Mercredi 5 décembre 2018

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Déplacement d'une délégation de la commission en Russie - Communication

Mme Sophie Primas, présidente. - Une délégation de notre commission, composée de Franck Montaugé, Daniel Laurent, Daniel Gremillet, Cécile Cukierman, Denise Saint-Pé et moi-même, s'est rendue en Russie du 26 au 31 août. J'ai souhaité que nous vous rapportions ce que nous y avons vu et en avons retenu.

La délégation a passé trois jours à Moscou et deux jours à Saint-Pétersbourg. L'objet de la mission consistait à étudier les relations économiques bilatérales entre la Russie, l'Europe, et, singulièrement, la France, sous l'angle de l'agriculture, de l'énergie et de l'industrie.

Nous avons été partout très bien accueillis, en particulier au Conseil de la Fédération de Russie, équivalent du Sénat.

Nous avons tenu une réunion avec son comité politique et économique, sous la présidence de Dmitry Mezentsev, élu de l'île de Sakhaline, dans l'Extrême-Orient russe, personnage truculent, décoré de la légion d'honneur par le Président Jacques Chirac, et très ami avec le président Poncelet.

Quels enseignements en avons-nous retirés ? Tout d'abord, les Russes se considèrent comme un pays et un peuple européens. Ceci est extrêmement ancré dans leur culture et leur façon de voir les choses. À long terme, les échanges de biens et de services que nous entretenons avec eux devraient se développer, bien qu'ils soient aujourd'hui très freinés par les sanctions. Nos relations ont vocation à s'intensifier et la Russie doit nous fournir de l'énergie, accueillir des investisseurs, et nous devons échanger avec elle des produits industriels et agricoles.

Ces relations sont aujourd'hui extrêmement contrariées par les sanctions européennes et américaines liées aux différentes crises internationales, en particulier les crises ukrainienne et syrienne, ainsi que l'affaire Skripal, qui opposent l'Europe et les États-Unis d'une part, à la Russie d'autre part.

Les sanctions remontent à 2014, lors de la crise du Dombass et de la Crimée. Elles se sont aggravées en 2017 au moment de la crise syrienne et de l'affaire Skripal. À ce sujet, certains de nos interlocuteurs considèrent que cet espion russe vivant en Angleterre a eu ce qu'il méritait. Leur lecture est totalement différente de la lecture européenne et mondiale.

Les sanctions occidentales sont bien sûr financières, mais aussi commerciales. En représailles, la Russie a suspendu l'importation de beaucoup de produits, notamment agricoles. Il faut que l'Europe et la France, de ce point de vue, réfléchissent aux conséquences de l'extraterritorialité des sanctions américaines, car les échanges de la Russie avec les États-Unis ne représentent que 5 %, contre 45 % avec l'Union européenne.

Or les entreprises européennes appliquent les sanctions que les États-Unis ont décidées, par crainte de voir se fermer le marché américain.

M. Daniel Gremillet. - Nos interlocuteurs nous ont dit aussi que certains pays européens comme l'Allemagne ou l'Italie, contrairement à la France, tentaient de contourner les sanctions ! Des exportations vers la Russie ont toujours lieu, malgré les sanctions.

Mme Sophie Primas, présidente. - Les sanctions que nous appliquons ne sont en effet pas suivies de la même façon par l'ensemble des pays européens.

M. Daniel Gremillet. - Toutes les banques françaises se sont retirées !

M. Daniel Laurent. - Nous avons pu avoir l'impression d'être les « dindons de la farce » ! Par ailleurs, le commerce entre les Russes et les Chinois s'amplifie.

Les Russes se considèrent comme un peuple européen, mais n'excluent pas du tout, étant donné le blocus et les sanctions, de se tourner vers la Chine. C'est le danger imminent qui nous guette.

Mme Sophie Primas, présidente. - L'économie russe est surtout sensible au prix du pétrole, la rentrée de devises comme la situation de ses finances publiques en dépendent étroitement. Quand le prix du pétrole diminue, le rouble baisse également.

Une économiste francophone qui a travaillé pour l'ambassade de France estime que les sanctions font perdre un point de croissance à l'économie russe. Elles ont donc des répercussions sur leur croissance et leur vitalité économique.

Mais ces sanctions ont aussi des conséquences importantes sur nos échanges agricoles. Nous étions jusqu'alors un exportateur de produits agroalimentaires assez important. Ces exportations se sont totalement effondrées. Certaines se sont complètement arrêtées.

Daniel Gremillet en a été l'une des premières victimes en tant qu'exportateur de produits fromagers. On ne réalise pratiquement plus d'exportations de viande. Depuis 2014, on est à - 90 % sur les fruits et - 70 % sur le lait et les produits laitiers, soit une perte de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires par an pour nos entreprises agroalimentaires. La baisse des exportations agroalimentaires européennes entre 2014 et 2016 représente quant à elle 30 %.

Decathlon, très présent en Russie, a fermé tous les rayons alimentaires de ses magasins. Bpifrance n'accorde plus de garanties aux PME qui veulent s'implanter. Celles-ci rencontrent donc des difficultés pour se financer.

Enfin, en 2017, la Chine est passée devant l'Union européenne pour devenir le premier fournisseur de la Russie. La délégation a, de ce point de vue, bien senti que la Russie basculait vers l'est.

Par ailleurs, la perte de commandes d'Airbus depuis 2014 peut être chiffrée à 8 milliards d'euros. Tous les Airbus livrés à Aeroflot depuis 2016 sont financés par des banques asiatiques, les banques européennes, comme la BNP, ne prêtant plus.

Le projet d'exploitation du gisement pétrolier de Bajenov en Sibérie occidentale par Total et Loukoil est gelé du fait des sanctions américaines contre ce dernier.

Nous avons par ailleurs eu un rendez-vous édifiant avec le ministère de l'agriculture, où la stratégie russe nous a été présentée de façon implacable.

On nous a dit en résumé que Vladimir Poutine avait demandé que l'agriculture assure la sécurité alimentaire sous trois ans et soit capable d'inonder l'Europe de ses exportations dans six ans.

La Russie, en quelques années, a atteint l'autosuffisance alimentaire, sauf en matière de viticulture, de fruits et légumes et de viande bovine, mais ils se sont engagés à y remédier. Les Russes cherchent également à développer un système d'indications géographiques protégées (IGP), ayant bien compris que celles-ci peuvent protéger leurs productions.

Nous avons visité une ferme laitière dans l'Oblast de Saint-Pétersbourg, à Peterhof. Cette ferme de 2 500 vaches compte quatre stabulations et 45 employés sur 3 000 hectares. Ce sovkhoze produit sa propre alimentation pour animaux. Le propriétaire est une société immobilière, qui doit en assurer l'exploitation en contrepartie de l'urbanisation de la zone alentour.

La production laitière s'élève à 120 tonnes par jour, vendues 30 centimes le litre. L'objectif, à l'horizon 2020, est de doubler le cheptel et de développer une fromagerie avec l'aide de l'entreprise d'ingénierie agronomique française Transfaire.

Une unité de sélection génétique est en train d'être construite. Les éleveurs souhaitent en effet cesser d'importer les paillettes d'Europe faute de posséder le matériel génétique suffisant. Ils ont prévu 80 taureaux, 500 embryons par an et une salle de vente aux enchères pour optimiser leur chiffre d'affaires.

Le lait est vendu notamment à Danone, qui est installé pas très loin, toujours dans la banlieue de Saint-Pétersbourg. Nous avons visité l'usine, qui était d'ailleurs à l'arrêt pour maintenance. Elle produit notamment des spécialités laitières conformes aux recettes traditionnelles russes, mais aussi les standards de Danone dans le monde. Ils nous ont démontré qu'ils savaient mettre en oeuvre la sécurité sanitaire exigée par l'entreprise.

En matière d'énergie, la Russie est un partenaire naturel de l'Europe : c'est le premier exportateur et le deuxième producteur de gaz, et le troisième producteur de pétrole du monde. En 2017, 6,2 milliards d'euros sur les 7,2 milliards d'euros que représentent les importations françaises en provenance de Russie sont constitués d'hydrocarbures bruts ou raffinés.

La Russie est le seul pays européen bien doté en hydrocarbures, avec le Royaume-Uni et la Norvège, mais les réserves y sont considérablement plus élevées. Ils ne savent même pas dire aujourd'hui à combien celles-ci s'élèvent tant les nappes sont importantes.

M. Daniel Gremillet. - Les Russes s'amusent beaucoup lorsqu'on leur demande s'ils équipent leurs bâtiments agricoles de panneaux photovoltaïques. Ils considèrent que ce n'est pas leur problème...

Mme Sophie Primas, présidente. - Pas plus que les effluents !

M. Daniel Gremillet. - Ils estiment en effet que leurs réserves sont quasiment inépuisables, alors qu'il y a peu encore, on nous affirmait qu'on allait bientôt parvenir à l'épuisement des ressources fossiles. C'était totalement faux !

La stratégie des Russes consiste à proposer une énergie à bas prix. C'est de ce point de vue qu'il faut considérer le rapprochement entre la Russie et la Chine.

Mme Sophie Primas, présidente. - Absolument.

Nous avons rencontré Leonid Mikhelson, patron de la société Novatek, principal producteur indépendant de gaz aux côtés de Gazprom et Rosneft, entreprises d'État. Il s'agit d'un homme très puissant en Russie, qui a commencé son intervention en nous disant qu'il ne faisait pas de politique mais qu'il vendait du gaz, avant de ne parler que de politique !

La France partage avec la Russie deux projets importants en matière d'énergie.

Le premier, c'est le complexe Yamal, destiné à la liquéfaction du gaz, dont la première tranche a été inaugurée cette année en collaboration avec Total, actionnaire à 19 % de Novatek, et un grand nombre d'entreprises françaises. C'est ce complexe qui a permis à Total de construire ses méthaniers brise-glace, comme le Christophe de Margerie. C'est à partir de Yamal que les brise-glace partent livrer le gaz dans le monde entier.

Leonid Mikhelson est avant tout un chef d'entreprise. C'est en cela qu'il dit ne pas faire de politique : lorsque les premières sanctions américaines sont tombées, un de ses méthaniers avait quitté Yamal pour l'Angleterre. Il a proposé son gaz sur le marché mondial, et le bateau est parti livrer son chargement aux États-Unis !

M. Franck Montaugé. - J'ai été frappé par le fait qu'il critique sans aucune nuance les positions politiques de la France vis-à-vis de l'Ukraine comme des États-Unis.

C'est le message politique qui m'a semblé le plus important, car c'était en fait la voix de Vladimir Poutine, visant sans ambiguïté Emmanuel Macron.

On pense ce que l'on veut, en tant que parlementaire français, de la politique internationale que mène le Président de République, mais c'est le message qu'il voulait faire relayer auprès de nos instances nationales.

Mme Sophie Primas, présidente. - Il s'agissait à la fois d'une critique sur l'homme et sur la politique énergétique de la France. Le peuple russe est un peuple fier. Or ni Emmanuel Macron ni le Premier ministre, pas plus que Bruno Le Maire, n'ont daigné se déplacer lors de l'inauguration de Yamal, qui constituait pourtant un événement très important. La Chine et les États-Unis étaient présents, ainsi que Mohamed Ben Salmane. Leonid Mikhelson en a été extrêmement vexé...

M. Daniel Laurent. - Il ne s'est pas non plus gêné pour critiquer l'Europe, s'étonnant même de nous voir aligner nos positions avec les Britanniques, qui ont décidé de la quitter !

Il a également quelque peu critiqué les entreprises françaises, notamment Vinci, en reprochant à celle-ci de ne pas s'être encore déplacée alors que les Italiens étaient déjà venus le voir cinq fois. Le message était clair. On l'a d'ailleurs transmis à Vinci le lendemain, lors d'un diner à Saint-Pétersbourg avec les chefs d'entreprise.

Mme Sophie Primas, présidente. - D'autant qu'un deuxième complexe de liquéfaction est en cours de réalisation. Ce sont des investissements monstrueux, de l'ordre de 27 milliards d'euros. Il nous a clairement dit que l'État français ne soutenait pas nos entreprises dans ce domaine.

Le second grand projet important que la France partage avec la Russie est celui du gazoduc russo-européen Nord Stream 2. Il s'agit d'un projet de 9,5 milliards d'euros, porté par Gazprom, avec une participation d'Engie à hauteur de 450 millions d'euros.

J'étais à la réunion des présidents des commissions des affaires économiques européens à Sofia, au printemps dernier. C'est un sujet extrêmement épineux en Pologne, qui ne veut pas que ce gazoduc accroisse la dépendance de l'Europe au gaz russe. Gazprom en a cependant commencé la construction. Il manque aux Russes quelques accords avec la Suède pour passer dans ses eaux territoriales, mais ils vont les obtenir. Engie a des participations dans ce projet. C'est aussi une question de sécurité pour l'Europe en matière d'approvisionnement en gaz. Un autre gazoduc, qui passera par la Bulgarie et la Grèce, permettra l'approvisionnement de l'Europe du sud.

Le projet Yamal est contrarié par les sanctions américaines. Novatek a été placée sur la liste des entreprises sanctionnées, et les établissements financiers européens se retirent du projet.

Les États-Unis, qui ont du gaz de schiste à vendre, s'opposent explicitement à Nord Stream 2.

Le gaz russe est abondant et bon marché. Ce que les Russes n'écouleront pas en Europe, ils le feront en Chine.

M. Franck Montaugé. - Étant donné leurs stocks de gaz, ils se moquent complètement de la problématique environnementale, qu'ils n'évoquent jamais. Le développement des énergies renouvelables est le cadet de leurs soucis.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ils ne comprennent pas notre logique économique, considérant que notre énergie renouvelable est très chère à produire, alors que leur gaz ne l'est pas.

L'industrie russe, elle est dominée par le secteur énergétique. Parmi les autres secteurs importants figure également l'automobile. Un million de véhicules a été produit en 2015. 600 000 salariés russes travaillent dans les usines automobiles.

La France est le deuxième investisseur direct étranger en 2017, avec 854 millions de dollars, derrière le Royaume-Uni mais devant les États-Unis. L'automobile est l'exemple emblématique des investissements européens en Russie. 100 % de la production est sous le contrôle d'une entreprise européenne. La France est un acteur important du marché automobile russe. Nous avons eu l'occasion de visiter l'usine Renault de Moscou, qui compte 3 800 salariés. Il existe une autre usine à Togliatti, sous marque Avtovaz, que Renault a rachetée.

Renault a produit 1,7 million de véhicules entre 2005 et 2017. Sa capacité de production à terme est d'un million de véhicules par an. En Russie, Renault représentait en 2017 9 % de parts de marché. Ils fabriquent la Renault Captur, la Dacia Duster, siglée Renault, ainsi que la Nissan Terrano, et sont en train de sortir un nouveau véhicule, l'Arkana, que nous n'avons pas vu, le lancement devant avoir lieu deux jours après notre visite. L'Arkana est dédiée au marché russe.

Aujourd'hui, la robotisation des usines automobiles russes n'est pas au même niveau qu'en France, les investissements étant trop élevés par rapport au coût du travail. Ils utilisent encore de grandes pinces à soudure, et les niveaux de salaires sont peu élevés. Le ratio entre investissements robotiques et coût des salariés est en faveur des ouvriers.

Enfin, nous avons visité une horlogerie ancienne, Raketa, située à Peterhof. Cette manufacture de montres a été créée en 1721. Elle a compté jusqu'à 7 500 salariés à l'époque soviétique. L'entreprise a été reprise en 2009 par deux Français audacieux, qui ont relancé un nouveau mouvement automatique en 2014, le Raketa Avtomat. Ils utilisent des outils traditionnels extrêmement anciens. Les salariés que l'on peut y rencontrer seraient chez nous à la retraite depuis quelques années me semble-t-il.

C'est une image de l'industrie russe un peu ancienne, mais on est là dans le monde de l'excellence. Les horlogers sont aujourd'hui regroupés dans une toute petite partie de l'ancienne usine et emploient toujours les mêmes machines-outils. Ce sont les femmes qui réalisent l'assemblage des montres à la main, avec une précision étonnante.

Ces montres de luxe sont vendues dans le monde entier. L'usine compte 75 ouvriers. Nous avons été reçus par l'horloger français qui dirige cette usine assez étonnante.

Je conclurai ma présentation sur une note d'optimisme. Les relations économiques entre nos deux pays sont en voie d'intensification. Après une division par dix entre 2013 et 2015, les investissements directs étrangers reprennent.

Depuis 2010, la France est le premier ou le deuxième investisseur mondial en flux selon les années, le deuxième investisseur européen en stock après l'Allemagne. Mille entreprises françaises sont installées en Russie, ce qui fait de la France le premier employeur étranger de ce pays.

Le commerce bilatéral franco-russe repart timidement à la hausse depuis 2015, mais il existe vraiment des opportunités d'investissement et d'installation pour les sociétés françaises. Nous avons été très impressionnés par la volonté de développement de l'Oblast de Saint-Pétersbourg. Ils nous attendent. Les conditions d'accueil des entreprises françaises sont en place, qu'il s'agisse de la mobilité ou de la mode et du luxe. Ils ont des choses à dire sur ces sujets et espèrent des échanges importants avec la France. À Saint-Pétersbourg, ceux-ci ont augmenté de 18 % au premier semestre de cette année.

Même si elle traverse un ralentissement conjoncturel, l'économie russe va se renforcer durablement - et cela risque d'être sans nous ! Le pays est en train de se tourner vers l'Asie et vers les gens qui veulent travailler avec eux.

La Russie entame deux réformes importantes, mais très impopulaires. En premier lieu, Vladimir Poutine veut augmenter la durée de la vie active, en particulier chez les hommes, ce qui le fragilise. Il veut en second lieu faire passer la TVA de 18 % à 20 %. On a connu des programmes présidentiels qui ressemblaient à cela ! Le but est de réduire la dépendance des budgets publics aux hydrocarbures.

J'insiste sur le fait qu'il existe une sensibilité culturelle très proche de l'Europe. Il est pour eux naturel de se rapprocher des Européens, mais les relations avec l'Asie s'intensifient.

Mme Denise Saint-Pé. - J'ai eu le sentiment que les gens que nous avons rencontrés à Saint-Pétersbourg étaient favorables à la France et à l'Union européenne, ce qui paraissait moins être le cas de ceux de Moscou.

La Russie représente un peu la France d'il y a trente ans. Je suis persuadée que la société va évoluer et finira par connaître des problématiques d'écologie et d'environnement semblables aux nôtres. Certains commencent à y penser, alors que nous sommes quant à nous en plein dedans.

Je suis également convaincue que les problématiques liées au gaz et à la desserte de l'Europe vont bouger, ainsi que celles que l'on peut rencontrer dans l'agriculture. Dans ce domaine, les femmes ne vont pas continuer longtemps à travailler dans ces conditions. Il en va de même pour la robotisation de Renault.

Pour l'instant, suivant un ordre du Kremlin, la robotisation ne doit pas dépasser 30 % au maximum, mais cela évoluera avec la société.

Le consul de France pense qu'ils ne parviendront pas à l'autosuffisance agricole dans trois ans. Le message qu'on a voulu nous faire passer m'a laissée un peu sceptique. Par ailleurs, il existe bien des opposants à certaines innovations, comme dans le cas de la ferme des 5 000 vaches. Je pense que la société russe connaîtra ces évolutions dans les dix à vingt ans qui viennent.

M. Franck Montaugé. - La question de l'extraterritorialité du droit américain, sur laquelle le Sénat a déjà travaillé, constitue un sujet de préoccupation pour nos entreprises, qui se retirent de certains marchés. Ce n'est pas acceptable !

Mme Sophie Primas, présidente. - Il existe un rapport de la commission des affaires européennes sur ce sujet. Cela pose en effet un problème.

M. Daniel Gremillet. - La Russie est vaste et compte des surfaces boisées énormes. Il y a là aussi un gisement inexploité. Ils bénéficient de beaucoup de ressources. Je ne suis pas certain qu'ils seront confrontés aux mêmes problématiques que celle de l'Europe, et notamment de la France, tant l'espace est gigantesque. Ils bénéficient de possibilités d'énergies renouvelables dont il faudra tenir compte.

Enfin, les Russes considèrent que les sanctions leur ont rendu service. Auparavant, ils ne produisaient pas de fromages. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Leurs niveaux d'investissements sont fabuleux.

Dans le domaine de la génétique, la France était leader, au même niveau que les États-Unis. Or ils sont venus chercher chez nous le potentiel qui leur était nécessaire et vont le reproduire à une vitesse bien plus rapide que nous, sans se poser de questions, ce qui n'est pas notre cas. Je pense ici aux OGM.

C'est une nouvelle forme d'échanges qui est en train de se dessiner. Dans le futur, je pense qu'il faudra compter avec les Russes, qui sont proches de la Chine et de l'Asie.

Politiquement, ils sont capables de franchir des étapes que nous ne franchissons pas. Le plus marquant, c'est qu'on a vraiment l'impression que l'Europe et la France sont alignées sur les États-Unis, qui nous imposent leurs sanctions, mais ne sont pas aussi regardants lorsqu'il s'agit de leur propre cas.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ils défendent surtout leurs propres intérêts : le gaz en est une bonne illustration.

M. Daniel Gremillet. - Nous avons également été marqués par la propreté qui règne en Russie dans les endroits que nous avons visités. On ne voit aucun déchet le long des routes. Certes, nous n'avons pas pu visiter la Russie profonde, mais cela signifie néanmoins qu'il existe une forme d'éducation.

M. Daniel Laurent. - Cette mission était très intéressante. Il est important que des parlementaires français puissent aller dans ces pays pour constater ce qui s'y passe en temps réel. Notre société évolue très vite, et il est important de pouvoir se pencher sur le résultat de nos échanges en matière d'économie, d'entreprises et de territoires.

Ceci permet de prendre conscience de toutes les possibilités dont nous disposons grâce à nos techniques, nos technologies, nos compétences, que nous pouvons exporter.

Je l'ai également constaté au Mexique en tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-Mexique-Pays d'Amérique centrale : le Mexique est un pays émergent. Il s'agit de la treizième économie mondiale, sous tutelle des États-Unis, mais il demande à travailler avec des entreprises françaises.

La difficulté du Mexique réside dans l'insécurité. C'est pourquoi les entreprises françaises n'osent pas y aller. Il existe ainsi à travers le monde des pays qui apprécient la France et qui souhaitent profiter de son expérience.

M. Jean-Marie Janssens. - Si vous retournez en Russie, vous pourrez compter sur Maurice Leroy, qui s'occupe du Grand Moscou avec des architectes français.

M. Bernard Buis. - J'ai effectué cet été un voyage en Russie. J'ai ressenti toute la fierté des Russes d'être à présent autonomes en matière alimentaire : ne pouvant plus importer de fromages français, ils les produisent donc !

J'ai également été impressionné par ces grandes plaines qui ne sont pas - ou plus - exploitées. Elles constituent des gisements phénoménaux...

J'ai enfin reçu un très bon accueil de la part des Russes, qui apprécient beaucoup les Français.

Mme Sophie Primas, présidente. - Ce fut également notre cas. Merci de votre attention.

La réunion est close à 10 h 30.