Mardi 17 décembre 2019

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Échange de vues sur les conclusions du Grenelle de lutte contre les violences conjugales

Mme Annick Billon, présidente. - Mes chers collègues, nous tenons aujourd'hui notre dernière réunion de l'année 2019.

Avant d'évoquer le Grenelle de lutte contre les violences conjugales, je voudrais rappeler en quelques mots les récents travaux de la délégation sur le sujet des violences.

Après l'adoption à l'unanimité, le 3 octobre, du rapport de nos collègues Roland Courteau, Chantal Deseyne, Françoise Laborde et Dominique Vérien sur les violences faites aux femmes en situation de handicap, nous avons pris l'initiative d'une proposition de résolution qui, forte de 156 signataires, est inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée le mercredi 8 janvier 2020 à 16h30. Cette proposition de résolution a été déposée le 25 novembre, date symbolique dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Je rappelle qu'il est possible de la cosigner jusqu'au jour de la discussion et que le document en ligne est régulièrement mis à jour pour tenir compte des signataires supplémentaires. Merci de faire part de votre intention de vous joindre à cette proposition de résolution auprès du secrétariat.

La semaine du 25 novembre a été marquée par d'autres événements très intéressants :

- une table ronde, le mardi 26 novembre, a réuni des représentants des cultes et des courants philosophiques sur les violences conjugales. J'ai trouvé ces interventions et ces échanges très intéressants, et il me semble que les collègues qui y ont assisté partagent cet avis. Cette réunion nous a permis d'aborder le sujet des violences au sein des couples sous un angle inédit au Parlement ;

- une autre table ronde, le jeudi 28 novembre, centrée sur les violences faites aux femmes dans les territoires en conflit et dans les zones de crise, a elle aussi suscité un réel intérêt. Elle nous a confirmé que la problématique des viols de guerre, inscrite à nouveau dans l'actualité il y a plus de vingt ans en ex-Yougoslavie, doit désormais être étendue aux violences subies par les femmes dans leur parcours migratoire : violences sexuelles, mariage et prostitution forcés, par exemple.

Les constats exposés le 28 novembre font donc écho, à travers ce continuum des violences, à des précédents travaux de la délégation. Je pense aux alertes exposées par les représentants d'UNICEF France lors de la table ronde du 10 octobre 2018 et aux témoignages entendus dans le cadre de la préparation du rapport de Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac sur les mutilations sexuelles.

Je vous propose donc de publier, sous la forme d'un rapport d'information, un recueil de tous les travaux que nous avons organisés à l'occasion du 25 novembre : le texte de la résolution sur les femmes en situation de handicap ainsi que les comptes rendus de ces deux tables rondes.

Dans le même esprit, je vous rappelle qu'est prévue la publication d'un recueil de toutes les auditions auxquelles nous avons procédé depuis 2018, avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer.

Venons-en au bilan du Grenelle de lutte contre les violences conjugales, dont les conclusions ont été annoncées le 25 novembre. Nous savons qu'un nouveau texte législatif est d'ores et déjà annoncé, notamment pour définir la notion d'emprise au sein du couple, sanctionner le suicide forcé et pour aménager les règles régissant le secret médical. Une autre disposition de ce texte, annoncée par le Gouvernement, vise à supprimer l'obligation alimentaire qui pèse sur les enfants dont un parent a été condamné pour l'homicide de l'autre parent.

Je voudrais rappeler que lors de la discussion de la proposition de loi d'Aurélien Pradié, nous avions un amendement qui portait précisément sur ce point. Or le 6 novembre il a été rejeté par le Gouvernement, qui en reprend l'idée le 25 novembre en qualifiant la loi actuellement en vigueur d'« absurdité juridique » : la « grande cause du quinquennat » mériterait davantage de cohérence...

Certes, on peut se réjouir que les choses bougent sur un sujet dont la gravité a trop longtemps été minimisée. Mais est-il bon que ce soit au prix d'un empilement de lois disparates ? Je n'en suis pas convaincue.

Vous avez lu comme moi dans la presse les autres mesures annoncées par le premier ministre le 25 novembre : je citerai, entre autres initiatives, le suivi et la prise en charge des auteurs de violences ainsi que l'extension de l'ouverture du 3919, qui actuellement ne répond ni la nuit, ni en fin de semaine. Comme nous l'avait indiqué la secrétaire d'État lors de son audition, le 15 octobre 2019, un marché public est nécessaire pour assurer l'ouverture 24 heures sur 24 de cette plateforme d'écoute, ce qui suppose des délais.

Quant à la prévention des violences à travers l'éducation, je m'étonne qu'elle ait été présentée comme une invention du Grenelle alors que l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation prévoit depuis 20101(*) qu'« une information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité ».

S'agissant plus particulièrement des moyens consacrés à la lutte contre les violences, il faut se réjouir que nos collègues de la commission des finances, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, aient souligné que nous nous trouvons « loin du milliard d'euros annoncé par le Gouvernement ». Le rapport de nos collègues confirme que les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2020 « ne comprennent pas, à ce stade, de financement pour les mesures annoncées dans le cadre du Grenelle ».

Qui souhaite intervenir ?

Mme Laure Darcos. - Nous avons incontestablement vécu un moment fort lors de la discussion en séance des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dans le cadre de la loi de finances pour 2020. Nous avons été nombreux à voter un amendement abondant les subventions attribuées aux associations à hauteur d'un million d'euros. Nous avons également été étonnés que les crédits de la mission Justice ne permettent pas d'identifier les moyens dédiés à l'acquisition de bracelets anti-rapprochements, qui constituent pourtant la mesure centrale de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont notre collègue député Aurélien Pradié a pris l'initiative. À cet égard le projet de loi de finances reste dans le flou !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je voudrais revenir sur la disponibilité du 3919. Je trouve inconcevable que cette plateforme ne soit pas opérationnelle en permanence ! Nous ne pouvons accepter cela. Nous devrions faire connaître cette lacune très regrettable dans la prise en charge des victimes.

Mme Annick Billon. - Cette plate-forme d'écoute est gérée par une association, Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). Nous connaissons les contraintes du code des marchés publics : un appel d'offres semble nécessaire pour permettre à cette association de continuer à exercer ses missions tout en offrant un accueil 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La secrétaire d'État se félicite que la notoriété de ce numéro ait beaucoup augmenté au cours de la période récente. Pour ma part, je ne suis pas convaincue que cela suffise à venir à bout des violences conjugales...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - N'aurait-il pas suffi, pour améliorer la disponibilité de cette plateforme, d'abonder le budget de l'association ?

Mme Dominique Vérien. - Rappelons-nous qu'en cas d'urgence et de danger immédiat, c'est à la police et la gendarmerie que les victimes doivent s'adresser. Le 3919 offre à celles-ci une écoute et des conseils, mais ce n'est pas un numéro d'urgence...

Mme Annick Billon, présidente. - Ces échanges confirment que notre délégation devra continuer à exercer sa vigilance pour que le Grenelle ne se limite pas à une opération médiatique, sans effet concret dans la durée. C'est à nous de faire en sorte que le Grenelle soit le début d'un processus qui se traduise par de réelles avancées, dans tous les territoires. Notre délégation a incontestablement un rôle à jouer dans cette dynamique.

C'est précisément dans cette logique que je vous ai proposé d'y travailler. Je rappelle qu'il s'agirait, pour chacun et chacune d'entre vous qui souhaiterait participer à cette formule, de réunir les principaux acteurs de votre département engagés dans la lutte contre les violences - magistrats, policiers, gendarmes, responsables associatifs... - et de recueillir leurs témoignages.

L'objectif serait, à l'échéance de la fin de juin, période choisie pour l'organisation d'une table ronde permettant la restitution de ces travaux, de produire un bilan de l'influence du Grenelle sur le traitement des violences conjugales dans les départements de nos collègues référents. Les remontées du terrain qui parviendraient grâce à vous à la connaissance de la délégation pourraient permettre d'identifier des exemples de bonnes pratiques ayant fait leurs preuves dans certains territoires - je pense au témoignage de notre collègue Dominique Vérien sur « Monsherif », le bouton connecté qui permet aux femmes, dans l'Yonne, d'alerter des proches en cas de danger. Il s'agirait aussi peut être, inversement, de mettre en exergue des exemples de comportements et de mesures à proscrire.

Les personnalités identifiées par les collègues volontaires pour participer à cet exercice pourront, bien évidemment, être présentes le jour de notre table ronde et y intervenir, si le format le permet.

À ce jour, huit collègues m'ont fait part de leur intérêt pour cette méthode de travail : Maryvonne Blondin, Christine Bonfanti-Dossat, Max Brisson, Marta de Cidrac, Victoire Jasmin, Marie-Pierre Monier, Dominique Vérien et Roland Courteau. Je souhaite également participer à ces travaux, la Vendée étant un territoire très engagé dans ce domaine.

Je rappelle que l'idée est de rassembler le plus possible de territoires différents : toutes les candidatures sont les bienvenues. Cette méthode nous exonère de toute considération d'équilibre entre les groupes politiques. Seules comptent la diversité des territoires, la disponibilité des référents et leur appétence pour le sujet.

Mme Laurence Cohen. - Pourrions-nous revenir sur l'articulation entre le travail des référents de notre délégation dans leurs territoires, la discussion de la proposition de loi d'Aurélien Pradié et le Grenelle, dont les conclusions ont été publiées le 25 novembre ?

Mme Laure Darcos. - Dans mon département, à l'occasion du Grenelle, j'ai participé à quatre ateliers, organisés à la préfecture et par la Gendarmerie.

Mme Annick Billon, présidente. - Notre projet s'inscrit dans une logique de suivi. Rappelons-le, le Grenelle n'est pas terminé depuis le 25 novembre. Nous devons veiller, dans nos territoires respectifs, à faire durer la dynamique favorable qu'il a suscitée contre les violences conjugales. Il nous appartient de faire connaître les échos du terrain que nous pouvons réunir dans nos départements auprès des acteurs engagés contre les violences. Une initiative telle que Monshérif, dont je parlais tout à l'heure, ne doit pas rester inconnue. C'est à nous de faire vivre de telles innovations. C'est à nous aussi de faire savoir, inversement, ce qui ne marche pas !

Mme Dominique Vérien. - J'ai un autre exemple de pratique intéressante : dans mon département de l'Yonne, la gendarmerie a décidé qu'il n'y aurait plus de main courante, mais systématiquement un dépôt de plainte, ce qui implique un vrai suivi et des poursuites.

M. Max Brisson. - Nous devons nous engager dans une démarche de suivi des mesures mises en oeuvre sous l'impulsion du Grenelle et des textes législatifs que nous examinons. Cette initiative doit s'inscrire dans la durée. À partir de janvier, j'ai prévu des réunions dans mon département. Il serait intéressant que nous puissions disposer d'une grille d'analyses commune, d'un questionnaire-type pour mieux partager les informations recueillies et assurer la cohérence de nos approches.

Mme Annick Billon, présidente. - Il est effectivement souhaitable pour la bonne organisation de ce travail de contrôle que nous élaborions une liste commune de points de vigilance, qui pourra nous servir de guide dans nos échanges avec nos différents interlocuteurs - justice, police, associations... Cela permettra également de disposer de données plus facilement comparables entre nos territoires, en vue de notre restitution.

Mme Michelle Meunier. - Je souhaiterais également participer à ce travail de contrôle et faire partie des référents, car il existe des initiatives intéressantes dans mon département, la Loire-Atlantique. Je pense par exemple à l'ouverture d'un lieu d'accueil et d'hébergement pour femmes avec enfants, résultant d'un travail mené pendant plusieurs mois, en partenariat avec les différents acteurs concernés par les violences faites aux femmes - police, police, justice, associations...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Lors de notre récente réunion conjointe avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, j'ai souligné l'importance de ne pas oublier les Français de l'étranger en matière de lutte contre les violences. Une réunion sur ce thème a eu lieu récemment avec des élus consulaires. Je pense qu'il serait bon que ce travail de suivi du Grenelle par la délégation intègre les Françaises vivant à l'étranger. Certaines d'entre elles font face à des situations très graves, pour elles comme pour leurs enfants, et se trouvent très isolées. Nous devons les aider. Je me porte bien évidemment volontaire pour être référente auprès des consulats. Il me semblerait également pertinent de mener ce travail à deux. Qu'en pense Claudine Lepage, élue elle aussi des Français établis hors de France ?

Mme Claudine Lepage. - Je suis d'accord.

Mme Laurence Cohen. - Je veux manifester à mon tour mon intérêt pour ce travail de suivi du Grenelle dans les territoires. Mon département, le Val-de-Marne, est un territoire pilote sur ces questions. La procureure a récemment pris l'initiative de réunir les différents acteurs. Nous avons également une vice-présidente du conseil départemental en charge de ces sujets et très engagée dans la lutte contre les violences. Il y a certainement plusieurs bonnes pratiques, dans ce département, qui mériteraient d'être relayées. La lutte contre les violences y progresse donc aussi bien avec des acteurs institutionnels qu'avec des associations.

Par ailleurs, je voudrais exprimer ici ma préoccupation face au décalage entre les annonces du Gouvernement et les moyens financiers qu'il mobilise pour lutter contre les violences. Nous sommes tous conscients de ce hiatus. Ne pourrait-on mener une démarche collective au niveau de la délégation, par exemple à travers un courrier, pour obtenir de la part du Gouvernement une réponse précise sur le financement des 1 000 places supplémentaires d'hébergement annoncées dans le cadre du Grenelle ? Je ne vois pas comment les cinq millions d'euros dont il est question pourraient être suffisants pour mettre en oeuvre cette promesse. J'ai eu l'occasion de poser une question orale sur ce point, mais je n'ai obtenu aucun élément de réponse concret.

Dans le même esprit, a été évoquée au cours du Grenelle la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital. Là encore, je voudrais des éléments tangibles car je n'ai rien entendu de concret. Je ne vois pas comment cela peut se faire, aujourd'hui, dans les hôpitaux. Peut-être faut-il prévoir des expérimentations, peut-être cela existe-t-il déjà dans certains établissements ? Il nous faut là encore plus d'informations concrètes de la part du Gouvernement, car tout cela reste flou.

Mme Annick Billon, présidente. - Chère collègue, je partage vos interrogations. Toutefois, plutôt qu'un courrier, je suggère que les membres de la délégation déposent des questions écrites identiques sur le financement des 1 000 places d'hébergement. Nous pourrions accompagner ce dépôt conjoint d'un communiqué de presse de la délégation. Cela me semblerait plus efficace qu'un courrier qui risque de rester sans réponse, alors qu'en la matière des règles strictes s'appliquent aux questions écrites des parlementaires...

Mme Laure Darcos. - Je suis d'accord avec la présidente. Une question écrite déposée en termes identiques par plusieurs sénateurs de groupes différents aura davantage d'impact auprès du Gouvernement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je ne suis pas convaincue par cette méthode. Les questions écrites ne donnent pas nécessairement lieu à des réponses rapides...

Mme Annick Billon, présidente. - Je pense que l'aspect collectif de cette initiative serait propre à attirer l'attention du Gouvernement.

Mme Laure Darcos. - On pourrait parler d'un « acte militant » !

Mme Claudine Lepage. - J'approuve cette démarche.

Mme Annick Billon, présidente. - Nous sommes donc d'accord. Je vais vous proposer un texte qui pourrait, si Laurence Cohen ne s'y oppose pas, s'inspirer de sa question orale. Chacun sera libre de se l'approprier et de la déposer ou non. Je vous remercie de vous signaler auprès de mon bureau, afin de nous coordonner au moment du dépôt.

Mme Dominique Vérien. - Pour en revenir à notre projet de suivi du Grenelle sous l'angle des territoires, je crois que nous avons intérêt à faire remonter ce qui se passe dans nos départements et que nous devons aussi davantage échanger pour partager les bonnes pratiques dont nous avons connaissance.

Dans l'Yonne, à l'hôpital de Sens et à l'hôpital d'Auxerre, un formulaire identique de pré-plainte a été mis en place par les médecins urgentistes et le procureur. Lorsqu'une victime se présente à l'hôpital, le médecin la conseille et lui explique l'importance de cette pré-plainte. Elle la remplit si elle le souhaite. Cela n'empêche pas bien sûr le dépôt ultérieur d'une plainte formelle auprès de la gendarmerie.

Remplir le formulaire de pré-plainte à l'hôpital présente l'avantage de permettre de sauvegarder les preuves recueillies au cours de l'examen médical. Les médecins se sont approprié cette démarche, dans la continuité d'un travail collectif avec les procureurs, les gendarmes, les médecins mais aussi les pompiers. Ces derniers ont été formés pour identifier, dans le cadre de leurs interventions, d'éventuelles situations de violence intrafamiliale. C'est donc l'ensemble de la chaîne des acteurs qui est mobilisée. Il faut valoriser ce type d'expériences.

En matière de logement, la politique de mon département est d'évincer les conjoints violents de leur domicile, à charge pour eux de se reloger et de financer leur logement. Il est normal qu'ils assument les conséquences des violences dont ils sont responsables !

Mme Annick Billon, présidente. - Merci, chère collègue, pour ce témoignage de terrain. Je redonne donc la liste des référents sur le suivi du Grenelle de lutte contre les violences conjugales, telle qu'elle résulte de nos échanges : Maryvonne Blondin, Christine Bonfanti-Dossat, Max Brisson, Marta de Cidrac, Victoire Jasmin, Marie-Pierre Monier, Dominique Vérien, Roland Courteau, Michelle Meunier, Laurence Cohen, Joëlle Garriaud-Maylam et Claudine Lepage au titre des Français de l'étranger, et moi-même. Chaque référent recevra les conclusions du Grenelle ainsi qu'une feuille de route pour mener son travail de suivi sur le terrain.

Venons-en maintenant à la désignation de rapporteurs sur les travaux inscrits à l'agenda de la délégation pour 2020 :

- Les retraites des femmes : notre collègue Laure Darcos m'a fait part de son souhait d'y travailler. Qui aimerait participer à cette réflexion ? Sur un tel sujet, crucial en termes d'égalité femmes-hommes, il me semble important de réunir une équipe de co-rapporteurs de sensibilités politiques différentes.

Mme Laure Darcos. - Je suis en effet volontaire pour travailler sur ce sujet important et d'actualité. Toutefois, n'étant pas membre de la commission des affaires sociales, je serais prête à m'effacer derrière un collègue de mon groupe, membre de cette commission, qui souhaiterait être rapporteur sur ce thème.

Mme Laurence Cohen. - Je rejoins la présidente, il me paraît important de désigner un groupe de travail pluraliste pour travailler sur ce sujet essentiel. J'en profite pour signaler qu'un meeting a été organisé hier 16 décembre à Paris, à l'initiative de la députée Clémentine Autain, sur la réforme des retraites et son impact pour les femmes. J'ai trouvé le format de cette réunion très intéressant, car de nombreux acteurs de terrains - syndicats, associations, danseuse de l'Opéra, femmes de chambre d'hôtel, etc... - ont pu faire part de leur témoignage sur différents aspects de cette question (parentalité, inégalités salariales...). La méthode était stimulante, chaque intervenante disposant d'un temps de parole de deux minutes. Ce balayage dynamique et pointu de tous les sujets en lien avec les retraites des femmes a clairement montré que celles-ci ne sortiraient pas gagnantes de la réforme...

La pluralité des points de vue me paraît donc nécessaire pour tenir ce débat.

Mme Annick Billon, présidente. - Je souscris à cette analyse. Il me semble que notre collègue Michelle Meunier, en tant que membre de la commission des affaires sociales, paraît très légitime pour participer à cette réflexion au nom du groupe socialiste.

Mme Michelle Meunier. - Je suis d'accord.

Mme Laurence Cohen. - Je vais me rapprocher de Christine Prunaud et nous vous ferons savoir qui d'elle ou de moi participera à ce travail pour le groupe CRCE.

Mme Annick Billon, présidente. - L'agenda de délégation pour 2020 prévoit aussi d'aborder le thème de l'égalité femmes-hommes comme enjeu de l'aide publique au développement. Claudine Lepage m'a fait part de son intérêt pour ce sujet.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - C'est en effet un sujet extrêmement important, auquel je me consacre depuis que je suis sénatrice, notamment dans le cadre des travaux de la commission des affaires étrangères ; j'ai d'ailleurs obtenu qu'un avis budgétaire mentionne enfin l'importance des femmes dans l'aide au développement, d'une manière certes encore incomplète, mais qui prenait enfin en compte la thématique.

Mme Annick Billon, présidente. - Pour des raisons d'organisation, ce travail devrait à mon avis être confié à un rapporteur unique, ce qui n'empêche pas tous les sénateurs intéressés d'y participer. Il me semble pertinent de réserver les travaux pluripartisans à des sujets tels que les violences - je pense à nos travaux de la session 2017-2018 - ou au rapport que nous allons préparer sur les retraites des femmes. Ce sont des sujets qui méritent que chaque groupe politique y contribue.

Notre agenda pour 2020 comprend aussi un travail sur la place des femmes dans les médias audiovisuels, en lien avec un projet de loi qui sera examiné pendant le premier semestre. J'ai reçu les candidatures de Marta de Cidrac et Dominique Vérien.

En effet, lors de l'audition de Sylvie Pierre-Brossolette, en 2018, par la délégation et la commission de la Culture, celle-ci avait dressé un bilan éclairant de la place des femmes dans l'audiovisuel. Beaucoup reste à faire, s'agissant notamment de la présence d'expertes au sein de panel qui restent encore bien masculins... Nous connaissons l'engagement de Sylvie Pierre-Brossolette sur ces questions. Son expertise nous sera très précieuse.

Par ailleurs, Laurence Cohen a souhaité que l'on traite le sujet de la prostitution des mineures. Les médias ont récemment relayé une affaire très perturbante : il s'agit d'une adolescente victime de prostitution forcée, dont le cas ne peut laisser personne indifférent.

Je crains malheureusement que notre programme de travail, déjà très chargé, en raison d'une actualité législative exigeante, ne nous permette pas de travailler de façon approfondie sur ce grave sujet.

Je propose néanmoins, à défaut de rapport dédié, que nos collègues référents abordent cette thématique lors des réunions qu'ils organiseront dans leurs territoires dans le cadre du suivi du Grenelle de lutte contre les violences ; ce volet pourrait ainsi être intégré aux thèmes qui seront abordés à cette occasion avec les soignants et les représentants de la chaîne pénale. Je rejoins l'inquiétude de notre collègue Laurence Cohen : il est important de mesurer l'ampleur de ce phénomène extrêmement grave.

Mme Laurence Cohen. - C'est un sujet qui me tient à coeur ; j'y ai été sensibilisée au travers d'émissions qui ont abordé la prostitution des mineurs. Ce fléau concerne tous les milieux sociaux, certaines jeunes filles considérant initialement la prostitution sans mesurer les ravages psychologiques qu'elles encourent ni l'engrenage qui va les broyer dès lors que les réseaux les asservissent.

Mme Laure Darcos. - Certains considèrent la prostitution comme un moyen de se procurer de l'argent, mais n'ont pas conscience des risques...

Mme Laurence Cohen. - La procureure de mon département du Val-de-Marne constate avec inquiétude la recrudescence de la prostitution des mineurs, le cas emblématique cité par notre présidente s'est déroulé dans un logement social de la ville de Gentilly. Cette adolescente ayant fugué a été contrainte par un réseau d'enchaîner des rapports tarifés. Il faut en avoir conscience, ces rapports sont autant de viols... La police a retrouvé une jeune fille prostrée dans son lieu de supplice.

Pourquoi ne pas rassembler des informations sur ce sujet cette année, puis y consacrer un rapport d'information lors de la prochaine session parlementaire ?

Mme Annick Billon, présidente. - C'est un très bon sujet d'étude à défricher lors des prochains mois.

Mme Michelle Meunier. - C'est un sujet que Marlène Schiappa n'aborde absolument pas, c'est très étonnant !

L'évaluation de la loi de 20162(*) est aussi à réaliser car depuis trois ans on sait désormais qu'elle n'est généralement pas appliquée !

Laurence Rossignol a participé la semaine dernière à une rencontre à Belgrade sur ce sujet de la prostitution des mineurs et aura sans doute des informations intéressantes à nous communiquer sur ce point.

Mme Claudine Lepage. - La question prégnante de la prostitution des mineurs concerne aussi les migrants, dont beaucoup sont des enfants isolés sans papiers, proies idéales pour les réseaux de prostitution.

Mme Annick Billon, présidente. - Avant de nous séparer, je voudrais vous annoncer quelques dates concernant notre programme de janvier :

- le mardi 7, nous entendrons sur le projet de loi Bioéthique nos collègues qui siègent à la commission spéciale ;

- le mardi 14 janvier à 17h30, nous entendrons la cheffe du service des droits des femmes qui nous parlera du réseau des déléguées aux droits des femmes dans les départements et régions - vous êtes nombreuses à avoir demandé cette réunion ;

- le jeudi 16 janvier à 9 heures, nous auditionnerons Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l'égalité, dont l'expertise a beaucoup aidé la délégation au cours des dernières années, et que nous retrouvons pour la première fois en tant que présidente de cette instance ;

- le jeudi 23 janvier aura lieu la table ronde sur les enjeux de l'aide publique au développement en termes d'égalité.

Je voudrais vous dire aussi qu'un événement pourrait être organisé à l'occasion du 8 mars - par exemple, le jeudi 5 - en amont du Forum Génération Égalité, qui se réunira cet été à Paris dans la lignée de la Conférence mondiale pour les femmes de l'ONU à Pékin en 1995. Il est important que nous nous demandions où en est l'égalité femmes-hommes 25 ans après ce sommet historique, qui a créé une dynamique mondiale en faveur des droits des femmes. Nous pouvons d'autant moins laisser passer ce sujet que le sommet de Pékin a inspiré, comme nous l'avons vu le 10 octobre, la création des délégations parlementaires aux droits des femmes.

Je vous rappelle que les actes des 20 ans de la délégation sont désormais publiés. Je vous invite à faire connaître dans vos territoires cet événement extrêmement apprécié et de haute qualité émotionnelle - je pense en particulier à la cérémonie de remise du Prix de la délégation aux droits des femmes, et dont l'excellente organisation a été saluée par tous les participants et par nos invités.

Il me reste à vous souhaiter de bonnes fêtes.


* Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes.

* 2 Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.