Jeudi 8 février 2018

- Présidence de M. Robert Laufoaulu, vice-président -

Jeunesse des outre-mer et le sport - Visioconférence avec les acteurs institutionnels et associatifs de La Réunion en charge du sport

M. Robert Laufoaulu, président. - Mes chers collègues, je dois tout d'abord vous présenter les excuses de notre président de la délégation, Michel Magras, qui a dû rejoindre Saint-Barthélemy. Il m'a demandé de le suppléer en qualité de vice-président de la délégation.

Dans le cadre de notre étude relative à la jeunesse des outre-mer et le sport, nous partons une nouvelle fois, ce matin, à La Réunion. Après avoir échangé avec les élus en charge de la politique du sport, la semaine dernière, audition extrêmement instructive, nous sommes aujourd'hui en liaison avec les acteurs institutionnels et associatifs du sport (CREPS, CROS et ligues sportives). Notre collègue Viviane Malet - qui a dû sentir la neige arriver sur Paris ! - est en leur compagnie... je plaisante car je la sais adepte du ski de compétition !

Je rappelle que notre collègue est co-rapporteure de l'étude sur le sport avec Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française. Je dois d'emblée excuser Catherine Conconne qui a dû retourner en Martinique.

Avant d'aborder notre sujet, je veux préciser que le temps qui nous est imparti est d'une heure et demie car nous recevons ensuite Monsieur Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer.

Après avoir ouvert les travaux relatifs à notre étude sur le sport avec l'audition de la ministre, Madame Laura Flessel, nous avons entendu les élus réunionnais en charge de la politique du sport jeudi dernier puis, vendredi, nous avons passé la journée à l''Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), qui forme un grand nombre de nos sportifs de haut niveau, parmi lesquels de nombreux originaires de nos outre-mer. Ce fut un déplacement extrêmement instructif au cours duquel nous avons rencontré des jeunes, champions en herbe ou déjà confirmés, qui ont témoigné sur leurs parcours !

Avant de céder la parole à nos interlocuteurs, je rappelle qu'une trame servant de fil conducteur a été communiquée à chacun. Je vous propose de procéder en deux temps avec :

- tout d'abord, les présentations liminaires du directeur de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, Jérôme Fournier, et du directeur du Centre de ressources, d'expertise et de performance (CREPS), Jean-Paul Bruna. Ces présentations seront suivies de questions des rapporteurs et de nos collègues ;

- puis interviendront la présidente du Comité régional olympique (CROS), Monique Cathala, ainsi que les représentants de différents sports très pratiqués à La Réunion. Et nous aurons à nouveau un échange sous forme de questions-réponses.

M. Jérôme Fournier, directeur de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. - Merci, monsieur le sénateur. Je commencerai par vous donner quelques éléments de contexte sur le sport à La Réunion afin de vous présenter, ensuite, les enseignements que nous en avons tirés pour élaborer une stratégie sportive à destination de la jeunesse.

Il est important de rappeler que La Réunion est un territoire avec une forte culture sportive. Certains éléments saillants doivent impérativement être pris en compte dans l'élaboration des politiques publiques car la question de la sécurité et de la protection des usagers doit être pensée à l'aune des spécificités du territoire. Je pense notamment à la pratique du surf avec la gestion du risque requins ou encore à l'incidence du volcanisme sur des activités comme le trail ou la randonnée pédestre. Les caractéristiques géographiques de l'île font du développement des sports de nature un enjeu majeur. La Réunion offre donc un terrain de jeu intéressant pour la pratique sportive en milieu naturel, sous réserve que des solutions soient apportées aux problèmes techniques et sécuritaires spécifiques qui se posent.

D'autre part, la pratique sportive, bien que très répandue, n'est pas accessible à tous. Plusieurs lignes de fracture se dessinent à mesure que le sport se développe. Ainsi, le taux de licences important cache un taux de pratique sportive féminine licenciée qui reste inférieur au niveau métropolitain (31 % contre 36 %). Les disparités territoriales expliquent également ces inégalités, en particulier dans les arrondissements du sud et de l'est de l'île où les taux de pratique restent faibles. Cette situation mérite une attention particulière de la part des pouvoirs publics avec une vigilance renforcée sur les Hauts. Les Assises des outre-mer ont été l'occasion de souligner, dans cette région, les problèmes de transport et d'accessibilité aux équipements qui empêchent la population de pouvoir pratiquer une activité sportive.

Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale de la jeunesse et des sports a mis en lumière la faiblesse de l'offre globale en matière d'équipements sportifs. Toutefois, des analyses plus fines sont nécessaires pour identifier les équipements manquants dans chaque territoire. Les éléments de diagnostic dont nous avons connaissance ont été communiqués à la délégation en vue de cette audition.

La Réunion travaille également au développement du sport en milieu scolaire et en dehors, puisque la question du maintien de la pratique sportive à la sortie du parcours scolaire est primordiale. Une réflexion doit être menée pour s'assurer que ces jeunes licenciés continuent par la suite à pratiquer leur sport au sein des clubs.

Enfin, les enjeux sanitaires font l'objet d'une vigilance particulière de la part des services de l'État. Ainsi, le développement du sport-santé doit être encouragé pour lutter contre la prolifération du diabète et de l'obésité à La Réunion. La question du sport comme déterminant de santé est donc prise en compte par l'agence régionale de santé (ARS) et la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) dans la définition de la stratégie régionale de santé.

Je finirai ce diagnostic en soulignant l'importance des coopérations avec d'autres pays. Du fait de l'éloignement à la métropole, La Réunion a besoin de travailler avec ses partenaires les plus proches, notamment les îles soeurs de l'océan Indien. Les Jeux des Jeunes et les Jeux des Îles, par exemple, font l'actualité et nous préoccupent tout particulièrement. De même, les services de l'État basés à Mayotte et à La Réunion travaillent à développer des coopérations entre ces deux territoires.

Le conseil régional, le conseil départemental, les communes et les intercommunalités sont des acteurs impliqués au premier plan dans la politique sportive. Deux éléments doivent toutefois être soulignés. D'une part, l'absence de coordination entre les acteurs publics qui multiplient leurs actions. Il convient à ce titre d'interroger la stratégie sportive territoriale qui est peu lisible pour les partenaires sportifs. Ceux-ci peinent à identifier l'interlocuteur adéquat et les ressources disponibles. D'autre part, la question de la contrainte budgétaire croissante qui pèse dans les arbitrages de l'État et des collectivités territoriales. Se posent dès lors des enjeux d'optimisation de la dépense publique dans le champ du développement de la pratique sportive.

Par ailleurs, les acteurs du monde sportif (le CROS, les comités, les ligues et les clubs) sont impliqués et cultivent des liens étroits avec les partenaires institutionnels. Pour autant, ces structures sont fragiles car elles reposent encore essentiellement sur un modèle de bénévolat. Les services de l'État sont mobilisés pour accompagner ces projets associatifs. Pour autant, il conviendrait de développer le champ professionnel adossé au mouvement sportif associatif afin de combler le déficit de professionnalisation dans ce domaine. Cela doit passer par la formation d'éducateurs sportifs mais aussi d'agents de développement capables d'apporter des réponses adaptées au territoire, notamment en matière de sport-santé. La professionnalisation est essentielle pour que ces organismes puissent assumer les ambitions portées dans leurs projets associatifs. Sur ce point, l'engagement de l'État peut sans doute être amélioré.

J'ajouterai qu'à La Réunion plus qu'ailleurs la politique sportive ne crée pas de rupture entre le développement du sport pour tous, notamment pour les jeunes, et le sport de haut niveau. Le pôle France de pelote, implanté dans le quartier prioritaire de la Ville du Chaudron, peut être cité en exemple comme bastion de l'excellence sportive réunionnaise. Les moyens consacrés au pôle France bénéficient donc principalement aux jeunes issus de ce territoire. Ce schéma sportif intégré doit à tout prix être maintenu car ces structures rayonnent et contribuent à la démocratisation du sport.

Je finirai en soulignant qu'un diagnostic territorial a été établi il y a environ deux ans par les services de l'État, en partenariat avec les collectivités et les acteurs du monde sportif. Ce diagnostic, validé par toutes les parties, vous a été communiqué. À partir des éléments précis tirés de cette étude, un schéma territorial de développement du sport a été envisagé afin de mettre en cohérence les actions de tous les acteurs. À ce jour, ce schéma territorial n'a pas vu le jour. Il n'en demeure pas moins qu'il existe un vrai besoin de mise en synergie des acteurs et de clarification des responsabilités de chacun.

M. Jean-Paul Bruna, directeur du Centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS). - Mon propos sera structuré autour de 5 points qui me paraissent importants pour la conduite de la politique sportive du CREPS en océan Indien.

En premier lieu, la gouvernance du CREPS depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) de 2015 est partagée entre l'État et la région. L'accompagnement du sport de haut niveau demeure une compétence de l'État. Par ailleurs, des missions très spécifiques peuvent être assignées au CREPS par la région. L'État et la région interviennent donc dans le parcours du sportif vers la haute performance.

Le point suivant concerne l'accompagnement des sportifs vers la haute performance. Même si La Réunion possède les mêmes outils que la métropole, notamment avec les parcours de performance fédéraux validés par le ministère des sports, qui fixent l'axe directeur des fédérations, le contexte insulaire nécessite de mettre en oeuvre des actions spécifiques. Ces parcours fonctionnent sur deux étages : l'accession au sport de haut niveau, puis la haute performance en elle-même. Le CREPS de La Réunion agit dans cette première phase, via les pôles espoirs accompagnés par le CREPS et pilotés par les fédérations. Les sportifs ayant intégré ces pôles espoirs feront vraisemblablement partie des collectifs des équipes de France à l'horizon 2020 et 2024. La population suivie par le CREPS se compose à 80 % de sportifs classés en liste espoir ou collectifs nationaux. Les 20 % restants sont des sportifs non classés. À l'heure actuelle, nos effectifs ne comptent qu'un sportif de haut niveau figurant dans la liste des sportifs de haut-niveau en senior, en pelote basque. La Réunion fournit régulièrement des titres mondiaux dans cette discipline.

L'autre problématique qui touche au parcours vers la haute performance concerne l'accompagnement des sportifs vers les centres d'entraînement tels que l'INSEP, des structures fédérales ou d'autres CREPS qui possèdent des pôles France. Cette mobilité permet aux sportifs réunionnais d'accéder, dans les années qui suivent, au sport de haut niveau. Il existe un programme national dans le cadre du Grand INSEP, dont le coordinateur est le responsable de la performance sportive à La Réunion, M. Jean-Louis Cann. Cette cellule ultramarine est un élément essentiel de notre mission d'accompagnement puisqu'il permet de s'assurer que le jeune sportif souhaitant intégrer l'INSEP est totalement prêt à partir en métropole. Nous nous assurons que tous les feux soient au vert, à la fois au plan sportif et familial. Nous vérifions par exemple l'existence, sur place, de structures comme des associations de Réunionnais ou des clubs étudiants pour lui permettre de mieux vivre le déracinement en maintenant les liens avec son territoire d'origine. Ce départ doit se faire dans les meilleures conditions possibles, quitte à le retarder d'une année afin d'éviter les échecs constitués par les retours prématurés.

J'aimerais par ailleurs aborder la question du rayonnement et de l'expertise du CREPS. Le centre accompagne le mouvement sportif grâce aux centres régionaux hébergés par le CREPS et gérés par les présidents de ligues et de comités régionaux. Il s'agit également d'un outil d'accompagnement des sportifs au plan scolaire, médical et sportif.

En outre, je me permets d'insister à nouveau sur la coopération avec Mayotte. Nous réfléchissons actuellement à une collaboration plus efficace entre les services de l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif mahorais. Le dispositif « Jeunes talents mahorais » permet d'ores et déjà à plusieurs jeunes footballeurs et basketteurs de s'entraîner au sein des pôles espoirs du CREPS de La Réunion. Ce dossier est suivi conjointement par le CREPS et la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) de La Réunion.

Les services de l'État et la région travaillent également au rayonnement international du CREPS. La Réunion bénéficie d'un positionnement stratégique dans l'océan Indien. Certains États voisins comme Madagascar et, dans une moindre mesure, l'île Maurice, manquent de moyens et d'expertise technique dans le domaine du sport. Le CREPS dispose d'installations en bord de mer mais aussi en altitude avec un site positionné à 1 500 mètres d'altitude pour engager des programmes d'entraînement en altitude. Ces atouts doivent être valorisés au sein de notre environnement régional. À titre d'exemple, la Fédération française de volley, la Fédération malgache de volley et la ligue de volley ont récemment signé un protocole d'accord de coopération pour accompagner les sportifs et les éducateurs sportifs malgaches. Le CREPS est donc un outil d'expertise et de formation à l'échelle régionale. Le prochain projet sera mené à l'île Maurice où la Fédération française de rugby implantera en 2018 un pôle océan Indien comprenant des sportifs réunionnais, mahorais et mauriciens. Le comité régional de rugby de La Réunion et la Fédération mauricienne de rugby envisagent actuellement de passer un accord afin d'améliorer la formation des sportifs mauriciens.

Enfin, j'aimerais évoquer les évolutions du CREPS prévues pour 2020. Le conseil régional a dû évoquer, lors de l'audition précédente, la création de l'institut régional du sport de l'océan Indien, dont le CREPS est partenaire. Ce projet soulève de grands enjeux pour les échéances 2020 et 2024 en termes de modernisation des infrastructures. À ce titre, la question du doublement de la capacité d'hébergement demeure un point d'achoppement puisqu'à l'heure actuelle, en période scolaire, le CREPS n'a pas la capacité d'accueillir des délégations françaises ou étrangères qui voudraient effectuer un stage sportif à La Réunion.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Vos propos corroborent ce que nous avions perçu lors de l'audition des élus locaux en charge du sport, à savoir le dynamisme et l'attachement des élus et des professionnels à l'accompagnement des jeunes et au développement du sport pour tous et de haut niveau. Les différentes interventions ont permis de saisir l'importance que revêtent les politiques sportives à développer sur le bassin océan Indien. Je salue la coordination entre la volonté politique et celle des praticiens du sport.

Toutefois, des difficultés de mise en oeuvre de ces politiques persistent. Comme l'a souligné le directeur du CREPS, ces problèmes ne pourront être surmontés qu'avec la mise en cohérence de tous les dispositifs en place. Je souhaiterais donc avoir quelques éclaircissements sur ce point. Comment les jeunes sportifs, les associations et les autres acteurs du monde sportif peuvent-ils accéder aux dispositifs mis en place par la région ou le département ? Existe-t-il un guichet d'entrée unique ? J'ai compris que le schéma territorial de développement du sport n'avait pas abouti. Quel est l'état d'avancée du projet à l'heure actuelle ?

M. Jérôme Fournier. - Le champ des politiques sportives est partagé, voire dispersé, entre de multiples acteurs puisque la quasi-totalité des collectivités s'implique dans ce domaine, de même que l'État via le CREPS et ses services déconcentrés mais également au travers des fédérations. En effet, 8 cadres techniques sportifs - qui sont des opérateurs de l'État - sont mobilisés auprès des fédérations et des ligues à La Réunion. Il s'agit donc d'un schéma particulièrement complexe.

Les acteurs ne sont pas de mauvaise volonté puisqu'ils communiquent entre eux régulièrement. À titre d'exemple, la commission territoriale du Centre national pour le développement du sport (CNDS), co-présidée par Mme Monique Cathala, réunit des représentants du monde sportif mais aussi du conseil régional et de l'association des maires. Ce qui manque, en revanche, c'est un espace dans lequel les acteurs peuvent s'expliquer mutuellement leurs stratégies et les harmoniser. Le schéma territorial de développement du sport avait été pensé dans cette optique. Une concertation des pouvoirs publics pourrait également être envisagée. Une telle initiative pourrait s'avérer utile pour solutionner le manque d'infrastructures sportives car aucun acteur n'a les moyens d'agir seul dans ce domaine. Les communes, les intercommunalités, le conseil régional et l'État au travers du CNDS et du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) sont sollicités en même temps sur ces dossiers. Des synergies doivent donc être trouvées. Cet espace de dialogue nous permettrait également de se mettre d'accord sur le diagnostic, l'identification des enjeux et la convergence des moyens pour s'assurer que l'action soit efficiente. Aujourd'hui, les moyens sont rares et mobilisés de manière dispersée, ce qui rend difficile à estimer l'impact réel de la politique sportive sur le territoire. J'ignore s'il faut pour cela mettre en place une conférence territoriale ou inventer de nouveaux instruments, mais je pense que la coordination de l'action publique est l'enjeu principal à La Réunion.

M. Robert Laufoaulu, président. - Qui pourrait être à l'initiative de cette concertation publique ?

M. Jérôme Fournier. - Aujourd'hui, les deux initiateurs principaux sont l'État et la région qui animent ce débat du côté des pouvoirs publics. Le mouvement sportif est également constitué d'acteurs importants qu'il convient d'associer à cette réflexion. Par ailleurs, le dialogue doit inclure le conseil départemental, acteur incontournable du développement des sports de nature. Cette question est particulièrement complexe, mais je considère que tout le monde est légitime à entrer dans la danse.

Mme Lana Tetuanui, rapporteure. - Vos interventions confirment l'état des lieux dressé lors de la visioconférence précédente avec les élus locaux. Au-delà des différences géographiques et statutaires, des schémas sportifs et des disciplines de prédilection de chaque territoire, il me semble que les outre-mer sont soumis aux mêmes difficultés. Il est donc absolument nécessaire que nous parlions d'une même voix et que nous trouvions des points de convergence sur lesquels s'appuyer pour faire valoir nos revendications à Paris. L'identification des problèmes structurels qui limitent le développement de la pratique sportive sur nos territoires est essentielle. Le manque d'équipements sportifs, l'accompagnement de nos jeunes sportifs qui partent s'entraîner en métropole pour atteindre le haut niveau et la question de la prise en charge des déplacements de nos sportifs dans le cadre de la continuité territoriale en sont des exemples.

Cet inventaire se fera en respectant les statuts et les spécificités de chacune des collectivités. À titre d'exemple, la Polynésie française, contrairement à La Réunion, n'accueille pas de CREPS et n'est pas éligible aux aides du CNDS.

Je constate par ailleurs que les problématiques du sport-santé et de la lutte contre l'obésité, qui préoccupent particulièrement La Réunion, se retrouvent dans les autres collectivités également.

Ces auditions mettent en lumière les inégalités qui frappent les territoires d'outre-mer au plan sportif. Je souhaite donc que le rapport de la Délégation sénatoriale aux outre-mer permette d'identifier les points d'achoppement et de proposer des solutions concrètes pour remédier à cette situation, en particulier en ce qui concerne la prise en charge des déplacements des sportifs.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Mes deux questions s'adressent à M. Jérôme Fournier, directeur du CREPS. Vous avez abordé brièvement la question de nouvelle gouvernance du CREPS. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment cela s'est-il mis en place ? Le bilan est-il positif ?

En outre, vous avez évoqué la pratique de la pelote basque à La Réunion. Comment La Réunion est-elle devenue une terre de champions dans cette discipline ?

M. Jean-Paul Bruna. - Effectivement, cela peut paraître extraordinaire. L'Histoire a voulu qu'un prêtre basque, envoyé sur l'île, ait diffusé sa culture par la pelote basque. Pour l'anecdote, dans le quartier du Chaudron se trouve un mur de pelote basque à côté de l'église. Les pelotaris réunionnais se hissent aujourd'hui systématiquement sur les podiums des championnats du monde.

Concernant la mise en oeuvre de la loi NOTRe, ce fut un travail très long, piloté par la direction des sports et l'ensemble des régions. Le transfert de compétence s'est fait facilement à La Réunion car, en dehors de l'accompagnement du haut niveau et des missions spécifiques qui peuvent être dévolues au CREPS par le président de région, la région était déjà rompue au transfert des missions logistiques telles que l'accueil et la restauration. En effet, ces activités avaient déjà été transférées au moment de la décentralisation et du transfert des lycées à la région. À l'époque, la région a géré le transfert de milliers de personnels, alors que la régionalisation du CREPS n'a concerné que 20 à 26 personnes. Des éléments de concertation entre les services de la région et les services du CREPS ont été mis en place tels que le suivi du personnel par les ressources humaines, car les perspectives d'avancement ne sont pas les mêmes selon les catégories de personnel : des contractuels, repris par la région sous contrat (9 personnes) et des fonctionnaires qui peuvent faire valoir leur droit d'option jusqu'au 31 décembre 2018 (15 personnes). La phase ressources humaines de transition se passe bien grâce à la coopération entre les acteurs. La région a toujours été présente dans le fonctionnement du CREPS puisqu'elle siégeait déjà au conseil d'administration par l'intermédiaire de la vice-présidente Mme Yolaine Costes qui le présidait. À l'heure actuelle, elle fait partie des membres de représentation du conseil général.

Je souligne l'investissement particulièrement important de la région en ce qui concerne les infrastructures. Alors que le projet d'institut régional du sport de l'océan Indien n'a pas encore vu le jour, celle-ci a déjà engagé des sommes importantes pour la rénovation de notre bâti.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Je souhaite remercier tous les intervenants présents aujourd'hui. M. Jérôme Fournier, vous avez parlé du nombre de licenciés en milieu scolaire, dont nous n'avons pas à rougir. Pour autant, le taux de licenciées femmes reste plus faible qu'en métropole. Pouvez-vous nous expliquer cet écart ? Cela peut-il s'expliquer par le manque de garderies ou l'éloignement des structures de pratique du sport ? Des solutions ont-elles déjà été envisagées en ce sens par le département et la caisse d'allocations familiales, comme des haltes-garderies proposant des horaires de garde atypiques ?

M. Jérôme Fournier. - La question de la pratique féminine est intimement liée à celle de l'organisation du temps de vie, entre temps de travail, temps familial et loisirs. La mise en place de modes de garde pour permettre aux mères de s'adonner à une activité physique constitue l'une des solutions possibles. Certains clubs proposent déjà des offres sportives mixtes, à destination des femmes mais aussi, sur le même créneau, pour leurs enfants. Des activités « baby » s'adressent même aux enfants en bas âge. Il convient donc de réfléchir à la fois à la question du mode de garde et à la réorganisation de l'offre sportive.

La pratique féminine à La Réunion fait face à un second problème, celui de la rupture d'activité après la sortie du système scolaire. Une chute importante de la proportion de licenciés est enregistrée chez les jeunes adultes, avec un écart plus marqué chez les jeunes filles. Cela peut être lié à des choix de vie (cumul d'une activité professionnelle et de la vie de famille), mais aussi à la nature même de l'offre sportive. Nous devons conduire dès à présent avec les clubs une réflexion sur leurs activités, souvent tournées vers le compétitif. Or, les femmes préfèrent en général pratiquer des activités sportives axées sur le fitness, la remise en forme ou pourvoyeuses de lien social. En prenant l'exemple des sports de combat, des clubs proposent aujourd'hui des pratiques très adaptées au public féminin.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - La ministre des sports a annoncé la création de 500 maisons de santé au cours du mandat. Comment La Réunion est-elle positionnée sur ce sujet ?

Par ailleurs, qu'en est-il de la formation ? Vous avez vous-même rappelé que les clubs souffraient d'un manque de personnels encadrants. Peut-on imaginer, par exemple, que les jeunes titulaires du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateurs (BAFA) puissent suivre une option sport au cours de leur formation ? De même, peut-on encourager les jeunes titulaires du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BP JEPS) dans ce domaine ?

Un dispositif de sport santé à destination des seniors a été mis en place par le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Saint-Pierre, et cette initiative est un franc succès. Cela me conforte dans l'idée que le sport-santé est primordial à La Réunion car ces activités sont de plus en plus plébiscitées.

M. Jérôme Fournier. - Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous répondre sur la question des maisons de santé car nous ne disposons pas de retours précis du ministère des sports à ce sujet.

Pour autant, un plan sport-santé bien-être a été lancé en collaboration avec l'agence régionale de santé (ARS) et le conseil régional, dans la continuité de la stratégie régionale de santé. Ce plan vise deux objectifs. Le premier concerne le développement de la pratique du sport bien-être dans les clubs, qui demande un effort de formation et d'accompagnement des acteurs. Pour mener à bien cette politique, il semble nécessaire de sensibiliser l'ensemble des acteurs du mouvement sportif à ces problématiques, des titulaires du BAFA en centres de loisirs aux éducateurs sportifs. Ainsi, nous travaillons avec l'instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (IREPS) à la définition d'un label sport-santé donné aux clubs dont les intervenants ont suivi une formation adéquate. Ces formations sont pensées en lien avec l'université pour s'assurer de répondre aux besoins sur le terrain.

Le deuxième volet de ce plan sport-santé bien-être concerne le sport sur ordonnance. Une proportion significative de la population réunionnaise souffre de pathologies chroniques telles que le diabète et l'obésité. Ce dispositif s'adresse également aux personnes atteintes d'un cancer ou de problèmes de tension. Ces activités physiques et sportives nécessitent un encadrement spécialisé. L'université organise ce cursus de formation particulier. L'enjeu consiste également, pour l'ARS, à sensibiliser les médecins à la prescription de ce dispositif. Du côté des acteurs du mouvement sportif, il convient également d'encourager la formation des intervenants en activités physiques adaptées.

Or, ces initiatives sont coûteuses. L'État intervient au travers d'une ligne du CNDS consacrée au sport-santé. Il s'agit d'une des priorités de la ministre, mais les montants engagés demeurent insuffisants. Une réflexion doit donc être portée sur le financement de ces actions avec les grands acteurs du champ de la santé comme la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) et le mouvement mutualiste. Nous avons besoin de financeurs importants dans ce champ pour s'assurer de proposer une réponse globale aux besoins de la population. Ce problème se pose à La Réunion, mais il s'agit en réalité d'un enjeu national.

Mme Monique Cathala, présidente du Comité régional olympique et sportif (CROS). - Le diagnostic qui vient d'être posé est tout à fait exact. Les acteurs du monde du sport vivent cette situation au quotidien. Le CROS travaille en permanence avec les partenaires institutionnels que sont la DJSCS, le CREPS, le conseil régional, le conseil départemental et les communes. Pour autant, le comité apporte surtout une aide administrative aux ligues et aux comités qui fonctionnent tous différemment.

Le CROS s'est également associé à la réflexion sur les femmes et le sport en organisant la manifestation « Sportez-vous au féminin ». Un premier colloque a permis de réunir 35 personnes pour remédier au moindre engagement des femmes dans les activités sportives et aux fonctions dirigeantes. Cette opération s'est faite en coopération avec la DJSCS. D'autres colloques viendront compléter cette première approche.

En ce qui concerne la formation des bénévoles, le CROS a créé le centre de ressources et d'information des bénévoles (CRIB). Le CRIB forme donc aux fonctions de président, secrétaire ou encore de trésorier selon les besoins des associations. Il s'agit d'un point essentiel car le monde sportif est constitué à 80 % de bénévoles. Les demandes de subventions auprès du CNDS sont en cours d'élaboration, et le CROS et la DJSCS ont arrêté un calendrier de formations à destination des ligues, des clubs et des comités pour les aider dans ces démarches qui seront totalement informatisées. Le CROS est également en contact avec le CROS de Mayotte. Ainsi, il y a deux mois, une comptable et une secrétaire de cette structure sont venues se former pendant 8 jours à La Réunion.

Enfin, la préparation des Jeux des Îles mobilise le CROS qui s'occupe à 80 % de l'organisation de cet événement. Les difficultés rencontrées avec la commission de la jeunesse et des sports de l'océan Indien (CJSOI) sont aujourd'hui résolues pour l'édition 2019. Mayotte pourra donc participer, ce qui sera confirmé lors de nos prochaines réunions. Le CROS prépare également dès à présent le club Réunion pour 2019 puisque 450 personnes se rendront à Maurice. Un déplacement d'une telle ampleur nécessite une grande organisation avec les athlètes, les ligues, les comités et l'équipe médicale. Le médecin de la DJSCS est également associé à cette préparation car nous accordons une attention particulière à la lutte contre le dopage. À court terme, nous travaillons à ce que la CJSOI prévue pour dans deux mois se déroule sans heurts, même si nous nous montrons plutôt pessimistes sur cette question.

M. Alix Caro, président de la ligue de karaté. - Je me permets une remarque introductive. Ce que nous avons entendu est très intéressant, mais nous disposons malheureusement de trop peu de temps pour entendre les interventions de tous les acteurs de terrain. Je forme donc le voeu que les prochaines visioconférences sur ce sujet soient plus longues, ou alors que les institutions et les acteurs de terrain ne soient pas entendus en même temps.

M. Robert Laufoaulu, président. - J'enregistre votre proposition.

M. Alix Caro. - Concernant la coopération régionale, je salue les initiatives portées en ce sens, mais l'univers ne s'arrête pas à l'océan Indien. Nous souhaitons que cette coopération s'étende aux autres territoires ultramarins afin d'organiser des compétitions à plus grande échelle. Il est même possible d'aller au-delà.

Il apparaît également nécessaire de maintenir les échanges avec Mayotte pour les compétitions sportives mais aussi la formation des cadres sportifs mahorais à la gestion des ligues et des comités locaux. Il ne s'agit pas d'assistanat, puisque le but final de cette démarche est que Mayotte puisse fonctionner en autonomie.

En outre, des stratégies doivent être mises en place sur la question de la représentation féminine. Pour cela, les femmes doivent être placées au coeur de l'action. Cela doit passer par la parité dans les comités directeurs, déjà mise oeuvre, mais aussi par la possibilité, pour les femmes, de prétendre plus facilement à des postes à responsabilité parmi les cadres techniques, les arbitres, les entraîneurs. Enfin, la dimension matérielle et pratique du problème doit être prise en compte. À titre d'exemple, la ligue de karaté a mis en place le body karaté pour les femmes, axé sur le fitness, et le baby karaté pour les enfants.

M. Pascal Hoarau, président délégué de la ligue de handball. - Étant donné la qualité et l'exhaustivité des interventions précédentes, je centrerai davantage mon propos sur les difficultés auxquelles notre ligue fait face, à savoir la formation des bénévoles et la continuité territoriale. Il existe de nombreux talents sportifs à La Réunion, mais nous peinons à trouver les financements pour leur permettre de disputer les compétitions nationales. En ce qui concerne notre première difficulté, la plupart des personnes en formation sont contraintes de partir en métropole dans le cadre de leur cursus. Or, nous ne pouvons envoyer qu'une personne à la fois, ce qui ne nous permet pas de répondre à nos besoins. Je suggère que du personnel qualifié se rende à La Réunion pour organiser les formations sur place.

J'ajouterai que le plan de féminisation du projet fédéral prévoit des mesures de féminisation des cadres, des dirigeants et des joueuses. Des actions sont progressivement mises en oeuvre en ce sens. En handball, entre 38 et 42 % des pratiquants sont des femmes.

M. Éric Sparton, représentant de la ligue de surf. - Le surf réunionnais s'inscrit dans un cadre particulier puisqu'il a été touché de plein fouet par la crise requin. Nous avons donc entamé une première phase de réflexion sur la manière de maintenir et pérenniser notre activité. Il s'agit d'un enjeu de taille puisque l'équipe de France est composée à 70 % de sportifs réunionnais. Le ministère de la jeunesse et des sports nous a accompagnés dans cette tâche en mettant à notre disposition un cadre technique consacré à cette réflexion stratégique.

Dans un deuxième temps, la région nous a apporté son aide pour gérer l'augmentation de la masse salariale due à la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs. Ce travail, mené en collaboration avec toutes les collectivités territoriales, fut très long. Nous sommes parvenus à mettre en place un système de surveillance et d'alerte : les vigies requins. Ce dispositif, expérimenté depuis 2015, est aujourd'hui opérationnel. Le CREPS intervient dans la professionnalisation de ce corps de métier unique au monde. Nous avons d'ailleurs reçu la visite de plusieurs délégations étrangères, en provenance des États-Unis et d'Australie, curieuses de comprendre le fonctionnement des vigies. Nous avons également récemment reçu la visite de l'ambassadeur de France en Afrique du sud.

Notre activité a ainsi pu perdurer, puisque nous sommes dans l'eau 5 jours sur 7. Jusqu'à maintenant, le surf était une discipline libre, avec peu de besoins en infrastructures. Ce n'est plus le cas à présent. Notre activité peut donc se développer, d'autant plus que le surf est devenu une nouvelle discipline olympique. Les vigies nous permettent de nous entraîner dans les meilleures conditions pour les Jeux olympiques de 2024.

M. Yves Ethève, président de la ligue de football. - La ligue de football de La Réunion, qui compte 28 000 licenciés, est la plus grande ligue d'outre-mer malgré les difficultés auxquelles elle a été confrontée ces deux dernières années. Nous travaillons en collaboration avec la Fédération française de football (FFF) depuis 35 ans, mais l'éloignement et l'insularité continuent de nous handicaper, d'autant plus que les cadres de la fédération sont de moins en moins disponibles et disposés à nous recevoir. Ce manque de communication est dommageable car la FFF gère l'Institut de formation du football (IFF). Or, l'année dernière, nous n'avons pas pu organiser la formation de nos cadres dans cette structure. Nous travaillons actuellement avec la FFF pour surmonter ces difficultés.

Bien que la ligue de football soit présente dans 24 communes, nous ne disposons pas de lieux adéquats, comme des grandes plaines, pour organiser de grands rassemblements de jeunes sportifs. Cela n'inclut pas les stades de grande capacité, qui, bien qu'ils ne soient pas assez fonctionnels, sont en nombre suffisant. Nous avons déjà réuni par le passé plus de 1 800 jeunes footballeurs lors de ces événements. Aujourd'hui, nous sommes tributaires des rares communes qui acceptent de mettre à disposition leurs terrains.

La ligue réunit près de 230 clubs, toutes catégories confondues (football féminin, d'entreprise, vétérans...), avec un accent particulier mis sur les jeunes. Cette organisation fonctionne tant bien que mal, compte tenu du malaise économique que connaît La Réunion. Les clubs dépendent ainsi essentiellement des mairies, même si la région joue également son rôle de soutien économique auprès de la ligue.

La ligue fonctionne grâce à des dirigeants et des bénévoles extraordinaires qui payent bien souvent les cotisations d'engagement, les assurances et les licences. Il n'est donc pas normal, à mon sens, qu'une ligue comme la nôtre, comptant 19 salariés, ne bénéficie pas des abattements sur les salaires. Par ailleurs, nous ne pouvons pas récupérer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui représente un budget de 3 millions d'euros environ, alors que nous payons l'octroi de mer et toutes les taxes sur le matériel commandé pour nos clubs. Ceux-ci sont donc contraints de trouver des solutions d'urgence en organisant des loteries pour financer leurs voyages et s'assurer que les échanges sportifs perdurent.

M. Julien Minatchy, ancien basketteur, médaillé des Jeux des îles de l'océan Indien. - Je partage le même sentiment que mes collègues. Je souhaite rappeler en premier lieu que La Réunion fait rayonner la France dans l'océan Indien. Les disparités en termes d'infrastructures et d'athlètes avec Mayotte sont telles que notre île s'est affirmée comme la figure de proue du sport français dans la région.

En outre, j'aimerais aborder la question du plafond de verre auxquels sont confrontés les jeunes repérés dans les clubs ou au CREPS, et qui peinent à partir en métropole et à y réussir leur carrière. Le coût financier et les difficultés logistiques de ces départs sont énormes, et nous n'avons pas d'autre choix que d'utiliser au mieux les faibles ressources dont nous disposons.

En tant que praticien du sport et encadrant, je constate que La Réunion souffre du manque de formation. Je pense que ce constat est partagé par tous les autres territoires d'outre-mer. Il me paraît nécessaire de solliciter l'aide de techniciens et de formateurs métropolitains pour former la relève au niveau local dans ce domaine, car nous n'avons pas les moyens d'envoyer nos jeunes se former là-bas chaque année.

En outre, les Jeux des Îles sont l'occasion d'échanger au plan sportif et culturel avec les autres pays de la zone, mais il convient de mutualiser les moyens de La Réunion et de Mayotte pour représenter au mieux la France dans cette compétition. Ainsi, en basket par exemple, de jeunes mahorais viennent s'entraîner au CREPS de La Réunion pour pouvoir intégrer par la suite des centres de formation métropolitains comme l'INSEP. À l'heure actuelle, des jeunes ayant bénéficié de ce dispositif font d'ores et déjà la fierté de Mayotte dans ces structures.

J'insisterai donc, en conclusion, sur la nécessité de renforcer les moyens techniques, logistiques et humains du sport réunionnais afin de mieux mettre en valeur le potentiel sportif de notre île. Cela est d'autant plus important que le développement de la pratique physique sur nos territoires s'accompagne de la diffusion des valeurs positives du sport.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Lors de la visioconférence avec les élus locaux, nous avions compris que le coût des déplacements des sportifs pesait lourd dans le budget des associations sportives et des collectivités. Or, nous n'avons fait qu'effleurer cet aspect aujourd'hui.

En ce qui concerne les infrastructures, le département et la région ont mis en avant les difficultés budgétaires liées au développement des activités sportives en extérieur. La question de la couverture des plateaux noirs avait notamment été abordée. Pouvez-vous nous parler de ce quotidien du sport et des spécificités liées au climat de La Réunion qui accélèrent l'usure des infrastructures ?

M. Alix Caro. - Si l'on compare le nombre d'équipements par habitant par rapport à la métropole, La Réunion enregistre un taux d'équipement inférieur de 10 %. Or, sans structures d'accueil, on ne peut rien faire. Les élus locaux et les pouvoirs publics pourraient nous donner du foncier pour que nous puissions faire construire les structures dont nous avons cruellement besoin. J'ai déjà sollicité le maire de ma commune à cet égard, sans succès.

Concernant les déplacements vers la métropole, il s'agit d'un problème énorme auxquels sont confrontés tous les acteurs du monde sportif. Malgré l'aide de la région, il reste difficile de trouver des financements. Il conviendrait sans doute de fusionner tous les dispositifs d'aides afin de rendre le système plus lisible et plus accessible.

Les recettes des ligues sont très maigres. Or, la ligue de karaté envoie à elle seule 150 karatékas disputer des compétitions à l'extérieur chaque année. Pour pouvoir financer ces déplacements, nous réalisons des économies sur d'autres postes, ce qui explique que la ligue repose aujourd'hui quasiment exclusivement sur du bénévolat.

Mme Monique Cathala. - En ce qui concerne les plateaux noirs, ces structures doivent absolument être couvertes, compte tenu des fortes précipitations et du soleil qui les abîment, mais c'est un voeu pieux.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - À ce propos, un appel à projets pour des projets innovants a été lancé. La Réunion y a-t-elle participé ?

M. Jérôme Fournier. - Il s'agit effectivement d'un appel à projets du CNDS. À notre surprise, il n'y a pas eu d'afflux massif de réponses.

Aujourd'hui, les besoins en équipements sont connus. Nous devons par exemple construire des piscines chauffées dans les Hauts, où les enfants doivent impérativement apprendre à nager mais ne peuvent pas s'exercer en hiver. Au-delà de cette problématique se pose également un enjeu en termes d'innovation, tant du point de vue de la maîtrise énergétique que de la multi-utilisation des équipements. Ainsi, les dojos utilisés pour la pratique des arts martiaux pourraient servir à d'autres disciplines comme la lutte. Cette réflexion passe d'abord par une meilleure coopération entre les acteurs. Il ne s'agit pas d'apporter plus de réponses, mais des réponses mieux adaptées au territoire.

Mme Vivette Lopez. - J'entends vos difficultés. Toutes les disciplines olympiques ne pourront pas être représentées à Paris. Je pense notamment au surf. Peut-on donc imaginer que certaines compétitions soient organisées en outre-mer afin que les Jeux olympiques fassent rayonner toute la France ? Cela éviterait à certains jeunes de devoir se déplacer pour l'occasion, et permettrait de consacrer ces économies à l'aménagement des infrastructures. En outre, ces épreuves seraient l'occasion de faire venir sur votre territoire des formateurs de l'hexagone et de susciter, peut-être, des vocations sportives chez les jeunes de l'océan Indien. La Réunion organisant les Jeux des Îles, je suppose qu'il existe sur place les structures adéquates. Est-ce souhaitable et envisageable ?

Mme Monique Cathala. - Cela nous paraît difficilement réalisable. Les Jeux des Îles réunissent 5 îles, soit 2 000 personnes à accueillir sur notre territoire, donc ce n'est pas la même échelle que les Jeux olympiques. Un tel événement demande une logistique considérable et poserait sans doute des problèmes d'hébergement et de transport.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Ne serait-ce qu'au moment du Grand Raid, l'hébergement n'est pas suffisant. Dans le futur peut-être, mais cela me semble impossible à organiser à l'heure actuelle. Je suis pourtant persuadée qu'organiser la compétition olympique de surf à La Réunion aurait été idéal.

M. Jérôme Fournier. - J'abonde dans votre sens, il faut être réaliste. Nos infrastructures sont insuffisantes et ne sont pas calibrées pour une manifestation d'un tel niveau. Pour autant, le conseil régional mène une réflexion sur le rayonnement sportif de La Réunion au travers de l'institut régional du sport de l'océan Indien, qui vise à la fois à développer les échanges sportifs et à faire de La Réunion une terre d'accueil d'équipes de très haut niveau. Les sportifs de toute la zone pourront trouver à La Réunion des conditions d'entraînement de qualité, et spécifiques, notamment grâce au site d'entraînement en altitude, unique dans notre région. Un athlète peut passer, dans la même journée, de 0 à 2 500 m d'altitude, car nos infrastructures sont situées sur le littoral et en montagne. Notre territoire présente donc des arguments de poids pour attirer des délégations étrangères en phase de pré-entraînement ou d'entraînement.

À terme, nous pourrons mener une réflexion plus poussée sur l'attractivité sportive de La Réunion jusqu'en Afrique ou en Asie. En effet, il existe aujourd'hui des liaisons aériennes rapides entre l'Inde et notre île.

M. Robert Laufoaulu, président. - Je vous remercie tous pour votre participation à cet échange. Les difficultés de transport dues aux conditions météorologiques particulières ont eu raison de la participation de certains de nos sénateurs. Il me reste à vous remercier, au nom de notre délégation, pour votre engagement auprès de la jeunesse réunionnaise.

Audition de M. Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

M. Robert Laufoaulu, président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, afin qu'il nous fasse part de son travail et de son expérience auprès de la jeunesse des outre-mer afin d'enrichir nos travaux. Je vous prie d'excuser notre président, M. Michel Magras, qui a dû retourner à Saint-Barthélemy.

Dans la perspective des prochains événements sportifs, et notamment des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, et en considérant la contribution notoire des outre-mer à l'excellence nationale, notre délégation s'intéresse aux parcours offerts aux jeunes sportifs ultramarins visant la haute performance, ainsi qu'au rayonnement des territoires à travers le sport. Notre étude s'intéressera aussi à la place du sport dans les politiques de santé publique, et aux enjeux du développement de la pratique sportive comme vecteur d'insertion sociale. Élus, nous savons combien la pratique sportive est vertueuse : elle canalise les énergies et inculque le respect des règles et de l'autre. C'est particulièrement important lorsqu'il s'agit de jeunes, souvent fortement touchés par le chômage.

Pour mener à bien cette étude, nous avons désigné quatre rapporteures : Mmes Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, Viviane Malet, sénatrice de la Réunion, et Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française. Viviane Malet, élue de la commune de Saint-Pierre submergée par les eaux lors du passage récent du cyclone Berguitta, est excusée : elle a dû retourner dans son île.

C'est à double titre que nous vous entendons, pour l'action que vous menez auprès des jeunes ultramarins et aussi eu égard à votre parcours personnel. Originaire de la Guadeloupe, vous avez grandi en Seine-Saint-Denis et vous vous êtes passionné très tôt pour la boxe. Cette passion et beaucoup de travail vous ont permis de tutoyer les sommets : vous avez remporté à six reprises le titre de champion du monde. Ainsi, vous faites partie des ultramarins qui ont honoré notre pays à l'échelle internationale. Les services que vous avez rendu à notre pays ne s'arrêtent pas là ; avant même d'exercer vos fonctions actuelles, vous avez utilisé votre notoriété comme un levier pour faire fructifier certaines valeurs auprès des jeunes originaires des outre-mer : la tolérance et l'écoute d'autrui, l'engagement et la persévérance et, au bout du chemin, l'excellence.

M. Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer. - Je ne suis pas le plus compétent pour parler du sport, ma fonction depuis vingt mois étant surtout de transposer les actions réalisées en métropole dans les outre-mer, pour une réelle égalité des chances. J'espère que ma venue ici permettra à la délégation interministérielle de disposer de davantage de ressources, puisque nous sommes peu dotés et utilisons surtout notre réseau relationnel.

Je suis né en Guadeloupe et suis venu en métropole à l'âge de six ans, afin de rejoindre mon père pour ce que je pensais être des vacances... Je suis resté et j'ai grandi à Bobigny, dans un quartier prioritaire. À 13 ans, j'ai décidé d'être champion du monde de boxe, alors qu'à l'époque tout se passait aux États-Unis. Je jouais au football comme mon père, puis je me suis rendu dans un club de boxe où l'entraîneur m'a appris la rigueur et le respect des règles ; sinon c'était la porte. J'ai progressé en respectant ces valeurs. Mon père me voyait champion de France ; je le suis devenu en 1997. On voulait que je prépare d'abord les championnats d'Europe, mais j'ai directement participé aux championnats du monde et, le 23 février 2002 à Rennes, je combattais la légende Virgil Hill. J'étais donné perdant contre le champion du monde mais j'ai gagné car je voulais, à mon tour, devenir une légende.

Selon moi, il faut vivre ses rêves et non rêver sa vie. Nous sommes tous égaux par les rêves et on peut aussi les matérialiser, ce que j'ai fait. En août 2002, j'ai défendu mon titre. Je suis ensuite parti aux États-Unis où j'ai combattu dans de grandes soirées de boxe, signant avec Don King, le producteur de Mohamed Ali et de Mike Tyson. Je me suis enrichi. Que pouvais-je apporter aux jeunes, hormis du rêve ? J'ai patrouillé avec la police de Cleveland, dans l'Ohio, et je me suis renseigné sur le système judiciaire américain. En 2007, je suis rentré en métropole. J'ai soigné mon apparence et j'ai frappé aux portes des télévisions pour organiser des combats de boxe et me produire dans des salles de 6 000 personnes, notamment des personnalités politiques et des chefs d'entreprise. Je me suis constitué un vrai réseau.

À la fin de ma carrière, il y a trois ans, Patrick Karam et Victorin Lurel m'ont proposé le poste de délégué interministériel. J'ai accepté, entouré d'une petite équipe. Comment aider les jeunes d'outre-mer ? Je les ai écoutés. Ils avaient besoin de stages, de formations, de contrats d'apprentissage, de travail... J'ai monté une plate-forme pour que les jeunes d'outre-mer et des banlieues puissent rencontrer les chefs d'entreprise. Alexandre Bompard, ancien de Canal Plus et patron de la FNAC, m'a transmis les offres de la FNAC et les a déposées sur la plate-forme. Désormais, une vingtaine de sociétés y déposent leurs offres, pour presque tous les corps de métier. Une association gérée en outre-mer aide les jeunes à refaire leur CV et à se prendre en main, avant d'aller sur la plate-forme pour déposer leur dossier. Ils sont suivis de près. Nous avons pu aussi agir dans le Pacifique, où il y avait des problèmes de sécurité sociale. Parfois, ces jeunes d'outre-mer ont un sentiment d'injustice, ils ne se sentent pas français lorsqu'ils sont en métropole. J'ai aussi rencontré Jacques Toubon, le Défenseur des droits, et suis intervenu pour des cautions bancaires. Compte tenu du nombre de jeunes concernés, il nous faudrait plus de moyens car notre budget se limite à 100 000 euros. Nous avons sauvé l'équipe de foot de Bobigny que le nouveau maire, récemment élu, voulait supprimer pour créer un club élitiste. Nous devons valoriser le travail de ces jeunes ; l'argent ne se donne pas, il se gagne. Je leur ai demandé une estimation des sommes nécessaires et un cahier des charges pour lever des fonds. J'ai appelé Philippe Peyrat, membre du fonds d'investissement d'Engie, qui a apporté les fonds pour sauver le club.

Nous essayons d'aider ces jeunes avec 2, 3 ou 10 000 euros, mais l'essentiel est le travail relationnel. J'ai rencontré le président Hollande. Depuis trente ans, la politique de la ville ne fonctionne pas. Auparavant, les jeunes partageaient les mêmes codes et avaient l'impression d'être compris. Comme pour les outre-mer, la politique de la ville ne doit pas se résumer uniquement à un changement de façade. Il y a un besoin d'écouter les jeunes, de les former.

M. Robert Laufoaulu, président. - Quelles difficultés les jeunes sportifs des outre-mer rencontrent-ils dans leur parcours métropolitain ?

M. Jean-Marc Mormeck. - À titre personnel, j'ai grandi en métropole et ai subi le déracinement. Les jeunes devraient pratiquer leur sport dans les outre-mer et venir le plus tard possible en métropole, car l'adaptation est plus dure pour les plus jeunes.

Mme Lana Tetuanui, rapporteure. - Monsieur le délégué interministériel, votre cursus est impressionnant, et je vous félicite d'avoir pu accéder à vos fonctions actuelles. En tant que sénatrice de la Polynésie française, je vous remercie au nom de ma collectivité, car vous êtes intervenu, par le biais de ma collègue députée, ancienne ministre de l'éducation dans le gouvernement de la Polynésie française, Mme Nicole Sanquer, afin de solutionner la prise en charge de nos étudiants pour leur couverture sociale.

La délégation a commencé ses auditions par celle de la ministre des outre-mer, avant un déplacement à l'Insep. Nous y avons notamment rencontré de jeunes Polynésiens athlètes de taekwondo et une basketteuse de Mayotte, qui nous ont expliqué la difficulté des jeunes à quitter leur famille et la douceur du climat. Nous avons aussi assisté à une visioconférence avec les élus de La Réunion et quelques présidents de fédérations sportives de l'île. J'ai compris que votre budget n'était pas très important. Or, les élus ultramarins que nous sommes cherchent des moyens pour nos actions en faveur du sport au sein de nos collectivités, qu'il s'agisse du sport à l'école, du sport facteur de santé ou de cohésion sociale.

Ma question est la suivante : comment amener d'autres sportifs ultramarins, guyanais, mahorais, guadeloupéens, polynésiens, au niveau national et les aider à monter sur le podium dans l'équipe de France ? Je suis élue depuis vingt ans et je rencontre les mêmes problèmes structurels que mes collègues dans leurs départements et collectivités respectives. Comment pouvons-nous améliorer les infrastructures sportives délabrées et faire venir de métropole des cadres techniques pour accompagner les jeunes et les faire accéder à la performance ? Comment pourriez-vous être notre interface avec les multiples ministères concernés de l'éducation, de la santé, de la cohésion des territoires et des solidarités. L'égalité des chances des Français d'outre-mer n'est pas encore une réalité et cela nous oblige à de nombreuses démarches lors de chacun de nos déplacements à Paris.

Donnez-nous un signe encourageant pour les départements et collectivités en faveur de la continuité territoriale telle qu'elle a été prévue dans la loi sur l'égalité réelle outre-mer. La prise en charge du transport de nos jeunes est essentielle pour assurer la continuité territoriale et les solutions doivent être adaptées aux caractéristiques propres des territoires.

M. Jean-Marc Mormeck. - Je n'ai pas vocation à remplacer Mme la ministre des outre-mer mais, en tant qu'ancien sportif de haut niveau, je peux faire le lien entre vous et les ministères des sports et des outre-mer. Nous avons récemment rencontré les basketteurs de Mayotte, car la délégation interministérielle s'occupe des jeunes ultramarins qui arrivent en métropole. Nous nous sommes aussi rendus en Guadeloupe où un pôle handball est très bien géré et fournit des jeunes à l'équipe de France. À Mayotte, les sportifs s'entraînent sur du béton en l'absence de gymnase. Comment être performants sans structures adaptées ?

Personnellement, je pense que les échanges entre les deux ministères concernés devraient favoriser la mise en place des équipements nécessaires. Pour ma part, je peux appuyer les demandes des jeunes et suggérer des moyens pour les satisfaire. Mais, comme je le dis à leurs parents, les jeunes doivent partir de chez eux le plus tard possible, car le dépaysement est très rude.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Merci de votre exposé sur votre parcours et les moyens d'améliorer la situation, monsieur le délégué interministériel. J'ai un peu la même réaction que ma collègue concernant votre qualité de délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer. Avant d'être sénatrice voilà trois ans, je me suis fortement impliquée dans le milieu associatif, et j'ai toujours pensé que le sport était un facteur d'intégration. Ce vecteur doit donc être développé pour favoriser l'égalité des chances sur ces territoires.

Notre collègue Lana Tetuanui s'est demandé si vous pouviez être un guichet unique. Je pense que vous pouvez être un pôle de coordination entre les différents ministères. Notre étude est plus particulièrement axée sur le sport dans les outre-mer et les difficultés rencontrées tant par les associations que par les sportifs, qu'ils soient jeunes ou à l'heure de leur reconversion professionnelle après un parcours de réussite brillant ou plus ordinaire. L'INSEP prévoit en général un double projet pour accompagner les athlètes.

Monsieur le délégué interministériel, avez-vous établi un plan d'action pour l'outre-mer, aussi bien sur le volet intégration que sur le volet santé avec la pratique du sport pour le plus grand nombre ?

M. Jean-Marc Mormeck. - Je m'occupe surtout des jeunes à leur arrivée en métropole, afin qu'ils s'insèrent dans un réseau favorable à leur bien-être et qu'ils puissent trouver un logement, une formation, etc. J'interviens aussi dans les banlieues en expliquant que le sport est un facteur d'intégration, de cohésion. Mais la parole ne suffit pas ; il faut aussi pouvoir accompagner les jeunes et trouver des solutions à leurs besoins. Toutefois, je ne dispose ni des moyens ni de compétences assez larges pour répondre à toutes les problématiques ; je reste dans le cadre de la mission qui m'a été confiée. Cependant, je n'hésite pas à frapper à la porte des ministres des sports et des outre-mer, sans ingérence toutefois dans la gestion de leurs dossiers, pour leur suggérer des pistes d'action.

L'ambassade américaine organise des programmes d'échanges depuis dix ans pour de jeunes sportifs. Pourquoi les outre-mer n'y ont-ils jamais été associés ? Estimant cela intolérable, je me suis rendu à plusieurs reprises à l'ambassade américaine pour que les jeunes d'outre-mer participent à ces échanges avec de jeunes Américains : trois jeunes de Guadeloupe et trois autres de Martinique partiront ainsi bientôt. C'est cela l'égalité des chances. Pour le reste, je ne peux que vous suggérer de m'aider !

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - J'ai bien compris que votre enveloppe budgétaire était restreinte, mais je ne pensais pas nécessairement à des actions coûteuses. Pour parvenir à l'égalité des chances, et dans le respect du portefeuille des autres ministères, il faut mettre en synergie les acteurs, notamment les associations qui oeuvrent dans le domaine du sport ou dans les banlieues. Leur expérience de terrain est importante pour dégager des orientations intéressantes dans les départements d'outre-mer et l'hexagone, notamment en faveur du sport-santé, car les affections liées au manque de sport sévissent partout.

Pour favoriser la prise de conscience, il faut réunir l'ensemble des partenaires autour d'une table et y associer tous les ministères concernés. L'égalité des chances est une quête insatiable pour chacun d'entre nous eu égard à l'ampleur des difficultés sociales.

M. Jean-Marc Mormeck. - J'avais bien compris votre question, madame la rapporteure, mais pour que j'intervienne, il faut que j'y sois convié. Sinon, la délégation interministérielle pourrait être accusée d'ingérence. On nous a d'ailleurs reproché d'être intervenus sur la problématique de la couverture sociale. Quant au dispositif d'échanges mis en place par l'ambassade américaine en faveur des jeunes, nous avons sollicité la ministre des sports pour y contribuer, mais sans succès. Nous nous sommes débrouillés autrement pour obtenir des fonds.

Mme Vivette Lopez. - J'ai pris conscience de vos difficultés, monsieur le délégué interministériel, à jouer le rôle de passerelle entre la ministre des sports et toutes les revendications des jeunes ultramarins. Ma question est assez personnelle : vous avez dit être arrivé de la Guadeloupe en France à l'âge de six ans pour finalement « malheureusement » y rester. Pourquoi employer ce terme concernant votre parcours alors que vous avez très bien réussi votre carrière ? Pensez-vous que cette trajectoire soit douloureuse pour tous les jeunes ultramarins ?

M. Jean-Marc Mormeck. - Je suis arrivé au mois d'octobre ; il faisait froid, ma famille était recomposée et la séparation subie avec mon territoire ! Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, d'où le terme « malheureusement ». Mais « heureusement », le sport m'a permis de réaliser un rêve. Aujourd'hui, je dis aux jeunes que, si l'on veut vraiment quelque chose, il faut s'en donner les moyens car on n'obtient rien sans travail.

Mme Victoire Jasmin. - Les réformes concernant l'apprentissage vont intervenir. Or, peu d'entreprises de notre territoire sont capables d'accorder un stage aux jeunes suivant un BTS en contrat de qualification ou en alternance, d'autant qu'une contrepartie financière est obligatoire. Faute de trouver un stage à la fin du premier semestre, nombre de jeunes sont contraints d'arrêter leurs études, alors qu'ils ont des projets et sont motivés. Certaines entreprises proposent même à des étudiants de renoncer à la moindre ressource financière. Il faudrait trouver des solutions.

Je suis aussi préoccupée par la précarité de nos étudiants en métropole. Les bourses ne sont pas suffisantes pour qu'ils vivent décemment et puissent se soigner, et beaucoup doivent abandonner leurs études. Lorsque leur famille connaît de grandes difficultés financières, ils préfèrent ne pas revenir, mais vivent dans des conditions déplorables.

M. Jean-Marc Mormeck. - La plate-forme que j'ai mise en place permet aux jeunes ultramarins de trouver des formations au sein de grandes sociétés implantées outre-mer comme Veolia ou Orange. Il faut étendre son rayon d'action au-delà de la Martinique et de la Guadeloupe outre-mer pour que tous les étudiants aient les mêmes droits et profitent des dispositifs mis en place en métropole. J'ai même démarché la caisse d'allocations familiales (CAF) pour y parvenir. Nous travaillons avec les moyens du bord, mais nous faisons tout notre possible pour le bien-être des jeunes.

Mme Lana Tetuanui, rapporteure. - En tant qu'élus, nous rencontrons tous les mêmes problèmes dans nos collectivités respectives. Je pensais que nous pourrions solliciter le champion que vous êtes, monsieur le délégué interministériel, pour être une tête de pont et un coordonnateur, notamment pour l'obtention de financements. Par ailleurs, pourriez-vous intervenir auprès des fédérations nationales sportives pour renforcer le lien avec les fédérations locales et aider celles-ci au sein de chaque collectivité ultramarine ?

M. Jean-Marc Mormeck. - Je ne saurais que vous conseiller de me saisir des difficultés que vous rencontrez et de me faire part de vos besoins. J'ai ainsi pu agir lorsque m'ont été confiés certains problèmes en matière de sécurité sociale.

M. Dominique Théophile. - J'avoue connaître davantage votre carrière de champion, exceptionnelle, que les missions qui vous sont précisément dévolues comme délégué interministériel. Jusqu'aux années 1990, les clubs sportifs d'envergure nationale se déplaçaient en outre-mer pour recruter des talents et les jeunes sélectionnés partaient en métropole sous leur égide. Désormais, les parents rêvent pour leur enfant un avenir de champion ou, à tout le moins, de sportif professionnel, notamment en football. Malgré des moyens financiers souvent contraints, ils accompagnent leur progéniture sur les terrains, en stage jusqu'en Europe, sans songer au revers de la médaille que représente le taux d'échec élevé à l'issue de ces parcours. À rebours de l'esprit des CREPS, qui prône pour les jeunes de moins de seize ans un double projet, à la fois scolaire et sportif, la course au contrat avec un club, chez certaines familles, conduit à privilégier le seul avenir sportif. Or, et notamment à l'arrivée en métropole, les échecs, je le répète, sont fréquents à l'issue d'un essai au sein d'un club. Nous ne disposons hélas pas d'un observatoire chargé de mesurer précisément le taux d'échec des enfants d'outre-mer partis en métropole à la recherche d'un eldorado sportif. Cette veille entre-t-elle dans votre champ de compétence ? Serait-il envisageable, à défaut de disposer directement des moyens d'agir, de vous confier une mission d'alerte sur les risques encourus par des jeunes et des familles souvent mal préparés aux réalités du sport professionnel ? Tant de jeunes de moins de quinze ans s'entraînent quotidiennement sur nos terrains de football ! Le sport n'apparaît plus tant comme un facteur de bien-être et de cohésion que comme un instrument de réussite sociale. Pourtant, moins de 1 % de ces jeunes réussiront un jour à vivre décemment du sport. Il est urgent de mettre en oeuvre une politique de prévention dans ce domaine.

M. Jean-Marc Mormeck. - Je partage absolument votre analyse : il y a dans le milieu du sport professionnel beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. Lorsque j'ai l'opportunité d'intervenir dans un établissement scolaire, je rappelle chaque fois aux jeunes à quel point l'école doit demeurer prioritaire : le sport est un loisir, une passion ; le diplôme, un passeport pour l'avenir. La délégation interministérielle pourrait bien sûr, si elle était saisie de cette mission, agir en matière de prévention et d'information en coopération avec le ministère des sports.

M. Victorin Lurel. - Ma question prolongera celle de Victoire Jasmin relative aux actions menées en faveur de la jeunesse ultramarine. Dans le cadre des Cordées de la réussite, la Guadeloupe a engagé diverses actions au bénéfice de l'insertion de ses jeunes dans l'enseignement supérieur, en particulier pour faciliter leur logement en métropole : conclusion de contrats avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) pour réserver des chambres - les quotas n'étant pas autorisés par la législation française, nous avons dû trouver à cet effet une solution astucieuse - ; négociation d'un contingent de soixante chambres au sein de la Cité internationale universitaire pour nos étudiants en grandes écoles et à Sciences Po ; réservation de quelques places à l'internat du lycée Henri IV ; accord, enfin, avec Loca-pass pour mettre à disposition des logements dans le parc privé. D'autres collectivités d'outre-mer - je pense à la Nouvelle-Calédonie ou La Réunion, qui disposent également de chambres à la Cité internationale universitaire - ont mis en oeuvre des politiques similaires. La Guadeloupe a complété ses dispositifs en faveur du logement par un effort conséquent en matière d'attribution de bourses d'étude : elles s'établissent entre 1 750 et 1 800 euros, ce qui est peu toutefois au regard des 3 000 euros accordés en métropole ou 5 000 euros pour un étudiant à Sciences Po.

L'opération des Cordées de la réussite est-elle poursuivie par les ministères concernés ? Quel bilan peut-on en tirer ? D'autres initiatives sont-elles engagées pour limiter la précarité de nos jeunes en métropole et éviter un retour précipité dans nos territoires ? En d'autres termes, la discrimination positive est-elle envisagée dans certains domaines pour améliorer l'insertion ?

M. Jean-Marc Mormeck. - Nous ne recevons que peu de demandes relatives à ces problématiques. Lorsque nous sommes néanmoins saisis, nous mettons à disposition notre réseau en métropole et intervenons comme caution bancaire.

M. Robert Laufoaulu, président. - Je vous remercie, monsieur Mormeck, d'avoir apporté votre contribution aux travaux de notre délégation sur le sport et les outre-mer. Votre mission est essentielle et le qualificatif « interministérielle » associé à votre délégation me semble fondamental pour renforcer la transversalité des politiques mises en oeuvre par divers ministères dans nos territoires.