Jeudi 18 février 2021

- Présidence de Mme Victoire Jasmin, vice-présidente -

Étude sur le logement dans les outre-mer - Table ronde sur la situation du logement à Mayotte

Mme Victoire Jasmin, vice-présidente. - Chers collègues, le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, monsieur Stéphane Artano, qui se trouve à Saint-Pierre-et-Miquelon, vous prie de bien vouloir l'excuser, et il me revient de présider ce jour une table ronde consacrée à la situation du logement à Mayotte. Ce département apparaît comme un territoire emblématique de tous les défis que les outre-mer ont à relever dans ce domaine.

Grâce à la visioconférence, nous allons pouvoir échanger avec nos interlocuteurs à Mamoudzou, particulièrement au fait du sujet qui nous intéresse. Mesdames et Messieurs, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation afin de nourrir la réflexion de nos rapporteurs M. Guillaume Gontard, Mme Micheline Jacques et M. Victorin Lurel.

Je rappelle que cette table ronde se tient dans le cadre de l'étude initiée en janvier par la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur le logement dans les outre-mer. Nous avons, à ce titre, déjà auditionné plusieurs services de l'État, la Cour des comptes, des acteurs du logement social à l'instar d'Action Logement ainsi que deux institutions financières : l'Agence française de développement (AFD) et la Banque des territoires.

Nous comptons aujourd'hui sur votre expertise pour nous aider à appréhender la situation du logement à Mayotte, au plus près des réalités observées sur le terrain et en tenant compte des spécificités propres à votre collectivité. Avant de donner la parole aux rapporteurs qui préciseront leurs questions, je vais demander dans un premier temps aux participants à Mayotte de bien vouloir se présenter. Je cède d'abord la parole au représentant de la Communauté d'agglomération Dembéni - Mamoudzou (CADEMA).

M. Rachadi Saindou, président de la Communauté d'agglomération Dembéni - Mamoudzou (CADEMA). - En tant que président de la Communauté d'agglomération Dembéni - Mamoudzou, je tiens à vous remercier pour l'invitation à cette table ronde faite auprès de la CADEMA.

M. Olivier Kremer, directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte. - Mesdames et messieurs les sénateurs, en qualité de directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Mayotte, je suis amené à travailler sur les questions liées au logement, à l'environnement, à la construction, mais aussi à la gestion des risques et au domaine routier.

Mme Raissa Andhum, vice-présidente du conseil départemental, en charge de l'aménagement et du développement durable. - Bonjour à tous, je suis vice-présidente du conseil départemental, en charge de l'aménagement et du développement durable et suis accompagnée de deux agents du département.

M. Yves-Michel Daunar, directeur général de l'établissement public foncier de Mayotte (EPFAM). - Directeur général de l'établissement public foncier de Mayotte (EPFAM), je précise que cet établissement a débuté son activité en 2017 sur trois champs spécifiques, notamment l'aménagement du territoire et la maîtrise foncière, je suis accompagné ce jour de Clément Guillermin, qui est le directeur de la stratégie et des opérations de l'EPFAM.

M. Ahmed Ali Mondroha, directeur général de la Société immobilière de Mayotte (SIM). - Je suis depuis six ans le directeur de la SIM qui est aujourd'hui l'unique bailleur social à Mayotte et dispose d'un parc immobilier de 2 100 logements, dont 523 logements sociaux.

M. Nizar Assani Hanaffi, président du comité territorial Action Logement de Mayotte. - Avec mon vice-président, Ahmed Fadhul Mohamed Soilihi, nous assurons la représentation du groupe Action Logement à Mayotte.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Ces présentations étant faites, je vais céder la parole à nos trois rapporteurs, M. Victorin Lurel, Mme Micheline Jacques et M. Guillaume Gontard. Outre le sénateur de Mayotte, M. Thani Mohamed Soilihi, sont présents à mes côtés : Mme Nassimah Dindar, M. Bernard Fournier, Mme Viviane Malet, M. Serge Mérillou et M.  Guillaume Gontard.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je salue mon homologue, le sénateur Abdallah Hassani, qui est en visioconférence.

Mme Nassimah Dindar. - Je salue également mon collègue, le sénateur Abdallah Hassani. En tant que sénatrice de La Réunion, je suis concernée et impliquée, de même que mes collègues, dans la construction de logements sociaux à Mayotte.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - En raison de problèmes techniques pour joindre M. Victorin Lurel et Mme Micheline Jacques, je cède la parole au rapporteur ici présent, M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Merci, madame la présidente. Je tiens à intervenir en particulier sur la thématique de l'innovation en matière d'habitat et notamment au sujet de la réflexion sur l'habitat de demain en outre-mer. J'ai plusieurs questions à ce propos, particulièrement s'agissant des initiatives prises à Mayotte.

La politique des cases SIM en dur ayant été abandonnée, comment pensez-vous relancer une filière brique de terre compressée à Mayotte ? Selon vous, quels avantages peut-on attendre de ce type de construction ? Quelles sont les actions à mener pour favoriser la diversification des produits de construction ? Comment utiliser les matériaux locaux pour construire ?

À Mayotte, quatre logements sur dix sont constitués de tôle, ceux-ci se concentrant essentiellement sur la commune de Mamoudzou. Comment permettre la reconstruction de ces zones ? Compte tenu de l'ampleur des constructions illégales à Mayotte, comment percevez-vous la mise en oeuvre de la réglementation thermique et de la nouvelle réglementation environnementale décidée en 2020 et qui sera mise en application à partir de juillet 2021 ?

Quelles sont à Mayotte les expérimentations réussies en matière d'autoconstruction ou d'autoréhabilitation encadrées ? Ces techniques peuvent-elles être, selon vous, appliquées au-delà de la question de l'habitat informel ? Pouvez-vous présenter des exemples de réalisations immobilières conciliant modernité et tradition, en vue notamment de préserver le mode de vie mahorais ?

M. Olivier Kremer. - La filière brique de terre compressée était en effet active sur Mayotte avant d'être abandonnée depuis un certain temps. Nous sommes en train de travailler sur de nouvelles expérimentations qui sont en cours de validation afin de répondre aux critères d'exposition aux aléas présents sur le territoire, à l'instar des cyclones et des tremblements de terre, mais aussi aux critères de décence du logement. L'objectif est de valoriser un produit local avec un prix de revient pour l'heure plus élevé que le parpaing, mais qui présente de bonnes performances thermiques et énergétiques. Les expérimentations ont produit de bons résultats en termes de durabilité. Elles ont lieu dans le cadre du lancement d'un nouveau produit appelé « logement au prix social adapté » qui est en cours de validation, à la suite d'une expérimentation réalisée à l'occasion d'un programme de renouvellement urbain.

La reconquête des zones de bidonvilles fait partie des priorités de l'État sur le territoire en raison des atteintes à la dignité humaine et des problématiques de sécurité qu'elles engendrent. La gestion de cette problématique est prise en compte dans les nouveaux modèles d'intervention, que je viens de détailler, pour lutter notamment contre les logements insalubres. Une trentaine de logements de ce type seront livrés cette année. L'une des priorités reste en outre le relogement des populations sur les sites, ce qui nécessite une coordination soutenue de nombreux acteurs. Comme vous l'avez évoqué, les bidonvilles sont concentrés autour de zones d'habitat et de services, d'où la nécessité de travailler sur la densification à l'est du territoire.

L'entrée en vigueur des réglementations thermiques a été repoussée à 2025 pour l'ensemble des constructions à Mayotte à l'exception des logements sociaux. Pour autant, nous avons travaillé depuis 2009 à l'élaboration d'une charte « Mayénergie» qui a été revue en 2013. Cette dernière tend à encadrer les orientations en vue d'obtenir une performance énergétique satisfaisante au sein des bâtiments.

Je reste disponible pour compléter ces réponses apportées aux premières questions de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Je vous remercie. Je donne à présent la parole au rapporteur Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Je vous remercie tous et toutes pour votre présence. Je souhaiterais tout d'abord poser une question quelque peu historique aux élus du conseil départemental et au directeur de la DEAL. Après la réforme du logement et la disparition en 2005 des cases SIM qui avaient vocation à être remplacées par les « LATS », logements en accession très sociale, quels sont aujourd'hui les résultats constatés en termes d'accession sociale au logement ? Ces résultats sont-ils satisfaisants à vos yeux ? Les cases SIM comportaient peut-être des défauts, mais avaient l'avantage de faire des attributaires des propriétaires. Le mode de sélection pouvait prêter à critique, mais lorsque l'État a imposé cette réforme en 2005, les élus locaux étaient particulièrement mécontents. Je souhaiterais savoir ce qu'il en est aujourd'hui et quel bilan vous tirez de cette réforme. Quelles sont vos appréciations sur le financement de l'accession sociale ?

Ma deuxième question concerne le mode de financement des opérations immobilières. Connaissez-vous toujours à Mayotte des différences par rapport aux autres départements et régions d'outre-mer (DROM)  pour l'accession à l'allocation de logement sociale (ALS) et l'allocation de logement familiale (ALF). Le cas échéant, quelles sont ces différences ? Quels sont les éventuels problèmes de montage financier que ces différences entraînent ? Lorsqu'existaient encore les cases SIM, l'État finançait jusqu'à 90 % de leur coût. La réforme de 2005 a induit une diminution de ce financement, qui ne représente plus qu'environ 75 % du coût, entraînant un important reste à charge. Quels sont aujourd'hui les problèmes que vous rencontrez à Mayotte en tant qu'élus et opérateurs SIM concernant le montage financier des opérations?

Par ailleurs, qu'en est-il de l'utilisation de la Ligne budgétaire unique (LBU) à Mayotte ? Au 31 juillet 2020, les taux de consommation de la LBU étaient très faibles, à savoir 25 % pour les autorisations d'engagement (AE) et 46 % pour les crédits de paiement (CP). Disposez-vous de chiffres pour la fin de l'année 2020 ? Comment expliquer cette sous-consommation récurrente alors que les besoins sont très importants ? Je souhaiterais recueillir l'appréciation des élus et des opérateurs concernant les montants octroyés au titre de la LBU en AE et en CP. Un redéploiement est opéré, entre les départements d'outre-mer en raison de l'ampleur des besoins à Mayotte. Êtes-vous satisfaits des montants octroyés à votre département ? Quelle est l'efficacité de la plateforme d'ingénierie mise en place auprès de la préfecture de Mayotte ? Quelles aides concrètes permet-elle d'apporter ? Quels autres obstacles rencontrez-vous dans l'utilisation des crédits de la LBU ?

En mai 2018, le Gouvernement a présenté un plan de rattrapage intitulé « L'action de l'État pour votre quotidien » pour Mayotte, chiffré à 1,3 milliard d'euros. Cinq mesures concernaient le logement, l'aménagement urbain et la lutte contre l'habitat illégal. Trois ans après, quel bilan peut-on tirer de ce plan ? Quelles propositions formuleriez-vous pour le compléter ? En êtes-vous insatisfaits ?

Le nombre de logements sociaux financés est en augmentation à Mayotte (de 281 en 2016 à 480 en 2020). Cependant, le nombre de logements sociaux livrés est en baisse (116 en 2018 contre 64 en 2019). Comment remédier à cette baisse préoccupante alors que les besoins en logements sociaux sont estimés à 1 200 logements par an ? Faut-il privilégier le développement des logements en accession sociale ou très sociale (LAS ou LTAS) ou des logements locatifs sociaux ou très sociaux (LLS ou LLTS) ? Quelle est leur efficacité ? Comment fonctionne le fonds de garantie de Mayotte pour l'habitat social avec l'AFD pour le logement intermédiaire ? Et comment s'applique le dispositif de logement intermédiaire à Mayotte ?

Faut-il mettre en place un deuxième opérateur de logement social à Mayotte ? Si oui, comment et à quelle échéance ?

Enfin, quelles solutions pourraient permettre de remédier à la pénurie de foncier à Mayotte ? À cet égard, les problèmes de dévolution, de succession et de délivrance des titres de propriété sont-ils réglés ? Les problématiques de statut personnel perdurent-elles à Mayotte ?

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Je cède la parole à Raissa Andhum, vice-présidente du conseil départemental, en charge de l'aménagement et du développement durable. Le président de la SIM prendra par la suite la parole, de même que le sénateur de Mayotte, Abdallah Hassani.

Mme Raissa Andhum. - Je tiens à remercier la délégation sénatoriale de nous donner la possibilité de nous exprimer sur cette problématique du logement à Mayotte.

Notre appréciation à l'échelle du département de cette question préoccupante du logement est que des réajustements doivent être opérés. Bien que Mayotte soit une île formidable dotée de nombreux atouts, nous constatons chaque jour que cette dernière perd une partie de son identité. En moins d'une dizaine d'années, l'île de Mayotte s'est trouvée confrontée à l'insalubrité, l'insécurité, la destruction de la faune et la flore et à des appropriations illégales de terrains et propriétés publics ou privés. L'inadéquation entre l'offre et la demande de logements a une part non négligeable de responsabilité dans cette situation.

Depuis 2017, la densité de population a fortement augmenté à Mayotte, entraînant la construction de maisons en tôle et en bois. Ces dernières représentent quatre logements sur dix. Nous avons cependant de grands espoirs grâce aux efforts actuellement fournis par de nombreux acteurs, notamment étatiques. La mobilisation de ces outils est indispensable pour parvenir à construire les logements sociaux en accession à la propriété et en location.

Un travail de recensement des besoins en termes de logement reste toutefois à réaliser pour faire émerger une stratégie opérationnelle de relance du logement adaptée aux réalités locales et mobiliser les moyens nécessaires. Le Conseil départemental est en train de mobiliser des structures et des moyens pour mettre en oeuvre cette stratégie. Il est, pour ce faire, nécessaire de prendre en considération les contraintes qui constituent aujourd'hui de véritables freins, à l'instar du nombre insuffisant d'entreprises locales en mesure de répondre à la demande. Une attention particulière devra être portée à cette problématique qui perdure depuis de nombreuses années. Parmi les nombreux freins, les problèmes de trésorerie pour les opérateurs et les difficultés à monter les projets de financement sont considérables. L'organisme financier désigné pour gérer ces projets de financement, Mayotte Habitat, ne répond pas à l'ensemble des sollicitations.

Le département de Mayotte participe activement aux programmes communaux et/ou intercommunaux de Résorption de l'Habitat Insalubre (RHI) par la cession gratuite ou le transfert de gestion aux communes et/ou intercommunalités du foncier départemental concerné. Parmi ces programmes, nous pouvons notamment citer : les deux RHI de Bajoni et Mroni Moila sur le territoire de la commune de Tsingoni, la RHI Bandrajou sur la commune de Koungou et la RHI Mbarazi portée par la CADEMA. D'autres projets sont également menés par les différentes collectivités territoriales.

Le département participe également activement au programme de renouvellement urbain (PDRU) par la cession gratuite ou le transfert de gestion aux communes et/ou intercommunalités du foncier départemental concerné.

Ainsi, bien que des efforts soient fournis à l'échelle de Mayotte, la situation reste insatisfaisante. C'est pourquoi le département exhorte l'ensemble des acteurs à agir aux côtés du conseil départemental pour inverser la tendance.

Nous pourrons par la suite revenir sur ces propos introductifs que je tenais absolument à formuler.

M. Ahmed Ali Mondroha. - Je tiens à apporter une précision au sujet de l'utilisation de la brique de terre afin de compléter la réponse donnée par M. Olivier Kremer. À Mayotte, l'emploi de la brique de terre en tant que matériau de construction est lié à une longue histoire puisque les cases SIM ont été essentiellement construites durant une trentaine d'années à l'aide de ce type de briques. La réglementation a quelque peu évolué ces dernières années avec notamment la mise en place de la garantie décennale en 2012. La SIM a de fait été contrainte de réduire son utilisation de briques de terre.

Outre l'arrêt du programme des cases SIM en 2006 pour le remplacer par les programmes « LAS » et « LATS », nous avons considérablement revu à la baisse notre utilisation de la brique de terre dans la mesure où nous avions pour obligation de souscrire une assurance. La SIM a également suivi avec attention les différents travaux présentés en la matière par des associations.

Par ailleurs, s'agissant des questions du rapporteur Victorin Lurel au sujet de la Ligne budgétaire unique (LBU), il convient de garder à l'esprit que la SIM a la chance d'être pour l'heure le seul opérateur sur l'île. Par conséquent, aucun problème particulier n'est à relever dans ce domaine du fait des relations très étroites entretenues avec la DEAL, avec qui des réunions bilatérales sont régulièrement organisées.

Concernant les faibles taux de consommation de la LBU en 2019, il faut préciser qu'il s'agissait d'une année exceptionnelle ayant vu de nombreuses défaillances d'entreprises. Il ne me semble donc pas pertinent de la considérer comme étant une année de référence. Il faut savoir qu'entre 2013 et 2015, la SIM a connu des problèmes de trésorerie entraînant une baisse de la production de logements locatifs sociaux. En 2018, une centaine de logements avaient été livrés puis entre 100 et 120 logements en 2019 alors qu'en 2020, la défaillance des entreprises a provoqué une réduction de moitié du nombre de logements livrés, celui-ci avoisinant la cinquantaine.

En raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, 135 logements ont été livrés en 2020 sur les 200 initialement prévus. Toutefois, nous devrions livrer 400 logements en 2021, puis 550 l'année suivante afin d'atteindre à terme un rythme de croisière de 550 logements livrés par an durant les dix années à venir. Tel est en tout cas notre objectif.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Vous affirmez ne rencontrer aucun problème de financement en matière de LBU. Quelles sont les autres modalités de montage financier auxquelles vous avez recours ? Vous appuyez-vous également sur des crédits d'impôt, des prêts ou l'autofinancement ?

M. Ahmed Ali Mondroha. - La LBU constitue le socle de notre financement auquel s'ajoutent les crédits d'impôt puis, dans une moindre mesure, les prêts. En fonction des projets, la SIM a en outre la possibilité d'ajouter des fonds propres.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Concernant les prêts octroyés par la Caisse des Dépôts (CDC), quelle est leur maturité et quel est leur taux ?

M. Ahmed Ali Mondroha. - Il s'agit des prêts classiques de la Caisse des dépôts prévus pour le logement social. Ainsi, les prêts peuvent s'étaler sur cinquante ans et être adossés au livret A. Il me semble que ces prêts correspondent aux produits classiques de la CDC.

Mme Emmanuelle Martin, directrice générale adjointe en charge de l'aménagement de la Communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA). - Je vais apporter plusieurs éléments de réponses, principalement au sujet de l'autoréhabilitation encadrée (ARE).

À ce jour, la CADEMA mène différentes actions en vue de mettre en oeuvre cette autoréhabilitation et d'accompagner les porteurs de projets. 39 dossiers de ce type se sont montés sur le territoire Dembéni - Mamoudzou. Parmi ces dossiers, aucun n'est pour l'heure parvenu au terme de l'instruction, principalement en raison de difficultés administratives qui persistent. Il est à cet égard nécessaire de préciser que monter un dossier administratif sur Mayotte peut prendre beaucoup de temps et être relativement complexe. Dès lors, il est notamment nécessaire d'accompagner les familles qui en font la demande, sachant que certaines d'entre elles attendent déjà depuis deux ans. C'est pourquoi nous travaillons désormais en coordination avec la DEAL pour clarifier les procédures. Le problème ne relève donc pas d'un manque de volonté, mais d'une lourdeur administrative, cette dernière s'expliquant par l'absence de maîtrise des divers détails techniques qui alourdissent les procédures.

À ma connaissance, l'autoconstruction encadrée (ACE) n'a pas cours au sein du département de Mayotte. Néanmoins, d'autres acteurs sont peut-être plus renseignés que moi en la matière.

Enfin, je souhaitais également intervenir sur l'intermédiation locative car nous travaillons sur cette question. Il faut savoir que ce dispositif apporte une solution aux personnes concernées pendant une période limitée à 18 mois, au cours de laquelle nous devons apprendre aux familles à gérer le paiement des loyers. Je précise que les allocations familiales ne sont pas systématiquement versées à temps et que les familles ne maîtrisent pas toujours la gestion budgétaire du foyer, dont le versement du loyer.

Dans ces conditions, nous devons mobiliser d'importants moyens humains, d'où notamment notre souhait de disposer de travailleurs sociaux supplémentaires, même si nous saluons les efforts fournis par l'État pour nous soutenir. Les moyens mobilisés par l'État doivent pour autant être renforcés, en particulier dans le domaine de l'ingénierie.

M. Olivier Kremer. - Je souhaite compléter les propos du directeur de la SIM au sujet de la LBU. En effet, les faibles taux de consommation de la LBU ne traduisent pas une sous-consommation pérenne, mais s'inscrivent dans un contexte particulier. Les chiffres relevés au 31 juillet 2020 reflètent les nombreuses difficultés et coups d'arrêt liés au confinement dû à la crise sanitaire et à la prolongation de l'état d'urgence jusqu'au 17 septembre 2020 à Mayotte (contre le 10 juillet en métropole).

Entre 2016 et 2020, Mayotte a bénéficié d'un triplement de la dotation de la LBU. Nous espérons toutefois que cette dotation poursuivra son augmentation pour l'année à venir, dans la mesure où 95 % de la dernière enveloppe engagée ont été consommés et 100 % des crédits de paiement (CP). Nous disposons en outre d'un portefeuille de projets potentiels relativement important. Fin 2020, 30 millions d'euros de l'enveloppe qui nous était dédiée avaient été utilisés.

Concernant le plan de rattrapage, 1,3 milliard d'euros avaient été mobilisés pour le département de Mayotte et cinq mesures pour le logement avaient été prises. Une de ces mesures portait sur la création d'une opération d'intérêt national (OIN). Je souligne à cet égard que le volume des autorisations d'engagement s'élevait dernièrement à 30 millions d'euros. D'autres mesures portaient sur la réhabilitation des centres-villes ou encore le financement via l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Pour les trois premiers renouvellements urbains, près de 50 millions d'euros ont été contractualisés. Cependant, il convient de reconnaître que le volet opérationnel a nécessité plus de temps que prévu, ce qui a néanmoins permis l'augmentation significative de la LBU.

En outre, je rappelle que les pouvoirs conférés aux polices ont été renforcés, permettant une multiplication des opérations de délogement, de « décasement » et de relogement des populations.

Pour terminer en évoquant l'accession sociale, je rejoins le constat établi par la directrice générale adjointe de la CADEMA : les procédures sont relativement lourdes à mettre en place. Des difficultés ont également été rapportées par Mayotte Habitat et par les banques pour finaliser ces projets, d'où la nécessité d'évaluer l'ensemble des produits financiers actuellement accessibles sur le territoire compte tenu de la forte diversité des populations concernées (des populations à très faibles niveaux de revenus, mais aussi des populations souhaitant accéder au logement ou à la propriété à différents degrés).

Mme Victoire Jasmin, présidente. - La parole revient à M. Clément Guillermin, directeur de la stratégie et des opérations de l'établissement public foncier de Mayotte (EPFAM).

M. Clément Guillermin, directeur de la stratégie et des opérations de l'établissement public foncier de Mayotte (EPFAM). - Je souhaite compléter les interventions sur la relance de la filière de la brique de terre compressée. L'EPFAM appuie cette initiative puisque celle-ci permet de soutenir l'économie locale et la qualité environnementale de la construction à Mayotte. Dans ce cadre, l'EPFAM a identifié plusieurs pistes d'intervention qui relèvent de son champ de compétences pour participer à ce plan de relance.

Premièrement, un circuit d'économie circulaire a été développé en lien avec les coopératives de briquetiers pour mettre à disposition de ces dernières les terres en excédent dans nos chantiers d'aménagement. Ces terres devraient en effet avoir vocation à servir de matière première à la brique de terre compressée plutôt qu'à être mises à la décharge.

Deuxièmement, dans le cadre de nos opérations d'aménagement du territoire, nous souhaitons intégrer de nouvelles contraintes qui s'appliqueront aux futurs constructeurs et ainsi imposer à ces derniers l'utilisation dans leurs constructions d'une partie de matériaux locaux, notamment la brique de terre compressée.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je souhaite, à ce stade, recadrer le déroulement des échanges dans la mesure où la Délégation sénatoriale aux outre-mer doit être en mesure de percevoir clairement les problèmes de logement à Mayotte, qui sont d'ailleurs propres à ce département et ne se retrouvent dans aucun autre territoire.

En tant que législateurs, nous devons prendre connaissance des problèmes remontant directement du terrain. Les acteurs du logement à Mayotte, à l'instar d'Action Logement, doivent donc s'exprimer pour nous éclairer sur les problématiques du logement propres à Mayotte. Leurs appréciations doivent par la suite être complétées par celles des opérateurs comme la SIM qui ne rencontrent apparemment pas de problème majeur. Je rappelle que les interventions effectuées lors de cette table ronde ont vocation à alimenter un rapport sur le logement qui se veut au service des Mahoraises et des Mahorais et qui pourrait nous permettre de légiférer en la matière.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Parmi les intervenants de la table ronde à Mayotte, qui souhaite répondre aux questions du rapporteur Victorin Lurel en prenant en compte les propos du sénateur Thani Mohamed Soilihi ?

M. Nizar Assani Hanaffi. - Je vous remercie monsieur le sénateur pour votre franchise.

Depuis le début de cette table ronde, seuls des problèmes de moyens ont été soulevés alors que la véritable problématique n'est pas là. À partir des réalités du terrain, il faut en effet se demander en premier lieu si la problématique du logement constitue une priorité pour les élus locaux de Mayotte. Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir réunis autour de cette table ronde de nombreux acteurs du logement et décideurs politiques, ce qui est particulièrement rare à Mayotte.

Je rappelle qu'Action Logement assure des missions d'accompagnement lors du parcours résidentiel et de financement de politiques publiques. Or, en dépit des chiffres évoqués, aucune concertation n'est aujourd'hui mise en place pour permettre l'utilisation de ces fonds sur le terrain. Il est ainsi difficile d'estimer les besoins en logements à Mayotte dans la mesure où nous ne connaissons pas les orientations en matière de politique du logement des autorités locales.

Nous nous réjouissons du travail fourni par la SIM et l'EPFAM. Toutefois, malgré l'arrivée à Mayotte en 2015 d'Action Logement, nous constatons à ce jour un manque crucial de coopération et de concertation entre les différents acteurs du logement sur l'île. Si nous continuons à agir de la sorte, chacun des acteurs accomplira ce qu'il souhaite, mais nous ne parviendrons pas à répondre à la question du logement.

M. Rachadi Saindou. - La CADEMA, en tant que première communauté d'agglomération du département, a comme compétence l'habitat. Dans ce domaine, nos services travaillent depuis quelques années selon plusieurs axes, à la fois sur les problématiques de résorption de l'habitat insalubre avec la mise en oeuvre du premier Plan de lutte contre l'habitat insalubre, sur l'amélioration de l'habitat à travers le Plan logement d'abord, sur la construction de logements avec le projet en cours de création d'une coopérative HLM portée par la CADEMA, la Communauté de communes du Sud (CCSud) et les services de l'État et sur la redynamisation des centralités à travers le programme « Action Coeur de ville » de Mamoudzou.

À travers ces différents programmes, nous avons été confrontés à des difficultés et des retards inhérents aux spécificités de notre territoire ainsi qu'à la nécessité d'adapter la réglementation à nos besoins urgents, voire vitaux. Les principaux freins sont pour nous au nombre de huit et comprennent les difficultés de maîtrise du foncier liées aux spécificités locales dans un espace de plus en plus contraint ; la lourdeur administrative dans le processus de projets ; le retard pris durant la phase opérationnelle par manque de structuration de la filière BTP ; le manque d'ingénierie locale tant au niveau des collectivités locales que de l'État qui entraîne des vacances de postes longues et récurrentes sur des postes techniques et administratifs ; l'occupation illégale des sites ; les évolutions réglementaires qui contraignent à revoir les projets d'aménagement ; la difficulté de coordination des parties prenantes d'un même projet ; l'évolution rapide du territoire et de ses habitants.

Pour lever ces freins, nos principales propositions sont, entre autres, de multiplier les outils de maîtrise du foncier en renforçant le pôle foncier de l'EPFAM ; mieux adapter le portage foncier au profil des communes ; de mettre en oeuvre la déclaration d'utilité publique (DUP) ; de geler les fonciers publics sur le périmètre d'aménagement (ZAC, RHI), de passer de la RHI-réseau à la RHI-quartier ; d'adapter la procédure de transfert de compétences de police sur la compétence intercommunale ; de développer un cahier de prescriptions techniques et architecturales de futurs collectifs à usages d'habitation garantissant la mixité sociale, la mixité d'usage, la valorisation des filières locales et le maintien de la qualité des paysages.

Je suis à votre disposition pour développer certains des points évoqués à l'instant.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Merci beaucoup. Je vous rappelle que vous avez la possibilité de transmettre à la délégation sénatoriale des documents afin de détailler vos interventions. Je cède à présent la parole au sénateur Abdallah Hassani.

M. Abdallah Hassani. - La construction à Mayotte est très difficile à cause du foncier. Depuis l'installation de Mayotte Habitat, quelle est la situation aujourd'hui ? Le département, qui est en général le propriétaire du foncier à Mayotte, a-t-il pu libérer le foncier occupé par des occupants qui ne devraient pas s'y trouver?

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Qui souhaite répondre à la question du sénateur Abdallah Hassani ?

M. Yves-Michel Daunar. - En mentionnant Mayotte Habitat, je pense que le sénateur Abdallah Hassani souhaitait faire référence à l'EPFAM. L'EPFAM a été instauré à Mayotte en 2017 afin de permettre de mettre à disposition du foncier aménagé. Ce foncier répond à des projets d'aménagement urbains, qui répondent eux-mêmes à des besoins de logements, mais aussi, par voie de conséquence, d'équipements. À ce jour, du foncier est bel et bien disponible sur le territoire pour créer des logements, mais en raison de la densification grandissante, cette situation pourrait rapidement évoluer. En effet, d'après plusieurs études menées en collaboration avec les services de l'État, les besoins en logements à l'horizon 2050 supposeraient la construction de plus de 80 000 logements supplémentaires par rapport à aujourd'hui.

Pour revenir sur la question de la construction des cases en tôle, ces dernières ne pourront pas s'imposer systématiquement comme une solution à la problématique du logement en raison de leur forte vulnérabilité aux différents aléas et risques naturels. Il est par conséquent nécessaire de reconquérir du foncier afin de développer des formes d'habitat urbaines qui ne peuvent toutes s'apparenter à des formes d'habitat individuel. La densification impose en réalité le recours à des formes d'habitat collectif. Il faudra inévitablement reconquérir du foncier sur les habitats individuels pour produire du logement collectif.

Concernant la mobilisation de ce foncier, l'EPFAM conduit un certain nombre de projets, notamment grâce à la LBU et au financement du département, ce qui lui permet d'envisager la construction de 6 000 logements. Notre objectif est d'évaluer la faisabilité opérationnelle de ces projets en les intégrant dans notre plan stratégique de développement, qui devrait paraître prochainement. Néanmoins, le passage de l'élaboration du projet à sa phase opérationnelle implique de répondre à un certain nombre de procédures. C'est pourquoi plusieurs de nos projets sont aujourd'hui bloqués.

Par ailleurs, le processus d'expropriation contre des propriétaires inconnus, évoqué par le rapporteur Victorin Lurel, pourrait en effet nous permettre de tester de manière de plus en plus précise notre capacité à assurer la réalisation opérationnelle des projets. En tout état de cause, il est nécessaire de simplifier les procédures à Mayotte pour accélérer la réalisation des projets et résoudre la problématique du logement. Il convient à cet égard de noter que l'EPFAM est aménageur avant d'être en charge du foncier.

S'agissant de l'autoconstruction, l'EPFAM travaille sur des solutions de relogement car le délogement des populations ne peut pas être entrepris sans préparer ce type de solutions. Nous avons donc travaillé sur un projet de construction allant dans ce sens. J'insiste enfin sur la nécessité d'oeuvrer collectivement pour appréhender de manière satisfaisante les besoins en termes d'aménagement du territoire et de logement qui sont spécifiques à Mayotte.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Au sujet du foncier, il convient de préciser qu'à Mayotte comme ailleurs, l'expropriation est possible, mais ne peut pas être engagée contre des inconnus. Une régularisation foncière est engagée depuis 1986 et aurait dû entrer en vigueur en parallèle de la départementalisation. Il n'en demeure pas moins que l'expropriation sans propriétaires n'est pas possible, particulièrement depuis que Mayotte est devenue un département.

M. Yves-Michel Daunar. - L'expropriation contre inconnus existe en droit français et a notamment permis en métropole la construction de routes ou de voies ferrées. Je vous transférerai les documents relatifs à cette législation.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je me suis mal exprimé car, en l'occurrence, les propriétaires sont connus et sont coutumiers.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Je rappelle que le sénateur Thani Mohamed Soilihi a été co-rapporteur d'un rapport sur le foncier à Mayotte. Je donne à présent la parole à Mme Micheline Jacques, co-rapporteure pour le logement à Mayotte.

Mme Micheline Jacques, rapporteure. - Mes chers collègues, le sujet est passionnant et au vu de la progression des débats, je vous prie de m'excuser pour la potentielle redondance de mes questions qui ont pour objectif de nous aider à avancer sur la question du logement à Mayotte et dans les territoires ultramarins. J'ai pour ma part cinq questions à poser.

Premièrement, comment faciliter les conditions financières des prêts pour permettre de développer l'accession sociale à la propriété à Mayotte ?

Deuxièmement, le conseil départemental de Mayotte pourrait-il mobiliser les terres coutumières qu'il détient pour contribuer à remédier à la rareté et à la cherté du foncier sur l'île ?

Troisièmement, alors que le nombre de logements insalubres est estimé à environ 38 000 à Mayotte et que six logements sur dix sont dépourvus du confort de base, comment accélérer les opérations de résorption de l'habitat indigne (RHI) ? Que peut-on attendre dans ce domaine de la création d'un office foncier solidaire à Mayotte ?

Quatrièmement, les solutions de relogement proposées après des démolitions dans le cadre d'opérations RHI sont-elles satisfaisantes ? Au-delà des solutions d'urgence des centres d'hébergement, quelles solutions pérennes pourraient être trouvées ?

Cinquièmement, disposez-vous d'exemples d'actions menées avec des associations de quartiers pour oeuvrer à l'adhésion sociale aux projets de construction et de réhabilitation ? Comment renforcer la formation et permettre une montée en gamme des compétences des entreprises du BTP à Mayotte ?

M. Ahmed Ali Mondroha. - En tant qu'opérateur, je tiens d'abord à revenir sur la question du foncier car nous manquons cruellement de terrains fonciers aménagés et cela bloque la production en masse.

Les montages financiers s'apparentent à une véritable usine à gaz, comme l'a expliqué précédemment Olivier Kremer. De même, l'interface mise en place par Mayotte Habitat, qui est d'ailleurs situé à La Réunion et non à Mayotte, est complexe. À titre d'exemple, l'argent destiné à aider la construction est mis à disposition seulement en fin de projet, ce qui constitue une véritable aberration. Il est nécessaire pour les opérateurs (notamment au-delà de la SIM) de bénéficier d'un dispositif plus simple. À l'époque de la case SIM, la prise en charge par les subventions de l'État pouvait s'élever à 90 %.

S'agissant du relogement, la SIM tente de mettre certains logements à disposition des personnes à reloger. Elle étudie les profils des familles pouvant bénéficier de solutions de relogement en logement social classique. Au-delà de la problématique de la gestion des personnes qui ne disposent pas d'une autorisation de séjour sur le territoire, de nombreuses familles, qui ne sont pas considérées comme étant en situation illégale, sont affectées par les opérations de « décasement » et doivent être relogées. À ce sujet, je pense que la DEAL a été en mesure d'apporter un certain nombre de réponses.

Je souhaiterais en outre apporter des éléments de réponse aux questions posées par le rapporteur Victorin Lurel. Je tiens à insister sur les besoins en termes de logement social à Mayotte. Sur le plan opérationnel, il faut rappeler que le délai de construction dans notre département est supérieur à celui des territoires voisins. En moyenne, six à douze mois supplémentaires sont ainsi nécessaires par rapport au délai enregistré ailleurs en France, notamment en raison du manque d'entreprises structurées et des difficultés d'approvisionnement du fait de notre insularité. Par conséquent, les opérations financées entre 2016 et 2018 ne produiront leurs résultats qu'en 2021.

Cette année, pour la première fois, la SIM approchera les 400 logements livrés si les conséquences de la crise sanitaire le permettent. L'année suivante, la livraison de 550 à 600 logements est attendue. L'absence de corrélation immédiate entre le financement et les livraisons constatées n'est donc pas anormale. En 2018, la SIM n'avait quasiment rien produit car elle avait connu une grave crise financière.

Encore une fois, l'un des principaux problèmes à Mayotte tient au manque cruel d'entreprises, de type PME, organisées et structurées. De ce fait, il s'avère plus difficile de mener à bien les appels d'offres. Certes, nous collaborons avec une centaine de structures qui font partie du tissu local d'artisans. Cependant, la construction neuve nécessite par exemple la maîtrise de procédés structurés qui peuvent uniquement être assurés par des entreprises organisées. La faible présence de ces dernières à Mayotte expose les opérateurs à une perte de temps importante.

Enfin, la problématique des coûts de construction doit être prise en compte. À Mayotte, les coûts de construction sont supérieurs de 10 % à 20 % par rapport à La Réunion ou à la métropole. Or, comme vous le savez, dans le domaine du logement social, les coûts de construction doivent être maîtrisés puisque les loyers sont encadrés. Afin de produire en masse pour satisfaire la demande en logement social qui est particulièrement soutenue, nous devons trouver des solutions.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Je me réjouis des différentes réponses apportées par les intervenants, tant sur le fond que sur les aspects plus techniques.

Je souhaiterais demander au directeur de la SIM quel est le taux de prise en charge, en termes d'accession sociale et de financement des « LATS », assuré par l'État. Précédemment, dans les départements d'outre-mer (DOM), il s'agissait des « LES » ou logements évolutifs sociaux et leur taux de prise en charge était de 50 %. À Mayotte, ce taux s'est élevé à 75 %. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Par ailleurs, quelle est l'effectivité de la politique d'Action Logement dans les outre-mer et à Mayotte en particulier ? Je souhaiterais comprendre comment les 1,5 milliard d'euros versés par Action Logement dans les territoires d'outre-mer sont utilisés. Le département de Mayotte a-t-il les capacités d'utiliser ces fonds ? Mayotte Habitat étant il me semble une filiale de La Réunion Habitat, quel est lien entre Action Logement et Mayotte Habitat ? Ce lien existe-t-il uniquement via le rattachement des salariés ? Est-ce imputé sur le 1 % logement ?

Je crois qu'à Mayotte, les projets portent majoritairement sur la création de logements locatifs sociaux plutôt que sur l'accession sociale. Quelle est la part du locatif intermédiaire, notamment en ce qui concerne la SIM ?

Enfin, je souhaiterais savoir si des différences persistent entre Mayotte et les autres DOM en termes d'allocation logement (familiale et sociale). L'Agence française de développement (AFD) finance-t-elle le logement locatif intermédiaire ?

M. Ahmed Fadhul Mohamed Soilihi, vice-président du comité territorial d'Action Logement à Mayotte. - Le premier constat que nous dressons renvoie au fait que le manque de concertation entrave la conduite des projets à Mayotte. À l'inverse, lorsque des concertations sont engagées entre les acteurs locaux et les décideurs politiques, la situation est encourageante.

Je rappelle que sur les 9 milliards d'euros versés par l'État pour Action Logement dans le cadre du Plan d'investissement volontaire (PIV), 1,5 milliard d'euros sont destinés aux départements et régions d'outre-mer. Or, cet investissement n'a pour l'heure pas débuté à Mayotte. Depuis un an, le PIV en outre-mer, décidé par les partenaires sociaux et déployé par Action Logement, a permis d'engager une dynamique positive sur les cinq DROM en faisant émerger une véritable stratégie d'intervention du groupe en outre-mer, déclinée autour de trois objectifs :

À Mayotte, l'enjeu pour Action Logement consiste à accompagner le développement d'un territoire en pleine mutation économique et sociale, qui voit l'émergence de nouveaux besoins en termes de logement tout en faisant face à d'importantes fragilités (poids de l'habitat informel en extension urbaine, accès à l'eau et risques environnementaux, politique d'aménagement et de régulation foncière en construction, faible structuration du secteur du BTP).

Nous avons besoin pour ce faire de mobiliser les élus locaux, en particulier les maires. Nous avons dans ce sens envoyé un courrier au préfet et au président du conseil départemental pour leur demander de considérer le Conseil de l'habitat comme une véritable instance de dialogue et de pilotage des opérations. Si nous parvenons à travailler en collaboration avec l'EPFAM et la DEAL, avec qui nous trouvons des solutions, nous devons pouvoir dialoguer avec l'ensemble des acteurs dans la mesure où Action Logement est capable de s'adapter aux exigences des projets. Par exemple, Action Logement dispose d'une ligne « Innovation » lui permettant d'intégrer certains projets, à l'instar de ceux ayant recours à la brique de terre.

Par ailleurs, je rappelle que Mayotte Habitat représente une interface technique assurant le lien entre les demandeurs et les financeurs, mais qu'elle ne possède pas de pouvoir décisionnel. Elle s'adapte à ce qu'Action Logement et les acteurs locaux décident d'entreprendre. Mayotte Habitat est effectivement implanté à La Réunion et nous avons demandé que cette structure soit relocalisée à Mayotte. Néanmoins, nous rencontrons des difficultés pour faire valoir notre avis à ce sujet.

Toutefois, je tiens à préciser à nouveau que le coeur du sujet ne se situe pas à ce niveau. La principale problématique réside dans le manque de concertation entre les acteurs locaux.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Le comité départemental de l'habitat (CDH) ne se réunit-il pas et n'a-t-il pas fixé d'objectifs récemment ?

M. Ahmed Fadhul Mohamed Soilihi. - Le comité départemental de l'habitat se réunit, mais fait office de chambre d'enregistrement. Seuls des constats y sont formulés, sans un réel échange entre les différents acteurs. Action Logement en a fait état dans le courrier adressé au préfet et au président du conseil départemental. Si le comité départemental de l'habitat ne nous permet pas d'avancer, nous proposons la création d'une autre instance, voire l'organisation d'assises du logement. Il me semble que le problème ne tient pas aux moyens disponibles, mais plutôt à notre capacité à travailler ensemble.

M. Olivier Kremer. - Il faut insister sur les problèmes structurels de logement à Mayotte. Il existe en effet plusieurs freins aux opérations de construction, notamment en termes d'approvisionnement, de coûts et d'expertise. En raison de la forte demande de logement social, nous travaillons sur des projets de financement pouvant être pris en charge à 100 % par les services de l'État. Ces derniers appellent en outre à ce que d'autres opérateurs que la SIM puissent intervenir à Mayotte afin de répondre aux besoins grandissants du territoire. Même si la SIM fournit un travail efficace, l'arrivée d'autres opérateurs répondrait à une nécessité de complémentarité. Je rappelle que nous disposons en effet des moyens financiers, mais qu'il sera nécessaire d'organiser une mobilisation concertée et structurée des acteurs locaux.

Pour répondre brièvement aux questions de Mme Micheline Jacques, je tenais à préciser que la DEAL souhaiterait la création d'un organisme foncier solidaire au niveau départemental qui permettrait de baisser les coûts pour l'accession. Ces derniers sont en effet significativement plus élevés à Mayotte que dans les autres DOM. Les autres objectifs assignés à cet organisme consisteraient à conforter la représentation locale au sein de Mayotte Habitat et à redéfinir les conditions de prêt pour les adapter au contexte local.

Enfin, s'agissant des programmes communaux et intercommunaux de Résorption de l'habitat insalubre (RHI), la CADEMA a énuméré plusieurs projets en cours. Je tiens à souligner à ce sujet que les opérations de RHI diffèrent considérablement en fonction de leur lieu de réalisation. Des spécificités locales, notamment géographiques ou sociales, sont à prendre en compte. Je conclurai en mettant en avant l'un des grands enjeux du territoire, à savoir la nécessité de structurer le secteur du BTP en assurant aux acteurs de ce dernier une montée en compétences et un accompagnement dédié.

Mme Micheline Jacques, rapporteure. - Étant également enseignante de formation, j'attache une grande importance à la formation, notamment professionnelle. Effectivement, le logement pourrait être un levier du développement économique à Mayotte et constituer une solution pour de nombreux jeunes se trouvant en situation de précarité sociale, comme dans beaucoup de territoires ultramarins. Il serait ainsi nécessaire que ces nouvelles entreprises du BTP puissent former les jeunes dans l'ensemble de leurs corps de métiers, qui sont particulièrement riches. Cet effort de formation pourrait pallier les difficultés rencontrées par les entreprises pour livrer les logements dans les temps.

M. Olivier Kremer. - À ce sujet, un projet de construction sur Koungou d'une maison des métiers du bâtiment est actuellement à l'étude. Ce projet pourrait en effet apporter des solutions. Je pourrai vous préciser cet élément via une réponse écrite qui vous sera adressée.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Merci, monsieur le directeur. La parole revient maintenant au président de l'EPFAM.

M. Yves-Michel Daunar. - J'apporterai un complément sur la question du portage foncier pour faire écho aux interventions du président de la CADEMA et du sénateur Abdallah Hassani et pour préciser le rôle de l'EPFAM en la matière.

Nos dotations proviennent directement du ministère des outre-mer via la LBU, à hauteur de trois millions d'euros par an depuis la mise en place de l'établissement, ainsi que de subventions. En raison du prix particulièrement élevé du foncier à Mayotte, l'EPFAM ne dispose pas des capacités financières pour assurer le nombre souhaité de transactions foncières. À l'heure actuelle, l'EPFAM est propriétaire de 25 hectares, dont 5 hectares dans le secteur agricole et une vingtaine d'autres en zone urbaine dans la ville de Mamoudzou.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Merci, je cède la parole à Mme Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion.

Mme Nassimah Dindar. - Je tiens à remercier l'ensemble des intervenants pour leurs précisions sur ce sujet extrêmement important et intéressant. L'acquisition d'un toit constitue un droit fondamental, sans qu'il soit nécessaire de faire référence à la loi sur le droit au logement opposable (DALO). Le rapport de la délégation sénatoriale devra apporter des pistes concrètes.

Aujourd'hui, il manque des logements à Mayotte et les Mahorais, citoyens français, ne vivent pas dans de bonnes conditions. Aucun foyer logement ni foyer de jeunes travailleurs n'existent à Mayotte alors qu'un public très vulnérable est présent sur l'île. Pour la France d'aujourd'hui dans laquelle nous vivons, répondre à ce besoin de logement constitue un défi et une obligation.

Comment construire ? J'ai bien pris acte des difficultés et des lenteurs administratives que chacun des acteurs locaux rencontre. En raison de l'existence d'un habitat vernaculaire, il convient de construire différemment à Mayotte sans reproduire les mêmes erreurs, mais il faut aussi prendre dès maintenant en considération la future entrée en vigueur de la réglementation thermique et de l'autoréhabilitation encadrée. La production de briques est particulièrement soutenue à Madagascar et pourrait être utile à nos territoires, tant à Mayotte qu'à La Réunion.

Je rappelle que l'État souhaite avancer sur la question du logement à Mayotte, comme l'a rappelé la DEAL. Si le comité départemental de l'habitat, une instance que j'ai présidée durant plusieurs années à La Réunion, ne dresse que des constats, pourquoi ne pas nommer un sous-préfet à Mayotte ? Ce dernier pourrait être chargé de mettre en coordination les politiques publiques.

Construire pour qui ? Je crois que la réponse à cette question sera très importante dans la mesure où les Mahorais recouvrent un spectre très large de populations aux besoins différents : certaines personnes doivent être relogées, d'autres doivent bénéficier de logements sociaux et d'autres encore souhaitent accéder à la propriété. Je pense qu'il sera en outre nécessaire de répondre à la question du rapporteur Victorin Lurel : qu'en est-il de l'ALS et des aides apportées aux Mahorais ? Sont-elles différentes de celles octroyées dans les autres DROM ?

Construire avec qui ? L'idée a été émise d'introduire un autre bailleur. Je pense en effet que nous devons nous doter des outils nécessaires pour assurer la coordination des moyens déployés. Comme il a été évoqué, ces derniers doivent être mutualisés plutôt que d'être utilisés en silos. Je tiens par ailleurs à souligner que la SIM produit un excellent travail, mais il ne peut exister de maîtrise du foncier sans aménagement du territoire.

J'en ai terminé avec ces questions. Je ne demande pas de réponse immédiate, chacun pouvant communiquer à la délégation ses réponses par écrit.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Merci, madame la sénatrice. Je donne la parole à la vice-présidente du conseil départemental.

Mme Raissa Andhum. - Je souhaitais réagir à la proposition de la sénatrice Nassimah Dindar visant à nommer un sous-préfet à Mayotte pour assurer la concertation qui nous fait défaut. Pour ma part, je reste dubitative. Je pense que Mayotte a besoin d'un certain nombre d'actions, à l'instar d'évaluations annuelles pour faire état des besoins et des avancées. Concernant le foncier, la majorité des terres appartient au département, qui possède environ 15 000 hectares. Nous poursuivons à cet égard les opérations de régularisation du foncier malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de bornage du fait des occupations illégales.

Parmi les nombreuses propositions formulées au cours de cette table ronde, je retiens et confirme l'importance des problèmes liés au manque de concertation. En outre, je pense qu'il sera primordial d'étendre les allocations logement à l'échelle locale puis d'encourager l'interaction avec les bailleurs sociaux privés. À mon sens, il sera également essentiel de privilégier l'essor de la filière des matériaux locaux, à l'exemple de la brique de terre.

Bien que certains acteurs locaux considèrent que nous ne manquons pas de moyens, la ligne budgétaire octroyée à l'échelle du département n'est à mon avis pas suffisante par rapport aux ambitions de développement du territoire. Je rappelle à cet égard que l'enveloppe allouée aux outre-mer est relativement importante, mais que la part dédiée à Mayotte n'est, à mon sens, pas assez élevée pour le 101e département qui est aussi le plus pauvre de France.

Enfin, j'attire votre attention sur les urgences qui apparaissent en termes de respect de la biodiversité. Cette dernière se trouve en effet menacée en raison de notre incapacité à fournir le nombre de logements nécessaires aux Mahorais.

M. Ahmed Ali Mondroha. - Je souhaitais revenir sur la question de Victorin Lurel concernant le logement intermédiaire. Il faut savoir que la SIM produit de tels logements. Parmi les 2 100 logements construits par la SIM et que j'ai précédemment évoqués, 523 sont des logements sociaux. La demande en logement social ayant aujourd'hui augmenté, 80 % de nos programmes de construction visent à créer des logements sociaux. Pour autant, nous continuons de construire, pour une part assez importante, des logements intermédiaires libres. De même, sur les 6 000 logements que nous projetons de construire dans les années à venir, 15 % à 20 % d'entre eux seront des logements intermédiaires libres.

Pour répondre à la question sur l'introduction d'un deuxième opérateur dans l'objectif de répondre à la demande grandissante et au besoin de produire en masse, j'attire votre attention sur la nécessité de résoudre en premier lieu les problèmes en amont. Si nous ne réglons pas, par exemple, la problématique du manque d'entreprises structurées dans le BTP, l'introduction d'un second opérateur n'apportera pas de solutions. Ce dernier se heurtera, comme la SIM, aux problèmes d'assainissement, du foncier aménagé et du manque de ressources humaines.

À Mayotte, la SIM ne parvient pas à recruter des personnes détenant les compétences nécessaires à la réalisation de ses projets. Il faut soit recruter dans les écoles de la métropole, soit faire appel à des cabinets de chasseurs de têtes. L'introduction d'un nouvel opérateur n'est pas une mauvaise idée, mais ce n'est à mon sens pas la priorité car, dans l'immédiat, le nouvel opérateur risque d'être confronté aux mêmes problèmes que la SIM.

Au sujet des questions environnementales, je précise que la SIM répond aux exigences d'un guide technique et suit les protocoles indiqués par le support « Mayénergie» de la DEAL. Je rappelle qu'à Mayotte, les normes environnementales sont pour l'heure définies à l'échelle locale pour répondre aux spécificités du terrain.

M. Nizar Assani Hanaffi. - Je souhaite revenir sur la question posée par le sénateur Thani Mohamed Soilihi puis reprise par le rapporteur Victorin Lurel, à savoir : est-il nécessaire de disposer d'un deuxième opérateur social à Mayotte ?

Je répondrai avec instance par l'affirmative, principalement parce que nous devons nous adresser à une nouvelle cible, le jeune actif cherchant à devenir propriétaire, à laquelle nous n'avons pour l'heure pas apporté de réponse. Ce nouvel opérateur pourrait ainsi avoir vocation à encourager l'accession sociale à la propriété. Il me semble nécessaire de préciser ainsi que la création d'un nouvel opérateur ne viserait pas à concurrencer la SIM, mais à apporter une offre complémentaire.

Il est indispensable, comme le soulignait Nassimah Dindar, de traiter la problématique liée à la formation. Encourager cette dernière est en effet l'unique moyen de régler durablement le problème lié au manque d'entreprises structurées. Je tiens à répéter au nom du groupe Action Logement que le problème ne relève pas du manque de moyens, mais d'une concertation et d'une programmation insuffisantes.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Je donne la parole au rapporteur Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Je m'adresse au président du Comité territorial d'Action Logement (CTAL) qui vient de s'exprimer en évoquant un manque de concertation et non de moyens. Je suis préoccupé par le travail d'Action Logement, non seulement à Mayotte, mais aussi dans les outre-mer, et je souhaiterais ainsi savoir si l'enveloppe qui lui a été allouée se traduit par la mise en oeuvre d'axes décisionnels qui donneront lieu à des actions concrètes. Comment seront réellement dépensés les 1,5 milliard d'euros prévus pour Action Logement en outre-mer ? Existe-t-il un conflit d'intérêts entre Action Logement et CDC Habitat ? Action Logement devrait proposer les mêmes offres dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Par ailleurs, que fait la Banque des territoires à Mayotte ? Quelles sont les solutions prévues pour loger les étudiants, les jeunes actifs, les retraités, les pensionnaires d'EHPAD ?

Je crois qu'il est nécessaire de répondre à de nombreuses questions qui pourraient enrichir le rapport de la Délégation sénatoriale aux outre-mer en vue de porter une éventuelle proposition de loi.

Mme Nassimah Dindar. - En complément de la dernière intervention de la vice-présidente du conseil départemental, est-il envisageable que le département de Mayotte devienne actionnaire d'un bailleur social ?

M. Ahmed Fadhul Mohamed Soilihi. - Je souhaitais répondre aux questions du rapporteur Victorin Lurel concernant Action Logement. À notre niveau, nous n'hésitons pas à nous remettre en question, et l'État devrait également le faire. Le Comité territorial cherche à faire valoir tous les jours les intérêts qu'il défend. Le Plan d'investissement volontaire Outre-Mer répond à l'objectif de développement de l'accession sociale à la propriété à Mayotte. Il s'agit de prêts à taux zéro ouverts aux populations à revenus modestes, quel que soit leur statut d'emploi. Le lancement est en cours depuis le début 2021.

L'enjeu est ainsi de déployer le PIV à court terme, en s'appuyant sur le savoir-faire de Mayotte Habitat, interface sociale et financière unique, tout en veillant à la complémentarité des dispositifs de financements (LBU, Aide au logement de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) afin de minimiser le reste à charge pour les familles.

Plus largement, une réflexion sur l'adéquation « offre-produits à l'accession » devra être menée pour s'assurer que le dispositif d'accession sociale atteint sa cible à Mayotte au regard notamment de la solvabilité des ménages et de leur capacité d'emprunt.

M. Victorin Lurel, rapporteur. - Je suggère à cet égard au président du CTAL de nous faire part par écrit de ses appréciations sur les processus de démolition.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Le mot de conclusion est au président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. - Je tiens à remercier l'ensemble des participants à cette table ronde. J'ai suivi avec attention les débats qui étaient constructifs et très importants pour le rapport que nous allons produire. La délégation tient à prendre en compte les spécificités propres à chaque territoire. J'ai pris acte des difficultés que vous connaissez pour vous rencontrer sur vos territoires respectifs. Je vous remercie une nouvelle fois de la qualité de vos échanges.

Mme Victoire Jasmin, présidente. - Je tiens à remercier particulièrement les sénateurs de Mayotte pour leur présence. Je vous rappelle que vous avez la possibilité d'adresser par écrit vos réponses aux questions des rapporteurs ainsi que tout complément d'information. Je vous remercie pour votre participation à ces échanges particulièrement riches.