Jeudi 22 novembre 2018

- Présidence de M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Audition publique, ouverte à la presse, sur le bilan du fonctionnement des algorithmes de la plateforme Parcoursup, dans le prolongement de l'audition publique du 16 novembre 2017 sur les algorithmes au service de l'action publique (le cas du portail Admission Post-Bac)

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Chers amis, chers membres de l'Office parlementaire, je m'adresse aux invités pour leur souhaiter la bienvenue et les remercier du temps qu'ils consacrent à la préparation du travail législatif, puisque l'Office parlementaire a pour objet d'éclairer les travaux de nos commissions et donc de nos plénières respectives.

Je salue Jean-Luc Fugit qui, ce matin, remplace Cédric Villani que je vous prierai d'excuser. Il est retenu au Japon pour un symposium international en matière d'Intelligence artificielle, et nous sommes fiers de savoir qu'il représente peut-être le Parlement, mais surtout les compétences françaises dans ce domaine.

Notre ordre du jour est assez riche puisque nous avons une audition publique sur le bilan du fonctionnement des algorithmes de la plateforme Parcoursup. Nous allons ensuite terminer l'examen de la note scientifique sur les enjeux sanitaires et environnementaux de l'huile de palme que notre collègue, Mme Genetet, avait présentée et qui avait soulevé beaucoup d'intérêt, mais aussi des questions demandant des compléments.

Dans notre rapport de l'an dernier, assorti de conclusions sur le portail d'Admission Post-Bac, nous avions retenu trois axes qui nous paraissaient s'imposer pour son remplaçant. Le premier axe était la nécessité de conserver une responsabilité politique dans la définition des algorithmes publics. Effectivement, l'insertion des candidats bacheliers dans l'enseignement supérieur doit répondre à des préoccupations de politique générale de l'enseignement supérieur et de son accès. Ensuite, l'importance d'améliorer l'information et d'enrichir les compétences des utilisateurs pour qu'ils puissent tirer le meilleur parti de ce que nous pouvions mettre en place. Enfin, c'est un peu l'objet de la réunion de ce matin, l'impératif de garantir une évolutivité sous contrôle.

Nous allons dresser un bilan en demandant aux experts compétents de nous le présenter : d'abord les représentants politiques et administratifs du ministère de l'Enseignement supérieur, puisque nous avons la chance d'avoir M. Philippe Baptiste qui est directeur de cabinet de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les cabinets étant proches du ministre, on peut considérer que M. Baptiste exprimera la politique gouvernementale. M. Jérôme Teillard, lui, est inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), chef du projet Parcoursup et nous dira quel est son bilan et quel est son ressenti.

Nous donnerons ensuite la parole pour une présentation plus technique à deux chercheurs en informatique qui ont suivi la mise en oeuvre du dispositif. Je salue Mme Claire Mathieu qui est directrice de recherche en informatique au CNRS ; elle est accompagnée de M. Hugo Gimbert, également chercheur en informatique au CNRS.

Les utilisateurs administratifs de Parcoursup sont, en premier lieu, les universités. M. Gilles Roussel est président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Il est par ailleurs président de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée... que je traverse quatre fois par semaine pour aller dans la Meuse. Je traverse la ville de Marne-la-Vallée et je regarde l'université avec nostalgie me rappelant mes années d'étudiant, en découvrant une université extrêmement moderne, vivante qui s'est imposée dans le monde universitaire français, pourtant exigeant sur les nouveaux venus. M. Emmanuel Roux est président de la commission juridique de la Conférence des présidents d'université et président de l'université de Nîmes. M. Roux, soyez le bienvenu.

Mme Cécile Lecomte est présidente de la COURROIE et vice-présidente de l'Université de Rennes 1. Le nom COURROIE est une forme d'acronyme pour COnférence Universitaire en Réseau des Responsables de l'Orientation et de l'Insertion professionnelle des Etudiants. C'est un sujet majeur, nous sommes très heureux, Madame Lecomte, que vous ayez pu participer à notre audition de ce matin.

Après vous avoir entendus, nous passerons aux questions, en commençant par celles de Jean-Luc Fugit pour l'Assemblée nationale. Je vais d'ailleurs lui donner la parole tout en précisant que l'audition est diffusée sur internet, en direct et en différé sur le site des assemblées. Elle fait aussi l'objet d'une diffusion Facebook Live, sur la page Facebook de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Luc Fugit, député. - Merci Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais en premier lieu confirmer les excuses de notre premier vice-président, Cédric Villani, qui aurait vraiment souhaité être présent pour mener à son terme le travail engagé à son initiative il y a un an, dans le sens du contrôle parlementaire. Je ferai au mieux pour le suppléer dans cette fonction ce matin.

Je profite aussi de cette introduction pour préciser qu'il ne s'agit pas pour l'OPECST d'évaluer l'ensemble du dispositif Parcoursup, ce qui incombe aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais il s'agit pour nous d'évaluer seulement la partie algorithmique, la question de la publication du code source, et plus généralement le suivi de l'audition d'il y a un an à propos d'APB.

Je rappelle à cet égard que, dans le prolongement de l'audition d'il y a un an, après la publication d'une tribune dans un grand quotidien du soir au début du mois de décembre dernier, proposant une analyse des raisons de l'échec final d'APB et soulignant la responsabilité collective de celui-ci, notre premier vice-président, Cédric Villani, avait déposé un amendement avec l'objectif de traduire les recommandations issues de l'audition publique de l'Office sur la communication du code source du futur dispositif, et sur les modalités nécessaires pour que cette communication soit satisfaisante et utile en permettant un réel contrôle. Cet amendement a été adopté et il est entré en vigueur : il prévoit que la publication de droit du code source devait s'accompagner de la communication du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l'algorithme du traitement, au plus tard six mois après la promulgation de la loi.

En ce qui concerne APB, la transparence avait été très insuffisante, notamment quant à la publication des codes sources. Ce point avait été souligné par le rapport de la mission Etalab qui fait partie de la Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC).

L'un des objectifs de notre audition de ce matin est de s'assurer que la volonté du législateur a été suivie. Dans le contexte de l'enrichissement de la fonction de contrôle et d'évaluation du Parlement, c'est un point symbolique particulièrement important, et l'Office est pleinement ici dans son rôle.

Je crois pouvoir dire qu'en l'espèce, la volonté du Parlement a même été anticipée, ce qui n'est pas si fréquent et ce dont je me félicite, mais laissons les acteurs concernés nous l'expliquer. Je vais formuler d'ores et déjà trois questions. Je le fais avec d'autant plus d'enthousiasme que j'ai été vice-président d'université en charge des questions d'orientation et de réussite de l'insertion professionnelle pendant plus de six ans, en l'espèce à l'université Jean Monnet à Saint-Etienne et je suis également un ancien vice-président de la COURROIE. Je me félicite que la présidente de la COURROIE, Madame Cécile Lecomte, soit présente parmi nous car il faut également avoir le regard des utilisateurs, au plus près du terrain.

La première question que je voulais vous poser pour lancer le débat : la convergence de la procédure peut-elle être accélérée pour éviter un stress parfois trop long pour les élèves en attente de résultats par rapport à leur orientation et évidemment de leurs résultats au bac ?

Deuxième question : des critiques ont-elles été formulées sur les modalités de publication du code source ?

Troisième question : quelles grandes options algorithmiques ont été retenues ? Quels changements avec APB et avec quelles incidences ?

Il y aurait bien d'autres questions, mais avec nos collègues ici présents, nous aurons le loisir de revenir sur les différents sujets.

M. Gérard Longuet, président de l'Office. - Cette légitimité de l'expérience enrichit les travaux de l'Office parlementaire. M. Philippe Baptiste, je vous donne la parole.

M. Philippe Baptiste, directeur de cabinet de la ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. - Merci Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés et sénateurs, je suis très heureux d'être ici, parmi vous.

Quelques éléments de nature plus politique avant de répondre directement aux questions que vous avez posées, puis mes collègues pourront compléter.

Avant toute chose, je vous remercie pour cette audition qui fait suite aux premiers travaux de l'OPECST sur la question des algorithmes publics il y a un peu plus d'un an et qui nous permet de rendre compte des résultats de la première campagne de Parcoursup. Cette réforme de l'accès au premier cycle universitaire a été le fruit d'un travail étroit avec les parlementaires, que ce soit dans le cadre de la préparation de ce qui était à l'époque le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, mais aussi dans celui du contrôle de l'application de ce texte qui est désormais la loi du 8 mars 2018.

Le contrôle parlementaire au sens de sa mission d'évaluation des politiques publiques est un apport vraiment important pour le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. C'est également un aiguillon important pour le gouvernement et l'administration dans la conduite de la procédure Parcoursup et de ses évolutions à venir. J'y reviendrai.

La transformation de l'accès au premier cycle universitaire conduit notamment par la nouvelle procédure nationale de pré-inscription et le déploiement, dès janvier dernier, de Parcoursup ont été engagés en partant de deux constats majeurs sur lesquels je voudrais revenir brièvement.

Le premier constat tient à ce que le système APB n'était plus en mesure de remplir sa mission initiale sans recourir au tirage au sort. L'ampleur de ce tirage au sort a été abondamment discutée, mais il existait et était significatif, ce qui a été très mal ressenti par nos concitoyens et les jeunes bacheliers, en tout premier lieu. De plus, l'algorithme APB n'était pas régi de manière effective par un ensemble cohérent de règles juridiques et législatives notamment et fonctionnait en quelque sorte en état d'apesanteur.

Le deuxième constat : le premier cycle universitaire était jusqu'à présent caractérisé par la permanence d'une forme de sélection par l'échec, qui était tout autant le produit d'une offre limitée ou insuffisante que d'un manque d'accompagnement des nouveaux étudiants dans l'enseignement supérieur.

Le traitement de ces deux points a imposé un travail considérable pour les établissements d'enseignement supérieur, les universités en tout premier lieu, et je tiens vraiment à saluer les efforts réalisés sur le terrain. Nous sommes tous conscients que cela prendra du temps, mais la loi et les dispositifs qui ont été mis en place dépassent très largement la simple question de la plateforme.

Les deux constats qui ont été faits nous avaient conduits à respecter deux exigences dans la construction de Parcoursup : remettre de l'humain dans le système, en particulier dans l'orientation et dans l'affectation, et garantir la transparence de la procédure et des droits des étudiants.

Le code, et les algorithmes de manière générale, sont de formidables outils technologiques que nous devons mettre au service de nos concitoyens. Mais cela doit être fait dans un cadre législatif et réglementaire clair, cohérent et transparent.

L'exercice qui a été mené autour de Parcoursup est, à ce titre, je crois pouvoir le dire, assez remarquable. Concernant la cohérence entre la loi, les dispositifs réglementaires, les spécifications et le code lui-même, tout a été construit de manière simultanée et extrêmement rigoureuse et le code n'est que le prolongement technique de la loi et des dispositifs réglementaires. Nous y avons travaillé méticuleusement et, bien entendu, nous en rendons compte ici.

Parce que Parcoursup n'est pas qu'un algorithme d'affectation mais également une plateforme d'information sur l'orientation, nous avons souhaité mettre à disposition de tous les étudiants des informations détaillées sur les caractéristiques de chaque formation.

Les 13 000 formations référencées sur Parcoursup donnent ainsi des indications claires, non seulement sur leurs contenus mais aussi sur leurs attendus, c'est-à-dire le degré de connaissances et de compétences qui seront considérées comme acquises par les enseignants chercheurs et les enseignants, dès le début de formation, et qui sont donc nécessaires pour réussir cette formation. Cela peut sembler évident, mais il est important d'expliquer aux jeunes qui vont s'inscrire dans une formation ce à quoi ils vont être exposés au cours des premiers mois de la rentrée.

Les critères pris en compte particulièrement par les formations sont également indiqués sur la plateforme, ainsi que les attendus locaux, c'est-à-dire les spécificités territoriales de telle ou telle formation par rapport au cadre national des attendus qui a été arrêté en décembre 2017. Toutes les universités ne sont pas rigoureusement identiques. Elles sont adaptées à leur territoire, à leurs spécificités diverses, à leurs laboratoires de recherche.

Les formations sont enrichies de ces différents éléments et il est normal que l'on puisse s'éloigner ou déroger au cadre national ou plus simplement préciser le cadre national des attendus.

Le corollaire de cet accès généralisé à l'information est le maintien du principe de l'université qui est ouverte à tous. Il n'y a pas de sélection en tant que telle, mais l'appréciation par les établissements de la diversité du public étudiant. Ce principe s'est traduit par la possibilité ouverte dans la loi de subordonner l'autorisation d'inscription d'un étudiant au suivi d'un parcours personnalisé de réussite. C'est ce qu'on appelle communément aujourd'hui les « oui si », c'est-à-dire « oui, je te prends dans ma formation, mais il va falloir que tu suives les premiers mois ou la première année, où les dispositifs sont extrêmement flexibles et divers, un parcours qui te permettra de réussir et de suivre avec succès cette formation. »

C'est seulement lorsque le nombre de voeux exprimés pour une candidature dépasse les capacités d'accueil que les formations peuvent être conduites à ordonner les candidatures. Ainsi, nous avons affiché un certain nombre de critères sur la plateforme pour préciser la cohérence souhaitable du projet du candidat avec les attendus de la formation et c'est sur cette base qu'une formation peut éventuellement être amenée à ne pas prendre tous les candidats. Il y a des limites simplement physiques à l'accueil de tous et donc, bien entendu, on ne peut pas poser comme principe que toute formation doit pouvoir accueillir tous les candidats. Ce n'est simplement pas possible.

Un mot sur l'organisation administrative du travail qui a conduit à la mise en oeuvre de Parcoursup. Une mission générale a été confiée à l'IGAENR et à Jérôme Teillard, ici présent, afin de conduire le projet Parcoursup avec l'appui de l'Institut national polytechnique de Toulouse et les services de la DGESIP, la direction générale de l'enseignement supérieur. Un travail important a été conduit dans chaque établissement, prenant notamment la forme d'un examen des voeux mais aussi de la construction de nouveaux cursus universitaires et de parcours de réussite personnalisés.

À la lumière du travail considérable nécessaire au développement technique de Parcoursup, mais aussi de la mobilisation des enseignants-chercheurs, des enseignants dans les universités, dans l'ensemble des formations, ainsi qu'au lycée pour préparer les dossiers, je voudrais - la ministre l'a déjà dit mais je le répète - adresser un mot de remerciement à tous les personnels d'orientation aussi bien dans les lycées que dans les académies. Une mobilisation absolument remarquable a été réalisée au cours de ces derniers mois. Le système a profondément changé et nous « attaquons » maintenant la deuxième année

Matériellement, la procédure est organisée aujourd'hui en deux phases : une phase principale et une phase complémentaire. En parallèle de ces deux phases, les candidats peuvent solliciter une commission d'accès à l'enseignement supérieur installée auprès du recteur de l'académie, soit parce qu'ils n'ont reçu que des réponses négatives, soit parce qu'ils sont dans une situation personnelle particulière, soit aussi simplement parce qu'ils n'ont pas reçu de réponse à la fin du mois de juin. Ce sont ces commissions qui ont traité les cas délicats et compliqués, pendant tout l'été, et qui ont permis d'affecter l'ensemble des candidats.

La plateforme est ouverte en permanence afin de permettre aux candidats de prendre connaissance, dès le premier trimestre de terminale, des attendus des formations. À partir du mois de janvier, ils peuvent commencer à saisir leurs voeux et constituer leur dossier et cela jusqu'à la fin du mois de mars.

Les capacités d'accueil sont arrêtées par les recteurs après consultation des établissements et sont publiées sur Parcoursup en toute transparence. Les candidats peuvent formuler jusqu'à dix voeux qui ne sont pas hiérarchisés, qui peuvent eux-mêmes contenir un certain nombre de sous-voeux, sans vouloir trop rentrer dans les détails techniques, en tout cas un grand nombre de voeux sont laissés aux candidats et il existe un principe de non-hiérarchisation sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard.

Sur cette question, nous avons fait avec Parcoursup le choix de construire un cadre qui permet un dialogue entre lycéens, professeurs principaux, professionnels de l'orientation et établissements d'enseignement supérieur.

L'orientation, on le sait, est un processus long et qui varie d'un lycée à l'autre. Il faut mobiliser dans les lycées les personnels non seulement de terminale mais aussi des autres classes, et je pense pouvoir dire que le ministre de l'Éducation nationale est lui-même très mobilisé sur cette question. On a constaté que l'ordre des préférences entre les voeux du mois de mars n'est pas forcément le même en avril ou a fortiori en juin. Ce constat a été confirmé par la campagne 2018 et la vocation de Parcoursup est de laisser une grande liberté, le plus longtemps possible, aux lycéens pour choisir, ce que ne permettait pas APB !

Les voeux sont ensuite examinés pendant un peu moins de deux mois par les commissions d'examen des voeux qui sont constituées dans chaque formation. Ces commissions sont placées sous l'autorité du chef d'établissement et elles procèdent, le cas échéant, au classement des candidatures qui est ensuite transmis aux candidats via Parcoursup.

L'algorithme de Parcoursup détermine ainsi l'ordre d'appel des candidats au niveau national. Ce n'est pas un algorithme d'appariement automatique comme l'était APB : il s'agit de permettre aux lycéens de disposer d'un maximum de temps pour se décider.

Cette phase principale d'affectation de Parcoursup se présente comme une vague quotidienne d'appels des candidats au rythme des réponses envoyées chaque jour par les candidats aux établissements via la plateforme. Cette phase d'affectation a évidemment fait l'objet de très nombreuses simulations au ministère, selon plusieurs scénarios, des simulations qui ont été confirmées par la campagne 2018 de manière extrêmement précise. Je salue vraiment le travail de Claire Mathieu et de Hugo Gimbert, présents avec nous ce matin, qui ont permis de « calibrer » la manière dont la campagne allait se passer.

Il ressort de cette campagne que le rythme de convergence est globalement rapide. Avant le début des épreuves du Baccalauréat, nous avions atteint la barre de 80 % des candidats ayant reçu au moins une réponse. À la fin du mois de juillet, nous étions à plus de 97 %, et à partir de cette date, des ajustements ont pu être réalisés via la phase complémentaire de la procédure rectorale pour résoudre les situations les plus complexes.

Les objectifs politiques de la réforme ont donc été atteints et, sur ce plan, les résultats le montrent. Permettez-moi de rappeler quelques données qui montrent, en tout cas d'un certain nombre de points de vue, que Parcoursup a été une vraie réussite : plus de 2,4 millions de propositions ont été faites, 730 000 jeunes en ont reçu au moins une, soit près de 90 % des candidats et 92,2 % des lycéens, puisqu'un certain nombre de candidats n'étaient pas lycéens l'année précédente. Cette proportion atteint 96 % pour les bacheliers généraux.

Je rappelle, s'il en était besoin, que ces pourcentages intègrent les candidats qui ont quitté la plateforme et ceux qui n'étaient plus actifs, c'est-à-dire qui ont changé de projet au cours du printemps et de l'été parce qu'ils ne désiraient plus faire d'études, parce qu'ils souhaitaient rentrer directement dans le monde du travail ou parce qu'ils sont partis faire leurs études à l'étranger.

Parcoursup a offert un plus large choix aux futurs étudiants, 3 propositions par candidat en moyenne, ce qui a conduit plus d'étudiants à accepter une proposition et à s'inscrire effectivement. Ils sont plus de 583 000 au total, soit 27 000 de plus qu'en 2017 avec APB. S'agissant des « oui si », 145 000 parcours de réussite personnalisée ont été proposés via la plateforme.

La nouvelle procédure a également facilité l'accès à l'enseignement supérieur des boursiers, ainsi que des bacheliers professionnels et technologiques. Cette année, nous comptons 21 % de lycéens boursiers dans l'enseignement supérieur et 28 % de plus dans les classes préparatoires parisiennes. Nous comptons également 23 % de bacheliers professionnels en BTS et 19 % de plus de bacheliers technologiques en IUT. Ces chiffres montrent que Parcoursup n'a pas été l'outil de ségrégation sociale que certains ont voulu voir.

Enfin, 65 % de propositions supplémentaires ont été faites par des établissements parisiens aux lycéens de l'académie de Créteil, notamment de Seine-Saint-Denis, afin de rendre à chacun le droit de décider de son avenir, quel que soit son lieu de résidence. Une telle augmentation est très significative.

La ministre s'était engagée à ce que chaque candidat ait une proposition au plus près de ses voeux. Cet engagement a été tenu et à la clôture de la procédure, les commissions rectorales accompagnent encore un peu plus de 900 candidats, dont 60 bacheliers généraux, pour trouver avec eux des solutions. Il faut rapporter évidemment ces chiffres au public initial qui est de 700 000 personnes.

Cela ne veut pas dire que des ajustements techniques ne sont pas nécessaires, bien au contraire. L'amélioration permanente doit devenir une règle, année après année. Sans chercher ni grands bouleversements ni insécurité qui résulterait de l'incertitude d'une évolution trop profonde, un ajustement s'impose, en tout cas dans les années à venir, dans une démarche associant le Parlement.

Je pense par exemple à l'affichage pour chaque formation du rang du dernier candidat retenu l'année précédente, ce qui permettra de donner une idée à chaque élève de l'espoir qu'il peut raisonnablement avoir d'obtenir telle ou telle formation.

Je pense aussi au taux de remplissage des formations sélectives, qui est intervenu un peu tard cette année et qui a suscité des interrogations. Ces améliorations, je le dis très clairement, ne sont qu'une façon de confirmer les principes et les résultats de la réforme. Cela suppose de dresser un diagnostic clair et d'apporter des réponses adaptées et précises aux questions techniques qui se sont posées.

Le calendrier de Parcoursup est sans doute le point majeur d'amélioration auquel il faut s'atteler. La durée de la procédure normale a entretenu un sentiment d'incertitude durant l'été pour les futurs étudiants et leurs familles, en particulier à partir du mois d'août où un certain nombre de cas n'étaient pas réglés et où certains bacheliers attendaient encore dans l'espoir d'avoir une autre formation, alors que le système avait, en fait, déjà convergé et n'évoluait plus beaucoup.

Nous devons accélérer ce calendrier, d'autant plus qu'à la fin du mois de juillet 2018, 97 % des candidats avaient déjà accepté la proposition qu'ils allaient conserver jusqu'à la fin de la procédure. La procédure leur permettait de conserver d'autres voeux parallèlement, mais avec très peu de chances de l'obtenir puisque le système avait convergé.

Nous savons désormais que Parcoursup peut aller plus vite que nos estimations initiales, et la première phase de la procédure devra pouvoir être achevée plus tôt l'an prochain. La date exacte sera fixée prochainement avec l'ensemble du calendrier de la procédure. On peut cependant d'ores et déjà dire qu'à la prochaine rentrée, les futurs étudiants et les formations seront fixés plus tôt en juillet et pourront aborder le mois d'août plus sereinement que cette année. Je sais que cela a été un moment parfois un peu difficile, en particulier pour nos collègues dans les universités, les IUT et les classes préparatoires car cette demande d'inscription au mois d'août était atypique par rapport aux traditions. Nous en sommes bien conscients.

Cela signifie que les inscriptions dans les formations se feront dans le même délai. Cette année, un candidat pouvait s'inscrire dans une formation tout en conservant des voeux en attente. Nous allons évidemment corriger ce point, l'inscription ne devant se faire qu'une fois les voeux en attente retirés.

Je souhaite aussi que ceux des futurs étudiants qui ont une vision très claire de leurs voeux puissent, s'ils le souhaitent et après les résultats du Baccalauréat, définir par avance la réponse qu'ils apporteront aux différentes propositions qui pourraient leur être faites. Ce répondeur automatique sera une nouvelle possibilité ouverte en 2019.

En revanche, il n'y aura pas de retour à la hiérarchisation des voeux en tant qu'outil de traitement de l'affectation. Ce choix politique a été très clairement exprimé par la ministre et par le Gouvernement. La hiérarchisation des voeux est intellectuellement séduisante, mais dans les faits, elle a limité la liberté de choix des candidats qui, à tort ou à raison, limitaient leurs ambitions en hiérarchisant leurs voeux a priori et en ne mettant dans les premières positions que des voeux qu'ils pensaient être certains d'obtenir, même si l'algorithme ne fonctionnait pas comme cela. En tout cas, cette perception était forte.

La hiérarchisation constitue une sorte de biais social, prenant la forme d'une autocensure. Nous pensons que nous luttons contre ce biais social en n'imposant pas la hiérarchisation des voeux dans Parcoursup. Un bachelier peut désormais formuler un voeu qu'il ne pensait pas obtenir, pour « voir » et il peut aussi ce faisant obtenir une réponse positive. Ce n'est pas une hypothèse d'école. À titre d'illustration, le nombre de candidats boursiers ayant reçu une proposition en classe préparatoire à Paris a progressé considérablement cette année.

Afin de progresser dans la lutte contre le sentiment de discrimination parfois exprimé par certains lycéens et pour continuer à lever les freins de l'autocensure, nous travaillons à anonymiser les dossiers pour donner à chaque candidat les garanties maximales d'égalité de traitement.

Ce choix politique est conforté par des analyses techniques. Les données montrent que Parcoursup avait effectivement convergé à la fin du mois de juillet. Hiérarchiser les voeux quelques jours avant, ou juste après les résultats du Baccalauréat, n'aurait eu que des effets marginaux sur les délais de la procédure. Ce n'est donc techniquement pas une vraie option.

La réalité, c'est qu'à l'issue du mois de juillet, le plus grand nombre a d'ores et déjà trouvé leur place dans l'enseignement supérieur. À partir du mois d'août s'ouvre une nouvelle phase de la procédure qui doit répondre à deux impératifs : d'une part, garantir que les places libérées par les 25 000 candidats qui sortent de la procédure durant le mois d'août ne sont pas perdues. Il peut s'agir de candidats qui vont étudier à l'étranger, qui décident de commencer à travailler, qui changent de projet, etc. - cela représente 25 000 personnes rien qu'au mois d'août. Et, d'autre part, accompagner les futurs étudiants qui ne sont pas encore inscrits dans l'enseignement supérieur.

Cette procédure repose également sur un effort inédit du ministère en matière de transparence. C'était une obligation légale issue à juste titre d'un amendement proposé par Cédric Villani en décembre dernier, mais c'était également une obligation politique. Nous avons publié le code source de l'algorithme de Parcoursup avec trois mois d'avance sur le délai prévu par la loi, dans un format ouvert sur une plateforme qui était disponible en ligne.

L'intégralité du code de Parcoursup n'est pas disponible, dans le sens que les accès aux bases de données ou les interfaces homme-machine, etc., qui ne sont pas le coeur algorithmique de l'outil, ne sont pas publiés pour des raisons de sécurité d'accès relativement évidentes. En revanche, le coeur algorithmique est accessible à tous les internautes.

Afin de garantir à plus long terme la transparence de l'ensemble de la procédure, nous avons également mis en place un comité éthique et scientifique chargé de faire des propositions sur ce sujet. Son rapport est attendu dans les prochaines semaines.

Enfin, et je vais en terminer par-là, le législateur a reconnu un nouveau droit aux étudiants, celui de pouvoir prendre connaissance à titre individuel des motifs pédagogiques qui ont justifié une éventuelle décision de refus d'inscription. À ce jour, Parcoursup a suscité très peu de recours contentieux, bien moins que ce que nous avions pu connaître ces dernières années avec APB, ce qui démontre ou participe à la démonstration d'une acceptation de ce nouveau système par les étudiants eux-mêmes. En effet, ce nouveau droit couplé à l'information mise à disposition a priori sur la plateforme confère à Parcoursup un degré de transparence et de contrôle démocratique que nous n'avions pas du tout précédemment.

Nous serons bien entendu ravis de répondre à toutes vos questions.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Nous avons été très satisfaits de votre présentation. Je donne maintenant la parole à Jérôme Teillard, chef du projet Parcoursup au sein de l'administration.

M. Jérôme Teillard, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. - Beaucoup a déjà été dit. Ce qui est extrêmement important, ce sont les deux termes retenus par le Parlement dans le titre de la loi : orientation et réussite, qui changent fondamentalement la donne à la fois dans l'organisation du processus de la plateforme Parcoursup, et dans la manière dont chacun des établissements intervient dans cette procédure.

On entend parler depuis une dizaine d'années de la notion de - 3 / + 3, ce qui vise l'articulation entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. La plateforme APB ne jouait pas ce rôle, et n'avait pas été conçue à cette fin.

La procédure Parcoursup est en revanche appuyée sur un principe d'interaction permanente entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur, avec des outils nouveaux, notamment les « attendus », qui doivent être pris en compte par les enseignants du secondaire et expliqués aux lycéens. Après un échange en conseil de classe, le proviseur peut porter une appréciation sur la capacité de l'élève à réussir au regard de ces attendus et de son accompagnement.

Au-delà de la question de son algorithme, Parcoursup se définit par l'ensemble de ses outils, qui s'inscrivent dans un processus d'accompagnement pour une orientation choisie. Au-delà des mots et des concepts d'orientation subie ou choisie, le défi de Parcoursup consiste à proposer des outils complémentaires de manière à atteindre l'objectif d'un accès de tous à l'enseignement supérieur dans de bonnes conditions de réussite. Pour reprendre les propos de Philippe Baptiste, il s'agit là d'une évolution, voire d'une révolution, qui demande évidemment du temps.

Nous avons interrogé un panel d'utilisateurs pour connaître leur avis sur l'ergonomie de la plateforme, pour leur demander quelles simplifications nous pouvons apporter. Nous devons être à l'écoute des acteurs, proviseurs comme responsables de formation dans les universités.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Nous aurons l'occasion de commenter ce - 3 / + 3 qui est au coeur de la réussite de la formation de nos jeunes, et qui pose de nombreux problèmes pratiques et également d'équité entre les territoires. En tant que sénateur, je suis évidemment sensible à ce sujet.

Vous nous avez donné, Monsieur Baptiste, une vision d'ensemble assez largement partagée d'ailleurs. Monsieur Teillard, vous venez de nous rappeler l'enjeu majeur de l'articulation entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. Je vais demander à Mme Mathieu et à M. Gimbert de bien vouloir témoigner de leur implication en tant qu'informaticiens, en quelque sorte mécaniciens du dispositif.

Mme Claire Mathieu, directrice de recherche en informatique au CNRS. -Quelle était notre mission, à Hugo Gimbert et à moi-même auprès du ministère ?

Nos lettres de mission posaient quelques principes de base. Toutes les formations examinant le dossier de chaque étudiant, elles sont susceptibles de lui proposer de suivre leur cursus. Dans cette perspective, il nous était précisé que le dispositif devait intégrer la possibilité pour chaque étudiant d'obtenir une formation, je cite, « en avançant à un rythme qui lui correspond ». Autrement dit, il s'agissait de ce qu'on appelle les « oui si ». De même, il nous était indiqué, je cite : « Il ne sera plus procédé à un tirage au sort pour départager les candidats ». Et puis, troisième principe important pour nous : « Les voeux ne seront désormais plus systématiquement hiérarchisés, chaque candidat pourra donc désormais avoir plusieurs propositions ». Tel était le cadre qui nous était fixé.

Rappelons le principe de la procédure principale de Parcoursup. Certains ont dit que, comme l'algorithme de Parcoursup ne demandait pas aux candidats de hiérarchiser leurs voeux, il ne tenait pas compte des préférences des étudiants. C'est faux. Le principe de base de Parcoursup, tout comme celui d'APB, repose sur l'algorithme dit des « mariages stables » de David Gale et Lloyd Shapley. Cet algorithme qui a été utilisé pour de nombreuses applications dans divers pays, a été récompensé par un prix Nobel. Il a en particulier des propriétés de stabilité : ni les étudiants, ni les formations n'ont en effet intérêt à faire défection.

Une originalité de Parcoursup tient à ce que le calcul de l'affectation des étudiants se fait au fil de l'eau, à mesure que les candidats répondent aux propositions qui leur sont faites. Ainsi, lorsque Parcoursup a besoin de connaître la préférence d'un candidat, il la lui demande expressément, dans un délai de quelques jours. Lorsque APB avait besoin de connaître cette préférence, au lieu de consulter directement le candidat, il consultait simplement la liste hiérarchisée préfixée que celui-ci avait dû fournir, sans même que le candidat soit informé que l'algorithme avait fait cette démarche.

Certains ont dit que l'algorithme ne fonctionnait pas, car de nombreux candidats ne recevaient aucune proposition répondant à leurs voeux. C'est vrai que quelquefois certains candidats n'ont reçu aucune proposition par l'algorithme. Mais il est inéluctable, dans l'algorithme de Gale - Shapley, que certains candidats restent sans proposition. C'est là une faiblesse structurelle. L'objectif de la procédure principale de Parcoursup consiste à gérer la plus grande partie de l'affectation, le reste de l'affectation étant suivi selon des méthodes annexes, en particulier la procédure complémentaire, puis l'appel à des commissions.

Concrètement, Hugo Gimbert et moi-même avons travaillé sur quatre questions : le temps de convergence ; la question des quotas et de certains taux seuils ou plafonds ; la publication du code source et de l'algorithme ; la gestion des internats des classes préparatoires aux grandes écoles.

S'agissant du temps de convergence, l'algorithme fait des propositions aux candidats au fil de l'eau et doit attendre que les candidats répondent pour avancer. Combien de temps faut-il à l'algorithme pour trouver la solution ? Certains ont dit que l'algorithme de Parcoursup avait mal fonctionné, car tout l'été il a semblé avancer très lentement.

Hugo Gimbert vous montrera les simulations ainsi que le déroulement de la campagne. En réalité, comme l'a dit Philippe Baptiste, l'algorithme avait quasiment convergé fin juillet 2018. Je note cependant qu'il ne faut pas confondre la notion de convergence et la notion de certitude ou d'incertitude : ce n'est pas parce qu'on a la proposition finale qu'on sait qu'il s'agit de la proposition finale.

Concernant les taux minimums de boursiers et d'étudiants hors secteur, fixés par la loi, il a parfois été dit que l'algorithme de Parcoursup opérait des discriminations. En réalité, l'algorithme se contente de prendre le classement des candidats qui lui est proposé par la formation, en prenant en compte le taux de boursiers qui est donné par le rectorat, par exemple 20 %, et il modifie le classement pour appliquer les dispositions de la loi sur ce dernier point. Par exemple, avec un taux minimal de boursiers de 20 %, si les propositions sont faites jusqu'au 10e candidat sur la liste, nous garantissons qu'au moins 2 de ces 10 candidats recevant une proposition sont des candidats boursiers, à supposer bien sûr qu'il y ait suffisamment de candidats boursiers. Une propriété importante de l'algorithme tient à ce que, dans le classement, un candidat boursier ne peut jamais être rétrogradé.

En ce qui concerne les candidats hors secteur, nous avons appliqué le même principe pour respecter la loi, en observant qu'un taux maximum de 15 % de candidats hors secteur revient au même qu'un taux minimum de 85 % de candidats du secteur. On peut donc appliquer la même méthode pour les deux types de taux, simplement avec 85 % pour le second au lieu de 20 %.

Certains ont dit que l'algorithme de Parcoursup était opaque. En ce qui nous concerne, nous avons publié le code source et l'algorithme, en cours de certification. Ceci ne concerne toutefois évidemment pas les méthodes de classement des candidats par les formations elles-mêmes, qui étaient en dehors de notre périmètre de travail.

Avec quelques collègues chercheurs en informatique, en économie et en mathématiques, nous avons formé un groupe de travail informel pour concevoir un algorithme qui gère également les internats des classes préparatoires de façon cohérente.

M. Hugo Gimbert, chercheur en informatique au CNRS. - Claire Mathieu a évoqué la vitesse de convergence ; je vais commencer par vous présenter quelques éléments statistiques au sujet de la campagne 2018, comparant les résultats de la campagne telle qu'elle s'est déroulée et telle que nous l'avions préalablement simulée.

Parcoursup se fonde sur un fonctionnement au fil de l'eau du 22 mai à début septembre, et quotidiennement des propositions sont envoyées aux candidats et des réponses sont faites par les candidats. Dans le cas de la mission auprès du ministère, Claire Mathieu et moi avons été chargés de réaliser des simulations de la campagne 2018 à partir des données disponibles des campagnes APB 2016 et 2017. Ce n'était pas une tâche facile puisqu'il y avait ce changement de fonctionnement, mais on ne partait pas de zéro.

En amont de la campagne 2018, ces simulations ont contribué à calibrer les paramètres cruciaux de la campagne tels que le nombre maximal de voeux par candidat ou encore le délai de réponse accordé aux candidats pour réfléchir avant de répondre, de manière à garantir le bon déroulement de la procédure, et en particulier qu'elle ne soit pas trop lente, ce qui était une inquiétude dont la presse s'était fait l'écho.

Diverses simulations ont été réalisées selon des scénarios plus ou moins optimistes ou pessimistes. Dès le premier jour de la procédure, plus d'un candidat sur deux a reçu une proposition. Ensuite, ce nombre a évolué. À partir de la fin juillet, on voit apparaître un plateau. Presque tous les candidats avaient en fait déjà reçu leur proposition finale. En août, Parcoursup était devenu principalement un outil de gestion des démissions. Il y a de nombreuses démissions dans Parcoursup, 180 000 au total sur 800 000 candidats, soit près d'un candidat sur quatre. En août, la plateforme récupérait la liste des démissions et envoyait les propositions correspondantes à d'autres candidats. Ce plateau en août a donné le sentiment que la procédure était bloquée et que l'algorithme ne fonctionnait pas. En fait, le calcul était terminé et on se contentait de gérer les démissions résiduelles.

Je voudrais maintenant parler du deuxième aspect de la mission qui nous a été confiée à Claire Mathieu et à moi-même, qui est la traduction de certains textes de la loi ORE en algorithme tout d'abord, en code informatique ensuite.

« C'est la loi qui fait le code, et non pas le code qui fait la loi » est le principe de base qui nous a guidés. Pour éclairer la suite de mon propos, je ferai un rapide distinguo entre la notion d'algorithme et celle de code informatique. Un algorithme est le principe même du traitement du calcul à réaliser, il s'agit d'une suite d'instructions à exécuter de manière minutieuse pour aboutir au résultat désiré.

Un algorithme peut être exécuté avec un papier et un crayon, une craie et un tableau, ou un ordinateur. C'est le principe du calcul lui-même. Le code informatique est un texte écrit en langage machine, exécuté par l'ordinateur pour permettre le traitement automatisé de gros volumes de données complexes avec une intervention humaine minimale.

Comme l'a dit Claire Mathieu, dans la traduction du texte législatif en algorithmes, nous nous sommes efforcés, par une traduction directe et simple de la loi, d'obtenir un algorithme simple, compréhensible par les citoyens concernés voire par tous les citoyens eux-mêmes. Cela a nécessité le vote de la loi au préalable, ensuite un dialogue avec les équipes du ministère, en particulier avec les juristes pour s'assurer que l'interprétation algorithmique que l'on faisait des textes correspondait bien à l'esprit du législateur.

Une fois cet algorithme et ce code produits, ils ont été publiés en s'efforçant de suivre les meilleures pratiques possibles sachant que, à ma connaissance, c'est une des premières fois qu'il y a une publication d'un code informatique de l'administration de cette importance.

En premier lieu, nous avons publié le code une semaine avant sa mise en service pour informer a priori et non pas a posteriori.

Le code a été publié comme un logiciel libre sous une licence dite Open source et le choix de la licence s'est réalisé en lien avec Etalab et la DINSIC (direction interministérielle des systèmes d'information).

Ensuite, le code est hébergé en France. Le point d'entrée pour tout un chacun est une page web gérée par une association qui promeut le logiciel libre, et le dépôt a été effectué sur la plateforme Framagit.

Un réel effort pédagogique a été consenti dans le sens où la publication du code source s'est accompagnée de celle d'un document qui présente les algorithmes, explique leur fonctionnement, fournit des exemples d'exécution qui sont compréhensibles par le grand public afin que le code ne soit pas seulement un langage abscons. Le code lui-même est abondamment commenté en français. Il est livré avec des tests, ce qui permet à des programmeurs enthousiastes de faire « tourner » chez eux le code de Parcoursup sans avoir pour autant bien sûr accès aux données de Parcoursup.

Un autre aspect important : la publication sur cette plateforme a également donné lieu à la création d'un espace de discussion et même de contribution autour du code. Des suggestions ont parfois même été faites pour améliorer les commentaires, améliorer la présentation du code, dont certaines ont été mises en oeuvre. L'application du code est ainsi un espace vivant de dialogue où les citoyens peuvent échanger directement avec les concepteurs du code.

Enfin, le troisième volet qui doit faire partie des bonnes pratiques est le fait que dès le début, on a considéré ce code comme du code « critique », c'est-à-dire un code informatique dont la défaillance peut avoir des conséquences dramatiques en termes de coûts. Cela peut être par exemple le code qui gère la sécurité dans les trains, dans les voitures, etc. Le code de Parcoursup fait partie de cette catégorie puisque si on s'était aperçu qu'il y avait un dysfonctionnement à mi-parcours de la campagne, cela aurait été un problème considérable. Cela n'a pas été le cas.

Que faut-il faire face à un code critique ? Il faut dans un premier temps spécifier très précisément ce que l'on attend de l'exécution de l'algorithme, ses propriétés de sorte que l'algorithme garantisse l'équité entre candidats ou l'application des taux fixés par les rectorats ou encore qu'il ne puisse pas arriver à devoir effectuer de division par zéro, ce qui provoquerait immédiatement un arrêt machine.

Deux démarches ont été prévues pour obtenir ces garanties. La première, c'est qu'à l'issue de chaque calcul, on compare les données d'entrée et les données de sortie et on contrôle que les propriétés fixées sont bien vérifiées par le résultat du calcul. Comme le disait Claire Mathieu, on vérifie par exemple qu'un boursier n'a pas été « doublé » par un non-boursier. Une vérification des résultats est faite systématiquement chaque jour par un module de code spécifique.

La deuxième démarche, en cours, est la certification du code, c'est-à-dire l'établissement d'une preuve mathématique que le code est bien le reflet exact de l'algorithme. Ce travail est en cours avec des équipes spécialisées.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Nous vous remercions de ces deux communications tout à fait passionnantes.

M. Philippe Baptiste. - Je pense que le travail qui va de la loi au code en incluant la publication du code, l'utilisation d'un logiciel libre Open source, la vérification, et la certification, est un travail qui a été très rarement mené dans l'administration avec ce degré de transparence et d'exigence. Sans vouloir nous tresser des lauriers, je voudrais féliciter les équipes de développement et les concepteurs. C'est vraiment quelque chose de fondamental dans la République numérique, pour aller de la loi jusqu'au code.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Si vous avez réussi ce que vous souhaitiez réussir, c'est sans doute que vous aviez bien choisi et piloté les personnes qui en étaient responsables.

M. Didier Baichère, député, vice-président. - J'ai une question de néophyte. Puisque vous soulignez que c'est la première fois qu'on va aussi loin dans la publication d'un code, pouvez-vous nous dire s'il y a eu beaucoup de consultations de ce code Open source ?

M. Hugo Gimbert. - Nous avons eu hier la même question de Gérard Berry, professeur au Collège de France et membre de votre Conseil scientifique. Je lui ai répondu qu'il y a eu 200 messages échangés sur la plateforme à propos du code. La plateforme a été « fourchée » (forked) une quinzaine de fois, ce qui signifie que des programmeurs enthousiastes ont créé officiellement une copie du code pour pouvoir travailler dessus. Il y a eu une vingtaine de propositions d'amélioration (merge requests) par des utilisateurs issus du public. Quelques-unes ont été intégrées, celles qui concernaient des améliorations de présentation sans modifier le coeur de l'algorithme, par exemple la demande de commentaires du code en français. Je sais aussi que cela a été utilisé à des fins pédagogiques dans certaines écoles. On peut donc dire qu'il y a une certaine vie autour de la publication de ce code. De ce fait, c'est vraiment intégré dans la sphère publique et de nombreux programmeurs se le sont approprié.

M. Jean-Luc Fugit, député. - Mme Mathieu, M. Gimbert, je voulais vous féliciter à propos de ce que vous nous expliquez. Vous nous avez rappelé quelque chose de simple mais important : c'est la loi qui doit faire le code et non l'inverse. Par ailleurs, vous avez souligné que le code et l'algorithme ont été publiés conformément au texte de la loi en vigueur. Toutefois, sauf erreur de ma part, le texte de loi prévoit aussi la publication du cahier des charges synthétique de Parcoursup. Il me semble que cela n'a pas été fait et je voulais avoir des précisions sur ce point.

M. Philippe Baptiste. - L'échéance se compte en heures et le cahier des charges synthétique sera diffusé sur le site du ministère aujourd'hui ou demain.

M. Bruno Sido, sénateur. - Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas les auteurs de cet algorithme. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'algorithme utilisé, son auteur, ses finalités ?

Mme Claire Mathieu. - Cet algorithme a été utilisé historiquement pour les étudiants en médecine aux États-Unis pour décider où ils allaient faire leur internat. La méthode précédente n'était pas du tout satisfaisante et à partir du moment où cet algorithme a été mis en place, cela s'est bien mieux passé. Il est maintenant utilisé dans de nombreux pays pour décider de l'affectation d'enfants dans des écoles ou d'étudiants dans des universités ou des lycées. Il est utilisé notamment en Israël, au Chili, en Allemagne.

Il y a une propriété qu'on ne souhaite pas pour ces algorithmes, à savoir qu'un candidat se dise : « J'aurais préféré aller dans telle école », et que cette école se dise : « J'aurais préféré prendre tel candidat ». Parce que si les deux se disent qu'ils auraient préféré faire affaire ensemble plutôt que suivre le protocole de mariage stable, dans ce cas ils vont faire défection. Naturellement l'année suivante, l'école ou le candidat risquent de se dire « Je vais fonctionner en dehors de la plateforme parce que je me débrouillerai mieux en dehors ».

Pour que l'algorithme fonctionne bien sur le long terme et soit accepté, il faut une stabilité ; la propriété qu'il n'existe aucune paire qui aurait pu se trouver mieux en faisant affaire ensemble en dehors est garantie par l'algorithme de Gale et Shapley.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je vous propose d'entendre nos invités universitaires pour qu'ils nous donnent leurs points de vue d'utilisateurs.

M. Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. - Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, je vous remercie pour cette invitation. Comme vous l'avez indiqué, nous avons d'un côté la partie algorithmique et les présentations faites m'ont semblé très claires. De notre côté, nous représentons le côté humain qui traite les dossiers.

Je voudrais au préalable rappeler la position de la Conférence des présidents d'université (CPU), favorable à la loi qui fonde Parcoursup. Comme l'a dit Philippe Baptiste, le directeur de cabinet de Mme la ministre, nous souhaitions que soit mis fin au tirage au sort et à la sélection par l'échec ; on retrouve bien ces deux termes dans le nom de la loi : orientation par opposition à tirage au sort et réussite par opposition à échec.

J'ajouterai qu'étant moi-même professeur d'informatique, j'avais aussi alerté sur la nécessité de prendre en compte la criticité du code qui était utilisé ; je pense que les efforts qui ont été faits pour cette campagne ont été véritablement importants.

Commençons par un état des lieux : globalement dans les établissements, cette rentrée se passe bien. Il n'y a pas eu de difficultés majeures, de bogues significatifs du fait de l'algorithme, ni de problèmes liés aux outils qui ont été proposés aux établissements.

Avant d'entrer dans les détails et de vous donner l'impression des utilisateurs dans les établissements, je tenais à remercier l'ensemble des acteurs qui ont contribué à cette réussite. Tout d'abord, les parlementaires, puisqu'il y avait tout même une course contre la montre pour l'adoption de cette loi, et le fait que l'on soit arrivé à un accord en CMP ont été extrêmement importants puisque sinon, il aurait été très difficile pour nous de mettre en oeuvre la loi et de donner les résultats aux étudiants. Merci aussi au gouvernement d'avoir fait le nécessaire pour mettre en oeuvre la loi adoptée.

Je souhaiterais remercier un deuxième acteur essentiel. Comme cela a été dit tout à l'heure, la mobilisation des lycées s'est faite, si j'ose dire, à marche un peu forcée. Il faut constater que ce qui nous a été fourni par les professeurs principaux des lycées était de grande qualité. Je tiens à les remercier publiquement.

Enfin, pour terminer par nous-mêmes, je tiens à remercier l'ensemble des collègues des universités, des écoles, des lycées qui, une fois que les lycées ont donné leurs avis, se sont mis au travail dans des conditions très contraintes dans le cadre d'un processus totalement nouveau, avec une appropriation préalable indispensable d'un certain nombre d'éléments et de règles.

Je ne cache pas que le travail dans les établissements a été important. Il a nécessité de mobiliser des commissions, des jurys, pour classer les candidats. C'était déjà le cas pour de nombreux établissements comme les classes préparatoires aux grandes écoles, les BTS, les IUT, qui procédaient déjà antérieurement à des classements. Ceux qui ont été le plus impactés cette année sont les universitaires responsables de licences, qui n'avaient pas l'habitude de voir un certain nombre de dossiers qui leur ont été transmis cette année et qu'ils ont dû comparer et classer, ce qui a été fait.

Il y a bien eu quelques oppositions, mais de façon très majoritaire dans nos établissements, nos collègues se sont approprié le processus : au-delà des présidents, beaucoup d'entre eux attendaient un changement dans la méthode et APB ne convenant plus, chacun a considéré qu'il devait au moins essayer de voir si ce qui était proposé à sa place améliorait le système. J'en ai fait moi-même les frais puisque j'ai dû procéder au classement pour une commission, ce qui me permet aujourd'hui de vous parler de façon concrète de la façon dont les choses se sont déroulées.

Pour revenir à la question de la sélection, le travail des universités est différent de celui d'une classe préparatoire ou d'un IUT. Pourquoi ? Parce que, dans une université, nous devons classer tous les candidats, ce qui n'est pas le cas dans toutes les filières sélectives. Cela nous a occasionné énormément de travail d'autant qu'il est plus difficile de classer ceux qui sont plutôt en bout de classement que les meilleurs.

Deuxième point : le traitement est humain, comme je l'ai dit en introduction. En effet, il existe une réelle diversité des candidats et de leurs dossiers. Dans l'imaginaire collectif, les candidats qu'on reçoit dans une licence ont un bac général. Si c'est une licence de mathématiques, on va penser qu'on aura quasiment que des bacs S, donc cela pourrait être assez simple et on pourrait imaginer utiliser un algorithme, voire un logiciel implanté permettant de classer ces candidats.

Or ce n'est pas du tout le cas. Il n'y a que 20 % à 30 % d'étudiants dans ces cas-là, le reste des candidats étant soit des candidats en réorientation, soit des candidats venant d'autres bacs, soit des candidats venant de l'étranger. Les commissions que nous avons mises en place ont donc été obligées de regarder quasiment au cas par cas ces différentes catégories, voire ces différents individus, pour les classer.

À titre d'exemple, lors du classement de ces voeux, j'ai découvert qu'il existait un bac européen. J'ai été heureux de l'apprendre, mais ne savais trop comment classer ce bac européen par rapport à un bac général ? L'humain intervient alors nécessairement, en procédant à des classements fondés sur des appréciations prenant en compte des notes, le parcours de l'étudiant, les lettres de motivation des candidats,...

L'outil peut probablement être amélioré, notamment certains aspects d'ergonomie, de production de données. Mais nous avons été globalement en mesure de procéder à ces classements malgré un délai contraint.

Nous sommes tout à fait en accord avec ce qui a été proposé par la ministre en termes d'améliorations de Parcoursup pour l'an prochain. Il est essentiel d'arrêter la procédure fin juillet, d'autant qu'il a été constaté dans les établissements que les classements avaient très peu évolué pendant la période du mois d'août.

Outre le stress des étudiants et la question pour les familles de savoir où l'élève va étudier à la rentrée, se pose aussi la question de l'organisation du côté des établissements. Je m'en suis entretenu avec le président de la CDEFI (Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs). C'est là vraiment un point essentiel. Il faut essayer de faire en sorte d'avoir des informations beaucoup plus tôt.

A été évoquée également l'idée d'un répondeur automatique qui permettrait de diminuer un peu le stress pour les familles qui attendaient des résultats par téléphone et avaient peur de manquer les appels. Il y a eu heureusement peu de ratés, mais dans quelques cas d'urgence, il a fallu appeler le recteur pour réinsérer les étudiants dans le classement. Je pense qu'il faudra continuer à le faire mais l'idée d'un répondeur automatique va dans le bon sens.

Nous nous étions déjà exprimés en tant que présidents d'université sur la question du classement des voeux. Nous n'étions pas favorables au classement trop tôt dans l'année scolaire parce que les élèves peuvent faire alors des choix qui évoluent au cours de la période qui va de mars à juillet. Il faut respecter une période de maturation des choix d'orientation. Je voudrais donner pour preuve de l'intérêt de ne pas classer les voeux le fait que cette année, quasiment tous les étudiants qui avaient validé un voeu dans nos filières sur la plateforme Parcoursup ont transformé cette validation en une inscription effective. Avec APB, environ 10 % des élèves choisissaient l'université, mais sans s'y inscrire effectivement, ce qui prouve bien que laisser aux élèves le temps de « maturer » permet de préciser leurs voeux et d'affirmer des choix plus solides.

Au-delà, la vraie question n'est pas algorithmique : c'est celle de l'appropriation de l'outil, comme l'a dit tout à l'heure Jérôme Teillard, et celle du dialogue entre lycées et universités.

Emmanuel Roux va maintenant vous donner des éléments complémentaires, juridiques en particulier.

M. Emmanuel Roux, président de la commission juridique de la CPU, président de l'Université de Nîmes. - J'interviens ici en tant que président de la commission juridique de la Conférence des présidents d'université, mais également avec mon oeil de président d'une petite université de région, avec un retour assez pratique par exemple sur la participation aux commissions d'examen des voeux.

En préambule, je voudrais revenir sur le fait - cela a été indiqué tout à l'heure par Philippe Baptiste - que Parcoursup s'appuie sur une procédure beaucoup plus encadrée qu'APB, qui, dans certains cas de figure, procédait à un tirage au sort illégal. Pendant des années, APB a porté des décisions qui n'avaient pas de base légale. Cela a été dit très clairement.

Le premier constat en terme d'organisation est que nous avons été guidés pendant toute la durée de la procédure à la fois par le ministère de l'Enseignement supérieur, par la direction générale de l'enseignement supérieur, par les chancelleries qui ont accompagné, alimenté la réflexion et qui ont produit systématiquement des notes. Nous n'avons jamais été laissés à l'aventure et cela a permis d'encadrer le processus qui s'inscrit dans une logique de transparence.

Je voudrais rappeler la façon dont les choses se sont passées au sein des établissements : au-delà de la vision nationale, les établissements en interne ont dû s'organiser pour produire des classements qui ont été peu contestés. Pour rappeler rapidement la chronologie, le processus a démarré en 2017-2018 par le vote par les conseils d'administration des universités entre décembre et janvier, de deux dispositions : d'abord les « attendus », définis à un niveau national, mais déclinés par les conférences disciplinaires, les conférences des doyens de droit, de médecine, de toutes les disciplines, qui se sont réunies pour dire quelles étaient les conditions a priori pour entrer en première année de la licence correspondante. De la même façon, les capacités d'accueil par licence ont été fixées au même stade, de la manière la plus publique et la plus « démocratique » qui soit.

Dans un deuxième temps, fin mars-début avril, il a fallu constituer au sein des établissements des commissions d'examen des voeux de la façon la plus ouverte et transparente possible, par arrêté du chef d'établissement qui a désigné, pour chaque licence, au moins deux enseignants-chercheurs pour y siéger. Ces commissions ont eu pour mission de décliner les attendus votés par le conseil d'administration de l'université et d'utiliser l'outil Parcoursup en paramétrant l'outil d'aide à la décision qui a permis de hiérarchiser les propositions qui nous sont arrivées via les voeux exprimés dans Parcoursup, et d'en établir une pré-liste.

Il y a eu beaucoup de discussions et de débats sur ce point, avec une confusion de la part de certains qui pensaient qu'une espèce de sous-algorithme de Parcoursup devait être appliquée alors que, en réalité, il ne s'agissait pour les commissions d'examen des voeux que de classer un certain nombre de paramètres pour définir un pré-classement des dossiers suivant une liste, ensuite « retravaillée » par chaque commission d'examen des voeux au regard d'un certain nombre de critères qui ne pouvaient pas être pris en compte de façon automatique : par exemple, la lettre de motivation, qui a pu servir pour déterminer si le candidat devait être inscrit en « oui » tout court ou en « oui si », c'est-à-dire en assortissant la première année de licence d'un certain nombre de modules complémentaires.

Il s'agit là du coeur même du travail des commissions d'examen des voeux, en fait un travail de jury d'examen. Cela est tout à fait normal et le législateur a reconnu à ce moment-là le « secret du délibéré » de ces commissions. Cela a donné lieu à nombre de polémiques, alors qu'il s'agit bien d'un travail de jury d'examen et non pas d'un paramétrage algorithmique automatique, ce qui aurait été impossible.

À l'issue de ce travail, les commissions d'examen des voeux ont produit des listes de classement d'accès à la licence, qui ont été ensuite revues par les chancelleries au regard de paramètres dont nous ne disposions pas alors, c'est-à-dire les quotas d'accès pour les boursiers et pour les candidats de l'académie. Il convient de souligner que, de ce fait, les listes produites par les universités n'étaient pas celles qui ont été en fin de compte données sur Parcoursup. À cet égard, s'agissant des améliorations encore possibles, il y a lieu d'évoquer l'idée d'anticiper le dialogue en amont avec les chancelleries, de façon à ce que les universités soient informées en amont des paramètres qui conduiront à ouvrir plus ou moins telles formations à des candidats hors académie.

À partir du 22 mai, des propositions ont été déposées sur Parcoursup et les élèves de terminale ont pu exprimer leurs choix. Cette première phase s'est interrompue pendant le bac, elle a été ensuite rouverte le 26 juin pour la seconde partie, qui s'est déroulée au fil de l'eau pendant tout l'été jusqu'au 6 septembre, date à laquelle Parcoursup a été fermé pour les universités. Pendant tout l'été, des demandes complémentaires ont pu être faites par des élèves qui n'avaient pas forcément obtenu les propositions qu'ils voulaient ou qui n'en avaient pas eu du tout.

Ainsi que Gilles Roussel l'a dit tout à l'heure, le délai était sans doute trop long. Le mois d'août a imposé de mobiliser de nombreux collègues car il fallait à chaque fois, par parallélisme des formes, que les commissions se réunissent en urgence dès qu'un dossier arrivait pour décider s'il devait être pris. Qu'il ait été décidé que la procédure s'arrêterait à la fin du mois de juillet est donc une excellente nouvelle.

Une fois le processus achevé, les chanceliers des universités ont pu « reprendre la main » durant tout le mois de septembre pour les étudiants sans affectation, et à partir du 7 septembre les universités ont pu être saisies, conformément à la loi, des demandes des étudiants souhaitant connaître les raisons justifiant la proposition de classement dans tel ou tel type de licence qui leur avait été faite.

Pour conclure par un constat, j'ai eu de récents échanges avec un certain nombre de réseaux, en particulier la présidente du réseau Jurisup, qui est la « tour de contrôle » des contentieux universitaires en France. À ce jour, il y aurait moins de dix contentieux concernant Parcoursup, et quasiment aucune demande de motivation de la part des étudiants. Le délai contentieux est maintenant dépassé. Cette situation est très différente du cas d'APB, pour lequel les recours contentieux étaient très nombreux.

Cela démontre que le dispositif a fonctionné et que la polémique que certains ont voulu alimenter, y compris sur le terrain juridique, était stérile. Le dispositif est évidemment perfectible, en tout cas du point de vue purement juridique et également du point de vue d'un chef d'établissement d'une petite université de région. Mais je crois pouvoir dire qu'il a néanmoins très bien fonctionné. Je vous remercie.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Très grand merci pour votre intervention, plutôt rassurante, notamment sur le fait que les usagers ne se plaignent pas.

Mme Cécile Lecomte, vice-présidente de l'Université de Rennes 1, présidente de la COnférence Universitaire en Réseau des Responsables de l'Orientation et de l'Insertion Professionnelle des Etudiants (COURROIE). - Je vous remercie d'avoir pensé à inviter la COURROIE. Nous représentons l'ensemble des acteurs de l'orientation et de l'insertion professionnelle de l'ensemble des universités françaises. Nous sommes très honorés d'être entendus ici aujourd'hui, ce qui montre l'importance accordée à la phase de l'orientation.

De notre point de vue, Parcoursup et son environnement marquent une évolution extrêmement positive. C'est fondamental pour nous, car c'est un vrai levier.

Alors qu'APB n'était essentiellement qu'un outil d'affectation, Parcoursup a aidé non seulement les élèves, mais aussi toutes les équipes qui accompagnent les élèves, dans une démarche faisant beaucoup plus de place à l'orientation. C'est fondamental, et je crois que la réussite du dispositif vient de là. Nous avons vu une formidable accélération des relations entre les équipes de lycées et les universitaires, aussi bien les enseignants, les professeurs principaux de terminale puisque l'an dernier ils étaient les premiers au coeur de l'action, que les chefs d'établissement et les autres professeurs, puis les psychologues de l'Éducation nationale et, à l'université, les enseignants-chercheurs et les conseillers d'orientation et d'insertion professionnelle.

Toutes ces équipes sont en train de trouver des moyens d'oeuvrer ensemble à l'accompagnement des élèves. Après une dizaine d'années de travail ensemble, nous sommes en passe d'accéder à un échelon supérieur dans une collaboration dans l'intérêt des jeunes. C'est certes chronophage, car nous passons beaucoup de temps en réunion de travail, mais tant mieux.

J'évoquerais un autre élément important : aujourd'hui, les candidats doivent remplir un projet de formation motivé dans Parcoursup et justifier leur volonté d'intégrer telle ou telle formation au vu des attendus de la formation. Ce n'est pas un exercice facile et cela devrait certainement être anticipé en classe de première, mais aussi, à la lumière de la réforme du lycée, aujourd'hui en classe de seconde.

Un autre aspect concerne le rapprochement entre les équipes : sur la fameuse fiche sur laquelle les professeurs pourront émettre des avis quant aux compétences acquises par les élèves, le chef d'établissement émettra également un avis sur la cohérence du voeu en fonction du profil de l'élève. Ces fiches dites « avenir » constituent un formidable levier d'interaction.

Si les élèves sont mieux accompagnés, les voeux qu'ils émettront sur Parcoursup correspondront mieux à leur réalité, à leur profil, à leur ambition, et la réussite dans les étapes ultérieures, en fin de première ou de deuxième année de licence, en sera améliorée, de même que, in fine, leur insertion professionnelle.

Gilles Roussel évoquait le fonctionnement des commissions d'examen des voeux et le travail considérable qui a été fait par nos collègues dans les universités. Ils nous disent qu'ils ont pris conscience pour la première fois de qui étaient les candidats. Les enseignants et enseignants-chercheurs dont je fais partie, voyaient jusqu'à présent arriver 500 ou 600 étudiants dans les amphis le jour de la rentrée. Ils savaient qu'ils avaient tous le bac, mais c'est tout. Aujourd'hui, on les connaît mieux. Cela induira une évolution positive dans la pédagogie des premières années en particulier.

Au-delà de ce constat positif, plusieurs points restent cependant susceptibles d'améliorations, certaines difficultés rencontrées résultant cependant du fait qu'il s'agissait de la première année. Lorsqu'on découvre un nouvel outil au fil de l'eau, cela peut conduire à des problèmes qui disparaissent l'année suivante.

En ce qui concerne la hiérarchisation des voeux, il demeure des débats intenses. Il me semble que l'on peut voir ce sujet de deux manières différentes. La hiérarchisation telle que nous l'entendons dans un parcours d'orientation est quelque chose de fondamental. La hiérarchisation, c'est savoir faire des choix. On doit amener les élèves à apprendre à faire des choix. Parallèlement, Parcoursup est un outil élaboré pour d'autres fonctions. Il faut clairement distinguer la nécessaire hiérarchisation inhérente à la démarche des candidats et le fait de la figer au 31 mars ou pas dans l'application informatique. Or le fait d'avoir beaucoup communiqué sur cette non-hiérarchisation a eu un effet négatif. De nombreux lycéens se sont dit : puisqu'il n'y a plus de hiérarchisation, je ne réfléchis pas à mon ordre de préférence. On a eu d'assez nombreux cas d'étudiants qui avaient répondu « oui » à une proposition, mais qui n'avaient pas suffisamment anticipé et qui étaient perdus et angoissés. Ces candidats pris de panique ont certainement gardé inutilement des voeux en attente, ce qui pourrait être évité par une réflexion préalable.

Le mois d'août a donné lieu à une période de flottement. Il y a une grande différence entre la procédure normale avec toutes les commissions d'examen des voeux, et la procédure complémentaire au fil de l'eau. Le fait est que ces deux périodes se sont souvent chevauchées cette année. Nous avons bien entendu, c'est une très bonne nouvelle, qu'il y aura dans la nouvelle campagne plus de distinction entre la phase normale et la phase complémentaire.

Comme le disait Gérard Roussel, classer comme cette année tous les dossiers de demande de licence générale a constitué un travail titanesque, mais c'était aussi la première fois qu'une équipe pédagogique pouvait envoyer un « message » aux candidats. S'il y a 3 000 dossiers et que l'étudiant est classé 2 800e, cela devrait normalement lui permettre de comprendre que, a priori, son profil ne correspond pas tout à fait aux critères de réussite dans cette formation. Les candidats peuvent utiliser ce classement pour mieux comprendre leur positionnement par rapport à la formation, même si dans la plupart des universités, si on exclut l'Île-de-France, on a pris tout le monde dans toutes les formations.

Le dernier point qui nous tient particulièrement à coeur est la question des candidats en réorientation, c'est-à-dire ceux qui ont entamé une première année, et parfois même deux. Nous sommes attentifs au fait qu'il ne faut pas considérer cette réorientation comme un échec. On l'a dit, l'orientation est un processus qui s'inscrit dans la durée. Changer d'avis à 18 ans est un processus normal, qu'il ne faut pas pénaliser. La première année n'est pas une année d'échec mais de réflexion, c'est une année où les étudiants vont continuer à construire leur projet. Nous souhaitons arriver à valoriser et développer la réflexion qu'ils peuvent mener durant cette première année, qui peut constituer une année de sas. Cette année, dans la première version de Parcoursup, les dossiers des candidats en réorientation étaient moins complets que pour les candidats néo-bacheliers.

Nous nous félicitons, en conclusion, d'avoir une très bonne écoute par l'équipe Parcoursup, avec laquelle nous travaillons régulièrement, et nous savons qu'il y aura encore des améliorations.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - C'était passionnant et dit avec beaucoup de conviction et d'engagement personnel, ce qui est en général une condition du succès.

Je voudrais remercier les uns et les autres, non seulement pour la qualité de leurs témoignages, mais surtout pour la qualité du travail réalisé. On sent qu'il y a une évolution qui réconcilie, vous l'avez dit, les - 3 et les + 3, c'est-à-dire la cohésion entre l'enseignement secondaire et le supérieur, question qui n'avait jamais été vraiment correctement traitée depuis plus de cinquante ans.

La seconde satisfaction pour nous qui avons travaillé à l'Office parlementaire sur l'intelligence artificielle, notamment Cédric Villani, est de nous rendre compte que nous pouvions concilier à la fois la gestion des grands effectifs, avec une approche - vous venez d'en témoigner - beaucoup plus humaine des dossiers.

M. Jean-Luc Fugit, député. - Ayant déjà posé certaines questions auxquelles vous avez d'ailleurs répondu au cours de l'audition, je n'aurai que deux questions complémentaires pour mes collègues des universités - je dis collègues parce que même si je suis aujourd'hui député, donc en situation de disponibilité, je me considère comme faisant encore partie de la grande famille universitaire.

Je voudrais me féliciter de ce qui s'est passé parce que les témoignages que vous venez de nous présenter montrent bien qu'il fallait améliorer la qualité de l'orientation. N'oublions jamais, et je n'aurai de cesse de le répéter, qu'une orientation réussie est le premier facteur de la réussite. Je parle d'une orientation choisie et éclairée et, visiblement, la démarche engagée autour de Parcoursup a permis d'améliorer à la fois l'éclairage qu'on apporte sur l'orientation et sa qualité. On ne peut que s'en féliciter.

Le traitement de si nombreux dossiers, notamment dans les universités et dans certaines filières, n'a pas dû être toujours très simple. Je voulais savoir si ont été mises en oeuvre des démarches plus ou moins « algorithmiques » au niveau local, pour automatiser en partie le traitement de l'ensemble des dossiers.

Deuxième question : y a-t-il aujourd'hui encore des formations qui demeurent hors plateforme ? Est-ce souhaitable ? Qu'est-il prévu en la matière ?

Mme Laure Darcos, sénatrice. - Je suis un peu juge et partie puisque je suis une maman qui a « essuyé les plâtres » de Parcoursup, comme je l'ai déjà dit en audition à la ministre, Mme Vidal.

Je voudrais rappeler en préambule que notre commission des affaires culturelles du Sénat avait trouvé incongru de développer Parcoursup avant de réformer le Baccalauréat et que, bien évidemment, il aurait été, dans l'absolu, souhaitable que cela se fasse dans l'autre sens, car la réforme du Baccalauréat devrait avoir mécaniquement des incidences sur l'orientation de nos futurs bacheliers. Mais le tirage au sort de l'année dernière avait été inadmissible et il fallait réformer APB.

Je voudrais une fois de plus féliciter tous ceux qui ont contribué à cette nouvelle plateforme car il n'y a pas eu de dysfonctionnements notables. En revanche, pour l'avoir pratiquée en tant que mère d'un bachelier, il y a une réelle difficulté - je ne sais pas si c'est algorithmiquement qu'on pourra la résoudre - avec les dispositifs d'orientation, car chercher sur Internet les différentes filières et les différents choix possibles pour établir les dix voeux de chaque lycéen est un véritable casse-tête.

J'ai beaucoup pensé aux nombreuses familles qui ont dû se trouver un peu perdues. Il faudrait élaborer un dispositif permettant des pré-inscriptions afin de faire découvrir de nouvelles filières aux futurs bacheliers. Je ne sais pas qui pourra répondre sur ce sujet, mais il me semble que ce serait une piste intéressante.

J'ai notamment constaté plusieurs lacunes. Par exemple l'année de lycée faite à l'étranger a pu être été comptabilisée comme une année de redoublement. Comme vous le disiez tout à l'heure, certains parcours personnalisés n'ont pas été correctement pris en compte. Ce n'est pas une critique parce que la première année n'est jamais très simple, mais il me paraît essentiel que le fait de passer une année à l'étranger soit vu comme un avantage plutôt que comme l'équivalent d'un redoublement.

Une autre remarque : les professeurs de terminale n'étaient pas assez sensibilisés au fait que leurs appréciations dans les fiches de Parcoursup étaient aussi importantes que les notes. Certains ont fait des appréciations comme ils les auraient écrites sur un bulletin scolaire avec parfois de très bonnes notes, mais des appréciations du type « pourrait mieux faire ». Cela a dû être noté au plan algorithmique comme quelque chose de plutôt négatif. Il faudrait donc faire l'année prochaine une campagne de sensibilisation auprès des professeurs pour que d'une certaine manière, comme cela se fait dans les pays anglo-saxons, les professeurs encouragent leurs élèves au lieu de les pénaliser.

Quant au choix final, je l'ai vu avec les camarades de mon fils, il s'avère très compliqué. Les élèves attendent d'avoir le dernier choix, celui qu'ils souhaitaient vraiment, pour débloquer les autres. Ceux qui attendaient ces choix, débloqués tardivement, ne pouvaient pas non plus se déterminer.

J'ai cru comprendre qu'il n'y aurait pas de nouvelle hiérarchisation, mais que trois choix sur les dix pourraient être mis en exergue. Je ne sais pas comment cela est possible mais il est très important que les familles passent un été serein, en tout cas le mois d'août, et que la plupart des lycéens puissent connaître leur choix définitif fin juillet. C'est important également pour les classes préparatoires.

Notre collègue Pierre Ouzoulias, retenu au Sénat pour un vote, aurait voulu savoir si on va pouvoir rendre publics les algorithmes ou les dispositifs qui ont été mis en place dans les universités.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Pierre Ouzoulias a été parfaitement représenté.

Mme Angèle Préville, sénatrice. - Merci à toutes et à tous de nous avoir fait ces intéressantes présentations.

Je voudrais d'abord demander si on dispose d'un outil de mesure de la satisfaction des élèves et des familles et quelle proportion des élèves a obtenu ce qui aurait été, si le choix avait été hiérarchisé, leur premier voeu, sachant que pour APB, cela représentait plus de la moitié des candidats.

Par ailleurs, est-ce que la logique algorithmique qui a été retenue a permis de remplir les filières sélectives ? Je pense notamment aux classes préparatoires aux grandes écoles. Antérieurement, la sélection se faisait très tôt, dès le printemps. Je l'ai vécu en tant qu'élève : on savait bien avant le bac si on était pris ou pas dans une classe préparatoire aux grandes écoles et laquelle.

Comme l'a mentionné ma collègue Laure Darcos, si ces élèves étaient sélectionnés très vite, cela pourrait débloquer des places pour les autres. À mon humble avis, cela devrait être fait quasiment à la fin du mois de juin. Cela permettrait à beaucoup de candidats de passer un été plus serein.

S'ajoute à cela - je ne sais pas si vous en avez suffisamment tenu compte - qu'il est stressant pour les familles - je l'ai vécu moi aussi pour mes enfants - de passer l'été à chercher à les loger, surtout sans savoir avec certitude dans quelle ville. Il n'est pas possible d'attendre fin août. Les affectations ne se passaient pas ainsi dans le passé. Par ailleurs, quand des familles ont eu une affectation très tôt, elles bénéficient d'une espèce d'avantage par rapport à celles qui l'ont eu beaucoup plus tard, au regard des contraintes de logement des étudiants.

Je me réjouis que les universitaires nous disent avoir maintenant une meilleure connaissance des élèves qui arrivent à la rentrée. Je me dis que la réussite par le passé aurait été certainement meilleure si on s'était plus penché sur cette question et si on avait regardé de plus près quels sont ces élèves qui arrivent dans les universités. Je le déplore parce que j'ai été professeur moi-même.

Je voudrais également émettre quelques réserves. Il faut absolument mieux tenir compte du facteur humain car je sais, pour l'avoir vécu en tant que professeur, que les élèves changent beaucoup entre la sortie du lycée et leur vie d'étudiants. Il faut éviter de trop regarder les appréciations, de juger trop rapidement et de façon trop catégorique les élèves. Il faut y faire attention car ce sont des adultes en devenir qui peuvent se révéler beaucoup plus sérieux une fois dans l'enseignement supérieur.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je vous remercie de vos questions.

Les deux interventions de nos collègues sénatrices étaient d'autant plus intéressantes qu'elles réintroduisaient des appréciations d'usagers. Nous terminons avec Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon, sénateur. - Je ne poserai pas de questions puisque je suis convaincu, comme beaucoup de monde autour de la table, que nous venons de vivre une année d'une expérience assez fascinante où on allie l'intelligence pratique et quotidienne à une intelligence mathématique dont la compréhension échappe à beaucoup d'entre nous, et qu'articuler harmonieusement ces deux aspects me paraît constituer un progrès vertigineux par rapport à tout ce que nous avons connu nous-mêmes.

Avec vous, Monsieur le président, je dois être un des plus anciens ici présents. Nous avons connu des systèmes de sélection qui n'étaient pas exactement ceux-là. D'ailleurs, nous ne serions peut-être pas là si ces systèmes de sélection avaient existé !

Je suis pour ma part frappé par l'état d'esprit positif et constructif que l'on constate depuis le début de cette séance, même si, comme tout nouveau dispositif, celui-ci reste améliorable. Mais nous venons d'une situation qui incluait le tirage au sort, mécanisme le plus aberrant et le plus injuste qui soit. Même si Parcoursup est perfectible, les personnes qui l'ont mis en place sont intelligentes et n'ont qu'une idée, c'est de le rendre encore plus intelligent, plus efficace, plus juste, plus pratique avec des améliorations diverses.

Je vous rappelle que Jules Claretie disait : « Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens d'autant plus sévères qu'ils ne font rien du tout ». Il faut être avec ceux qui font quelque chose pour les accompagner dans leur démarche.

Cette mission est formidable, elle peut nous aider à faire comprendre à nos concitoyens que l'idée n'est pas d'ennuyer leurs enfants ni leurs petits-enfants, mais au contraire de les aider à avoir un parcours encore plus performant et que nous voulons encore l'améliorer. Nous allons tous y travailler car il n'y a pas de clivage politicien sur ce sujet, ce qui est un avantage considérable. Il y aura certes encore des injustices, des erreurs, mais nous avons monté une marche considérable pour l'avenir de l'université, des écoles et des étudiants français. Merci de l'avoir fait avec ce talent.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je partage cet acte de foi.

Mme Émilie Cariou, députée. - Durant tout l'été, dès que j'ai croisé des lycéens ou des parents de lycéens, je leur ai demandé où et comment ils étaient affectés, et dans ces micro-sondages dans ma circonscription mais aussi ailleurs en France, je n'ai rencontré que des personnes satisfaites qui comprenaient l'affectation qui leur avait été proposée.

Je n'ai pas pu suivre le début de l'audition car je siégeais à la commission des finances. J'ai cependant entendu Laure Darcos évoquer le sujet intéressant de la prise en compte des redoublements au lycée. J'aimerais savoir si c'est un facteur discriminant car, à mon sens, cela ne doit pas l'être. Il faut s'attacher à évaluer d'abord la progression des élèves. Nous connaissons tous de très grands hommes qui ont redoublé, mais je pense que certaines familles peuvent refuser de faire redoubler leurs enfants en classe de première alors qu'ils ont besoin de consolider les bases de cette année-là pour mieux réussir en classe terminale. J'appelle à une non-discrimination du redoublement.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Jean-Luc Fugit a posé des questions qui se répartissent entre l'université et le ministère. Nous avons des témoignages plus proches des familles et du ressenti par les familles, celui de Mme Darcos, que je partage, et celui de Mme Préville, qui a avancé l'idée d'un indice de satisfaction et s'est interrogée sur les classes préparatoires aux grandes écoles.

Je voudrais évoquer l'aspect aménagement du territoire : ce n'est pas tout à fait la même chose d'être parent dans une ville universitaire offrant une large gamme d'options universitaires, et dans une ville universitaire plus restreinte. Ce n'est pas désobligeant de dire que Nîmes par exemple n'est pas une ville de tradition universitaire très établie et très importante, même si j'y ai personnellement reçu une excellente formation comme artilleur, ce qui n'a évidemment rien à voir.

Il y a, de mon point de vue, un problème plus grave qui est celui du - 3 / + 3 dans les villes qui ne sont pas universitaires mais qui ont des lycées. Il faut éviter toute rupture ou incompréhension culturelle, à quoi renvoie le sujet des appréciations différentes des élèves par les enseignants du secondaire dans les villes dont les lycées sont tirés vers le haut par la présence d'universités, ne serait-ce d'ailleurs que certains enseignants y sont affectés à la fois dans le supérieur et en lycées, ce qui au demeurant est plutôt positif pour les lycées concernés.

J'ai présidé une région qui s'est efforcée de mieux répartir la place de l'enseignement supérieur sur l'ensemble de son territoire. Je ne pense pas que ce soit une bonne voie. Il vaut mieux que les jeunes se forment dans de vraies universités, avec de vrais professeurs d'université. Cela n'exclut pas des formes intermédiaires, mais cela signifie qu'il faut alors réconcilier les villes qui ne sont pas universitaires avec celles qui le sont, d'autant plus que, comme l'ont dit Mme Préville ou Mme Darcos implicitement, être parent dans une ville qui n'a pas de lycée, c'est déjà compliqué, mais sans université, c'est tout aussi difficile. Il faut en tenir compte notamment dans les calendriers ne serait-ce que parce que les contraintes logistiques diffèrent alors sensiblement.

Première question : qu'en est-il du supérieur privé que je qualifierai de commercial, qui se développe et qui coûte cher aux familles parfois utilement, mais parfois moins utilement ?

Deuxième question : je voudrais savoir comment sont traités les Français qui ont suivi des cours à l'étranger, pas forcément dans des lycées français qui sont d'ailleurs des établissements privés.

Enfin, une question statistique : quel ordre de grandeur représente l'appel au recteur, c'est-à-dire la liste complémentaire ?

M. Philippe Baptiste. - Voilà de très nombreuses questions ! Sur l'aménagement du territoire, point que vous avez mentionné et qui me semble être un enjeu absolument crucial, nous sommes partagés entre deux logiques. L'une consiste à créer, au plus près des jeunes après leur Baccalauréat, une formation de premier cycle de grande qualité partout. Je pense que c'est essentiel. Nous avons constaté au cours des dernières campagnes que la mobilité, c'est compliqué. J'ai encore en mémoire l'exemple d'un bachelier bordelais qui voulait une formation spécifique. Nous n'avions plus de place à Bordeaux, nous lui offrions une bourse de mobilité pour aller à Pau, avec une place dans la cité universitaire, une bourse, etc. Il a répondu au Recteur que ce n'était pas possible parce qu'il n'envisageait la poursuite de ses études qu'à Bordeaux. C'est un déterminant sans doute lié à des questions d'origine sociale mais qui est très fort aujourd'hui. La mobilité dans ce pays ne va pas de soi. Il faut tenir compte de cette réalité et être capable de proposer des formations de premier cycle de très bonne qualité partout.

Nos collègues présidents d'université partagent sans doute le point de vue selon lequel, dès que l'on évoque la recherche, en master comme en doctorat, on sait que la qualité de la recherche et de la formation impose un besoin de concentration dans de très grands sites universitaires. L'ouverture d'antennes universitaires ou d'IUT dans de relativement petites villes coûte cher, dans un contexte budgétaire contraint. Nous pensons qu'il faut proposer localement à tous les bacheliers une formation de qualité proche de chez eux, en particulier dans le premier cycle.

Pour revenir au sujet de la valorisation des expériences et au redoublement, je rappelle que, dans APB, un mécanisme de malus s'appliquait automatiquement aux redoublants, et qu'il a disparu aujourd'hui du système Parcoursup. Pour autant, une marge d'appréciation est laissée aux équipes pédagogiques. Sous le contrôle de Jérôme Teillard, je précise que la question du redoublement n'intervient pas dans l'outil d'aide à la décision.

C'est toute la difficulté, mais aussi toute la richesse du nouveau dispositif que d'arriver à intégrer des profils extraordinairement divers tout en dressant in fine une liste classée unique des candidats. Revenons un instant sur la question de l'outil d'aide à la décision. Croire que l'on parviendra à un outil parfait une fois qu'il aura été paramétré à travers quelques critères rendus publics, qui produira un classement final complet de tous les candidats à une formation donnée est un leurre. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. On peut certes créer des outils d'aide à la décision qui opèrent correctement pour des groupes d'étudiants relativement homogènes, mais le travail des équipes pédagogiques est absolument essentiel in fine.

Le ministère met à la disposition des formations qui le souhaitent un outil d'aide à la décision qui leur permet de rentrer dans ce processus de classement des candidats. Il faut conserver en tête que si environ 25 % des formations ont utilisé cet outil, cela veut dire par a contrario que 75 % des formations ne l'ont pas utilisé. Encore une fois, à ceux qui croient qu'il y a un outil magique plus ou moins caché avec des paramètres plus ou moins honteux qui fait automatiquement les choses dans un coin, je veux dire que ce dont nous parlons n'est qu'un outil d'aide à la décision. La décision n'est pas faite par l'outil, il apporte une aide et la décision revient après aux établissements, aux équipes qui « ont la main » et qui, heureusement d'ailleurs, l'utilisent.

Je dirai un mot - vous m'excuserez de sauter d'un sujet à l'autre - sur la question essentielle du ressenti des familles et, en particulier, du calendrier du mois d'août. Dans les choix opérés pour la première campagne de Parcoursup, nous avions dû travailler seulement sur la base des simulations évoquées par Hugo Gimbert. Aussi avons-nous pris un peu de marge de sécurité et ne pouvions arrêter la procédure trop tôt, pour ne pas prendre le risque que, s'il devait se révéler qu'une difficulté nous avait échappé, la convergence ne suive pas les simulations, mais s'avère plus lente.

Les expériences que nous avons menées cette année et les résultats de la première année montrent que la plupart des résultats des simulations étaient pertinents, et nous constatons donc qu'il est possible d'arrêter le processus plus tôt que cette année.

Prenons par ailleurs l'exemple des classes préparatoires. Des proviseurs sont venus nous voir en nous disant : « je suis à quelques jours de la rentrée et j'ai encore 30 % ou 40 % de candidats qui n'ont pas confirmé définitivement leurs voeux », c'est-à-dire qu'ils sont encore en train d'hésiter. Qu'attendaient ces candidats ? En l'espèce, il s'agissait de classes préparatoires aux grandes écoles. Les candidats avaient dans leur très grande majorité conservé comme voeu Louis-le-Grand ou Sainte-Geneviève (dite « Ginette ») parce qu'ils avaient encore l'espoir de l'obtenir, alors qu'il n'y avait pas de démissions, ce qui était inutile.

Ce point sera normalement corrigé dans la campagne à venir avec un arrêt plus prompt de cette phase principale, dont je ne peux cacher à la représentation nationale qu'elle aurait en effet pu être plus courte.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Cela vous honore.

M. Philippe Baptiste. - Je vous remercie ! Je savais pouvoir attirer ainsi votre attention.

Quel que soit l'outil, 700 000 jeunes sont initialement inclus dans le système. Ne croyons pas que tout sera réglé définitivement fin juillet. Au début du mois de septembre, quelques milliers de candidats seulement n'avaient pas encore trouvé de solution. Quel que soit le système, il existera inéluctablement une tension du fait d'un nombre limité de formations avec des capacités structurellement contingentées en regard de 700 000 candidats avec des profils différents. Dans ces conditions, un peu de frottement résiduel est inévitable.

Pour répondre sur les formations hors plateforme, la loi prévoit le passage de l'ensemble des formations sur Parcoursup dans les deux prochaines années, incluant celle en cours. Dès cette année, nous intégrerons les formations dans les écoles d'infirmières et dans les écoles sociales, les IRTS (Instituts régionaux du travail social), ce qui représente des quantités considérables de places et d'étudiants. Un certain nombre d'écoles d'ingénieurs qui n'étaient pas encore dedans vont basculer, et le reste des formations basculera l'année suivante. Pour être tout à fait transparent, nous avons regardé au cas par cas quelles formations pouvaient basculer rapidement sans pour autant bouleverser complètement leur calendrier de recrutement et celles pour lesquelles il fallait un peu plus de temps. L'essentiel basculera l'année prochaine, le reste l'année suivante.

Les formations supérieures privées sont très variées. Ce sont des formations qui peuvent être de très grande qualité. Je pense en particulier aux formations des établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) qui sont labellisées, connues et très valorisées, et à d'autres qui sont beaucoup plus discutables, qui font miroiter des choses qu'elles ont beaucoup de mal à délivrer, y compris à des familles qui comptent parfois parmi les plus modestes.

C'est un vrai sujet de préoccupation. Ce système est d'une grande complexité car il repose sur des textes parfois très anciens, nombreux, avec des labellisations diverses. Nous progresserons sur ce sujet dans les mois et les années à venir. Ce n'est pas un sujet simple, mais il faut de la lisibilité, de la clarté pour permettre une labellisation de qualité.

Sur un autre point, les recteurs sont le point d'articulation entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. Il leur appartient de fixer à la fois les capacités des formations de première année dans le supérieur, mais aussi les taux de boursiers et les taux de mobilité entre les différents territoires. L'an dernier, le calendrier a pu être un peu rapide. Nous en sommes parfaitement conscients. Le dialogue doit être nourri avec les établissements et je n'imagine pas un seul instant un recteur qui fixerait de manière unilatérale les capacités de formation sans discussions préalables avec les établissements. Je tiens à rassurer pleinement la CPU sur ce point.

S'agissant des territoires, il faut avoir conscience du fait que la difficulté de l'affectation n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire. Il faut bien distinguer l'Île-de-France et le reste des territoires. Même si je caricature évidemment un peu, il est vrai qu'il y a beaucoup plus d'élasticité en dehors de l'Île-de-France. Dans la région parisienne, la demande est très forte et il existe un déséquilibre structurel des formations avec en particulier un déficit de formations courtes professionnalisantes.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - C'est là un vaste sujet. L'Île-de-France connaît certaines rigidités, et en même temps bénéficie d'une plateforme territoriale de 12,5 millions d'habitants avec des transports collectifs structurés et une diversité des offres qui permet aux familles d'appréhender l'enseignement supérieur dans des conditions qui, certes, peuvent parfois s'avérer difficiles, je le concède, mais aussi moins coûteuses que dans la plupart des autres régions de France. En dehors de l'Île-de-France, les jeunes étudiants doivent souvent quitter leur région pour trouver une formation supérieure correspondant à leurs ambitions et à leurs compétences. Si vous avez plusieurs enfants, le problème est multiplié, avec des affectations, des logistiques et des logements différents qui deviennent assez rapidement coûteux.

Mme Cécile Lecomte. - Concernant cette question d'aménagement du territoire, nous sommes évidemment très soucieux de mettre les informations à disposition, de présenter les formations et de rencontrer les familles de la même manière partout en France. Nous passons beaucoup de temps à visiter les lycées les plus éloignés, dans des zones rurales. Mon collègue Jean-Luc Fugit a fait, lui aussi, à ce titre, dans le passé, beaucoup de kilomètres le soir dans des territoires éloignés pour aller à la rencontre des familles. Nous organisons des « portes ouvertes », des immersions dans nos établissements, mais ce n'est pas du tout la même chose que d'aller rencontrer les familles dans les lycées.

M. Gilles Roussel. - Je vais essayer de compléter les réponses de M. le directeur de cabinet sur différents points.

Tout d'abord, sur la question de l'outil d'aide à la décision et le travail des commissions, nous faisons face au fait que, d'un côté, les familles voudraient savoir dès le début quels sont les critères suivant lesquels les candidatures seront classées. Et de l'autre, une fois qu'elles ont connaissance de ces éléments, elles voudraient qu'on n'utilise aucun algorithme pour opérer ce classement.

J'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises avec M. Ouzoulias. Je me permets de le répéter ici publiquement : il n'y a pas d'algorithme local. Nous disposons effectivement d'outils d'aide à la décision, nous pouvons construire des groupes de population sur lesquels nous pouvons utiliser ces outils, qui nous permettent d'obtenir plusieurs classements qu'il faut ensuite interclasser ; il faut ensuite insérer les cas particuliers à l'intérieur de ce classement, et, en dernière étape, on regarde les cas d'ex æquo, pour décider comment les classer tout de même l'un par rapport à l'autre. Mais il n'y a pas d'outil automatique fonctionnant sur la base de critères systématiques.

Il faut en revanche pour faire cela faire oeuvre de pédagogie car on peut facilement avoir l'impression que les dossiers sont simples à classer les uns par rapport aux autres, alors que ce n'est pas forcément le cas. J'ai évoqué tout à l'heure le cas peu fréquent du bac européen. Autre exemple : quand un titulaire d'un bac professionnel postule en licence de physique, comment compare-t-on une note de chaudronnerie à une note de mathématiques d'un bac S ? Peut-on les comparer simplement avec un algorithme ? Non. Il faut une intervention humaine pour savoir comment comparer les dossiers en fonction des appréciations, en fonction du projet du candidat, en fonction d'autres éléments qualitatifs, qui ne peuvent pas entrer dans un algorithme.

Deuxième point sur lequel je souhaitais répondre : comment faire découvrir de nouvelles filières aux candidats ?

Des outils numériques ont été mis en place et des formations en ligne ouvertes à tous (MOOC) ont été développées pour aider les étudiants à se projeter dans leur avenir. On pourrait peut-être réfléchir à des outils d'intelligence artificielle qui puissent faire des propositions aux élèves, en prenant garde au risque d'envoyer tout le monde vers les filières que tout le monde souhaite. Il existe de nombreuses filières moins embouteillées mais méconnues, ainsi que des universités mal connues qui forment pourtant très bien leurs étudiants et qui permettent aux étudiants de se former à des métiers auxquels ils peuvent aspirer avec de bonnes perspectives d'insertion professionnelle.

Je pense, par exemple, à une étudiante qui avait postulé pour une seule filière d'information et de communication, à qui j'avais dit, mais sans succès, qu'une licence de lettres modernes lui permettrait probablement aussi d'accéder aux mêmes métiers de la communication mais avec des bases théoriques plus fortes. Il faut que nous améliorions la connaissance des filières.

Sur la question des années à l'étranger et du redoublement qui pourrait pénaliser les étudiants, je confirme ce qu'a dit M. le directeur de cabinet : il n'y a pas d'élément qui prédétermine leur traitement dans la plateforme. Ces éléments seront pris en compte par les jurys dans l'appréciation et le classement des dossiers. On peut certes imaginer que, face à deux dossiers d'étudiants ayant les mêmes profils, dont un a redoublé mais l'autre pas, on puisse privilégier celui qui n'a pas redoublé. De la même façon, on pourra, dans certains cas, privilégier un étudiant qui aura fait un séjour à l'étranger parce qu'on considérera que cette expérience de l'étranger constitue un « plus », mais, dans d'autres cas, c'est moins important pour la filière. Il demeure que les jurys doivent juger malheureusement parfois sur des éléments assez ténus et pas toujours quantifiables.

L'idée de « remplir » les filières sélectives avant les filières non sélectives doit être étudiée soigneusement, car ce n'est pas si évident. En effet, certains étudiants hésitent entre des filières sélectives et des filières non sélectives et différencier le calendrier des deux types de filière peut être contre-productif. On a vu apparaître dans Parcoursup des cas où des étudiants privilégiaient des filières de licence ou des filières sélectives en université par rapport à des classes préparatoires, ce qui est plutôt nouveau et satisfaisant pour nos universités. Précédemment, les filières sélectives étaient plutôt mises en premier dans l'ordre des voeux. L'idée de faire une pré-hiérarchie des filières dans le temps par rapport au calendrier de choix des étudiants laisserait supposer que les étudiants partagent la même hiérarchie. Or l'objet de Parcoursup est d'éviter la hiérarchisation des voeux aussi longtemps que possible.

S'agissant enfin de la question de l'aménagement du territoire, il existe une réelle difficulté : les universités n'ont pas les moyens d'être présentes sur l'ensemble du territoire. Nous sommes donc confrontés à un dilemme. Est-ce que l'objectif est de se projeter dans tous les territoires en faisant des conventions, en créant des antennes un peu partout, sachant qu'il sera impossible de couvrir tous les territoires ? Je ne suis pas certain que ce soit souhaitable.

En revanche, nous ne disposons pas aujourd'hui de tous les outils nécessaires pour bien accueillir les étudiants. Les Crous font leur travail pour les boursiers, mais la question du logement n'est pas de la compétence des universités pour les étudiants qui ne sont pas boursiers. Nous ne sommes pas capables d'offrir aujourd'hui aux étudiants une offre tout-en-un qui permettrait de dire : « si vous venez à l'université de Marne-la-Vallée, nous pouvons vous fournir un logement à un prix raisonnable ». Or certains étudiants ont connu leur inscription tardivement en août. J'espère que le calendrier sera plus rapide l'année prochaine. Mais en tout cas, les étudiants doivent chercher un logement qu'ils ne sont pas certains de trouver, surtout s'ils viennent de loin.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je ne suis pas certain que nous ayons épuisé le sujet, mais nous avons en revanche épuisé le temps de travail de l'Office sur ce thème. Je vous propose de mettre fin à ce premier point de l'ordre du jour, en remerciant chacun des participants extérieurs qui peuvent, me semble-t-il, retourner dans leurs administrations et leurs structures respectives avec la certitude d'avoir oeuvré utilement pour une mission essentielle et pour laquelle des perspectives d'amélioration sont à la fois encore souhaitables, mais également tout à fait possibles dans un climat favorable.

Parcoursup a établi la certitude qu'on pouvait échapper à la fatalité de l'absurdité du tirage au sort, qui décrédibilisait l'ensemble du système, même si ce tirage au sort était très limité. Parcoursup donne le sentiment d'une conciliation entre la nécessité d'une gestion de masse et la dimension individuelle des dossiers des candidats. Il s'agit d'une bonne base de départ et il convient de remercier les artisans de ce succès. En tant que président de l'Office, c'est le message que je tiens à donner en conclusion de nos travaux de ce matin, sans pour autant dissimuler les problèmes que nous avons identifiés et qu'il faudra réévoquer.

Laissons le système mûrir et disons-en du bien car cela ne peut qu'encourager la bonne volonté et améliorer la confiance des parents et des élèves, sans lesquelles rien ne peut se faire.

Nous allons passer à la partie de notre ordre du jour qui n'est pas ouverte à la presse et j'invite en conséquence ceux qui ne sont pas membres de l'Office à quitter cette salle.

Examen du projet de note scientifique sur les risques sanitaires et environnementaux de l'huile de palme (Mme Anne Genetet, députée, rapporteure)

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Mes chers collègues, il nous faut maintenant donner ou non un imprimatur pour la note scientifique consacrée aux enjeux sanitaires et environnementaux de l'huile de palme.

Le sujet a été abordé lors d'une précédente réunion, et je trouve très honnêtement, chère collègue rapporteure, que votre note, dont nous avons pu lire, avant cette réunion, la version qui nous est soumise aujourd'hui, répond parfaitement aux attentes collégialement exprimées.

Mme Anne Genetet, députée, rapporteure. - Je voudrais rappeler que l'objectif de cette note était strictement scientifique, et non politique. La difficulté que j'ai rencontrée dans ce travail était de disposer de références scientifiques de qualité. Le paradoxe est qu'on a beau rencontrer des chercheurs et les interroger, quand on leur demande de sourcer leurs affirmations, ce n'est pas toujours aussi évident que l'on pourrait s'y attendre.

En tout état de cause, lorsque j'évoque par exemple l'importance de la rentabilité financière ou des rendements, il ne s'agit nullement de porter un jugement de valeur positif, je ne vise que des données et des faits. C'est la stricte réalité scientifique. Cette très forte rentabilité est bien réelle et documentée.

Je rappellerai rapidement que l'huile de palme est un produit qui a des qualités intrinsèques particulières, lesquelles expliquent sa présence forte et croissante dans le monde entier. Là aussi, cela n'est pas un jugement de valeur, mais une réalité. Ses propriétés physiques, chimiques, rhéologiques, font qu'elle a trouvé dans l'alimentation une place qu'aucun autre aliment n'occupait, sauf peut-être le beurre avec sans doute plus de risques pour la santé que l'acide palmitique contenu dans l'huile de palme, pour un coût supérieur, et en plus avec d'éventuels problèmes de disponibilité, qui sont apparus il y a quelque temps.

Les données de rendement sont variables en fonction du type de culture. De plus, cette culture est extrêmement concentrée géographiquement, en particulier sur des zones de forêts primaires qui aujourd'hui ont été détruites. 45 % des plantations actuelles de palmiers à huile se trouvent sur des parcelles de terre qui en 1989 étaient encore des forêts primaires, alors qu'il faut cinq à sept siècles pour les reconstituer. Cette forêt primaire est donc, hélas, quasiment perdue.

En même temps, il faut aussi avoir à l'esprit, pour citer quelques chiffres, que la culture du palmier à huile ne représente que 6,6 % de la surface des oléagineux cultivés dans le monde pour presque 40 % de la production totale d'huile végétale.

Pour résumer la note, j'ai souligné les propriétés de l'huile de palme, et décrit les surfaces utilisées avec de réelles difficultés pour chiffrer, mesurer, avoir des données sourcées sur l'impact environnemental. La dimension environnementale doit être prise au sens large, en prenant en compte les populations locales. On manque d'études publiées sur ces sujets et on voit bien que les pays producteurs n'ont pas les ressources financières pour mettre en place des outils scientifiques de surveillance, d'évaluation, et donc de contrôle. Je pense que nous avons un rôle à jouer en la matière et qu'il faut y réfléchir. Nous y avons un intérêt collectif réel, car les impacts environnementaux sont certains.

J'ajouterai qu'un point a attiré mon attention : la révision de la directive européenne récemment adoptée souhaite prendre en compte le critère du CASI (changement d'affectation des sols indirect), avec une modulation entre impact faible, modéré ou fort. La définition des critères serait fixée en fonction des meilleures données scientifiques disponibles, ce qui me semble assez flou. Une réflexion est à mener sur les critères précis de cette évaluation du changement d'affection des sols indirect.

À titre plus personnel, l'élaboration de cette note m'a fait me poser beaucoup de questions sur la notion de biocarburant qui reste un carburant pour moteur thermique, avec des émissions de dioxyde de carbone. Qu'on y mette 5 %, 10 %, d'huile de palme, d'éthanol, cela ne change pas le fait qu'il s'agit toujours d'un moteur thermique et, à mon avis, cela ne répond fondamentalement pas au problème des émissions de gaz à effet de serre.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - On peut cependant considérer que les biocarburants restituent par définition le CO2 qui a été absorbé pour produire les produits agricoles ajoutés dans le carburant.

M. Jean-Luc Fugit, député. - La lecture de la note m'a enchanté par sa qualité et ses exigences scientifiques. Je voulais publiquement féliciter notre collègue.

S'agissant de la notion de biocarburant et le fait de réémettre le CO2 qui avait été fixé pendant la croissance végétale, on pourrait être un peu provocateur en disant que finalement le bilan est neutre. En réalité, il ne l'est pas parce qu'il y a une différence de cinétiques : d'un côté, il faut de très nombreuses années pour stocker le carbone dans les sols, de l'autre côté, la réémission par combustion est très rapide.

Il faut faire très attention, être très rigoureux et bien regarder les choses du point de vue non pas seulement des bilans globaux, mais bien de la cinétique des différents phénomènes. C'est une remarque à la fois de scientifique, ce que je suis par ma formation et mon parcours, et de quelqu'un de préoccupé par les questions environnementales, en tant que président du Conseil national de l'air.

Mme Angèle Préville, sénatrice. - Je suis entièrement d'accord avec ce qui vient d'être dit parce que ce n'est pas le discours qu'on entend habituellement et que cela mérite d'être dit.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - L'huile de palme s'est développée en Malaisie et en Indonésie parce que la démographie au cours de ce dernier siècle y a été extraordinairement dynamique et que des populations antérieurement non sédentarisées sont devenues importantes, avec une forte croissance qui exige à la fois de répondre au besoin alimentaire, et de développer des voies pour le développement économique, ce à quoi l'huile de palme a répondu. Vu de Bruxelles, il est évidemment légitime de se poser la question de la déforestation des sols, mais il faut aussi prendre en compte le fait que les populations des pays producteurs ont besoin de vivre...

Mme Émilie Cariou, députée. - Je voulais remercier Mme Genetet pour le travail accompli, les échanges que nous avons eus la dernière fois, et la prise en compte des inquiétudes qui avaient été émises. Je continue à considérer que, certes, les pays producteurs ont trouvé dans l'huile de palme un modèle de développement, mais ce que je connais de la Malaisie me laisse à penser que ce n'est un modèle ni de démocratie ni de développement économique équilibré.

Quand on voit les champs de palmiers à huile et comment ces exploitations sont industrialisées, avec la mise en place d'énormes complexes industriels, on se rend compte qu'on a affaire à un modèle de développement déséquilibré qui ne prend pas en compte l'individu. La Malaisie devient une sorte de base arrière de notre développement industriel. Je suis assez inquiète de voir qu'on se sert de ces pays pour asseoir notre développement industriel, au mépris de quantité de sujets, même de principe, comme le respect des droits de l'homme.

Je trouve que cette note alerte bien sur certains dangers, notamment sur la déforestation, mais pas uniquement. Sur les biocarburants, on ne sait pas comment on va se sortir de ces sujets énergétiques puisqu'on trouve toujours beaucoup de défauts à chaque alternative. En tout cas, cette note a le mérite de « mettre les problèmes sur la table » et je vous en remercie.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je propose d'autoriser la publication de cette note en sachant qu'elle n'épuise pas tout le sujet du développement, en particulier celui de l'empreinte carbone importée. Celui-ci est, en France, une réalité qui anéantit une partie importante de nos efforts de décarbonation de l'économie française, parce que la désindustrialisation nous fait importer des matériaux et des biens de pays qui émettent du CO2 sans aucune réserve. De ce fait, nous avons privé nos salariés de certaines perspectives d'emploi, mais en remplaçant ces activités par des importations qui sont certes moins chères, mais qui, sur le plan écologique, peuvent être agressives. Mais nous n'épuiserons pas ce débat à cet instant.

Mme Anne Genetet, députée, rapporteure. - Je voudrais ajouter qu'il faut garder au sein de l'Office une vigilance et une grande exigence par rapport aux données scientifiques et aux faits. Nous savons que de fausses nouvelles, de fausses informations peuvent être diffusées. Sur un sujet comme celui-là, qui est sensible et pour lequel nous avons besoin de données scientifiques, il faut accompagner les chercheurs, les structures existantes sans compromis ni compromission pour obtenir un éclairage de qualité sur nos décisions politiques.

M. Jean-Luc Fugit, député. - J'abonde dans le sens de ce que vient de dire Anne Genetet, j'ai souvent tendance à dire au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale que sur les sujets environnementaux qui nous sont chers, il faut s'appuyer sur la science plutôt que sur les croyances. Cela n'empêche pas d'avoir des convictions dans le sens du progrès, ce qui est mon cas, mais en ayant en tête la formule du célèbre chimiste français Lavoisier, qui est valable pour tous les sujets : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je remercie notre rapporteure de ce travail de qualité, qui permettra à l'Office parlementaire de jouer pleinement son rôle d'outil au service de la connaissance pour nos collègues.

L'Office autorise la publication de la note scientifique n° 7 sur les enjeux sanitaires et environnementaux de l'huile de palme.

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Nous devons, enfin, désigner un membre du conseil d'administration de l'Andra parmi les sénateurs membres de l'Office.

La loi prévoit que deux membres de l'Office sont désignés comme membres du conseil d'administration de l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), un député, en l'espèce Émilie Cariou, ce dont je me réjouis, et un sénateur. J'ai reçu la candidature de Bruno Sido, que je souhaite soutenir en raison de son implication importante dans les activités de l'Office parlementaire et de son intérêt pour la science et l'objectivité scientifique. Il est concerné par l'Andra, au même titre que Mme Cariou et moi-même, puisque le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) se trouve à cheval sur les deux départements de la Haute-Marne et de la Meuse. Il me semble préférable que nous choisissions cette fois un élu Haut-Marnais plutôt qu'un deuxième Meusien puisque nous avons déjà un élu meusien en la personne d'Émilie Cariou. J'ai toute confiance dans l'un et dans l'autre pour représenter les intérêts des populations en général, et de celles concernées plus précisément par ce projet au sein du conseil d'administration de l'Andra, tout en faisant valoir la culture scientifique de l'Office. Notre Office suit déjà les travaux de l'Andra, de la même manière d'ailleurs que ceux de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) dont j'ai reçu le nouveau président lorsqu'il a souhaité se présenter. L'Office est très impliqué dans le suivi du secteur nucléaire, en particulier sous l'angle de la sûreté. Désigner un sénateur et une députée membres de l'Office au conseil d'administration de l'Andra est un excellent moyen de suivre encore mieux les activités si sensibles de cet organisme.

L'Office désigne M. Bruno Sido, sénateur, pour être membre du conseil d'administration de l'Andra.

La séance est levée à 12 heures 45.