Mardi 22 mai 2018

- Présidence de M. Michel Magras, président -

Jeunesse des outre-mer et le sport - Audition de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES)

M. Michel Magras, président. - Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les élus et responsables administratifs en charge du sport, mes chers collègues, après la période de suspension des travaux du Sénat en séance publique, qui a été mise à profit par les rapporteurs de nos études en cours pour aller sur le terrain à la rencontre des acteurs locaux, nous voilà à nouveau réunis pour poursuivre nos auditions sur « La jeunesse et le sport dans les outre-mer ».

Je vous rappelle que nous avons cette semaine un programme dense sur ce sujet d'étude avec demain, en fin d'après-midi, une audition consacrée au haut niveau et à la performance, en présence du Comité national olympique et sportif et des représentants de plusieurs fédérations sportives, et jeudi matin une visioconférence avec Mayotte suivie d'une réunion avec les ambassadeurs délégués à la coopération régionale et l'ambassadeur délégué pour le sport.

Mais aujourd'hui, je dois remercier tout particulièrement l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) et ses représentants ici présents qui ont accepté, sur le chemin de La Rochelle où se tient leur assemblée générale annuelle, de faire un détour par le Palais du Luxembourg. Seuls les élus de la Martinique n'ont pu se joindre à nous aujourd'hui puisque, comme vous le savez, le 22 mai est la date retenue par ce département pour commémorer l'abolition de l'esclavage. Cela explique également l'absence de nos collègues sénateurs, Catherine Conconne et Maurice Antiste. Je dois également excuser Lana Tetuanui, retenue en Polynésie par le renouvellement des institutions consécutif aux élections territoriales.

Je rappelle que, sur l'étude relative au sport, nous avons un quatuor féminin de rapporteures pour représenter les trois bassins océaniques et l'hexagone : Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, sont ici présentes et ont pu, lors du déplacement en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, rencontrer de nombreux acteurs et se forger une idée très concrète de la situation.

Nous avions convié M. Rémi Duchêne, inspecteur général de l'administration co-auteur du rapport d'octobre 2016 sur les besoins en matière d'équipements sportifs dans les outre-mer, mais il nous a fait savoir ce matin qu'il était retenu à Madrid par les grèves de compagnies aériennes. Dès lors, mes chers collègues, la synthèse de ce rapport est à votre disposition. Les élus et les membres de l'ANDES qui nous font l'honneur de leur présence le connaissent par coeur et pourront nous dresser un état des lieux de sa mise en oeuvre.

Je vais maintenant donner la parole au président de l'ANDES, M. Marc Sanchez, pour exposer les travaux menés par son association aux Antilles et en Guyane en 2016 et tout récemment dans l'océan Indien. Prendront ensuite la parole les quatre référents de l'association pour les quatre départements aujourd'hui représentés, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte et La Réunion.

M. Marc Sanchez, président de l'ANDES. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes heureux de pouvoir présenter devant vous aujourd'hui les actions et les travaux que nous menons. Nous vous transmettrons notamment deux rapports rendant compte de deux déplacements que nous avons effectués récemment à La Réunion et, précédemment, aux Antilles et en Guyane. Nous regrettons de n'avoir pu nous rendre à Mayotte du fait d'une situation perturbée par les grèves et les barrages, mais ce n'est que partie remise.

Le réseau de l'ANDES comprend aujourd'hui plus de 5 000 villes sur l'ensemble du territoire national, soit 60 % de celui-ci, et couvre des zones diversifiées telles que ville, campagne, littoral ou encore montagne. Notre réseau outre-mer englobe 150 communes sur les 5 départements et une commission spécifique outre-mer a été créée en 2013 dont l'objectif est d'identifier les particularités pour pouvoir les relayer auprès du ministère et du mouvement sportif. Il s'agit aussi de mettre en relation les élus et de créer un réseau d'échanges autour des problématiques communes pour une collaboration entre les collectivités.

Les thèmes principaux identifiés par la commission sont les investissements en termes d'équipements sportifs, avec des surcoûts de l'ordre de 30 % par rapport à la métropole, étant entendu que ceux-ci sont encore majorés de 30 % dans certaines zones particulièrement difficiles d'accès comme Cilaos à La Réunion. La formation et l'accès au haut niveau sont également des sujets sensibles sur lesquels nous nous efforçons d'apporter notre expertise. Le soutien aux associations locales, actrices importantes du lien social, la suppression de nombreux emplois aidés qui les met en difficulté, la coopération entre les structures des différents territoires, ou encore le risque requin à La Réunion sont autant d'autres sujets à traiter.

Mme Ludivine Saillard, directrice adjointe de l'ANDES. - À la suite de notre déplacement de 2016 aux Antilles et en Guyane, nous avons dressé un certain nombre de constats et défini un ensemble de leviers qui sont les suivants selon les territoires :

Pour la Guyane :

- permettre le soutien des projets d'investissement autour d'une réflexion commune entre acteurs du sport ;

- doter les communes et intercommunalités de véritables services des sports avec un budget dédié et une véritable politique sportive ;

- un manque d'ingénierie a été relevé aux Antilles et en Guyane ;

- faire valoir l'enjeu de la jeunesse et du sport-santé eu égard eu égard à la prégnance de la toxicomanie et des maladies chroniques.

Pour la Martinique :

- un diagnostic territorial approfondi des infrastructures a été réalisé, ce qui représente un atout pour une conduite coordonnée de la politique sportive et en particulier le soutien de l'investissement ;

- tenir compte des coûts de fonctionnement :

- faire valoir l'enjeu de la jeunesse, des séniors et donc du sport-santé ;

- permettre le développement des associations sportives locales.

Pour la Guadeloupe :

- procéder à un rééquilibrage des équipements sportifs, avec un plan de rattrapage porté par la région ;

- mutualiser les moyens dans un contexte contraint ;

- développer le sport de haut niveau avec le CREPS ;

- prendre en compte une population jeune mais également vieillissante.

Le déplacement aux Antilles et en Guyane a mis en évidence comme préoccupations communes : le nécessaire rééquilibrage des équipements sportifs ; l'intérêt pour ces territoires des petits équipements de proximité tels que les plateaux couverts dotés d'éclairage ou les piscines en eau de mer au coût de fonctionnement modeste ; l'utilité d'une réflexion partagée comme suite à la récente réforme territoriale avec des outils tels que les schémas de développement du sport, le diagnostic territorial approfondi (DTA) ou encore le GIP base avancée en Guyane ; l'intérêt de la coopération intercommunale, encore insuffisamment développée outre-mer ; le rétablissement d'une enveloppe territoriale équipement du CNDS, bien que la tendance actuelle soit plutôt à la réduction des enveloppes dévolues à la politique sportive ; faciliter la formation des athlètes localement sur ces terres de champions, pour l'accès au haut niveau, mais aussi permettre leur retour sur le territoire dès lors qu'il ont dû partir pour poursuivre leur parcours, pour répondre notamment aux problématiques de déracinement ; développer l'accompagnement des associations sportives locales et la formation des bénévoles pour notamment pallier au reflux des emplois aidés.

M. Marc Sanchez. - À La Réunion, je tiens à souligner le rôle moteur de la région dans l'animation et la coordination de la politique sportive, notamment en matière d'équipement. La pérennité du plan d'investissement, comme nous l'avons également observé lors de notre déplacement en Corse en 2016, dépend d'engagements financiers importants semblant aujourd'hui devenus incertains avec le mouvement de réduction des dotations. Nous espérons que cette évolution ne compromette pas la mise en place des plans de redressement dans les outre-mer. Il faut assouplir les règles d'investissement pour les communes, celles-ci à La Réunion présentant la particularité de réaliser des équipements en recourant à la régie ; il faut également accroître l'action du CREPS en développant ses installations sportives pour permettre aux athlètes de se former sur place et de répondre aux problématiques du déracinement et des transports. La suppression des emplois aidés a fortement impacté les collectivités et nous ne mesurons sans doute pas encore l'ampleur des conséquences. Sur la gestion du risque requin, nous avons constaté le travail de fond qui était accompli pour organiser la surveillance, en particulier par le centre de ressources et d'appui sur le risque requin (CRA) ; il y a une véritable volonté locale de définir des solutions permettant d'assurer la sécurité et d'endiguer l'impact sur le tourisme qui est une ressource majeure pour l'économie du territoire. Le soutien au projet de piscine est une condition pour l'apprentissage de la natation sur l'île, celle-ci, contrairement aux idées reçues, n'étant pas assurée par la simple présence de la mer.

Le développement du sport-santé est une priorité dans la lutte contre les maladies chroniques telles que le diabète, l'obésité ou les affections cardio-vasculaires, très présentes à La Réunion comme dans d'autres outre-mer ou régions de l'hexagone. Il est important au niveau national de travailler en coordination avec le ministère de la santé et le développement du sport-santé pourrait, au bénéfice de la collectivité, efficacement contribuer à endiguer les coûts liés au risque maladie.

Se rendre compte sur place des réalités est indispensable pour lutter contre les idées reçues et s'adapter aux spécificités des territoires qui génèrent souvent des surcoûts ; nos déplacements nous ont à cet égard beaucoup appris et nous invitent à nous montrer solidaires. Nos constats recoupent en outre les observations qui ont pu être consignées dans des rapports de services de l'État et appellent la mise en place d'un plan de rattrapage. Les frais de transport et les difficultés de déplacement, pour les longues distances comme la proximité constituent un frein important dans l'ensemble des outre-mer.

M. Marcel Sigiscar, référent ANDES pour la Guadeloupe. - En écho à votre récente visite sénatoriale en Guadeloupe, je rappellerai tout d'abord l'importance du sport pour la visibilité de notre archipel et sa contribution au rayonnement national. Je rappellerai également que les performances remarquables des sportifs guadeloupéens sont obtenues malgré des conditions pénalisantes telles que le coût élevé des déplacements, dû notamment à la structure archipélagique du territoire, ou de l'obsolescence accélérée des équipements sous l'effet des agressions climatiques en l'absence d'entretien suffisant. Ces spécificités nécessitent l'adoption de politiques volontaristes.

Il faut par ailleurs que les comités, ligues et fédérations ne changent pas d'exigences normatives sans concertation avec les collectivités, le plus souvent propriétaires des équipements sportifs, de façon à ces équipements généralement réalisés dans le cadre scolaire puissent conserver leur homologation et être utilisés pour les compétitions.

Dans le prolongement de la loi NOTRe, les EPCI doivent pouvoir porter les grands équipements structurants, dédiés à la performance, mais le développement du sport de masse doit continuer à relever d'une autorité de proximité. Notre CREPS et nos clubs obtiennent d'excellents résultats, comme pour le basket-ball, et bénéficient d'une reconnaissance au niveau national pour la qualité des formations dispensées : il faut poursuivre dans cette voie, en s'appuyant sur un instrument local, le Kalamus, centre dédié aux formations des métiers du sport, de l'animation et du tourisme, dont les moyens doivent être renforcés. L'accent doit continuer à être mis par ailleurs sur le sport de quartier, facteur de cohésion sociale, et les politiques d'aménagement urbain doivent intégrer la dimension sportive et culturelle pour tous les âges de la vie, de la petite enfance jusqu'aux séniors, sans oublier les personnes à mobilité réduite. Il faut enfin également continuer à investir dans le développement du sport scolaire.

M. Sylvestre Joseph, référent ANDES pour la Guyane. - La pratique du sport en Guyane rencontre d'importantes difficultés. Cela tient à un certain découragement des bénévoles mais aussi aux difficultés des communes à financer la création puis l'entretien d'équipements sportifs. Ceux-ci sont par surcroît sous-dimensionnés par rapport à l'évolution démographique du fait notamment du délai qui s'écoule, de l'ordre parfois de trois années, entre le projet et l'inauguration de l'ouvrage. Le besoin de rattrapage en termes d'infrastructures est immense. Nous avons ainsi obtenu, lors du passage du Président de la République l'an passé, un financement de 500 000 euros pour créer un stade synthétique à Maripasoula, équipement qui sera utilisé par l'ensemble des communes du Haut-Maroni ; mais cet équipement ne sera mis en service que l'an prochain et les besoins auront été majorés par la progression démographique.

La problématique des déplacements représente également un frein considérable au développement de la pratique sportive et à l'accès à la performance. En effet, les seuls déplacements sur le territoire sont très onéreux : un vol de Maripasoula vers une ville du littoral, Saint-Laurent ou Cayenne, coûte 4 500 euros ! Le déplacement d'une équipe vers l'hexagone, comme récemment l'équipe de volleyball qui s'est qualifiée pour la coupe de France, équivaut à un budget de 16 000 euros ; il a donc fallu faire appel aux dons. Il faut trouver des solutions et en particulier passer des conventions avec Air France pour rendre possibles les échanges sportifs.

Un soutien pour la formation des membres des associations est indispensable, qu'il s'agisse des dirigeants ou des encadrants, de manière à augmenter le panel d'activités proposées. L'association est un outil de sensibilisation et de canalisation des jeunes.

Le projet Guyane base avancée a été pourvoyeur d'équipements structurants pour la Guyane, avec notamment le stade synthétique d'Apatou, le centre aquatique de Cayenne ou encore l'amélioration du stade de Rémire-Montjoly. Il ne faudrait pas devoir attendre une nouvelle compétition au sommet dans le bassin Atlantique pour continuer à investir !

En Guyane, le rattrapage suppose des investissements en continu du fait du dynamisme démographique. Il y a aussi une problématique des communes isolées qui sont confrontées, par rapport aux communes du littoral, aux mêmes problématiques que ces dernières par rapport à l'hexagone ; les communes isolées de l'intérieur sont ainsi en quelque sorte soumises à une double peine ! Les surcoûts y sont supérieurs à 40 %. Le coût de notre stade synthétique avec une simple clôture et sans tribunes s'élève à 2,1 millions d'euros au lieu d'1,4 ou 1,5 million d'euros pour le même équipement sur le littoral. Cela est largement dû au coût de transport fluvial des matériaux. La situation financière des communes pose également problème et il faudrait fournir un gros effort de programmation et de répartition des équipements sur le territoire, alors qu'ils sont actuellement concentrés sur le littoral.

M. Soibaha Chaka, référent ANDES pour Mayotte. - À bien des égards, nous partageons les mêmes difficultés que les autres outre-mer même si Mayotte présente des défis autrement plus aigus compte tenu de sa récente départementalisation en 2011. Notre département sort d'un long mouvement social pour réclamer la sécurité et des avancées en termes de développement. Le plan du Gouvernement dévoilé par la ministre des outre-mer le 13 mai dernier inclut une enveloppe de 4 millions d'euros pour le rattrapage en matière d'équipements sportifs. Nous saluons cette annonce qui appelle la mobilisation d'autres leviers pour répondre aux nombreuses urgences du département.

Pour que la pratique du sport se développe et permette un rayonnement du territoire, nous devons mieux et davantage investir dans les infrastructures. Avec des moyens indigents, les sportifs mahorais forcent déjà le respect par leurs performances dans les compétitions auxquelles ils participent dans l'océan Indien. Il n'est pas acceptable dans un département de 265 000 habitants répartis sur 17 communes de ne disposer que de 3 gymnases, des plateaux sportifs et des terrains de football qui se résument souvent à une étendue de goudron assortie de grillages. Ces équipements ne répondent bien entendu à aucune norme fédérale. Cela représente un taux de 13 équipements pour 1 000 habitants contre une moyenne de 50 en métropole. Le rapport d'inspection de 2016 sur les équipements sportifs outre-mer contient bon nombre de recommandations qu'il faut reprendre et approfondir. Il nous faut par ailleurs un schéma départemental du sport et des infrastructures sportives. Les évolutions de mode de vie à Mayotte doivent être mieux accompagnées par un plan d'investissement volontariste pour l'éducation sportive à tout âge et pour toutes les catégories de la population.

Il faut développer l'apprentissage de la natation : il n'y a actuellement aucune piscine municipale à Mayotte et les jeunes ne savent pas nager dans un territoire entouré d'eau. Dans ma propre commune, à Acoua, des jeunes se noient chaque année. Il faut commencer par se doter d'un schéma directeur des piscines publiques.

Nous devons par ailleurs investir dans l'excellence et les parcours de haut niveau. Il faut créer un CREPS à Mayotte et permettre à nos jeunes de prétendre intégrer l'INSEP. L'UNSS accomplit déjà un travail remarquable avec les ligues sportives locales pour améliorer la détection des jeunes talents mahorais. Certains sont déjà dans les circuits nationaux ; accompagnons-les. Les jeunes sont notre avenir et nous devons investir pour eux ; les moins de 20 ans représentent aujourd'hui plus de la moitié de la population mahoraise. C'est un formidable réservoir de dynamisme et de talents à valoriser.

Les jeunes mahorais font beaucoup pour la notoriété de Mayotte et de notre nation dans l'océan Indien où les contraintes diplomatiques sont fortes. Mayotte ambitionne d'accueillir les Jeux des îles de l'océan Indien et les communes de Mayotte sont porteuses de nombreux projets sportifs structurants. Il faut les accompagner du point de vue de l'ingénierie et du financement pour nous hisser tous à la hauteur des attentes légitimes de la population. Il faudrait inventer un nouvel outil de coopération intercommunale pour aider à la concrétisation de nos projets sportifs.

M. Johann Idame, référent ANDES pour La Réunion. - Après le constat dressé par l'État puis tout récemment par l'ANDES, on constate une similitude des problématiques sur l'ensemble des territoires. Je tiens à souligner la gravité du problème posé par la suppression des emplois aidés pour les collectivités, en particulier dans le domaine du sport. Ainsi, la commune du Tampon, ville de 70 000 habitants, ne parvient plus à faire fonctionner son stade de football. La baisse des dotations de l'État, notamment du CNDS, est également préjudiciable, d'autant que des efforts supplémentaires sont demandés aux collectivités avec l'organisation de la fête du sport.

Les normes imposées par les fédérations sportives posent également problème. C'est en particulier le cas à La Réunion pour le football car le niveau d'exigence d'équipement des stades est trop élevé.

Si l'on doit se féliciter que la France ait obtenu d'organiser les Jeux olympiques de 2024, j'observe qu'à aucun moment les outre-mer n'ont été cités ou associés au projet. Pourtant, lors de Euro 2016, le dispositif « tous prêts » a permis à de nombreux sportifs et jeunes Réunionnais de participer. Certains enfants ont même pu assister à des matchs de l'équipe de France. Pourquoi ne pas transposer ce dispositif aux Jeux olympiques 2024 ?

Les travaux d'investissement dans les équipements sportifs réalisés à La Réunion, généralement en régie communale, connaissent des surcoûts de l'ordre de 30 %. On en revient ici à la suppression des emplois aidés : une piscine est en cours de construction depuis 2 ans dans la commune de Saint-Joseph mais tout est désormais suspendu.

Le risque requin conduit actuellement à la fermeture des écoles de surf ; il en reste seulement une dizaine et il n'y aura pas d'ouverture nouvelle. Il faut rendre la mer aux Réunionnais ; cela est majeur pour le développement du secteur du tourisme qui a connu une croissance de 17 % en 2017 malgré la crise requins.

Concernant enfin les sportifs de haut niveau, le manque de possibilités de confrontation les freine dans leur parcours vers la performance. Le coût des billets d'avion est prohibitif. Nous avons cependant la chance de pouvoir compter sur la région Réunion et le dispositif de continuité territoriale mis en place. Il faut que les sportifs puissent participer aux échéances nationales et participer aux compétitions internationales. Pourquoi ne pas prévoir une ligne dédiée aux outre-mer dans les conventions d'objectifs de l'axe haut niveau ?

M. Michel Magras, président. - Nous vous remercions de vos riches contributions dont il ressort les spécificités de chaque territoire mais également de nombreuses préoccupations communes. Notre délégation ne manquera pas de les faire valoir.

Mme Viviane Malet, co-rapporteure. - Une réunion de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer (CNEPEOM) va malheureusement conduire ma collègue co-rapporteure et moi-même à vous fausser compagnie dans peu de temps. À la suite des réunions que j'ai pu tenir localement avec les acteurs du sport et du déplacement effectué aux Antilles et en Guyane, j'ai déjà pu poser deux questions écrites pour lesquelles j'attends des réponses que je ne manquerai pas de vous transmettre, sur la problématique des travaux réalisés en régie et mis en difficulté par la suppression des contrats aidés, l'autre sur la réduction des fonds du CNDS.

Mme Gisèle Jourda, co-rapporteure. - Je regrette également de devoir quitter notre audition. Nous avons bien compris vos préoccupations et serons vos porte-parole.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je voudrais tout d'abord me féliciter que notre délégation, dont la qualité des travaux est reconnue et dont les préconisations sont souvent reprises - j'en veux pour preuve nos travaux sur le foncier dans les outre-mer - se soit saisie du thème du sport, si important pour nos territoires.

Je souscris en particulier, outre aux constats dressés, à l'idée selon laquelle une absence d'investissement aujourd'hui induira des coûts majorés demain. De même, ne pas se préoccuper de notre jeunesse réservera des lendemains difficiles.

Au nombre des combats à livrer, figure la possibilité d'exister dans le bassin de l'océan Indien et cela requiert la solidarité de La Réunion. Malgré des performances enviées par nos voisins réunionnais, nos jeunes ne peuvent pas défiler sous le drapeau français et cette situation est choquante et ne peut perdurer. La France de l'océan Indien doit défendre une position unique et solidaire vis-à-vis de ses voisins pour se faire respecter. J'interpelle donc mes collègues de La Réunion.

Concernant les Jeux olympiques de 2024, la loi de programmation déjà examinée ne traitait pas du fond, raison pour laquelle il n'y était pas question des outre-mer, ce que fera une autre loi. Nos sportifs procurent en effet une place de choix à notre pays dans le registre de l'excellence.

Les préoccupations et préconisations doivent également être reprises dans les conclusions des Assises des outre-mer car la prise en compte de la problématique de la jeunesse et du sport doit être à la mesure des enjeux.

M. Abdallah Hassani. - Il faut qu'une délégation de l'ANDES vienne à Mayotte pour se rendre compte concrètement de la situation ! Outre l'état de délabrement et l'indigence des équipements, nos jeunes sportifs sont confrontés à de multiples difficultés. Un exemple récent : notre équipe de volley qui est actuellement à Paris n'a pu participer aux compétitions car la ligue mahoraise n'a pas été en capacité de régler sa cotisation à la fédération.

Il faut saisir l'occasion des JO de 2024 pour créer une dynamique dans les outre-mer et développer les infrastructures de base à Mayotte.

M. Marc Sanchez. - Les événements à Mayotte nous ont empêchés de nous déplacer et nous n'aurions pas pu organiser toutes les rencontres nécessaires. Mais je m'engage, en tout cas à titre personnel, à un déplacement dans les meilleurs délais et si possible avant la fin de l'année.

M. Michel Magras, président. - La question de la représentation de la France dans les différents bassins océaniques est un sujet majeur et nous rencontrerons très prochainement les ambassadeurs en charge de la coopération régionale dans chaque zone. En ce qui concerne Mayotte, nous aurons une visioconférence avec les acteurs du sport ce jeudi.

M. Nestor Luce, adjoint au maire de la ville de Petit Bourg en Guadeloupe, en charge des sports. - Nous souffrons d'un grave sous-équipement et de la discrimination de certains territoires. Le plan Kanner avait suscité des espoirs car il prévoyait un rattrapage en termes d'équipements, mais nous ne voyons pas de traduction concrète.

Par ailleurs, les ligues et comités sont dans des situations de déficit chronique et ce sont les collectivités qui leur viennent en aide. Il faudrait que les fédérations soient davantage à l'écoute.

M. Marcelin Chingan, élu de la ville du Moule en Guadeloupe, en charge des sports. - La situation archipélagique de la Guadeloupe place certaines zones en situation de triple insularité et il existe une difficulté de liaison entre les îles qui constituent le territoire.

Je veux féliciter la délégation sénatoriale de s'être emparée du sujet du sport et ne manquerai pas de transmettre vos travaux aux députés qui devraient également s'en préoccuper.

En 2030, plus de 60 % de la population sera âgée de plus de 60 ans : le développement du sport-santé constitue donc un enjeu majeur pour notre territoire.

Sur les infrastructures, on constate un désengagement de l'État et les collectivités éprouvent de grandes difficultés. Ainsi, dans la commune de Capesterre-de-Marie-Galante, la construction du stade est en cours depuis 2007 et il n'y a plus de financements ; les finances communales sont notamment mises à mal par la problématique des sargasses. Plus de 80 % de nos communes ont des finances en berne et ne peuvent investir. Or, le désoeuvrement de la jeunesse frappée par un fort taux de chômage nécessite de réagir urgemment.

Un centre de thalassothérapie est en construction au Moule dans le cadre d'un partenariat public privé : celui-ci pourrait accueillir des athlètes de haut niveau en vue de leur préparation pour les JO de 2024. Nous devons saisir l'opportunité de cette échéance pour mettre à niveau nos infrastructures.

Aujourd'hui les Gwada Boys, l'équipe de football de la Guadeloupe, sont en demi-finale de la Coupe caribéenne des nations qui se déroule aux États-Unis et le Club franciscain de la Martinique est en finale de la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), équivalent pour la Caraïbe de l'Europa League, ce qui démontre le niveau d'excellence de nos joueurs. Les performances risquent d'être compromises à l'avenir par le manque de moyens mis à disposition de la jeunesse. La perte de vitesse est d'ores et déjà perceptible dans le domaine de l'athlétisme !

M. Michel Magras, président. - Sur un des premiers points évoqués par M. Chingan déplorant que les députés ne se soient pas saisis de la problématique du sport, je souhaite lui dire ma préférence pour une complémentarité thématique des travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat tant il y a de questions à traiter concernant les outre-mer. Doublonner nos travaux ne serait pas pertinent !

M. Joby Lienafa, adjoint au maire de la commune de Rémire-Montjoly en Guyane, en charge des sports. - Je vous remercie de nous offrir une tribune et de nous permettre d'entendre nos collègues des autres régions. Les outre-mer présentent des particularités et, malheureusement, particularité rime souvent avec handicap. Il nous faut développer des solidarités et établir un réseau, c'est la raison de notre venue et de notre participation au congrès de l'ANDES.

La superficie de Rémire-Montjoly est de 48 km2 avec près de 24 000 habitants alors que celle de Maripasoula est la plus vaste de France avec plus de 18 000 km2 pour seulement 12 000 habitants. Cela illustre les contrastes et les spécificités. Rémire-Montjoly compte 74 associations sportives couvrant 22 activités. Les dépenses d'entretien sont phénoménales, plus d'1,5 million d'euros. Chaque association ne peut recevoir qu'une petite somme, ce qui suscite souvent l'incompréhension.

Il faut prendre conscience que le taux d'accroissement démographique en Guyane avoisine les 4 %, ce qui condamne une ville comme Saint-Laurent du Maroni à construire un groupe scolaire, un collège, tous les deux ans. Je comprends les préoccupations de mes compatriotes de Maripasoula pour lesquels les coûts sont encore largement majorés par l'éloignement et les difficultés d'accès. Alors qu'ils ont un seul terrain de football encore en construction, nous en avons sept à Rémire-Montjoly.

M. Michel Magras, président. - Je n'assimile pas la spécificité au handicap, et je pense au surplus les outre-mer bien capables de transformer leurs contraintes en atouts. Je viens d'une île qui a su optimiser ses avantages comparatifs et je milite pour la reconnaissance de la différenciation territoriale. Concernant les superficies comparées, celle de Saint-Barthélemy équivaut à la moitié de celle de Rémire-Montjoly.

M. Jean-Claude Maillot, adjoint au maire du Port à La Réunion, en charge des sports. - En complément des témoignages précédents, je voudrais évoquer la question de l'employabilité des éducateurs sportifs. On encourage à passer des brevets d'État mais ensuite les communes comme les clubs se trouvent dans l'impossibilité de les recruter, de les rémunérer. Je veux ensuite évoquer le problème de la reconversion de nos champions : ils sont obligés de s'expatrier à défaut de trouver un emploi sur le territoire. Je prendrai un seul exemple, Jackson Richardson pour le handball.

M. Michel Magras, président. - La question de la reconversion et du retour au pays de nos champions est un sujet qui est revenu de façon récurrente dans nos auditions.

M. Sidi Nadjayedine, adjoint au maire de Mamoudzou à Mayotte, en charge de la politique de la ville et de la rénovation urbaine. - Tous les outre-mer peuvent revendiquer des champions à l'exception de Mayotte du fait de son immense retard. La jeunesse mahoraise est une véritable bombe à retardement devenue une bombe à fragmentation dont l'explosion est en cours. Les moyens nous font cruellement défaut.

Malgré une situation idéale pour le développement des sports nautiques, Mayotte ne dispose que d'un club de voile, rattaché directement à la fédération française.

Le développement économique à Mayotte pourrait aussi passer par le sport de haut niveau.

M. Michel Magras, président. - La perspective des Jeux olympiques de 2024 a été une des raisons de notre choix du sport comme sujet d'étude. Avec un renforcement des infrastructures, nos territoires pourraient devenir des bases de préparation et d'entraînement, notamment pour les sports nautiques. Les événements nautiques peuvent être des leviers économiques de poids ; c'est le cas pour Saint-Barthélemy.

M. Sidi Nadjayedine. - J'ajouterai que Mayotte possède un des plus grands et des plus beaux lagons du monde.

M. Mohamadi Ali Bacar, conseiller municipal de Mtsamboro à Mayotte. - À Mayotte, aucune infrastructure sportive, aucun stade ne dispose d'un point d'eau. Pourquoi cet oubli d'un territoire dont la jeunesse est nombreuse et qui est un département français ?

M. Michel Magras, président. - Je comprends votre question et je puis vous dire que dans notre délégation nous n'oublions personne.

Mme Monique Cathala, adjointe au maire de Saint-Benoît à La Réunion, en charge des sports, et représentante du CROS. - Nous avons besoin d'encadrants et donc de personnels qualifiés. Les personnes en parcours emploi compétences (PEC) qui nous sont proposées sont donc inadaptées à nos besoins, d'autant qu'il nous faut consacrer du temps à leur formation et assurer la moitié de leur salaire. Avec la baisse des subventions, nos associations ne peuvent pas se permettre d'avoir des salariés.

Concernant la question des drapeaux aux Jeux des jeunes de l'océan Indien qui viennent de se dérouler à Djibouti, le mouvement sportif se borne à appliquer la charte et les négociations diplomatiques ne sont pas de son ressort. En outre, cette question ne pose aucun problème aux athlètes. Le choix de Mayotte comme prochain terrain d'élection des Jeux des îles a d'ailleurs fait l'unanimité.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Il est vrai que le sport n'a pas à pâtir des querelles diplomatiques. Il faut cependant, pour pouvoir avancer, une volonté commune et une solidarité entre les départements français, raison pour laquelle j'ai interpellé mes collègues de La Réunion il y a quelques instants.

M. Michel Magras, président. - Nos outre-mer disposent de statuts très différents avec des répartitions de compétences à géométrie variable, mais tous les territoires doivent pouvoir arborer le drapeau français.

Mme Monique Cathala. - Lorsque les jeux se sont déroulés à La Réunion, Mayotte a pu hisser le drapeau français et les Comores ont quitté la compétition.

M. Jean-Axel Épilois, adjoint au maire de Sainte-Suzanne à La Réunion, en charge des sports. - Malgré la contribution remarquable des outre-mer à la production de sportifs de haut niveau pour notre pays, les budgets de fonctionnement et le soutien aux associations ne cessent de se restreindre, ce qui suscite l'incompréhension. Hormis l'ANDES, il n'y a pas d'écoute pour l'outre-mer.

M. Michel Magras, président. - Nous sommes tributaires des arbitrages de Bercy. Mais vos parlementaires seront de fidèles porte-parole et les rapports de notre délégation aident à la prise de conscience à Paris des spécificités de nos territoires.

M. Jean-Axel Épilois. - Les décisions sont trop souvent prises sans constat préalable des réalités de terrain.

M. Michel Magras, président. - Notre délégation procède toujours en effectuant un déplacement et des visioconférences.

Mme Victoire Jasmin. - L'organisation du travail au Sénat ne permet pas de nombreux déplacements et ceux-ci sont également contraints par la nécessité d'utiliser avec parcimonie les deniers publics. Sachez que lors de l'audition de la ministre des sports, Mme Laura Flessel, par notre délégation, vos préoccupations et difficultés ont été relayées.

M. Marcel Sigiscar. - Le sport tourisme est aussi une véritable plus-value pour nos outre-mer. La Guadeloupe bénéficiera ainsi cette année de l'arrivée de la Route du rhum qui est un événement très médiatisé. À l'heure de la réduction des dotations et du projet de privatisation de la Française des jeux alors que la fiscalité des jeux alimente le budget du CNDS, je suggère d'accroître la contribution du loto au financement du sport. Il faudrait aussi que la manne récoltée par le sport professionnel irrigue mieux le sport amateur.

M. Marc Sanchez. - La question d'un accroissement de la fiscalité des jeux pour le financement du sport est régulièrement évoquée.

M. Said Ali Toilibou, adjoint au maire de Mamoudzou. - En charge du foncier, sujet sur lequel je tiens à féliciter la délégation sénatoriale pour l'étude qu'elle a produite, je suis porteur du projet de construction d'un stade municipal à Mamoudzou. Mais pour le moment, notre demande de subvention a été rejetée par le CNDS. Le coût des travaux avoisine 9 millions d'euros et nous avons obtenu une participation d'1,5 million d'euros du vice-rectorat plus 1 million d'euros du ministère des outre-mer. Ce stade doit être homologué niveau 3 avec une capacité de 2 000 places assises. En qualité de président délégué de la ligue mahoraise de football, je vous confirme qu'aucun terrain n'est actuellement homologué à Mayotte par la FFF.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je dois préciser que les parlementaires sont privés de la possibilité de proposer des amendements budgétivores en application de l'article 40 de la Constitution. Notre marge de manoeuvre financière est donc très limitée !

M. Marc Sanchez. - Je me félicite de la tenue de notre réunion de ce jour. L'ANDES continuera à inciter au dialogue entre les territoires et à la solidarité. Il y a eu des diagnostics et des expertises de la situation des territoires et il faudrait que le plan Kanner puisse être effectivement mis en oeuvre ; il faut que la parole de l'État soit honorée, surtout vis-à-vis de territoires en souffrance qui aspirent légitimement à l'équité. Il faut créer du lien social et le sport est un bon vecteur. Notre déplacement en Guyane a été l'occasion de prendre conscience de l'ampleur des problèmes.

M. Michel Magras, président. - L'ANDES est un interlocuteur incontournable dont nous saluons la qualité du travail et nous sommes heureux à la délégation de faire cause commune.

Mercredi 23 mai 2018

- Présidence de M. Michel Magras, président -

La jeunesse des outre-mer et le sport - stratégies outre-mer du mouvement sportif national

M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, notre marathon des auditions sur la jeunesse et le sport pour les outre-mer se poursuit aujourd'hui avec les questions relatives au haut niveau et à la performance.

Nous nous étions rendus à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) début février, journée qui s'était révélée tout à fait passionnante et qui nous avait éclairés sur l'exigence des parcours de nos champions issus des outre-mer, de leur recrutement jusqu'à leur reconversion. Nous avons également évoqué les problématiques relatives au positionnement de nos outre-mer sur la pratique sportive de haut niveau de même que les enjeux du rayonnement des territoires et de leur insertion dans l'environnement régional, lors du récent déplacement des rapporteures que j'accompagnais en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane.

Sur ces questions et celles qui figurent sur la trame adressée à nos interlocuteurs, en particulier la prise en compte de nos outre-mer dans la préparation des grands événements olympiques et sportifs, nous sommes heureux d'accueillir MM. Nicolas Belloir et Johann Cauët pour le Comité national olympique et sportif (CNOSF), ainsi que les représentants de plusieurs fédérations emblématiques de la pratique sportive dans nos outre-mer, dans des disciplines où nos territoires se sont révélés être des terres de champions : l'athlétisme, l'escrime et le football et, pour les sports nautiques, le surf et le va'a.

De notre côté, les rapporteures présentes aujourd'hui sont Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion. Je dois excuser Catherine Conconne, notre collègue de la Martinique, retenue sur son territoire par les cérémonies de commémoration de l'abolition de l'esclavage, et Lana Tetuanui, notre collègue de la Polynésie française qui, fraîchement réélue à l'Assemblée de la Polynésie, participe au renouvellement des instances gouvernementales.

Je vais dans un premier temps céder la parole aux représentants du CNOSF: M. Nicolas Belloir, vice-président délégué en charge des territoires, et M. Johann Cauët, directeur des activités physiques et sportives. Puis nous entendrons les représentants des fédérations.

M. Nicolas Belloir, vice-président délégué en charge des territoires au Comité national olympique et sportif. - Le comité olympique rassemble l'ensemble des fédérations olympiques et nationales sportives, sur le territoire métropolitain et dans les outre-mer. Notre structuration est similaire à celle des fédérations sportives, avec un comité national et des déclinaisons dans les régions et les départements. Dans les outre-mer, il y a neuf structures : deux comités régionaux olympiques et sportifs (CROS), en Guadeloupe et à La Réunion, et sept comités territoriaux olympiques et sportifs (CTOS), en Martinique, en Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin et à Wallis-et-Futuna. Nos structures sont animées par 75 bénévoles et 35 permanents. En termes macro-sportifs, les territoires d'outre-mer comptent 421 822 licenciés pour 1 173 clubs, toutes disciplines recensées par le CNOSF.

La diversité des territoires des outre-mer conduit à une vision et des politiques différentes puisque les modalités de fonctionnement ne sont pas similaires. Il peut y avoir également des organisations administratives et des logiques de développement un peu différentes. En Polynésie française, par exemple, le code du sport ne s'applique pas directement et l'organisation se fait en lien avec les fédérations. Beaucoup de disciplines sportives polynésiennes prennent leur affiliation directement auprès des fédérations internationales et, ensuite, s'accordent avec les fédérations françaises dans le cadre de cette affiliation.

Le CNOSF a organisé une profonde réforme en son sein, à la fois en rénovant les règlements intérieurs et les statuts des structures olympiques, mais également en tenant compte de la réforme territoriale et de la fusion des différentes régions, ce qui ne concerne pas les territoires d'outre-mer. Le processus est terminé car toutes nos structures devaient être en conformité le 31 mars 2018. Nous avons profité des travaux sur la gouvernance et la réforme territoriale pour retravailler notre réseau territorial, pour notamment mettre en perspective, dans chaque structure, des plans sports et territoires. Ces plans sont intégrés dans chaque structure du comité olympique et seront mis en oeuvre à l'issue de la première réunion qui suivra notre assemblée générale du 24 mai. Ces plans permettront au mouvement olympique français d'avoir une cohérence d'action sur tous les territoires autour de quatre grandes thématiques : sport santé et bien-être ; sport et éducation et citoyenneté ; sport et professionnalisation ; sport et politiques publiques. Ces thématiques assez larges permettent à chaque structure, y compris dans les outre-mer et en tenant compte des contingences territoriales, de pouvoir apporter des réponses aux difficultés qu'elles rencontrent ou aux perspectives de développement qu'elles envisagent.

Depuis 2011, une convention a été signée entre le ministère des sports, celui des outre-mer et le CNOSF. Elle vise à intégrer davantage la dimension des territoires d'outre-mer dans son approche globale. Elle a pour but d'améliorer les échanges d'information autour du sport, notamment sur tout ce qui concerne les infrastructures et les équipements, problématique qui touche le territoire métropolitain mais encore davantage les outre-mer. Elle vise à valoriser la filière sportive et notamment les athlètes de haut niveau dans les outre-mer, terres de champions. Elle tend enfin à soutenir la structuration du mouvement sportif local et régional, à trouver des solutions pour un accompagnement des sportifs de haut niveau ultramarins, y compris ceux qui sont dans l'hexagone. Le mouvement sportif français souhaite que cette convention soit renouvelée, même si des questions de calendrier, notamment avec le Livre bleu qui est attendu, ne le permettent pas dans l'immédiat. Il faut avoir présent à l'esprit le fait que, systématiquement, les actions portées par le CNOSF se font en lien avec les fédérations sportives avec l'objectif d'améliorer l'ensemble des dispositifs relatifs aux outre-mer.

Je conclurai mon propos liminaire sur le thème de la solidarité olympique, coeur de métier du mouvement olympique. À la suite du passage des cyclones sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy, le CNOSF a obtenu une aide de 100 000 dollars pour soutenir ces territoires : 80 000 dollars pour la reconstruction d'infrastructures sportives et 20 000 dollars pour la reconstruction et l'achat de matériels d'un club de surf. Sur un autre programme, le CNOSF a obtenu une aide de 60 000 dollars pour aider le CROS de Guadeloupe et les CTOS de Guyane et de Martinique à qualifier des athlètes pour les jeux de la CASCO à Baranquilla, en Colombie, en juillet 2018 - la Guadeloupe accueillera ces jeux en 2021 - et pour les jeux du Pacifique à Samoa en 2019.

M. Kenny Jean-Marie, directeur de cabinet du président de la Fédération française de football et directeur des relations institutionnelles et internationales. - Je voudrais tout d'abord souligner l'hétérogénéité de notre organisation dans les outre-mer. Nous pouvons distinguer trois types de territoires. Ceux dont les liens avec la métropole se distendent, comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Ces deux territoires ont acquis le statut de fédérations à part entière membres de la FIFA. Des liens subsistent avec ces deux fédérations, y compris du point de vue financier et humain car la Fédération française de football (FFF) continue de les accompagner. Sous cet angle, la France devient un pays fédéral. La deuxième grappe de ligues dans les outre-mer concerne les ligues de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de Saint-Martin qui sont en même temps adhérentes à la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF). Elles disposent d'un statut aménagé : elles sont membres à part entière de la FFF mais elles ont la possibilité de participer à des compétitions régionales. Certaines d'entre elles ont même brillé dans le passé. Pour nous, l'idée est de promouvoir le développement du football au plus près des territoires et dans leur environnement régional. De ce point de vue, nous estimons que les accords que nous avons obtenus avec la FIFA et la CONCACAF sont pertinents. Le troisième groupe est constitué des ligues qui ont un statut que l'on pourrait assimiler au statut classique d'une ligue métropolitaine. Il s'agit des ligues de La Réunion, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Malgré tout, pour l'ensemble de ces territoires, notre fédération reste attachée à maintenir un véritable accompagnement et à ce que le lien ne se distende pas. Nous nous déplaçons régulièrement dans ces différents territoires, qu'il s'agisse de la partie technique de la fédération - M. Hubert Fournier, directeur technique national, m'accompagne aujourd'hui - ou de la partie administrative, car bien souvent les ligues sont préoccupées par leur structuration administrative. Nous mettons en place des dispositifs de soutien à leur structuration juridique et surtout financière, avec la possibilité de projeter régulièrement des auditeurs sur place.

Nous avons mis en place deux pôles, un sur la zone Antilles Guyane, constitué du pôle espoir du centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) de Pointe-à-Pitre et qui devrait accueillir des jeunes de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de Saint-Martin - j'inclus Saint-Barthélemy qui est l'un des districts de la ligue de Guadeloupe -, et d'un pôle à La Réunion qui devrait accueillir également des jeunes de Mayotte. Ces deux pôles donnent satisfaction. Ils permettent de voir régulièrement émerger de jeunes talents. Le dernier en date est Thomas Lemar qui joue en équipe de France après avoir été repéré lors d'un passage au pôle de Pointe-à-Pitre. Nous avons toutefois quelques interrogations sur l'efficience et la capacité des quatre ligues des Antilles et de la Guyane à se structurer pour envoyer des jeunes en Guadeloupe. La logique voudrait que l'ensemble des jeunes puissent aller au CREPS de Pointe-à-Pitre qui dispose à la fois des capacités d'hébergement et d'une cité d'excellence scolaire qui fournit d'excellents résultats, au niveau du collège comme du lycée. Nous avons également des centres de perfectionnement en Martinique et en Guyane.

Grâce à notre organisation, nous offrons aux territoires trois possibilités de rayonner dans leur environnement régional immédiat, comme au niveau national. La première possibilité est offerte par la mise en place de championnats régionaux. Chaque ligue organise son propre championnat au niveau régional. Nous nous sommes rendu compte qu'il manquait peut-être une strate de compétition par rapport aux ligues métropolitaines. En conséquence, dès cette année nous avons décidé de soutenir, y compris financièrement, l'organisation d'un challenge inter-ligues Guadeloupe, Martinique et Guyane afin d'offrir des confrontations de bon niveau aux meilleures équipes. La deuxième possibilité consiste à permettre aux clubs ultramarins de participer à la Coupe de France à partir du 7e tour de qualification : ceci permet chaque année à des clubs ultramarins de venir se confronter aux équipes métropolitaines. Sur certains tours, la logique peut être inversée et ce sont les clubs métropolitains qui se déplacent dans les outre-mer. La dernière possibilité est un élément de rayonnement au sens large ; c'est celle évoquée précédemment, pour les ligues de la zone Antilles Guyane, de participer aux compétitions de la CONCACAF. Dans le passé, la ligue de La Réunion participait aux compétitions de la Confédération africaine de football (CAF). Cela s'est perdu car le lien entre La Réunion et la CAF n'est pas aussi fort que celui qui existe avec les ligues Antilles Guyane et la CONCACAF. Nous espérons qu'il pourra être rétabli un jour, si ce n'est au niveau des tournois ou des compétitions de la CAF, mais au moins de celui de la sous-région d'Afrique du Sud.

Je voudrais évoquer une spécificité de la FFF : nous disposons d'un fonds d'accompagnement du football amateur (FAFA) d'une quinzaine de millions d'euros. Il permet d'accompagner, en fonctionnement mais également en investissement, l'ensemble de nos ligues, districts et clubs. Dans les outre-mer, les ligues constituent aussi des districts car elles sont toutes quasiment mono-district. Au titre de la saison qui vient de s'écouler, près de 2,3 millions d'euros ont été consacrés aux outre-mer. À cela s'ajoutent environ 500 000 euros d'actions conduites en direct par la FFF. J'évoque ce fonds car, certes, nous sommes l'une des rares fédérations à pouvoir accompagner à ce point ces organes déconcentrés, mais nous avons malheureusement constaté qu'il était sous-utilisé ou mal utilisé dans les outre-mer pour diverses raisons, la principale tenant à la difficulté d'avoir des personnes qui pourraient jouer le rôle d'ensemblier - technico-administratif ou sportivo-administratif - pour mettre autour d'une même table la collectivité locale, l'État et la ligue ou le club concerné de façon à faire émerger des projets. Ces deux ou trois dernières années, l'essentiel des demandes d'utilisation du FAFA concerne l'acquisition de véhicules pour permettre aux clubs de se déplacer. Si ces acquisitions sont compréhensibles, il y a également un véritable besoin d'infrastructures. Le FAFA peut accompagner la création de terrains, et notamment de mini-terrains synthétiques pour le développement du football à cinq ou de foot-salles. Nous avons même réussi à obtenir des crédits de la FIFA pour cela. Or nous avons des difficultés à consommer ces crédits. Les besoins sont suffisamment exprimés pour qu'on puisse s'interroger sur la meilleure façon de les utiliser de façon optimale. Nous voulions aborder devant vous ce sujet sensible.

M. Jean-Luc Arassus, président de la Fédération française de surf. - Notre sport sera olympique à Tokyo en 2020 pour la première fois. Le budget de notre fédération, hors cadres techniques, est de 1,4 million d'euros. Depuis le retour en métropole à la fin de l'année 2017 du cadre technique que nous avions à La Réunion, nous n'en avons plus sur les territoires ultramarins. Nous avons deux champions du monde en Guadeloupe, en catégorie cadets et en catégorie juniors. Ceci est exceptionnel. Dans le concert international, nous sommes au quatrième rang mondial alors que notre nombre de pratiquants ne saurait être comparé à celui de l'Australie, des États-Unis ou du Brésil. La ligue de Guadeloupe ne bénéficie d'aucun encadrement professionnel, d'aucune aide particulière. Elle repose essentiellement sur l'engagement et le bénévolat des personnes qui oeuvrent dans les ligues de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Les sportifs qui pourraient prétendre à un titre olympique à Tokyo sont réunionnais : Jérémy Florès, Johan Defay et Jorgann Couzinet. Dans les outre-mer, nous bénéficions d'installations sportives gratuites, libres d'accès puisqu'il s'agit de l'océan, très performantes car la qualité des vagues est très particulière, sur la Guadeloupe notamment avec des vagues difficiles à surfer. Cela permet aux athlètes de disposer d'une maturité de motricité très intéressante. Nous ne sommes pas limités dans notre développement par des problèmes d'investissement dans les installations. Nous pouvons surfer toute l'année dans de l'eau chaude, ce qui est très attractif, même pour les surfeurs métropolitains ; des échanges sont envisagés, mais l'éloignement engendre des coûts auxquels nous ne pouvons pas souvent faire face.

Deux territoires sont particuliers : la Polynésie française, indépendante en termes de représentation sportive et qui concourt avec une équipe nationale au championnat du monde, et la Nouvelle-Calédonie qui est aussi un vivier de champions pour le stand-up paddle. Nous sommes toujours délégataires sur la discipline mais le downwind, qui est cette discipline particulière du stand-up, nous a permis de faire émerger un champion du monde et un jeune de très haut niveau. Vous connaissez bien évidemment le drame des surfeurs réunionnais qui ne peuvent plus surfer sans prendre des risques suicidaires. C'était une ligue très importante pour nous. Elle était très structurée, avec un pôle qui fonctionne toujours avec un dispositif très particulier. Les jeunes athlètes vont à l'eau, encadrés par un dispositif très onéreux pour la collectivité mais qui nous permet toujours d'avoir des résultats très intéressants au niveau des championnats de France et des circuits internationaux. Le pôle espoir de la Guadeloupe est encadré avec une équipe technique régionale soutenue par la direction de la jeunesse et des sports locale, et un budget global qui doit avoisiner les 60 000 ou 80 000 euros. Mais un déplacement au championnat de France en métropole est onéreux. La Martinique offre un contexte particulier avec les vagues remarquables de la presqu'île de Tartane, et de plus en plus de structures accueillent les jeunes sur le reste de l'île. Le surf est très implanté à Saint-Barthélemy. Saint-Martin dispose de quatre structures.

L'attractivité de notre discipline bénéficie aussi au tourisme des îles. Pendant longtemps, La Réunion a communiqué sur la qualité exceptionnelle de ses vagues de notoriété mondiale. La Guadeloupe, très accueillante, est un territoire prisé des surfeurs qui viennent du monde entier. Il en est de même pour Saint-Barthélemy. Comme les autres disciplines du secteur nautique, chaque structure ou chaque club privé développe une activité économique.

Le parcours de haut niveau est assez restreint. Nous avons un pôle en Guadeloupe et un à La Réunion. En Martinique, nous allons essayer d'installer un nouveau pôle espoir, même si l'État n'y est pas favorable. Chaque ligue est en convention avec la fédération pour essayer de respecter le cadre d'intervention de nos missions institutionnelles en termes de formation, notamment de cadres. Un brevet professionnel, organisé sur la Guadeloupe, permettra de renforcer l'encadrement sur les Antilles. Notre cadre technique national est le coordonnateur de toutes les équipes techniques régionales. Il se déplace une fois par an pour trouver des solutions et conforter l'équipe d'encadrement. Ce dispositif est assez restreint et nous n'avons pas d'autres possibilités. Le tissu local est tout de même solide car le lien entre le rayonnement de nos îles ultramarines, le secteur d'activité touristique et l'esprit entrepreneurial des petites entreprises nous permet globalement de rester en vie.

M. Hubert Fournier, directeur technique national de la Fédération française de football. - Pour marquer l'engagement de la fédération, nous avons quinze conseillers techniques sur l'ensemble de nos départements d'outre-mer. Directeur technique depuis une année, je me suis rendu rapidement sur la zone Antilles-Guyane. J'ai constaté que nous ne voyions nos quinze conseillers techniques qu'une fois par an, lors d'un séminaire au cours duquel ils étaient tous réunis. Pour créer du lien, le président de la fédération m'a accordé la possibilité de nommer pour la saison prochaine un conseiller technique qui coordonnera l'ensemble de la direction technique auprès de nos cadres sur les territoires ultramarins. Il aura pour mission de visiter régulièrement, tous les trois ou quatre mois, chaque ligue afin d'aider nos cadres techniques dans leur travail au quotidien, notamment à former d'autres cadres. Lors de mon passage, j'ai relevé la volonté des entraîneurs guadeloupéens, martiniquais et guyanais d'élever leur niveau de compétences. Malheureusement, chaque ligue, individuellement, n'a pas la possibilité d'organiser des formations de haut niveau. Nous réfléchissons, avec les présidents des trois ligues, à une mutualisation des efforts pour mettre en place une formation qui délivrerait un diplôme permettant à leurs entraîneurs de postuler au plus haut niveau, notamment en métropole. Jusqu'à présent, il y avait une forme de « ségrégation ».

Le pôle espoir de Guadeloupe devrait normalement accueillir des martiniquais, des guadeloupéens et des guyanais. Il fonctionne depuis une dizaine d'années et, malheureusement, il faut constater qu'il n'y a jamais eu de martiniquais sur le pôle de Pointe-à-Pitre. En termes financiers, il n'est pas simple de faire déplacer les enfants sur chaque île. Un aller-retour coûte environ 400 euros. La mise en place d'une formation de haut niveau serait un premier pas vers davantage de mutualisation entre les trois territoires.

M. Michel Magras, président. - Avec les rapporteures, nous sommes venus aux Antilles prendre la mesure des réalités du terrain. Même au sein d'un archipel comme la Guadeloupe, le coût des transferts d'un marie-galantais pour participer au championnat guadeloupéen est très élevé. Il nous faut trouver de quelle manière surmonter ces handicaps, notamment par la voie de l'intégration régionale. Lors de notre déplacement, nous n'avons pas entendu parler du FAFA.

M. Guy Ontanon, référent des territoires ultramarins de la Fédération française d'athlétisme (FFA). - En ma qualité d'entraîneur national, il m'a été demandé en cours d'année de m'occuper de l'outre-mer. La Fédération française d'athlétisme est présidée par M. André Giraud depuis le mois de décembre 2016, avec un directeur technique national, M. Patrick Gergès, quatre directeurs techniques nationaux adjoints et quatre-vingt-huit cadres techniques sur l'ensemble des territoires, et notamment cinq cadres techniques répartis entre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Je viens en renfort de ces cadres techniques pour l'accès au haut niveau. Nous avons constaté que depuis 10 ou 12 ans ces terres de champions étaient nettement moins pourvoyeuses de médailles au niveau international. Aux derniers Jeux olympiques et au dernier Championnat du monde, seuls trois représentants de la Martinique et de la Guadeloupe étaient présents dans les équipes de France. Il y a une quinzaine d'années, les outre-mer représentaient environ 50 % de l'effectif.

En avril 2018, nous comptons 311 747 licenciés, avec 147 047 femmes et 164 700 hommes. Nous notons une progression de 1,2 % de licenciés. L'outre-mer représente environ 4,5 % de cet effectif total. En Guadeloupe nous avons 3 214 licenciés (1 746 femmes et 1 468 hommes) et 2 conseillers techniques spécialisés (CTS) ; en Guyane, 1 040 licenciés (526 femmes et 514 hommes) et 1 CTS ; en Martinique, 2 688 licenciés (1 346 femmes et 1 342 hommes) et 1 CTS ; à Mayotte, 139 licenciés (48 femmes et 91 hommes) ; en Nouvelle-Calédonie, 736 licenciés (320 femmes et 416 hommes) et 1 CTS ; à La Réunion, 5 668 licenciés (2 537 femmes et 3 131 hommes) et 1 CTS ; à Wallis-et-Futuna, 159 licenciés (67 femmes et 92 hommes).

La FFA s'implique fortement dans le projet de Paris 2024, olympique et paralympique, en engageant des moyens personnels, avec un cadre supplémentaire sur ces îles et en dégageant d'autres moyens. Notre plan de développement vise les 400 000 licenciés.

Depuis les deux dernières olympiades, les résultats au niveau international sont nettement en progrès, tant en nombre de médailles que de finalistes.

Nous avons environ 2 600 clubs. À l'horizon 2024, la FFA voudrait qu'environ 10 % de ces clubs soient en capacité d'accueillir le paralympique, de former des cadres et d'accompagner les athlètes handicapés.

Nous souhaitons aussi proposer une approche singulière pour chaque athlète, chaque entraîneur de haut niveau et chaque licencié, avec notamment un dispositif adapté pour les jeunes de l'équipe de France de football des moins de 16 ans (U16), un programme pédagogique pour les enfants de 4 à 16 ans, le Pass'Athlé qui vise à toucher l'ensemble des licenciés, y compris au niveau du troisième âge. Ce programme commence à être mis en place sur l'outre-mer. Nous souhaitons également nous intéresser à la marche nordique et aux trails, notamment à La Réunion où nous observons une forte demande.

La culture de la haute performance et de la gagne, par un meilleur accompagnement des athlètes et leur encadrement, n'est pas oubliée. Nous avons mis en place sur les territoires ultramarins un accompagnement en coaching des différents entraîneurs par transmission des savoirs et j'assume cette mission.

Nous souhaitons développer l'accueil des athlètes en situation de handicap dans les outre-mer, relancer le haut niveau et lutter contre la baisse de représentativité des ultramarins. Il faut amener la formation sur les territoires, amener des équipes qui formeront les différents entraîneurs de Martinique, de Guadeloupe, de La Réunion ou de Nouvelle-Calédonie.

Il faudra favoriser le rayonnement du sport français dans l'ensemble des compétitions internationales, y compris dans les jeux des îles et les Carifta games, compétition fabuleuse et vrai tremplin vers le haut niveau des jeunes sportifs, qui ont un fort impact en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique.

Pour faciliter l'accès au haut niveau, il faudra relancer les rencontres inter-ligues Martinique, Guyane et Guadeloupe qui aujourd'hui, faute de moyens, sont difficiles, mais aussi par le biais de l'UNSS. Pour cela, nous allons reprendre des contacts avec le sport scolaire. Nous allons mettre en place, grâce à Ladji Doucouré, ancien champion du monde du 110 mètres haie, une opération du nom de Golden Blocks dont l'objectif est d'amener l'athlétisme au coeur des cités pour détecter les talents dans les outre-mer.

M. Ludovic Royé, directeur technique national de la Fédération française de canoë-kayak. - Notre fédération a un lien fort avec les outre-mer depuis un certain nombre d'années. Nous sommes quasiment présents dans chacun d'entre eux, avec la situation particulière de la Polynésie qui, contrairement aux autres territoires, n'est pas un comité régional et est également membre de la Fédération internationale de canoë. Les outre-mer représentent 5 % de nos licenciés, avec trois zones fortes : les Antilles en intégrant les deux comités régionaux de Martinique et de Guadeloupe, la Guyane et La Réunion.

Notre intérêt pour les outre-mer nous a conduits à apporter des modifications dans notre organisation institutionnelle et fonctionnelle. Une des demandes des territoires d'outre-mer portait sur la prise en compte de leurs problématiques spécifiques au sein de la gouvernance globale de la FFC. La fédération a choisi de modifier ses statuts afin de créer un conseil des outre-mer, opérationnel depuis une petite année, qui réunit l'exécutif fédéral et les représentants des outre-mer au moins deux à trois fois par an pour aborder leurs problématiques spécifiques. Si elle peut paraître un peu formelle, cette initiative a été d'une redoutable efficacité. Elle permet d'appréhender les problématiques de nos représentants au plus près de la réalité et de trouver des solutions qui correspondent réellement à leurs besoins.

Par rapport au collectif de cadres d'État dont je dispose, jusqu'à présent je n'ai qu'un collègue, affecté en qualité de conseiller technique régional, en Guadeloupe. En termes de couverture de l'outre-mer, c'est assez limité. Nous sommes en train de nous organiser pour désigner un cadre technique qui sera le référent de l'ensemble des outre-mer, sans être nécessairement affecté à un territoire particulier, et l'interlocuteur pour tous les présidents des comités régionaux. C'est une demande forte des outre-mer.

Je souhaite également évoquer devant vous la place des outre-mer dans la performance en vue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Nous disposons de trois pôles qui fonctionnent bien en Guyane, en Guadeloupe et à La Réunion, mais avec un prisme très orienté en termes de rayonnement territorial local. Notre ambition est de faire de l'outre-mer un vivier pour la performance, dès lors en particulier qu'à partir des jeux de Tokyo trois nouvelles épreuves avec la pirogue - que nous appelons le va'a - seront inscrites. Ce sont trois fortes potentialités de médailles pour la France dès lors que nous aurons réussi à nous organiser pour nous appuyer sur les territoires où la pirogue est développée, c'est-à-dire clairement dans les outre-mer. Nous avons appris de nos erreurs car ce vivier des outre-mer existe depuis un grand nombre d'années et jusqu'à présent l'approche retenue - faire venir les athlètes d'outre-mer dans les structures de métropole - aboutit à un constat d'échec. Nous avons posé la problématique différemment en nous interrogeant sur la meilleure méthode pour accompagner le projet de performance de l'athlète ultramarin, sur les moyens que nous pouvions mettre à sa disposition. Cette nouvelle philosophie a des impacts très concrets. Nous sommes dans une phase de détection, d'identification et de construction de notre dispositif d'accompagnement des athlètes ciblés. Je pense notamment à un jeune athlète paralympique d'une quinzaine d'années de La Réunion. L'idée n'est pas de l'amener sur notre pôle paralympique mais de lui donner les moyens d'aller au bout de son projet, en restant sur place.

J'accompagne depuis une petite année un jeune exécutif fédéral et nous nous sommes aperçus que l'un des enjeux forts est de réussir la mise en place d'une synergie entre tous les acteurs. Nous sentons l'envie de bien faire de tous. Nous souhaitons accompagner les comités régionaux, les athlètes des outre-mer, et trouver la recette pour fédérer toutes ces énergies afin qu'elles poussent dans le même sens. Notre approche a été de partir du local vers le national, dans une logique d'accompagnement des comités régionaux, de nous adapter à leurs besoins et à leurs réalités, que ce soit sur le développement sportif, touristique ou économique ou l'émergence de la performance sportive. Notre approche est très agile car ce n'est pas un système unique que nous décalquons sur tous les outre-mer. Le cas particulier de la Polynésie est révélateur. Le canoë-kayak, dans son spectre le plus large, y est organisé autour de trois fédérations. Nous ne cherchons pas à entrer dans leurs difficultés de délimitation des périmètres, mais à être les facilitateurs pour permettre à l'ensemble des sports de pagayes d'émerger et de se développer au mieux.

M. Éric Srecki, chargé de mission auprès de la direction technique nationale, de la Fédération française d'escrime. - Je représente une petite fédération - certes olympique - de 60 000 licenciés et 800 clubs répartis en métropole et dans les outre-mer. Notre budget est de 6 millions d'euros dont la moitié des recettes est constituée par la subvention de l'État. Nous avons la chance d'avoir 44 cadres techniques, placés auprès de notre fédération, qui nous permettent de structurer tant les fonctions d'entraînement, de formation que de développement de la pratique.

Dans les outre-mer, nous disposons de 5 comités régionaux : celui de Guadeloupe, avec 9 clubs pour 250 licenciés ; celui de Guyane, avec trois clubs pour 145 licenciés ; celui de Martinique, avec 5 clubs pour 203 licenciés ; celui de La Réunion avec 10 clubs pour 357 licenciés ; celui de la Nouvelle-Calédonie avec 4 clubs pour 159 licenciés. Ces licenciés sont, pour une très grande majorité, âgés de moins de vingt ans, avec 80 ou 85 % de moins de 15 ans, moins de 17 ans et moins de 20 ans. Cela ouvre des perspectives à l'escrime dans les outre-mer ! Ces chiffres, qui montrent une étroitesse des effectifs, ne doivent pas masquer l'impact de ces escrimeurs dans nos équipes de France, notamment à l'occasion des Jeux olympiques. Lors des Jeux olympiques d'Atlanta de 1996, la délégation française d'escrime comptait 15 sélectionnés dont une escrimeuse ultramarine - une certaine Laura Flessel - ; en 2016, lors des Jeux olympiques de Rio, la délégation française comptait 6 représentants des outre-mer sur 19 sélectionnés, et 5 d'entre eux sont revenus avec une médaille.

Ces résultats nous incitent à mettre en place des actions spécifiques pour encourager les jeunes escrimeurs ultramarins. En matière de haut niveau, le passage obligé est le projet de performance fédéral, validé en toute fin d'année 2017. Dans le cadre du programme d'accession au haut niveau, nous avons identifié une structure maintenant très ancienne dans notre organisation qui prend la forme d'un pôle France Antilles Guyane, basé sur le CREPS de Pointe-à-Pitre. Sur ce pôle, un cadre d'État est en place et a la charge de la coordination et de l'entraînement. Les jeunes ont d'autant plus de mérite qu'ils s'entraînent dans une « salle d'armes » vraiment très en deçà de leur talent et des conditions standards pour une structure de ce niveau.

Depuis près de vingt ans, nous entendons parler d'un projet de construction de nouvelles salles d'armes. Chaque nouveau directeur de CREPS, directeur régional, directeur technique national, voire chaque nouveau ministre indique que la salle va sortir de terre. Ce n'est toujours pas le cas. Cet exemple permet l'illustrer le déficit des outre-mer en matière d'équipements sportifs.

Le dispositif que nous avons mis en place tient compte du fait que dans notre sport, il est nécessaire de participer aux compétitions pour être classé, repéré et détecté. Ces compétitions sont organisées, pour la plupart, sur le territoire métropolitain. Dans les catégories d'âge de moins de 17 ans et de moins de 20 ans, la confrontation à l'international se fait sur le circuit européen. Les jeunes licenciés ultramarins ont plusieurs fois dans une saison sportive l'obligation, en fonction de leur sélection, de se rendre sur le territoire métropolitain et on comprend bien le surcoût que représentent ces déplacements répétés. Grâce à l'appel à projet auquel nous avons répondu et qui porte le nom de Génération 2024 - accompagnement des plans de détection des fédérations auprès des publics cibles -, nous avons mis en place un système qui permet, à travers une subvention versée à nos comités régionaux, d'aider ces jeunes compétiteurs.

Je tiens à noter une spécificité de l'escrime en Polynésie française. La fédération - ce terme peut étonner si on le met en regard du nombre de pratiquants - polynésienne d'escrime, créée en 2015, est très récente. La convention avec la Fédération française d'escrime porte essentiellement sur des actions de formation des jeunes, des très jeunes et sur l'encadrement. Mais cela n'a pas conduit la fédération polynésienne à être affiliée à la fédération internationale.

Je voudrais présenter une action qui nous est chère et qui consiste à aider deux comités régionaux - ceux de la Guadeloupe et de la Martinique - que nous essayons de faire travailler ensemble pour la mise en place d'un diplôme d'État (DESJEPS) mention escrime. Le constat est le suivant : de la même façon que les jeunes athlètes qui viennent en métropole pour participer aux compétitions et intégrer des structures de niveau pôle France-relève changent souvent de licence et adhèrent à un club métropolitain qui, fort de ses moyens plus importants, leur propose des aides aux déplacements, à la formation et au matériel, on constate que les candidats qui suivent une formation de maître d'arme ou de prévôt fédéral en métropole y restent car on leur propose une offre d'emploi plus significative que celle qui pourrait leur être proposée sur leur territoire d'origine. Avec les deux comités régionaux, nous avons le projet de développer sur place une formation, avec cette difficulté de la nécessité de l'alternance, pour faire en sorte que ceux qui se destinent à cette qualification ou à ce métier puissent trouver sur place des conditions d'emploi satisfaisantes. C'est un enjeu très important pour les nouvelles générations.

Je voudrais enfin expliquer dans quelles conditions et dans quel cadre ces comités régionaux ultramarins peuvent participer aux compétitions internationales des zones régionales. Les jeux de la CASCO (Central American and Caribbean Sports Organization) ont été évoqués par les précédents orateurs. Il y a un autre exemple avec les championnats océaniens d'escrime dont les épreuves de jeunes ont été organisées en Nouvelle-Calédonie en octobre 2017. Le principe est le suivant : la fédération française autorise ses organes déconcentrés à participer à ces compétitions régionales ou de zone à la condition toutefois que ces compétitions ne délivrent pas de points qui impactent les classements continentaux et internationaux car ces classements sont le point de passage obligé pour les qualifications olympiques. Il serait illogique que des jeunes participent aux championnats panaméricains sous la couleur de la Guadeloupe et soient également engagés dans une même saison sur un championnat d'Europe avec l'équipe de France.

Je voudrais conclure en rappelant l'importance de ces talents, notamment dans la perspective des championnats du monde seniors qui vont se dérouler en Chine au mois de juillet. Les sélections - pas toutes encore officielles - de 24 sportifs comprendront 6 escrimeurs originaires des outre-mer. Certains sont déjà de nombreuses fois médaillés et représentent le comité régional de Guadeloupe (Yannick Borel, Daniel Jérent, Enzo Lefort et Ysaora Thibus). Il y a également un représentant de la Guyane (Jonathan Bonnaire) et un représentant de La Réunion (Maxence Lambert). Tous ces jeunes ont eu un parcours à peu près identique. Après avoir été détectés dans leur club d'origine, ils ont été suivis et ont intégré des structures métropolitaines dans lesquelles ils ont continué leur progression avant d'arriver au centre national du pôle France INSEP. Tous ceux qui seront sélectionnés pour les Jeux de Tokyo ou pour les Jeux de Paris seront obligatoirement passés par ces structures d'entraînement qui sont le haut de pyramide de notre détection.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Merci messieurs pour ces présentations très intéressantes. Monsieur Belloir, auriez-vous les pourcentages de vos licenciés femmes et hommes pour vos adhérents ultramarins afin de les comparer avec les taux métropolitains ?

M. Nicolas Belloir. - Nous vous communiquerons par écrit l'ensemble des données statistiques.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Tous les clubs et les sportifs que nous avons rencontrés dans les outre-mer se sont plaints de l'insuffisance des financements pour couvrir les frais de fonctionnement ou d'investissement. M. Jean-Marie nous a indiqué que le fonds d'accompagnement du football amateur (FAFA) était sous-utilisé. Que pourrions-nous préconiser à nos clubs pour qu'ils recourent à ce fonds ?

M. Kenny Jean-Marie. - Dans notre fonctionnement quotidien, nos interlocuteurs principaux sont les ligues. Elles devraient diffuser l'information auprès des clubs et des districts. Bien souvent, nos ligues d'outre-mer connaissent des difficultés financières ou manquent de moyens humains. C'est particulièrement le cas de la ligue de Guadeloupe dont nous avons rencontré la nouvelle équipe, confrontée à une situation complexe. La ligue de Saint-Martin est également dans une situation financière compliquée. Il y a des ligues qui, aujourd'hui, ne sont pas en capacité d'exercer pleinement l'ensemble de leurs prérogatives. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire, mais la FFF représente 16 000 clubs. Nous ne pouvons pas nous adresser directement à chacun d'entre eux. Nous devons faire en sorte que nos ligues soient plus efficientes dans leur communication en direction des clubs et dans leur accompagnement lors du montage des dossiers qui ne sont pas si compliqués à remplir. S'il est facile de monter un dossier pour financer un véhicule, de monter le plan de financement avec sa commune assez rapidement et de faire remonter le dossier auprès de la ligue, il est nettement plus compliqué de construire un équipement sportif, un club-house ou un mini-terrain de football car cela nécessite une ingénierie que nos clubs n'auront jamais compte tenu de leur taille. À un moment donné, il faut qu'une collectivité soit présente aux côtés de la ligue ou aux côtés du club pour porter le dossier. Très récemment, notre comité exécutif a décidé de travailler sur une réorientation du FAFA. Nous nous sommes rendu compte qu'il n'était pas forcément utile que le FAFA serve les grandes agglomérations et les grandes collectivités locales et qu'il serait plus utile dans des endroits où les collectivités sont plus petites et leurs moyens limités. Il faut cependant que nous ayons en face de nous une collectivité capable de recevoir le message ; la FFF est en capacité d'apporter de 25 à 50 % de financement d'un terrain de football outdoor par territoire. Mais si la collectivité n'est pas en mesure d'apporter elle aussi de 20 à 40 % de financement, le projet ne pourra être réalisé.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Lors de notre déplacement, nous avons entendu les fédérations se plaindre des normes d'homologation trop rigoureuses.

M. Kenny Jean-Marie. - Je serai auditionné demain par une mission du ministère des finances sur le sujet. Il faut bien faire la distinction entre les normes imposées par la FFF et les normes nationales. Les fédérations sportives sont parfois accusées de produire trop de normes. Je ne pense pas que le football soit dans cette situation. Notre procédure permet un classement des stades et je ne suis pas sûr que les contraintes les plus fortes soient celles qui s'exercent outre-mer.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - À La Réunion, Cilaos est loin du littoral, la route est mauvaise, les entreprises ne viennent pas, et le club ne peut pas recevoir et jouer sur son territoire.

La discipline du surf a été innovante à La Réunion. Le plan vigie requins fonctionne bien et l'Australie est en train de nous copier. Malheureusement, ce plan reposait sur des contrats aidés qui ont été supprimés et nous nous interrogeons sur sa pérennité et son financement. Recourir au service civique sur huit mois n'est pas envisageable. Il faut rendre la mer aux réunionnais, et pas seulement pour le surf.

M. Jean-Luc Arassus. - Les surfeurs ont parfois été amenés à servir de tests - comme des petites souris - pour étudier les comportements des requins. Mais de simples baigneurs ont été également attaqués. À chaque échange avec des représentants institutionnels, je souligne ce danger qui a coûté la vie à l'un de nos stagiaires de 14 ans du pôle. Nos moyens ne nous permettent pas d'être support du plan vigie requins. Le conseiller technique national (CTN) qui est en charge de la coordination des différents territoires ultramarins - nous avons 5 cadres techniques à la fédération - suit particulièrement ce dossier. Il était entraîneur du pôle quand le drame s'est produit.

M. Michel Magras, président. - En ce qui concerne les normes, il est souvent difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de l'État et ce qui relève du mouvement sportif. J'apprécie ce que vous avez dit de l'implication obligatoire des collectivités mais les territoires ultramarins n'ont pas tous le même statut et les situations sont diverses. À Saint-Barthélemy, nous créons les infrastructures en fonction des besoins et nous les mettons à disposition des clubs par conventions. La responsabilité reste du ressort de la collectivité. La situation est différente pour les territoires qui ont un statut de département ou de collectivité de l'article 73. Pour cette raison, il faudra revenir sur les adaptations possibles et j'ai beaucoup aimé lorsque M. Belloir a évoqué les notions de différentiation et de logique de développement. C'est une clé pour les outre-mer.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Vos exposés ont en commun de souligner la nécessité d'adapter votre manière de fonctionner dans les outre-mer. Vous avez parlé de la création de référents spécifiques, d'interlocuteurs communs pour aborder des problématiques complexes comme les déplacements des jeunes qui souhaitent s'investir dans le sport, les spécificités géographiques, les contraintes liées aux déplacements, ne serait-ce que pour aller de Marie-Galante à ce que les jeunes appelle « le continent ». J'ai noté que votre volonté commune d'accompagner les sportifs se heurtait à la difficulté, quelle que soit la fédération, d'une adéquation des moyens humains aux besoins.

Je souhaiterais savoir comment est organisé l'accompagnement des athlètes en situation de handicap.

Quelles sont vos suggestions pour lutter contre la diminution du nombre d'athlètes ultramarins de haut niveau ?

Je crois que de plus en plus il faut du « cousu main ». Si le CREPS de Guadeloupe est une très belle installation, quand on se rend en Guyane on voit bien que le jeune guyanais n'est pas forcément attiré vers elle et souhaiterait davantage avoir une passerelle directe vers l'INSEP. En encourageant l'émulation, il faut permettre à tous les outre-mer de garder leur spécificité par la politique de différentiation dont parlait notre président.

M. Kenny Jean-Marie. - Nous vous répondrons par écrit.

M. Michel Magras, président. - Qu'il s'agisse de la CONCACAF ou des Jeux du Pacifique, la possibilité pour les territoires ultramarins d'être représentés pour eux-mêmes dans leur grande région n'est pas réglée. Il faudra trouver un statut qui le leur permette, sans perturber le fait qu'ils sont français. Le problème a également été évoqué par les acteurs du mouvement sportif de Mayotte.

Il va aussi falloir trouver des solutions au problème du coût du sport dans les outre-mer.

Nous perdons nos sportifs de haut niveau car ils ne reviennent pas et, dès lors, il n'y a pas de retombées pour les clubs auxquels ils ont appartenu. Comment pourrions-nous récupérer une petite part des pactoles versés par exemple lors des transferts de footballeurs ?

Les infrastructures des outre-mer sont insuffisantes et subissent un vieillissement accéléré. Les surcoûts, qui n'existent pas en métropole, devraient être pris en considération mais on connaît le déficit de l'État, on constate la baisse du Fonds national pour le développement du sport (FNDS) et le rabotage du plan Kanner.

La baisse du nombre de pratiquants en athlétisme n'est-elle pas liée au système scolaire ? Autrefois, on enseignait l'athlétisme ; de nos jours, on fait de l'éducation physique et sportive et il n'y a plus de motivation par la compétition.

M. Jean-Luc Arassus. - Étant également professeur d'éducation physique et sportive, je constate que les règles auxquelles nous devons nous soumettre sont très pesantes. Sans parler de La Réunion, il y a des régions où on ne peut pas pratiquer le surf sous prétexte que c'est très dangereux. Le CNOSF intervient pour inciter l'UNSS à porter un projet qui aille aussi vers la haute performance.

M. Michel Magras, président. - Je vous remercie tous. L'objectif de notre délégation est de faire un rapport aussi exhaustif que possible, avec des préconisations pour faire progresser nos outre-mer.

Jeudi 24 mai 2018

- Présidence de M. Michel Magras, président -

Jeunesse des outre-mer et le sport - Visioconférence avec les acteurs en charge du sport de Mayotte

M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, dans le cadre de notre étude relative à la jeunesse des outre-mer et du sport, nous partons ce matin à Mayotte.

Nous avons dû différer cette visioconférence du fait des événements qui ont paralysé le département pendant plusieurs semaines, et nous nous félicitons qu'une situation apaisée soit désormais rétablie avec une feuille de route qui permette un véritable rattrapage et réponde aux espoirs suscités par la départementalisation.

À maints égards, qu'il s'agisse de politique éducative et de cohésion sociale, d'enjeux sanitaires ou de rayonnement des territoires, le sport, nous le savons tous, joue un rôle central. C'est ce qui a motivé notre choix de ce sujet d'étude pour lequel nous avons désigné un quatuor féminin de rapporteures afin de représenter les trois bassins océaniques ainsi que l'hexagone.

Sur ce quatuor féminin, deux des rapporteures sont à mes côtés, ici, à ma gauche, Viviane Malet qui est sénatrice de La Réunion, et à ma droite, Gisèle Jourda, qui est sénatrice de l'Aude. Deux des rapporteures sont absentes, Lana Tetuanui qui est actuellement en Polynésie puisqu'elle vient d'être réélue et qu'elle participait ces jours-ci au renouvellement des instances du gouvernement polynésien, et Catherine Conconne qui était en Martinique pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage.

Nous avons ici présent le sénateur de Mayotte, vice-président du Sénat, Thani Mohamed Soilihi, et l'un des Sénateurs de Nouvelle-Calédonie, M. Gérard Poadja.

Nous adressons un salut particulier à Monsieur le président du conseil départemental - nous avons siégé longtemps sur les mêmes bancs du Sénat tous les deux - ainsi qu'à Monsieur le préfet Dominique Sorain, que vous représentez aujourd'hui Monsieur le sous-préfet. Nous vous remercions toutes et tous de vous être rendus disponibles pour cette visioconférence qui sera la dernière sur ce thème avec les territoires. Nous avons en effet parcouru tous les territoires et nous nous sommes rendus physiquement dans les Antilles et en Guyane il y a deux semaines.

Avant de vous céder la parole, je veux juste souligner qu'il y a peu nous avons entendu l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES), avec la présence du référent de Mayotte qui est intervenu, et nous avons auditionné hier toutes les instances nationales, c'est-à-dire le Comité national olympique et sportif (CNOS), mais aussi les présidents des fédérations sportives ; dans ces auditions nous évoquons la totalité des territoires et singulièrement le vôtre. Dans une heure et demie nous recevrons les ambassadeurs délégués à la coopération des trois zones océaniques, dont M. Luc Hallade pour l'océan Indien, ainsi que l'ambassadeur délégué pour le sport.

Je vais donc sans plus tarder vous passer la parole.

M. Dominique Fossat, sous-préfet, secrétaire général adjoint. - Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis Dominique Fossat, le sous-préfet en charge de la cohésion sociale et de la jeunesse et je représente Dominique Sorain, le préfet de Mayotte, qui est empêché.

Je vous propose de vous donner tout d'abord quelques éléments sur le contexte mahorais, d'autant qu'ils ont été rappelés dans le plan pour l'avenir de Mayotte présenté par la ministre des outre-mer très récemment.

Le développement du sport à Mayotte s'inscrit dans un contexte particulier caractérisé par une évolution démographique très spécifique puisque la population mahoraise a augmenté de 20 % en l'espace de 5 ans et la natalité de 43 % depuis 2015. Mayotte a la plus importante maternité de France avec 10 000 naissances par an. Environ 50 % de la population a moins de 18 ans, ce qui est absolument remarquable et pose des questions importantes, tant en matière de scolarisation qu'en matière de pratique sportive notamment et de cohésion sociale. Il faut ajouter qu'un peu plus de 40 % de la population est étrangère, que le taux d'illettrisme est supérieur à 40 % et que 6 logements sur 10 sont dépourvus des éléments de confort minimum, que ce soit l'eau courante, des sanitaires de base, toilettes et lavabos, etc... Le taux de chômage est également le plus élevé de France et 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Mayotte a ainsi à faire face à des difficultés considérables en termes de développement économique et social et, dans ce contexte, eu égard à l'importance de la jeunesse, le sport peut et doit jouer un rôle essentiel.

Les infrastructures en matière sportive sont pour l'instant relativement frustes, voire indigentes ; le taux d'équipements sportifs à Mayotte doit être le plus faible de France avec moins de 15 équipements pour 10 000 habitants. Je parle sous le contrôle de ma camarade de la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS) : je crois que la moyenne nationale est de 50 pour 10 000 habitants. Les équipements sont pour l'instant relativement embryonnaires, avec seulement deux gymnases couverts, une dizaine de stades qui comportent des gradins ou des vestiaires mais aucun avec ces deux types d'équipements. Par ailleurs, on a une multitude de petits plateaux sportifs au sein des villages mais ils sont vétustes. Il faudrait donc à la fois augmenter le nombre de plateaux et réhabiliter l'existant.

Mayotte est une île et il y a pourtant un gros problème de pratique de la natation car il n'y a pas de piscine. L'apprentissage de la natation passe donc par le développement soit de piscines classiques, soit éventuellement de piscine lagunaire.

Concernant le financement de ces équipements, plusieurs ressources d'État sont mobilisées, les crédits du Centre national pour le développement du sport (CNDS) naturellement mais également, en complément, ceux du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) du ministère des outre-mer ainsi que ceux du contrat de plan État-région. À titre d'exemple, en 2017, 4 millions d'euros d'investissement ont été financés par l'État pour les équipements sportifs, compte non tenu des crédits de l'éducation nationale qui mène cependant une politique très dynamique d'investissement public sur les infrastructures scolaires. L'éducation nationale, dans le cadre de la construction des lycées et des collèges, est un pourvoyeur majeur d'infrastructures sportives et finance notamment les grosses infrastructures sportives : je pense à celles de Koungou ou à certains plateaux sportifs importants qui sont en train de se mettre en place dans le département.

Les priorités de l'État sont le rattrapage en termes d'équipements bien sûr, mais aussi le sport pour tous et l'égalité homme-femme dans la pratique sportive, le sport-santé. Compte tenu des indicateurs socio-économiques indiqués précédemment, c'est également l'insertion par le sport et la pratique du sport pour lutter contre le désoeuvrement et prévenir la délinquance. Mayotte se singularise par le nombre très important de mineurs isolés, de mineurs non accompagnés : selon l'observatoire des mineurs non accompagnés, ils seraient entre 3 000 et 4 000, ce qui est énorme. Peut-être 300 se trouvent même sans référent adulte. De fait, une part non négligeable de jeunes n'est pas, peu ou mal scolarisée et, dans ces conditions, le sport joue un rôle très important pour assurer une présence, une animation sociale dans les zones les plus difficiles.

Enfin, j'ajouterai qu'une importance particulière est donnée au développement des sports nature. Mayotte a un vrai potentiel dans ce domaine-là, du fait de la présence d'un magnifique lagon, mais également les sports liés à la randonnée et à la course en pleine nature ; ces sports sont en plein développement et présentent un réel potentiel économique.

Voilà pour les axes principaux ; je pense qu'une attention importante doit également être donnée à la structuration de la gouvernance en matière sportive. Un travail important a été engagé en coordination avec le Département et le CROS sur la mise en place d'un schéma territorial de développement du sport : je crois que c'est un cadre indispensable qui permettra de donner des lignes directrices plus précises aux actions qui seront menées et la coordination des différents acteurs.

M. Michel Magras, président. - Merci pour ce tour d'horizon et cette présentation qui confirme les réalités dépeintes par vos sénateurs sur la situation du territoire. Je vous propose de continuer le tour de table.

M. Bourouhane Allaoui, vice-président du conseil départemental en charge de la culture, de la jeunesse et des sports. - Je représente le président du conseil départemental qui n'est pas sur le territoire aujourd'hui. Certes, nous souffrons d'un déficit d'équipements et le peu qui existe ne répond pas aux normes ; ainsi, beaucoup de jeunes préfèrent s'abstenir plutôt que de risquer de se blesser. Le Département travaille avec le mouvement sportif et les communes pour essayer de mettre aux normes ces équipements. Je laisse la parole aux représentants du mouvement sportif car ce sont eux qui vivent au quotidien avec les jeunes et doivent s'accommoder de ces équipements. Ils sont les mieux placés pour en parler.

M. Michel Magras, président. - Nous sommes heureux de pouvoir entendre à la fois des représentants de l'État, du Département, des communes et du mouvement sportif car vos témoignages sont complémentaires.

M. Saïd Omar Oili, président de l'association des Maires. - Mesdames et Messieurs les Sénateurs, j'ai tendance à dire que si l'on veut améliorer la situation du sport à Mayotte, il faut partir d'un constat. Élu depuis 2001, celui que je fais se caractérise par une certaine régression. En effet, lorsque j'étais président du conseil départemental, nous avions fait venir à Mayotte l'équipe de France qui a gagné la coupe du monde avec Zidane et Djorkaeff. Il y avait alors des équipements qui permettaient de pratiquer le football et ils ont fait un match à Kavani. Je ne comprends pas que nous ayons également construit un stade à Chiconi, qui aujourd'hui se retrouve délabré. La coupe de France se jouait à Mayotte et les réunionnais venaient jouer ici ; on avait donné aux jeunes mahorais envie de progresser. De ce fait, des jeunes se faisaient remarquer par des recruteurs. Mais depuis 2008, les équipements qui étaient aux normes sont tombés presque en ruines et nous devons repartir de zéro. Je pense qu'il faut désormais éviter le saupoudrage financier et raisonner en termes d'intercommunalité plutôt que de mener la réflexion dans le cadre de chaque village. Cela permettrait de créer davantage de cohésion sociale. La ministre des outre-mer a annoncé pour Mayotte, dès cette année, 4 millions d'euros pour des réalisations et 40 000 euros pour effectuer des études, sommes qu'il faudra faire fructifier.

M. Michel Magras, président. - La question de la mutualisation des moyens est revenue dans toutes les auditions que nous avons menées et c'est vrai que l'échelle de l'intercommunalité est celle qui revient le plus souvent. Cependant, si l'échelon intercommunal peut être pertinent, il n'est pas adapté à tous les territoires ; il faut notamment tenir compte du besoin de proximité permettant à chaque commune de fédérer sa population, en particulier sa jeunesse, ainsi que des difficultés de déplacement.

M. Mohamed Tostao Ahmada, vice-président du Comité régional olympique et sportif (CROS). - Je suis chargé spécialement de la professionnalisation. La politique du CROS s'articule autour de 5 domaines, dont le sport-santé bien-être, l'éducation et la citoyenneté, la professionnalisation et aussi les politiques publiques, auxquels on peut ajouter les jeux des îles de l'océan Indien. Notre priorité est la mise en place d'installations sportives dignes de ce nom parce qu'aucune n'est aux normes. Ici quand on parle d'un stade, c'est un terrain de football et s'il y a le confort c'est qu'il est entouré d'un grillage, voilà tout.

Pour le mouvement sportif, la priorité est la mise en place d'installations dignes de ce nom, l'encadrement professionnel et des dirigeants compétents. Mais sans infrastructures, il est difficile d'avoir des formations de qualité ou un suivi médical ; aujourd'hui Mayotte s'apparente effectivement à un désert médical. Par exemple, sur les 300 arbitres du championnat de football qui vient de commencer, une centaine seulement a pu effectuer les visites médicales adéquates ; les 200 autres sont en attente de rendez-vous. Le défaut d'infrastructures et l'absence de conformité aux normes de celles qui existent complexifient également l'organisation du sport féminin et de nombreux jeunes ne peuvent accéder aux sports qu'ils souhaiteraient pratiquer car ils ne font pas partie de l'offre mahoraise. Notamment, il n'existe pas de piscine alors que l'apprentissage de la natation devrait être obligatoire, a fortiori sur une île. Il n'y a pas non plus de stade d'athlétisme. Si sont proposés des sports de combat, des arts martiaux, il n'y a pas de dojo et ces disciplines se pratiquent dans la nature, c'est vraiment la « débrouille ».

Le mouvement sportif, au-delà du sport de performance, veut oeuvrer en faveur de la santé et de la cohésion sociale, mais aussi pour le développement du tourisme via les sports de nature permettant de découvrir notre merveilleuse île de Mayotte. Ce sont les grands axes du mouvement sportif. Il faut cependant commencer par restaurer les infrastructures car aucune, même les stades, n'est aux normes et les fédérations donnent des dérogations pour la pratique des différents sports. Rien n'est aux normes, que ce soit pour la sécurité ou même l'hygiène. Et concernant les moyens, les années qui passent s'accompagnent de la réduction des dotations qui sont très insuffisantes. Les financements du CNDS sont fléchés en fonction d'axes prioritaires définis pour l'hexagone et notre situation est en total décalage. Nous avons le sentiment que le délabrement de la situation mahoraise reste méconnu au niveau national. Il est également plus difficile pour nous d'émarger aux subventions du CNDS car nos collectivités n'ont pas vraiment les moyens de contribuer au financement des projets. Il faudrait que le mouvement sportif à Mayotte puisse bénéficier de modalités spécifiques et dérogatoires. Les communes ont des liens plus étroits avec les associations et les clubs qu'avec le CROS lui-même. Si les relations avec l'État, notamment le CNDS, sont bonnes et même très bonnes, en revanche, s'agissant des compétitions comme les Jeux des îles des jeunes de l'océan Indien, nous avons le sentiment d'une incompréhension lorsqu'on nous refuse la possibilité de s'afficher en tant que sportifs mahorais. Nous aspirons à ce que cette question soit réglée une fois pour toutes au plan politique car le sujet est récurrent. Nous observons que les autres départements, notamment aux Antilles avec la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), participent aux compétitions régionales sous la bannière nationale sans que cela pose de problème.

M. Michel Magras, président. - Cette difficulté de représentation éprouvée par Mayotte aux Jeux de l'océan Indien est-elle exclusivement le fait de l'État, duquel dépend l'autorisation d'arborer le drapeau français, ou résulte-t-elle des territoires organisateurs ? À quel niveau se situe le blocage ?

M. Mohamed Tostao Ahmada. - Le problème est celui des relations entre la France et les Comores. Quand nous participons à des compétitions de clubs de l'océan Indien, en football, basket ou encore en volley, le problème du drapeau se pose chaque fois que les Comores sont représentées, sinon il n'y a pas de problème lorsque seules sont en lice La Réunion, Mayotte, Maurice et Madagascar. Il faut que cette question soit réglée au niveau étatique.

M. Michel Magras, président. - Pouvez-vous participer à la coupe de France de football et à quel moment de la compétition ?

M. Mohamed Tostao Ahmada. - L'entrée dans la compétition se fait au 7e tour mais, en l'absence d'installations aux normes, nous ne recevons plus les rencontres. En basket, handball et volley, Mayotte participe au championnat de nationale 3, mais pas en football pour le moment. En basket, on reçoit nos amis réunionnais, mais grâce à des dérogations.

Concernant les installations sportives, il faudrait carrément lancer un plan Marshall, notamment pour que nos jeunes filles puissent pratiquer le sport dans des conditions convenables. Le suivi médical en particulier pose un vrai problème.

Concernant le sport de haut niveau, nous ne disposons ni des installations ni, à défaut de formation adaptée sur place, de l'encadrement professionnel ou de dirigeants compétents. Dans tous les départements ou régions existent un centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) ou un pôle espoirs pour amener les jeunes vers le haut niveau. Ici, nous n'avons rien. Nos amis réunionnais, dans certaines disciplines, accueillent nos jeunes mais à concurrence de deux maximum ce qui est pénalisant. Si l'on prend l'exemple en basket, les deux jeunes intégrés au pôle de La Réunion sont partis l'année suivante en métropole dans un centre de formation ; il y en a même une à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP).

L'accueil des compétitions pose aussi problème ; nous ne disposons pas des infrastructures pour accueillir plusieurs équipes et organiser un tournoi et l'hébergement hôtelier est trop onéreux. Il nous faudrait un centre de formation incluant une capacité d'hébergement. Le CROS a pour projet de créer un centre de formation d'apprentis (CFA) afin de proposer un brevet professionnel jeunesse, éducation populaire et sport (BP JEPS). Il faudrait une action massive car la proportion de jeunes à Mayotte est très élevée puisque plus de la moitié de la population a moins de vingt ans.

M. Michel Magras, président. - Votre message sur la nécessité de mettre en place une structure dédiée pour permettre aux jeunes d'accéder au haut niveau est parfaitement clair. Comment procédez-vous à la détection des talents dans les différentes disciplines ? J'ai compris que le pôle espoirs dont vous dépendez est celui de La Réunion.

M. Mohamed Tostao Ahmada. - Je laisse la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale vous répondre.

Mme Émilia Havez, directrice adjointe de la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). - Sur la question de la détection des talents, et comme le vice-président du CROS l'a rappelé, nous n'avons pas localement de structure dédiée à la performance et au sport de haut niveau, mais je tiens à préciser que cela fait tout de même partie de nos priorités d'action depuis de nombreuses années, ce qui nous pousse à être inventifs et innovants. Il nous faut adopter une vision pragmatique pour ouvrir aux jeunes mahorais d'aujourd'hui des filières et des passerelles vers les structures qui existent à La Réunion, qui dispose d'un CREPS et de pôles sur certaines disciplines, ou en métropole. Depuis cinq ans et demi, nous avons donc mis en place un dispositif ad hoc dénommé Jeunes talents mahorais (JTM), qui permet d'organiser annuellement des sélections à Mayotte dans diverses disciplines sur la base de critères qui dépassent le niveau local. Ce sont donc vraiment les meilleurs parmi les meilleurs qui sont retenus dans ces sélections. Cette année, nous avons ainsi 9 jeunes qui ont intégré ces pôles d'excellence. Pour les suivre dans leur parcours, la DJSCS a mis en place un dispositif original : un professeur de sport de l'État accompagne individuellement ces jeunes ; il est en contact permanent avec eux et les rencontre trois fois par an sur place dans leur organisme de formation. La fédération concernée s'associe parfois à ce suivi : une mission de la fédération de football s'est ainsi rendue récemment à La Réunion. Sur financement de l'État principalement au départ, cette action englobe également aujourd'hui la coopération du rectorat de La Réunion et celle du conseil départemental. Il est très important pour les jeunes ultramarins qui partent dans ces structures de bénéficier d'un accompagnement individualisé. Depuis deux ans et demi, nous réfléchissons avec le vice-rectorat et les collectivités de Mayotte à développer des sections sportives à horaires aménagés dans des établissements scolaires et cela a d'ores et déjà démarré à Passamaïnty. Ces classes sportives ont vocation à développer un vivier et la jeunesse mahoraise présente des qualités sportives spécifiques, ce qui est très encourageant. Il y a un fort enjeu de coordination entre le sport scolaire et l'activité fédérale avec un développement des parcours entre Mayotte, La Réunion et la métropole et l'accompagnement nécessaire corrélatif pour soutenir les jeunes qui doivent faire face à des difficultés nombreuses. Je pense notamment à la question de la séparation avec la famille et à celle du niveau scolaire - puisqu'on exige des sportifs de haut niveau un excellent niveau scolaire.

En ce qui concerne les moyens financiers, l'enveloppe territoriale du Centre national pour le développement du sport (CNDS), est effectivement en baisse en 2018, pour la première fois. Depuis la création de la DJSCS, on était plutôt sur une pente ascendante avec des augmentations conséquentes d'année en année, qui nous ont amenés ces deux dernières années à plus d'1,1 million d'euros. En 2018, dans un contexte national de reconfiguration du CNDS, il y a eu une baisse pour toutes les régions ; il est vrai que nous espérions échapper à ce reflux. Sur les moyens de l'État, nous disposons de petites enveloppes des budgets opérationnels de programme (BOP) qui continuent de croître d'année en année et nous bénéficions, outre des moyens du ministère des sports et du soutien du ministère des outre-mer via le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), de l'apport du fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS) pour tout ce qui concerne la mobilité, soit 140 000 euros cette année.

M. Michel Magras, président. - Si j'ai bien compris le propos de M. le préfet tout à l'heure, le montant global des aides en provenance de l'État s'élève à environ 4 millions d'euros ?

M. Dominique Fossat. - Sur l'investissement.

Mme Émilia Havez. - Pour le fonctionnement, nous avons cette année une dotation du CNDS de 1 042 647 euros.

Un dernier point et je laisserai ensuite la parole aux ligues et comités qui, je pense, ont beaucoup de choses à dire. Sur la question difficile, pour nous également, des drapeaux et des hymnes, qui est récurrente, je souhaite apporter une précision en ce qui concerne la Commission de la jeunesse et des sports de l'océan Indien (CJSOI). Lors de la création de cette commission, Mayotte ne faisait pas partie des membres fondateurs et a adhéré par la suite à cette organisation de la Commission de l'Océan Indien (COI). Elle a été acceptée comme membre sans droit de vote, précision inscrite dans la charte de la CJSOI, ce qui implique de ne pas se prévaloir du drapeau ou de l'hymne national. C'est cette inscription dans les actes fondateurs qui est aujourd'hui bloquante : il y a eu des négociations diplomatiques pour tenter d'obtenir une modification de la charte, mais la France n'a pas eu gain de cause et, effectivement, cette question du drapeau a vraiment posé problème lors des derniers jeux à Madagascar. On s'est alors orienté vers une solution un peu différente : une délégation unique France-océan Indien pour Mayotte et La Réunion. Cette solution a été proposée mais n'a pas été retenue. Aux jeux de Djibouti, dont les jeunes de Mayotte reviennent à peine, tout s'est bien passé malgré ces difficultés d'ordre politique ; les valeurs du sport, de concorde et de fraternité, ont prévalu.

M. Michel Magras, président. - Avant de céder la parole aux délégués des comités, je voulais vous interroger sur la formation. Le représentant du CROS a évoqué la qualification professionnelle et le BP JEPS. Avez-vous un programme de formation d'éducateurs, d'animateurs ?

Mme Émilia Havez. - Je vous confirme que nous avons un axe de travail en ce sens. Il y a un travail de fond à réaliser avant d'obtenir un niveau d'encadrement normalisé de type BP JEPS. Les formations aux métiers du sport sont aujourd'hui portées par deux organismes, le CROS et l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique (UFOLEP), qui proposent tout un éventail de formations avec un certain nombre de certifications professionnelles, notamment un certificat de qualification professionnelle animateur de loisirs sportifs (CQP ALS). Cette formation est bien adaptée au territoire et débouche sur un bon taux d'insertion. On a aujourd'hui un accompagnement de nos services pour les habilitations et la coordination de ces structures porteuses. Sur le volet professionnalisation, le dispositif Sésame d'aide au mérite et à la mobilité internationale est déployé à Mayotte, pour des jeunes qui sont issus des quartiers prioritaires et qui sont accompagnés dans ces formations. Enfin, depuis quelques années, une association sports-loisirs s'est développée, qui propose de l'emploi sportif constituant des débouchés pour ces jeunes diplômés.

M. Michel Magras, président. - Avant de passer la parole aux représentants des ligues et comités, je demande à mes collègues rapporteures si elles n'ont pas de précisions à vous demander sur ce qui a été dit précédemment. Parce que je regarde la montre que je vois avancer et je veux leur donner la parole, que je mobilise un petit peu trop de ce côté de l'écran.

Mme Gisèle Jourda, co-rapporteure. - Je vous remercie pour vos présentations qui nous ont fait appréhender le sport à Mayotte et nous montrent bien la nécessité de mettre en place d'un plan Marshall, axé notamment sur les équipements et les grandes infrastructures sportives dont ont besoin les sportifs pour pouvoir pratiquer leur discipline et faire rayonner leur territoire. Vous avez parlé du sport-santé et du développement du sport dans les quartiers : je souhaite savoir s'il y a une réflexion sur les politiques d'installations sportives de proximité pour le sport de masse, pour intéresser les femmes au sport, ou encore pour pouvoir lutter contre la délinquance ? Quelles sont les priorités puisqu'il faut hiérarchiser les objectifs ? Y a-t-il un calendrier de mise en oeuvre du schéma du développement du sport ? L'intercommunalité peut-elle contribuer à régler la question de mise à niveau des infrastructures et comment en est-on arrivé à cet état de délabrement des équipements ?

Mme Viviane Malet, co-rapporteure. - Merci de toutes ces précisions. Vous organisez des formations avec le CROS, l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique (UFOLEP) et les associations sports-loisirs se développent ; je voulais savoir qui, pendant les vacances, porte les activités sportives dans les centres de loisirs ?

M. Thani Mohamed Soilihi. - Bonjour à toutes et à tous. Je me réjouis de cette rencontre qui a dû être plusieurs fois reportée du fait des événements sur notre territoire. Je remercie la délégation d'avoir insisté pour entendre la voix de Mayotte.

Le sujet est important et à l'instar de l'étude de la délégation sur le foncier, nous espérons qu'à la suite de l'excellent rapport qui sera rendu par mes collègues les préconisations émises pourront cheminer et parvenir à des solutions concrètes. Eu égard à la situation de Mayotte, l'idée d'un plan Marshall me paraît pertinente. Je retiens aussi la suggestion de mutualisation à l'échelon intercommunal des moyens développée par le président de l'association des maires ; cela mérite effectivement d'être soigneusement examiné car, même si notre île est petite, les questions de transport et de mobilité se posent de façon aiguë. Les relations entre les villages sont également complexes et ne doivent pas être sous-estimées.

Sur la question des Jeux au sein de l'océan Indien, il revient à l'État de trouver une solution pour mettre un terme à la frustration de nos jeunes sportifs. Il convient de souligner leurs performances plus qu'honorables au regard des faibles moyens mis à leur disposition, mais cette situation ne saurait perdurer. Le basket club de M'Tsapéré se trouve ainsi aujourd'hui en déplacement dans l'hexagone. Il ne faudrait pas décourager ces jeunes. La Réunion, notre cousine de l'océan Indien qui entretient des rapports privilégiés avec Maurice, doit aussi nous venir en aide et exercer une pression amicale pour obtenir gain de cause face aux Comores et qu'une solution pérenne et digne pour nos jeunes sportifs se dégage. Si nos amis Réunionnais ne jouaient pas ce jeu, je pourrais penser que c'est parce que nous emportons trop de victoires sur eux en ce moment et qu'ils veulent se débarrasser de compétiteurs sérieux !

M. Dominique Fossat. - Voici quelques éléments de réponse. S'agissant de la question de la cohérence qu'il doit y avoir entre un niveau de pratique sportive de compétition, qui suppose des infrastructures aux normes lourdes, et la pratique de proximité indispensable à la cohésion sociale et à la prévention de la délinquance pour lesquelles le sport joue un rôle majeur, il y a lieu de prioriser des infrastructures structurantes mais il faut aussi de petits plateaux sportifs de villages, soit l'équivalent d'un terrain de hand en termes de superficie dans la plupart des cas. On voit bien sur les opérations un peu emblématiques qui ont pu être menées dans les quartiers, comme à Kawéni souvent qualifié de plus grand bidonville de France mais qui fait preuve d'un vrai dynamisme, que le travail mené dans le cadre de la politique de la ville tourne souvent autour du plateau sportif, avec des associations bien structurées du type associations sports-loisirs qui interviennent auprès des jeunes et mobilisent efficacement.

Concernant l'idée d'une mutualisation des moyens dans un cadre intercommunal, si l'échelon paraît pertinent, il faut tenir compte du fait que l'intercommunalité est seulement émergente à Mayotte.

En dépit de l'importance de la population scolarisée à Mayotte, quelque 100 000 jeunes dans les primaire et secondaire sur une population de 260 000 habitants selon le dernier recensement de l'Insee, je crois qu'il y a seulement 10 000 pratiquants dans le cadre l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) alors que ce chiffre pourrait être largement supérieur. Cela s'explique largement par le problème des difficultés de déplacement des jeunes et de concentration géographique des structures scolaires et des équipements sportifs. Je viens d'ailleurs de tenir une réunion avec les services du Département et l'UNSS pour essayer de trouver des solutions.

Sur le volet de la gouvernance, le Département a engagé l'élaboration du schéma territorial et la ministre de l'outre-mer a annoncé un soutien en ingénierie spécifique évalué à 40 000 euros.

M. Saïd Omar Oili. - Si l'intercommunalité est effectivement nouvelle à Mayotte, l'observation de la façon dont elle s'est implantée ailleurs doit nous éviter de commettre certaines erreurs. Comme l'a rappelé le sénateur Thani Mohamed Soilihi, Mayotte se caractérise par l'importance des villages ; or, cette réalité engendre des rivalités qui débouchent parfois sur des rixes entre les jeunes qui n'ont pas l'habitude de se côtoyer. Et les difficultés de transport favorisent cette violence car les jeunes ne se connaissent pas. Il faut leur permettre de se fréquenter et de jouer ensemble ; pour cela, de petits équipements au niveau communal sont nécessaires. Le sport est un moyen de s'ouvrir à l'autre ; il est porteur des valeurs du vivre ensemble, les valeurs de tolérance, lesquelles ont tendance à s'étioler actuellement à Mayotte.

Seules des structures intercommunales nous permettront d'avancer sur la question des équipements sportifs et de transport pour emmener les enfants s'entraîner ensemble. Rien que dans ma commune, j'ai au moins 50 clubs : comment avoir la capacité de les aider à fonctionner ? C'est impossible et il faut se donner une capacité d'action par un maillage du territoire. Il faut que nous soyons inventifs et que nous devenions un modèle pour le traitement des banlieues. Le sur-mesure doit éviter de reproduire les erreurs commises ailleurs, c'est pourquoi votre démarche d'écoute des acteurs locaux me satisfait.

M. Michel Magras, président. - Je vous remercie pour la sagesse de votre propos et surtout d'avoir mis en évidence les valeurs qui sont véhiculées par le sport, éducatives, sociales, intégratrices... et surtout les valeurs humaines. Le moment est arrivé de passer la parole aux représentants des ligues et comités.

M. Sébastien Rière, président du comité de rugby. - Je suis président du comité territorial de rugby de Mayotte et vice-président de la Fédération française de rugby en charge des outre-mer. J'ai donc une double casquette, locale et fédérale, et siège au bureau fédéral. M. Ahmada a dressé un panorama du sport à Mayotte, soulignant le manque d'infrastructures, de vestiaires sur les stades, le déficit en suivi médical, et je voudrais ajouter un point qui me paraît aussi important : la pratique d'un sport nécessite de rencontrer des locaux et de la région ; or, cela suppose pour nous des déplacements aériens, donc onéreux, d'autant que les rencontres ont souvent lieu pendant les vacances scolaires alors que les prix sont au plus haut. Nous sommes à la merci des compagnies aériennes. Une réflexion sur la problématique de la continuité territoriale pour les équipes sportives serait donc la bienvenue afin de faciliter les échanges. Sur un autre aspect, j'ajouterai que nos associations sportives, rugby ou autres, sont un facteur important de cohésion sociale et je tiens à souligner l'implication d'un grand nombre de bénévoles ; à une époque de budgets contraints, le bénévolat doit être valorisé plus qu'il ne l'est actuellement. Aider les structures animées par des bénévoles coûtera toujours moins cher que financer des structures professionnelles.

M. Ali Abdou Hakim, président de la ligue de basket. - Je commencerai par la question des jeunes talents de Mayotte (JTM). Nous avons des relations difficiles avec la ligue de La Réunion, qui gère le CREPS. L'année dernière, le pôle espoir de La Réunion a refusé de prendre nos jeunes alors même que lors des compétitions les jeunes Mahorais ont souvent le dessus, ce qui suscite une certaine jalousie. Pour remédier à cette situation et faciliter la détection des jeunes talents, nous avons pensé à créer un centre de perfectionnement à Mayotte constituant un tremplin vers la métropole sans passer par La Réunion. Mais pour réaliser ce projet, il faut que notre ligue soit accompagnée localement.

Pour le reste, nous sommes confrontés à l'éternel problème du manque de structures et d'équipements. Rien qu'à Mamoudzou, la disponibilité du plateau est partagée entre cinq équipes, ce qui crée des conflits pour l'organisation des entraînements. La formation des cadres est également problématique : le formateur, conseiller technique sportif (CTS), est basé à La Réunion et il fait rarement le déplacement à Mayotte bien qu'il soit censé couvrir les deux territoires. Or, si l'on essaie de former nous-mêmes des cadres, la validation appartient au CTS.

Pour le développement de la pratique du basket, nous essayons de créer des écoles et de former des arbitres ; mais encore une fois les équipements font défaut ou sont délabrés. C'est vraiment dommage car il y a un véritable vivier de jeunes talents à Mayotte.

M. Michel Magras, président. - Avant de poursuivre, juste deux mots pour vous dire que la problématique du CREPS se retrouve aux Antilles : nous l'avons perçue lors de notre déplacement en Guadeloupe. En effet, le CREPS Antilles-Guyane, établi en Guadeloupe, accueille très peu de Martiniquais ou de Guyanais. Par ailleurs, concernant la formation des cadres, nous semblons malheureusement nous diriger, y compris dans l'hexagone, vers une réduction des effectifs de CTS et cela est préoccupant.

M. Mohamed Boinariziki, président de la ligue de football. - Je voudrais tout d'abord souligner que le football est le sport le plus répandu dans les outre-mer. Pour autant, les moyens disponibles restent médiocres et non conformes aux normes en vigueur, au point que la fédération n'a même pas classé les terrains qui sont de simples terrains de jeu et généralement pas clôturés. Il y a pourtant 12 000 licenciés, ce qui nous place au deuxième ou troisième rang des départements d'outre-mer, et nous disposons d'un répertoire informatisé. Nous avons près de 400 arbitres à Mayotte mais les difficultés, cette année, à obtenir les visites médicales nous contraignent à fonctionner avec seulement une centaine d'arbitres pour l'ensemble des matchs. On observe un mouvement de féminisation car on est passé de 300 licenciées à plus de 1 080 licenciées pour le recensement 2017, avec trois clubs à Mayotte labellisés par la Fédération française de football (FFF). Nous participons à la Coupe de France en entrant dans la compétition au 7e tour sur l'hexagone, à défaut de stade homologué à Mayotte. Depuis déjà quatre ans, nous ne pouvons plus recevoir de matchs officiels à Mayotte, faute d'infrastructures adéquates en termes de qualité et de normes. Malgré ces plus de 1 000 licenciées féminines, il n'y a aucun vestiaire pour elles, même pas de bloc sanitaire. À l'exception du stade de Kawéni actuellement en réfection, les stades ne sont pas pourvus de vestiaires. Du fait du grand nombre de licenciés, des matchs sont organisés jusque vers 17 à 18 heures, moment où la nuit tombe et les projecteurs, lorsqu'ils existent, procurent un piètre éclairage car ils sont beaucoup moins nombreux que pour un stade homologué.

J'en reviens à la sélection des jeunes talents : la direction du pôle de La Réunion en prélève deux par an à Mayotte pour se former pendant deux années au CREPS de La Réunion ; la prochaine sélection aura lieu les 9 et 10 juin. Mais ce n'est pas suffisant et il faudrait un centre doté de capacités d'hébergement à Mayotte même pour faciliter l'éclosion des jeunes talents et leur sélection autrement qu'en un ou deux jours, et développer le haut niveau.

M. Fahar Saïd Omar, vice-président de la ligue de handball. - Je représente ici le président, M. Issouf Mouhamadi, qui n'a pu venir. Un état des lieux complet a été déjà dressé par les précédents intervenants et j'ajouterai simplement quelques éléments concrets concernant le handball. On joue sur des plateaux où les limites du terrain sont simplement constituées par le grillage, sans zone de sécurité. Je ne reviens pas sur les problèmes de vestiaires, de points d'eau, car tout cela est commun à l'ensemble des disciplines. Il faudrait que nos collectivités locales soient accompagnées lorsqu'on met en place un plateau, et qu'on pense à installer des plateaux couverts conformes aux exigences fédérales. Actuellement, l'ordinateur qu'on utilise au bord du terrain est exposé à la pluie et il est difficile de faire jouer certains matchs. Il faudrait déjà couvrir l'existant pour protéger du soleil et des intempéries. Notre faiblesse au niveau des infrastructures nous fait perdre des licenciés chaque année, surtout dans le vivier féminin ; nous avons aujourd'hui environ 2 800 licenciées. Nous manquons de formateurs, d'éducateurs, en dépit de l'accompagnement du conseil départemental pour l'organisation des sélections. Malgré tout, le handball se porte bien à Mayotte et a rapporté des médailles aux Jeux des jeunes de l'océan Indien qui ont eu lieu à Djibouti. Si nos demandes étaient exaucées, nous pourrions sans doute avoir des Mahorais en sélection nationale.

M. Michel Magras, président. - Vous avez grand mérite à obtenir de tels résultats en pratiquant dans des conditions aussi minimalistes.

Mme Gisèle Jourda, co-rapporteure. - Je m'adresse au représentant de la ligue de rugby pour connaître le nombre de licenciés et s'il y a des équipes féminines.

M. Bourouhane Allaoui. - En tout cas, on ne joue pas à 13 à Mayotte.

M. Sébastien Rière. - Actuellement, nous avons près de 600 licenciés, avec une grosse difficulté cette année, la nouvelle obligation d'effectuer un électrocardiogramme. Il y a actuellement deux équipes féminines à Mayotte. Le rugby pratiqué est un rugby de loisir. J'ajoute que nous pratiquons le rugby sur des terrains de foot ; nous souhaiterions bien sûr disposer d'au moins un véritable terrain de rugby.

M. Bourouhane Allaoui. - J'aurais aimé répondre à l'étonnement exprimé par Madame la sénatrice de l'Aude concernant l'usure des équipements entre 2008 et aujourd'hui. Il faut voir que la population mahoraise comporte plus de 60 % de jeunes de moins de 20 ans et qu'il y a une sur-utilisation des équipements sportifs entre les scolaires, les équipes de quartiers et de villages, les épreuves de sélection ; en outre, les collectivités qui sont propriétaires de ces équipements ne parviennent pas à les entretenir car elles sont confrontées à des difficultés financières. Tout cela explique la difficulté d'avoir des équipements aux normes et adaptés à la pratique des différentes disciplines sportives.

Comme cela a déjà été exprimé, nous souhaiterions disposer à Mayotte d'un centre de formation, sans que ce soit nécessairement un CREPS, qui réponde aux besoins des clubs et des ligues pour développer le sport de haut niveau et organiser la formation des encadrants. Il nous faut un accompagnement des services de l'État pour avancer sur ce projet.

M. Michel Magras, président. - Je vous remercie pour ce témoignage ; sachez que nous sommes très heureux de vous avoir entendu ce matin. Il est très important pour nous d'écouter, de prendre la mesure des réalités qui sont les vôtres. Nous en livrerons un compte rendu fidèle pour relayer vos préoccupations. Nous sommes bien conscients que Mayotte est un jeune département aux difficultés bien spécifiques qui nécessitent l'aide des pouvoirs publics.

M. Saïd Omar Oili. - Monsieur le président, juste un dernier mot pour vous dire que lorsqu'on parle de Mayotte aujourd'hui c'est pour évoquer la violence et le phénomène migratoire. Il faut se souvenir que c'est le sport qui a contribué à pacifier l'Afrique du Sud, grâce au rugby. J'aspire à diffuser une image positive de Mayotte à travers les performances sportives et je vous invite à regarder le film « Invictus ».

Jeunesse des outre-mer et le sport - Audition sur la diplomatie du sport et le rayonnement des territoires

M. Michel Magras, président. - Après nos échanges très riches avec les autorités institutionnelles et les acteurs du sport de Mayotte, nous souhaitions recevoir les ambassadeurs délégués à la coopération régionale des trois régions océaniques ainsi que l'ambassadeur délégué pour le sport. Bienvenue au Sénat ! Je dois cependant vous présenter les excuses de M. Bernard Nilam, retenu par une réunion franco-néerlandaise qui a eu lieu hier à Saint-Martin, ce qui ne lui a pas permis de rejoindre Paris à temps du fait du décalage horaire. Il se fait donc représenter aujourd'hui par M. Guillaume Lagrée, chef de la mission du droit européen et international à la direction générale des outre-mer (DGOM), accompagné de Mme Stéphanie Froger, référente sport à cette direction.

Je salue la présence de Messieurs les ambassadeurs Luc Hallade et Christian Lechervy que nous avons grand plaisir à retrouver car ils répondent toujours favorablement à nos sollicitations et ont en particulier prêté avec brio leur concours aux travaux de notre délégation lors des conférences économiques que nous avions organisées en 2015 pour le Pacifique et l'an passé pour l'océan Indien.

Je remercie enfin M. Philippe Vinogradoff d'avoir accepté de quitter prématurément, pour participer à l'audition de ce jour, les Jeux mondiaux du sport en entreprise qui se tiennent actuellement à La Baule.

Je suis entouré de deux de nos quatre rapporteures : Gisèle Jourda et Viviane Malet ; les deux autres rapporteures sont excusées : Catherine Conconne commémorait l'abolition de l'esclavage dans son département et Lana Tetuanui, qui vient d'être réélue, participe à la mise en place du nouveau gouvernement de son territoire.

Notre séance est consacrée au rôle joué par le sport comme facteur de rayonnement et d'insertion régionale des territoires, mais aussi aux enjeux diplomatiques liés au sport en matière de coopération ou à travers les compétitions. Le positionnement des outre-mer sur trois océans est également un atout lorsque les grandes compétitions internationales se déroulent loin de l'hexagone ; mais cet atout est-il suffisamment pris en compte ?

M. Luc Hallade, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone océan Indien. - Merci de votre invitation. J'aurais eu beaucoup d'intérêt à écouter les responsables de Mayotte. Le sport est une des problématiques importantes pour l'insertion de cette île dans son environnement régional.

La coopération sportive régionale s'appuie sur deux manifestations : les Jeux des îles de l'océan Indien et les Jeux des jeunes de l'océan Indien, qui rassemblent les États ou territoires membres de la Commission de l'océan Indien - La Réunion, Mayotte, Maurice, les Seychelles, les Comores, Madagascar - plus les Maldives pour les jeux des îles et Djibouti et pour les jeux des jeunes. Autres différences : les Jeux des jeunes sont organisés par une commission des jeux, tandis que les Jeux des îles le sont par les comités olympiques de chaque État ou territoire ; les Jeux des jeunes ont lieu tous les deux ans tandis que les Jeux des îles ont lieu tous les quatre ans.

Ces compétitions ont un coût non négligeable, du fait des distances. Le déplacement des sportifs eux-mêmes pose souvent problème. Concernant les infrastructures, la situation est différente selon les territoires ou pays. Cela avait suscité un débat pour les jeux de 2019 : les Comores étaient candidates à leur organisation, mais on a dû le leur refuser, faute d'infrastructures convenables ; les Comoriens, vexés, ont été jusqu'à dire : « vous n'avez qu'à décider une fois pour toutes d'organiser les jeux alternativement à Maurice et à La Réunion ! »

L'autre problème est la participation des athlètes mahorais. J'ai vécu ce drame lors des jeux de 2015 à La Réunion - le préfet Dominique Sorain l'a aussi vécu dans la douleur...

Vous me connaissez, je ne suis pas adepte de la langue de bois diplomatique. Manuel Valls, alors Premier ministre, s'était rendu à Mayotte et avait pris l'engagement que Mayotte participerait sous le drapeau français aux jeux des îles. Du point de vue mahorais, cela va de soi - sauf que les chartes des jeux prévoient que Mayotte défile sous le drapeau des jeux ; cet arrangement avait été trouvé initialement afin que les Comores acceptent la participation de Mayotte. Or, cette charte n'a pas été modifiée et l'engagement pris envers les Mahorais l'avait été sans concertation internationale préalable. Quand le défilé a eu lieu, la délégation comorienne s'est retirée. Les autres ont hésité et après des négociations compliquées, ils ont accepté de rester. Quant aux athlètes comoriens, une cinquantaine d'entre eux en ont profité pour rester sur le territoire de La Réunion - un grand classique...

Nous avons essayé de faire modifier la charte des jeux, mais sans succès, nous heurtant à une réticence très forte des États membres - moins les Comores que les autres, paradoxalement. Le problème s'est posé à nouveau aux jeux des jeunes qui se sont tenus récemment à Djibouti. Après moult discussions, les Mahorais ont accepté de se conformer au règlement. Cela a été moins compliqué car le drapeau des jeux des jeunes est plus utilisé que celui des jeux des îles.

Nous avions proposé - ce que les Comoriens semblaient accepter - de faire une seule délégation française rassemblant Réunionnais et Mahorais. Cela a d'abord été refusé par les deux départements ; puis les Réunionnais ont accepté, mais les Mahorais ont continué à s'y opposer de façon catégorique, préférant défiler sous le drapeau des jeux des jeunes. Cette difficulté est forte et récurrente. Bien d'autres États sont composés de plusieurs îles et n'ont pourtant qu'une seule délégation. Ils se demandent pourquoi les Français n'y parviennent pas. Nous aurons ce problème pour les jeux des îles l'année prochaine.

Les fédérations sportives, les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports sont d'accord. Ce sont les politiques qui bloquent, et peut-être les opinions publiques... Je crains qu'avec la meilleure volonté du monde, on ne parvienne jamais à faire modifier les chartes et cette solution d'une seule équipe serait plus facilement atteignable. Nous ne sommes pas dans une période particulièrement favorable ces dernières semaines, avec la crise bilatérale forte entre les Comores et la France à propos des Comoriens séjournant irrégulièrement en France.

Je souhaiterais partager avec vous trois idées forces sur ces sujets : d'abord, ce n'est pas en imposant nos propres règles ou décisions qu'on trouvera une solution, mais en négociant. On ne peut pas forcer les choses, cela provoque des réactions épidermiques des autres pays. Ensuite, c'est à nous de proposer de manière concertée des solutions. C'est notre problème, car les autres se satisfont de la solution actuelle. Enfin, la solidarité et la complémentarité ultramarine devraient toujours être recherchées ; or elles n'ont pas été au rendez-vous.

M. Michel Magras, président. - Merci pour votre franchise. Rassurez-vous : la situation dans la Caraïbe est également délicate car la Guadeloupe et la Martinique veulent elles aussi participer aux jeux avec chacune une délégation...

M. Christian Lechervy, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Pacifique. - Merci de votre invitation, qui vient à un moment où l'on peut s'interroger sur l'émergence d'une diplomatie sportive océanienne des territoires français du Pacifique. Les événements sportifs font vibrer les sociétés, galvanisent les fiertés nationales, remplissent les hôtels et marquent les mémoires des participants. Le sport constitue un élément du rayonnement international et océanien de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et du Territoire des îles Wallis et Futuna. Il s'exprime dans des enceintes multilatérales et à l'occasion d'événements intra-régionaux - notamment mélanésiens - océaniens, ou au niveau de l'Asie-Pacifique ou du monde. Il est le fruit des politiques de chaque territoire, des soutiens récurrents de l'État et des mouvements sportifs nationaux ou internationaux.

Dès la fin des années 1950, les puissances tutélaires du Pacifique insulaire ont estimé que le sport pouvait être une voie de rapprochement entre les peuples océaniens et de leur politique de développement. Afin de développer les échanges et les infrastructures sportives du Pacifique, la Communauté du Pacifique, dont le siège est à Nouméa depuis 1947, décida d'instaurer des Jeux du Pacifique sud. Ils devinrent une réalité en 1963 à Fidji. Cette initiative portée par l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la France se tint pour la première fois alors qu'aucun des douze territoires concourant n'étaient encore indépendant.

À mesure que les États océaniens sont devenus indépendants dans la deuxième moitié du XXe siècle, les puissances tutélaires se sont retirées de l'espace des compétitions sportives. Celles-ci sont donc orchestrées selon les règles des États indépendants, y compris pour les territoires non souverains. Les délégations ont commencé à défiler derrière leurs drapeaux et à entonner leurs hymnes. Une affirmation nationale qui s'est imposée également aux territoires non souverains. Si les délégations néocalédoniennes défilent avec le drapeau français, l'hymne joué est « Soyons unis, devenons frères ». De même, la Polynésie française dispose de son drapeau et de son hymne propre, « Ia ora 'o Tahiti Nui ».

Depuis un demi-siècle, l'intégration régionale est incarnée par les Jeux du Pacifique. S'ils se sont succédé dans un premier temps à un rythme irrégulier, ils sont disputés depuis les Jeux de Papeete de 1971 sur un rythme quadriennal. D'abord connus sous le nom de Jeux du Pacifique sud, ils sont devenus depuis 2011 à Nouméa les Jeux du Pacifique. Ce changement de dénomination traduit aussi une lente reconfiguration géopolitique du Pacifique. Aujourd'hui, ce sont 22 États et territoires qui sont autorisés à participer à l'ensemble des épreuves.

À ce régionalisme océanien sont venus s'ajouter des événements ordonnancés au nom des micro-régionalismes. Les distances l'obligent mais aussi les identités politiques. Le Groupe du fer de lance mélanésien (GFLM) - qui a la caractéristique de compter dans ses membres un parti, le Front de libération nationale Kanak et socialiste (FLNKS), ce qui ne simplifie par les choses - a décidé en 2011 de coordonner les politiques sportives de ses membres, d'organiser des jeux mélanésiens et d'inscrire le sport dans sa politique de long terme, le plan de prospérité pour 2038. Les leaders voient dans les pratiques sportives un facteur d'unification communautaire, pour ne pas dire ethno-politique.

Ils le déclinent à travers des compétitions mais aussi par des instruments administratifs comme une charte des jeux de la Mélanésie, à laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été associé. Mais ces ambitions peinent à prendre corps, tout comme les compétitions. Se pose notamment la question de la participation de la partie occidentale de la Papouasie occidentale, sous souveraineté indonésienne.

Une intégration sous-régionale fonctionne : les jeux micronésiens ou MicroGames, qui se tiennent depuis 1969 et sur une base quadriennale depuis 1990. Ils rassemblent des délégations d'États souverains comme Kiribati, Marshall, Nauru, Palaos, des territoires rattachés aux États-Unis comme Guam ou les Mariannes du Nord, mais aussi des athlètes concourant non pas au nom de leur pays mais des territoires constitutifs de celui-ci comme Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Yap pour les États fédérés de Micronésie.

On notera par ailleurs que la géographie « compétitive » ainsi esquissée n'est pas juxtaposée à celle des institutions politiques micronésiennes. Non seulement les compétitions se multiplient, mais aussi les épreuves avec l'introduction de compétitions identitaires, qui valorisent les savoirs traditionnels comme aux MicroGames les jeux all around, comprenant la montée de cocotier, le décorticage de noix de coco, le jet de lance sur noix de coco, la pêche sous-marine ou la plongée - souvent les plus populaires et les moins onéreuses puisqu'elles ne nécessitent pas d'infrastructures spécifiques.

Avec la multiplication des compétitions et des épreuves et les coûts liés aux distances, les États ont eu de plus en plus besoin de soutiens extérieurs sous la forme de dons ou de financements - générant de la dette. Ces aides externes proviennent généralement d'un tout petit nombre de pays, la Chine et Taïwan pour l'essentiel, et malheureusement sans beaucoup se soucier du futur des infrastructures installées, en termes d'entretien ou d'usage. En dépit de ces appuis, les États océaniens peinent à tenir leurs engagements et renoncent de plus en plus souvent devant les échéances ; ainsi les îles Marshall ont-elles renoncé aux MicroGames ou Tonga aux Jeux du Pacifique de 2019. Ces ajustements sont d'autant plus problématiques que des solutions alternatives « immédiates » n'existent pas nécessairement, y compris dans les pays et territoires les plus développés. En juillet 2017 en faisant savoir son refus de se substituer aux Tonga pour les jeux du Pacifique de 2019, la Polynésie française a rappelé que, pour se préparer pour un tel événement, il fallait de quatre à sept ans pour être aux normes ou construire de nouvelles installations - dans son cas, il s'agissait d'augmenter le nombre de couloirs d'athlétisme, de construire un nouveau stade de foot et de rénover une piscine olympique. Au-delà des défaillances d'États, il y a des défaillances sportives ; aux MicroGames, une compétition de voile fut annulée faute de compétiteurs suffisamment nombreux pour remplir le quota.

Si les États et territoires peinent à être des organisateurs fiables, ils ne veulent pas renoncer, même pour les plus petits d'entre eux, à accueillir ces événements. Depuis 1981 de nouvelles compétitions ont vu le jour, tels les Mini-jeux, qui sont disputés tous les quatre ans et permettent aux États et territoires les moins développés d'être des lieux d'accueil - comme Wallis-et-Futuna. Au-delà de la fierté légitime d'accueillir de tels événements, il ne faut pas sous-estimer leur impact macroéconomique : à Wallis-et-Futuna, le secteur de la construction a profité de l'organisation en 2011 des Mini-jeux, et sa crise correspond à la fin de ces jeux.

Les grands événements semblent confisqués par un petit nombre d'acteurs, parmi lesquels nos territoires : 60 % des Jeux du Pacifique ont été organisés par Fidji, la Papouasie Nouvelle Guinée et la Nouvelle-Calédonie. En 55 ans, 46,6 % des épreuves ont été organisées sur les sols américain et français. Une statistique que nous devons garder en mémoire puisque un tiers des jeux organisés jusqu'ici l'ont été en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Un poids d'autant plus prégnant que les territoires français sont de très gros pourvoyeurs de médailles avec 39,4 % des podiums - 27,3 % pour la Nouvelle-Calédonie, 10,1 % pour la Polynésie française et 2 % pour Wallis-et-Futuna. Une domination encore plus perceptible lors des Mini-jeux. Sur les dix occurrences, la Nouvelle-Calédonie a terminé trois fois 1ère, quatre fois 2e, deux fois 3e et la Polynésie française a été trois fois 2e et quatre fois 3e en neuf participations.

Cette domination des territoires français et américains interroge. Certains États se demandent s'il ne faudrait pas adapter les compétitions. L'emprise calédonienne sur les jeux a même été un argument des Îles Salomon pour acquérir les jeux en 2011. Il n'y aura pas de remise en cause formelle de la participation de la Nouvelle-Calédonie, mais des demandes d'adaptation, comme cela a été fait pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Exclus jusqu'en 2015 ils peuvent aujourd'hui concourir, mais seulement dans des disciplines où les autres nations sont aptes à se mesurer à elles : haltérophilie, rugby à sept, Taekwondo et voile.

Le sport est aussi facteur institutionnel d'intégration. Le monde du Pacifique est issu des décolonisations britannique et française, ce qui implique des pratiques différentes selon les cas : dans les anciennes colonies britanniques, c'est le rugby à treize qui est structurant, dans les anciennes colonies françaises, c'est le football. Il existe aussi des points de rencontre parfois étonnants, tel que la pratique, notamment féminine, du cricket en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Les États participent ainsi à d'autres événements intercontinentaux comme les jeux du Commonwealth ou ceux de la Francophonie - ce sera le cas pour la Nouvelle-Calédonie qui vient d'y adhérer - ce qui, compte tenu de la distance, a un coût bien plus élevé.

Cela conduit à s'interroger sur les modèles d'organisation des jeux. Les territoires peuvent vouloir se concentrer sur quelques événements mondiaux plus occasionnels, comme les championnats du monde de pétanque ou de pirogue polynésienne en Polynésie française, la coupe du monde de beach soccer à Tahiti en 2013 - d'autant plus que les Tikis ont été deux fois finalistes en 2015 et 2017 - ou une étape de la coupe du monde de kitesurf freestyle en Nouvelle-Calédonie en décembre 2016.

Concernant les processus purement politiques, les territoires de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française participent aux réunions des ministres des sports du Pacifique, qui permettent de parler des compétitions, mais aussi de lutte contre le dopage - il faudra se pencher sur l'adhésion de la France à l'organisation antidopage océanienne. Il faudrait encourager la coopération entre nos territoires, et faire participer les fédérations de nos territoires dans les fédérations régionales. Or, il y a très peu de fédérations océaniennes ou l'on trouve les trois territoires représentés.

Il ne faut pas oublier la dimension entrepreneuriale : de très petites entreprises fournissent des capacités pour les événements sportifs, non seulement pour les infrastructures, mais aussi par exemple en Polynésie Française pour la construction de pirogues de compétition exportables par voie aérienne à des prix compétitifs. Or même des compétitions d'essence polynésienne, comme le va'a, ont été très largement diffusées au-delà de cet espace. Les derniers championnats du monde à Papeete ont ainsi réuni des équipes d'État océaniens comme le Maroc ou la Turquie... Ces pratiques cherchent leur place dans les fédérations internationales - il y a un certain malaise avec la fédération de canoë-kayak, mais elles sont à la source d'un potentiel non négligeable d'exportation à partir de nos territoires.

M. Michel Magras, président. - Merci pour ce magnifique exposé qui m'interpelle personnellement. En 1963, la France s'est rendu compte qu'elle possédait deux îles au nord de la Guadeloupe qui risquaient de lui échapper, et a créé deux sous-préfectures.

Diplomate, vous nous avez éclairés sur les influences géopolitiques et économiques et les compétitions entre les pays. Lors de notre déplacement dans le Pacifique, notre délégation a été interpellée sur l'influence de la Chine et de Taïwan, qui s'impliquent dans le développement local. Les États-Unis sont revenus dans la région, la France a appris à y retourner, compte tenu de l'importance de la zone économique exclusive (ZEE) et de l'économie bleue.

M. Guillaume Lagrée, chef de mission du droit européen et international au ministère des outre-mer. - La lutte antidopage relève de la sécurité, et donc de la compétence de l'État. Je centrerai mon propos sur la zone Antilles-Guyane, où la question primordiale des visas concerne aussi le sport. Conseiller en droit international, je fais le lien entre le ministère des affaires étrangères, le ministère des outre-mer et les collectivités locales pour les politiques d'insertion régionale. Représentant de l'État, j'ai toujours le souci de la sécurité, en sus du rayonnement de ces territoires. Ces deux injonctions sont contradictoires puisque, pour assurer la sécurité, il faut contrôler les flux et donc instaurer une politique de visas.

La Guyane est le seul territoire français pour lequel un Brésilien doit demander un visa - le flux est moindre vers les autres territoires. C'est devenu un sujet vexant pour les Brésiliens, même si cela n'empêche pas des coopérations. En 2015, lors de la dernière réforme de l'arrêté sur les visas, le consulat a reçu la consigne de regarder avec bienveillance les demandes de certains catégories sociales : artistes, hommes d'affaires, étudiants, chercheurs et sportifs. Les Guyanais jouent au football, et il y a désormais un pont entre la Guyane et le Brésil. La préfecture établit des listes nominatives de personnes pouvant circuler librement entre la Guyane et le Brésil. Le problème est récurrent, et nous en débattrons lors du prochain comité transfrontalier France-Brésil qui se tiendra en juillet à Cayenne.

En raison de la réduction du nombre d'ambassades et de postes consulaires, il n'y a plus de services de délivrance de visas dans certaines îles des Antilles. Ainsi, la Jamaïque - grande puissance sportive des Caraïbes, pays d'Usain Bolt - n'a plus de consulat. Les sportifs voulant se rendre en Guadeloupe doivent demander un visa à Panama... Il existe un système de valise diplomatique géré par une entreprise privée avec une prise des empreintes digitales sécurisée. Le même problème existe dans le Pacifique avec les îles Fidji, nation essentielle du Top 14 de rugby et dont certains ressortissants, naturalisés français, jouent dans le XV de France. Le service consulaire le plus proche est à Vanuatu or, pour un contrat professionnel, il faut un visa de long séjour. Nous avons signalé le problème ; mais je n'ai pas encore eu d'appel de clubs furieux de ne pouvoir accueillir un joueur...

M. Michel Magras, président. - Cette question est centrale, et nous avons été interpellés à ce sujet en Guyane.

M. Guillaume Lagrée. - Mon bureau essaie de régler ces difficultés. Je n'ai jamais entendu parler des jeux d'Amérique centrale et de la Caraïbe et des jeux de la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF) : je suppose qu'il n'y a pas de problème.

Les territoires d'outre-mer sont hors zone Schengen ; il est nécessaire d'obtenir des visas spécifiques pour les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la Nouvelle-Calédonie, pour Wallis-et-Futuna et pour la Polynésie. La Jamaïque n'est pas considérée comme un État fiable pour la zone Schengen, et le seul État européen ayant gardé un service consulaire en Jamaïque est le Royaume-Uni... La solution du service privé de la valise diplomatique coûte plus cher que le service consulaire mais moins cher qu'un double aller-retour Jamaïque-Panama...

M. Michel Magras, président. - Le sujet des visas dépasse le champ sportif mais c'est une vraie question. Nous voulions obtenir l'abrogation de l'arrêté sur les visas, complexe, qui doit être simplifié. Auparavant, pour me rendre aux États-Unis, je devais aller chercher mon visa à la Barbade ! Désormais, il y a la procédure ESTA (Electronic System for Travel Authorization) en ligne.

Depuis que Saint-Barthélemy est une collectivité d'outre-mer, les arrivants sans visa sont renvoyés à Saint-Martin où se trouve le préfet. C'est loin d'être simple. Cela représente un vrai handicap pour le sport, même si les conditions sont assouplies pour la participation des équipes de Guadeloupe et de Martinique dans tous les événements de la Caraïbe. Désormais, l'adhésion des deux îles françaises à l'Association des États de la Caraïbe (AEC) et à l'Association des États de la Caraïbe orientale (AECO) facilite la circulation. L'accès au travail est une compétence transférée à la collectivité alors que la compétence d'accès au territoire relève de l'État.

M. Philippe Vinogradoff, ambassadeur délégué pour le sport. - Je vous remercie de votre invitation, d'autant que l'outre-mer ne relève pas directement de ma compétence. L'ambassadeur pour le sport a un double rôle. Il aide à l'obtention, par la France, de grands événements sportifs internationaux comme les Jeux olympiques (JO) en 2024 ou la coupe du monde de rugby en 2023, et à la maximisation du profit - financier, image, tourisme - tiré de ces grands événements ; et il essaie de placer l'expertise française en matière de grands événements sportifs sur des événements organisés à l'étranger, comme les Jeux olympiques de Tokyo de 2020 ou la coupe du monde de rugby en 2019 au Japon.

L'obtention par la France des Jeux olympiques en 2024 est une opportunité pour la France d'outre-mer. Aussi bien le Comité d'organisation des jeux olympiques (Cojo) que le ministère des sports tiennent à ce que ces jeux soient ceux de toute la France et non de Paris ou de la région parisienne. Toutes les régions, dont les outre-mer, devront bénéficier du souffle de Paris 2024. Plusieurs moyens sont possibles.

J'ai assisté aux jeux de Rio. Des jeux olympiques nécessitent de nombreux volontaires : plusieurs dizaines de milliers de bénévoles seront nécessaires avant, pendant et un peu après les jeux olympiques et paralympiques. Ce programme est central, et il est essentiel que les départements et territoires d'outre-mer ne soient pas oubliés. Nous en sommes aux balbutiements. Le Cojo ne rassemble que 25 personnes actuellement. Mais une convention a déjà été signée entre le Cojo et l'Union nationale du sport scolaire (UNSS).

Autre aspect, nous pouvons aider, les années précédant l'organisation des jeux, les pays n'ayant pas eu beaucoup de médailles. Les départements et territoires d'outre-mer peuvent être des lieux d'accueil et d'entraînement de leurs athlètes. Durant la campagne de candidature de Paris 2024, le comité de candidature s'est rendu dans les Caraïbes et le Pacifique pour proposer que les infrastructures soient mises à la disposition des pays de la région pour préparer les JO. C'est une manière d'intégrer ces régions françaises dans les JO.

Une politique de haut niveau est mise en place à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) pour accueillir des athlètes des départements et territoires d'outre-mer, car le rayonnement de ces espaces passe par de bonnes performances aux JO. La ministre des sports a formulé l'objectif ambitieux de 80 médailles - soit le double de Rio - pour les JO de Paris. Les athlètes d'outre-mer doivent avoir toute leur place dans la formation et l'entraînement à haut niveau.

Il est plus compliqué de créer des bases avancées en outre-mer pour les jeux de Paris, car les délégations ne veulent pas être trop éloignées des lieux de compétition. Mais ces bases avancées peuvent l'être dans le temps pour que les athlètes s'entraînent en amont....

Le Comité international olympique (CIO) a entamé une réflexion sur la limitation des coûts des JO - l'inflation des coûts des événements sportifs est générale. Les compétitions dans les différentes zones doivent attirer l'attention du public et des médias : les droits de retransmission sont fondamentaux. Cela nécessite que les compétitions aient de l'intérêt, et soient en nombre limité et coordonnées. Sinon, leur niveau baisse. Faisons un effort pour coordonner les compétitions régionales. Par exemple, les Jeux de la francophonie ne sont pas coordonnés avec les calendriers sportifs internationaux.

Il reste de nombreux progrès à faire entre le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et les CNO régionaux : le CNO de Nouvelle-Calédonie n'a pas le même statut que celui de la Polynésie, et ils ont différents degrés d'autonomie par rapport au CNO central. Plus les acteurs sont coordonnés, plus la diplomatie sportive est efficace.

Paris 2024 est une opportunité pour remettre de l'ordre, notamment dans la politique de visas. La valise de recueil de données biométriques fait partie des solutions - je n'ose espérer une augmentation du budget du ministère des affaires étrangères pour rouvrir des consulats... La France va accueillir le monde entier, et pas seulement durant les JO. Nous devons accroître notre agilité sans remettre en cause la sécurité. Les JO sont l'occasion d'accélérer certaines politiques publiques et de trouver des solutions pour faciliter la vie des sportifs étrangers et des sportifs d'outre-mer.

M. Michel Magras, président. - Tous les territoires d'outre-mer se demandent comment tirer profit des retombées des JO. La solution de base d'entraînement a été fréquemment évoquée du fait des meilleures conditions climatiques. Des bassins à ciel ouvert sont disponibles en Guyane et en Martinique, alors que ceux de Guadeloupe sont en mauvais état. Le président de la Fédération française de voile, ancien champion olympique, s'entraînait à Saint-Barthélemy sur Tornado.

Le recrutement de volontaires pour les JO est une bonne idée, pensons-y dès maintenant.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Ce sujet du sport en outre-mer est extrêmement important pour chaque territoire - nous l'avons vu pour Mayotte. Vous avez évoqué la solidarité ultramarine, qu'on exhorte continuellement, mais les distances, les vécus culturels sont tellement différents - et je le vois comme hexagonale parachutée dans cette délégation depuis trois ans...

M. Michel Magras, président. - ... avec beaucoup de plaisir !

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Et je souhaite y rester le plus longtemps possible. Cette découverte des outre-mer est extrêmement positive. Il est difficile d'avoir un regard embrassant la totalité des outre-mer. Il y a une convergence des outre-mer avec les problématiques vécues par les sportifs de l'hexagone et des spécificités à respecter. Nous devons travailler ensemble pour bâtir ces solidarités et pour que les populations prennent ces spécificités à bras le corps pour sortir les outre-mer de leur nuit - manque d'équipements sportifs, accompagnement des jeunes via le centre de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) ou l'INSEP. Les difficultés sont nombreuses.

Mme Viviane Malet, rapporteure. - Merci pour ces excellents rapports. C'est notre dernière audition avant celle de la ministre des outre-mer. Vous nous avez fait découvrir une autre facette du sport. Nous avons travaillé sur les sportifs et les ligues, vous nous avez parlé de diplomatie. Les Jeux des îles de l'océan Indien ont lieu tous les quatre ans, les derniers à La Réunion, et on ne perçoit pas tout le travail que vous réalisez pour le rayonnement de la France à travers les océans.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Merci pour la qualité de votre exposé. M. Hallade, arrêtons de jouer au poker menteur sur les modalités de participation des jeunes Mahorais dans les Jeux des îles et les Jeux des jeunes de l'océan Indien. Élus locaux et sportifs se renvoient la balle. Jusqu'à présent, le monde sportif était opposé à une participation conjointe avec nos amis réunionnais : cela poserait des difficultés de composition des équipes, de quotas, de participation, de préparation... Les sportifs des deux îles n'arrivent pas à s'accorder, et je me suis laissé convaincre par ces arguments très précis.

Il est faux de dire que les élus insistent pour une participation autonome des Mahorais avec le drapeau et l'hymne de Mayotte. Modeste représentant des collectivités locales, je n'ai pas à afficher une opinion personnelle différente de celle de ces collectivités que je représente. Organisez une rencontre à Mayotte avec les sportifs et les élus politiques, puis dans un deuxième temps une autre réunion avec nos amis réunionnais pour éclaircir la situation.

J'en ai assez de voir les élus et les sportifs qui se renvoient la balle par commodité. Si les sportifs sont unanimes pour une solution ne posant aucun problème diplomatique, je ne vois aucun obstacle à aller dans ce sens. Les relations entre les Comores et Mayotte sont suffisamment graves pour ne pas contaminer le sport avec ces considérations. Les îles participant à ces jeux ne doivent pas nous prendre pour ce que nous ne sommes pas.

Vous avez repris un argument des Comores, qui ne veulent pas que la France leur impose sa règle. S'il y a des équipes compétentes pour concurrencer d'autres équipes des îles, où est le problème ? Ce sont des jeux des îles et non des pays ! Si chaque île remplit certaines conditions minimales pour y participer, plus il y aura de monde, mieux ce sera. À ce stade, ce sont des arguties qui ne font pas avancer la question de la participation des jeunes Mahorais avec l'hymne et les couleurs de la France. Ne pas y répondre est une manière d'éviter les questions...

M. Michel Magras, président. - Nous avons reçu le CNOS et les présidents de fédérations nationales, et nous nous sommes rendus à l'INSEP pour mesurer l'accueil fait aux ultramarins. Vous êtes incontournables dans ce processus. Nous rendrons un rapport précis sur la jeunesse et le sport dans nos territoires, que nous agrémenterons de préconisations avec, nous l'espérons, des retombées importantes. C'était le cas de nos précédents rapports sur le foncier, dont les préconisations ont été reprises dans la loi sur l'égalité réelle outre-mer, et sur les normes, dont les propositions ont été reprises par la Commission européenne. Nous espérons que notre rapport sur le sport donnera lieu à des améliorations - législatives, réglementaires ou autres. Nous ferons de notre mieux pour que les outre-mer avancent et qu'ils occupent une vraie place dans l'organisation du sport en France.