Jeudi 14 novembre 2019

- Présidence de M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office -

La réunion est ouverte à 9 h 50.

Audition publique sur l'hésitation vaccinale, un phénomène multifactoriel : constat, étude et pistes d'évolution

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Chers collègues, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre présence à cette séance de l'Office dont l'ordre du jour est consacré à une audition publique sur l'hésitation vaccinale. Cette terminologie montre que la sémantique a progressé dans la subtilité des nuances.

C'est un sujet de santé publique majeur. Nous sommes dans un pays qui craint tout, alors que nous avons sans doute l'alimentation la plus saine et la plus contrôlée de toute l'histoire, et qu'en matière de santé, nous avons réalisé les progrès les moins contestables. Pourtant, on oublie qu'il y a encore quelques décennies, les maladies contagieuses circulaient dans notre pays. La tuberculose a disparu au moment des Trente Glorieuses, mais pas complètement et elle réapparaît aujourd'hui ; les cas de poliomyélite ne sont pas si lointains non plus. Nous avons beaucoup progressé, et c'est sans doute la raison pour laquelle, apparemment, l'opinion publique hésite aujourd'hui devant la vaccination.

Ce sujet de travail est important et fondé. Lorsque nous avons travaillé sur la question de l'électro-hypersensibilité1(*), cela s'est avéré absolument passionnant dans la mesure où l'on a pu évaluer qu'en effet, des gens souffraient réellement, alors que la corrélation de cette souffrance avec l'émission d'ondes n'était pas avérée. Je pense que nous progresserons pour qu'un jour cette contradiction soit éclaircie.

Je rappelle que l'Office a déjà travaillé sur le sujet de la vaccination. En 2014, à l'initiative de la sénatrice Corinne Bouchoux, secondée par le député Jean-Louis Touraine, nous avions organisé une audition publique intitulée « Les adjuvants vaccinaux, une question controversée »2(*). Cette audition avait notamment permis aux scientifiques qui estiment que ces adjuvants représentent un danger, de présenter leurs travaux.

Madame Agnès Buzyn, notre ministre des Solidarités et de la santé, a souhaité que les vaccinations qui étaient simplement recommandées pour les enfants, deviennent obligatoires à compter de début 2018. Dans un contexte de résurgence de la rougeole, le premier retour d'expérience de cette mesure, après une année de mise en oeuvre, a été l'occasion pour l'Office d'effectuer un nouveau travail sur le sujet, mais cette fois en examinant l'ensemble des aspects liés à la vaccination. Nous avons ainsi adopté en juillet 2019 une note scientifique (n° 17) intitulée « La politique vaccinale en France ». Vous pouvez la consulter sur les pages internet de l'Office sur nos deux sites respectifs de l'Assemblée nationale3(*) et du Sénat4(*).

Cette note accordait déjà une place à la description du manque d'adhésion à la vaccination d'une partie de la population. On peut d'ailleurs remarquer que ce phénomène existe à propos d'autres avancées scientifiques ou technologiques, comme les compteurs Linky. L'installation de ces compteurs a suscité beaucoup d'opposition et de débat, bien plus paradoxalement que les débats qui sont organisés sur le thème de la lutte contre le chômage, ou de l'évolution de l'Europe et de l'apaisement des tensions internationales.

C'est dans ce contexte d'inquiétude, d'hésitation, de remise en cause, que nos collègues Jean-François Eliaou, député de l'Hérault, Cédric Villani, premier vice-président de l'Office et député de l'Essonne, et Florence Lassarade, sénatrice de la Gironde, co-rapporteurs de la note scientifique de juillet dernier, ont souhaité organiser cette audition.

Ils vont se répartir la présidence des deux tables rondes, Jean-François Eliaou la première et Florence Lassarade la seconde, et c'est tout naturellement Cédric Villani qui conclura nos travaux.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Monsieur le président, cher Gérard, je pense que les enjeux ont bien été résumés. Au moment où la décision d'Agnès Buzyn a été annoncée, consistant à rendre obligatoires un certain nombre de nouveaux vaccins, nous avons eu droit à des réactions variées de la part de la communauté scientifique et de la communauté politique. La question était vraiment posée de savoir si cette décision de rendre la vaccination obligatoire aurait un effet positif ou négatif sur la perception des vaccins par l'ensemble de la société.

Le bilan après bientôt deux ans de mise en oeuvre de cette mesure d'obligation de vaccination est l'un des sujets que nous allons évoquer ce matin. Nous savons que la France est extraordinairement sensible à ce thème, c'est même l'un des pays les plus vaccino-sceptiques qui soit.

Comme d'autres auditions que nous avons menées, celle-ci est ouverte aux internautes, avec la possibilité de poser des questions en ligne sur la plateforme que nous utilisons à cet effet. À la fin de l'audition, en plus du travail de synthèse que j'effectuerai, je me chargerai de vous transmettre les questions des auditeurs et de les adresser, le cas échéant, aux experts. Cette démarche participative s'est avérée fructueuse par le passé. Nous l'avons mise en oeuvre pour les auditions sur l'expérimentation animale, sur le rapport annuel de l'Autorité de sûreté nucléaire cette année, un autre sujet ô combien sensible, sur les nouvelles tendances de la recherche sur les énergies renouvelables, sur les apports des sciences et de la recherche à la reconstruction de Notre-Dame de Paris après l'incendie de sa toiture au printemps dernier, ou encore sur les enjeux des compteurs communicants évoqués à l'instant par le président Longuet. Les questions présentées sont souvent pertinentes, complétant celles de nos collègues parlementaires. Je rappelle aux internautes qu'il leur suffit de se connecter sur la page de l'OPECST ou sur la page d'accueil de l'Assemblée nationale, et d'utiliser le lien qui est indiqué.

Table ronde 1 : l'hésitation vaccinale, un phénomène ancien
qui perdure et qui est marqué en France

M. Jean-François Eliaou, député. - Le manque d'adhésion à la vaccination d'une partie de la population est assez connu. Une étude internationale publiée en 2016 indique que la France est le pays dont les citoyens sont les plus méfiants vis-à-vis de la sûreté des vaccins. Cette même année, en 2016, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a mis en place une concertation citoyenne sur la vaccination dont la présidence du Comité d'orientation a été confiée au professeur Alain Fischer ici présent.

Concluant six mois de réflexions et d'échanges, associant les citoyens et les professionnels de santé, les recommandations de ce comité visaient à rétablir la confiance des citoyens et à améliorer les couvertures vaccinales. Certains taux de couverture sont en effet trop bas et ne permettent pas d'empêcher la propagation des agents infectieux. Parmi ces recommandations, figurait le fait de rendre obligatoires, et, j'y insiste, de façon présentée comme temporaire à l'époque, les vaccins alors seulement recommandés chez l'enfant, c'est-à-dire le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole), les vaccins contre les infections à méningocoque de type C, au pneumocoque, à Haemophilus influenzae, et les vaccins contre l'hépatite B et contre la coqueluche.

C'est une mesure qu'Agnès Buzyn, ministre chargée de la Santé, a souhaité mettre en place dès 2018 et que le Parlement a adoptée5(*). Elle semble porter ses fruits, nous en discuterons ce matin.

Ma collègue sénatrice Florence Lassarade, mon collègue Cédric Villani, député, et moi-même, avons effectué un travail sur la politique vaccinale en France sous la forme d'une note scientifique qui a été adoptée par les membres de l'Office en juillet 2019. Florence Lassarade étant pédiatre, et moi-même immunologiste et pédiatre de formation, nous étions convaincus de l'intérêt de cette note que Cédric Villani a souhaitée, suite au débat qui a eu lieu à l'automne dernier et aux nombreuses sollicitations de citoyens qui n'approuvaient pas la mesure prise en 2018. Cette acceptation de la mesure sera certainement un des points cruciaux de notre discussion de ce matin.

Cette note scientifique a été l'occasion pour nous de mettre en évidence que le manque d'adhésion à la vaccination est un phénomène complexe qui a plusieurs origines. À ce titre, il nous paraissait intéressant de bien examiner les origines de ce phénomène afin qu'elles soient prises en compte dans la politique vaccinale de notre pays.

Notre première table ronde sera donc consacrée dans un premier temps à un retour historique sur le manque d'adhésion à la vaccination par la population, car il semble que ce phénomène date du tout début de la vaccination et qu'il a évolué en parallèle de celle-ci. M. Laurent-Henri Vignaud, spécialiste de l'histoire ancienne de l'hésitation vaccinale, nous éclairera notamment sur le manque d'adhésion à la variolisation, qui est l'ancêtre de la vaccination.

Madame Annick Opinel, spécialiste de l'histoire moderne de l'hésitation vaccinale, nous éclairera sur les controverses récentes, qui sont pour beaucoup dans le manque actuel d'adhésion à la vaccination.

Pour bien étudier ce phénomène, il est nécessaire de le quantifier et de suivre son évolution. Des études comme celle menée à l'échelle française par Santé publique France, et les études internationales auxquelles cette agence peut contribuer, sont donc primordiales. Elles permettent de mieux caractériser le manque d'adhésion en lien avec des profils socio-économiques par exemple, et d'évaluer l'efficacité des mesures prises pour améliorer la politique vaccinale. Elles sont donc très utiles pour les décideurs politiques que nous sommes. Madame Sylvie Quelet, représentant Santé publique France, nous présentera une analyse des travaux de cette agence.

Comme je l'ai dit en préambule, la concertation citoyenne sur la vaccination a émis des propositions intéressantes, dont certaines ont été rapidement prises en compte. Le professeur Alain Fischer décrira le point de vue citoyen tel qu'il a été pris en compte dans les réflexions de la concertation, ainsi que les mesures proposées pour rétablir la confiance.

Finalement, les médecins sont certainement les plus directement confrontés au manque d'adhésion à la vaccination des patients. Leurs observations de terrain doivent être prises en compte bien entendu, et il semble qu'ils aient un rôle très important à jouer pour améliorer la confiance. Des études montrent que les citoyens accordent plus de confiance à leurs médecins qu'aux autorités de santé. Le professeur Henri Partouche nous livrera le point de vue des médecins, notamment des médecins généralistes et les propositions de sociétés savantes de médecine générale.

Mesdames, messieurs les intervenants, je vous invite à prendre la parole successivement pendant 8 minutes maximum, pour la clarté des débats et surtout pour laisser du temps aux questions.

Nous commençons par Laurent-Henri Vignaud, agrégé et docteur en histoire, spécialiste de l'histoire des sciences et maître de conférence à l'Université de Bourgogne, Centre Georges Chevrier - Sociétés et sensibilités. Vous êtes co-auteur, avec Françoise Salvadori, chercheuse en immunologie et virologie, de l'ouvrage « Antivax, la résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours ». Le caractère ancien de l'hésitation vaccinale est peu connu, merci d'avoir accepté de nous éclairer sur ce sujet.

M. Laurent-Henri Vignaud, chercheur en histoire des sciences. - C'est un grand honneur de m'exprimer devant la représentation nationale et de partager quelques résultats d'une recherche menée en collaboration avec ma collègue biologiste Françoise Salvadori sur la résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours.

Lorsqu'on aborde les questions relatives aux vaccins et à la réaction d'hostilité que cela suscite chez nos concitoyens, il faut toujours garder à l'esprit deux choses importantes. Premièrement, dans nos pays développés où la résistance, ou l'hésitation, sont souvent les plus fortes, les vaccins sont en quelque sorte victimes de leur succès. Deuxièmement, dès qu'il y a eu des vaccins, avant même les vaccins proprement dits, il y a eu des antivaccins.

Ces deux propositions ne sont contradictoires qu'en apparence. Si l'une signifie qu'il est compliqué, pour ne pas dire impossible, de mesurer à une échelle individuelle la balance bénéfices/risques, l'autre souligne le fait que les débats sur la possibilité et la pertinence d'un tel raisonnement ont existé dès l'origine.

Avant le premier vaccin inventé par Edward Jenner en 1796, il existait une pratique ancestrale introduite en Europe au début du XVIIIe siècle, mais connue en Orient, en Inde ou en Chine depuis des siècles, et que l'on nomme « inoculation variolique ». Comme cette expression le suggère, il s'agissait d'introduire volontairement dans le corps le virus de la variole sous une forme naturellement atténuée afin de produire une réaction immunitaire acquise à vie. C'est Lady Montagu, épouse de l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, qui importe en Angleterre vers 1720 cette pratique observée dans les hammams de la ville.

La variole est alors une maladie redoutée de tous car, à cette époque, un malade sur cinq ou un sur six en meurt. Ceux qui en réchappent gardent généralement d'importants stigmates qui vont de la fameuse peau grêlée à la cécité. Face à une maladie qui a pu représenter jusqu'à 10 % de la mortalité au XVIIIe siècle, on s'attendrait à une acceptation sans réserve de la nouvelle prophylaxie, or l'inoculation est d'emblée contestée.

Cela s'explique d'abord parce qu'elle vient d'Orient ; ensuite parce qu'elle n'est pas une invention de ces « messieurs de la Faculté », mais le résultat de la curiosité d'une dame ; enfin parce qu'elle est une pure pratique chirurgicale dont aucune théorie médicale alors en vigueur ne peut expliquer le succès.

Il faut ajouter, et nous verrons que cela est au coeur du débat, que l'inoculation tue, dans des proportions certes moindres que la variole naturelle, mais selon un ratio de 1/50 à 1/100 que nous trouverions d'ailleurs aujourd'hui tout à fait inacceptable.

Les premiers adversaires de l'inoculation sont par conséquent des médecins qui affirment, d'après la théorie des climats, qu'elle sera inefficace en Europe, ou bien qu'elle ne crée qu'une immunisation temporaire en échauffant les humeurs. Lorsque la Faculté de médecine est sollicitée en 1763 par le Parlement de Paris pour savoir s'il convient d'interdire le procédé, les docteurs sont partagés : la moitié veut l'interdire, l'autre la tolère.

Du côté des théologiens, sollicités en même temps, on botte en touche. La question, disent-ils, ne concerne pas la foi mais la médecine. Pourtant, dans certaines églises, on dénonce déjà une atteinte à la providence. L'homme pêcheur n'est pas maître de son destin qui est entre les mains de Dieu ; vouloir contrevenir à la maladie par un moyen si artificiel est donc en quelque sorte sacrilège. Mais, d'autres prédicateurs répondent que si Dieu nous offre un secours contre un mal si terrible, nous serions bien sots et en définitive assez orgueilleux de ne pas en faire usage.

L'opposition religieuse à la vaccination existe donc bel et bien, mais elle n'est jamais univoque. Il y a autant d'arguments pour que contre. Il est vrai que le fait que la pratique de l'inoculation soit vantée par la plupart des philosophes, à commencer par Voltaire, ne la rend pas très fréquentable aux yeux des plus rigoristes.

Les médecins ne pouvant expliquer pourquoi l'inoculation est inefficace, ce sont des mathématiciens qui entreprennent d'en faire la démonstration statistique à partir de registres de mortalité. En 1760, Daniel Bernoulli calcule que le risque de mourir de la variole naturelle au cours de sa vie serait 13 fois supérieur à celui de mourir de la variole artificielle. Si l'on généralise le procédé, dit-il, on sauvera 1 000 enfants par génération de 13 000 enfants et la durée de vie sera allongée.

À ce raisonnement statistique qui paraît incontestable, un autre mathématicien et non des moindres, l'encyclopédiste d'Alembert, oppose un principe connu aujourd'hui des économistes sous le nom de théorie subjective de la valeur. Toute perte ou gain immédiat a une valeur supérieure à la même perte ou gain dans l'avenir. La mort subite d'un enfant provoquée importe plus que l'ajout ou la soustraction de quelques années hypothétiques à son espérance de vie moyenne. On ne peut comparer, affirme d'Alembert, le désespoir d'avoir hâté la mort et le malheur de l'avoir laissé subir.

Les points de vue des « pro » et des « anti » s'avèrent donc irréconciliables et se constituent en cas pratiques de philosophie morale fondée sur ce que j'appelle un « chiasme argumentatif ». Les « pro » perçoivent prioritairement le danger comme étant celui de la maladie naturelle, c'est-à-dire la variole, tandis que les « anti » pointent du doigt la dangerosité du procédé inoculatoire. La prise de risque est donc pour les « pro » essentiellement collective, c'est celle de l'épidémie qui se répand dans une population. Au contraire, la prise de risque est strictement individuelle pour les « anti » au travers du geste médical lui-même. Ainsi la responsabilité de la protection incombe pour les « pro » à l'individu qui doit assumer de prendre un petit risque pour écarter un danger général, tandis que pour les « anti », à l'inverse, la responsabilité de la protection incombe à la collectivité qui doit protéger la société contre la témérité des inoculateurs.

La donne paraît changer avec la découverte de la vaccine par Edward Jenner. D'Alembert avait prévu que si la mortalité artificielle descendait à un niveau très bas, il n'y aurait plus de raisons valables de refuser l'inoculation variolique. C'est ce qui se passe avec le passage à la vaccination jennérienne, puisque la vaccine, cette maladie bovine proche cousine de la variole humaine, n'est pas contagieuse et induit rarement des effets secondaires graves. Tout n'est pas cependant si simple, car l'épizootie6(*) est peu fréquente. Il est donc plus facile de prélever la lymphe directement sur un enfant précédemment vacciné ; c'est la technique dite « de bras à bras ». Elle n'est pas sans danger, car elle dépend de l'état de santé général de l'enfant dit vaccinifère. Si par exemple celui-ci est syphilitique, il y a un risque de transmettre la syphilis.

Faisant fi de ces réserves, l'ensemble des gouvernements occidentaux et coloniaux de la première moitié du XIXe siècle, recommandent, puis peu à peu imposent la vaccination, d'abord des esclaves, puis des militaires, bientôt des fonctionnaires, des nourrices, des ouvriers dans les fabriques, etc.

En réaction à la mondialisation rapide du procédé naît la doctrine « Antivax ». Elle repose sur quatre grands fils argumentaires que nous avons étudiés dans notre ouvrage. Le premier est l'argument religieux de type providentialiste, que nous avons déjà mentionné. Il ne concerne aucune religion en particulier, mais toutes à la marge, principalement dans des mouvements sectaires. Le deuxième est l'argument naturaliste : la nature est bonne par essence, la maladie elle-même est un mal nécessaire, et si l'on doit la combattre, il faut le faire par des moyens naturels - la vaccination et l'inoculation étant toujours présentées comme des moyens artificiels de combattre le mal. Le troisième est l'argument que l'on appelle - faute de mieux - « alterscientifique », c'est-à-dire dérivé de théories alternatives au paradigme dominant. Il faut noter que les partisans des médecines dites douces, naturelles ou holistiques, telles que l'homéopathie, sont historiquement très réticents envers la pratique vaccinale. Le quatrième est l'argument politique, qui a son fondement historique dans l'opposition aux lois d'obligation vaccinale établies depuis le milieu du XIXe siècle. Jusqu'à quel point l'État peut-il s'immiscer dans la vie des familles ? Sur qui pèse la responsabilité du geste vaccinal, en particulier en cas d'accident ? Sur l'État ? Sur le laboratoire ? Sur le médecin ? Sur le parent qui prend la décision de faire vacciner son enfant, lequel, étant mineur, ne peut qu'y consentir ? Toutes ces épineuses questions ont reçu des réponses variées à différentes époques.

M. Jean-François Eliaou, député. - Après cette introduction très enrichissante, Mme Annick Opinel va présenter les aspects historiques les plus modernes de l'hésitation vaccinale. Mme Opinel, vous êtes membre de la commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé, et vous travaillez au sein de l'unité Pharmacoépidémiologie et maladies infectieuses de l'Institut Pasteur, où vous vous intéressez aux mécanismes de décision politique et aux comportements vaccinaux, notamment dans le contexte de la vaccination contre l'hépatite B en France et de la vaccination ROR au Royaume-Uni et en France.

Le cas de l'hépatite B, des vaccins ROR et de la fameuse affaire Wakefield à propos de l'autisme, mais aussi les vaccins contre le virus H1N1 ou encore contre les papillomavirus humains, sont souvent cités dans des controverses qui alimentent l'hésitation vaccinale de nos jours. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces affaires ?

Mme Annick Opinel, historienne et philosophe des sciences. - Je résume ici trois événements contemporains à l'origine de la défiance actuelle envers la vaccination en France. Deux concernent plus précisément la crainte des effets indésirables après vaccination : l'autisme et le vaccin Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR), et la sclérose en plaques après vaccination contre l'hépatite B. Le troisième exemple sera la campagne de vaccination contre la grippe H1N1, qui illustre la défiance envers les agences et instances politiques chargées de la santé publique.

En février 1998, un chirurgien britannique, Andrew Wakefield, et douze autres auteurs d'un hôpital londonien publient dans The Lancet, une grande revue, un article concernant le vaccin trivalent ROR. L'objet sensationnel du papier est le lien supposé par Wakefield entre le vaccin ROR et l'apparition de troubles autistiques chez l'enfant vacciné, qu'il entend nommer « l'entérocolite autistique ». Cette causalité affirmée déclenche une importante réaction ; de nombreux articles publiés dans The Lancet et le reste de la littérature médicale et scientifique mettent largement en doute, d'une part, le lien, d'autre part, la méthodologie de l'étude.

Ce lien de causalité entre vaccin et autisme fut réfuté par le British General Medical Council en 2003 et par de nombreuses publications scientifiques prouvant la faiblesse de l'étude, sa vacuité méthodologique et l'absence de preuves. Pour rappel, il s'agissait d'une cohorte de douze enfants, dont neuf étaient déjà autistes à l'inclusion. Malgré ces nombreuses et légitimes contestations, l'article de The Lancet n'est retiré qu'en 2010, année de la radiation de Wakefield de l'Ordre des médecins. La fraude est avérée début 2011, quand le British Medical Journal fait apparaître l'intérêt financier de Wakefield. Ce dernier était financé par des avocats au service de mouvements antivaccins dans le but de disqualifier les laboratoires pharmaceutiques. Par ailleurs, Wakefield avait un intérêt personnel, il entendait breveter un kit diagnostic pour « l'entérocolite autistique ».

De nombreuses études épidémiologiques ont depuis démontré l'absence de lien. Cela a encore été confirmé récemment en 2019 par une remarquable étude danoise menée sur 650 000 enfants. Malgré cela, la pseudo-étude de Wakefield reste revendiquée en France, si bien qu'elle est à l'origine de la résistance à la vaccination contre la rougeole qui a mené à l'épidémie de 2011. Elle perdure comme un élément fondamental du socle argumentaire Antivax, et est à l'origine de l'hésitation, ou du doute, chez les jeunes parents devant la vaccination en général.

Sans lien de causalité, en France, la même année 1998, Bernard Kouchner, ministre de la Santé, suspend la vaccination des collégiens contre l'hépatite B. En raison d'un lien supposé avec la survenue de sclérose en plaques (SEP), il demande aux médecins de famille de déterminer le risque de SEP au vu de l'histoire du patient tout en maintenant les recommandations pour les nourrissons, les adolescents, et les personnes appartenant à des groupes à risques.

Ce faisant, Bernard Kouchner obéit-il à un principe de précaution ou le fait-il par crainte d'un nouveau scandale sanitaire ? Ces faits ont eu lieu juste après le scandale de la vache folle et en plein scandale du sang contaminé ; ces événements ont donné corps à la longue polémique hépatite B - SEP.

Les campagnes de vaccination contre l'hépatite B remontent aux années 90, et notamment au lancement par l'OMS, en 1991, d'une campagne mondiale d'éradication de l'hépatite B. En décembre 1994, Philippe Douste-Blazy, ministre français de la santé, décide de lancer une campagne de vaccination scolaire des enfants et des pré-adolescents. Devant les premières notifications de sclérose en plaques après vaccination contre VHB qui sont apparues dès 1993, trois études cas-témoins sont lancées de 1996 à 1997. L'une, au Royaume-Uni, conclut à un risque possible mais non significatif.

Les nombreuses synthèses établies par les experts des agences françaises - le Conseil national supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF), le Réseau national de santé publique ou l'Agence du médicament - s'appuyant sur les données de pharmacovigilance et des études bénéfices/risques, vont dans le même sens : il faut poursuivre la vaccination des nourrissons en raison de l'absence d'effets indésirables chez les moins de 2 ans, et il faut vacciner des adolescents et des adultes appartenant à des groupes à risques tel que cela a été décidé en juillet par le Comité technique des vaccinations.

En revanche, je cite, « la nécessité de poursuivre les campagnes de vaccination chez les pré-adolescents qui ne présenteraient pas de risques particuliers ne paraît pas manifeste aujourd'hui ». Ces différents éléments ont mené directement à la décision de Bernard Kouchner, le 1er octobre 1998, de suspendre la vaccination dans les collèges.

Depuis, des réunions de consensus, une audition publique en 20047(*), de nombreuses études épidémiologiques, dont certaines récentes, ont exploré le problème. En 2011, la Commission nationale de pharmacovigilance française a estimé que les données scientifiques disponibles n'avaient pas permis de démontrer l'existence d'une association significative entre le risque d'infection démyélinisante centrale (SEP) et la vaccination contre l'hépatite B.

Le troisième exemple concerne la gestion de la crise H1N1 en France entre 2009 et 2010. Celle-ci a montré les limites, ou les excès, de ce principe où la démarche de précaution - vacciner massivement - a prévalu. On notera au passage que le recours à ce principe peut dans un cas suspendre une campagne de vaccination (celle contre l'hépatite B en 1998), et dans l'autre, imposer une campagne de vaccination (celle contre la grippe en 2009).

En 2009, un nouveau virus H1N1 résultant d'une combinaison de différents virus grippaux d'origine aviaire, porcine et humaine, se diffuse rapidement à l'ensemble du monde ; l'OMS qualifie la situation de « pandémique » en 2009. En France, une campagne de vaccination est lancée dans les établissements de santé en octobre 2009, mais une gestion logistique approximative, ainsi que la mise à l'écart des médecins de ville, aboutissent à une embolisation, puis à une désertion des centres de vaccination parapublics, et de fait, à un surplus de lots de vaccins inutilisés. À cela s'ajoutent des doutes sur l'efficacité du vaccin.

Les différents rapports faits pour l'Assemblée nationale et le Sénat en 2010, ou la Cour des comptes en 2011, sur l'utilisation des fonds lors de cette crise font apparaître une surévaluation des doses de vaccin nécessaires et un rapport avec l'industrie pharmaceutique, sur lequel Roselyne Bachot, ministre de la Santé, a été entendue devant une commission d'enquête8(*). Ceci a alimenté la polémique devant l'échec de cette vague de vaccinations.

Pour conclure, le scandale du Mediator, et plus récemment la polémique autour du Levothyrox, constituent un bruit de fond favorable au scepticisme, tout comme d'autres paramètres, tels les valences multiples de certains vaccins et les ruptures d'approvisionnement. L'accusation persistante de recherche de profit, ajoutée à la crainte des effets indésirables, à celle des adjuvants aluminiques, le tout amplifié par la chambre d'écho que constituent les réseaux sociaux, entretiennent ainsi gravement et durablement la méfiance, voire l'hostilité, envers l'industrie pharmaceutique, et par rebond, envers les vaccins en général.

M. Jean-François Eliaou, député. - Je vous remercie d'avoir complété les aspects historiques qui nous aident à comprendre le climat de défiance. J'ajouterais une remarque : la politique éditoriale d'un certain nombre de revues prestigieuses entraîne parfois les médecins et chercheurs dans des chemins imprévus, tant elles requièrent des études innovantes ou décisives ; tel est bien le cas de The Lancet.

Il convient maintenant de dresser l'état des lieux actuel. Mme Sylvie Quelet, vous êtes médecin et directrice de la prévention et de la promotion de la santé à Santé publique France. Cette agence de santé publique, sous la tutelle du ministère des solidarités et de la santé, est issue de la fusion de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et de l'Institut de veille sanitaire (InVS). Par l'intermédiaire de l'enquête Baromètre Santé en 2016, votre agence a montré que le niveau d'adhésion à la vaccination pouvait varier selon le niveau d'étude ou le revenu, mais que ces observations ne valaient pas pour tous les vaccins.

En juin dernier, vous avez publié une étude concluant à une efficacité de l'extension des vaccinations obligatoires et sur l'amélioration des couvertures vaccinales. Nous aimerions connaître l'analyse que l'agence fait de cette étude, ainsi que de celles qui comparent la situation française au reste du monde. L'étude de 2016 de Heidi Larson et collaborateurs pointe la France comme le pays le plus suspicieux quant à la sécurité des vaccins. Cette observation trouve-t-elle un écho dans d'autres études similaires ?

Mme Sylvie Quelet, directrice de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique France. - Bien avant le concept d'hésitation vaccinale, l'INPES puis Santé publique France se sont intéressés au suivi de l'adhésion à la vaccination, qui est une approche de l'hésitation vaccinale en première approximation, par deux types d'études : les baromètres Santé et des études ad hoc sur des populations cibles plus restreintes comme les parents d'enfants en âge d'être vaccinés, de façon à connaître les attentes et les besoins, mais aussi les freins et les leviers sur lesquels nous pouvons agir.

Les baromètres Santé sont des enquêtes périodiques, répétées, depuis 1992. Ce sont des études longitudinales pour lesquelles nous avons un grand recul. Elles permettent de piloter les programmes nationaux de prévention et d'orienter les actions de communication. Ces enquêtes reposent sur des sondages portant sur des échantillons constitués de manière aléatoire et par des enquêtes téléphoniques. Suivant les années, la taille des échantillons permet également d'avoir des données régionales voire infra-régionales, afin de piloter les actions de promotion de la vaccination de manière plus précise.

En matière d'adhésion à la vaccination, trois questions sont posées régulièrement depuis les années 2000 : êtes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable, ou pas du tout favorable, à la vaccination en général ? Êtes-vous défavorable à certaines vaccinations en particulier ? Et si oui, lesquelles ?

Les baromètres Santé montrent l'évolution des réponses à ces questions. Dans les années 2000-2005, l'adhésion à la vaccination était excellente, au-delà de 90 %. En 2010, l'adhésion à la vaccination chute brutalement, autour de 60 %. Comme l'a dit Mme Opinel, il faut resituer ces réponses dans le contexte politique de l'époque, qui était celui de la crise autour de la vaccination contre la grippe A (H1N1). À la question « Êtes-vous favorable à la vaccination A (H1N1) ? », 41 % de la population répondait de manière négative. Progressivement, l'adhésion à la vaccination a été récupérée, sans cependant jamais retrouver le niveau des années 2000.

En 2017, le niveau d'adhésion à la vaccination est de 77 % (réponses « très » et « plutôt favorable »), à mettre en parallèle avec l'augmentation de la couverture vaccinale contre la rougeole.

Un certain nombre de constantes dans les facteurs influencent l'adhésion à la vaccination. Il y a des disparités d'ordre régional : les régions du nord sont plus adhérentes à la vaccination que les régions du sud, en particulier le sud-est. Ces niveaux d'adhésion à la vaccination sont très comparables aux niveaux de couverture vaccinale. Cela est particulièrement notable pour la vaccination contre la rougeole.

Parmi les autres facteurs, on l'a dit, il y a le niveau de diplôme, le niveau de revenu et le fait d'avoir un enfant. Les personnes qui ont des enfants adhèrent plus, en général, à la vaccination que les personnes sans enfant.

Cela dit, les caractéristiques des personnes qui se déclarent adhérer à la vaccination dépendent aussi du vaccin. Par exemple, les parents d'enfants sont plus réticents à la vaccination contre la tuberculose (BCG) que la population générale, ou les mères de jeunes filles en âge d'être vaccinées contre les papillomavirus humains (HPV) sont plus défavorables à cette vaccination que la population générale. Pour le vaccin anti-HPV, seulement 5 % de la population générale se dit défavorable à la vaccination, alors que les taux de couverture sont très bas ; ils reflètent en réalité le faible niveau d'adhésion des mères.

Nous avons également réalisé en 2018 et 2019 des enquêtes auprès des parents, pour explorer le nouveau contexte politique autour de l'obligation vaccinale. En 2019, 48 % des parents se disent très favorables à la vaccination, 48 % sont favorables à certaines vaccinations et défavorables à d'autres. Les personnes les plus défavorables sont les femmes (54 %), les jeunes de 25-34 ans (54 %) et les personnes « CSP - ». Mais dans la même étude, 86 % des parents disent adhérer à l'idée que la loi va faire augmenter la couverture vaccinale et 77 % que la loi va réduire les épidémies.

En revanche, si, d'après cette étude, l'efficacité des vaccins est bien reconnue par les parents (88 %), ils disent avoir besoin de plus d'informations sur les effets secondaires, sur la composition des vaccins et sur les bénéfices apportés par la vaccination par rapport aux maladies contre lesquelles ils protègent.

Il n'y a pas d'équivalent européen des baromètres Santé qui permette d'avoir ce suivi longitudinal de l'adhésion à la vaccination. Les deux enquêtes que je vais maintenant citer - celle de Heidi Larson et collaborateurs, de 20169(*), et celle menée par l'ONG Wellcome, en 201810(*) - ne mesurent que des déterminants à l'adhésion à la vaccination que sont la sécurité et l'efficacité de la vaccination.

L'enquête de Heidi Larson en 2016 montre que la France est l'un des pays où la confiance dans la vaccination est la moins importante. En 2018, l'étude réalisée pour l'ONG Wellcome dans 144 pays montre que la France est le pays dont la population est la plus défiante vis-à-vis de la vaccination. D'après cette étude, 33 % des Français pensent que les vaccins sont peu ou pas sûrs, et 19 % des Français pensent que les vaccins sont peu ou pas efficaces.

Ces résultats font de la France un cas unique de défiance, comparée aux pays qui l'entourent. À part la Belgique et la Suisse, dont les niveaux de défiance s'élèvent environ à 13 % et 20 % respectivement, les niveaux de défiance dans les autres pays sont nettement en dessous de celui de la France.

La France est également comparable à la Suisse sur la question de l'importance de la vaccination pour ses enfants. Seulement 49 % des Français pensent que la vaccination est très importante. La France est loin derrière la Belgique (où 80 % des personnes pensent que la vaccination est importante) et de l'Espagne (où 75 % pensent que la vaccination est importante). À l'inverse, seuls 10 % des Français pensent que la vaccination est peu ou pas importante, ce qui rejoint l'étude de 2019 dont je vous ai parlé.

Nous allons avoir des données plus récentes en fin d'année sur les baromètres 2019. Il faudra prendre en compte le fait que l'évolution des opinions en matière de vaccination s'inscrit dans le temps long, il sera donc plus intéressant d'examiner les résultats en les incorporant dans une analyse longitudinale que de regarder les chiffres de l'année, seuls.

Nous sommes vraiment conscients de l'importance de la pédagogie et des travaux que nous devons réaliser auprès des parents, et également des médecins, pour les soutenir dans leur action de ré-assurance des parents.

M. Jean-François Eliaou, député. - Merci pour cet éclairage très intéressant sur la quantification. Ces informations factuelles sont nécessaires.

De manière moins quantitative et peut-être plus qualitative, nous aimerions avoir un retour sur le point de vue citoyen exprimé lors de la concertation sur la vaccination. Monsieur le professeur Alain Fischer, vous étiez le président du Comité d'orientation de la concertation. Vous êtes professeur d'immunologie pédiatrique, titulaire de la chaire de médecine expérimentale au Collège de France et membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie des sciences. Un manque d'adhésion à la vaccination a-t-il été exprimé par les citoyens lors de cette concertation ? En quoi les recommandations proposées permettaient-elles de rétablir la confiance des citoyens dans la vaccination ?

Pr. Alain Fischer, président du comité de pilotage de la Concertation citoyenne sur la vaccination. - Je salue l'action et la réflexion de l'Office sur la question de l'hésitation vaccinale aujourd'hui en 2019, c'est une question importante.

Quelques éléments de contexte d'abord : en 2016, la ministre de la santé Marisol Touraine a constaté, grâce notamment aux excellentes enquêtes de Santé publique France, une diminution partielle de la confiance dans la vaccination de la part des Français - on l'a vu avec le pic de 2010 - et des signes d'alerte sur le taux de couverture de certains vaccins, en particulier contre la rougeole, le méningocoque C, sans parler de celui contre HPV.

Marisol Touraine a souhaité qu'une concertation citoyenne soit mise en place. J'ai eu l'honneur de présider, avec Madame Claude Rambaud, son Comité d'orientation. Celui-ci comprenait à la fois des médecins, des chercheurs en sciences humaines et sociales, et des représentants de la société civile. Deux jurys ont travaillé sur la vaccination : un jury de citoyens représentant raisonnablement la population française et un jury de professionnels de santé non directement impliqués dans les questions de vaccination. Ils ont exprimé leurs opinions et essayé de répondre aux deux questions posées par la ministre. Ce Comité d'orientation s'est également appuyé sur des enquêtes d'opinion ad hoc de Santé publique France qui nous ont beaucoup aidés, sur la mise en place d'un site internet pour recueillir des opinions, ainsi que sur la consultation d'autres experts. Le fruit de tout ce travail a fait l'objet de recommandations, après des discussions très intéressantes avec les membres des deux jurys, sachant bien évidemment qu'il n'y avait pas a priori de consensus sur les différents points, si ce n'est le consensus sur le renouvellement de l'importance de la vaccination et la nécessité d'étendre cette couverture vaccinale. Mais sur les mesures, il n'y avait pas tout à fait consensus.

En voici un bref bilan : parmi les recommandations faites, il y avait un consensus sur l'importance de la transparence de l'ensemble des décisions prises et sur la façon dont elles étaient prises, à l'abri des conflits d'intérêts, en n'oubliant pas que les conflits d'intérêts peuvent venir des experts, mais aussi des « antivax ». On pourrait s'étendre longtemps sur cette question des conflits d'intérêts avec des personnes qui s'expriment contre la vaccination. En tous cas, cette mesure de transparence me semble avoir été prise en compte par les différentes autorités de santé impliquées.

Il y a également eu consensus sur la nécessité de développer l'information, et je salue à nouveau Santé publique France qui a mis en place un site internet d'information absolument remarquable sur la vaccination. Il est accessible à la fois aux professionnels de santé et à tous les citoyens. Ils y trouvent une information à mon avis incontestable sur tous les aspects de la vaccination, le bien-fondé, les risques, etc.

Il y a eu consensus sur la nécessité de développer l'éducation sur la vaccination et la formation, en particulier la formation continue des professionnels de santé, médecins, infirmières, sages-femmes, mais aussi les pharmaciens, et sur ce point, il reste beaucoup de travail à faire, à l'évidence.

Il y a eu consensus sur la nécessité d'accroître les efforts de communication, auprès du grand public et des professionnels de santé, sur la vaccination. Des efforts ont été faits en ce sens.

Il y a eu consensus sur la facilitation de l'accès à la vaccination. Cette mesure a été appliquée avec succès à la vaccination contre la grippe, les pharmaciens pouvant maintenant la réaliser. Des efforts supplémentaires sont nécessaires, par exemple, pour faciliter la capacité des infirmiers et infirmières à vacciner, ou pour faire en sorte qu'un médecin généraliste dispose de vaccins dans son cabinet, de façon à éviter au patient de devoir acheter son vaccin en pharmacie.

Certaines des mesures ayant fait l'objet d'un consensus ont été mises en place, d'autres pas encore.

La question importante de l'obligation vaccinale n'a pas fait consensus entre les deux jurys, cependant cette proposition a été faite lors d'une réunion collective des deux jurys avec les membres du Comité d'orientation, et il s'est dessiné un quasi-consensus sur l'importance de l'obligation et sur son caractère temporaire. Cependant, revenir sur l'obligation impose que les taux de couverture reviennent à un niveau satisfaisant et que la confiance soit rétablie. Je pense qu'on n'est pas tout à fait arrivé à la fin de cette période temporaire, quoiqu'il arrive.

Le fondement de cette proposition était que l'intérêt collectif l'emporte sur l'intérêt individuel : ainsi, les réserves qu'un individu peut avoir en arguant de sa liberté individuelle ou de celle de son enfant ne tiennent pas face à la nécessité de protéger la société. Ce raisonnement s'applique notamment à la rougeole, la maladie infectieuse la plus transmissible, mais également à beaucoup d'autres maladies qui sont couvertes par la vaccination.

Ce raisonnement était donc fondé sur le principe de responsabilité de l'ensemble de la société, et aussi sur l'idée, qui peut paraître contre-intuitive, que la mise en place d'une obligation peut marquer les esprits et être un élément qui peut, sur le long terme, permettre de redresser le niveau de confiance. Cela peut surprendre car, a priori, il y a antagonisme entre obligation et confiance, mais à partir du moment où une société pense que l'obligation est nécessaire, une prise de conscience et un cheminement de réflexion peuvent, in fine - nous n'y sommes pas encore - aboutir à améliorer la confiance.

Incidemment, et de façon assez intéressante, cela reflète l'aspect politique de la vaccination qui a été évoqué tout à l'heure. Une démarche relativement similaire a été mise en oeuvre en Italie, où la décision de l'obligation de vaccination des jeunes enfants a été prise à peu près pour les mêmes vaccins, peu de temps avant la décision d'Agnès Buzyn en France. Il n'y a pas eu de concertation vaccinale, mais sur cette question, le contexte politique était très tendu en Italie. L'opposition de l'époque, constituée du Mouvement 5 étoiles (Cinque Stelle) et de la Ligue du Nord (Lega Nord), qui a pris le pouvoir ensuite, s'exprimait très fortement contre la vaccination et envisageait de remettre en cause la vaccination en Italie. Le contexte était donc assez similaire en termes de confiance ou de défaut partiel de confiance.

Toutes ces recommandations n'ont pas été totalement consensuelles, mais elles ont été proposées par l'ensemble des intervenants qui ont travaillé à cette concertation. Dans l'ensemble, les recommandations ont été largement suivies par les sociétés savantes médicales, les infirmières, les syndicats de professionnels de santé, les académies. Ce soutien a abouti au fait que la ministre, lors de sa prise de fonctions, a, entre autres mesures, mis en oeuvre cette obligation. De fait, et je m'appuie sur les données de Santé publique France, les résultats, certes, encore préliminaires, vont dans le bon sens, puisque la couverture vaccinale a progressé pour tous les vaccins obligatoires, et même non obligatoires. L'effet de la mesure s'étend donc au-delà.

En parallèle de l'obligation, il y a eu un effet bénéfique associé à une évolution du traitement de la vaccination par les médias. Entre 2016 et 2019, la façon dont des grands journaux, comme Le Monde, Libération ou encore Le Parisien-Aujourd'hui en France, ont traité la vaccination, a complètement changé et ceci est documenté. Cette amélioration dans le domaine de l'information et de la communication a eu des effets bénéfiques mais il est difficile de faire la part des choses entre les effets de l'obligation et les effets de la meilleure information et de la meilleure communication, puisque tout a été fait en même temps.

Dans les médias plus fréquentés par les jeunes, les réseaux sociaux, c'est un peu différent, quoique là aussi, la situation évolue et doit être suivie.

Quelques propositions figurant dans nos recommandations en 2016, pourtant importantes, n'ont pas été retenues. Nous préconisions d'étudier l'instauration d'obligations à l'égard des professionnels de santé, concernant plusieurs vaccinations, dont la grippe. À ce jour, cette réflexion n'a pas débuté, bien que ce soit un élément de confiance très important vis-à-vis de la population. Je ne vois pas comment un professionnel de santé peut défendre la vaccination s'il n'est pas lui-même vacciné ; cela me paraît une évidence élémentaire et pourtant, il existe un déficit très important de vaccination chez les professionnels de santé. C'est aussi une mesure de sécurité : dans les EHPAD, par exemple, la vaccination du personnel protège les personnes âgées, qui sont particulièrement vulnérables. Ce point reste un sujet d'actualité et il concerne les parlementaires, puisque c'est du domaine de la loi.

L'autre recommandation concerne l'école. Quand j'étais jeune, j'ai été vacciné à l'école et l'on nous y parlait de vaccination. Aujourd'hui il y a peu d'infirmiers scolaires ; la médecine scolaire est en déshérence et a quasiment disparu. Or, il y a une corrélation extraordinairement forte entre le taux de vaccination à l'école, la couverture vaccinale et la confiance dans la vaccination. Dans les pays où l'on vaccine à l'école, au Royaume-Uni, dans les pays scandinaves ou en Australie, la confiance existe, la couverture vaccinale est élevée, et l'on vaccine contre HPV, contrairement à la France. Au Royaume-Uni et en Australie, le taux de couverture vaccinale contre HPV atteint 80 %, pour les filles et les garçons, et ne concerne pas seulement les filles comme c'est le cas en France ; le succès de cette vaccination vient du fait qu'elle est essentiellement faite à l'école.

Cette recommandation reste en suspens, alors que la vaccination à l'école permet non seulement de vacciner les enfants mais aussi de les éduquer et les sensibiliser à la vaccination.

M. Jean-François Eliaou, député. - Merci Professeur Fischer pour ces éclairages très importants. Concernant la vaccination contre le HPV chez les garçons, je vous précise que dans le cadre de l'examen du PLFSS et de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2020, nous avons voté un amendement pour qu'il puisse être réalisé.

Nous allons terminer cette table ronde avec le témoignage de l'une des principales catégories d'acteurs de la vaccination : les médecins, et plus particulièrement les médecins généralistes. Professeur Henri Partouche, vous êtes professeur de médecine générale, membre de la commission spécialisée Maladies infectieuse et maladies émergentes du Haut Conseil de la santé publique, membre du Conseil scientifique du Congrès de la médecine générale et du Collège national des médecins généralistes enseignants. Pouvez-vous nous donner le point de vue des médecins généralistes sur l'hésitation vaccinale ? Y sont-ils beaucoup confrontés ? Se sentent-ils en mesure de convaincre les patients ou au contraire se sentent-il démunis ? Quelles sont les recommandations des sociétés savantes de médecine générale en la matière ? Enfin, qu'en est-il de la couverture vaccinale chez les professionnels de santé, en particulier les médecins généralistes ?

Pr. Henri Partouche, médecin généraliste. - L'éducation pour la santé et la prévention font partie des missions de santé publique des médecins généralistes définies par l'organisation de la médecine de famille donnée par la WONCA en 200211(*) et inscrites dans la loi dite HPST pour hôpital, patients, santé, et territoires, depuis 200912(*).

Depuis la réforme de l'assurance maladie de 200413(*), chaque médecin a la responsabilité d'une patientèle et bénéficie d'un paiement au forfait, basé entre autres sur la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). Les pourcentages de patients éligibles et vaccinés contre la grippe, la rougeole et le méningocoque C, font partie aujourd'hui des indicateurs utilisés pour calculer la ROSP.

On peut discuter de l'absence d'autres indicateurs concernant les vaccins, par exemple le HPV, et du faible poids de ces indicateurs dans le calcul du forfait. Ils ont néanmoins le mérite d'exister et témoignent de l'engagement croissant de l'assurance maladie pour les vaccinations.

Pour mettre en oeuvre les recommandations vaccinales dans leurs pratiques, les médecins doivent mobiliser une série de compétences professionnelles, dans un cadre juridique et éthique précis. Les principaux enjeux sont de ne pas rater les opportunités de proposition de vaccination pour les patients éligibles, en particulier pour les tout-petits, et de développer des savoir-faire pour communiquer sur les maladies à prévention vaccinale et les vaccins dans un contexte de gestion de problèmes multiples pendant la consultation.

Dans un travail datant de 2015, il a été montré que les propositions de vaccination sont plus fréquentes parmi les médecins à l'aise pour expliquer les bénéfices et les risques des vaccinations et qui font confiance aux sources officielles d'information. Les propositions étaient moins nombreuses parmi ceux qui doutent de l'utilité des vaccins et qui estiment fréquents les effets indésirables.

S'il existe bien une hésitation vaccinale parmi les médecins généralistes, elle reste modérée et ses composantes sont multiples. En effet, les enquêtes de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) et celles menées récemment par Santé publique France et le Collège de la médecine générale, ont montré que les médecins généralistes sont très favorable aux vaccinations ; ils font confiance aux sources officielles.

Néanmoins, une part d'entre eux n'est pas en confiance pour informer sur certains vaccins, notamment ceux comportant des adjuvants. Il est par ailleurs probable que d'autres facteurs, liés par exemple aux difficultés d'implémentation du calendrier vaccinal dans les pratiques, aient été à l'origine du faible taux de proposition de vaccination. Cela a été le cas de la vaccination contre le méningocoque C, qui a été récemment préconisée pour les nourrissons de 5 mois, juste avant l'obligation vaccinale.

On peut déduire de ces travaux qu'il existe un réel besoin d'information des médecins généralistes et qu'une communication forte des agences d'État vers ces premiers prescripteurs de vaccins est nécessaire.

Pour intégrer les stratégies de santé publique dans leurs pratiques, les médecins de première ligne doivent disposer de données fiables, claires et régulièrement actualisées sur les risques des maladies à prévention vaccinale et sur les bénéfices et les risques de la vaccination, tant au niveau individuel que collectif, pour mieux estimer le rapport bénéfices/risques de Bernoulli qui a été cité.

C'est grâce à cette approche factuelle et à d'éventuels outils de communication comme le site vaccination-info-service.fr, que les médecins amélioreront la littératie vaccinale14(*) de leurs patients et qu'ils les aideront à se prémunir des nouvelles normes sociales infondées et diffusées par les « antivax ».

Cette démarche s'inscrit plus généralement dans l'approche centrée sur le patient, qui consiste à décider ensemble de l'action, sans contrainte, après information et discussion. Elle permet d'approcher les déterminants individuels de l'hésitation vaccinale et les normes subjectives. Elle est dans l'esprit de la loi sur l'autonomisation du patient du 4 mars 200215(*).

Les leviers de la lutte contre l'hésitation vaccinale sont donc bien là. Le rôle déterminant des conseils des médecins généralistes n'est plus à démontrer et il existe une communication institutionnelle forte autour des recommandations. Selon un travail de synthèse récent, ce sont les deux facteurs d'acceptation vaccinale les plus cités dans la littérature.

Pour autant, les conseils des médecins généralistes ne sont pas toujours suffisants. S'il est vrai que l'empathie est associée, selon plusieurs travaux, à de meilleurs résultats cliniques, des techniques de communication ont fait la preuve de leur impact sur les changements de comportement en santé. Ce sont par exemple les interventions brèves et l'entretien motivationnel qui visent à obtenir du patient une motivation au changement en explorant son ambivalence. Initialement utilisé pour l'alcool et le tabac, ce type d'intervention a aussi été évalué pour l'acceptation vaccinale.

D'autres techniques de communication, comme ne pas essayer de convaincre et étayer son discours par les risques des maladies à prévention vaccinale, ont également fait la preuve de leur efficacité.

Le Collège national des médecins généralistes enseignants s'est prononcé en 2017 contre l'élargissement de l'obligation vaccinale, principalement en raison de son antinomie avec l'approche centrée sur le patient et les missions d'éducation sanitaire des médecins généralistes.

Par ailleurs, l'impact de cette mesure sur les couvertures vaccinales à long terme, en particulier sur les populations non ciblées par l'obligation, n'est pas garanti en l'absence de mesures d'accompagnement, comme le suggère une synthèse canadienne de la littérature sur le sujet.

Qu'en est-il aujourd'hui ? La loi va-t-elle faire diminuer l'hésitation vaccinale et sauver des vies, comme l'a déclaré le professeur Stanley A. Plotkin ? Le bilan à 15 mois réalisé par Santé publique France est plutôt positif, avec une augmentation mécanique des couvertures vaccinales et un impact positif sur l'opinion des parents. Cependant, cette dernière donnée doit être interprétée avec prudence en raison du biais lié à la mobilisation conjointe des autorités sanitaires qui ont largement communiqué après la loi.

Deux thèses de médecine générale réalisées en 2018 en Île-de-France auprès de parents de nourrissons ont montré que si la réforme a globalement renforcé la confiance des parents, elle a peu impacté les parents préalablement peu confiants.

Pour finir, je cite deux enquêtes qualitatives menées en Île-de-France et dans l'Hérault dont les résultats sont mesurés. Les médecins généralistes interviewés sont partagés entre une opinion favorable à l'obligation pour sa finalité, et une opinion défavorable pour ses valeurs. Les pratiques des médecins ont été peu modifiées, sauf pour la vaccination méningocoque C qui a bénéficié de l'obligation. Enfin, la notion de prescription de normes de santé publique a émergé des entretiens.

En conclusion, les médecins généralistes affirment leur attachement aux enjeux des maladies à prévention vaccinale, mais restent vigilants sur la qualité des informations adressées aux patients, informations qui doivent être loyales, impartiales et basées sur la balance bénéfices/risques vaccin par vaccin, et non pas sur la vaccination en général.

Il est donc nécessaire de renforcer les premiers efforts de communication en s'appuyant sur les professionnels de santé de première ligne que sont les médecins généralistes. Plutôt que d'élargir l'obligation, ces mesures sont de nature à répondre à la difficile question des couvertures vaccinales dans le respect des principes éthiques de la loi et de la responsabilisation des patients.

M. Jean-François Eliaou, député. - Merci beaucoup à tous les intervenants de cette table ronde extrêmement intéressante qui nous apportent un éclairage apprécié. Nous allons passer aux questions des parlementaires et des participants, et dans un second temps, notre premier vice-président Cédric Villani posera des questions transmises par les internautes qui suivent la retransmission en direct de l'audition.

Débat et questions des internautes

M. Patrick Hetzel, député, vice-président de l'Office. - Mme Quelet, vous avez présenté un certain nombre de données statistiques extrêmement intéressantes sur l'évolution des perceptions. Disposez-vous également d'études qui permettent d'établir les possibles relations entre des campagnes d'information auprès du grand public pour les questions vaccinales et l'évolution possible des opinions ? Avez-vous pu travailler sur ce sujet ? Seconde partie de cette question : êtes-vous en mesure de formuler des recommandations sur ce qu'il conviendrait de faire ?

Nous sommes un certain nombre à considérer qu'il faudra bien faire évoluer les choses à nouveau, même si, comme l'a indiqué le professeur Fischer tout à l'heure, apparemment, les choses vont de nouveau dans le bon sens du côté des médias. C'est un premier indicateur, il faudra probablement actionner d'autres leviers à l'avenir, tel que celui de la vaccination en milieu scolaire. Cela pose aussi la question, et vous y faisiez référence, de la médecine scolaire qui est effectivement en déshérence. C'est un sujet majeur qui nous préoccupe beaucoup aujourd'hui. Que pouvez-vous nous dire sur la corrélation entre campagne d'information, campagne de communication, et évolution de l'opinion ?

Mme Sylvie Quelet. - Sur les campagnes de communication, la réponse est oui, nous avons quelques indications, puisque toutes nos campagnes sont pré-testées pour voir si elles vont être comprises, et post-testées pour voir ce que la population en a retenu. 2019 a été la première année où l'on a fait une grande campagne nationale sur le thème « La meilleure protection, c'est la vaccination ». C'est la première fois qu'il y avait une campagne à la télévision. Notre post-test a montré que cette campagne a été appréciée par le public, elle a été bien comprise, elle a conforté un certain nombre de personnes. Mais comme je le disais, les parents restent assez demandeurs d'informations sur les effets secondaires, c'est ce qui est ressorti de nos post-tests. Et donc nous allons continuer à travailler dans ce champ-là. C'est tout l'intérêt des post-tests de pouvoir réorienter la communication future.

Concernant les recommandations, je pense qu'il est encore un peu tôt par rapport à la loi qui a étendu l'obligation pour formuler des recommandations. Il faut continuer à avancer sur le chemin qui a été tracé. Nous avons encore des étapes à franchir avant que puisse être reposée la question de la levée ou pas de l'obligation.

M. Roland Courteau, sénateur, vice-président de l'Office. - Il y a une semaine, j'ai eu toutes les peines du monde à argumenter face à plusieurs personnes mettant en cause le vaccin anti-HPV dans le développement de la sclérose en plaques. Ce matin a été abordé le sujet concernant le vaccin contre le virus de l'hépatite B et sclérose en plaques. Peut-on revenir quelques instants sur le problème des papillomavirus humains et du vaccin, et sur la vaccination des garçons ? Vous avez évoqué le sujet. Est-ce que là aussi, l'âge importe beaucoup ? Ce sujet est à mon avis très important. Il faut de toutes nos forces rassurer, instaurer la confiance à 100 % sur ce vaccin.

Par ailleurs, concernant les mesures qui ont été évoquées, je suis tout à fait d'accord pour l'obligation de vaccination des personnels soignants, pour la vaccination à l'école et pour que l'on remette en place la médecine scolaire qui a pratiquement disparu et qui pourtant permettrait d'éduquer, de sensibiliser et d'instaurer la confiance. Une fois de plus, je rejoindrais un certain Romain Rolland qui disait que tout commence sur les bancs de l'école.

Pr. Alain Fischer. - Vous avez raison de mettre l'accent sur HPV. C'est l'un des soucis de la vaccination en France aujourd'hui. Parmi les vaccins recommandés, c'est le vaccin le moins mis en oeuvre, avec un taux de couverture de 20 à 25 % chez les jeunes filles. Dans les pays scandinaves, en Australie, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, ce taux oscille entre 70 et 80 %.

Il est clairement démontré que ce vaccin est capable de prévenir 90 à 95 % des lésions précancéreuses du col de l'utérus. Logiquement, son utilisation avec une bonne couverture aboutirait à une régression de la fréquence des cancers du col de l'utérus, au moins d'un facteur 10. En France, on dénombre environ 3 000 cas par an et 1 000 décès. Si la grande majorité des personnes étaient vaccinées, notamment les femmes, mais les hommes aussi, dans 20 à 30 ans, on devrait en avoir 300 au lieu d'en avoir 3 000. Si 90 % des personnes étaient vaccinées, on aurait ainsi une quasi-disparition des cancers du col de l'utérus, et probablement d'autres cancers, les cancers de l'anus et certains cancers bucco-pharyngés qui sont également liés aux virus HPV, même si les données scientifiques ne sont pas aussi formellement établies.

La famille des HPV est très large, avec de nombreuses souches du virus. La dernière génération de vaccin contient 9 valences, il s'attaque aux 9 virus principaux de la famille des HPV, couvrant à peu près 90 % des cas d'infection. L'efficacité est vraiment solidement établie aujourd'hui par de multiples publications scientifiques, encore récemment dans The Lancet, et notamment avec des données australiennes.

Sa sécurité a été mise en cause par deux types d'arguments : une fréquence accrue de maladies auto-immunes et un sentiment de mal-être transitoire. Une grande enquête française, remarquable, qui a été faite sur plus d'un million de jeunes filles vaccinées ou non vaccinées, montre qu'il n'y a pas d'excès de maladies auto-immunes chez les jeunes filles qui ont reçu ce vaccin, mis à part un très léger excès de syndrome de Guillain-Barré, une forme de maladie neurologique transitoire, mais cet excès n'a pas été confirmé dans d'autres études. En tous les cas, il n'y a pas d'excès de sclérose en plaques chez les jeunes filles vaccinées contre HPV. Sur ce plan, la sécurité de ce vaccin est bonne, et même très bonne, bien qu'elle ne soit jamais parfaite pour aucun vaccin.

Le deuxième argument concernait le fait que les jeunes filles vaccinées avaient des malaises, notamment au Danemark, au Japon et un peu en France. Cela a été mal décrit, c'était un sentiment de mal-être transitoire, des malaises, des pertes de connaissance, etc. Cet effet a été tellement mis en avant au Japon que, transitoirement, la vaccination contre HPV n'a plus été recommandée. À nouveau les données scientifiques qui ont pu être établies à l'échelle internationale n'ont pas confirmé ces effets indésirables.

On peut dire que la sécurité du vaccin contre les virus HPV est bonne et son bénéfice incontestable, même si encore une fois, il faut toujours rester très prudent.

La proposition d'extension aux garçons de la vaccination contre HPV est fondée sur trois arguments. Premièrement, si les garçons sont également protégés, on réduit la diffusion du virus, non seulement pour les hommes, mais aussi pour les femmes. Deuxièmement, on peut probablement réduire aussi les cancers liés à HPV, notamment les cancers bucco-pharyngés qui peuvent toucher les hommes. Troisièmement, si l'on vaccine tous les adolescents entre 11 et 14 ans, avant les pratiques sexuelles, au moment où ils n'ont pas encore été infectés par le virus, la vaccination ne sera plus associée à la vie sexuelle, cette association pouvant probablement poser problème dans certaines familles. Vacciner garçons et filles résout cette question, et l'école est l'endroit idéal pour le faire.

M. Jean-François Eliaou, député. - Pourquoi y a-t-il une telle difficulté vis-à-vis de cette vaccination ? Peut-être parce qu'il y a trois injections, que c'est compliqué, ou qu'il y a une connotation sexuelle justement. Il y a surtout cette date un peu taboue pour la vaccination, censée être antérieure au début des rapports sexuels.

Mme Sylvie Quelet. - On n'a pas d'étude spécifique sur HPV, mais c'est vrai que tous ces arguments mis bout à bout, le calendrier, la connotation sexuelle, le fait qu'on ne vaccinait que des filles,... constituent une bonne explication. D'autres arguments peuvent également y contribuer, notamment le fait que les visites chez le médecin sont plus rares à cette période de la vie, c'est d'ailleurs pourquoi cette vaccination a été rapprochée de la date d'un rappel vaccinal.

M. Jérémy Ward, sociologue au CNRS. - Je suis sociologue au CNRS et chercheur associé à VITROME (Aix-Marseille Université). Des études, notamment certaines que j'ai réalisées avec des collègues, ont monté que le caractère sexué du vaccin pouvait être problématique. Il y a aussi d'autres éléments.

Premièrement, il ne faut pas oublier que la population française a découvert les papillomavirus en même temps qu'elle a découvert la vaccination. C'est un cas classique pour plusieurs vaccins, il est toujours problématique de vouloir sensibiliser la population à la fois au danger de la maladie et au vaccin.

Deuxièmement, il y a la perception assez largement répandue que, finalement, les papillomavirus ne sont pas très dangereux.

Nous avons identifié récemment un autre enjeu, notamment en réalisant des études auprès des médecins : l'âge de vaccination fait que ce vaccin est une période de la vie où le patient se trouve entre plusieurs types de médecins. Les enfants de 11 à 14 ans ne consultent souvent plus de pédiatre, alors que ces derniers sont très favorables à la vaccination. Du côté des médecins gynécologues, l'adhésion n'est pas très forte ; ils ont tendance à accorder plus d'importance au dépistage des cancers du col de l'utérus via le frotti et à considérer que la vaccination n'est pas de leur ressort mais plutôt de celui du médecin généraliste. Leur idée est plutôt de réserver la consultation de gynécologie pour des choses perçues comme plus importantes, plus nobles. Cependant, du côté des médecins généralistes, il y a un manque d'adhésion à cette vaccination.

Mme Angèle Préville, sénatrice. - D'abord merci à toutes et à tous pour vos présentations très éclairantes, notamment sur l'impact de ce qui a été la gestion du H1N1 et des effets négatifs tellement difficiles à rattraper. On remarque que la confiance stagne et n'est pas revenue à son niveau antérieur à cet événement. J'espère que tous les parlementaires ont retenu la leçon de cette gestion de la vaccination contre le virus H1N1 qui n'a pas été très bonne.

Je suis entièrement d'accord sur la vaccination à l'école, mais cela représente un coût et certainement des budgets car il y aurait toute une organisation à remettre en place, puisqu'elle a été complètement abandonnée.

Retrouver la confiance me semble très important. J'ai bien entendu ce qui a été dit à propos des médecins, et je m'interroge sur leur formation, sur les doutes et les questions qu'ils se posent encore par rapport aux adjuvants dans les vaccins, d'après ce que j'ai compris. Que peut-il être fait ?

Je m'interroge également au sujet de la vaccination des professionnels de santé. J'entends que l'extension des obligations qui a été mise en oeuvre va, d'une certaine manière, restaurer la confiance, mais la vaccination des professionnels de santé me paraît aussi indispensable pour retrouver la confiance.

M. Jean-François Eliaou, député. - Il n'y a pas que les professionnels de santé, il y a aussi les parlementaires qui doivent montrer l'exemple. Je vous conseille à ce propos la vaccination contre la grippe que vous pouvez effectuer en cinq minutes au cabinet médical, où des vaccins sont mis à disposition. Je trouve qu'on a beaucoup de chance et beaucoup d'avantages à le faire.

Pr. Alain Fischer. - Merci beaucoup de vos commentaires. Je voudrais intervenir sur deux points : l'école et les adjuvants dont on a très peu parlé.

Évidemment la vaccination à l'école aurait un coût, mais peut-être moindre que ce que l'on peut l'imaginer. Remettre en place la médecine scolaire prendra beaucoup de temps, je le crains. Une solution transitoire serait de faire venir des infirmiers pour vacciner à l'école, de façon contractuelle. L'obstacle principal ne serait pas le coût mais la réticence de l'administration scolaire, de peur des réactions hostiles de parents - c'est en tout cas ce qui est ressorti d'une réunion que nous avons eue, suite à notre travail, avec les principaux responsables des affaires scolaires du ministère de l'Éducation nationale.

Concernant les adjuvants vaccinaux, cette querelle n'existe dans aucun autre pays du monde, cela suffit à trancher la question. Ces adjuvants, ce sont les sels d'aluminium, qui sont présents dans beaucoup des vaccins utilisés, dont le vaccin hexavalent qui est prescrit aux nourrissons. Un médecin français, Romain Gherardi, ainsi que deux ou trois personnes avec qui il est en contact à l'étranger, est le seul à avoir vraiment mis en avant le fait que l'utilisation des adjuvants aluminiques serait susceptible de provoquer une maladie grave par l'accumulation d'aluminium. Il est exact qu'au point d'injection, l'aluminium peut s'accumuler, cette observation a été faite il y a 20 ans. Mais ce médecin affirme que cet aluminium pourrait diffuser jusqu'au cerveau et provoquer, au moins mal une pathologie de type syndrome de fatigue chronique, et au pire des maladies neurologiques sévères.

Romain Gherardi - je crois d'ailleurs qu'il avait participé à l'audition publique organisée par l'Office en 2014 - est le seul au monde à mettre en avant ces observations. Sur le plan épidémiologique, il n'y a quasiment pas de cas hors de France, alors que les vaccins sont les mêmes, évidemment. De plus, les autorités scientifiques françaises - INSERM, Académie nationale de médecine, Académie nationale de pharmacie, Académie des sciences, toutes - ont conclu qu'il n'y avait pas de données solides permettant de mettre en avant ce risque.

Plus convaincante encore à l'échelle internationale, l'Organisation mondiale de la santé a également conclu que ce risque est très faible. Le qualificatif de faible étant utilisé par prudence, mais, rigoureusement, ce risque n'a pas été objectivement mis en évidence.

L'équipe de Romain Gherardi a essayé, au cours des dix dernières années, d'apporter des arguments expérimentaux pour soutenir le fait que ce risque existe chez l'homme, mais ses publications scientifiques sont extrêmement médiocres ; et c'est ce que pense 99,9 % de la communauté scientifique. Ce risque n'est donc pas solidement établi, ainsi, on est passé d'une alerte légitime il y a vingt ans à ce qui est aujourd'hui la prolongation non légitime, non scientifiquement fondée, d'une alerte qui, de ce fait, est devenue une fake news.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Il est un lieu où l'on pourrait retrouver tous les paramètres de l'hésitation vaccinale, c'est la maternité, où le personnel refuse souvent la vaccination. Il y a quelques années, lorsque j'y travaillais en tant que pédiatre, je sensibilisais à la vaccination contre la coqueluche, celle-ci pouvant être mortelle pour le nourrisson, et je me suis heurtée à une forte réticence du personnel.

Par contre, l'adhésion des parents à cette vaccination est immédiate, ils se vaccinent contre la coqueluche ou contre la rougeole pour protéger leur propre nourrisson. On parle de l'école, mais finalement, le début de la vie, à la maternité, n'est-il pas l'endroit et le moment où l'on peut justement avoir ce pouvoir de convaincre assez naturellement, quand la famille démarre ?

Mme Sylvie Quelet. - Santé publique France est à la recherche des interventions qui reposent sur des données probantes, et à ce titre, une étude canadienne montre que les interventions au sein des maternités permettent de réduire de manière très importante l'hésitation vaccinale et de relever la couverture vaccinale des nourrissons. À la suite de cette publication, une recherche-action est en cours en région PACA, entre l'équipe de Santé publique France et une équipe de recherche, pour promouvoir la vaccination auprès des jeunes mamans, lors de leur séjour à la maternité.

M. Bruno Sido, sénateur. - Un intervenant a fait état d'une corrélation entre le niveau de formation des personnes interrogées et la montée de l'hésitation vaccinale. Peut-on avoir des précisions sur cette question ? Si la corrélation est positive, c'est-à-dire que plus on est formé, plus on est réticent à la vaccination, cela devient grave. Des médecins ont fait dix ans d'études et ils sont contre la vaccination ! Mais que se passe-t-il ?

Ma deuxième question en découle. Vous venez de parler des adjuvants. Pourquoi cette polémique n'a-t-elle lieu qu'en France ? Que se passe-t-il en France et comment y remédier ?

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - J'aimerais insister sur cette question. Depuis ce matin, on entend dire que le taux de défiance en France est absolument considérable. Alain Fischer nous a dit que la polémique sur les adjuvants aluminiques ne se pose quasi-exclusivement qu'en France. Je repose la question : qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui est particulier en France, ou comme dit le président Gérard Longuet, quelle est la singularité française par rapport à ce débat ?

Pr. Alain Fischer. - Brièvement, il y a quand même eu des cas spécifiques analogues dans d'autres pays. Le lien entre le vaccin ROR et l'autisme a certes eu des retombées en France, mais c'est surtout une affaire anglo-saxonne, britannique et nord-américaine. Concernant l'adjuvant aluminique, il se trouve que le médecin qui a mis le sujet en exergue est français - il a un impact médiatique en France plus important qu'ailleurs. Ensuite, je pense qu'il existe, en France, une propension à la suspicion à l'égard des autorités de santé. Les crises sanitaires ont été évoquées, tout comme les crises spécifiques au champ de la vaccination. Tout cela fait qu'en France, une fraction des professionnels de santé et de la population générale est plus sensible aux arguments de défiance à l'égard de la santé publique en général, et donc en particulier de la vaccination.

Pr. Henri Partouche. - Je vais répondre à la question posée sur la formation. Depuis l'instauration du DESC16(*) de médecine générale, nos jeunes médecins généralistes sont très bien formés, sur la vaccination également. Ils ont aussi acquis un esprit critique qui les pousse à consulter les études scientifiques. Et à ce propos, je regrette, Monsieur Fischer, mais quand vous dites qu'il a été montré que le vaccin HPV réduit le taux de cancers du col de l'utérus, nos jeunes médecins disent que c'est faux, parce que les critères d'évaluation de ce vaccin sont des critères intermédiaires - à ce stade, c'est l'effet du vaccin sur les lésions précancéreuses qui a été évalué. En effet, il faut une vingtaine d'années pour prouver que cela va réduire l'occurrence des cancers eux-mêmes. La communication doit être loyale et précise, c'est ce qu'attendent les médecins généralistes.

Pr. Alain Fischer. - J'ai très précisément dit que les études montraient une réduction très forte de la survenue de lésions précancéreuses. On peut logiquement en inférer que cela réduira la survenue de cancers.

M. Jérémy Ward. - Concernant le débat sur les adjuvants aluminiques, il est vrai qu'il est spécifique à la France ; par contre, le recentrage des critiques contre les vaccins sur le sujet des produits qui les composent n'est pas spécifique à la France. Ce tournant a eu lieu aux États-Unis à partir des années 1970-80 ; il est focalisé sur le caractère artificiel de ces composants. Il y a notamment le débat autour de l'usage du mercure dans les vaccins, que nous n'avons pas eu en France. Cette idée selon laquelle le problème des vaccins, c'est qu'ils ne sont pas naturels parce qu'il y a beaucoup de produits chimiques dedans, n'est pas du tout spécifique à la France. Le débat sur l'aluminium s'inscrit dans ce registre que l'on retrouve dans beaucoup de pays développés.

M. Laurent-Henri Vignaud. - Effectivement, cette obsession sur les adjuvants n'est pas proprement française, chaque pays a son adjuvant. En France, c'est l'aluminium, pour les raisons qui ont été dites. Aux États-Unis, c'est le mercure. Cela rejoint le thème historique de l'empoisonnement du sang par les vaccins. On traque les substances qui sont susceptibles d'empoisonner le sang, et les adjuvants sont une cible toute désignée.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Beaucoup des questions posées par les internautes ont trouvé une réponse, ou relèvent plutôt de la seconde table ronde. Parmi les quelques questions qui ne sont pas dans ce cas, j'en vois sur le BCG. Ces questions sont en réalité à l'opposé de ce qu'on pourrait appeler l'hésitation vaccinale : « Pourquoi ne peut-on plus vacciner ? » et « Pourquoi le BCG autrefois obligatoire n'est-il même plus disponible pour les jeunes enfants ? La tuberculose n'a pourtant pas disparu et, même, progresse. »

Pr. Alain Fischer. - La levée de l'obligation sur le BCG montre précisément qu'il existe une réflexion sur le sujet, et qu'il n'existe pas d'obsession pour rendre à tout prix obligatoires tous les vaccins. En fonction des circonstances, de l'évolution des connaissances médicales, scientifiques, et de l'épidémiologie, les positions évoluent. Il se trouve que le BCG n'est pas un bon vaccin, il protège contre les formes les plus sévères de la maladie - la méningite tuberculeuse et la tuberculose miliaire des jeunes enfants - mais ne protège pas contre la tuberculose pulmonaire de l'adulte. Beaucoup de recherches en cours cherchent à améliorer le BCG, j'espère qu'elles aboutiront. Mais pour l'instant, les bénéfices de la vaccination ne sont pas suffisants pour justifier les risques associés au BCG, non négligeables, parce que le vaccin contient une bactérie vivante, et des enfants ayant des prédispositions génétiques peuvent développer des affections très graves suite à l'injection du BCG. Le rapport bénéfices/risques est donc insuffisant aujourd'hui. C'est pourquoi le vaccin n'est préconisé que pour des personnes, notamment des jeunes enfants, à haut risque de contamination par le bacille de la tuberculose.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - On voit dans cette réponse que d'une part, la discussion pour ou contre les vaccins n'a pas de sens dans sa globalité, il faut la considérer vaccin par vaccin ; d'autre part, l'évaluation des bénéfices et des risques évolue avec le temps, en fonction des recherches et des constats. Les autres questions des internautes prendront plus naturellement leur place dans la seconde table ronde.

M. Jean-François Eliaou, député. - En conclusion de cette première table ronde, on peut dégager un certain nombre de messages. D'abord, je pense qu'il est important de parler d'éducation et de sensibilisation de nos concitoyens sur l'importance de la vaccination.

Ensuite, l'hésitation vaccinale n'est pas qu'un phénomène marginal, et donc il faut être vigilant. L'hésitation vaccinale a une dimension personnelle, mais c'est aussi un élément extrêmement important par ses conséquences en termes de protection de l'ensemble de la société. Je pense qu'il faut donner un poids philosophique ou sociétal à la nécessité de réfléchir à l'intérêt d'une vaccination pour l'ensemble de la population.

Troisièmement, nous retenons bien entendu l'importance de la vaccination à l'école. Je rejoins Alain Fischer sur ce point, nous en parlerons au ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, mais il me semble que le coût ne serait pas très important. Il faut y sensibiliser la communauté éducative. Je rappelle que, dans le cursus des études médicales et des soignants en général, une partie relève de l'intérêt général, dans la mesure où nous poussons les étudiants en santé à pratiquer des activités d'intérêt général. Ces activités pourraient être la formation à la vaccination, voire à la pratique des vaccinations dans le milieu scolaire. Il s'agit d'une question d'organisation.

Table ronde 2 : Un phénomène aux multiples causes,
avec différentes approches possibles pour rétablir la confiance

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Jean-François Eliaou a évoqué la note scientifique que nous avons publiée, dans laquelle nous avons tenté d'indiquer les différentes raisons qui sont à l'origine du manque d'adhésion à la vaccination. Moi-même dans mon activité de pédiatre, j'ai été confrontée à ce problème, et ce de manière croissante au fil des années. Nous n'imaginions cependant pas qu'il pouvait découler de causes si diverses. Il nous a paru intéressant de les étudier plus en détail, car elles ne sont pas très connues du grand public.

En l'occurrence, il existe des travaux de recherche sur ce sujet en France. Le format de l'audition publique de ce matin permet aux chercheurs et aux autres parties prenantes de restituer le fruit de leurs travaux ou d'expliquer leur point de vue, afin d'éclairer les parlementaires.

Mieux comprendre le phénomène aidera certainement à regagner la confiance des citoyens. Notre travail commun publié en juillet 2019 a permis d'identifier plusieurs grands axes sur ce sujet. Le premier est celui des biais psychologiques qui conduisent à une mauvaise perception du risque lié à la vaccination. Le résultat en est une estimation du rapport bénéfices/risques bien moins favorable que la réalité.

Le deuxième axe est l'information. La mauvaise information des citoyens et la grande place laissée aux suspicions dans les médias contribuent à une mauvaise appréciation de l'utilité de la vaccination elle-même.

Le troisième axe est celui d'une défiance, voire d'une méfiance, à la fois vis-à-vis des autorités de santé et de l'industrie pharmaceutique, parfois qualifiée à ce propos de « Big Pharma » par une partie de l'opinion publique, mais aussi par certains médecins qui, pour une part non négligeable d'entre eux, ne s'estiment pas confiants dans la vaccination.

Comme cela avait été le cas dès l'introduction de l'obligation de la vaccination contre la variole, le caractère rendu obligatoire de certaines vaccinations a encore suscité beaucoup de réactions négatives début 2018.

Jérémy Ward, sociologue, spécialiste de la question, nous proposera une analyse sociologique du manque d'adhésion à la vaccination à la lumière des faits qui ont été rappelés dans la première table ronde. Les travaux qui permettent de mieux comprendre l'hésitation vaccinale doivent inspirer de nouvelles stratégies pour limiter au maximum la défiance et améliorer les couvertures vaccinales, afin de protéger le plus grand nombre.

Nous l'évoquions dans la première table ronde, les médecins sont les premiers confrontés à ce phénomène. Coralie Chevallier, chercheuse en sciences cognitives, nous montrera comment les sciences cognitives permettent, par l'intermédiaire des médecins de famille ou des pédiatres, d'aider à améliorer l'adhésion à la vaccination.

Nous examinerons la question de l'importance des médias à travers un exemple très concret de désinformation en santé, que Manon Berriche et Sacha Altay étudient dans le cadre de leur doctorat. Les réseaux sociaux rebattent les cartes de l'information scientifique et médicale, et la propagation de fake news semble plus aisée que dans les médias plus traditionnels. À ce propos, nous avions invité le célèbre réseau Facebook à nous présenter la stratégie de lutte contre la désinformation en santé qu'ils ont publiée en mars 2019. Malheureusement, d'autres engagements prévus de longue date ne leur ont pas permis de venir nous la présenter, ce que nous regrettons bien évidemment.

L'importance de la communication des autorités de santé a déjà été en partie discutée dans la première table ronde. Cyril Drouot, expert en communication des autorités de santé, présentera le résultat de ses recherches dans ce domaine. Isabelle Bonmarin évoquera la stratégie de communication de Santé publique France, stratégie qui repose notamment sur le site grand public vaccination-info-service.fr mis en place de façon concomitante avec l'extension du nombre de vaccins obligatoires.

M. Jérémy Ward, vous êtes sociologue et travaillez au sein du Groupe d'étude des méthodes de l'analyse sociologique de la Sorbonne. Vous avez produit une thèse sur l'hésitation vaccinale sous la direction de Gérald Bronner, membre du conseil scientifique de l'Office. Cette thèse s'intitule « Les vaccins, les médias et la population, une sociologie de la communication et des représentations des risques ». Vous avez publié un grand nombre d'articles scientifiques et grand public dans lesquels vous dressez une analyse sociologique du phénomène de l'hésitation vaccinale, prenant en compte les biais psychologiques auxquels les citoyens sont confrontés. Avec Pierre Verger, qui n'a pas pu venir aujourd'hui, vous avez également publié des travaux sur le manque d'adhésion à la vaccination de la part d'une fraction des médecins. Pouvez-vous nous expliquer votre analyse sociologique du manque d'adhésion à la vaccination ?

M. Jérémy Ward, sociologue au CNRS. - Merci, madame la sénatrice, de me donner l'opportunité de présenter les résultats des travaux que nous avons réalisés avec mes collègues du laboratoire VITROME, Aix-Marseille Université - dont Pierre Verger - que vous venez d'évoquer.

D'abord, un point de terminologie : il sera surtout question d'hésitation vaccinale dans mon propos, un terme dont Cédric Villani a bien noté l'importance. Ce concept s'impose dans la littérature sur les comportements de vaccination depuis un peu moins de dix ans. Il désigne l'ensemble des comportements et attitudes à l'égard de la vaccination, qui ne sont ni une confiance absolue dans la vaccination pour tous les vaccins, ni un rejet radical de toute forme de vaccination, ni un désintérêt complet pour le sujet. Cela recouvre en réalité toute une palette de comportements et d'attitudes, notamment le fait de refuser certains vaccins mais d'en accepter d'autres, le fait de faire vacciner son enfant plus tard que ce qui est recommandé par le calendrier, le fait d'avoir des doutes et de se faire vacciner quand même.

Ce concept est important parce qu'il déplace notre regard d'une petite minorité, qui rejette la vaccination en bloc, sur une proportion beaucoup plus grande de la population, qui a simplement des doutes ciblés, ou une réticence un peu vague.

Comme l'a rappelé Mme Sylvie Quelet, l'hésitation vaccinale est très répandue en France. Les études disponibles suggèrent qu'elle concerne entre 25 % et 70 % de la population, en fonction de la méthode de mesure et du moment. Le rejet de la vaccination en général ne correspond qu'à une toute petite minorité de la population, que l'on situe autour de 2 %, une proportion relativement stable dans les Baromètres santé.

Pourquoi cette hésitation vaccinale est-elle aussi large en France ? Deux causes sont le plus souvent évoquées. D'un côté, le développement de l'internet et des réseaux sociaux en particulier permet aux critiques contre les vaccins de toucher un public devenu très large. De l'autre, il existe un contexte culturel de défiance vis-à-vis des institutions et des autorités sanitaires en particulier.

Ces éléments ne constituent qu'une partie de l'explication. Notamment, ils ne permettent pas de comprendre pourquoi en France, on voit réellement un tournant à partir de 2009, si l'on se fie aux Baromètres santé qui sont aujourd'hui parmi les meilleures données disponibles dans le monde sur l'hésitation vaccinale. 2009 est l'année à partir de laquelle l'hésitation vaccinale se diffuse largement.

Mes collègues de Marseille et moi-même estimons que trois phénomènes expliquent assez directement cette diffusion, lesquels phénomènes sont souvent occultés.

Le premier est la multiplication des controverses dans les médias traditionnels. À l'ère des smartphones, on a tendance à oublier que les médias d'information traditionnels ont encore une forte influence sur la formation des croyances, notamment sur les discussions qui ont lieu sur les réseaux sociaux. Dans le cas de la France, les médias traditionnels ont joué un rôle crucial dans la montée de l'hésitation vaccinale. L'augmentation soudaine en 2009 correspond à la grande controverse sur la vaccination contre la grippe H1N1 que Mme Annick Opinel a évoquée. Cette controverse marque le début d'une nouvelle ère de débat perpétuel dans le domaine de la vaccination. Depuis 2009, on a eu des débats sur la grippe H1N1, sur la sécurité des adjuvants à base d'aluminium à partir de 2010, sur la sécurité des vaccins contre les papillomavirus à partir de 2011, ensuite sur la sécurité des vaccins multivalents, puis sur l'obligation vaccinale.

Le second phénomène est la proportion relativement forte des médecins qui ont eux-mêmes des doutes sur les vaccins. M. Henri Partouche a souligné avec raison qu'ils n'étaient qu'une minorité, mais il s'agit d'une minorité importante. En France, comme dans la plupart des pays, les médecins sont la source d'information la plus fiable sur la vaccination, même si d'autres catégories de professionnels de santé arrivent assez proches derrière. Les autorités de santé publique comptent beaucoup sur les médecins pour améliorer la couverture vaccinale dont on a tendance à penser qu'elle résulte d'un manque de connaissances sur la vaccination, ce qui devrait exclure les médecins, à supposer qu'ils soient les meilleurs adjuvants dans la lutte contre l'hésitation vaccinale, si j'ose dire. Le problème est que même les médecins peuvent hésiter à se faire vacciner. Une étude réalisée en 2014 indique que 14 % des médecins généralistes français doutaient soit de l'utilité, soit de l'innocuité de divers vaccins : le vaccin contre la grippe, mais surtout le vaccin contre l'hépatite B et les vaccins contenant de l'aluminium. On a même constaté que 20 % des médecins généralistes estimaient que les enfants étaient vaccinés contre trop de maladies.

L'hésitation vaccinale est également très répandue parmi les autres professionnels de santé. Dans une étude que nous avons réalisée en 2018, nous avons observé qu'environ 40 % des infirmières ont des marques d'hésitation vaccinale diverses. Et lorsqu'on a réalisé des entretiens avec des médecins généralistes, on a aussi constaté que même parmi ceux qui n'ont pas de doutes à l'égard des vaccins, beaucoup ne faisaient confiance qu'à contrecoeur. Ils ne pouvaient pas vraiment douter des vaccins, parce que la vaccination fait partie intégrante de leur travail, mais ils étaient aussi conscients à quel point ils en savent peu sur les vaccins, et combien il serait difficile de répondre aux préoccupations des patients sur des sujets techniques comme les adjuvants, que souvent ils ne maîtrisent pas.

Pourquoi cette hésitation vaccinale chez les médecins ? Au cours des trente dernières années, les relations entre les autorités de santé publique et une partie de la profession médicale se sont dégradées en France, en partie à cause de la succession de scandales sanitaires, ou de supposés scandales sanitaires, d'une crise croissante du financement des hôpitaux publics et de la santé plus généralement, et d'une succession de négociations tendues, notamment sur le prix des interventions médicales - et l'on pense aussi au tiers payant. Ces difficultés ont aliéné une partie de la profession médicale, ce qui a favorisé le développement du manque de confiance dans les recommandations officielles.

Le troisième phénomène est celui des transformations dans le milieu des militants critiques des vaccins et c'est la partie des recherches dans laquelle je suis le plus impliqué. Partout dans le monde, le développement d'internet a donné aux militants antivaccins de nouveaux outils pour s'organiser et atteindre un public plus large. Mais ce serait une erreur de réduire la crise contemporaine à un nouvel épisode de la lutte historique des mouvements antivaccins, en tout cas, c'est ce que je pense.

Historiquement, les mouvements antivaccins français ont été relativement peu puissants, comme en témoigne l'absence de toute grande controverse sur la sécurité des vaccins avant le milieu des années 1990. Les groupes de militants qui sont à l'origine de toutes les controverses récentes que l'on a évoquées, l'hépatite B, la grippe A, l'aluminium, le HPV... se distinguent par leur prise de distance avec les militants traditionnels antivaccins, ceux qui rejettent toute forme de vaccination, le plus souvent au nom de médecines alternatives. Ce qu'ils font, c'est qu'ils restreignent leurs critiques à certains vaccins en particulier, ou à certaines substances en particulier, pour éviter justement l'étiquette d'antivaccin.

Mais il ne s'agit pas uniquement d'une stratégie d'évitement d'un stigmate ; en effet, ces militants sont plus proches politiquement des mouvements sociaux mainstream - droits des patients ou santé environnementale - que des mouvements radicaux associés à l'antivaccinationnisme traditionnel que sont les mouvements de médecines alternatives, le fondamentalisme religieux, la théorie du complot, etc.

On est passé d'arguments qui visent la vaccination en général à des arguments qui sont applicables à un vaccin en particulier, ou à un nombre limité de vaccins. Cette tendance n'est pas spécifique à la France, on la constate aussi aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec des arguments qui sont centrés sur la volonté de bénéficier de vaccins « verts ».

En conclusion, j'illustrerais ces propos avec les résultats d'une étude en cours. Nous avons constitué un échantillon de 250 sites critiques des vaccins et des militants qui en font partie, et avons analysé leur présence dans les médias traditionnels à partir des bases de données existantes. Si l'on représente sur un graphique le nombre d'occurrences dans les médias français des acteurs critiques des vaccins, sur la période 1990-2019, en distinguant les intervenants qui ne critiquent que certains vaccins ou certaines substances vs ceux qui critiquent toutes formes de vaccination, on observe que, parmi les dix acteurs critiques des vaccins qui ont le plus souvent accès aux médias, on a quasiment uniquement des critiques qui se centrent sur certains vaccins en particulier.

C'est important, parce que cette stratégie de critique restreinte à certains vaccins est une façon de s'éloigner de l'antivaccinationnisme radical, ce qui permet à leurs auteurs de mieux convaincre - avec une meilleure crédibilité scientifique et politique - à la fois les journalistes, les médecins et une partie de la population.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Est-ce qu'il s'agit de résultats globaux sur cette période ou est-ce que vous observez une évolution ?

M. Jérémy Ward. - J'ai fait des études séparées pour les campagnes de vaccination contre l'hépatite B, la grippe H1N1 et le HPV. À chaque fois, on voit que les acteurs principaux, sur chacune de ces controverses, se mettent à distance des antivaccins au sens traditionnel.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Merci pour cette excellence analyse. La bonne compréhension des biais psychologiques et cognitifs qui conduisent à une mauvaise adhésion à la vaccination et leur utilisation pour améliorer la couverture vaccinale, avec l'aide de médecins, constitue une piste qu'explore Coralie Chevallier, chercheuse en sciences cognitives au Laboratoire de neurosciences cognitives et computationnelles de l'École normale supérieure. Madame Chevallier, nous aimerions connaître les résultats de vos travaux sur le sujet, et les pistes de solutions qu'ils permettent d'envisager.

Mme Coralie Chevallier, chercheure en sciences cognitives. - Je ne vais pas présenter les résultats de mes travaux, mais ceux, plus convaincants, des autres.

De prime abord, pourquoi aurions-nous besoin de la psychologie pour traiter des questions de santé ? L'espérance de vie a doublé au cours du XXe siècle, et c'est avant tout grâce aux grandes découvertes biomédicales comme les vaccins ou les antibiotiques qui ont permis de lutter contre les principaux agents pathogènes que sont les virus et bactéries. Depuis peu, on constate toutefois que, dans les pays de l'OCDE, l'espérance de vie ne progresse plus aussi rapidement. Il est donc important de s'interroger sur ce que sont les nouvelles menaces pour la santé, et sur la manière dont nous pouvons les combattre.

Dans les pays de l'OCDE, le constat est le suivant : la moitié des années de vie en bonne santé sont perdues pour des raisons qu'on peut qualifier de comportementales. Autrement dit, les principaux facteurs de risques ne sont plus les pathogènes, les virus, les bactéries, mais le propre comportement des citoyens. Par exemple, une nourriture trop riche, des conduites sexuelles à risque, consommer du tabac, de l'alcool, ne pas faire d'exercice physique, ne pas adhérer aux traitements médicaux, et depuis peu, refuser de se faire vacciner. Il y a un déplacement du risque sanitaire dans les pays de l'OCDE. Du point de vue des politiques publiques, c'est désormais en comprenant non plus seulement quelle est la solution efficace, mais comment la faire accepter, qu'on peut réussir à sauver le plus de vies.

Concernant les vaccins, objet de cette audition, on constate que dans les années 1970, le virus de la rougeole tuait plusieurs milliers de personnes par an sur le seul continent américain, et qu'en 2017, il n'en tue plus aucune. L'OMS avait d'ailleurs déclaré en 2000 que la rougeole était officiellement éliminée, dans ce pays. Le succès sanitaire de la vaccination de masse est remarquable à la fois par sa rapidité et par son ampleur. Dans ces conditions, on a toutes les raisons de s'interroger sur ce qui peut conduire le citoyen à douter de l'efficacité de la vaccination et à la considérer, comme c'est le cas en France, comme inutile, voire dangereuse.

En France, cela a été dit plusieurs fois, nous sommes les champions du monde de la défiance envers la vaccination. Comme cela a été souligné par Santé publique France, ce n'est pas seulement un niveau de défiance qui générerait simplement des doutes dans la population, cela a des conséquences au niveau des décisions de vaccination que prennent les citoyens. Ces dix à douze dernières années, on a observé 24 000 cas de rougeole, dont 1 500 cas de patients qui ont évolué vers une pneumopathie sévère, 34 ont souffert de complications neurologiques, et 10 en sont morts. Il s'agit désormais de comprendre pourquoi, alors qu'existe une solution efficace, les citoyens ne s'en emparent pas.

L'une des actions les plus fréquemment conduites consiste à mettre en place des campagnes visant à informer les citoyens sur l'innocuité des vaccins. On a parlé plusieurs fois aujourd'hui de l'importance de l'éducation, notamment le travail conduit par vaccination-info-service.fr. Malheureusement, cette solution s'avère plus problématique que prévu, en tout cas moins magique que ce qu'on pourrait espérer. Des travaux récents en psychologie montrent que, lorsque la population a un avis mitigé sur les vaccins, diffuser des messages rassurants peut avoir l'effet inverse de celui qui est recherché. La population, qui est déjà suspicieuse, se dit que si l'on prend tant de peine à la rassurer, c'est probablement parce qu'il existe un danger ! De fait, dans une expérience qui compare différents messages d'information sur le vaccin contre la grippe, des chercheurs ont montré que les participants qui craignent les effets secondaires ont moins de chances de se faire vacciner après avoir lu des informations rassurantes concernant les vaccins. S'il est donc très important d'éduquer, il faut aussi avoir à l'esprit que, quand on cherche à éduquer en rassurant trop, on peut finalement inquiéter. Cela peut sembler un peu désespérant...

Que faire face à ces effets inattendus des politiques publiques d'information concernant les vaccins ? Les sciences comportementales et cognitives suggèrent qu'il faut identifier les obstacles cognitifs à la vaccination et s'appuyer sur des leviers qui permettent de les surmonter.

Cette démarche peut être illustrée par un premier exemple concret, celui du médecin généraliste qui présente le vaccin comme étant le mode par défaut en formulant les choses de la manière suivante : « Je vous informe que nous avons deux vaccins à faire cette année », plutôt que comme une option : « Et pour les vaccins, que faisons-nous ? ». Dans le premier cas, les recherches les plus récentes montrent que les patients ont 18 fois plus de chances d'accepter la vaccination. L'effet est donc assez considérable.

Petite parenthèse qui n'est pas proprement cognitive : tous les mécanismes qui permettent de lever les obstacles logistiques, si minimes soient-ils, ont un effet potentiellement démultiplié sur la vaccination. C'est le cas par exemple de la possibilité pour les médecins de disposer des vaccins directement dans leur cabinet médical, ce qui est le cas dans de nombreux pays. Cela a été évalué dans une grande étude : si le médecin a accès immédiatement au vaccin contre la grippe lorsqu'il pose la question au patient, la probabilité de vaccination augmente considérablement.

Un deuxième exemple de contournement des obstacles cognitifs concerne les campagnes d'information : la psychologie suggère qu'il est moins efficace de chercher à contrer les croyances des personnes, telles que celle selon laquelle les vaccins seraient dangereux, que d'attirer l'attention sur les dangers de la maladie contre laquelle le vaccin permet de lutter.

Les gens ne sont pas forcément prêts ou disposés à entendre des informations qui vont à l'encontre de leurs propres croyances ; ainsi il est souvent plus judicieux de les informer sur les risques de la maladie, plutôt que de chercher à les rassurer sur les effets secondaires des vaccins. Dans une expérience conduite aux États-Unis, il a été montré que faire lire un texte expliquant que le vaccin contre la rougeole ne présente pas de risque pour la santé ne changeait pas l'opinion des participants ; en revanche, ceux qui lisaient le témoignage de la mère d'un enfant ayant contracté la rougeole avaient plus de chances de changer d'attitude et de déclarer souhaiter vacciner leur enfant.

Cette expérience souligne aussi que, de manière assez générale, les personnes réagissent mieux à des témoignages qu'à des statistiques. Cette différence est particulièrement grande chez les patients qui ont une faible littératie statistique. On peut d'ailleurs souligner que la psychologie humaine est particulièrement mauvaise pour traiter les statistiques et les risques de manière générale.

Les campagnes d'information doivent également choisir le messager qui est le plus à même d'emporter l'adhésion. Des études montrent en effet que l'un des facteurs les plus importants dans la décision de vacciner ou non les enfants est l'opinion qui prévaut localement. Les antivaccins ont plus de chances de refuser la vaccination lorsqu'ils sont entourés d'autres parents méfiants, de même, les provaccins ont plus de chances d'accepter la vaccination lorsqu'ils sont eux-mêmes entourés par des gens qui partagent leur opinion.

Un dernier point : de nombreuses recherches soulignent que l'altruisme naturel des gens est un levier que l'on peut vraiment exploiter. La décision de vacciner peut être influencée par la prise de conscience que lorsqu'on vaccine, on protège autrui et pas simplement soi-même. Insister sur le fait que la vaccination n'est pas une décision privée et que ne pas vacciner ses enfants revient à augmenter les risques d'infection pour tout le monde, en particulier pour les plus faibles, est une stratégie qui fonctionne.

Tous ces exemples suggèrent qu'il existe une multitude d'obstacles comportementaux à l'adoption des traitements qui sont pourtant identifiés comme efficaces. Ce constat s'applique à toutes sortes de décisions de santé et il est très important de l'avoir en tête pour la vaccination. Il est indispensable de généraliser ces approches et de donner une place importante aux recherches qui développent des modèles plus exacts du comportement humain.

Je termine sur une parenthèse. En Grande-Bretagne, car je n'ai pas les chiffres concernant la France, seulement 1/200ème du budget de la recherche est alloué aux questions du type : « comment faire le dernier kilomètre ? » et « pourquoi les gens se comportent-ils comme ils se comportent en matière de santé publique ? ».

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - J'ai une réflexion et une question. Le caractère obligatoire est-il rassurant ? On a plutôt l'impression que oui, mais avez-vous avez pu analyser réellement ce point dans les comportements ?

Mme Coralie Chevallier. - Non, et nous attendons les dernières données de Santé publique France avec impatience. Ce n'est pas une question d'intuition, c'est une question empirique, donc il faut observer ce qui va se passer. On aurait pu imaginer que cela renforce la défiance ; si cela renforce la confiance, tant mieux.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Merci beaucoup pour cet exposé très didactique. Nous allons passer à l'aspect « information ». Comme il a été rappelé à plusieurs reprises, ce dernier est prépondérant dans l'explication de l'hésitation vaccinale. Mme Manon Berriche, doctorante en sociologie de l'information et de la communication au médialab de Sciences Po, et M. Sacha Altay, doctorant en sciences cognitives à l'Institut Jean Nicod de l'École normale supérieure, vous êtes auteurs de plusieurs articles grand public et de communications scientifiques sur le sujet des fake news en santé. Vous réalisez un travail de collaboration sur leur propagation dans les réseaux sociaux, et avez notamment détaillé le cas des publications de la page internet Santé+ Mag. Celles-ci sont très fortement relayées, alors que leur contenu peut parfois s'apparenter à de fausses informations dans le domaine de la santé. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre étude, et sur ce qui peut être conclu s'agissant des vaccins ?

Mme Manon Berriche, doctorante en sociologie de l'information et de la communication. - Merci madame la sénatrice, nous sommes très honorés de cette invitation. Notre présentation va porter en effet sur les résultats d'une étude que l'on vient de réaliser spécifiquement sur Santé+ Mag. Cela ne concerne pas directement la question des vaccins, mais permet d'approcher la prévalence des fausses informations qui peuvent circuler dans l'écosystème médiatique français, et surtout de questionner les raisons de leur succès.

Pour cela, nous nous sommes appuyés sur la page Facebook de Santé+ Mag qui est très souvent identifiée par de nombreux médias, et aussi par quelques chercheurs, comme emblématique de la « mal-information » en santé. Nous voudrions insister sur les limites des études sur le phénomène de la désinformation, que ce soit dans les journaux ou dans certains articles de recherche.

La première limite, c'est de ne pas faire la distinction entre différents espaces de communication qui n'ont pas les mêmes propriétés. Dans l'espace public traditionnel, les informations qui circulent ne sont pas les mêmes que sur les réseaux sociaux. Ce qui va rendre une information visible dans l'espace public traditionnel, c'est son autorité, le fait qu'elle soit citée beaucoup par d'autres médias, alors que sur les réseaux sociaux, c'est sa popularité, le fait que les internautes réagissent à ces informations à travers les « like » et en les partageant dans leur cercle privé.

Il est souvent dit que l'internet a complètement dérégulé le marché informationnel or, en France - mais c'est peut-être différent ailleurs -, les sites d'information les plus visités restent les médias traditionnels. Le top 5 des médias traditionnels les plus consultés en 2017 est lefigaro.fr (22,3 %), lemonde.fr (19 %), francetvinfo.fr (14,7 %), huffingtonpost.fr (13,8 %) et 20minutes.fr (12,6 %). Le site internet santeplusmag.fr ne représente que 3,1 % de l'audience totale. Mais la popularité de la page Facebook de Santé+ Mag est complètement différente, elle a deux fois plus d'abonnés que la page Facebook de lemonde.fr, et au total, génère à elle seule cinq fois plus d'interactions que la combinaison des cinq médias traditionnels les plus consultés.

La deuxième limite, c'est de s'arrêter à ces chiffres et de penser que, parce qu'il y a beaucoup d'interactions sur une page Facebook, celle-ci étant présumée vecteur de fausses informations, les internautes seraient crédules et très réceptifs aux fausses informations. Notre objectif avec Sacha Altay a été d'aller au-delà de ces données, et de nous interroger vraiment sur ce que partageait la page Facebook de Santé+ Magazine, en essayant surtout de voir précisément quels types d'informations généraient le plus d'engagements de la part des internautes, c'est-à-dire de « likes » et de partages.

M. Sacha Altay, doctorant en sciences cognitives. - Avec Manon et trois codeurs indépendants, nous avons analysé 500 publications postées par la page Facebook de Santé+ Magazine sur 21 jours. En 21 jours, elles ont généré plus de 6 millions d'engagements, ce qui est considérable. Sur ces 500 posts, seuls 28 % relevaient de la mésinformation en santé : il s'agit finalement de moins d'un tiers des publications. En plus d'être peu présentes sur cette page, ces informations fausses sur la santé généraient assez peu d'engagements, comparées aux autres types de contenus. Sur le nombre total d'engagements, seulement 15 % proviennent de fausses informations, cette proportion pouvant se réduire à 11 % si l'on considère seulement les fausses informations susceptibles d'avoir un impact sur leur audience, par exemple des informations fausses sur les vaccins. Pour simplifier, la plupart des fausses informations sur la santé étaient plutôt anodines, du genre : « il faut boire du citron le matin pour éviter d'avoir le cancer ».

Encore une fois, il ne faut pas s'arrêter à ces engagements. Ce n'est pas parce que les gens interagissent avec ces faux contenus qu'ils les approuvent. D'après une analyse que nous avons réalisée sur 1 500 commentaires que l'on retrouve sous les publications de ces fausses informations, on constate que 44 % de ces commentaires sont critiques, c'est-à-dire qu'ils présentent une distance vis-à-vis du contenu, voire qu'ils le critiquent ouvertement ou même disent que les informations sont fausses. Seulement 25 % relèvent de l'approbation.

Ce que publie principalement cette page et qui est la clef de son succès, ce sont des posts sociaux sur l'amour ou encore la famille, et pas sur la santé.

Nous avons établi une matrice de corrélation montrant la relation entre les engagements et les contenus que publie la page. Les publications qui ont le plus de succès sont celles qu'on appelle des « panneaux de citations » qui peuvent être perçus comme des « ressources relationnelles », c'est-à-dire des petites publications avec une image et une phrase courte, indiquant par exemple « je vous passe un bonjour ». Les internautes partagent ce post pour dire bonjour à leurs amis. C'est principalement cela qui génère de l'engagement. À l'inverse, les fausses informations sont corrélées négativement avec l'engagement, c'est-à-dire que le fait que l'information soit manifestement fausse fait que les internautes interagissent moins avec ce contenu.

Ces résultats ne sont pas propres à cette étude, ils corroborent un grand nombre de résultats dans la littérature scientifique sur les fake news, dont les conclusions principales sont, premièrement, que les gens sont assez capables de faire la différence entre une information vraie et une information fausse ; deuxièmement, que les gens préfèrent partager des informations vraies plutôt que des informations fausses ; troisièmement, que la plupart des fake news consultées et partagées sur internet le sont par une toute petite minorité des internautes. Certaines études suggèrent que ces gens souhaitent, par principe, remettre en cause les théories les plus généralement acceptées, on parle du besoin de chaos ou « need for chaos ». Il n'est pas du tout clairement établi que les internautes soient crédules et qu'ils partagent ces informations parce qu'ils y croient ; il semble qu'en réalité ils aient d'autres motivations.

On parle beaucoup des fake news, mais on voit rarement à quoi cela ressemble. La plupart des fake news ne sont pas politiques, elles ont un caractère satirique, grossier, drôle et c'est pour ces raisons que les gens les partagent. Le rôle potentiellement déterminant des fake news sur les comportements n'a jamais été démontré, même dans le cas de l'élection de Donald Trump ou du Brexit. Il est très probable qu'il n'y ait pas de causalité et que les fake news politiques soient consultées simplement parce que les gens cherchent des justifications à des croyances auxquelles ils adhèrent déjà.

Mme Manon Berriche. - En guise d'illustration, nous vous proposons un exemple du type d'information qui suscite le plus de succès sur la page Facebook de Santé+ Mag : « Je ne perdrai jamais l'habitude de souhaiter une belle journée à mes amis et ma famille même si personne ne me répond ».

À partir des résultats de notre étude et de la littérature scientifique, on peut déjà conclure qu'il faut vraiment engager davantage de recherches sur la réception des fausses informations, pour savoir comment elles sont reçues et pourquoi les gens les partagent. C'est un point important car ce n'est pas parce qu'on croit à une information qu'on veut la partager.

Ensuite, il apparaît que les internautes ne sont peut-être pas si crédules que cela, et donc il pourrait être assez liberticide d'engager des mesures de régulation visant à supprimer les contenus. Sur cet exemple visuel que je viens de donner, qui est anodin et ne constitue pas une désinformation en santé, il y a un message d'alerte de Facebook. Ce post illustre donc également le décalage qui peut s'établir lorsque des mesures sont prises pour signaler des contenus faux sur les réseaux sociaux, alors qu'ils ne le sont pas toujours.

L'audition de ce matin portant spécifiquement sur les vaccins, nous nous permettons l'analogie suivante : de par leur viralité, les fake news sont souvent comparées à des virus, à ceci près que les virus n'ont jamais été supprimés, comme vous le savez, si ce n'est en augmentant les défenses immunitaires des populations. Plutôt que de continuer à se focaliser sur la régulation des contenus sur les réseaux sociaux, et comme cela a déjà été dit, il nous semble qu'il serait préférable d'engager davantage de recherches pour voir ce qui fonctionne, sur le plan éducatif, pour éviter la « contamination » par les fake news, que de chercher à les supprimer.

Pour finir, nous vous proposons un exemple d'illustration utilisé dans la couverture médiatique d'une vaccination, qui ne semble pas approprié : on y voit un petit nourrisson et une grosse aiguille. Ce choix, pour illustrer un contenu favorable à la vaccination, est paradoxal, quand beaucoup de personnes ont peur du fait que onze vaccins sont injectés dans un si petit corps. Au-delà même du fait rappelé par Coralie Chevallier que ce n'est peut-être pas avec des propos rassurants qu'on incite les gens à se vacciner, il faudrait sans doute communiquer différemment sur les enjeux de santé publique. Une attention particulière devrait être accordée à la bonne adéquation de la communication avec le comportement et l'interprétation qui en sera faite ; cela vaut d'autant plus pour les vaccins.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Tout en se souvenant que, parfois, quand on veut trop rassurer, on peut susciter de la défiance. Peut-être qu'une photo un peu trop rassurante pourrait être paradoxalement interprétée comme une tentative de manipulation par une personne sceptique !

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Je remarque que nous n'avons d'ailleurs pas évoqué jusque-là la peur de la piqûre. Effectivement, cela compte aussi.

Facebook n'ayant pas pu être présent pour cause d'autres engagements prévus de longue date, une synthèse de leur stratégie pour combattre la mauvaise information dans le domaine des vaccins nous a été communiquée. Il est intéressant de l'évoquer après votre exposé. Depuis quelque temps, la stratégie de Facebook, mais aussi celle d'Instagram, consiste à la fois à réduire la visibilité des contenus qui constituent une désinformation, et à proposer aux utilisateurs visionnant ces contenus une redirection vers des sites sûrs, tels que le site de l'OMS. L'identification du caractère désinformant est faite sur la base d'une liste de fausses informations établies par les Centers for Disease Control and Prevention17(*).

Cette stratégie soulève néanmoins des questions en termes d'efficacité, de méthodologie et d'éthique, que nous aurions souhaité poser à l'entreprise. Nous les lui poserons peut-être par écrit. Le site Pinterest, qui permet d'épingler et de partager des contenus autour de centres d'intérêt, régule lui aussi les recherches sur sa plateforme depuis août dernier. Les résultats de recherche sur les termes « vaccine safety » par exemple, proposent un encadré explicatif invitant à prendre contact avec un professionnel de santé. Seuls les liens vérifiés émanant d'organisations de santé sont diffusés.

Après le thème de l'information et du rôle des médias, nous passons maintenant au thème de la communication des autorités de santé. À cet effet, nous avons convié Cyril Drouot, spécialiste en communication sur les risques sanitaires, enseignant chercheur à l'Université Nice-Sophia-Antipolis au sein de l'IUT de journalisme, et auteur d'une thèse intitulée « Croyances, usages discursifs et éthiques en communications sur la vaccination contre les papillomavirus humains : hésitation, défiance, confiance, prudence, utilité... décidément une lutte toute en contrepoint ».

M. Cyril Drouot, à la lumière des cas de mauvaise communication des autorités de santé qui ont été évoqués dans la première table ronde, quelle serait votre définition d'une bonne communication qui permettrait une amélioration de la couverture vaccinale ? Avez-vous un avis sur la communication du gouvernement et des autorités de santé autour de l'extension des vaccinations obligatoires, fin 2017 début 2018 ?

M. Cyril Drouot, chercheur en sciences de l'information et de la communication. - Je vais tenter de répondre à cette question en vous présentant les objectifs de mes travaux de recherche. Le premier consiste à caractériser les populations défavorables ou hésitantes par rapport à la vaccination en général, et au vaccin contre les papillomavirus, dits HPV, en particulier. Le deuxième, à identifier les discours auxquels sont sensibles les populations défavorables ou hésitantes, notamment depuis l'élargissement de l'obligation vaccinale à onze vaccins. Le troisième objectif vise à conseiller les institutionnels et les autres parties prenantes au sujet des stratégies médiatiques à adopter pour aller dans le sens de la restauration de la confiance dans la vaccination.

Dans le cadre de ce projet de recherche expérimental, nous avons tout d'abord travaillé sur une cohorte de 20 000 étudiants inscrits dans les universités de Bordeaux, Versailles-Saint-Quentin et Nice-Sophia-Antipolis. Ensuite, nous avons sollicité des volontaires acceptant de participer à l'étude dans le cadre d'un protocole agréé par la CNIL et par un comité d'éthique.

Nous avons ainsi pu recueillir trois types d'informations sur la cohorte : des informations personnelles d'abord, sur la famille, les revenus, les loisirs, les habitudes alimentaires, les activités sportives, les antécédents médicaux et la psychologie ; ensuite des informations concernant la vaccination, sur leurs connaissances et leur positionnement ; enfin des informations sur leur réception de différents types de discours des acteurs médiatiques s'exprimant sur le vaccin anti-HPV, à savoir le discours institutionnel, celui du journaliste spécialiste, du journaliste généraliste et celui de l'associatif. Dans les médias, les médecins tiennent souvent la place du journaliste spécialiste, expert.

Enfin, nous avons analysé l'ensemble des données par des méthodes d'intelligence artificielle permettant de confronter l'ensemble des caractéristiques des populations étudiées, pour identifier des profils.

Nous avons pu décrire nos deux populations à l'étude par plusieurs caractéristiques. Tout d'abord, les personnes plutôt défavorables au vaccin contre les HPV, sont des personnes qui n'ont plutôt pas été vaccinées contre les HPV, ni contre l'hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole, en comparaison avec des étudiants favorables. Ils ont plutôt obtenu un bac professionnel. Ils considèrent plutôt que leurs conditions de vie sont excellentes et qu'ils ont obtenu les choses importantes qu'ils voulaient dans leur vie. Ils passent entre 4 et 8 heures par jour devant l'ordinateur pour jouer sur internet, ou ne possèdent pas d'ordinateur ou de smartphone. Ils ont plutôt des parents qui n'ont pas effectué d'études supérieures, en comparaison avec des étudiants favorables à la vaccination. Ils sont plutôt de sexe féminin.

Ensuite les hésitants sont plutôt des personnes qui considèrent aussi que leurs conditions de vie et leur situation économique sont excellentes. En revanche, ils n'ont jamais ressenti que les choses allaient comme elles le voulaient. Ils ont un mauvais ressenti sur leur état de santé, ont plus de pensées suicidaires que les autres et prennent plus souvent des médicaments contre le stress, l'angoisse ou l'anxiété. Ils n'ont plutôt pas été vaccinés contre les HPV, ni contre l'hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole. Ils sont plutôt titulaires d'un bac général dans les filières sciences économiques et sociales, alors que les non-hésitants, dont on ne présentera pas ici le portrait complet, sont de manière générale plutôt titulaires d'un bac scientifique. Enfin, les hésitants passent entre 4 et 8 heures par jour devant un écran d'ordinateur ou de télévision, contre seulement 30 minutes à 2 heures pour les non-hésitants.

Quels sont les discours les mieux perçus par les hésitants et les défavorables ? Nos résultats ont montré qu'il s'agissait de ceux qui mobilisent les canons discursifs de la vulgarisation scientifique.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Pouvez-vous préciser dans quel sens on entend « discours mieux perçu » ? Au sens où le discours est en accord avec les idées de la personne qui le reçoit, ou au sens où le message a de l'impact ?

M. Cyril Drouot. - Au sens où le message crée de l'adhésion à la nature du message porté par le discours. Pourquoi les discours qui mobilisent la vulgarisation créent-ils de l'adhésion ou du consensus ? Il semblerait que ce soit notamment parce que le dénominateur commun à toutes les communications testées et perçues positivement est le fait de faire appel à l'émotion plutôt qu'au bon sens d'une pensée rationnelle.

Le modèle de la vulgarisation permet de mettre en scène une information vaccinale en faisant appel à des émotions qui affectent la raison - une impression de vérité par exemple -, via la mobilisation d'un lexique esthétique riche, utilisant, de surcroît, les nouvelles technologies d'information et de communication. A contrario, les modèles de communication mobilisés par l'institutionnel, l'associatif ou le journaliste généraliste, font appel à d'autres émotions - surtout le sentiment de peur -, et ne créent pas, ou peu, d'adhésion. Ce sentiment de peur peut par ailleurs être produit en cherchant à trop vouloir rassurer, comme on l'a dit. Cela peut être le cas des discours qui ne donnent à entendre qu'un seul point de vue au sujet des incertitudes liées à un danger supposé, plutôt que de faire en sorte de mieux décrire les processus complexes qui façonnent une balance bénéfices/risques positive pour mieux en faire accepter les risques. Ce modèle de communication, qui s'exprime au sujet de la vaccination de manière objective et compréhensible de tous, mais avec confiance et optimisme, est principalement mobilisé par le journaliste spécialiste qui a souvent cette double casquette de médecin et de journaliste. Ce modèle est cependant peu déployé sur internet où communiquent pourtant massivement les acteurs antivaccins.

Je mets à disposition de ceux que cela intéresse des exemples de communication qui créent du consensus, l'une portée par le vulgarisateur, l'autre adaptée au modèle institutionnel.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Tel qu'il est déployé aujourd'hui dans les médias, le discours vulgarisé du journaliste spécialiste sur HPV crée de l'adhésion. Les hésitants ne demandent finalement qu'à avoir un avis. Je rappelle leur profil : ce sont des personnes qui ont plutôt des conditions de vie excellentes, ont plutôt un mauvais ressenti sur leur état de santé, sont plutôt moins souvent vaccinées, sont plutôt titulaires d'un bac dans les filières sciences économiques et sociales, et passent entre 4 et 8 heures par jour devant un écran.

Quelles recommandations pour les institutionnels pouvons-nous alors émettre ? Tout d'abord, adapter leurs canons discursifs à ceux du modèle de communication reposant sur la vulgarisation scientifique ; ensuite, augmenter leur diffusion en ligne auprès des hésitants ; enfin, sensibiliser les lycéens, et notamment ceux des filières sciences économiques et sociales, pour cibler les populations hésitantes.

De manière très opérationnelle, il s'agirait peut-être de mobiliser et de faire travailler ensemble quatre types d'acteurs : des professionnels de la communication publique, scientifique et vulgarisée, pour produire et augmenter la diffusion sur les sites internet, les réseaux sociaux et les blogs auprès des populations identifiées comme réceptives ; des community managers spécialisés en éthique de la discussion, pour éviter au maximum de susciter la défiance et à l'inverse favoriser le consensus au sein des différents espaces communautaires en ligne ; des journalistes spécialisés dans la santé pour faire du fact checking (vérification des faits) et du « journalisme de solutions »18(*), ce qui permet, d'une part, d'alimenter les contenus des professionnels de la communication et des community managers précités, d'autre part, de lutter contre la désinformation, dont on vient de voir ce matin qu'elle semble finalement assez contenue ; enfin, des intervenants formés sur les questions de la vaccination pour mener des ateliers de sensibilisation au sein d'établissements de l'enseignement secondaire.

Pour conclure, l'ensemble de ces propositions me semble s'inscrire dans la dynamique de celles émises par le Comité d'orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, présidée par Alain Fischer ici présent, qui les a d'ailleurs rappelées lors de la première table ronde.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Merci M. Cyril Drouot pour cette analyse. Nous reviendrons plus tard sur la question de l'amélioration par l'obligation de vacciner. Nous allons entendre maintenant Isabelle Bonmarin, responsable de l'unité Prévention des risques infectieux et environnementaux à la Direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France, sur la stratégie de communication de cette agence. Cette stratégie s'appuie sur le site vaccination-info-service.fr, mais aussi sur des spots télévisés. Madame Bonmarin, pourriez-vous nous décrire la démarche de l'agence ? Êtes-vous en mesure de quantifier l'efficacité de cette stratégie ?

Mme Isabelle Bonmarin, Direction de la prévention et de la promotion de la santé, Santé publique France. - Merci de me donner la parole pour présenter le site vaccination-info-service.fr, qui ne représente cependant qu'une partie des éléments que nous utilisons pour communiquer auprès de la population. Ce site a été annoncé par la ministre de la Santé en 2016 dans le cadre du plan de rénovation de la politique vaccinale. Son objectif est d'apporter des informations factuelles, pratiques et scientifiquement validées, aussi bien à la population générale qu'aux professionnels de santé. Dès sa création, l'objectif était qu'il devienne le premier site institutionnel sur la vaccination.

Il a été conçu en collaboration avec des partenaires institutionnels et des experts dans le champ de la vaccination. Il comprend deux volets, un volet grand public et un volet professionnel. Chacun des volets a une structure similaire, le volet professionnel étant bien sûr plus développé. On y retrouve des questions générales sur la vaccination, des volets pratiques sur la vaccination, des fiches sur les maladies et les vaccins associés, un volet sur les vaccins existants en France, sur les aspects légaux de la vaccination, etc.

Le volet grand public a été mis en ligne en mars 2017, et à ce jour, il compte près de 9 millions de visiteurs uniques, avec actuellement environ 9 000 visites par jour. Le volet professionnel a été mis en ligne un an plus tard, en mars 2018 ; sa promotion n'a été faite qu'en janvier 2019, ce qui a permis de passer de 50 000 visiteurs avant la promotion à 393 000 visiteurs aujourd'hui, avec un rythme actuel de 1 000 visites par jour.

Mme Sylvie Quelet a mentionné des enquêtes destinées à mesurer la notoriété du site. L'enquête de juin 2018, menée auprès d'une population de 2 300 personnes âgées de 18 à 65 ans, visait à recueillir le sentiment d'adhésion à la vaccination et à la politique d'obligation vaccinale. L'une des questions concernait leur connaissance sur site vaccination-info-service.fr. 28 % disaient en avoir entendu parler sans l'avoir jamais consulté, et 5 % disaient en avoir entendu parler et également l'avoir consulté. En juin 2018, 33 % des personnes interrogées connaissaient donc ce site. La moitié de ceux qui en avaient entendu parler en avaient pris connaissance à travers les médias. Parmi ceux qui avaient consulté le site, 91 % étaient satisfaits du contenu qu'ils y avaient trouvé.

Au printemps dernier, nous avons fait la première campagne large de promotion de la vaccination. Cette campagne a été post-testée sur un panel de 1 331 personnes interrogées, dont la connaissance du site vaccination-info-service.fr était similaire : 34 % des personnes interrogées en avaient entendu parler.

Ce site nous paraît incontournable, car il constitue une source d'informations disponibles pour les personnes qui désirent en rechercher. Mais ce n'est qu'une action de communication sur la vaccination parmi d'autres. Nous avons en effet mené des campagnes de promotion de la vaccination et nous essayons de participer le plus souvent possible à des événements concernant la vaccination. Nous cherchons à promouvoir toutes les actions qui ont fait preuve de leur efficacité pour améliorer la confiance en la vaccination chez nos concitoyens.

Le site peut bien sûr encore être amélioré et nous continuons à enrichir son contenu. Nous recevons encore assez peu de questions du grand public ou des professionnels de santé. Nous réfléchissons au développement de cet aspect-là, à la fois pour attirer les personnes sur le site, mais aussi pour répondre éventuellement à des besoins.

On aimerait pouvoir évaluer les bénéfices de vaccination-info-service.fr, car 33 % des personnes interrogées savent qu'il existe et nous souhaitons augmenter cette proportion, mais seulement 5 % le consultent et ces personnes ne sont probablement pas les plus hésitantes vis-à-vis de la vaccination.

Comment ce site peut-il améliorer la confiance des Français dans la vaccination ? C'est difficile à mesurer mais nous aimerions pourtant le faire.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Merci Mme Isabelle Bonmarin pour toutes ces explications. Une petite parenthèse : jusqu'à il y a peu, la formation des médecins en matière de vaccination se faisait souvent en partenariat avec les laboratoires avec qui les vaccinations ont été mises au point. Certes, les médecins se forment au fil de leur expérience et de leur pratique, mais je pense qu'il est important qu'il existe un outil indépendant d'information, ne serait-ce que pour assurer une information impartiale, extérieure à l'industrie pharmaceutique, auprès du grand public. J'insiste sur le fait qu'en matière d'information sur la vaccination, on a été longtemps - et l'on est toujours - un peu en partenariat avec les laboratoires, sachant que nous devons avoir un oeil critique, tout en devant, malgré tout, favoriser la vaccination.

Nous en venons aux questions.

Débat et questions des internautes

Mme Angèle Préville, sénatrice. - Une fois de plus, je voudrais revenir sur la confiance à restaurer, qui paraît effectivement très difficile à retrouver. Nous sommes sur la corde raide en quelque sorte : entre la peur et le reste, l'équation sur les messages envoyés est difficile à résoudre. Il a été proposé d'améliorer l'adhésion en travaillant à l'éducation ; mes souvenirs de l'enseignement reçu à l'école primaire, sur l'histoire des sciences et sur le rôle de la vaccination et de Pasteur dans notre histoire, m'incitent à approuver cette proposition.

Concernant la vaccination dans les écoles, je retiens l'idée d'une intervention éventuelle des étudiants en médecine - après tout, la vaccination est obligatoire - mais je m'interroge sur le temps que cela prendrait aux étudiants, qui sont déjà très sollicités.

Je m'interroge à propos des adjuvants vaccinaux : qu'y avait-il avant les sels d'aluminium ? Pourquoi les a-t-on choisis, quels sont leurs avantages ? Ils sont réels, si j'ai bien compris, mais quels sont-ils ?

M. Jean-François Eliaou, député. - Il ne s'agit pas que des étudiants en médecine, cela s'inscrit en dehors de la faculté et de l'hôpital. Il s'agit du cursus des étudiants en santé. Il est prévu qu'une partie de ce cursus, assez courte, un ou deux mois, s'inscrive dans un but d'intérêt général, et consiste en la sensibilisation à un certain nombre de sujets médicaux, dans les écoles, les EHPAD, etc. Dans ce cadre, on pourrait adresser des propositions aux doyens des facultés pour faire de la sensibilisation et de l'éducation à la santé, notamment l'éducation à la vaccination.

Mme Coralie Chevallier. - Avant de partir, je voulais juste signaler qu'il est possible de tester l'impact potentiel des campagnes et des messages adressés ; il ne s'agit pas de nous contenter de notre intuition. Par ailleurs, j'ai cité la littérature anglo-saxonne, mais on peut parfaitement imaginer des spécificités françaises, et qu'un message qui fonctionne aux États-Unis fonctionne moins bien en France, par exemple. Il est important d'avoir cela en tête, il n'y a pas de recette magique, et tester l'adhésion aux messages portés permet de piloter les actions de santé publique.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - Je voudrais vous féliciter pour votre concept du « dernier kilomètre », celui qui sépare la portée d'un message, d'une politique publique, et la décision effective du citoyen. Ce concept peut s'appliquer à différents secteurs, et si vous progressez sur ce sujet, vous aurez des auditeurs très attentifs au Parlement.

Mme Coralie Chevallier. - Je vous remercie, c'est précisément ce que j'enseigne.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Je joins mes remerciements à ceux du président Gérard Longuet. Votre intervention a montré très clairement que le bon sens ne s'applique pas forcément au domaine de la communication. Pour résumer, nous avons bien compris qu'il est des situations dans lesquelles rassurer inquiète.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - À propos des adjuvants vaccinaux, il arrive que des mères tatouées aient des réticences à la vaccination, or il est pourtant connu que la technique du tatouage introduit des métaux dans l'organisme.

Pr. Alain Fischer. - L'aluminium est utilisé depuis plus de 90 ans, depuis les années 1920 je crois. Des milliards d'individus dans le monde ont reçu des vaccins contenant de l'aluminium. Sa mise en pratique a été totalement empirique, sans la moindre compréhension des mécanismes, ce qui était le cas, de façon générale, de la vaccination jennérienne. Depuis peu, on commence à comprendre un peu comment cela fonctionne, à travers ce qu'on appelle l'immunité innée, mais on est encore loin de tout comprendre. Ce qui est clair, c'est que l'utilisation des adjuvants est nécessaire lorsque les vaccins sont constitués de protéines isolées, de fragments des agents pathogènes. Auparavant, l'on n'utilisait que des organismes entiers, des agents pathogènes vivants, ce qui était suffisant pour induire une réponse immunitaire.

Dans les périodes plus récentes, quelques autres adjuvants ont été utilisés, comme les sels de calcium qui sont parfois mis en avant par certains, bien qu'ils ne soient pas très faciles à utiliser et que leur efficacité ne soit pas aussi bonne que celle des sels d'aluminium. Par ailleurs, d'autres substances, comme le squalène, sont utilisées dans certains vaccins, comme le vaccin contre la grippe par exemple. En tous les cas, l'aluminium n'est pas quelque chose de nouveau, loin de là, et c'est aussi un domaine de recherche en pleine effervescence dans lequel plus on comprendra les mécanismes immunitaires en jeu, meilleures seront les chances de définir des adjuvants plus efficaces et plus sûrs.

Mme Florence Lassarade, sénatrice. - Ajoutons que l'adjuvant aluminique permet aussi de diminuer la dose vaccinale et que la combinaison de plusieurs vaccins, donc certains nécessitant un adjuvant, en un vaccin hexavalent, permet de ne pas multiplier les injections - on protège ainsi contre plusieurs maladies en une seule injection.

Pr. Alain Fischer. - Ajoutons aussi que la quantité d'aluminium contenue dans ces vaccins est de deux à trois ordres de grandeur inférieure à la part de l'aluminium ingéré qui est absorbée par notre organisme.

Pr. Henri Partouche. - Une remarque pour faire le lien entre ce qu'a dit Isabelle Bonmarin et votre remarque sur la formation des médecins par l'industrie. Aujourd'hui la formation médicale continue est en marche, notamment avec la collaboration du Collège de la médecine générale et de Santé publique France, et ce, indépendamment de l'industrie pharmaceutique.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Parmi les questions des internautes, j'aimerais revenir sur celle-ci, qui fait écho à beaucoup de nos débats, je cite : « Quelle procédure pourrait aujourd'hui valider des informations de santé sur les vaccins, si l'on considère que toutes les autorités publiques sont contestées ? ». La question est formulée de façon très franche. Quelles sont les autorités, les émetteurs de messages qui ont le plus la confiance des récepteurs, si je peux employer cette terminologie un peu dépassée maintenant d'émetteur-récepteur ?

M. Cyril Drouot. - En ce qui concerne l'étude que nous avons menée sur le vaccin anti-HPV, nous avons cerné différents types d'acteurs : l'associatif, qui regroupait aussi tous les acteurs médiatiques indépendants ; le journaliste généraliste ; le journaliste spécialiste, auquel nous avons rattaché le médecin, dont le discours est moins médiatique. Sur l'ensemble des discours proposés, les taux d'adhésion les plus forts qui ont été émis concernent le discours classique qui est déployé aujourd'hui dans les médias en ligne ou hors ligne par le journaliste spécialiste. C'est celui qui crée le plus d'adhésion, celui qui fait le plus consensus, en tout cas pour le vaccin anti-HPV.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - N'est-ce pas en contradiction avec le fait que le témoignage individuel ait plus d'impact que la statistique, comme on l'a entendu tout à l'heure, ou est-ce que ce sont deux faces différentes du problème ?

M. Cyril Drouot. - C'est complémentaire, c'est-à-dire que ce n'est pas tant l'usage de chiffres à l'intérieur du discours qui va permettre d'obtenir l'adhésion, que leur mise en scène au sein d'un lexique qui n'est pas que textuel mais aussi esthétique. C'est un processus complexe qui permet au récepteur de conscientiser et d'être sensibilisé à l'ensemble de la chaîne bénéfices/risques. En fin de compte, la décision finale d'adhérer ou pas au discours revient au récepteur du message. On est dans ce qu'on peut appeler une éthique réflexive, et non pas normative. On sollicite une réflexion sur la nature de la technologie médicale, sans forcément axer le propos sur la nature intrinsèquement bonne des vaccins, en termes de santé publique.

Mme Isabelle Bonmarin. - Dans toutes nos études, on demande à chaque fois aux populations interviewées où elles vont recueillir l'information, et à laquelle elles donnent le plus de poids. Les médecins arrivent très largement en tête concernant toutes les questions autour de la vaccination.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Une autre question d'un internaute : « La distribution au nouveau-né d'un passeport vaccin indépendant du carnet de santé, avec des informations sur chaque vaccin, pourrait-elle être pertinente ? ».

Pr. Alain Fischer. - Il existe des carnets vaccinaux électroniques qui fonctionnent dans quelques régions, dont on pourrait espérer la généralisation pour une mise en place dès la naissance. En même temps, il n'est pas souhaitable de séparer les informations de santé, ainsi, il faudrait aboutir à un carnet de santé électronique complet. Celui-ci pourrait effectivement contenir un registre des vaccinations et des informations sur la vaccination, avec des liens par exemple vers le site de Santé publique France. Les expériences de ce type sont intéressantes, mais malheureusement non généralisées en France pour l'instant.

M. Jérémy Ward. - Je me permets de revenir à la question précédente. Dans la littérature qui traite de la confiance attribuée aux différentes sources sur les questions scientifiques, en France, il ressort une confiance modérée vis-à-vis des institutions. Par contre, la figure du scientifique financé en partie par l'État, vu comme indépendant des entreprises, est encore une figure dans laquelle les citoyens ont confiance. Une piste serait peut-être de mettre davantage en avant la place des scientifiques de la recherche publique, académique, dans les processus de production et de certification des vaccins.

Mme Isabelle Bonmarin. - Cela fait également fait partie de nos outils sur le site vaccination-info-service.fr, notamment avec des vidéos dans lesquelles s'expriment des experts de la vaccination.

M. Cyril Drouot. - Pour rebondir sur la légitimité des experts assermentés par l'État, il est ressorti de l'expérimentation que nous avons menée la chose suivante : quand les discours n'étaient pas vulgarisés et rendus accessibles et compréhensibles par tous, l'adhésion était fortement en déclin par rapport à d'autres discours. La conclusion est qu'un acteur un peu moins légitime, s'il parvient à bien rendre accessible son propos, a une voix qui porte plus. Il peut être intéressant de faire collaborer différents acteurs sur les stratégies à déployer.

Pr. Alain Fischer. - Une brève remarque sur l'éducation : je pense que pour améliorer la perception de la vaccination - et celle d'autres sujets, d'ailleurs - par nos concitoyens, un certain nombre de concepts doivent être acquis à l'école, et je ne suis pas sûr qu'ils le soient aujourd'hui. Je pense au concept d'ordre de grandeur, d'analyse bénéfices/risques, à la différence entre les notions de coïncidence ou de concomitance, de corrélation et de causalité... Ces concepts, qui sont pour certains simples, pour d'autres un petit peu moins, devraient être mieux enseignés à l'école, tout au long de la formation, et peut-être au-delà de l'école.

M. Jérémy Ward. - Il est effectivement important de comprendre ces concepts, mais à mon avis, ce qui est crucial, c'est avant tout la confiance ; la plupart du temps, l'adhésion à la vaccination repose sur une délégation de l'expertise. Et justement, la crise actuelle avec cette défiance vis-à-vis de la vaccination est la même que la crise de confiance, plus générale, dans le système de santé.

Pr. Henri Partouche. - Je n'irais pas vers ce modèle paternaliste qui reposerait seulement sur la confiance car il y a une vraie demande des patients - il y a d'ailleurs une synthèse Cochrane là-dessus -, une vraie demande de littératie en santé, avec un exposé précis des rapports bénéfices/risques, à la fois de la vaccination, mais aussi des risques associés aux maladies infectieuses, notamment en termes de morbidité et de mortalité.

Conclusion

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Merci pour toutes ces interventions. De toutes les séances d'auditions que nous avons eues, c'est celle où il y a eu le plus de questions qui n'ont pas trouvé de réponse franche, ou auxquelles les réponses étaient nuancées, non pas sur le fond du problème, c'est-à-dire la vaccination en elle-même, mais sur la façon d'aborder ce sujet dans le débat public et dans la communication.

Ce sujet en soi est difficile, délicat à analyser. Historiquement, comme cela a été rappelé par Laurent-Henri Vignaud, les premières évaluations sur l'efficacité de la variolisation et ensuite celle de la vaccination ont suscité des débats. Il y a eu la contribution importante de Daniel Bernoulli, les remarques de d'Alembert, et sur les décennies, les siècles qui ont suivi, toutes sortes de discussions sur les mérites comparés vaccin par vaccin. La remarque sur le BCG donnée par Alain Fischer montre bien qu'en la matière, il peut arriver qu'on déclasse un vaccin que l'on pensait efficace, ou que l'on revoit les recommandations associées à tel autre.

Cependant, aujourd'hui, il y a un quasi-consensus scientifique par rapport aux vaccins qui sont actuellement utilisés. Il a été rappelé les réticences, rares, concernant la question des adjuvants ou encore la politique de vaccination contre les papillomavirus. De tout ce qu'on a dit, je comprends d'ailleurs qu'il y a maintenant consensus sur le fait que le vaccin anti-HPV devrait être généralisé à tout le monde, garçon ou fille, et traité à un âge relativement précoce.

Sur le fond, ce sujet est complexe et il a mis beaucoup de temps à s'imposer. Il demande une discussion segmentée, vaccin par vaccin, usage par usage, mais aujourd'hui, il y a bien un certain consensus sur les vaccins les plus courants.

En dépit de ce consensus scientifique, il reste de la contestation, de l'hésitation, du scepticisme, qui se sont très bien approprié, comme on l'a vu dans l'intervention de Jérémy Ward, la complexité dossier. D'une contestation globale sur la question des vaccins, on est passé à une contestation plus subtile, au cas par cas, avec un rapport bien plus étroit à la sophistication scientifique.

Sur la question de l'opinion, nous avons entendu beaucoup de choses intéressantes. Premièrement, les opinions ne se font pas sur des statistiques et des arguments d'autorité. Elles sont très influencées par les crises sanitaires, pas forcément en lien direct avec la vaccination. Elles sont également influencées par des témoignages particuliers, par la proximité et en particulier par le discours du médecin, peut-être « le meilleur adjuvant ». On a vu que des questions à la fois psychologiques, réglementaires d'environnement, de procédures, de logistique, de facilitation... participent au processus. Nous l'avons entendu à travers les témoignages de Mesdames et Messieurs Opinel, Fischer, Partouche, Quelet, Drouot, dont il résulte que la façon dont l'opinion se forge est complexe et dépend d'un grand nombre de paramètres.

On a vu que la réponse à la question qui vient en corollaire : « quelle est la bonne façon de faire passer les messages utiles pour l'intérêt public ? » n'est pas simple. L'éducation ne fait pas tout. Comme le rappelait Coralie Chevallier, parfois, en voulant rassurer, on inquiète. L'impact des sites internet n'est pas clair, en particulier l'impact des fausses nouvelles. Des statistiques intéressantes arrivent avec les sites officiels d'information, Isabelle Bonmarin en a évoquées certains, mais il y a une réelle difficulté à estimer leur impact. On nous a dit que le traitement de l'information dans les journaux généralistes avait un impact important. Il dépend de la mise en scène, de la façon dont le sujet est traité, et il semble que le traitement par le journaliste spécialiste soit le plus susceptible de forger une conviction allant dans le sens de l'adhésion. Dans la première table ronde, on a cependant entendu que, sur ces trois dernières années, le traitement par les grands journaux généralistes a changé de façon importante, sans que je comprenne d'ailleurs ce qui a provoqué ce changement.

Pr. Alain Fischer. - Jusqu'en 2016, sur les réseaux sociaux et dans les médias en général, les autorités de santé et nous-mêmes, médecins, scientifiques, étions simplement absents des débats concernant la vaccination ; il n'y avait qu'une seule parole. L'introduction, ou la réintroduction d'une parole de santé, même si elle est plus ou moins crédible, concernant la mise en perspective honnête de la vaccination, a fini par avoir des répercussions positives. Il me semble que c'est tout un ensemble de choses qui a fait évoluer, la situation : la préoccupation des politiques, la concertation citoyenne, etc... Quelle est l'analyse des spécialistes ?

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Jérémy Ward n'a pas l'air tout à fait convaincu.

M. Jérémy Ward. - Je n'ai pas fait d'étude longitudinale de la couverture médiatique, mais je ne suis pas sûr que ce constat soit réellement établi. Dans l'un de vos textes récents, vous soulignez notamment la mise en place des dispositifs de fact checking, tels que « Les Décodeurs » au Monde, qui ont produit huit ou dix articles sur le sujet. On a vu se multiplier ce genre d'initiatives, c'est certain.

Cependant je tiens à souligner que durant toutes ces périodes de controverse vaccinale, lorsque les journalistes ont donné la parole aux critiques des vaccins, c'était quasi-systématiquement associé à des interviews de grands spécialistes de la vaccination, porteurs d'une parole orthodoxe - je pense par exemple à Daniel Floret qui a été très présent dans les médias.

M. Laurent-Henri Vignaud. - Les journalistes ont des sources, ils doivent se rapporter à des informations qui font autorité. Or, l'historien peut rappeler que du point de vue de l'édition, la production de pamphlets antivaccins est incommensurable, aussi bien en nombre qu'en succès, par rapport à des livres qui donnaient une information précise et vulgarisée. Finalement, les livres très récents - je pense à celui du professeur Raoult ou de Lise Barnéoud - ont donné des informations auxquelles les journalistes pouvaient ensuite se raccrocher. C'est aussi une question d'édition et de disponibilité d'information sérieuse.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - Nous voyons qu'il y a une chaîne variée de modes de transmission de l'information, qui va de la façon d'informer les citoyens, à la manière d'informer les journalistes, les réseaux, et plus généralement de « donner du grain à moudre » à des prescripteurs intermédiaires, si je puis dire.

Ces thèmes sont majeurs et il y a un enjeu politique considérable sur la bonne façon de mettre les sujets dans le débat public pour l'ensemble de la société. Le scientifique a un rôle dans cela, au-delà de son expertise sur la bonne politique vaccinale à adopter. Concrètement, si l'État se contente d'une communication qui se veut rassurante, cela ne portera pas ses fruits. Pour répondre à ces questions, on a besoin d'un ensemble de messages et de sources de transmission des informations.

Une question des internautes et la remarque du président Longuet sur l'intervention de Mme Coralie Chevallier l'ont bien résumé : qui écoute-t-on, à qui fait-on le plus confiance dans tout ce débat ? Et comment réaliser la livraison au dernier kilomètre sur cette politique publique spécifique ?

Les internautes s'interrogent également sur les traductions législatives éventuelles de cette audition. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de matière législative, si ce n'est peut-être sur cette question du HPV si l'on envisageait de le rendre obligatoire ou de le rembourser ?

Pr. Alain Fischer. - Le Parlement n'est appelé à se prononcer que s'il y a des questions d'obligation.

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - En tout cas, nous pouvons intervenir en formulant des recommandations. En revanche, il y a beaucoup à apprendre, à méditer et à digérer de ces deux tables rondes, sur la question de l'organisation du débat public, sur les ressorts qui motivent les uns et les autres, sur la question de la confiance et de l'information. Intrinsèquement complexes, ces questions sont d'une grande importance pour l'ensemble de la société. Il y a également la question de la solidarité, puisque comme l'a rappelé Coralie Chevallier, l'appel à l'altruisme est aussi dans certains cas une recette efficace.

Mes chers collègues, je vous remercie pour cette grande attention qui a été portée, ce matin, à l'un des débats les plus intéressants et les plus complexes que nous ayons eu à examiner.

M. Gérard Longuet, sénateur, président de l'Office. - L'Office parlementaire est tout à fait dans son rôle, qui est d'alerter nos collègues députés et sénateurs sur la manière dont nos compatriotes appréhendent certaines réalités scientifiques. Ce qui est réjouissant, c'est que vous nous dites très clairement que l'hostilité à la vaccination ne progresse pas, qu'elle soit idéologique, philosophique ou religieuse. En revanche, l'hésitation se nourrit d'une relation forcément compliquée entre nos compatriotes et la science, même si cette science est mise en oeuvre pour le bien de tous, par des gens compétents, mus par de bonnes intentions.

En effet, nous aurons à réfléchir à la façon de tirer parti de ce travail. Je suis rapporteur du budget de l'enseignement scolaire comme lieu de transmission de comportements responsables. Le rêve de l'école est un rêve qu'il faut accompagner, mais sur lequel tous les espoirs ne doivent pas reposer. Il faut mobiliser absolument toutes les forces, y compris parfois des principes d'autorité.

La relation de nos compatriotes avec la science est extraordinairement complexe, parce qu'ils en attendent beaucoup et s'inquiètent parfois de ce qu'elle ne soit pas linéaire. Moi qui suis dans un parti républicain, je voudrais rendre hommage à Louis XVI, première autorité politique à avoir accepté de se faire vacciner pour soutenir les efforts de Jenner et améliorer l'état de santé de la population française. Il n'a d'ailleurs pas réussi pour autant à parvenir à établir un lien plus direct avec l'opinion française !

M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office. - C'était en tout cas un roi connu pour être passionné de sciences et d'exploration en général, et qui avait favorisé certaines grandes expéditions de découverte.

La réunion est close à 12 h 50.


* 1 Compte rendu de l'audition publique du 31 mai 2018 sur le thème « Quelle prise en compte de l'hypersensibilité électromagnétique ?

www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20180528/opecst.html#toc2

* 2 Compte rendu de l'audition publique du 22 mai 2014 sur le thème « Les adjuvants vaccinaux : une question controversée » www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-off/i2534.pdf

* 3 www2.assemblee-nationale.fr/content/download/83202/927351/version/1/file/OPECST-Note-politique-vaccinale_tableau-rotation.pdf

* 4
www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2019_0072_note_politique_
vaccinale.pdf

* 5 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 6 Épizootie se dit d'une maladie affectant les animaux.

* 7 L'audition publique, qui s'est tenue le 9 novembre 2004, a été demandée par Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la santé et de la protection sociale. Elle a été organisée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

www.ansm.sante.fr/content/download/6991/71748/version/1/file/vhb04.pdf

* 8 Commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1), présidée par M. François Autain, sénateur www.senat.fr/commission/enquete/Grippe

* 9 Larson, H.J., de Figueiredo, A., Xiahong, Z., Schulz, W.S., Verger, P., Johnston, I.G., Cook, A.R., and Jones, N.S. (2016). The State of Vaccine Confidence 2016: Global Insights Through a 67-Country Survey. EBioMedicine 12, 295-301.

reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S235239641630398X?token=961CBAA7A52B5786B30B5A5CD1DAE2A5357E379585D1BD695F95458CEFB958642C0B1BAF0B3BD9C1C8CED003DD1086ED

* 10 wellcome.ac.uk/sites/default/files/wellcome-global-monitor-2018.pdf

* 11 La Wonca (World family doctors, caring for people) ou Société européenne de médecine générale - médecine de famille, a émis une définition des caractéristiques de la discipline de médecine générale, du rôle du médecin généraliste et une description des compétences fondamentales du médecin généraliste - médecin de famille. www.woncaeurope.org/sites/default/files/documents/WONCA%20definition%20French%20version.pdf

* 12 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 13 Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 14 « La littératie en santé est reconnue être un élément déterminant de la santé publique. On entend par ce terme la motivation et les compétences des individus à accéder, comprendre, évaluer et utiliser l'information en vue de prendre des décisions concernant leur santé. Le niveau de littératie en santé est préoccupant, notamment en Europe et y compris en France. Améliorer le niveau de littératie est un enjeu majeur de santé publique pour que la population soit en capacité de prendre en charge au mieux sa santé. » Stephan Van den Broucke, « La Santé en action », 2017, n° 440, p. 11-13.

* 15 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 16 Diplôme d'Études Spécialisées Complémentaires.

* 17 Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux États-Unis.

* 18 Le « journalisme de solutions », « journalisme d'impact » ou « journalisme constructif » est une conception du journalisme qui voudrait que le journaliste, au-delà de la mise en exergue d'un problème, montre également les pistes de solution, favorisant ainsi la réflexion et l'engagement des citoyens. L'adage « on parle toujours des trains qui arrivent en retard, mais pas suffisamment de ceux qui arrivent en avance » est souvent utilisé pour décrire l'ambition de ce mouvement.