, méritent plus qu'un effort budgétaire, certes louable, mais une ambitieuse réforme des aides allouées au secteur. Compte tenu de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles ». - Le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », est doté, dans le présent projet de loi de finances, de 276,9 millions d'euros de crédits de paiement.

Ils sont destinés, pour 94 %, à l'action 01 « livre et lecture », elle-même consacrée à 80 % à la subvention de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF), hors chantier du quadrilatère Richelieu.

La BnF est ainsi dotée de 210,1 millions d'euros de subvention pour charges de service public, soit une légère augmentation de 1,6 % destinée à absorber les tensions sur la masse salariale liées à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et aux mesures de sécurité mises en place après les attentats de l'an passé. Seront également financés des travaux d'entretien, menés par tranches pluriannuelles, du site François Mitterrand (renouvellement du système de sécurité incendie, mise aux normes des ascenseurs, modernisation du système de transport automatique des documents).

Parallèlement, l'interminable chantier du quadrilatère Richelieu se poursuit avec l'espoir d'être terminé en 2020. De 211 millions d'euros en 2011, le coût du projet est désormais évalué à 232,6 millions d'euros en raison d'aléas techniques et de contentieux divers, dont 80 % à la charge du ministère de la culture et de la communication. L'année 2016 a vu s'achever la première phase de travaux : les services de la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art et l'École nationale des Chartes se sont installés à l'été et, d'ici à la fin de l'année, la salle de lecture Labrouste sera ouverte au public. Pour débuter la seconde phase de travaux, 8,7 millions d'euros d'engagement et 6 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au présent projet de loi de finances, destinés notamment à la destruction, controversée, de l'escalier d'honneur au profit d'un ouvrage de taille plus raisonnable. Le coût exponentiel du chantier oblige parallèlement la BnF à faire appel au mécénat pour financer les nombreuses dépenses que l'État ne peut prendre en charge, soit environ 12 millions d'euros : la rénovation de la façade du bâtiment et des parties classées (salle ovale, salon Louis XV, galerie Mazarine) et la réfection des pavés de la cour.

Autre sujet délicat pour l'action 01 « livre et lecture » : l'atrophie continue des ressources du Centra national du livre (CNL), dont les subventions sont indispensables à nombre d'auteurs, de traducteurs, de libraires, comme aux bibliothèques et aux manifestations littéraires. Or, l'érosion du rendement des taxes (taxe sur le chiffre d'affaires des éditeurs et taxe sur les ventes d'appareil de reprographie) qui lui sont affectées pour mener ses actions mettent en danger leur avenir. Depuis 2015, disposant désormais de moins de 30 millions d'euros de recettes, le CNL réduit le montant des aides attribuées et le nombre de ses interventions. Compte tenu de l'importance du soutien de l'opérateur auprès des libraires les plus fragiles comme des auteurs qui exercent leur art dans un genre peu rentable (essai, poésie, théâtre en particulier), il est essentiel de trouver rapidement au CNL d'autres sources de financement. Attendons à cet égard les propositions que fera, rapidement espérons-le, la mission conjointement menée par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et le Conseil d'État.

Pour ce qui concerne toujours le livre et la lecture, je souhaite enfin attirer votre attention sur la condamnation, par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 16 novembre 2016, du mécanisme ReLire permettant la numérisation et la diffusion des livres indisponibles du XXe siècle, dont nous avions à l'unanimité voté le principe en 2012. La Cour a considéré que le dispositif n'entrait pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l'auteur prévues par la directive du 22 mai 2001 et qu'il ne garantissait pas suffisamment l'information effective et individualisée des auteurs concernés. Alors que 15 000 fichiers sont d'ores et déjà commercialisées et que les opérations de numérisation se poursuivent à grande échelle, sous l'égide de la BnF et avec le soutien financier du CNL, cette décision vient mettre un coup d'arrêt brutal à une opération utile, à laquelle le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2014, n'avait rien trouvé à redire. Il convient donc de se mobiliser, mes chers collègues, pour que la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001 rende possible la reprise du programme ReLire et, partant, la mise à disposition au public de milliers d'oeuvres indisponibles.

L'action 02 « industries culturelles » dispose quant à elle, comme je vous l'indiquais en préambule, d'une enveloppe fort modeste de 16,9 millions d'euros. Sur ce total, 5,3 millions d'euros bénéficient au secteur de la musique enregistrée, notamment pour doter le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique, le fonds pour la création musicale et le Bureau export, ce dernier faisant, depuis 2016, l'objet d'un effort budgétaire louable, bien que limité. Par ailleurs, 2,6 millions d'euros contribuent à soutenir diverses manifestations de promotion du cinéma en région.

Enfin, et surtout, la Hadopi se voit doter de 9 millions d'euros. Certes, après des années de disette, il faut évidemment se réjouir de la consolidation, entamée en 2016 et que poursuit le présent projet de loi de finances, des ressources d'une institution dont l'efficacité demeure, dans un contexte où le piratage des oeuvres sur Internet n'a nullement cessé.

Mais l'effort apparaît en réalité en trompe l'oeil puisque la totalité des crédits supplémentaires affectés à la Hadopi en 2017, de l'ordre de 500 000 euros, sera versée, au terme d'un long contentieux et en application de la décision du Conseil d'État en date du 23 décembre 2015, aux fournisseurs d'accès à Internet en compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations qu'ils assurent pour l'opérateur. Le montant exact de la compensation due sera prochainement fixé par décret ; s'il devait dépasser le niveau envisagé par l'Inspection générale des finances en juin dernier, la dotation de la Hadopi pour 2017 pourrait à nouveau s'avérer insuffisante pour mener à bien ses missions légales.

En tout état de cause, comme la ministre de la culture et de la communication l'a affirmé lors de son audition devant notre commission, il n'est aucunement question de renforcer les compétences de la Hadopi, et je le regrette, afin d'adapter ses outils et ses missions aux évolutions des modes de piratage. Dès lors, la question de son avenir, entre nécessaire adaptation, fusion avec un autre opérateur et suppression, se posera inéluctablement à nouveau.

Ma présentation ne serait pas complète, si je ne vous indiquais pas, qu'au-delà des modestes crédits qui leur sont dévolus au sein du programme 334, les industries culturelles sont bénéficiaires de dispositifs fiscaux dont l'efficacité n'est plus à démontrer : le crédit d'impôt pour les dépenses du jeu vidéo (17 millions d'euros en 2017), qui, depuis 2008, permet de préserver la productivité des studios français dans un contexte de concurrence exacerbée, et le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique (8 millions d'euros en 2017) créé en 2006 en faveur de la création francophone.

Les actions menées et les dispositifs de soutien mis en oeuvre ont permis aux industries culturelles françaises, malmenées par la révolution numérique et la concurrence étrangère et sujet de notre plus vive inquiétude par le passé, de se moderniser et, finalement, de se maintenir. Livre, musique et jeu vidéo affichent désormais un optimisme non feint pour l'avenir, que j'ai pu constater au cours des auditions préparatoires à l'examen du présent budget. Il faut, mes chers collègues, nous en réjouir et saluer les efforts des professionnels qui, soutenus par des politiques publiques ambitieuses, ont permis aujourd'hui ce résultat.

Compte tenu de ces observations, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles», au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. David Assouline. - Je suis profondément attristé que nous n'ayons pas l'occasion de discuter de ces questions d'importance majeure en séance publique cette année. En dépit de nos divergences politiques, nous partageons tous, au sein de cette commission, un fort intérêt pour la culture et les sujets culturels. Le débat budgétaire en séance est généralement l'occasion d'expliquer les enjeux culturels à nos collègues des autres commissions. Il est regrettable que nous nous privions de cette opportunité, sans compter les risques que l'adoption d'une question préalable fait peser sur l'image du Sénat, dans un contexte de montée des discours populistes sur l'inutilité du rôle du Parlement, du Sénat en particulier.

Dans ces conditions, j'espère que l'Assemblée nationale votera l'augmentation de la redevance pour l'audiovisuel public, conformément au souhait de la ministre de la culture et de la communication, sur laquelle nous n'aurons pas la possibilité de nous prononcer, alors que je veux croire que nous aurions pu voter de concert. Elle permettra de sanctuariser une part des crédits dédiés à l'audiovisuel dans un contexte budgétaire menaçant avec la suppression de la publicité pendant les émissions télévisées destinées à la jeunesse et les incertitudes sur les projets à venir.

M. Louis Duvernois. - Je tenais à saluer la précision et la densité des rapports qui nous ont été présentés. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de France Médias Monde, j'ai été particulièrement sensible au rapport à la fois complet et fidèle à la réalité que Claudine Lepage nous a fait de l'audiovisuel extérieur. Je suis cependant surpris que n'ait pas été mentionnée la question de la diffusion de France 24 et de RFI sur le territoire national, pourtant évoquée par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, lors de son audition devant notre commission la semaine dernière. France Médias Monde a d'ores et déjà décidé de cette orientation, mais il me paraîtrait nécessaire que nous l'appuyons dans cette démarche, d'autant que des difficultés techniques apparaissent dans l'attribution des fréquences pour la diffusion sur le territoire.

Mme Corinne Bouchoux. - Saluons le travail des rapporteurs, même s'il est effectué davantage pour la gloire dans le contexte particulier des conditions de discussion du projet de loi de finances cette année.

Ce travail a notamment permis de nous éclairer sur plusieurs problématiques.

Sur le budget de l'audiovisuel public, j'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Leleux concernant le nouveau regard à porter sur les ressources au travers de la question de la publicité.

Sur la presse, je me réjouis d'entendre que des évolutions dans la restructuration des prestataires paraissent possibles et que la fusion entre les deux messageries de presse ne constitue plus un tabou, dès lors que les obstacles sociaux auront été levés.

Sur l'audiovisuel extérieur, je remercie Claudine Lepage pour son éclairage concernant le travail fait par Mme Saragosse et M. Bigot respectivement en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde.

Pour compléter le rapport de Colette Mélot, je souhaitais rappeler que c'est à l'occasion d'une audition d'une mission d'information de notre commission que nous avions repéré, dès 2015, que les sommes dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne pouvaient leur être versées par la Hadopi en l'absence de texte réglementaire se référant à la compensation des opérations qu'ils mènent pour l'institution. Je me réjouis que le Conseil d'État ait mis un terme au contentieux entre les FAI et la Hadopi à ce sujet. Pour autant, se pose toujours la question du modèle économique de la Hadopi.

Si notre vote avait pu véritablement être pris en compte, le groupe écologiste se serait prononcé en faveur des crédits de la mission, tant nous nous félicitons du soutien aux livres, à l'audiovisuel extérieur, à l'audiovisuel, à la presse et aux kiosquiers que permettent les crédits.

M. Jean-Léonce Dupont. - Le travail fourni pas nos rapporteurs n'est pas inutile car il nous a apporté un précieux éclairage sur les évolutions et les enjeux des secteurs. Pour apprécier particulièrement cette chaîne, je me félicite ainsi d'apprendre le développement des programmes inédits sur Arte. Néanmoins, comme notre vote porte sur l'ensemble de la mission et non sur chacun des programmes, le groupe UDI-UC votera contre les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je souscris aux propos de Jean-Léonce Dupont. Si je me félicite plutôt des évolutions concernant France Médias Monde et Arte, je suis plus réservé concernant la situation de France Télévisions : c'est pourquoi je n'ai d'autre choix que de m'abstenir sur les crédits de cette mission, car mes avis diffèrent selon les programmes.

Par ailleurs, il est faux de dire que nous n'aurons pas de débat budgétaire cette année en séance : plusieurs heures de débat sont prévues, au cours desquelles nous pourrons nous exprimer et porter les couleurs de la culture dans l'hémicycle.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur. - Je n'ai effectivement pas abordé dans ma présentation les questions liées à France 24 et RFI car je les évoquerai dans quelques instants en vous présentant le projet de COM de France Médias Monde.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles ». - Quelques mots pour saluer, une nouvelle fois, les efforts réalisés par les professionnels du livre et de l'édition au cours des dernières années. Je souhaite rappeler que je n'ai pas exprimé une position négative concernant les crédits du programme « livre et industries culturelles ». Quant au débat budgétaire, je partage les propos de Jean-Pierre Leleux : du temps a été ménagé pour nous permettre de nous exprimer en séance publique. Bien sûr, nous ne pourrons pas autant présenter en séance le fruit de notre travail que d'autres années, mais travailler pour la gloire peut aussi apporter quelques satisfactions !

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse ». - Pour revenir à la question de la distribution mentionnée par Corinne Bouchoux, j'ai évidemment parlé de la possible fusion entre les Messageries lyonnaises de presse et Presstalis. Mais cette fusion n'est pas la seule option. J'évoque un certain nombre de pistes de mutualisation des moyens dans mon rapport écrit, que vous pouvez consulter.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nos travaux sont loin d'être inutiles car il en restera des traces, avec le compte rendu de notre réunion de ce matin et la publication prochaine des rapports pour avis. Concernant l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, je dois dire que je n'y suis pas favorable tant qu'une réforme structurelle de la redevance n'aura pas été opérée au préalable et que le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) n'aura pas été entièrement réaffecté au financement de l'audiovisuel public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

Contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde pour la période 2016-2020 - Communication de Mme Claudine Lepage et examen de l'avis de la commission

Mme Claudine Lepage. - Nous examinons aujourd'hui le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde.

Ce document de programmation pluriannuelle intervient à un moment particulier par rapport à l'histoire de l'entreprise. Le précédent COM - conclu pour la période 2013-2015 - constituait une première étape, marquée par le rapprochement des différentes entités, qui a abouti, en particulier, à la signature de l'accord professionnel du 31 décembre 2015. Le nouveau COM, qui poursuit peu ou prou les mêmes objectifs, doit permettre de tracer une ambition commune à l'ensemble du groupe et favoriser les synergies dans un contexte marqué par des moyens budgétaires limités et donc des arbitrages nécessairement difficiles.

Comme l'a fait notre collègue Jean-Pierre Leleux à l'occasion de la présentation de sa communication sur le projet de COM de France Télévisions - mais peut-être avec des conclusions différentes... - je vous propose de vous présenter les éléments factuels de ce projet avant de lister les points particulièrement satisfaisants et ceux qui le sont peut-être moins.

Avant cela, je crois utile d'insister sur la spécificité de notre audiovisuel extérieur qui constitue - je crois pouvoir le dire - un outil irremplaçable. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens que nous allons examiner s'inscrit à maints égards dans le prolongement du précédent, dont les résultats sont tout à fait significatifs et positifs. Ils sont le fruit du travail des équipes rassemblées autour de Marie-Christine Saragosse qui se démènent sur tous les continents pour faire vivre une présence et des valeurs françaises. On peut dire que ces résultats sont probablement ce qu'on peut obtenir de mieux compte tenu des moyens qui sont aujourd'hui consacrés à l'audiovisuel extérieur. Et c'est là que je souhaite en venir. Dans le monde troublé que nous connaissons, on constate que de nombreuses nations ont fait de l'audiovisuel extérieur une priorité et un enjeu géopolitique majeur, c'est le cas de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne mais c'est aussi le cas de la Russie, de la Chine, de certains pays du Golfe.

Mon regret principal est que notre pays n'ait pas encore pris ce chemin, se contentant d'essayer de maintenir ses positions avec le souci de maîtriser les moyens budgétaires consacrés à cette action. Je crois qu'un nouveau consensus est nécessaire qui donnerait un caractère de priorité politique à l'audiovisuel extérieur et qui permettrait à France Médias Monde de déployer véritablement ses savoir-faire. Ce peut être un enjeu des prochaines échéances démocratiques et je pense que chacun d'entre nous - dans nos familles politiques respectives - nous pouvons faire progresser cette idée.

J'en reviens maintenant à la présentation des données essentielles de ce COM.

Concernant le niveau des moyens et les grands choix tout d'abord. Les moyens se situent entre les scénarios 2 et 3 qu'avait conçus France Médias Monde dans le cadre de la négociation avec l'Etat, sachant que seul le 3ème scénario permettait le lancement de France 24 en espagnol. Je rappelle que, sur la période 2015-2020, le groupe devrait bénéficier de 23,1 millions d'euros de ressources publiques supplémentaires soit des crédits en hausse de +9,5%. Le COM n'entrant en application qu'en 2017, il me semblait logique de ne pas tenir compte de 2015 mais, même dans ce cas, l'enveloppe est sensiblement plus importante que lors du précédent COM. La présidente de France Médias Monde a évoqué devant nous une augmentation de 1,9% par an des recettes publiques contre 0,85% dans le précédent COM.

La part de la CAP allouée à l'entreprise, qui s'élevait à 244 millions d'euros en 2016, devrait progresser régulièrement pour atteindre 265,1 millions d'euros en 2020. Le plan d'affaires de FMM prévoit également une hausse sensible des ressources propres (+15,3%) et notamment de la publicité (+1,3 million d'euros).

Parmi les autres chiffres importants, on peut mentionner une baisse prévue de 4,2% des dépenses de structures sur la période 2015-2020 qui illustre l'intérêt du regroupement des fonctions support. Le montant de ces charges devrait ainsi se maintenir à un peu plus de 42 millions d'euros sur la période du nouveau COM.

Les frais de diffusion constituent un poste de dépense structurellement orienté à la hausse du fait notamment du passage à la HD. Les frais de distribution devraient ainsi augmenter de 13 % sur la période du COM pour atteindre 29,7 millions d'euros en 2020.

Les programmes connaissent une hausse contenue de leur coût sur la période du COM. Les programmes de RFI devraient augmenter de 5,9% à 53,9 millions d'euros, ceux de France 24 de 5 % à 57,8 millions d'euros et ceux de MCD de 6,8 % à 7,7 millions d'euros.

Les dépenses consacrées au numérique connaissent une hausse de + 23% sur la période du COM tandis que les moyens consacrés aux frais de marketing progresseront encore davantage à + 32,6 % afin de renforcer la notoriété des marques.

Enfin il convient d'observer que la masse salariale connaîtra une hausse de 7,7 % sur la période du COM qui s'explique par les conséquences de l'accord professionnel du 31 décembre 2015 qui engage une harmonisation sociale entre les personnels des différentes entités et les recrutements opérés notamment pour conduire le projet de déclinaison de France 24 en espagnol.

Concernant l'organisation même de l'entreprise, Marie-Christine Saragosse nous a confirmé que le Gouvernement avait souhaité maintenir des rédactions distinctes dans chacun des médias dans le prolongement du choix fait en 2012 à un moment où la priorité était de mettre un terme aux différents conflits sociaux.

J'en viens maintenant aux points qui me semblent particulièrement satisfaisants dans ce projet de contrat d'objectifs et de moyens.

Première satisfaction : c'est le lancement prévu en septembre prochain de l'antenne de France 24 en espagnol en Amérique latine, qui était particulièrement attendue. C'est le principal projet du COM pour un coût de 7,3 millions d'euros par an en année pleine. Vous vous souvenez sans doute que l'année dernière j'avais expressément demandé au Gouvernement de donner les moyens à France Médias Monde de mettre en oeuvre ce projet. Voilà qui est fait et qui suffit à donner une dimension particulière à ce COM. Ce projet est toutefois lancé « à l'économie », puisque seulement 6 heures de programmes quotidiens sont prévues aux heures de plus grande écoute et que la plus grande part de la rédaction située à Bogota sera constituée de journalistes locaux recrutés par une filiale de droit colombien. Mais c'est un premier pas et on ne peut que saluer l'implication prévue de la rédaction hispanophone de RFI qui illustre la transversalité du groupe ;

Le deuxième point de satisfaction concerne la participation de France 24 à la chaîne Franceinfo. Comme l'a expliqué la présidente de France Média Monde, lors de son audition, cette participation est importante en quantité de programmes comme en qualité. Elle motive beaucoup les personnels de la chaîne et constitue un facteur de différenciation important pour la nouvelle chaîne publique. À nos yeux, il s'agit là également d'un exemple concret de mutualisation des moyens ;

Le troisième point de satisfaction concerne la préservation d'un réseau qui compte peu d'équivalent dans le monde. Ce sont en effet 120 millions de personnes qui sont chaque semaine au contact des programmes de France Médias Monde et il est important de souligner que les programmes diffusés comme la ligne éditoriale veillent à défendre les valeurs qui sont attachées à notre culture politique comme l'indépendance de l'information, la laïcité, l'ouverture au monde... Comme l'a expliqué Marie-Christine Saragosse, les antennes de France Médias Monde proposent souvent un regard différent sur l'actualité et la conduite du monde. Elles représentent dans certains pays une des seules alternatives aux médias officiels et donc une fenêtre ouverte sur l'extérieur ;

La priorité donnée au numérique dans ce projet de COM constitue également une satisfaction. Le groupe continuera à privilégier la diffusion de ses contenus sur des plateformes tierces pour toucher de nouveaux publics et sa présence sur les réseaux sociaux, qui lui permet déjà de rassembler 50 millions d'abonnés, restera une priorité. Le partenariat avec la plateforme américaine Mashable sera poursuivi ;

Une autre satisfaction concerne l'engagement de France Médias Monde en faveur de l'éducation populaire et des grandes causes. Le site RFI Savoirs permet ainsi, en particulier, de faciliter l'apprentissage du français et l'accès à la connaissance. Le portail destiné aux migrants, qui est en voie d'élaboration, devrait s'inscrire dans la même logique ;

Un mot enfin sur l'entreprise elle-même et ses collaborateurs. C'est aussi un point fort de ce COM de pouvoir s'appuyer sur l'accord professionnel du 31 décembre 2015 qui permet de faire converger les conditions de travail et de rémunérations des différents personnels. Le groupe France Médias Monde a été créé au cours du précédent COM, il doit maintenant construire une culture commune et ce sont notamment les jeunes collaborateurs qui auront à accomplir cette mission en multipliant les collaborations entre les médias du groupe et les innovations.

Madame la présidente, mes chers collègues, après ces nombreux points satisfaisants, voici le moment d'aborder les sources d'insatisfactions. Certaines ne relèvent pas nécessairement de l'entreprise ou pourraient trouver des réponses dans le cours de la mise en oeuvre de ce COM, d'autres nécessiteraient de faire évoluer notre regard sur l'audiovisuel extérieur.

Un des points qui ne me semblent pas satisfaisants concerne le peu de cas qu'il est fait de la valorisation des médias de FMM sur le territoire national. France 24 bénéficiera certes de sa participation à la chaîne Franceinfo mais RFI et MCD ne se voient proposer aucune perspective dans ce projet de COM tout comme la version arabe de France 24. On peut comprendre la position des services du ministère de la culture et de la communication qui - conformément à la loi - estiment impossible de privilégier les antennes de France Médias Monde par rapport aux autres médias, notamment privés, qui demandent des fréquences. À mon sens, ce raisonnement ne répond pas à la situation de notre pays, qui justifie de promouvoir des médias de qualité et une information indépendante - y compris en arabe - pour répondre au défi de l'islamisme radical. Il manque un choix politique, aujourd'hui, sur ce point. Je souhaite au moins que des expérimentations puissent être faites sur certains territoires et que des technologies nouvelles comme la RNT puissent, à terme, ouvrir des perspectives nouvelles ;

Une deuxième limite de ce COM concerne le fait que le développement en Afrique à travers les langues vernaculaires risque de ne plus progresser en raison de l'insuffisance des moyens. La forte croissance démographique de l'Afrique comme son développement en font pourtant un territoire prioritaire pour FMM. Le 3ème scénario envisagé par le groupe public chiffrait à 25,3 millions d'euros les moyens nécessaires pour financer à la fois le développement en Amérique latine et en Afrique. On ne peut que regretter que cette enveloppe n'ait pas pu être mobilisée ;

3) Mon troisième regret porte sur l'absence de prise en compte du nouveau contexte créé par le Brexit pour définir les priorités de France Médias Monde. La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne remet en question la place prédominante de l'anglais dans les institutions de l'Union et constitue une opportunité pour la francophonie. On aurait pu espérer que le projet de COM qui nous est présenté - avec un an de retard - tienne compte de ces enjeux, en prévoyant des moyens nouveaux et ambitieux pour renforcer la présence de France 24 et RFI dans des pays comme la Pologne - pays avec lequel nos relations sont devenues compliquées, la Belgique, siège des institutions européennes - ou la Grèce qui rencontre des difficultés avec ses médias. Il n'en est rien, ce qui illustre à mon sens un manque de vision géopolitique et de réactivité dans la gouvernance de l'audiovisuel extérieur. Je propose de sensibiliser le Gouvernement à cette question afin, si les moyens le permettent, de prendre des initiatives au cours de l'application du COM ;

4) Mon quatrième regret concerne la priorité à donner à la francophonie qui - à mon sens - devrait être réaffirmée dans ce projet de COM. Je comprends que la direction de France Médias Monde préfère privilégier l'audience dans certains pays en favorisant son antenne en anglais, mais ce ne peut être un argument suffisant pour les pouvoirs publics. Je souhaite en particulier que FMM reconsidère son projet de diffuser son antenne en anglais sur le futur canal de France 24 en espagnol en dehors des 6 heures quotidiennes qui seront diffusées dans la langue de Cervantès. Il ne me semble pas souhaitable que le français soit totalement absent de cette antenne - au bénéfice de l'anglais - sauf à prendre le risque de délaisser la vocation même de l'audiovisuel extérieur de la France. Je propose que nous sensibilisions la direction de France Médias Monde à ce sujet.

Mes chers collègues, la présentation que je viens de vous faire du projet de COM de France Médias Monde reconnaît les avancées réelles et les moyens importants qui sont prévus mais elle ne fait pas l'impasse sur les difficultés et les marges d'amélioration. Je crois pouvoir dire que ces dernières ne dépendent, pour l'essentiel, ni de l'entreprise ni de la Ministre de la culture et de la communication qui - à l'évidence - a obtenu des arbitrages favorables.

Si nous voulions aller plus loin, nous sentons bien qu'il faudrait une impulsion politique supérieure appuyée sur un consensus transpartisan. Je crois, madame la présidente, que notre commission peut jouer un rôle pour porter cette aspiration et favoriser l'acceptabilité sociale de cette ambition.

En attendant, nous pouvons, je crois, reconnaître que les résultats du précédent COM comme les priorités de ce nouveau contrat constituent un socle de qualité qui permet tous les espoirs. Je vous propose donc que nous donnions un avis favorable à ce COM 2016-2020 tout en faisant part au Gouvernement et à l'entreprise de nos souhaits d'amélioration.

Mme Marie-Christine Blandin. - Nous approuvons les impulsions et saluons le rôle joué par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, pour apaiser la situation à France Médias Monde. Je rappelle la situation difficile qu'ont vécu RFI et son personnel qui ont été séparés de Radio France puis rapprochés « de force » de France 24. La présidente de France médias Monde a apporté de la sérénité à un moment où de nombreux personnels pouvaient avoir le sentiment d'être abandonnés. On parle aujourd'hui de nouvelles synergies. Il convient de ne pas perdre de vue la dignité des êtres humains qui composent cette entreprise.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je souhaite tout d'abord remercier notre collègue Claudine Lepage pour sa présentation complète et équilibrée dont je partage les grandes lignes. L'audiovisuel extérieur constitue un bien précieux pour notre pays et nous devons veiller à le préserver.

Je souhaite néanmoins apporter quelques remarques complémentaires à ce projet de COM pour tenir compte du fait qu'il devrait s'appliquer jusqu'en 2020 et que nous devons être très clairs sur nos intentions dans l'hypothèse où un changement de majorité interviendrait en 2017.

Ma première remarque tient évidemment, une nouvelle fois, à l'absence de réforme de la CAP qui fragilise les engagements de ce COM en termes de ressources publiques. Je n'y reviens pas mais sans réforme de la CAP, ce projet de COM me semble bien fragile...

Ma deuxième remarque concerne les mutualisations. Des avancées ont été faites concernant les fonctions support et des progrès devraient être faits pour favoriser la transversalité. Pour autant, je souhaite réaffirmer que le choix maintenu dans ce COM de ne pas rapprocher les rédactions de RFI et France 24 ne nous engage pas. La présidente de France Télévisions que j'ai auditionnée jeudi matin, m'a confirmé que le rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 - qui sera effectif en 2018 - n'était pas contradictoire avec la préservation, voire même le renforcement, des identités de chaque chaîne. Il conviendra donc à l'avenir de réexaminer l'opportunité d'aller plus loin dans les mutualisations des rédactions de France Médias Monde. Nous ne devons nous fermer aucune porte et je propose que cette réserve soit intégrée à un éventuel avis favorable que nous pourrions donner à ce COM.

Je suis par ailleurs satisfait de la participation de France 24 à la chaîne Franceinfo. Cela démontre la pertinence des rapprochements à conduire entre les entreprises de l'audiovisuel public même si nous pouvons diverger, entre nous, sur les rythmes et les périmètres de ces coopérations à conduire.

Je considère également que le Brexit nécessite de redéfinir les priorités de France Médias Monde avec, au besoin, la mobilisation de moyens nouveaux, pour saisir cette opportunité de renforcer notre influence sur notre continent et aider le français à retrouver sa place.

Je partage aussi le souci de notre collègue rapporteure concernant le manque de moyens pour poursuivre le développement en Afrique. Il en est de même au Maghreb et au Proche-Orient. Comme cela a été bien expliqué, nous devons avoir un débat national sur les moyens que nous sommes prêts à mobiliser pour préserver notre influence dans le monde. Cette question dépasse donc le cadre de ce COM qui a été conçu dans une logique de prolongement des efforts jusqu'à présent consacrés à l'audiovisuel extérieur.

Cela étant dit, je proposerai à mes collègues du groupe Les Républicains de donner un avis favorable à ce COM avec les réserves exprimées par notre rapporteure et celles que j'ai également formulées.

M. Louis Duvernois. - Je m'associe aux propos de la rapporteure et de notre collègue Jean-Pierre Leleux. Le rapport qui vient de nous être présenté m'apparaît d'une grande honnêteté en ce qu'il fait également mention des carences du contrat d'objectifs et de moyens qui, en cas d'alternance politique, devront se voir apporter les correctifs nécessaires en 2017. Je suivrai donc l'avis favorable proposé par la rapporteure.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Marie-Christine Saragosse a réalisé un travail remarquable à la tête de France Médias Monde. Elle a su pacifier les relations sociales, redonner du sens au service public de l'audiovisuel extérieur et réformer en profondeur, grâce à une politique efficace d'économies et de mutualisation des moyens. Il n'en demeure pas moins que les perspectives de développement de l'entreprise demeurent à approfondir.

Lors d'un récent déplacement en Égypte - pays ô combien essentiel à la stabilité de la région et à la lutte contre le terrorisme - où j'ai eu l'honneur d'accompagner le Président du Sénat, j'ai pu constater l'importance de pouvoir diffuser nos valeurs au travers de médias comme France 24. Nous en prenons tous conscience, pour nombre d'entre nous, en tant que membres de l'Assemblée parlementaire de la francophonie. L'effort en faveur d'une diffusion la plus large possible de France Médias Monde, y compris sur le territoire national comme en a fait état Marie-Christine Saragosse lors de son audition par notre commission, doit être poursuivi.

Par ailleurs, le Brexit doit conduire à repenser la place de la francophonie dans les programmes que nous diffusons. À cet égard, les travaux actuellement menés par nos collègues Claudine Lepage et Louis Duvernois, devraient prochainement apporter un éclairage utile sur cette question.

Pour ma part, je suis également favorable à l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens qui nous a été présenté.

La commission émet à l'unanimité un avis favorable au projet de contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde pour 2016-2020.

Désignation d'un rapporteur pour avis

La commission désigne Mme Vivette Lopez rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 19 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

La réunion est close à 12 heures 20.

- Présidence de Mme Colette Mélot, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 45.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Enseignement scolaire » - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'examen des rapports pour avis de M. Jean-Claude Carle et Mme Françoise Férat sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Dans ce budget, le premier de la Nation et le dernier de la refondation de l'école engagée depuis le début de la législature, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » connaissent une augmentation inédite de près de 3 milliards d'euros, soit une hausse de 4,5 %. C'est quatre fois plus que les crédits consacrés au sport, à la vie associative et à la jeunesse. L'effort consenti est considérable : les crédits de la mission s'élèvent à 70 milliards d'euros, dont 68,6 au profit des cinq programmes du ressort du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Une part significative de ces dépenses nouvelles relève de mesures applicables à la fonction publique, sans lien direct avec la politique éducative. Les hausses successives de la valeur du point d'indice et la mise en oeuvre de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), représentent, à elles seules, une dépense supplémentaire de 1,46 milliard d'euros, soit la moitié environ de l'augmentation du budget. Si l'on y ajoute le glissement vieillesse-technicité (GVT), la part quasi automatique de la hausse atteint 1,87 milliard d'euros !

La politique d'inflation des moyens menée depuis 2012 trouve ici son apogée. Elle procède du postulat selon lequel l'augmentation continue des moyens permettra d'améliorer la situation de l'école, ce qui est pourtant démenti par trente années passées à remplir, chaque année, le tonneau des Danaïdes de la rue de Grenelle.

Les dépenses en faveur de l'éducation ont doublé en euros constants depuis 1980 et augmenté de plus de 10 % depuis 2000, pour atteindre près de 131 milliards d'euros en 2015, sans effet positif sur les résultats de notre école, bien au contraire. Cet effort important se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE, mais il est fondamentalement déséquilibré.

La France dépense beaucoup plus pour le secondaire et beaucoup moins pour le primaire, niveau auquel tout se joue. La maîtrise des savoirs fondamentaux dès la fin du cours préparatoire (CP) est déterminante pour l'avenir scolaire et professionnel des enfants. C'est là que se forme la difficulté scolaire, à laquelle notre système éducatif est incapable de remédier. Ainsi, plus de la moitié des 140 000 décrocheurs étaient en difficulté à l'issue du cours moyen 2e année (CM2), si ce n'est du cours élémentaire.

Les résultats des dernières études ne sont pas encourageants. L'enquête CEDRE de 2015 montre que seuls 60 % des élèves ont une maîtrise suffisante des compétences attendues en fin d'école primaire. Une étude plus récente met en évidence la dégradation extrêmement préoccupante de la maîtrise de l'orthographe des élèves en fin d'école primaire. Enfin, la comparaison d'études de cohortes menées en 1999 et en 2013 fait apparaître une baisse significative des résultats en orthographe et en vocabulaire à l'issue du cours élémentaire 1re année (CE1).

Si l'école ne parvient pas à inculquer à tous les élèves le célèbre « lire, écrire, compter », il n'est pas surprenant que notre pays soit celui où l'origine sociale pèse le plus dans le parcours scolaire.

L'échec n'est pas une fatalité. Il faut donner la priorité au primaire et à l'enseignement des savoirs fondamentaux. C'était une des mesures phares de la refondation de l'école ; je m'efforcerai, dans un second temps, d'en dresser le bilan.

Revenons à l'examen des crédits : tout augmente ! Les crédits consacrés à l'enseignement scolaire public du premier degré progressent de 6,6 % ; l'augmentation atteint 3,7 % pour le second degré, 3,2 %, pour l'enseignement privé, 4,4 % pour la vie de l'élève et 0,5 % pour le soutien de la politique de l'éducation nationale.

Il faut reconnaître au Gouvernement la cohérence de sa politique : 11 662 créations de postes sont prévues en 2017, l'engagement de créer 54 000 postes sur la durée du quinquennat semble donc tenu.

Le schéma d'emplois pour 2017 se décompose ainsi : 4 311 équivalents temps plein d'enseignants du premier degré public, 4 400 équivalents temps plein d'enseignants et 150 de personnels administratifs, techniques et de service au profit du secondaire public, 1 000 postes d'enseignants, répartis pour moitié entre les premier et second degrés, au profit de l'enseignement privé et, dans le programme « Vie de l'élève », 1 801 équivalents temps plein, dont 200 de personnels médico-sociaux, 250 de conseillers principaux d'éducation et 1 351 d'accompagnants d'élèves en situation de handicap. La prévision budgétaire ne dit rien, toutefois, de leur création effective ni de l'amélioration du service rendu.

La revalorisation de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) versée aux professeurs des écoles, portée de 400 à 1 200 euros bruts annuels à compter de la rentrée 2016, est une mesure d'équité.

En matière de pré-recrutement des enseignants, le remplacement du dispositif des emplois d'avenir professeurs par un dispositif fondé sur l'apprentissage est une bonne chose. Je me réjouis de voir l'éducation nationale s'emparer de l'apprentissage. Souhaitons qu'elle étende cet intérêt à d'autres domaines !

Les crédits consacrés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires s'élèvent pour 2017 à 373 millions d'euros, conformément aux engagements du Gouvernement.

En revanche, le financement du renouvellement des manuels scolaires pose problème. Le ministère annonçait l'année dernière un effort de 300 millions d'euros sur deux ans, revu à la baisse à 260 millions d'euros, alors que les chefs d'établissement peinent à renouveler leurs manuels avec les seuls crédits prévus l'année dernière. Pour les manuels de l'école primaire, l'État se repose sur les communes, qui n'ont pourtant pas d'obligation en la matière et qui sont déjà asphyxiées par la baisse des dotations et par la réforme des rythmes scolaires.

M. Jacques-Bernard Magner. - C'est Jules Ferry qui a commencé !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Le dépassement des coûts des projets informatiques et immobiliers du ministère se poursuit. Le chantier du programme Sirhen, prévu initialement pour sept ans et 80 millions d'euros, devrait en durer douze et atteindre 393 millions d'euros. À mettre en rapport avec le gain attendu de 70,2 millions d'euros sur la durée de vie prévisionnelle de l'application...

Le primaire est le maillon essentiel du système éducatif. La loi de refondation de l'école du 8 juillet 2013 le reconnaît et son rapport annexé prévoit de donner la priorité à l'école primaire, en énonçant trois axes principaux : la scolarisation des enfants de moins de trois ans, le dispositif « plus de maîtres que de classes » et l'introduction de nouveaux rythmes scolaires. Y concourent également la redéfinition du socle commun et la modification des programmes, la réforme de l'éducation prioritaire ainsi que les mesures en faveur des enseignants du premier degré.

Les crédits du programme 140 augmentent de 3,4 milliards d'euros en euros courants entre 2012 et 2017. La dépense par écolier augmente de 12,1 %, de 5 800 à 6 500 euros. Cette priorité est toutefois fragile, car, loin de constituer un rééquilibrage entre le primaire et le secondaire, elle s'inscrit dans l'inflation générale des budgets. Durant la même période, les crédits du programme 141 ont augmenté de 2,7 milliards d'euros. Les grands équilibres du budget de l'Education nationale n'ont donc pas été modifiés, quoi qu'en dise la ministre.

Il en va de même pour les créations de postes : 14 000 postes d'enseignants titulaires devaient être créés en cinq ans. Or, comme le relève le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), l'investissement en termes de postes s'avère peu différencié entre le primaire et le collège, notamment du fait de la priorité donnée à la réforme du collège. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2017, moins de postes d'enseignants sont créés dans le premier degré que dans le second ; les créations de postes dans le primaire ne représentent qu'environ 40 % des postes créés.

En dépit d'un réel effort en faveur de l'attractivité de la profession de professeur des écoles, la politique de recrutements massifs menée par le ministère se heurte à d'importantes difficultés et présente le risque d'une baisse de la qualité des recrutements.

En outre, de nombreux stagiaires ont démissionné en cours d'année, contraignant le Gouvernement à faire appel aux listes complémentaires ou à des contractuels. En 2015, 434 démissions ont été constatées, soit 3,18 % des recrutés, contre 1,08 % en 2012. Cette forte hausse doit conduire le ministère à s'interroger sur l'organisation de la formation initiale au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

Sur le plan qualitatif, la priorité au primaire apparaît diluée et sans cohérence.

Un groupe de travail commun à notre commission et à la commission des finances se penche sur la réforme des rythmes scolaires. Sa mise en place douloureuse, qui a exigé un gros effort financier des collectivités territoriales dans un contexte de baisse des dotations, a mobilisé une énergie et des ressources considérables. Vu leur caractère polémique, la « priorité au primaire » s'est trop souvent résumée aux nouveaux rythmes scolaires.

Le Gouvernement vise un taux de scolarisation de 30 % des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire d'ici 2017. Cet objectif a été porté à 50 % pour les REP+. Là encore, ni les moyens, ni les résultats ne sont au rendez-vous. À la rentrée 2015, 961 équivalents temps plein sur les 3 000 prévus avaient été créés ; 9,8 % des enfants de moins de trois ans étaient scolarisés, 19,3 % en éducation prioritaire, 22,2 % en REP+.

Cela dit, cette scolarisation précoce ne répond pas toujours à une demande des populations cibles, les plus éloignées de l'école. Si le ministère met en avant les conséquences positives de la scolarisation dès deux ans sur les relations entre l'école et les familles, celle-ci ne suscite pas l'engouement auprès de nombreux parents d'élèves en éducation prioritaire.

Deuxièmement, le partenariat avec les communes est également difficile, du fait de leur situation financière, aggravée par la réforme des rythmes scolaires. L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) relève que « les projets sont longs à monter avec des collectivités territoriales réticentes qui ont beau jeu de mettre l'État face à ses contradictions au moment où le Gouvernement leur demande de réduire leurs dépenses et de limiter les recrutements de personnels et donc d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ». Elle en conclut que l'objectif d'un taux de scolarisation à 50 % en REP+ n'est pas pertinent et sera difficile à atteindre dans l'ensemble des départements.

L'introduction du dispositif « plus de maîtres que de classes » est lente. Sur les 7 000 postes prévus, seuls 3 195 ont été effectivement créés à la rentrée 2016, majoritairement dans l'éducation prioritaire. Le plus souvent, la priorité est donnée au cycle 2 - CP-CE1-CE2 -, consacré aux apprentissages fondamentaux. Le bon recrutement des maîtres surnuméraires ainsi que la formation et l'accompagnement des équipes enseignantes sont essentiels.

Or les travaux réalisés par les inspections générales et le comité de suivi montrent que l'accompagnement et les évaluations font encore défaut. Au regard des expériences passées, souvent mitigées, et des moyens engagés, des évaluations systématiques et régulières sont nécessaires.

Trois aspects essentiels sont négligés, à commencer par la réflexion sur l'organisation de l'école primaire et sur la place et le statut du directeur d'école. L'introduction des rythmes scolaires a mis en lumière l'importance de sa tâche. Il faut aller plus loin que l'amélioration du régime de décharges de service et la revalorisation des indemnités. Un véritable statut devrait donner aux directeurs d'école les moyens d'exercer un pilotage pédagogique et administratif, gage d'efficacité. Il ne s'agit pas d'en faire un petit chef, mais un fédérateur.

Mme Françoise Cartron. - Il l'est déjà !

M. Jacques-Bernard Magner. - Vous comptez lui imposer un uniforme ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - On pourrait, par exemple, imaginer que le directeur d'école soit déchargé de la responsabilité d'une classe, mais intervienne en tant que maître surnuméraire.

M. Jacques-Bernard Magner. - Ils seront ravis...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - La santé scolaire est dans une situation dramatique. Le corps des médecins scolaires, en extinction, n'est pas en mesure d'assurer les bilans de santé prévus dans la sixième année de l'enfant. Pire, un arrêté du 3 novembre 2015 a mis fin à l'association des infirmiers à ces bilans. Cela pénalise avant tout les élèves issus de milieux défavorisés, les problèmes de santé non décelés étant susceptibles de pénaliser l'apprentissage. On crée ainsi de l'échec ! Il est urgent d'améliorer l'attractivité de la profession de médecin scolaire, de développer le recours aux internes et aux vacataires et d'associer de nouveau les infirmiers à la réalisation des bilans de santé, en réalisant un filtrage des enfants pour distinguer ceux qui doivent voir un médecin scolaire et ceux qui peuvent être traités par un infirmier.

Mme Françoise Cartron. - Un filtrage, vraiment ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Certes, les crédits consacrés à la formation continue dans le premier degré augmentent de nouveau, après une baisse en 2016. Cette formation est toutefois presque exclusivement dirigée vers l'accompagnement des réformes en cours. Elle n'est pas suffisamment consacrée à l'évolution des pratiques pédagogiques et valorisée comme levier de gestion des ressources humaines. L'offre de formation continue des ÉSPÉ est encore trop limitée et reste insuffisamment liée aux besoins exprimés par les enseignants.

En conclusion, la priorité au primaire voulue par la refondation de l'école est réelle mais insuffisante. La mise en oeuvre des principaux dispositifs est difficile et ils ne sont pas évalués. L'augmentation des moyens s'est faite dans le cadre d'une inflation budgétaire générale, en l'absence de réel rééquilibrage. Des aspects essentiels ont ainsi été négligés.

Mon appréciation est donc : « peut mieux faire » !

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Si cet effort avait été fait à budget constant, mon avis aurait été différent. L'inflation budgétaire n'améliore pas les résultats. M. Lang a créé 30 000 postes en deux ans, or l'enquête PISA de 2009 n'a montré aucune amélioration. Opérons plutôt des redéploiements pertinents !

Articles 55 octies et 55 nonies rattachés

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Notre commission doit également émettre un avis sur les articles 55 octies et 55 nonies rattachés.

L'article 55 octies tire les conséquences de l'inscription dans le droit commun, par un décret du 1er août 2016, de la possibilité offerte par le décret dit Hamon de déroger à l'organisation normale de la semaine scolaire, en garantissant de manière pérenne aux communes et aux EPCI concernés le bénéfice des aides du fonds de soutien aux activités périscolaires. Ce bénéfice leur avait été reconnu par l'article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014, dont il s'agit d'inscrire les dispositions dans l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013. Réunie ce matin, la commission des finances a adopté cet article. Je propose donc à la commission d'émettre un avis favorable à son adoption.

L'article 55 nonies tire les conséquences de la suppression, à compter du 1er septembre 2017, de la grille indiciaire spécifique dont bénéficiaient les enseignants certifiés admissibles deux fois à l'agrégation. Depuis un décret du 10 juillet 1948, les enseignants bi-admissibles étaient soumis à un échelonnement indiciaire spécifique. Le présent article y met fin et prévoit, pour les professeurs relevant actuellement de ce régime, le bénéfice d'une bonification de leur indice majoré. Ma seule réserve est liée au caractère réglementaire de cet article. La disparition de ce régime étant justifiée par la mise en oeuvre du protocole PPCR, j'invite toutefois la commission à émettre un avis favorable. Je précise que la commission des finances l'a également adopté ce matin.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Cela fait seize ans que je vous présente le budget de l'enseignement agricole et que je défends une composante trop méconnue et mal considérée de notre système éducatif.

Mme Françoise Cartron. - Rien ne change !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que l'enseignement agricole est une filière d'excellence. En 2015, sept mois après la sortie de formation, l'écart en matière de taux d'insertion des diplômés de l'enseignement agricole par rapport aux titulaires d'un diplôme équivalent de l'éducation nationale s'établit à 14,6 points en faveur des titulaires d'un BTSA, à 22,9 points pour les titulaires d'un baccalauréat professionnel et à 9,4 points pour les titulaires d'un CAPA.

La logique du pilotage par la performance que visait à instaurer la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est pourtant restée lettre morte. Les conséquences de ces performances en matière de réussite des élèves et d'insertion professionnelle n'ont pas été tirées sur le plan budgétaire.

L'enseignement agricole est caractérisé par un pilotage malthusien : les effectifs sont adaptés aux moyens, ce qui interdit toute croissance durable. Au contraire, ils baissent depuis une douzaine d'années. Le développement de l'enseignement agricole dans des territoires où il existe une forte demande, comme la Guyane, en est empêché.

À la rentrée 2016, les effectifs d'élèves baissent de 1 %, ce qui représente 1 687 élèves en moins, pour atteindre 164 341 élèves. C'est un point bas historique depuis vingt ans ; le nombre d'élèves avait en effet dépassé 165 000 à la rentrée 1996.

Cette baisse des effectifs est due, d'une part, au faible nombre d'entrées dans les classes de lycée et du supérieur court, à rebours d'une forte croissance observée dans l'éducation nationale et, surtout, à l'effondrement de 5,7 % des effectifs des classes de quatrième et de troisième. Or ces classes d'appel constituent un vivier pour les établissements de l'enseignement agricole, lesquels, grâce à une pédagogie adaptée et à l'internat, offrent une alternative pertinente pour de nombreux jeunes, qu'ils mènent à la réussite.

L'éducation nationale ne partage pas ce constat : l'évolution des effectifs est la conséquence directe de sa politique visant à limiter l'orientation vers l'enseignement agricole, en particulier au collège, ainsi que de la dévalorisation constante, consciente ou non, de l'enseignement agricole dans les représentations.

M. Jacques-Bernard Magner. - Ah bon ? Le ministère dit-il vraiment cela ?

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Les crédits consacrés à l'enseignement technique agricole, qui s'élèvent à 1,42 milliard d'euros, augmentent de 2,5 % et de 35,1 millions d'euros. Cette augmentation traduit des mesures de revalorisation applicables à la fonction publique, la réforme des bourses de lycée ainsi que la création d'une aide à la recherche du premier emploi, et la réalisation du schéma d'emplois pour 2017, qui prévoit la création de 140 postes d'enseignants et de 25 postes d'auxiliaires de vie scolaire (AVS). L'engagement du Gouvernement de créer 1 000 postes sur la durée de la législature est rempli, bien que 195 de ces postes soient des assistants d'éducation ou des AVS, qui ne sont pas sous plafond d'emploi.

Mme Françoise Cartron. - Cela a toujours été dit.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Je note avec satisfaction un rattrapage du financement des dotations en faveur des assistants d'éducation. L'écart avec l'éducation nationale se réduit, mais demeure.

En revanche, les crédits couvrant les charges de pension pour les emplois gagés des centres de formation d'apprentis (CFA) et des centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) baissent fortement. Le ministère compte se défaire de cette dépense, estimant que ces emplois gagés, qui représentaient 379 équivalents temps plein au 1er janvier 2016, constituaient une anomalie. Reste que la responsabilité en incombe avant tout au ministère et que la réduction de cette dépense fragiliserait les établissements.

Enfin, les crédits consacrés à la prise en charge des élèves en situation de handicap progressent de 6,1 % en 2017, pour atteindre près de 7 millions d'euros.

L'année 2016 voit la fin des protocoles d'accord conclus en 2013 avec les établissements de l'enseignement privé à temps plein ou fonctionnant à un rythme approprié. Ces protocoles devraient être reconduits pour un an, jusqu'à la prochaine législature. Ils ne constituent pas des dons mais pallient l'incapacité de l'État à respecter les obligations fixées par la loi Rocard. Une enquête a été lancée par le ministère en vue de la réévaluation de la subvention versée aux établissements, je souhaite qu'elle conduise à sa revalorisation.

L'orientation des élèves, sur laquelle notre collègue Guy-Dominique Kennel a mené un travail de fond, est une question existentielle pour l'enseignement agricole, dont la pérennité dépend de la capacité à attirer des élèves mais également de la coopération avec l'éducation nationale. La mutualisation des moyens est nécessaire et profiterait aux deux systèmes.

La suppression insupportable, lors des deux derniers projets de loi de finances, de 2,5 millions d'euros de crédits du programme 143 pour financer les aides aux communes dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, montre qu'une relation équilibrée entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale reste à construire. L'enseignement agricole ne doit pas être la variable d'ajustement de la mission « Enseignement scolaire » ! Je ne sens pas de volonté de conforter cette composante du système éducatif dont chacun reconnaît pourtant l'excellence. L'enseignement agricole n'est pas traité à sa juste valeur.

Ces réserves formulées, je recommande de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits affectés à l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

M. Christian Manable. - Nous sommes favorables à ce budget, qui nous semble bon. Jean-Claude Carle l'a dit : tous les crédits augmentent, ce Gouvernement est en cohérence avec sa volonté politique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il l'a dit avec un air consterné !

M. Christian Manable. - En hausse de 12,7 % par rapport à 2012, ce budget parachève la priorité donnée à l'éducation nationale durant ce quinquennat. Depuis 2015, c'est à nouveau le premier budget de la nation, malgré le contexte contraint. L'engagement de création de 60 000 postes est tenu. L'accent est également porté sur la revalorisation des rémunérations des personnels.

Le décrochage scolaire passe sous la barre des 100 000 jeunes, ce qui représente une baisse de 20 % depuis 2012. C'est un effet de la politique de ce Gouvernement, quand, auparavant, des moyens humains et financiers avaient été supprimés. Quand un État tourne dos à l'éducation, il tourne le dos à l'avenir !

Ce budget poursuit les orientations de la loi de refondation de l'école du 8 juillet 2013 : priorité au primaire, développement du potentiel d'enseignants, rétablissement de la formation initiale et continue des enseignants. J'ai exercé ce métier difficile, qui évolue vite : cela nécessite une formation ! J'ajoute la création d'un service public du numérique, etc.

Un budget en hausse ne serait pas forcément un bon budget ? Voilà un sophisme en Pataugas ! Un bon budget devrait donc être en baisse ? Quand je fais les courses, je préfère disposer de 100 euros que de 80 !

Nous regrettons le refus de la majorité sénatoriale de débattre démocratiquement de ce budget, au prétexte, fallacieux, qu'il serait insincère et électoraliste. Il est pourtant sincère : il respecte les engagements de la France, avec moins de 3 % de déficit ; il n'est pas électoraliste, puisqu'il se projette au-delà de 2017.

Voter la question préalable est une échappatoire. C'est la première fois depuis 1992 que le Sénat renonce à examiner le budget. La droite rabaisse le Sénat et risque d'alimenter un discours hostile à notre assemblée. À gauche, nous souhaitons débattre de ce budget, y compris de ses - rares - imperfections.

Cette crispation s'explique peut-être par des désaccords internes, qui transparaissent dans les avis donnés, ou par la difficulté à assumer vos choix futurs, avec des suppressions drastiques de postes dans la fonction publique. Le budget de la Nation est-il l'otage des primaires ? Vous refusez l'obstacle.

Le programme pour l'éducation du champion de la primaire prévoit 250 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale. Ce serait la fin de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui bénéficie pourtant aux plus défavorisés, ainsi que du dispositif « plus de maîtres que de classes » ; cela conduirait également à la fermeture de 5 000 classes, créant de véritables déserts éducatifs en milieu rural. C'est paradoxal, pour des chantres de la ruralité ! Les classes seront surchargées, les enseignants absents ou en formation ne pourront être remplacés, au détriment de l'apprentissage des élèves les plus en difficulté. Ce programme constitue un véritable retour en arrière !

Notre groupe votera les crédits de la mission pour 2017.

Mme Corinne Bouchoux. - Mme Blandin et moi-même ne nous représentons pas en septembre prochain, nous nous réjouissions donc de travailler positivement sur ce budget. Être privées d'un débat de qualité nous frustre. Certains, y compris à droite, n'étaient peut-être pas d'accord avec ce choix, qui revient à nous dessaisir d'une de nos prérogatives. Je comprends toutefois les décalages entre les avis, qui s'expliquent par des regards différents.

Ce budget de l'enseignement scolaire va dans le bon sens et contient des avancées importantes. À notre sens, il faut privilégier quatre éléments : l'éducation tout au long de la vie, jusqu'après la fin de la vie professionnelle ; l'accompagnement des parents dès la naissance ; une éducation avec tous et pour tous ; enfin, l'autonomie des établissements, en faisant confiance aux acteurs.

La situation des ÉSPÉ est inquiétante. Le supérieur renvoie la question vers le secondaire, qui considère que cela relève du supérieur... Beaucoup de mesures que nous avons votées, comme la formation à la résolution non violente des conflits, pourtant essentielle, ne sont pas appliquées. Il en va de même de l'association des acteurs de la vie associative à la formation, qui n'est pas financée.

Je salue la constance de Mme Férat. Quel est, toutefois, le sens du maintien de l'indépendance de l'enseignement agricole ? Certes, la moitié des fonctionnaires du ministère de l'agriculture sont des enseignants. Cet enseignement, très spécifique, doté d'une forte autonomie pédagogique, qui pratique l'interdisciplinarité et le travail en équipe ne serait-il pas mieux traité dans l'éducation nationale ?

M. Jacques Grosperrin. - Nous avons entendu une belle apologie du Gouvernement. Pourtant, je m'interroge. Je partage en grande partie l'analyse des rapporteurs. Ce budget a toujours été parmi les plus élevés, il augmente de 4,5 %, or les résultats scolaires ne sont pas satisfaisants. L'investissement dans les REP et les REP+ pose également question : là aussi, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Votre logiciel ne correspond plus au terrain !

J'attendais beaucoup de la loi de refondation de l'école. M. Peillon était compétent et intelligent, son analyse des besoins de l'école était juste.

Mme Françoise Cartron. - Il fallait le lui dire durant les débats !

M. Jean-Louis Carrère. - Vous l'avez maltraité !

M. Jacques Grosperrin. - Les acteurs principaux de l'éducation nationale, ce sont les syndicats, qui servent plus volontiers les enseignants que les élèves ! Depuis l'arrivée de Mme Najat Vallaud-Belkacem, c'est le règne de la communication. Non, tout ne va pas très bien !

Je partage votre avis sur « plus de maîtres que de classes », qui est un bon dispositif. J'ai toutefois regretté la suppression des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED).

Vous prétendez accroître le recrutement, mais on peine à trouver des enseignants. Pour augmenter le niveau des élèves, il faut augmenter celui des enseignants, c'est-à-dire choisir les meilleurs et leur proposer un salaire plus digne en début de carrière.

M. Jean-Louis Carrère. - Vous avez détruit le système de formation !

M. Jacques Grosperrin. - Ce sont les parents qui refusent de scolariser leurs enfants avant trois ans !

En Finlande, l'obligation scolaire court de sept à seize ans, et ce pays est en tête des classements PISA. Il a adopté une autre démarche, avec les jardins d'éveil. Il ne s'agit pas seulement de moyens.

Vous vous appuyez trop sur les « pédagogistes », friands de « référentiel bondissant », de « milieu aquatique profond », etc. Ces notions ont fait beaucoup de mal à l'éducation nationale. Je sais donc gré à Jean-Claude Carle de nous parler des savoirs fondamentaux, qui ne sont pas réductibles aux sciences de l'éducation. Les ÉSPÉ ne changeront que si l'on en change les acteurs...

Comment tirer les élèves vers le haut en refusant les mots « excellence », « sélection », « autorité » ? Le manque d'autorité, et donc de sécurité, explique peut-être la désaffection du métier d'enseignant. Le ministre doit agir fortement en ce sens.

M. Christian Manable. - Et les parents ?

M. Jacques Grosperrin. - Ils ont un rôle majeur à jouer, en effet.

Le débat budgétaire a lieu en commission. Nous avons travaillé et nous aurions aimé en débattre en séance, mais ce budget est bien insincère. Nous n'avons d'ailleurs pas de leçons à recevoir d'un Président de la République qui écrit ce qu'il écrit sur l'école, sur ses ministres et sur l'éducation nationale.

M. Claude Kern. - Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail.

Les objectifs de ce budget sont louables, mais de nombreux problèmes subsistent. Le dispositif « plus de maîtres que de classes » peine à décoller, l'ouverture des maternelles au moins de trois ans est difficile à mettre en oeuvre dans tous les territoires et la formation continue des enseignants n'est pas encore à la hauteur des autres pays de l'OCDE.

Le taux des élèves handicapés scolarisés a progressé de près de 25 % en cinq ans, mais c'est encore insuffisant. Mme la ministre propose aux AVS d'intégrer le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), mais il faut pour cela recruter suffisamment d'AVS. Ce n'est pas le cas.

Le groupe UDI-UC se rallie aux avis des rapporteurs.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je partage depuis des années la préoccupation d'un enseignement agricole de qualité, particulièrement dans le public. Le Gouvernement a mis fin à l'hémorragie d'emplois, mais les postes recréés ne permettent pas de faire face à l'augmentation des effectifs et de répondre aux enjeux, dans des territoires redécoupés en treize grandes régions.

J'ai participé il y a quelques jours à une journée en province sur l'enseignement agricole. Les indicateurs sont en baisse, y compris le pourcentage de reçus au baccalauréat professionnel, toutes voies confondues. Avant la réforme, le taux de réussite était de 89,3 %. Nous plafonnons depuis 2012 à 83 %. C'est un élément d'inquiétude.

D'une manière globale, faisons un bilan du bac pro en trois ans, qui a tout déstabilisé et a certainement participé à une moindre insertion professionnelle.

On peut gloser à l'infini sur la question des moyens. Les 88 000 suppressions d'emplois n'avaient pas non plus contribué à améliorer la situation. Restons modestes !

Une fois n'est pas coutume, je rejoins M. Carle : il faut s'interroger plus avant sur les difficultés d'entrée dans les apprentissages. Souvent, les dés sont jetés dès la maternelle. J'ai travaillé avec Mme Cartron sur la scolarisation précoce. Notre objectif n'était pas d'instaurer une obligation ferme, d'autant que la maturité évolue d'un enfant à l'autre. Mais nous savons tous qu'une scolarisation précoce, dans un service public d'éducation, est de nature à gommer les difficultés du milieu social de départ.

J'ai souvent été très critique, mais on ne peut pas dire que rien n'a été fait durant le quinquennat. Près de 54 000 postes ont été recréés, on a remis en route la formation des enseignants. Certes, ces 54 000 postes vont en partie à des stagiaires...

Nous aurions pu aller plus loin, notamment dans la loi Peillon. Si nous avions agi autrement, les syndicats seraient moins dos au mur, plus en confiance.

M. Jacques Grosperrin. - Regardez ce qui se passe en Allemagne !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Il convient de s'interroger sur les termes d'un service public national de l'éducation. La régionalisation et la territorialisation poseront de grands soucis d'inégalité.

Même si je ne partage pas totalement les dispositions de ce budget, je suis favorable aux crédits de cette mission : 3 milliards d'euros supplémentaires, cela ne se balaye pas d'un revers de main !

Mme Colette Mélot. - La maîtrise de la langue française, dès la maternelle, est déterminante. Or nous ne constatons pas de volonté de mieux répartir les moyens en faveur de l'enseignement primaire, pourtant fondamental. L'enfant doit acquérir les savoirs de base pour accéder ensuite à l'enseignement secondaire.

Je rappelle notre opposition à la réforme du collège, notamment sur l'enseignement des langues. Là aussi, il ne s'agit pas de moyens financiers ou humains, mais d'une meilleure répartition.

Les ÉSPÉ ont été un beau projet. Il faut former les enseignants et revaloriser la profession. Je salue l'effort en faveur de l'attractivité de la profession. Néanmoins, les recrutements massifs ont entraîné une baisse de la qualité des recrutements. J'en veux pour preuve l'académie de Créteil : organisation d'un deuxième concours, abandon des étudiants, baisse du niveau, c'est une catastrophe.

Guy-Dominique Kennel et Jacques-Bernard Magner ont signé un excellent rapport sur l'orientation. Mais leurs propositions restent des voeux pieux !

La diminution des effectifs dans l'enseignement agricole est une conséquence directe de l'orientation par défaut. Tant que l'éducation nationale refusera d'orienter les élèves selon leurs talents, la situation de l'emploi dans notre pays restera médiocre.

Le budget de l'éducation nationale est le premier budget de la nation depuis de nombreuses années. Pourtant, l'enquête PISA ne relève pas un infléchissement de la tendance.

Mme Françoise Cartron. - PISA, c'est le bilan de vos années !

Mme Colette Mélot. - Trop d'élèves vont vers l'échec. Il ne suffit pas d'augmenter les crédits, il faut surtout mieux les répartir et avoir la volonté politique de faire évoluer notre système éducatif.

Mme Christine Prunaud. - M. Carle a parlé d'une absence d'engouement des parents pour scolarisation des enfants de moins de trois ans. Une étude a-t-elle été réalisée sur le sujet ? La Bretagne est une des régions ayant scolarisé le plus rapidement des enfants de deux ans, et les écoles privées ne manquent pas de faire leur publicité en affichant qu'elles acceptent les enfants à partir de deux ans !

Les budgets en faveur de la scolarisation des jeunes enfants ne devraient pas poser de problème, l'éducation étant une priorité.

Accueillir des enfants de moins de trois ans, c'est assurer un meilleur déroulement de leur scolarité. La Bretagne ne figure-t-elle pas parmi les régions qui obtiennent les meilleurs résultats au baccalauréat ?

Mme Maryvonne Blondin. - C'est une terre d'excellence !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Le fait que le budget ne sera pas débattu en séance ne relève pas de mes compétences ; je n'ai nulle autorité en la matière.

M. David Assouline. - Étiez-vous contre ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Monsieur Manable, je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un mauvais budget. J'ai uniquement souligné qu'il était insuffisant. Tous les crédits sont certes en augmentation, mais l'éducation est un investissement. Or les retours sur cet investissement ne sont pas suffisants à mon sens.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Parlons du crédit impôt recherche !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Vous dites que vous préférez avoir 100 euros que 80 euros quand vous faites vos courses. Pourquoi dépenser plus que vos besoins ? Personnellement, je préfère garder 20 euros dans ma poche pour d'autres priorités !

M. Jean-Louis Carrère. - Pour la quête !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Les ÉSPÉ posent effectivement problème, mais cela tient moins aux maquettes qu'au choix d'une direction bicéphale entre le recteur et les présidents d'université. Je suis d'accord avec vous sur l'éducation tout au long de la vie. J'avais proposé en son temps la mise en place d'un chèque formation. Les esprits n'étaient alors pas mûrs. Le dispositif a été adopté il y a quelques mois. C'est un bon moyen, qui facilitera des parcours plus itératifs. Mieux vaut une insertion plus rapide si on a l'assurance de pouvoir revenir sur sa formation par la suite.

M. Grosperrin a raison : en Finlande, la scolarisation commence à sept ans, avec de bons résultats. À l'heure actuelle, la quasi-totalité des enfants de trois ans est scolarisée. Je rejoins les propos de Mme Gonthier-Maurin : la réussite commence très tôt, dès l'entrée en maternelle. Mais encore faut-il détecter rapidement les enfants qui décrochent, comme c'est le cas en Finlande ou aux Pays-Bas. Ces pays mettent alors en place des pédagogies adaptées. Pour ce faire, les maîtres doivent être formés.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Vous voulez supprimer la formation !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - J'ai été le premier à dénoncer la suppression des IUFM. Certes, elles ne donnaient pas satisfaction, mais ne les remplacer par rien était pire. Je l'ai dit à l'époque à Luc Chatel.

M. Jean-Louis Carrère. - Vous n'avez pas été entendu... 

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Bref, les maîtres doivent être formés à des pédagogies scientifiquement validées et qui donnent des résultats. Ils doivent également être mieux traités financièrement. Les professeurs des écoles sont payés 20 % de moins que les enseignants du second degré ; sur une carrière, leur traitement est inférieur de 30 % à celui d'un enseignant allemand. Inspirons-nous donc du parcours de l'Allemagne !

Je pense, pour ma part, que la territorialisation fasse permettra de combler les disparités. L'éducation nationale doit apporter une réponse sociale, économique mais aussi territoriale. Ce n'est pas par la circulaire que l'on réglera le problème, mais par la contractualisation avec l'ensemble des acteurs : l'État, les élus locaux, les parents, les enseignants et le monde professionnel.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Le monde professionnel est instable et irrespectueux des fonds publics qu'il consomme très largement !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Qui crée l'emploi, sinon l'entreprise ?

Il faut passer de la culture de la circulaire à celle du contrat. Ce budget consent un effort en faveur des élèves handicapés, même s'il est insuffisant. Là encore, c'est par la contractualisation avec les collectivités locales, en particulier avec les communes et les EPCI, que l'on améliorera la situation.

Les enquêtes montrent que la maîtrise de la langue est déterminante, comme l'a dit Mme Mélot. Un enfant qui ne maîtrise pas très tôt le français aura les pires difficultés à apprendre une autre langue.

Mme Françoise Cartron. - D'où l'école maternelle à trois ans !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Près de 98 % des enfants sont scolarisés à trois ans. Pour la scolarisation dès deux ans, ce sont les familles qui en auraient le plus besoin qui sont les plus réticentes.

Mme Françoise Cartron. - Leurs enfants iront encore moins dans des jardins d'éveil payants !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - Il faut donc un effort de pédagogie, mais aussi une vision globale des différentes politiques. La famille, l'école et la ville, tout est lié.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Il y a quelques années, le bleu budgétaire faisait état de l'intégration à l'éducation nationale de l'enseignement agricole. J'ai dû batailler ferme pour faire retirer le programme 143 de ce ministère. À nous de conserver la spécificité de cet enseignement, car elle constitue sa force.

On lie souvent production et enseignement agricole, mais celui-ci prépare à bien d'autres métiers, liés à l'eau, à la biologie, à l'aménagement paysager, ... L'enseignement agricole permet également de coller au mieux aux besoins des territoires - ainsi de la viticulture en Champagne. Sa richesse repose sur la construction de l'homme et du citoyen. Elle repose aussi sur l'internat, qui est une chance pour certains élèves.

Les budgets successifs sont une chape qui interdit aux effectifs de s'épanouir. Avec la perte de 1 700 élèves, nous en sommes revenus aux effectifs de 1996 ! C'est un étouffement progressif.

On se réjouit d'une hausse de 2,5 % ? Vous connaissez comme moi les réserves et les gels de crédits. Je ne reviendrai pas sur le prélèvement opéré depuis deux ans. Tout cela nous mènera, si nous n'y prenons garde, à un véritable gâchis pour ces jeunes qui réussissent, et qui réussiraient sans doute moins bien sinon.

En effet, madame Gonthier-Maurin, le nombre de bacheliers a augmenté entre 2011 et 2015, même si l'on enregistre six points de réussite en moins en moyenne. Les conséquences en matière d'emploi, sont incertaines du fait de la situation du marché de l'emploi. Il est évident que des améliorations doivent être apportées.

M. Jean-Louis Carrère. - Mais ça va mieux !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - C'est vous qui le dites.

Oui, madame Mélot, l'orientation est le maillon indispensable à une meilleure réussite de nos jeunes.

M. Christian Manable. - Membre d'une mission sénatoriale avec M. Jean-Léonce Dupont, je me suis rendu en Finlande en avril ; nous avons rencontré la ministre et visité des établissements. Leur taux de réussite est certes élevé, mais il faut comparer ce qui est comparable : la Finlande est un pays de 5,5 millions d'habitants, où les élèves bénéficient d'un environnement socioculturel familial particulier, où le niveau de revenu est élevé.

Quoi qu'il en soit, on s'aperçoit que la Finlande recule dans le classement et qu'elle n'est pas non plus le paradis scolaire que l'on aime décrire.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire ». - J'ai évoqué la Finlande, mais également l'Allemagne. Loin de moi l'idée de vouloir transposer le modèle finlandais et de penser que l'herbe est plus verte en Finlande ! Ce pays compte 5,5 millions d'habitants, soit moins que la région Rhône-Alpes. S'il en comptait 65 millions, je ne suis pas sûr qu'il réussirait de la même manière.

La France est une et indivisible, certes, mais elle n'est pas uniforme pour autant. Il importe de tenir compte de ces diversités, madame Gonthier-Maurin. C'est sur ce point que nous divergeons.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » et un avis favorable à l'adoption des articles 55 octies et 55 nonies rattachés.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Duvernois sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2017.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - J'ai été tenté de reprendre mon discours de l'an dernier et de me contenter de dire : cette année c'est pareil, mais en pire !

Je vais néanmoins tâcher de balayer les grandes lignes du projet de budget de l'action culturelle extérieure de l'État et de replacer les évolutions proposées dans la perspective du quinquennat qui s'achève.

Le programme 185, « diplomatie culturelle et d'influence », doté de quelque 700 millions d'euros, représente un petit quart des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » qui pèse 3 milliards d'euros.

Les crédits du programme 185, hors tourisme, devraient passer sous la barre des 680 millions d'euros l'an prochain ; en 2012 ils dépassaient 750 millions d'euros. C'est une érosion de près de dix points sur le quinquennat, justifiée par la réduction des dépenses publiques.

L'an dernier, la baisse avait été particulièrement drastique : moins 4 %. Cette année, elle n'est que de 1,2 %, mais fait suite à une longue série de baisses successives. Nous arrivons « à l'os » : les postes diplomatiques ont été essorés, ils ont fait toutes les économies imaginables, recherché tous les cofinancements possibles, mais nous arrivons au bout des efforts envisageables. Je crains que nous ne finissions par décourager nos diplomates qui, avec le temps, sont devenus de véritables spécialistes ès gestion de bouts de chandelles !

Le français est la sixième langue parlée dans le monde et la deuxième langue étrangère la plus enseignée après l'anglais. La France dispose aussi du troisième réseau diplomatique et consulaire dans le monde, derrière les États-Unis et la Chine, et devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Russie. Ce réseau est même le premier au regard de l'éventail des services offerts. Notre pays dispose également d'un réseau d'enseignement français à l'étranger unique au monde par son ampleur. Difficile d'imaginer plus beaux atouts pour mener une politique culturelle extérieure ambitieuse !

Et pourtant, les moyens que nous consacrons à cette politique s'érodent d'année en année. Nos opérateurs sur le terrain ont de plus en plus de peine à porter une diplomatie globale et ambitieuse d'influence et de rayonnement.

La contrepartie du désengagement de l'État est une pression croissante sur les opérateurs pour qu'ils fassent des économies et trouvent des financements extérieurs - cofinancement, mécénat, prestations payantes. Ces pistes ne pourront toutefois constituer à long terme un substitut viable à un financement ne serait-ce que minimal par l'État. La politique de rayonnement culturel de notre pays se veut ambitieuse ; sa soutenabilité à terme suppose des moyens budgétaires et humains.

Plusieurs contrats d'objectifs et de moyens (COM) vont nous donner l'occasion de nous repencher sur les objectifs et moyens des différents opérateurs de ce programme.

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) vient de signer en juin dernier son COM 2016-2018. Exceptionnellement, en 2017, les crédits alloués à cette agence qui scolarise 342 000 élèves, dont 125 000 Français, dans 500 établissements sur tous les continents, augmentent de 1,7 million d'euros par rapport à 2016, en raison notamment d'une dotation exceptionnelle de 14,7 millions d'euros dédiée à la mise en sécurité des établissements situés dans les zones géographiques les plus sensibles.

Quid de l'an prochain ? Hors sécurité, les crédits alloués à l'AEFE diminuent ; je rappelle qu'ils avaient baissé de 4 % l'an dernier.

On observe également une diminution des crédits pour les bourses des élèves scolarisés dans le réseau d'enseignement français à l'étranger : 110 millions d'euros en 2017, alors que le Gouvernement avait pris l'engagement en 2013 de les maintenir à 125 millions d'euros. J'apporte donc tout mon soutien à l'amendement voté en commission des finances qui augmente ces crédits de 5 millions d'euros.

Et pourtant, ce réseau accueille de plus en plus d'élèves : les effectifs ont augmenté de 1,8 % à la dernière rentrée, corollaire de l'augmentation, de 3 % en un an, du nombre de Français vivant à l'étranger.

M. Jean-Louis Carrère. - Cela signifie que notre système scolaire n'est pas défaillant !

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - De surcroît, les résultats au baccalauréat sont remarquables : 97 % de réussite. L'offre éducative à l'étranger confirme ainsi son attractivité mais son modèle de gouvernance économique doit impérativement être revu.

Ne nous endormons pas sur nos lauriers ! Dans un rapport remis à la commission des finances il y a un mois, la Cour des comptes considère que « l'absence de décisions ambitieuses condamnerait notre réseau d'enseignement français à l'étranger à l'incertitude, voire à un lent déclin ».

Soyons réalistes, les établissements vont devoir compter de plus en plus sur leurs ressources propres. Alors que le ratio de financement État-familles était de 60/40 il y a quelques années, il frise désormais les 30/70.

Les frais de scolarité sont en progression continue depuis plusieurs années : ils atteignent presque 5 000 euros annuels en moyenne, avec des pointes à plus de 30 000 euros.

Face à cette situation, je suis partisan de la diversification de notre offre éducative, et notamment du « LabelFrancÉducation », conçu et élaboré par le ministère des affaires étrangères et du développement international. Ce label, créé en 2012 au Sénat, distingue les établissements étrangers qui développent des sections bilingues francophones d'excellence : 156 établissements sont aujourd'hui labellisés, contre 91 l'an dernier, avec un vrai potentiel, puisque les filières bilingues francophones existantes regroupent plus de 1,7 million d'élèves à travers le monde ! C'est un formidable outil d'influence à moindre coût, qui permet aux familles françaises expatriées de bénéficier d'un enseignement en français de qualité. Il faut encourager le développement de ce label. Notre commission s'est honorée en recevant au Sénat, le 21 juin dernier, le troisième forum mondial des établissements LabelFrancÉducation. Merci, madame la présidente, pour votre appui à l'organisation de cette manifestation.

C'est la conjonction de ces offres éducatives différenciées qui nous permettra de poursuivre le développement de l'enseignement du français à l'étranger et de conserver, en la matière, de grandes ambitions. Il faut y ajouter l'action du Centre national d'enseignement à distance (CNED), qui a élaboré un programme d'enseignement bilingue francophone à distance, celle du réseau Français langue maternelle (FLAM), qui fonctionne sur le principe des « écoles après l'école », et celle de la Mission laïque française.

Le COM de l'Institut français pour la période 2017-2019 sera particulièrement intéressant à examiner, tant l'établissement semble avoir besoin de se repositionner et de définir une vision claire de ses moyens puis de ses objectifs, dans cet ordre, car ces derniers sont terriblement contraints par la baisse continue de la subvention pour charges de service public. Après une baisse de 1,3 % en 2016, les crédits diminueront de 3 % en 2017 et le plafond d'emplois sera encore revu à la baisse. Faute de moyens suffisants, des instituts et des antennes ont dû fermer, au Cap-Vert, en Ouzbékistan, en Slovaquie, en Autriche.

L'avenir est peut-être dans des relations encore plus étroites avec le réseau des 819 Alliances françaises, fondées à la fin du XIXe siècle, qui travaillent en partenariat avec les ambassades. Les crédits du réseau ne diminuent pas cette année, compte tenu d'une subvention de 2 millions d'euros dédiée à la mise en sécurité de certains sites. Là aussi, l'avenir est probablement à la flexibilité et à la complémentarité des réseaux.

Enfin, nous aurons à examiner le COM 2017-2019 de Campus France. L'évolution du nombre d'étudiants dans le monde - qui a doublé en quinze ans et doublera de nouveau d'ici 2020 - est une formidable opportunité. En termes d'attractivité universitaire, notre pays se classe, selon les années, entre la troisième et la cinquième places au niveau mondial. Il est en outre le premier pays d'accueil non anglophone, à égalité avec l'Allemagne. Une récente étude internationale place même la France à la deuxième place d'un classement mondial de l'enseignement supérieur, du point de vue des employeurs. C'est encourageant !

L'établissement Campus France poursuit son développement : 236 espaces et antennes sont désormais installés dans 120 pays, souvent dans les locaux de l'Alliance française. Quant au réseau social France Alumni, que l'opérateur a monté, il prend son essor : plus de 31 000 anciens étudiants de l'enseignement supérieur français y sont inscrits ; c'est un excellent réseau pour nos ambassades.

Mais là encore, nos ambitions - le doublement du nombre d'étudiants étrangers accueillis à l'horizon 2025, si l'on suit les préconisations du comité pour la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, la StraNES - se heurtent au mur des réalités budgétaires, à la baisse continue de la subvention pour charges de service public mais aussi à celle des bourses d'attractivité.

En conclusion, en dépit de réserves sur l'érosion préoccupante des crédits de l'action culturelle extérieure sur la période 2002-2017, je vous recommande, dans un souci de réalisme et de responsabilité, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits, hors tourisme, du programme 185.

Mme Claudine Lepage. - Votre rapport est très riche. L'action extérieure de l'État couvre de nombreux domaines, je n'en évoquerai que quelques-uns.

Notre réseau diplomatique est encore très important et fonctionne très bien. Nous avons des diplomates de grande qualité, des agents dévoués dans les consulats. Peut-être n'avons-nous plus les moyens d'entretenir un tel réseau à vocation universaliste, mais, le cas échéant, il faudrait avoir le courage de le dire, ce qu'aucun gouvernement, jusqu'ici, n'a fait.

Le réseau des écoles françaises à l'étranger est magnifique, avec 494 établissements et trois statuts différents. Il est regrettable que les crédits diminuent chaque année, mais le ministère des affaires étrangères, comme les autres ministères, doit faire face aux contraintes budgétaires. Diminuer les crédits, cela veut dire, parallèlement, augmenter les frais de scolarité payés par les familles, ce qui modifie la sociologie des enfants qui peuvent fréquenter ces écoles.

J'ai remis au ministre, l'année dernière, avec le député Philippe Cordery, un rapport sur les moyens de limiter l'augmentation trop rapide des frais de scolarité. Nous avions formulé 50 propositions, qui consistaient à faire des économies dans les établissements et au siège de l'AEFE, ainsi qu'à trouver d'autres sources de financement. Un certain nombre de ces recommandations sont sur le point d'être appliquées.

Dans le réseau des écoles homologuées, les frais de scolarité augmentent d'une façon incontrôlée. Nous proposions de coupler l'homologation à des critères de bonne gouvernance et de bonne gestion. Un tel couplage s'est révélé impossible, l'homologation se faisant sur des critères exclusivement pédagogiques. Mais la dérive est certaine : dès lors qu'une école est homologuée, elle peut demander des professeurs détachés, et les enfants ont droit à des bourses.

Pour ce qui concerne les bourses, un nouveau barème a été introduit en 2013. L'enveloppe diminue - mais elle n'est pas consommée d'une année sur l'autre ! Il serait intéressant d'en analyser les raisons.

Je suis, comme vous, favorable au développement d'une offre éducative alternative. Les filières bilingues francophones et le LabelFrancÉducation connaissent un grand succès. Pour ceux qui n'ont pas accès à une école française ou ne souhaitent pas y inscrire leur enfant, les programmes FLAM permettent aux enfants des familles francophones et francophiles de maintenir leur niveau de français ou d'apprendre à lire en français.

M. Jean-Claude Carle. - Je remercie Louis Duvernois pour ce rapport très détaillé, ainsi que pour son implication, depuis toujours, pour le réseau des écoles françaises à l'étranger.

Ne pourrait-on effectuer des redéploiements et des mutualisations au sein de l'action globale de notre diplomatie ? J'ai été frappé, notamment, par le nombre de postes diplomatiques : 170 pour les États-Unis, 165 pour la Chine, 162 pour la France, 153 pour l'Allemagne.

M. Jean-Louis Carrère. - Je remercie à mon tour M. Duvernois pour son excellente présentation.

Il y a quelques années, Josselin de Rohan, qui présidait la commission des affaires étrangères, et le président de la commission des finances avaient confié à Adrien Gouteyron et moi-même une mission sur les implantations communes du réseau diplomatique avec nos partenaires européens ; nous avions examiné, à cette occasion, comment fonctionnaient les réseaux allemand, britannique, mais aussi chinois. Force fut de constater que ce problème était très complexe, voire insoluble.

Je suis d'accord pour poser la question : la France a-t-elle les moyens de disposer du troisième réseau diplomatique mondial ? Il s'agit quand même de l'apanage de notre pays. Je serais donc assez favorable à la poursuite de cet effort.

Pour le reste, les diminutions de crédits nous préoccupent tous. Nous tenons beaucoup à cet enseignement français à l'étranger : c'est le rayonnement de notre pays et de notre langue qui est en jeu. En même temps, nous n'avons pas baissé la garde. En période de forte contrainte budgétaire, nous sommes restés à un bon niveau. Monsieur le rapporteur, nous resterons, sur ces questions, vigilants avec vous.

Mme Colette Mélot. - Je félicite Louis Duvernois pour la qualité de son rapport et m'associe à ses conclusions. On peut dire l'excellence de la présence française à l'étranger, mais la France a-t-elle les moyens, désormais, de continuer à financer cette présence ? C'est une vraie question. On peut dire aussi l'excellence de nos établissements d'enseignement. La France, avec les lycées français, dépasse de beaucoup, en la matière, les autres pays.

Une solution pourrait-elle être trouvée au niveau européen ? Les différents pays européens ne peuvent-ils pas s'associer en matière de présence diplomatique ?

M. Jean-Louis Carrère. - Non ! Pensez aux services de renseignement. Ce sont des pistes que nous avions, à l'époque, tenté de suivre.

Mme Colette Mélot. - Je sais à quel point il est difficile de s'entendre, a fortiori à l'heure du Brexit, mais quand même. Ne pourrait-on, par exemple, mutualiser les locaux ?

M. Jean-Louis Carrère. - Ce qui était impossible hier peut devenir possible demain.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je veux à mon tour féliciter notre rapporteur pour la qualité de son exposé et le remercier pour son opiniâtreté à soutenir l'action culturelle de la France à l'étranger.

La chute des crédits est particulièrement inquiétante. Elle est liée à la situation budgétaire de notre pays. Avons-nous les moyens de poursuivre une telle politique active ?

Quoi qu'il en soit, l'inertie d'une telle tendance est grande : si nous souhaitons un jour relancer l'action culturelle de la France à l'étranger, il sera très difficile de remonter la pente. Notre commission doit donc sensibiliser les décisionnaires, d'autant que l'influence culturelle de la France à l'étranger précède bien souvent ses résultats économiques.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - Oui, les deux sont liés.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La réputation de la France est en jeu.

M. Jean-Pierre Leleux. - Cela justifie notre vigilance sur cette chute régulière des crédits. Cette situation mérite un sursaut rapide !

Mme Corinne Bouchoux. - Merci pour cette présentation et pour ce débat.

J'achève la lecture d'un ouvrage qui a fait l'objet de polémiques, mais que chacun devrait lire, intitulé Nos très chers émirs, écrit par deux journalistes très bien informés. Sur ce sujet, il s'agit d'une lecture indispensable.

M. Claude Kern. - Je félicite notre rapporteur pour sa présentation très pédagogique. Nous nous associons à ses conclusions.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure. - Avons-nous les moyens de maintenir notre réseau diplomatique ? Le ministère des affaires étrangères planche sur une reconfiguration du dispositif. Je ne préjuge pas de l'orientation qui sera décidée.

Quant au réseau des écoles de l'enseignement français à l'étranger, la tutelle en est confiée au ministère des affaires étrangères, lequel ne représente que 1,27 % du budget de l'État. Il n'est donc pas en mesure d'investir ou de financer grand-chose. Le budget le plus important revient évidemment à l'éducation nationale, qui fait déjà beaucoup au titre de l'homologation. L'homologation est certes très importante mais elle ne représente pas un investissement financier considérable - des inspecteurs d'académie passent quelques jours dans l'établissement - et une commission nationale statue.

L'inversion du ratio de financement entre parents et État est la conséquence d'une paupérisation de la tutelle, qui ne peut contribuer significativement au financement de l'offre éducative française à l'étranger. Le budget attribué par Bercy tourne autour de 450 ou 480 millions d'euros, mais les parents d'élèves, de leur côté, contribuent pour plus de 1 milliard d'euros. Il s'agit d'établissements privés de droit local, dirigés par des associations gestionnaires de parents d'élèves : qui paie, dirige ! Un conflit plus que latent, déjà très vif par endroits, existe entre ceux qui paient et ceux qui ne paient plus comme avant.

C'est la raison pour laquelle le rapport de la Cour des comptes demande un coup de barre. Jean-Claude Carle dit qu'il faut « redéployer » les crédits. La Cour des comptes dit « revisiter », mais cela revient au même : il faut réfléchir sur l'état actuel de notre réseau et les moyens de continuer à faire bien, ou mieux, ce que nous faisons bien, et de faire autrement ce que nous avons des difficultés à faire. Je serais d'ailleurs d'avis que nous auditionnions les auteurs de ce rapport.

Les magistrats de la Cour des comptes ont pour responsabilité de vérifier l'usage des fonds publics ; leur travail est solide. Je l'ai lu attentivement ; j'y souscris très largement, sans a priori partisan.

Les conditions financières actuelles donnent un pouvoir considérable aux parents d'élèves au détriment des pouvoirs publics. Nous ne sommes pas dans une académie gérant des établissements publics : la situation juridique est très particulière, justifiant l'existence de frais de scolarité, ce qui serait impensable sur le territoire national.

Dans l'état actuel de notre réseau, nous ne pouvons plus continuer à fonctionner de cette manière.

J'avais participé, il y a trois ans, à une grande réflexion au ministère des affaires étrangères sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger. Il avait été décidé, alors, que le ministre de l'éducation nationale rencontrerait régulièrement son homologue des affaires étrangères, qui exerce la tutelle sur l'enseignement français à l'étranger. Mais réunir les deux ministres, c'est presque le Chemin des Dames ! Alors qu'ils devaient se voir deux fois par an, ils se sont réunis une fois sur ce thème, il y a deux ans. J'ai récemment demandé à M. Ayrault s'il comptait bientôt rencontrer sa collègue de l'éducation nationale pour faire le point sur l'état de notre réseau.

Tant que l'éducation nationale n'aura pas pris toute la mesure de ce problème, en instillant un peu d'international dans le national, sans dénaturer pour autant le national, nous rencontrerons des difficultés financières et ferons face à des demandes de « déshomologation » de la part de certains établissements.

Mme Mélot m'interroge sur la viabilité d'une solution européenne de financement. Là aussi, le ministère des affaires étrangères a entrepris une réflexion. L'un de nos conseillers consulaires à l'Assemblée des Français de l'étranger planche sur cette question. Mais nous nous heurtons d'ores et déjà à des différences d'appréciation juridique entre États membres de l'Union : les Allemands n'ont pas le même droit que nous ; ils ne s'intéressent pas à leurs compatriotes installés à l'étranger de la même manière que nous. Nous sommes les seuls, avec les Italiens - mais la représentation des Italiens de l'étranger est sur la sellette, puisqu'un référendum risque de la supprimer -, à accompagner vraiment nos communautés nationales à l'étranger. Madame Mélot, votre idée est excellente ; encore faudrait-il que, d'un point de vue juridique, le rapprochement soit possible.

Je partage le point de vue de Jean-Pierre Leleux : ces chutes de crédits auront des effets sur la durée. Les Français qui s'expatrient sont de moins en moins des expatriés d'entreprises ; ils bénéficient de moins en moins de primes à l'expatriation. Les jeunes générations doivent trouver un travail en arrivant sur place et n'ont pas les moyens de scolariser leurs enfants dans nos établissements.

Là encore, je renvoie au rapport de la Cour des comptes. Notre réseau reste attractif, il obtient des résultats remarquables, mais le mode de gouvernance économique est totalement à revoir.

Mme Françoise Cartron. - Je regrette que nous ayons passé notre journée à discuter de crédits qui ne seront pas examinés en séance. C'est dommage ! Tout ce dialogue aurait mérité de recevoir une expression publique via les délibérations de la représentation nationale.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le travail effectué par nos rapporteurs et par les membres de la commission sera bien sûr conservé : nous éditons les fascicules budgétaires. Nos échanges sont utiles, même s'il peut apparaître frustrant que la procédure budgétaire ne se poursuive pas.

Nous avons tous l'occasion de nous déplacer à l'étranger, et mesurons bien la pertinence de votre diagnostic, monsieur le rapporteur : des efforts énormes ont déjà effectués, et nous sommes à l'os. Mais un esprit de responsabilité partagée nous anime sur cette question ; c'est pourquoi nous nous apprêtons à émettre un avis favorable aux crédits de cette mission. De vraies réflexions seront menées sur ces sujets, notamment dans le cadre de notre rapport sur la francophonie au XXIe siècle. Il faut proposer des solutions nouvelles ; c'est notre devoir que d'y réfléchir, et l'occasion nous en est donnée.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2017.

La réunion est close à 17 h 05.

Jeudi 24 novembre 2016

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Audition de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

La commission entend, au cours d'une audition commune avec la commission de la culture et de la commission des affaires européennes, Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

M. Jean Bizet, président. - Nous sommes heureux d'accueillir Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Le Sénat est particulièrement soucieux de veiller, en toutes circonstances, à la protection des libertés fondamentales. La vigilance dont vous faites preuve sur la protection des données, madame la présidente, nous est précieuse.

Vous présidez, par ailleurs, le groupement des CNIL européennes, le G29. Vous travaillez à ce titre en coopération étroite avec vos homologues européens, ce qui vous permet de définir des positions communes ayant plus de portée.

Les sujets européens relatifs à la protection des données personnelles ne manquent pas, ce qui fait tout l'intérêt de votre audition.

Quelle est votre appréciation sur le règlement général et sur la directive relative à la protection des données, qui ont été adoptés récemment ? Le Sénat s'était beaucoup investi sur ces textes que notre collègue Simon Sutour avait rapportés et dont il suit la mise en oeuvre. Comment voyez-vous la transposition de la directive ?

L'Union européenne a par ailleurs conduit des négociations avec les États-Unis. Elles ont abouti à un nouveau cadre, le « Privacy Shield ». Quelle est votre appréciation ?

En outre, les données constituent désormais un élément essentiel pour le développement de l'économie européenne. De multiples applications entraîneront des changements majeurs dans les modèles économiques. Mais cela pose aussi la question de la protection des données ainsi utilisées. Quelle est votre analyse ?

Par ailleurs, dans le cadre du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne, nous avons entendu hier le président de la table ronde des industriels européens, également président d'Air Liquide. Un message a été adressé à la représentation nationale sur la reprise en main au niveau européen des normes relatives au digital, secteur qui sera au coeur de l'économie du XXIe siècle.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - La commission des lois est très heureuse de vous accueillir de nouveau, madame la présidente, après l'audition du mardi 15 novembre 2016 sur la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d'identité, le fameux fichier « titres électroniques sécurisés » (TES).

Aujourd'hui, votre audition portera sur l'actualité de la CNIL, sur ses sujets de réflexion, particulièrement sur les conséquences à tirer de l'entrée en vigueur, en 2018, du règlement européen sur la protection des données personnelles.

Mes collègues de la commission des lois ne manqueront pas de vous poser quelques questions, en complément de celles qui vous ont déjà été posées par le président de la commission des affaires européennes.

Mme Colette Mélot, présidente. - Mes chers collègues, au nom de Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, retenue par d'autres obligations, je dirai à mon tour le plaisir que j'ai d'accueillir Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

L'année 2016 aura sans conteste représenté, avec l'adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, à l'issue d'une procédure inédite d'appel à contribution populaire, et d'un examen parlementaire approfondi, un tournant dans l'adaptation, à grande échelle, de notre législation aux défis de ce qu'il est d'usage de nommer « la révolution numérique ».

Dans ce cadre, plusieurs dispositions traitent de la protection des données personnelles. Vous semblent-elles suffisantes au regard des enjeux ?

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le champ culturel, nous avons pris connaissance avec attention des travaux réalisés cette année par la CNIL sur les données et les industries créatives. Quelles sont, selon vous, les conséquences, sur la protection et les modalités d'utilisation des données, des mutations intervenues du fait du numérique en matière de création et de « consommation » des oeuvres, qu'elles soient littéraires, audiovisuelles, musicales ou vidéo-ludiques ?

Par ailleurs, la commission de la culture, qui dispose également, dans son champ de compétences, des politiques éducatives et en faveur de la jeunesse, s'interroge sur l'efficacité des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les dangers de l'Internet sur les jeunes, notamment les plus crédules et les plus fragiles. Comment définiriez-vous une formation numérique de qualité ? Comment jugez-vous les actions existant dans ce domaine, en particulier s'agissant du cyber-harcèlement ?

Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. -Le règlement européen qui vient d'être adopté constitue une avancée majeure, qui doit d'urgence être complétée par une loi nationale.

En mars 2012 vous vous êtes exprimés sur le sujet à travers une résolution. Le General Data Protection Regulation (GDPR) a été adopté en 2016 et sera pleinement applicable en mai 2018. Il permet la construction d'une Europe des données, appuyée sur un mode de régulation radicalement nouveau : suppression ou fort allégement du contrôle a priori ; renforcement du droit des personnes ; responsabilisation de ceux qui traitent les données ; entrée en force d'un nouveau concept juridique, l'accountability, c'est-à-dire l'obligation de prouver la mise en conformité ; enfin, renforcement des sanctions pouvant aller de 2 % à 3 % du chiffre d'affaires mondial.

Ce texte constitue clairement une étape majeure dans la protection des données et consacre une européanisation de notre mode de fonctionnement. Cette européanisation part d'une phase répressive, puisque nous pouvons désormais prononcer des sanctions communes, pour s'étendre progressivement à la doctrine et aux outils nouveaux de conformité : référentiel, pacte de confiance, etc.

J'insisterai sur un point peut-être moins connu de ce règlement, à savoir le nouveau modèle de gouvernance qui se met en place entre les différentes autorités nationales de protection des données européennes. Une nouvelle institution européenne est créée, le Data Protection Board (DPB). Elle sera chargée d'arbitrer pour les cas transfrontières les éventuels conflits entre les autorités nationales. C'est aussi le DPB qui, in fine, arbitrera la doctrine commune entre les autorités européennes de protection des données.

L'idée est de mettre en place une gouvernance distribuée, c'est-à-dire donnant le premier rôle aux autorités nationales, mais également intégrée, c'est-à-dire obligeant à la coopération entre autorités nationales sur les sujets d'intérêt commun.

Ici, l'Europe innove et répond aux critiques de perte de légitimité de ses institutions, de distance avec le terrain, tout en étant efficace et en offrant un front uni sur les sujets majeurs.

La CNIL et le G29 se préparent à ces évolutions. Le G29, notamment, est en train d'élaborer toute une série de guidelines sur les principaux points du règlement pour les clarifier et offrir aux responsables de traitement une boîte à outils plus explicite.

Au niveau de la CNIL, le GDPR consacre en réalité une évolution que nous avons entamée depuis plus de quatre ans consistant à repositionner notre métier avant tout sur l'accompagnement de la mise en conformité. Tout cela a des conséquences juridiques importantes.

Qui dit règlement, dit applicabilité directe d'un texte. Ce sera en 2018 notre nouvelle loi Informatique et libertés. Néanmoins, le règlement est muet sur les procédures et renvoie aux États membres sur de nombreux points. Il vous faudra donc revoir la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pour tirer les conséquences du règlement.

Vous devrez abroger tout ce que le règlement reprend ; vous devrez préciser les procédures nouvelles en matière répressive pour permettre les sanctions conjointes ; vous devrez enfin prévoir la situation des secteurs dérogatoires : le secteur régalien, la santé, les traitements journalistiques, etc.

Certaines de ces conséquences ont été anticipées par la loi pour une République numérique. Par exemple, le montant des sanctions a d'ores et déjà été revu à la hausse
- 4 millions d'euros -, mais on est encore loin de 2 % à 4 % du chiffre d'affaires mondial. Pour autant, en dépit de ces quelques toilettages, le travail restant à faire est important et doit être mené dans un laps de temps extrêmement court.

Pour être opérationnelle, la nouvelle loi CNIL doit impérativement intervenir avant mai 2018. Un groupe de travail commun avec le ministère de la justice a été mis en place. Conformément à la loi pour une République numérique, un rapport vous sera remis par le Gouvernement le 30 juin 2017.

L'Assemblée nationale, quant à elle, a annoncé la mise en place d'une mission d'information, qui rendra ses conclusions en février prochain. Il serait nécessaire que le Sénat procède également à un travail de réflexion et d'analyse afin que vous soyez prêts à voter un texte courant 2017.

Une nouvelle directive a été adoptée en parallèle au règlement en matière de police et de justice. Elle devra être transposée en droit interne, soit au travers d'une loi spécialement dédiée à ces sujets, soit en toilettant la loi CNIL.

Sur le fond, la CNIL s'est considérablement mobilisée au sujet de cette directive. Nous voulions être certains que le texte ne diminuerait pas le niveau de protection qui est actuellement le nôtre en matière de protection des individus relativement à nos fichiers de police et de justice. Le résultat nous semble bon.

Au-delà du règlement, et à travers le foisonnement de textes ou d'initiatives, se profilent des enjeux plus généraux.

Premier enjeu, la question de la souveraineté. L'Europe est dans une mauvaise posture sur le plan de la protection des données ; certains parlent même de « colonie numérique », les données de ses résidents étant collectées par des acteurs principalement étrangers et traités en dehors de l'Europe, sans les garanties apportées par notre droit.

L'Europe a souhaité réagir à cette situation ; elle l'a fait de plusieurs manières.

Première réponse, le règlement européen sur la protection des données, qui apportera une réponse via le nouveau critère du ciblage : tout acteur international, dès lors qu'il preste un bien ou un service à destination d'un consommateur européen, est soumis au droit européen. C'est une avancée majeure, car nous éprouvons aujourd'hui les plus grandes difficultés à démontrer aux acteurs internationaux que le droit français, par exemple, leur est applicable. Le droit européen sera donc appliqué de façon beaucoup plus rapide et systématique aux acteurs situés hors de l'Europe, au bénéfice des citoyens européens.

La deuxième réponse de l'Europe consiste non pas, cette fois, à protéger les données des citoyens européens vis-à-vis d'acteurs étrangers intervenant en Europe, mais à protéger les données des citoyens européens lorsque celles-ci font l'objet d'un traitement et sont exportées hors d'Europe. C'est tout le problème du privacy shield, à savoir la capacité de l'Europe à limiter l'accès massif et indifférencié d'autorités politiques étrangères aux données de citoyens européens lorsque celles-ci quittent l'Europe. C'est l'autre versant de la souveraineté.

En quelques mots, je rappelle ce qui s'est passé avec le shield et, avant le shield, avec le Safe harbor. Le Safe harbor était un accord qui liait depuis une dizaine d'années l'Europe et les États-Unis sur l'encadrement juridique des flux transfrontaliers de données entre ces deux espaces géographiques. Il a été invalidé par la Cour de Luxembourg en octobre 2015, au motif que la Commission n'avait pas fait son travail : elle avait certes encadré la circulation des données commerciales de l'Europe vers les États-Unis, mais n'avait pas vérifié les conditions dans lesquelles les services de renseignement américains pouvaient accéder à ces mêmes données pour des raisons de sécurité nationale.

Les CNIL européennes, dans le cadre du G29, se sont, dès octobre 2015, emparées du sujet, et ont demandé à la Commission de répondre de façon explicite, par un nouvel accord, aux demandes de garanties des Européens, s'agissant non seulement des acteurs économiques qui exportent leurs données, mais des autorités publiques américaines qui, de ce fait, avaient accès à un gisement de données.

C'est cette pression des CNIL européennes, portant sur le fond comme sur le calendrier - nous avions fixé à la Commission un délai court pour la conclusion d'un nouvel accord -, qui a conduit au nouveau mécanisme du shield, adopté en 2016.

La question du shield, néanmoins, reste entière. Quelles furent les conclusions du G29 sur le shield ? Des progrès, certes, ont été réalisés par rapport au précédent accord du Safe harbor, mais, pour autant, un certain nombre de questions et de réserves demeurent.

Existe-t-il ou non une surveillance massive et indiscriminée des États-Unis ? Les autorités américaines se sont engagées à ce que cette surveillance, si elle existe, reste totalement exceptionnelle. Est-ce vraiment le cas ? Qu'en sera-t-il dans le cadre de l'application du shield ?

Les États-Unis, à notre demande, et pour répondre au besoin de recours qui fait partie des droits et garanties essentiels du citoyen européen, ont mis en place un nouveau dispositif, celui de l'Ombudsperson. Il s'agit d'une institution indépendante dont la compétence est de traiter d'éventuelles plaintes de citoyens européens contre les autorités de renseignement américaines, en cas d'accès disproportionné à des données les concernant.

Nous avons à plusieurs reprises demandé que nous soit précisé le statut exact de cette Ombudsperson, les modalités de son indépendance, la nature précise de ses moyens d'action. Nous avons reçu des engagements écrits. Reste à savoir s'ils sont effectivement tenus.

La première réunion d'évaluation du shield, qui doit avoir lieu au terme de la première année, c'est-à-dire, en l'occurrence, en juin ou juillet 2017, sera donc absolument décisive. Il s'agira de savoir si le nouveau mécanisme d'encadrement des flux de données entre l'Europe et les États-Unis répond ou non aux exigences inscrites dans les textes européens en cas d'exportation de données de citoyens européens de l'Europe vers les États-Unis. J'ajoute que l'arrivée de M. Trump à la tête de l'administration américaine rend nécessaire une vigilance particulière : sur un certain nombre de points, nous devrons veiller à ce que les engagements pris, qui sont notamment de nature réglementaire - je pense au PPD-28, ou Presidential Policy Directive 28, ordonnance signée par le président des États-Unis - soient tenus par la nouvelle administration.

Vous voyez que l'Europe s'est efforcée de prendre ce débat sur la souveraineté à bras-le-corps. Quant au débat sur la surveillance, qui a été lancé à compter de 2013 par Snowden, il trouve aujourd'hui sa traduction dans ce shield. Il s'agit bien sûr d'un accord entre l'Europe et les États-Unis, mais aussi, de fait, d'un standard plus général, à vocation mondiale, élaboré comme un droit fondamental à partir d'une vision européenne de la protection des données. C'est ce qui a conduit à la position de la Cour de justice de l'Union européenne.

Le sujet à venir, en matière de souveraineté, est celui des « free flows of data », c'est-à-dire de tous les accords internationaux qui sont actuellement en négociation sur la circulation des données dans le monde - je pense au TTIP, le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, ou au TiSA, pour Trade in Services Agreement, l'Accord sur le commerce des services.

L'élection de M. Trump semble certes repousser les échéances - il a annoncé qu'il n'était pas nécessairement intéressé par la signature immédiate de tels accords. Mais la CNIL alerte depuis plusieurs années sur le contenu de ces négociations. En effet, si le mandat de négociation européen exclut les données personnelles, le mandat américain inclut ce que les États-Unis appellent les « données commerciales ». Or les données commerciales, et notamment les données de consommation des clients, sont des données personnelles.

Il existe donc une contradiction entre les objectifs des négociateurs, de part et d'autre de l'Atlantique. Cette contradiction devra absolument être levée. Il est très important que nous soyons extrêmement vigilants, car le TTIP pourrait déconstruire, pour les acteurs américains, la réglementation européenne dont nous venons de parler : c'est un accord international dont le niveau juridique est supérieur à celui du règlement européen.

Cet appel à la vigilance s'adresse aux gouvernements et aux parlements nationaux : il y va de la défense de notre souveraineté et de nos valeurs en matière de protection des données personnelles.

Deuxième thème : le rôle des données dans l'innovation.

Ce n'est pas une nouveauté pour vous : les données personnelles sont de plus en plus centrales dans les modèles économiques et les stratégies d'innovation, qu'il s'agisse du domaine culturel ou d'autres domaines. On parle de « barbares », de « disruption » : tous les secteurs de la vie économique sont concernés.

Cela nous a conduits, à la CNIL, à faire évoluer considérablement notre métier, et à nous repositionner sur l'accompagnement à la mise en conformité et le soutien à l'innovation autour des données, via l'élaboration, avec les acteurs, d'un certain nombre d'outils nouveaux.

Je mentionne, en la matière, quatre sujets.

Premièrement, la directive « e-privacy ». Elle est ancienne - elle date de 2002 -, mais en cours de révision. Ce texte s'adresse avant tout au secteur des télécoms. Mais ses incidences sont plus larges, concernant notamment la réglementation sur les cookies, ces petits fichiers témoins qui permettent de produire de la publicité comportementale ciblée et sont au coeur de tous les modèles économiques du net.

La question est celle de l'articulation de la révision de cette directive avec le règlement européen sur la protection des données. Les failles de sécurité, autre sujet extrêmement important de l'internet, sont traitées dans les deux textes ; les dispositions ne sont pas exactement identiques selon qu'il s'agit d'une faille de sécurité des opérateurs de télécommunications ou d'une faille traitée par le règlement européen. Dans le règlement européen, les dispositions sur les failles de sécurité s'appliquent à tous les acteurs, quel que soit le secteur industriel ou commercial concerné.

Il vous faudra donc, lorsque vous serez saisi de la loi de transposition de cette directive « e-privacy », et peut-être aussi en amont de cette transposition, que vous veilliez à l'articulation entre ce texte spécifique, qui règle la protection des données relatives au secteur des télécoms, et le texte général qui s'applique à l'ensemble des secteurs, le règlement GDPR.

Deuxième sujet : les questions culturelles.

La CNIL a essayé, dans le cadre de son comité de la prospective, d'étudier le développement, dans ce secteur, de la personnalisation et de l'hyperpersonnalisation. Le domaine de la culture est particulièrement sensible, non pas au sens de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, mais au regard de la vie des personnes. La consommation culturelle, en effet, dit énormément de l'intimité et du caractère des personnes : quelles chansons écoutez-vous ? À quel moment ? Les écoutez-vous dans leur intégralité, ou passez-vous de l'une à l'autre ? Toute cette vie culturelle dit beaucoup de choses sur le type de personne que vous êtes ! Dans l'étude que nous avons faite, nous avons tenté d'attirer sur ce point l'attention des acteurs culturels - ceux-ci ne sont pas toujours totalement au fait ni des risques ni des attentes éventuelles de leurs consommateurs eu égard à cet hyperciblage.

Troisième sujet, sur le rôle des données dans l'innovation : l'importance des algorithmes. Les algorithmes sont, depuis très longtemps déjà, au coeur de la personnalisation. Avec le développement des nouvelles technologies, ils ont pris une importance et une efficacité sans précédent. Toute la question est de savoir comment ils fonctionnent. Sont-ils transparents ? Quelle est leur fiabilité ? On a vu ces problèmes à l'oeuvre dans le domaine automobile ou dans celui de l'allocation des places d'université après le baccalauréat.

Cette question est absolument transversale ; elle conditionne dans une large mesure la confiance que les individus placent dans les services privés et publics qui leur sont fournis. Cela fait quelque temps que la CNIL y réfléchit ; nous y réfléchirons désormais dans le cadre d'une nouvelle mission qui nous a été confiée par la loi pour une République numérique, à savoir l'organisation du débat sur les questions éthiques liées à l'univers numérique.

Le premier thème dont nous allons nous emparer est précisément celui des algorithmes. Nos objectifs seront de décrypter, dans les différents secteurs de la vie économique, mais peut-être aussi dans d'autres secteurs, les problèmes soulevés par ces algorithmes, d'évaluer notre capacité à les maîtriser, et, en définitive, de définir ce que nous pouvons exiger, en tant que communauté nationale, de ceux qui les utilisent. Nous lancerons ce débat début 2017, en coopération avec Axelle Lemaire ; il devrait donc se dérouler au cours de l'année prochaine.

Quatrième et dernier sujet : assistons-nous, dans le domaine de la protection des données, mais peut-être aussi plus largement - de ce point de vue, ce domaine peut être un bon laboratoire -, à l'émergence de ce que j'appellerais un nouveau type de démocratie ? Pour quelle raison les usages numériques donnent-ils lieu à un ressentiment croissant des personnes, s'agissant en particulier de la circulation de leurs données ? Le dernier baromètre de la confiance des Français dans le numérique enregistre le plus bas niveau de satisfaction depuis neuf ans, c'est-à-dire depuis que cet indice existe : 67 % des Français considèrent qu'ils n'ont plus ou pas confiance dans l'univers numérique, et la quasi-totalité de ce malaise se polarise autour des données. Les Français ont un sentiment de perte de confiance, de maîtrise et d'autonomie. En d'autres termes, ils ne comprennent pas cet univers, qui leur apparaît comme une sorte de boîte noire : le numérique, paradoxalement, met les données personnelles au coeur de son fonctionnement, mais sans que les principaux intéressés soient aux commandes.

Le règlement a clairement pour vocation de répondre à cette situation, à travers la création de nouveaux droits : le droit à l'oubli, le droit à la portabilité, le droit au consentement, ou du moins à un consentement renforcé.

Le règlement vise à remettre l'individu au centre du numérique, pour rééquilibrer la relation entre cet individu, les données qui le concernent et ceux qui les traitent.

En France, le droit à l'oubli a donné lieu à bien des débats. L'histoire n'est pas nouvelle. Dans votre résolution de 2012, vous l'aviez mentionné comme un droit essentiel. Ce droit est en train de faire école, puisque la société civile le réclame désormais dans un certain nombre de pays. La société Google a initié un débat sur la portée géographique du droit à l'oubli, en proposant que le déréférencement soit cantonné géographiquement, par exemple dans le cadre français ou européen. N'en oublions pas pour autant la substance du droit à l'oubli : occulter la visibilité d'un individu dans son périmètre de proximité et le supprimer d'un fichier sont deux opérations de nature très différente.

En écho à ce renforcement des droits, la loi sur la justice du XXIe siècle prévoit l'action de groupe, c'est-à-dire qu'elle donne à un groupe d'individus la capacité de se mobiliser pour être acteurs de régulation. Ces évolutions ne pourront fonctionner que si l'on développe une éducation au numérique, qui ne se réduira pas simplement à apprendre le codage ou à se prémunir contre les risques de harcèlement sur la toile. Le collectif de plus de 70 acteurs que nous avons pris l'initiative de créer, il y a quelques années, définit cette éducation comme l'apprentissage d'une culture générale du numérique, mêlant éléments techniques, économiques et historiques pour garantir une maîtrise des usages, mais aussi une compréhension de l'environnement dans lequel les internautes évoluent. Telle est la condition pour que chaque Français puisse se protéger, mais surtout puisse utiliser à son profit toutes les potentialités de l'univers numérique.

Cette conviction est désormais partagée à l'échelle mondiale, puisque la Conférence mondiale des autorités de protection des données qui s'est tenue à Marrakech, il y a un mois et demi, a adopté un référentiel commun d'apprentissage et d'éducation au numérique commun à tous les pays. Malgré les différences de leurs traditions juridiques, les pays participant ont réussi à s'accorder sur la création d'une sorte de boîte à outils éducative à portée opérationnelle, offrant les compétences de base indispensables à tout citoyen numérique averti. C'est un exemple très positif qui démontre la capacité d'action collective de l'ensemble des pays concernés.

Comme vous l'aviez pressenti en mars 2012, le règlement européen sur les données personnelles constitue un enjeu majeur. Le débat qui s'est développé sur le sujet montre la force de nos valeurs communes. Le règlement européen a été adopté à la quasi-unanimité, avec un taux de votes record, toutes sensibilités confondues. Notre projet sur la République numérique a également fait l'unanimité. Ces valeurs communes que nous portons sur la protection des données sont ancrées en Europe. La France et l'Europe ont une longueur d'avance, car ces valeurs humanistes correspondent aux attentes de nos concitoyens et des consommateurs européens. Elles témoignent de notre influence sur les autres acteurs étrangers et mettent en valeur notre capacité d'action.

M. Jean Bizet, président. - Il faut impérativement que nous développions une culture générale du numérique pour mieux appréhender l'environnement dans lequel nous sommes appelés à évoluer. La jeune génération est déjà très au point ; la nôtre a encore des progrès à faire. Si la France a une longueur d'avance sur les concepts, c'est moins le cas sur les normes, domaine dans lequel nous accusons du retard par rapport au monde anglo-saxon, et notamment les Américains avec l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN).

Le Traité transatlantique est mort-né ; il n'est pas pour autant définitivement enterré, car on n'imagine pas un monde où les continents se replieraient tous sur eux-mêmes. Le Sénat avait une approche plutôt positive du volet numérique de ce traité. Le problème du mandat européen par rapport à celui des Américains sur la propriété des données commerciales nous avait échappé. Je vous remercie de nous avoir éclairés sur ce point.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous remercie de votre présentation très exhaustive. Le référentiel mis en place par le G29 lors de la Conférence de Marrakech est fondamental. Nous devons avancer dans une société avertie et informée.

M. Simon Sutour. - Je vous remercie pour cette audition remarquable. Nous nous sommes régalés. Nous ne pouvons que nous féliciter de l'existence de la CNIL, dont nous avons encore mesuré l'expertise récemment au sujet du fichier TES, mais aussi lors du dépôt d'une proposition de résolution européenne, il y a quatre ans. Vous nous aviez alors alertés.

J'étais rapporteur de la commission des affaires européennes et de la commission des lois sur ce texte. Un avis motivé sur la subsidiarité, préparé à la commission des affaires européennes du Sénat, demandait à la Commission européenne de revoir sa copie. Notre démarche n'a pas abouti. Il n'en reste pas moins que nous disposons d'outils importants au Parlement pour intervenir au niveau européen.

Je me rappelle l'audition mouvementée de Mme Viviane Reding, la commissaire européenne alors en charge de ces projets. Selon elle, la question devait se régler en quelques mois. Il a fallu quatre ans. Elle nous disait que tout était entre nos mains. Ce n'était pas mon point de vue. Pour l'Union européenne, toute démarche d'harmonisation est positive. Elle devient aussitôt négative lorsque cela implique d'abaisser certains standards. Nous avons obtenu de maintenir en France notre niveau de protection supérieur. Une absurdité figurait dans la proposition de règlement : il revenait au pays où l'entreprise était établie de contrôler ses données. Autrement dit, l'Irlande aurait été en charge des données de Facebook. Nous nous y sommes opposés avec succès.

On nous a laissé entendre que le règlement européen adopté en avril dernier nous obligerait à toiletter un certain nombre de nos lois nationales. Il me semblait qu'un règlement européen était d'application directe et annulait toutes les dispositions nationales allant à son encontre. D'où l'importance d'imprimer notre marque sur ce document. En revanche, une directive se transpose en droit national. Qu'en est-il donc selon vous ?

Notre travail n'a pas été vain. En ces temps où les autorités administratives sont sur la sellette, la CNIL n'a jamais été mise en cause. La situation évolue. Vous avez su décortiquer avec perspicacité ce nouveau chantier auquel nous devrons nous attaquer.

Mme Colette Mélot, présidente. - Je remercie Mme la présidente pour toutes les réponses qu'elle nous a apportées, en particulier dans le domaine de l'éducation.

Mme Corinne Bouchoux. - Vous avez bien montré qu'il fallait une réorganisation complète du dispositif de 1978 qui tenait sur ses deux jambes, à savoir la CADA et la CNIL. La loi numérique était un compromis qui ménageait l'existence de la CADA. Le rapport Mazeaud prône un rapprochement géographique et culturel, par immersion mutuelle des deux instances. Envisagez-vous d'appuyer la CADA en mettant à sa disposition vos moyens numériques pour faire face à la multiplication des tâches que lui confère le fameux article 4 sur les bases de données ?

Ne croyez-vous pas que sur ce type de sujet, nos agents administratifs, nos agents publics ou nos universitaires, aussi excellents soient-ils, sont quelque peu concurrencés par des associations comme LiberTIC ou Regards Citoyens, qui ont l'expertise d'usage ? Comment leur donner plus de place ? Même si leurs positions peuvent parfois nous déranger, ces associations ont un rôle très précieux qui n'est pas assez reconnu dans les textes.

Mme Isabelle Falque-Pierrotin. - En ce qui concerne le règlement, la stratégie d'influence des acteurs français a été très efficace. Le projet initial a été profondément modifié. La gouvernance a évolué et n'est pas centralisée à Bruxelles comme il était prévu initialement. Nous avons enrichi le texte et nous l'avons adapté à un mode de fonctionnement numérique caractérisé par sa distribution, même s'il est aussi intégré à certains égards.

La loi de transposition reste nécessaire. Il faut retirer de la loi CNIL les articles auxquels le règlement se substitue. Si nous voulons prononcer des sanctions communes, il nous faudra adapter la procédure de répression de la CNIL, pour déterminer par exemple à quel moment le contradictoire se met en place, ou à quel moment nous devrons saisir nos homologues. Le règlement ne traite que la fin de course d'une sanction. Pour le reste, il faut se référer aux lois nationales. D'où l'importance de les toiletter impérativement avant mai 2018. Qu'un seul pays échoue à mettre en place sa procédure nationale et le règlement tombera.

Certains domaines sont laissés intacts par des dérogations au règlement : tout ce qui relève du régalien, mais aussi la santé. Il faut par conséquent opérer un toilettage très fin. Les équipes de la CNIL y travaillent sous l'autorité du secrétaire général et en collaboration avec le ministère de la justice. Le texte devra être prêt en juin 2017, si l'on veut pouvoir enclencher les procédures de vote dès septembre 2017 pour que les nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2018. Les délais sont courts.

Nous n'avons pas été sollicités pour épauler la CADA dans ses nouvelles missions. Nous pourrions y réfléchir, si on nous le demandait, à la seule réserve que les services de la CNIL travaillent déjà à flux hypertendu. On leur confie sans cesse de nouvelles missions et le nombre des plaintes qu'ils doivent traiter va toujours croissant : 8 000 plaintes cette année contre 6 000 l'an dernier. Notre capacité à redéployer nos moyens est limitée.

Cependant, l'adossement des deux institutions est très positif. Le président de la CADA siège désormais en séance plénière de la CNIL et s'acculture à la protection des données. Un groupe de travail commun se met en place pour élaborer une sorte de pacte de conformité sur l'open data. Nous verrons si l'intégration a vocation à s'approfondir.

Mme Marie-Christine Blandin. - J'ai entendu votre suggestion de former les citoyens au numérique dès l'école. Le Conseil supérieur des programmes a été saisi en juillet dernier par le ministère pour élaborer la suite de cette formation au numérique au lycée. Laissez-moi vous rassurer, tous les aspects sociétaux sont pris en compte et pas seulement l'apprentissage du codage. Cela va de la protection des données jusqu'aux enjeux de l'intelligence artificielle.

M. Jean Bizet, président. - Je vous remercie, madame la présidente. Nous serons bien évidemment appelés à nous revoir. Nous avons reçu, hier, le président d'European Round Table (ERT). Il faut absolument que nous puissions écrire en franco-allemand les normes techniques européennes qui vont de pair avec le concept de la protection des données. Compte tenu de la transversalité du sujet, nous devons rester en alerte. Même situation pour ce concept de protection des données commerciales qui est intégré dans le projet de Traité transatlantique. Les États-Unis sont un pays d'inventeurs qui vont très vite, en faisant fi parfois du détail, contrairement à la France où l'on défriche davantage. On l'a vu au sujet de la propriété intellectuelle dans le domaine végétal. Les Américains ont délivré un brevet très rapidement ; en prenant le temps d'affiner les sujets au travers du certificat d'origine végétale, nous avons fait évoluer leur législation en la matière. Il faut toujours garder le point de vue de la protection du consommateur ou de l'utilisateur pour aborder ces sujets.

Mme Isabelle Falque-Pierrotin. - Vous avez parfaitement raison au sujet des normes. Il existe des normes mondiales au niveau de l'ISO. La France et le G29 ont particulièrement insisté pour instiller à ce niveau-là une dimension informatique et liberté. Nous devons rester présents, car c'est là que se charpente l'univers numérique.

La réunion est close à 10 h 10