Jeudi 4 avril 2019

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Audition de Mme Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel (LFP), que je remercie pour sa présence.

La LFP assure, sous l'autorité de la Fédération française de football (FFF), la gestion des activités du football professionnel en France, à travers l'organisation des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 et de la Coupe de la Ligue.

Je précise que notre réunion est ouverte à nos collègues du groupe d'études « Pratiques sportives et grands événements sportifs ». Je souhaite donc la bienvenue à Christine Lavarde et à Laurent Lafon. Je souhaite également la bienvenue à notre collègue Françoise Cartron, qui vient de rejoindre notre délégation. Nous avons le plaisir d'accueillir quelques sénateurs parmi nous, ce qui prouve que la délégation aux droits des femmes n'est pas uniquement féminine.

Madame la présidente, la délégation aux droits des femmes a décidé à l'unanimité de s'intéresser au football féminin en cette année de Coupe du monde de football féminin qui se tiendra en France du 7 juin au 7 juillet. Nous souhaitions tout particulièrement mettre à l'honneur l'équipe française à l'occasion de cette compétition qui représente une opportunité de valoriser les joueuses qui portent nos couleurs. Pour mener ce travail, nous avons désigné quatre co-rapporteures représentant les différentes sensibilités politiques de notre assemblée :

- Céline Boulay-Espéronnier pour le groupe Les Républicains ;

- Victoire Jasmin pour le groupe Socialiste et républicain ;

- Christine Prunaud pour le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste et moi-même.

Nous avons lancé nos travaux le 13 décembre avec l'audition de la ministre des Sports. Nous avons également entendu le 21 mars dernier Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF, puis Laura Georges, secrétaire générale de la FFF, le 28 mars. Nous recevrons le 11 avril prochain Marianne Gazeau, fondatrice du site Internet Foot d'Elles. Nous nous efforçons de compléter nos auditions par des déplacements dans les territoires. De plus, nous organiserons au mois de mai une table ronde en partenariat avec la FFF qui sera dédiée au sujet de la Coupe du monde 2019 sous le prisme de la visibilité et de la médiatisation de l'événement dans les territoires.

Madame la présidente, nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, car vous êtes la première femme à occuper la fonction de présidente de la LFP. Vous incarnez donc une évolution positive en matière de féminisation de la gouvernance du football français. Nous connaissons également votre engagement en faveur de la promotion du sport féminin.

Nous aimerions que vous nous présentiez le rôle de la LFP et les initiatives lancées par votre institution en faveur de l'égalité femmes-hommes et de la féminisation des instances du football français. Je précise toutefois qu'il existe un paradoxe dans le football féminin en France, car les joueuses de haut niveau ne dépendent pas de la LFP, mais de la ligue amateur, ce qui nous interroge tout particulièrement. Je vous laisse libre de commenter ce paradoxe si vous le souhaitez.

Vous pourrez également nous faire part de votre vécu en tant que femme au sein d'un univers encore essentiellement masculin.

Madame la présidente, les co-rapporteures vous poseront ensuite des questions ou vous demanderont d'approfondir certains aspects de votre intervention. Un temps d'échange avec l'ensemble des sénateurs et sénatrices suivra.

Je vous cède la parole sans plus tarder.

Mme Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel. - Madame la présidente, Mesdames les rapporteures, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, je suis particulièrement ravie d'être présente parmi vous aujourd'hui pour aborder ce thème qui nous est cher : le développement du football féminin, et notamment du football féminin professionnel.

Je suis convaincue que la France peut devenir la nation qui permette un développement actif du football féminin. Toutefois, ce défi doit être relevé collectivement. Quand je parle de collectif, je pense bien entendu à la FFF, que vous avez déjà reçue à travers les interventions de Mme Jossinet et de Mme Georges. Je vous rappelle que, de manière historique, le football féminin est géré par la FFF et non par la LFP. La FFF est donc en charge du développement de la féminisation du football, aussi bien pour les aspects amateurs que professionnels. La LFP travaille main dans la main avec la Fédération, mais je ne pourrai malheureusement pas intervenir sur de nombreux éléments qui ne dépendent pas de la Ligue mais de la Fédération.

Ce défi doit être relevé collectivement avec les joueuses et les familles qui les accompagnent, c'est-à-dire les entraîneurs et le staff technique. Ensemble, ils font vivre et grandir la pratique du football au féminin partout en France. Il faut également impliquer les partenaires économiques, qui ne sont pas encore suffisamment présents. Une dynamique commence à se créer et nous devons faire en sorte que cette impulsion qui est apparue il y a quelques années se poursuive. Cette démarche a aussi besoin de vous, les élus, qui avez le pouvoir d'insuffler une dynamique nouvelle. L'intérêt que vous démontrez ici, au Sénat, y contribue fortement. Enfin, la LFP doit prendre sa part dans ce processus. Même si nous ne sommes pas en charge du football féminin, je pense que nos clubs, qui ont des équipes masculines et de plus en plus d'équipes féminines, peuvent y contribuer. Tous les présidents de clubs sont désormais sensibilisés au développement du football féminin. Ce qui semblait compliqué il y a quelques années l'est de moins en moins aujourd'hui.

La Coupe du monde se tiendra, comme vous l'avez dit, Madame la présidente, du 7 juin au 7 juillet. Pour notre pays, cet événement représente une étape majeure. Nous sommes convaincus que cela donnera une impulsion qui permettra de parcourir plus rapidement le long chemin qui nous attend. Je parle d'un long chemin, car le bilan que nous pouvons dresser aujourd'hui est en demi-teinte. Certes, le football féminin, amateur comme professionnel, est en plein essor. Il attire en effet de plus en plus de jeunes filles et de femmes. En 2011, la FFF comptait 53 000 licenciées ; elle en recensait 170 000 à l'été 2018. Les derniers chiffres avoisinent les 180 000 ou 190 000 femmes licenciées. Le développement de la pratique est donc important.

J'aimerais partager avec vous une anecdote. J'ai deux garçons, de vingt-et-un et onze ans. À dix ans d'intervalle, ils jouent dans le même club. Lorsque mon fils aîné avait sept ou huit ans, une seule fille jouait dans l'équipe de ce club. Elle jouait avec les garçons, mais elle a dû arrêter à douze ou treize ans parce qu'il n'y avait pas de vestiaires séparés pour les filles. Mon deuxième fils a commencé au même âge et le club compte désormais trois équipes féminines. Nous constatons en dix ans la progression qu'il peut y avoir dans les clubs amateurs.

Concernant le football féminin professionnel, le haut niveau est de plus en plus compétitif. Nous l'avons vu et nous le voyons constamment avec l'OL, qui est le club professionnel féminin le plus titré en Europe avec cinq victoires en Ligue des champions. L'équipe féminine jouera d'ailleurs une nouvelle demi-finale contre Chelsea le 21 avril prochain.

L'équipe de France est troisième au classement mondial de la FIFA. Elle a atteint les quarts de finale lors de la dernière Coupe du monde et des Jeux olympiques de Rio en 2016. En outre, la D1 féminine gagne en visibilité. Les droits télévisuels ont dépassé la barre du million d'euros annuel, soit neuf fois plus qu'en 2011. L'ensemble des matchs dispose d'un diffuseur, ce qui n'était pas le cas auparavant. Pour illustrer cet engouement, j'aimerais souligner que la rencontre PSG-OL de novembre dernier a été retransmise en prime time et suivie par 487 000 téléspectateurs. Il s'agit d'un record d'audience en matière de football féminin.

Ces éléments doivent être remis en perspective avec la jeunesse du football féminin. En effet, la pratique est apparue en France en 1917, mais ce n'est que dans les années 1970 que le football féminin a été internationalement reconnu et intégré au sein de la FFF. Il s'agit donc d'une pratique relativement récente comparée à la pratique masculine.

Cet essor rapide reste néanmoins limité. La pratique du football demeure aujourd'hui majoritairement masculine. Les femmes représentent moins de 8 % du total des licenciés dans le football en France, contre 35 % dans le basket et 48 % dans le volley. De plus, elles sont encore largement absentes du personnel encadrant. En effet, il n'y a presque pas de femmes qui forment, qui entraînent ou qui arbitrent. Cela constitue un enjeu fédéral, notamment lorsque nous savons que le football est le troisième lieu éducatif en France, après la famille et l'école. C'est dans le football que se trouve le plus grand nombre d'éducateurs. Comment se fait-il que les femmes, qui sont très nombreuses dans l'éducation à l'école et à la maison, soient aussi absentes dans ce troisième lieu éducatif ? Il s'agit d'une réelle discussion que nous devons mener. Concernant l'arbitrage, Laura Georges a dû vous expliquer tout ce que la FFF met en place pour développer l'arbitrage féminin.

Ce n'est qu'au début des années 2000 que la France a commencé à investir dans le football professionnel féminin. Cependant, la D1 n'est pas encore intégralement professionnalisée. Elle compte neuf clubs professionnels sur douze. Trois de ses clubs sont donc encore des clubs amateurs. En outre, la D2 est uniquement composée de clubs amateurs. Il existe seulement neuf clubs professionnels féminins en France contre 40 clubs professionnels masculins. Deux de ces clubs dominent largement le championnat et arrivent à émerger sur la scène européenne : l'OL et le PSG. Ces deux équipes sont adossées à des clubs masculins, qui ont beaucoup investi dans leur développement.

Les écarts de salaire sont frappants entre les joueuses et les joueurs de football professionnels. La joueuse professionnelle la mieux payée de D1 gagne environ cent fois moins que son homologue masculin. Le salaire moyen des joueuses oscille entre 1 500 et 3 000 euros par mois, contre en moyenne 75 000 euros par an pour les joueurs qui évoluent en Ligue 1, même s'il existe des disparités importantes entre les joueurs.

Par ailleurs, le club vainqueur de la Ligue des championnes 2019 touchera une prime de 250 000 euros alors que cette prime sera d'un montant de 19 millions d'euros chez les hommes, soit 76 fois plus. Pour comparaison, tous les tournois du Grand Chelem de tennis ont établi la parité entre les prix offerts aux vainqueurs féminins et masculins depuis 2007.

Les affluences dans les stades sont encore faibles. Seule une dizaine de rencontres de D1 attirent plus de 2 000 spectateurs au cours d'une saison. En Ligue 1, la moyenne est supérieure à 20 000 spectateurs par match, soit dix fois plus. Le football féminin souffre donc d'un déficit d'attractivité. Je disais tout à l'heure que les droits télévisuels du football féminin ont atteint un million d'euros annuel. Dans le football masculin, les droits télévisuels du cycle 2020-2024 ont franchi le milliard d'euros. La différence est donc particulièrement importante. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Toutefois, la France n'est absolument pas une exception. Tous les pays d'Europe et du monde rencontrent ce même écart entre les pratiques du football professionnel masculin et féminin. Force est pourtant de constater que certains pays sont plus avancés que d'autres en la matière. Je pense notamment aux États-Unis, où le soccer est presqu'exclusivement pratiqué par les femmes. Il s'agit d'un héritage historique. Le football féminin a contribué à améliorer la visibilité du football (soccer) aux États-Unis. Culturellement, les garçons étaient orientés vers le football américain et le basket. Les filles, pour leur part, étaient encouragées à pratiquer le soccer. Cela est lié à la dangerosité de la pratique du football américain, qui engendre notamment des traumatismes crâniens. Il est d'ailleurs intéressant de souligner qu'un nombre croissant de parents orientent désormais leurs garçons vers le soccer pour cette raison. Le soccer n'est donc plus réservé uniquement aux filles et la pratique masculine augmente.

Le modèle professionnel aux États-Unis est différent du système français, puisqu'il existe plusieurs ligues nationales et régionales. En outre, un championnat féminin entièrement professionnel a été créé en 2001. Nous avons donc pratiquement vingt ans de retard sur les États-Unis. L'équipe nationale y est très performante, avec plusieurs victoires en Coupe du monde et des médailles d'or olympiques. Les matchs sont fortement suivis, ce qui nous montre qu'il n'y a pas de fatalité. La dernière finale du Mondial, qui a confronté en 2015 les équipes des États-Unis et du Japon, a été suivie par 25 millions de téléspectateurs américains.

Du côté européen, l'Allemagne compte un million de femmes licenciées, même si la manière de compter les licenciés diffère de celle de la France. Le championnat professionnel allemand est plutôt homogène, avec au moins quatre équipes qui luttent pour le titre chaque année. L'équipe nationale a déjà remporté deux Coupes du monde. La victoire de la Coupe du monde de 2003 a été un élément déclencheur pour susciter des vocations. Par conséquent, si la France remporte une étoile, il est évident que cela participera à la progression du football féminin.

Il serait possible de disserter longuement sur les raisons pour lesquelles le football féminin français n'a pas encore vraiment pris son envol. Je me contenterai d'en évoquer trois.

Je pense qu'il existe en premier lieu un frein culturel. La pratique du football pour les petites filles est récente en France. J'ai 50 ans et j'ai grandi à la campagne. Les petites filles faisaient traditionnellement de la danse à la MJC locale ou du tennis. Le football était réservé aux garçons. Il y a donc un frein culturel, même si les mentalités évoluent. L'autocensure des femmes et des filles vis-à-vis de la pratique du football évolue également.

En outre, j'identifie un frein socioéconomique, car nous n'avons pas suffisamment de sponsors et de diffuseurs qui permettent de développer économiquement la pratique du football professionnel à haut niveau pour les femmes.

Enfin, un frein symbolique persiste. En effet, les petites filles manquent de modèles d'identification. Nous avons Amandine Henry ou Laure Boulleau, mais ces jeunes égéries restent rares.

Il nous reste donc un travail significatif à mener. La Fédération et la Ligue y contribuent, car il est essentiel d'améliorer l'égalité hommes-femmes.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Merci, Madame la présidente. Je vais passer la parole aux deux co-rapporteures présentes ce matin, Céline Boulay-Espéronnier et Christine Prunaud, qui ne manqueront pas de vous interroger sur différents sujets.

Mme Céline Boulay-Espéronnier, co-rapporteure. - Merci, Madame la présidente et merci, chère Madame, pour votre intervention éclairante. Nous mesurons effectivement le grand chemin qui nous reste à parcourir.

Au Conseil de Paris où je siège, nous avons justement délibéré pour basculer les matchs du stade Jean-Bouin vers le Parc des Princes, qui bénéficie d'une meilleure visibilité. Vous faisiez référence au déficit d'attractivité et au manque de présence dans les stades pour les matchs de football féminin. Nous nous réjouissons donc de ce basculement, notamment pour le match de lancement de la Coupe du monde. Lors de cette délibération, de nombreuses prises de parole des élus parisiens ont souligné que le développement du football féminin était un enjeu actuel et d'avenir.

L'objectif de remplissage des stades nécessite une stratégie de communication. Ma première question porte donc sur ce point. J'aimerais savoir quelle est la stratégie de communication qui est envisagée avec la FFF pour attirer le public et faire de la Coupe du monde de football féminin un succès populaire.

En outre, vous évoquiez le retard de la France par rapport aux pays anglo-saxons dans la promotion d'une culture du football auprès des petites filles. Au sein de la délégation aux droits des femmes et de la commission de la Culture, nous discutons souvent de l'importance de l'éducation. Quelles pistes peuvent-elles être envisagées dans ce domaine ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure. - Merci, Madame, de votre venue.

La délégation travaille depuis un moment sur le football féminin. Nous avons constaté lors de nos déplacements et de nos auditions qu'il existait une réelle envie de développer le football féminin. Nous avons rencontré des joueuses, des managers et des présidents de clubs très enthousiastes.

J'aimerais avoir davantage de précisions sur le parcours professionnel des joueuses qui jouent dans des clubs amateurs, car j'estime que notre délégation peut travailler sur la question de leur avenir. Plusieurs joueuses nous ont parlé de leur double projet de vie. Elles sont soutenues, mais elles restent une minorité. Comment imaginez-vous l'appui qui pourrait leur être apporté dans leur parcours de sportive professionnelle et dans leur formation pour un autre métier ?

En outre, je n'ai pas bien saisi l'apport des droits télévisuels pour les clubs amateurs féminins. Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur ce point ? Je vous remercie d'ailleurs pour les chiffres très précis que vous nous avez fournis.

Chez les personnes que nous avons rencontrées, j'ai constaté un esprit de fair-play et une envie de collectif entre les entraîneurs et les joueuses. Toutefois, certaines d'entre elles ont pu souffrir de discriminations, et notamment d'homophobie. J'aimerais connaître votre avis sur ce sujet, au regard de vos récentes déclarations.

Enfin, je pense que les parlementaires peuvent appuyer certaines décisions ou idées afin d'améliorer les conditions pour les joueuses professionnelles qui jouent dans les clubs amateurs. Nous souhaitons par exemple étudier la piste d'une convention collective, idée qui a émergé au cours de notre déplacement au Paris football Club.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - J'aimerais compléter ces remarques en vous demandant si la femme est l'avenir du football, pour faire référence au titre du livre d'Audrey Keysers. En outre, je me demande comment l'argent généré par le football est redistribué dans le développement football féminin.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - J'aimerais tout d'abord revenir sur les propos homophobes qui m'ont été attribués, puisque vous m'en donnez l'occasion, Madame la rapporteure. Ces propos n'ont pas été repris par la presse dans leur globalité, comme cela arrive souvent.

Je dressais le constat que pour certains supporters, les propos et les chants homophobes font partie du folklore du football, c'est-à-dire des us et coutumes, des habitudes. Je ne dis en aucun cas que cela est acceptable, loin de là. Il s'agit d'un constat que je ne partage pas. Toutes celles et tous ceux qui ont assisté à des matchs de football ont entendu ce genre de propos. Il faut regarder les choses telles qu'elles sont afin de définir un plan d'action efficace.

Vous connaissez mon parcours. Cela fait quinze ans que je travaille dans le football. J'y suis arrivée par la dimension sociétale et éducative. J'ai été la première à mettre en place des ateliers et des partenariats avec des associations pour lutter contre toute forme de discrimination. Vous me voyez émue et en colère suite à cette polémique, car je ne cautionne absolument pas les propos ou chants homophobes.

Cependant, en connaissant le fonctionnement d'un stade de football, nous pourrons mettre en place des actions de sensibilisation et d'éducation. Il sera difficile de sanctionner les supporters, car nous ne pouvons pas les empêcher de chanter. Les actions que nous menons dans les centres de formation ou auprès des supporters passent par un dialogue avec des associations telles que SOS homophobie. Elles fonctionnent bien et permettent de lever des tabous. Je ne dis pas que je suis opposée aux sanctions. Je dis simplement qu'il faut faire attention à ce qu'elles soient positives et non contre-productives. Malheureusement, on ne m'a pas laissé le temps d'expliciter mes propos et je le regrette.

S'agissant de la communication, lors de la Journée internationale des droits des femmes, le football professionnel s'est engagé en faveur de la promotion de la Coupe du monde féminine. Nous avons mobilisé nos quarante clubs professionnels pour promouvoir le développement du football féminin. Cela s'est fait sans aucune difficulté. La communication visait d'une part à encourager l'achat d'un maximum de billets pour les matchs de la Coupe du monde. D'autre part, 80 % de nos clubs ont mis en place des actions de sensibilisation à la mixité et au développement du football féminin.

Nos clubs font un travail formidable sur ces questions au niveau des territoires, même si cela n'est pas très visible au niveau national. Ils sont engagés en la matière et nous pouvons compter sur eux pour continuer à s'investir. Nous menons des réflexions avec le Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine et avec la Fédération afin de mettre en oeuvre le maximum d'actions de communication pour remplir nos stades à cette occasion. Les premiers résultats sont très encourageants. De nombreux matchs sont déjà complets, ce qui constitue une très bonne surprise.

Concernant la pratique du football chez les petites filles, j'aimerais vous livrer une analyse très simple. Si nous faisions entrer davantage le football dans les écoles, à la place du handball par exemple, cela résoudrait grandement le problème. Les petites filles joueraient au football au même titre que les petits garçons.

Une étude très intéressante est parue il y a quelques mois sur l'occupation de l'espace dans les cours de récréation par les filles et les garçons. Des chercheurs ont mesuré la place occupée physiquement par les petites filles. Ces dernières occupent 20 % à 30 % de la cour de récréation alors que les garçons en occupent 70 % à 80 %. Cette image est fortement révélatrice. Nous sommes peu nombreuses dans les entreprises et dans un certain nombre de postes parce que nous n'avons pas appris à occuper l'espace. Or le football amène naturellement à occuper l'espace. Par conséquent, il s'agit d'une piste à étudier. Il faut faire en sorte que la pratique du football ne soit pas réservée aux petits garçons.

Par ailleurs, je vous ai donné des chiffres sur les parcours des joueuses. Rares sont celles qui peuvent vivre de leur pratique sportive. Elles sont souvent obligées de travailler en parallèle. Mon point de vue personnel est qu'il ne faut pas aller trop vite, car l'économie du football féminin professionnel n'est pas encore véritablement développée et que cela prendra du temps. Il ne s'agit donc pas de former trop de joueuses professionnelles qui ne pourront pas vivre de leur pratique. Nous avons une responsabilité en la matière, qui s'applique également aux hommes. Actuellement, nous formons trop de joueurs professionnels qui ne peuvent pas vivre de leur métier. Seuls 10 % des joueurs deviennent des professionnels. Les autres verront leur avenir compromis, car ils ne pourront pas vivre du football professionnel, alors qu'ils y auront consacré plusieurs années de leur vie durant la période clé de l'adolescence. Il convient donc de se montrer prudent.

Je crois davantage à la mise en place d'un double diplôme, tel qu'il existe chez les garçons. Ce projet éducatif et sportif permettrait de montrer aux jeunes filles que le football est une étape dans la carrière et qu'il existe d'autres façons de s'accomplir professionnellement. Il est possible de vivre du football pendant quelques années, mais il est essentiel de se former en parallèle à un autre métier.

S'agissant des droits télévisuels, ils sont gérés pour le football féminin par la Fédération, au même titre que la Ligue gère les droits télévisuels et les appels d'offres pour le football professionnel masculin. Ensuite, la Fédération distribue les droits aux clubs de football féminin en fonction de critères que je ne connais malheureusement pas. Les grilles de répartition des droits pour le football masculin se basent par exemple sur des critères sportifs de notoriété.

Enfin, pour rebondir sur la remarque de madame la présidente, je ne sais pas si la femme est l'avenir du football, mais la femme doit contribuer fortement à son développement. Je suis convaincue que la compétence technique n'a pas de genre. Toutefois, je pense que les hommes et les femmes sont différents en matière de savoir-être et de savoir-faire. Ils doivent pouvoir travailler ensemble, parce que chacun apporte une sensibilité qui enrichit le débat. Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreuses dans les instances et que la parité ne soit pas atteinte. Nous y travaillons.

Mme Marta de Cidrac. - Je vous remercie pour votre présence parmi nous et pour les éclairages que vous partagez avec nous sur le football féminin.

Je suis sénatrice des Yvelines et conseillère municipale à Saint-Germain-en-Laye. Dans ma circonscription, tout le monde connaît très bien le PSG et ses équipes masculines et féminines. Nous constatons de grandes disparités entre les deux, comme vous l'avez souligné.

J'aimerais vous poser une question qui peut paraître basique, mais qui est selon moi fondamentale. Quelles sont d'après vous les valeurs propres au football, au-delà de la distinction entre le football masculin et féminin ? Je souhaiterais également avoir votre avis sur les valeurs spécifiques au football masculin et au football féminin.

Nous avons également évoqué la reconversion des joueuses. Lorsque nous constatons les disparités de rémunération entre les joueurs et les joueuses, nous comprenons bien qu'il est indispensable pour les joueuses d'envisager une reconversion. Or les joueurs ne rencontrent pas ce problème.

Je vous invite à assister aux recrutements du PSG à Saint-Germain-en-Laye. Lorsque vous échangez avec les parents qui se battent pour que leur fils soit sélectionné, la première valeur qui apparaît est celle de la rémunération. Les parents veulent que leur fils devienne le futur Mbappé ou Neymar et qu'il gagne bien sa vie. Or cela est très différent avec les parents des joueuses, avec qui les échanges sont réellement cordiaux.

Avant de parler de la reconversion des joueuses de football, j'aimerais que nous les amenions à l'égalité de rémunération. Il leur reviendra ensuite de se reconvertir.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Merci pour vos remarques.

Il est vrai qu'il y a beaucoup d'argent dans le football. Toutefois, il convient de rester prudent. Les salaires des joueurs du PSG que vous citez sont complètement démesurés. En réalité, comme je le disais, seuls 10 % des jeunes joueurs en centre de formation deviennent des professionnels. La plupart d'entre eux intégreront des clubs où ils n'auront absolument pas le même niveau de rémunération que dans les quatre ou cinq premiers clubs de Ligue 1. Quelques stars ont des niveaux de rémunération hors-norme, mais la réalité est différente.

J'avais réalisé une enquête sur les jeunes garçons par tranche d'âge. Un seul garçon de sept ans, par exemple, entrera en équipe nationale sur un total de 700 000 garçons du même âge. De plus, les très hautes rémunérations sont calquées sur le marché international. La compétition entre les différents pays européens aboutit à de telles sommes, mais le salaire moyen d'un joueur en Ligue 1 est de 75 000 euros par an.

Il est vrai que les parents peuvent être un danger. Je vois bien, lorsque je me rends dans les clubs, qu'ils projettent leurs désirs sur leurs enfants et qu'ils voient le football comme l'un des derniers ascenseurs sociaux. Ils ont des attentes élevées et poussent des enfants qui n'ont pas forcément le talent pour arriver au niveau attendu, ce qui peut donner lieu à des drames familiaux. Nous avons donc une responsabilité importante envers ces jeunes.

Par ailleurs, je ne pense pas qu'il y ait des valeurs fondamentalement différentes entre le football féminin et le football masculin. J'ai longtemps travaillé sur ce sujet lorsque j'étais à la Fondation du Football, avec la FFF. Nous avions identifié un groupe de cinq valeurs que nous avons nommé le PRETS. Je vais vous en expliquer la signification.

Le P signifie la passion et le plaisir. Il ne faut jamais oublier le plaisir que nous avons à pratiquer un sport. Je partage avec vous une anecdote personnelle. Mon mari a été très malade pendant deux ans. Mon fils cadet avait alors sept ans. Durant cette période très difficile, c'est le football qui lui a permis de tenir, non seulement à travers la pratique sportive, mais aussi grâce au travail formidable des éducateurs. Le soir, nous regardions les matchs à la télévision pour nous changer les idées. La passion et le plaisir liés au football sont donc essentiels.

Le R signifie le respect. Il s'agit tout d'abord du respect de soi : prendre soin de son corps, faire ses lacets, ne pas fumer, ne pas se doper, se laver les dents. Tous ces actes évidents sont essentiels. Nous avons mis en place un programme fédéral qui vise à diffuser des messages éducatifs avant tout entraînement des équipes féminines et masculines. Ces messages évoquent le respect de soi, le respect des autres et le respect de l'environnement. Nous encourageons les jeunes à utiliser une gourde plutôt qu'une bouteille en plastique, par exemple. Nous touchons ainsi un million de jeunes licenciés de moins de 18 ans. La valeur éducative du football reste méconnue alors qu'elle est en avance par rapport à d'autres sports.

Le E signifie l'engagement. Le football implique de dépasser ses limites et de s'engager, comme dans les autres domaines de la vie.

Le T signifie la tolérance. Les enfants jouent avec des camarades différents. Certains sont bons, d'autres non. Des enfants autistes jouent dans l'équipe. J'ai vécu pleinement des situations lors desquelles les enfants se trouvent confrontés à un petit garçon qui ne comprend pas les règles du jeu et qui marque contre son but, par exemple. Il faut alors expliquer que cet enfant a le droit de jouer comme les autres enfants.

Enfin, le S signifie la solidarité. Il existe une solidarité très forte entre les joueurs. Le football est un sport fait d'individualité au service du collectif.

Le PRETS est dispensé aux jeunes garçons et aux jeunes filles. Toutefois, le football féminin n'en est qu'à ses débuts. Il existe donc une sorte de fraîcheur chez les joueuses, qui existe moins en Ligue 1.

J'ai eu l'occasion de recruter en stage une jeune joueuse qui a décidé d'arrêter sa carrière. Les filles ont bien conscience qu'elles devront avoir une autre activité à côté, ce qui n'est pas une mauvaise chose selon moi.

Mme Marta de Cidrac. - Je ne dis pas que cela est une bonne ou une mauvaise chose. Toutefois, nous devons nous interroger sur les questions liées à la rémunération. Au sein de la famille du football, nous constatons que les jeunes femmes ne se projettent pas de la même manière que les jeunes hommes, pour des raisons essentiellement financières.

Je vous remercie d'avoir partagé avec nous l'idée du PRETS, que je ne connaissais pas. Je pense qu'il serait intéressant d'en rappeler le contenu plus souvent, y compris dans les stades. Vous avez expliqué ce que le PRETS apporte aux joueurs, mais il me semble important de le diffuser auprès des supporters puisque ces valeurs sont universelles. Je me permets d'insister, car je pense que la Ligue que vous présidez a un rôle à jouer pour nous aider à communiquer dans les territoires. Il faut faire circuler ces valeurs.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Vous avez raison. Cela fait quatorze ans que nous avons défini ces valeurs et que nous les voyons appliquées au quotidien dans le football amateur. Lorsque nous sommes à l'intérieur, nous savons qu'elles existent. Toutefois, elles ne sont sans doute pas suffisamment partagées dans le football professionnel. Vous ouvrez une voie. Il nous revient en effet de mieux communiquer sur ce sujet.

Quant à la professionnalisation du football féminin, à nouveau, nous n'en sommes qu'au début, mais je crois que nous atteindrons une situation similaire à celles des hommes dans quelques années.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Nous allons maintenant prendre les autres questions.

Mme Laurence Cohen. - Merci beaucoup, Madame.

Nous sentons que le football est une passion, comme nous l'avons ressenti la semaine dernière lors de l'audition de Laura Georges. Il me semblait important également que vous remettiez vos propos dans leur contexte, car l'homophobie reste un sujet sensible.

Pour ma part, je ne crois pas qu'il y ait des différences spécifiques dues aux gènes attribués aux hommes ou aux femmes. Pour moi, l'éducation joue un rôle crucial. Lorsque vous évoquez l'occupation de l'espace dans la cour de récréation, je pense que les petites filles ne s'autorisent pas à occuper l'espace parce qu'il leur semble être interdit, à juste titre ou non. Les garçons occupent l'espace, car ils bénéficient d'une certaine permissivité dans leur éducation pour faire en sorte de l'occuper. Je crois donc fortement à l'importance de l'éducation dès le plus jeune âge.

Je me demande comment vous pourriez intervenir pour « forcer la porte » de l'Éducation nationale, si je puis dire. En avez-vous la possibilité ? En tant que législateur, pouvons-nous vous aider en ce sens ?

En outre, il me semble qu'il serait important de diffuser le PRETS à l'école. La charte de l'Académie des sports décline le mot valeur de la même manière, avec le V pour volonté, le A pour l'amitié, et ainsi de suite. Ces initiatives doivent être davantage diffusées, car elles concernent tout le monde. Nous avons besoin de développer les notions de solidarité, de respect et de tolérance, qui sont présentes dans tous les sports.

Par ailleurs, nous savons que la force de l'exemple joue un rôle crucial. Le fait que plusieurs femmes, dont vous faites partie, occupent des responsabilités dans les instances du football aide considérablement. Toutefois, les niveaux de rémunérations de certains joueurs atteignent des proportions qui me semblent gênantes d'un point de vue symbolique. Il reste donc une bataille à mener, non seulement pour moraliser le football professionnel, mais aussi pour combler l'écart immense qui existe entre les rémunérations des joueurs et celles des joueuses. Symboliquement, il s'agit d'une injustice considérable, même si elle n'est pas propre au football. Comment pouvons-nous aider à tempérer la situation ?

Mme Christine Lavarde. - J'assiste à cette audition en tant que membre du groupe sur les pratiques sportives, mais ma question pourrait émaner d'un membre de la délégation aux droits des femmes.

J'aimerais savoir comment vous êtes arrivée à ce niveau de responsabilité dans un environnement qui est fortement masculin. Avez-vous pratiqué le football dans votre jeunesse, et si tel était le cas, comment se passait la cohabitation avec les garçons ? En effet, nous avons vu que la question de l'intégration des femmes dans les clubs reste prégnante. Pour ma part, j'ai pratiqué le judo, mais j'ai abandonné lorsque je suis devenue la seule fille dans le cours à l'adolescence. Aujourd'hui, dans la fonction que vous exercez, considérez-vous que le fait d'être une femme est un avantage ou un inconvénient ?

En outre, d'après ce que j'ai observé dans mon territoire à Issy-les-Moulineaux, je remarque que les clubs féminins ne pourraient pas vivre sans le soutien financier des collectivités locales, qui restent le dernier recours pour finaliser les budgets des clubs.

M. Laurent Lafon. - J'aimerais commencer par un retour d'expérience. J'ai été maire d'une ville dont le club de football fonctionne bien. Des femmes ont voulu jouer et créer une équipe féminine. Or j'ai senti une certaine réticence de la part des dirigeants du club, sans doute pour les raisons que vous évoquez. Il s'agissait de raisons culturelles, mais aussi pratiques. Les dirigeants estimaient que si le football féminin se développait dans toutes les tranches d'âge, cela occuperait des terrains et des vestiaires. Par conséquent, le développement de la pratique féminine fait craindre aux hommes de voir leurs disponibilités et leurs créneaux réduits. Je relève cette anecdote pour savoir quelles actions vous paraissent possibles pour résoudre ce type de problème.

En outre, j'aimerais revenir sur les propos de Laurence Cohen et sur le fait de rendre les pratiques sportives moins sexuées qu'elles ne le sont actuellement. Je me demande s'il existe des actions particulières pour sensibiliser les futurs enseignants dans le domaine sportif et lever certains verrous culturels ou psychologiques sur les pratiques sportives.

M. Loïc Hervé. - J'ai une question concernant la laïcité dans les clubs de football féminin. Certains élus locaux, qui soutiennent les clubs, observent des pressions sur l'existence des sections féminines, souvent pour des motifs d'inspiration religieuse. Avez-vous connaissance de ce phénomène ? Que pouvons-nous mettre en place afin de l'enrayer ? Ce phénomène me paraît extrêmement préoccupant.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Je commencerai par la dernière question qui m'a été posée, à savoir celle qui concerne la laïcité. Je n'ai pas eu connaissance personnellement de tels phénomènes. Comme je vous l'ai expliqué en préambule, nous ne gérons pas le football amateur féminin. Ces informations doivent donc être remontées à la Fédération.

Je ne suis pas étonnée par le constat qui a été fait sur les équipements. Les terrains appartiennent aux collectivités. Ils sont nombreux, mais ne suffisent pas étant donné l'engouement pour la pratique du football féminin et masculin. Les collectivités doivent nous aider pour instaurer a minima des vestiaires séparés pour les filles. En effet, certaines filles arrêtent le football à partir de douze ou treize ans à cause de l'absence de vestiaire séparé. Il revient aux collectivités de faire évoluer la situation dans tous les clubs.

En outre, le football est impliqué depuis longtemps dans l'éducation dès le plus jeune âge. J'ai lancé le programme éducatif fédéral il y a quatorze ans avec Philippe Séguin, qui était président de la Fondation du football et très attaché à ces questions. Le programme s'appelait « Respect tout terrain ». Aujourd'hui, il reste encore méconnu, alors que nous devons être fiers, car un tel programme reste unique en Europe. Les autres fédérations de football ou d'autres sports s'inspirent du travail de la FFF pour appliquer ce programme, qui a également été adapté pour les centres de formation. Les notions de responsabilité et d'exemplarité sont essentielles, notamment pour les joueurs au plus haut niveau. Je partage donc ce qui a été dit par Laurence Cohen : tout passe par l'éducation. Nous travaillons donc à long terme pour préparer les générations futures en espérant que cette éducation fera changer les mentalités en profondeur. Les filles doivent pouvoir se sentir plus libres d'occuper l'espace et d'exister.

Le football est intervenu à l'école, notamment dans le cadre de l'Euro 2016. Un programme mis en place par la FFF, « Foot à l'école », a permis de sensibiliser les élèves sur les valeurs du football et de faire passer certains messages. Une convention a été signée avec le ministère de l'Éducation nationale, mais j'ignore si un bilan a été effectué. Il pourrait être intéressant de solliciter la FFF sur ce point. Cette dernière travaille beaucoup avec le ministère pour faire en sorte que la pratique et les valeurs du football se développent davantage à l'école. Actuellement, le handball reste omniprésent dans le milieu scolaire. Il convient donc d'ouvrir davantage de pratiques durant l'ensemble de la scolarité, en particulier à l'école primaire et au collège, où il pourrait être intéressant de proposer des sessions de football.

Concernant les salaires, le marché du football est européen, qu'on le veuille ou non. Par conséquent, si nous ne sommes pas capables de nous aligner sur les salaires de Neymar ou de Mbappé, les grands joueurs choisiront d'autres clubs. Je comprends que cela puisse interpeller moralement, mais telle est la réalité du marché européen.

Toutefois, il est important de considérer ce que le football professionnel apporte à la collectivité et au financement de l'ensemble du sport amateur. Le football professionnel est le contributeur le plus important du Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui deviendra prochainement l'Agence nationale pour le sport. Il reverse 72 millions d'euros par an à la collectivité, soit 5 % de son chiffre d'affaires. Ce pourcentage est dix fois plus élevé que la contribution en responsabilité sociale des entreprises du CAC 40, qui reversent 0,5 % de leur chiffre d'affaires. Ce chiffre n'inclut pas les 300 millions d'euros d'impôts et de taxes reversés sur les salaires des joueurs. Il ne s'agit donc pas de la contribution sociale et fiscale du football professionnel, mais d'une contribution donnée par le biais de la taxe Buffet, qui prévoit cette réversion de 5 % des montants des droits télévisuels. En outre, une convention lie la LFP à la FFF. Entre 20 et 40 millions d'euros par an sont reversés à la Fédération pour développer le football amateur. Le football professionnel fait donc preuve de solidarité financière. De plus, 3 000 actions sont menées chaque année par les clubs de football professionnel en faveur d'associations locales. Cela se fait de manière naturelle.

S'agissant du soutien au développement du football féminin, j'aimerais vous citer une mesure que j'ai prise. Le bénéfice de la Coupe du monde masculine, qui s'élevait à 2,4 millions d'euros, est traditionnellement réparti équitablement entre la LFP et la FFF. J'ai demandé à ce que notre part, soit 1,2 million d'euros, ne soit pas redistribuée à nos clubs, mais à ce qu'elle soit versée au football féminin, et notamment aux douze équipes féminines de D1 pour les aider à préparer leur Coupe du monde. Le Conseil d'administration de la LFP a voté en faveur de cette mesure à l'unanimité. Certes, cela reste symbolique, mais il s'agit d'un signal fort qui crée un lien entre les Coupe du monde masculine et féminine. Il est normal que le football professionnel aide le football féminin.

Enfin, pour revenir sur mon parcours, je viens du monde de l'entreprise et je suis arrivée au football par la voie entrepreneuriale. J'ai créé le Salon du football sans bien connaître ce milieu. J'ai souvent été provocatrice en disant que je ne savais pas combien de joueurs il y avait dans une équipe. Je le savais, et les règles du hors-jeu n'ont désormais plus de secret pour moi, mais le football n'était pas mon univers en tant que tel.

Le football est un univers d'une grande richesse, à la fois d'un point de vue économique, médiatique ou social. J'ai donc souhaité continuer dans cette voie. Arrivée à un certain âge, je cherchais du sens dans ma vie professionnelle. En travaillant dans une fondation, j'ai eu la sensation d'oeuvrer pour la société. Les programmes que j'ai pu développer au sein de la Fondation du football ont été extrêmement importants. J'ai ensuite souhaité diffuser ces valeurs dans le football professionnel. Pour cette raison, je suis entrée au Conseil d'administration de la LFP, dont j'ai été élue présidente il y a deux ans et demi. Je n'étais pas une candidate déclarée, pour les raisons personnelles que j'ai évoquées précédemment, mais la Ligue est venue me chercher.

Je suis heureuse d'avoir accepté cette responsabilité, même si elle va de pair avec des sacrifices. Comme vous le savez, il est compliqué de concilier une charge professionnelle importante et une charge familiale. En effet, la charge mentale incombe encore trop aux femmes. Si la société doit vraiment évoluer, elle le fera par l'éducation des garçons. Nous devons leur dire que la charge mentale et familiale doit être répartie équitablement.

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure. - J'aimerais revenir sur l'intervention de Loïc Hervé concernant la laïcité. Il me semble que la délégation pourrait peut-être travailler sur la Charte olympique ; elle mentionne notamment le respect et la neutralité, qui ne sont pas toujours appliqués correctement envers les femmes.

Mme Marta de Cidrac. - Je voudrais faire une suggestion sur le mode de financement du football féminin. Lorsqu'une collectivité investit dans un équipement pour le football, la Fédération pourrait abonder du montant équivalent pour permettre de développer le football féminin, par exemple en finançant des vestiaires séparés.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Cela existe à travers le CNDS qui aide au développement des infrastructures. L'argent est versé, mais nous ne savons pas comment il est utilisé. Il ne s'agit pas de donner davantage, mais de s'assurer que ce qui est versé est bien utilisé. Le fléchage doit donc être clarifié. Mes élus me posent la même question et veulent savoir à quoi servent ces financements.

Concernant le football féminin, il faut dialoguer avec la Fédération ou avec l'Agence nationale pour le sport. Je pense qu'un tel mécanisme doit être prévu. Nous devons en tout cas aider à établir des priorités.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Nous voyons bien là l'illustration du cloisonnement entre la Fédération et la Ligue et les limites de ce type d'organisation. Il est difficile d'avancer avec les mêmes objectifs.

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Madame la présidente, nous travaillons main dans la main avec la Fédération. La Fédération a une délégation de service public pour gérer l'ensemble de la pratique et du développement du football professionnel, qu'il soit féminin ou masculin. Historiquement, la Ligue a été créée ensuite. Toutefois, je siège au Comité exécutif de la Fédération et le président de la Fédération est membre de notre conseil d'administration. Nous nous entendons bien et nous essayons d'agir dans la même direction. Je regrette de ne pas avoir pu vous fournir certaines informations, mais je pourrai vous les communiquer ultérieurement.

Mme Laurence Cohen. - Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles le football est géré par deux instances, la Fédération française de football (FFF) d'un côté, et la Ligue de football professionnel (LFP) de l'autre ?

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Tous les sports professionnels sont organisés de cette manière. Les fédérations s'occupent de la pratique amateur et des équipes nationales. Les ligues s'occupent exclusivement du sport professionnel. Les deux sont liées par des conventions qui sont revues régulièrement. Le sport professionnel a besoin de personnes ayant des profils d'entreprise, ce qui explique cette répartition.

Mme Annick Billon, présidente, co-rapporteure. - Nous regrettons donc que les équipes professionnelles féminines ne dépendent pas de la LFP.

Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir répondu à nos nombreuses questions. Je vous souhaite une belle journée et une belle Coupe du monde, avec une étoile à la clé !

Mme Nathalie Boy de la Tour. - Merci à vous tous, j'ai eu un grand plaisir à échanger avec vous.

Constitution définitive du comité d'organisation de la célébration du vingtième anniversaire de la délégation

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, je vous demande de rester encore un instant afin que nous procédions à la constitution définitive du comité d'organisation de la célébration du vingtième anniversaire de la délégation.

Il me semble pertinent de créer un groupe de travail pluraliste pour préparer cet événement important pour notre assemblée. J'ai reçu les candidatures de Marta de Cidrac pour le groupe LR ; Laurence Rossignol pour le groupe socialiste ; Loïc Hervé pour le groupe centriste ; Françoise Laborde pour le groupe RDSE ; Laurence Cohen pour le groupe CRCE. Je souhaite également faire partie de ce comité.

Je ne vois pas d'opposition. À ce stade, le comité d'organisation est donc ainsi constitué.

Je vous propose de débuter nos travaux courant mai pour définir les contours de cette célébration.

Je vous remercie pour votre participation à nos travaux.