Jeudi 3 octobre 2019

- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, présidente -

La réunion est ouverte à 08 h 30.

Communication de Mme Élisabeth Lamure, présidente, et M. Olivier Cadic sur les Worldskills (Olympiade des métiers) et les modalités de la candidature de la France pour les WorldSkills 2023

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . Mes chers collègues, du 22 au 23 août dernier, nous nous sommes rendus avec Olivier Cadic à Kazan, en Russie, pour la 45ème Worldskills Competition, aussi connu sous le nom d'Olympiades des Métiers. Notre Délégation connaît bien maintenant les Worldskills car en 2018 et 2019, nous avons mis à l'honneur les médaillés de cette compétition lors de la Journée des entreprises, ce qui est très apprécié des chefs d'entreprises présents, et nous nous étions rendus à la finale de la compétition nationale à Caen en novembre 2018. Je rappelle que nous devons cette opération à Olivier Cadic qui a « découvert » cette compétition lors de son passage à Abu Dhabi en 2017, compétition alors peu connue, ce qui prouve bien le besoin de communiquer sur les métiers, à laquelle participent environ 80 pays, et environ 50 métiers dans de nombreuses catégories (bouche, bâtiment, fleurs, esthétique, mécanique, auto, robotique, mais aussi métiers de la propreté, des services à la personne, et les « Future Skills » du numérique ou de la cybersécurité). Les épreuves sont réservées aux jeunes de - 23 ans pour la plupart des catégories ; ils sont sélectionnés par les Worldskills nationaux pour constituer l'équipe de leur pays.

Nous étions à Kazan à double titre : soutenir l'équipe de France des Métiers, et surtout soutenir la candidature de la France pour son organisation en 2023. Cette candidature avait reçu le soutien officiel du Président du Sénat, à la suite du diner que nous avions organisé en décembre 2018, qui réunissait une partie du jury européen, et celui du Président de la République. Olivier Cadic a été nommé « ambassadeur » des Worldskills 2023. La délégation à Kazan était constituée de représentants des fédérations qui présentaient des candidats, de présidents ou représentants des Chambres de métiers, un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprise et un du Mouvement des entreprises de France ainsi que trois parlementaires : Mme Catherine Fabre, députée, qui a été rapporteur du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Olivier Cadic et moi-même. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a été présente pendant trois jours afin de présenter la candidature de la France. Deux pays compétiteurs restaient en finale, la France et le Japon. Le vote a été sans appel en faveur de la France.

M. Olivier Cadic, vice-président. - . La France a obtenu 44 voix et le Japon, 20 voix.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . La 46ème édition des Worldskills se déroulera donc à Lyon en 2023. Il faudra, collectivement, saisir cette opportunité en termes de visibilité des métiers et d'attractivité pour des filières : soit celles qui sont aujourd'hui en retrait parmi les métiers manuels, soit celles des nouveaux métiers où la France semble prendre du retard. Hormis le grand oral, et le début des compétitions auxquelles nous avons assisté, nous étions présents à la cérémonie d'ouverture dans le grand stade de Kazan, qui avait vu se dérouler la coupe du monde de foot au cours de laquelle l'équipe de France avait battu l'Argentine. La cérémonie, d'un coût de 40 millions d'€, a été grandiose, les équipes de chaque pays défilant à tour de rôle à la manière des Jeux Olympiques. Elle était présidée par le Premier ministre de Russie, M. Medvedev, et la cérémonie de clôture était assurée par le Président Poutine lui-même, c'est dire l'importance accordée par la Russie à cette compétition.

M. Olivier Cadic, vice-président. - . Le slogan des Worldskills est : « là où existe un talent, existe un chemin » et je remercie la Délégation aux entreprises de nous avoir permis de contribuer à la préparation de la candidature française. La France doit former des « Mbappé » des métiers. On peut réussir sa vie sans passer nécessairement par l'université. Ce sont les deux messages de cet évènement, qui met en lumière le fait que l'enseignement professionnel et l'apprentissage ne sont pas une deuxième, mais une première chance.

La compétition a duré 4 jours. Nous avons fait le tour du site et assisté au début des épreuves la première demi-journée, avant notre retour. Lors de cette 45ème édition, 54 métiers étaient en compétition, répartis en 7 pôles (BTP, végétal, industrie, communication et numérique, automobile et engins, alimentation, service). Les épreuves simulent des conditions très proches de la vie réelle des entreprises, et évaluent principalement la précision, la rapidité d'exécution et la créativité des concurrents.

A Kazan, l'équipe de France des métiers rassemblait 44 jeunes de moins de 23 ans, qui disposaient de 4 jours pour se dépasser et devancer les 1600 autres compétiteurs. La délégation française étaie répartie dans les catégories : alimentation (4), services (6), BTP (13), automobile (4), végétal (3), industrie (10), nouvelles technologies (4). L'équipe de France des Métiers a décroché plusieurs médailles : 1 d'or, 4 d'argent, 3 de bronze et 19 d'excellence. Ainsi, plus de 60 % des jeunes participants ont réussi à décrocher une précieuse récompense.

Ce palmarès est cependant un peu moins bon qu'à Abu Dhabi lorsque la France avait obtenu 5 médailles d'or. De ce fait, notre pays passe deuxième nation européenne derrière l'Autriche (cet ordre était inversé il y a deux ans), où la place de l'apprentissage est plus importante qu'en France ; mais elle reste placée devant les autres grandes puissances européennes comme l'Allemagne, le Royaume Uni ou l'Italie, et demeure dans le « TOP 10 », à la 9ème place.

Il est néanmoins intéressant de noter que certaines lacunes structurelles de notre pays se retrouvent dans le cadre des épreuves des Olympiades des métiers. Ainsi seuls 4 métiers du secteur des nouvelles technologies ont été présentés par des jeunes Français, ce qui correspond à la moitié des métiers concernés en compétition. Nous n'avions aucun candidat en intégration robotique, ni en électronique, ni en cybersécurité. Cela illustre bien le retard pris par la France dans sa transformation numérique, notamment quant à la formation, comme l'a illustré notre collègue Pascale Gruny dans son récent rapport, adopté en juillet par notre Délégation. À l'inverse, les jeunes français s'illustrent régulièrement dans les secteurs de l'alimentation, des services ou du BTP.

L'expert qui nous a accompagnés pour la visite des compétiteurs, et qui cumule 15 ans d'expérience aux Worldskills, considère que la France stagne, et se laisse dépasser par les pays du bloc asiatique qui ont la culture du métier, du geste répété, de la discipline et du dévouement, et par les pays émergents, Russie et Brésil, qui poussent fortement à la compétition. Il indique que, pour obtenir de bons résultats dans cette compétition, il faut : un expert / un centre de formation / des candidats / l'appui des branches professionnelles et des fédérations / un budget. Or, pour la France, « le compte n'y est pas ». Il faudrait mobiliser davantage...

L'idée est donc de profiter de la perspective de 2023 en France, en analysant rapidement les forces et faiblesses de notre pays dans chaque secteur d'activité, afin d'être en mesure de présenter les meilleurs candidats pour cette compétition. Les talents ne manquent pas. Il faut, ensemble, trouver le chemin qui nous mènera à Lyon en 2023 pour réussir.

M. Gilbert Boucher. - . Cette présentation nous permet de comprendre tout l'intérêt de la France à participer à cette compétition. Le budget engagé par la Russie, 40 millions d'€, constitue une somme très élevée. J'ai connu un projet de manifestation internationale, l'Exposition universelle, pour laquelle l'Etat avait fait des promesses mais n'avait pas tenu ses engagements. En sera-t-il différemment ? Quelles assurances ont été données ?

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . En France, la compétition est financée sur fonds privés, par les fédérations professionnelles, lesquelles, face aux difficultés de recrutement des entreprises dans toutes les branches, ont intérêt à aider à l'organisation d'un tel évènement. Cela étant, la logistique qui devra être mobilisée pour réussir Lyon en 2023, sur quatre jours, est considérable. La tenue des Olympiades, la finale nationale, dans cette ville du 8 au 10 octobre 2020 constituera un banc d'essai.

M. Olivier Cadic, vice-président. - . Le Président de la République a apporté son soutien officiel à cette candidature, qu'il a initiée. La ministre du Travail était présente à Kazan. Cet engagement des autorités françaises est conforme avec leur volonté de relancer l'apprentissage. La France avait connu précédemment deux échecs à la candidature. Il existait une unanimité de toutes les fédérations professionnelles et une union politique nationale pour porter la candidature de la France. Cela étant, nous ne pouvons pas nous engager dans une compétition financière. La démarche des deux pays finalistes a été différente. Le Japon a eu une démarche institutionnelle : vidéo du Premier ministre Abe, fort engagement de Toyota en faveur de la candidature de la ville d'Aichi, qui est son siège. La délégation française avait choisi une démarche différente, centrée sur les jeunes participants : la vidéo mettait en scène un accueil hôtelier des délégations en France, par une jeune femme, qui pourrait compétiter dans l'une des catégories des Worldskills, comme si notre pays avait obtenu la décision en sa faveur. Les deux prochaines compétitions, la première à Shanghai du 22 au 27 septembre 2021 pour les finales internationales puis la seconde pour les finales européennes (EuroSkills) à Saint-Pétersbourg, en 2022, se traduiront par une surenchère financière entre les deux États organisateurs. Nous devrons avoir une stratégie différente car nous n'avons pas les moyens de suivre. Je rappelle que la dernière fois que la France a accueilli la compétition c'était en 1995 et qu'elle avait été ouverte par Jacques Chirac, alors Président de la République.

M. Claude Nougein. - . Les régions pourront sans doute contribuer au financement de cette compétition.

Mme Catherine Fournier. - . Ce sera difficile car les régions vont être dessaisies de la compétence en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . La France devra faire différemment et mettre l'accent sur l'engagement des jeunes.

Échange de vues avec MM. Michel Canevet et Guy-Dominique Kennel, co-rapporteurs de la délégation, sur les difficultés de recrutement par les entreprises dans un contexte de forte évolution des métiers

Nomination de rapporteurs

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . Nous avons évoqué avant l'été notre projet d'engager une nouvelle étude sur l'entreprise engagée et responsable, afin d'approfondir une problématique rencontrée dans tous les territoires. Je vous propose de la conduire en tandem avec notre collègue Jacques Le Nay, sénateur du Morbihan.

Je constate votre approbation, et je vous remercie pour votre confiance.

Projets de visites et déplacements pour le 4e trimestre 2019

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . Pour une meilleure compréhension et gestion de vos agendas, nous allons vous distribuer un tableau qui synthétise les informations que je vais vous détailler maintenant.

Outre les auditions communes avec le groupe d'étude sur le numérique, présidé par Patrick Chaize, sur l'accès des PME à la fibre à la suite d'une récente décision de l'Autorité de la concurrence que nous venons d'évoquer, je vous propose une visite mercredi 16 octobre de Citéco, le musée de l'économie, créé à l'initiative de la Banque de France à Paris (près du parc Monceau). Il est ouvert au public depuis le 14 juin 2019. Ce lieu pédagogique vise à expliquer les notions et les mécanismes de l'économie pour des publics de tous âges. Nous échangerons avec le directeur pendant le déjeuner sur l'idée d'un éventuel partenariat puis visiterons le premier musée dédié à l'économie. Cette Cité de l'économie, qui a vocation à être aussi un lieu de débat, est la bienvenue dans notre pays qui pâtit d'une culture économique assez faible.

Nous entendons nous rendre jeudi 24 octobre dans le département de l'Aisne à l'invitation de Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. - . Ce déplacement, qui s'effectuera dans la journée, nous conduira le matin à Chauny puis à Saint-Quentin, qui est devenue une plateforme numérique, pour visiter des entreprises travaillant notamment dans l'éolien et dans la maintenance industrielle.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . Je vous propose ensuite de nous rendre mardi 29 octobre ou mardi 26 novembre en fin d'après-midi, à Station F, campus de start-up où il serait intéressant de retourner afin de rencontrer des entrepreneurs de cet écosystème sur leur lieu de travail.

Un autre déplacement à la rencontre des PME sera programmé en décembre en Haute-Garonne, à l'invitation de notre collègue Alain Chatillon. Je vous remercie chers collègues de vous manifester également si vous souhaitez proposer à la Délégation un déplacement dans votre département en 2020.

Je vous rappelle par ailleurs que l'Institut du Sénat, qui propose un cycle de formation ayant pour objectif de mieux faire appréhender les modalités de fonctionnement et les enjeux de notre démocratie parlementaire, par la découverte concrète des travaux législatifs et de contrôle effectués au Sénat, et comprend une vingtaine d'auditeurs par an, de tous horizons géographiques et professionnels, choisis par M. le Président et MM. les Questeurs du Sénat. Cet institut doit comprendre deux chefs d'entreprises et je vous invite à me faire part de vos propositions de candidatures.

Nous continuerons bien entendu notre cycle d'immersion des sénateurs en entreprise, pendant deux jours, avec l'appui du réseau des CCI et allons relancer un appel à candidatures prochainement.

Je vous propose également de nous transmettre vos éventuels souhaits de participation à un Salon professionnel au titre de notre Délégation, pour vous-même et/ou d'autres collègues.

Enfin, la prochaine édition de la Journée des entreprises pourrait avoir lieu le 2 ou le 9 avril 2020.

Questions diverses

M. Claude Nougein. - . Je voudrais faire part de ma préoccupation concernant la proposition de loi, présentée par le groupe socialiste, visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIe siècle, que nous examinons en commission des Finances le 16 octobre prochain, et dont l'article 8 propose de ramener progressivement l'exonération existante en matière de transmission d'entreprises, de 75 % à 25 %. Ce qui peut s'admettre pour une TPE dont les droits de succession ne dépassent pas 10 000 euros n'est pas financièrement soutenable pour des ETI dont la France manque cruellement. Elle en compte seulement 5 000, deux fois moins qu'en Italie et trois fois moins qu'en Allemagne. Pourtant, il s'agit d'une source d'emplois importants et un élément déterminant de l'aménagement du territoire. L'ETI familiale est souvent la seule entreprise du département, avec parfois 2 000 emplois non délocalisables - je pense par exemple à Andros dont le siège est basé dans le petit village de Biars-sur-Cère, dans le département du Lot. Or, une telle proposition fiscale signerait la mort des entreprises familiales. En effet, le triplement des droits de succession pour la transmission de ces entreprises conduirait à un montant, pour une ETI d'une valeur d'environ 100 millions d'euros, de passer de 11 millions à 35 millions. Si la fiscalité actuelle est déjà lourde, elle peut être supportable avec un financement à long terme. Mais si elle triple, quel chef d'entreprise pourra financer de tels droits de succession ? Même si cette mesure a peu de chances d'être adoptée par le Sénat, elle adresse un signal négatif aux entreprises familiales françaises et aux investisseurs étrangers, et renoue avec la culture de l'instabilité fiscale. C'est un curieux message économique de la part d'un groupe qui a connu encore récemment des responsabilités gouvernementales.

Mme Élisabeth Lamure, présidente. - . Et un message négatif adressé aux PME familiales.

M. Jean-Marc Gabouty. - . Un tel montant de droits de succession conduirait en effet le dirigeant d'entreprise à devoir dégager des liquidités pour les payer, au détriment de l'investissement, alourdissant l'endettement de son patrimoine personnel et de l'entreprise.

Mme Catherine Fournier. - . Je signale à votre attention, chers collègues, les travaux de la commission des affaires sociales, laquelle, lors de sa réunion du mercredi 25 septembre 2019, a examiné le rapport d'information de Mme Monique Lubin et M. René-Paul Savary sur l'emploi des séniors, et qui a par ailleurs missionné nos collègues M. Michel Forissier et Mme Frédérique Puissat pour investiguer sur les relations sociales entre les plateformes et les travailleurs indépendants.

La réunion est close à 10 h 10.