Mercredi 24 mars 2021

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Audition de Mme Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'auditionner aujourd'hui Mme Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes. Le Conseil supérieur a été institué, pour mémoire, par la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de 2013.

Madame la présidente, l'activité du Conseil supérieur des programmes a été intense ces dernières années. Le rapport d'activité 2016-2019, que vous avez bien voulu nous transmettre, et qui a été adressé hier matin à l'ensemble des membres de la commission, en témoigne.

Je ne citerai que quelques-uns des travaux les plus récents, comme vos réflexions sur l'élaboration d'un programme d'enseignement en maternelle, la mise en place d'un nouvel enseignement facultatif en sixième à la rentrée 2021 intitulé « Français et culture antique », ou encore la mise à jour des enseignements généraux du brevet professionnel en mathématiques et en physique-chimie.

Comme vous le déclariez en novembre 2019, le Conseil supérieur des programmes est amené à envisager la formation des élèves dans sa globalité, de la maternelle à la terminale, en y intégrant la question centrale de la formation initiale et continue des enseignants, sujet sur lequel de nombreux membres de la commission interviennent régulièrement.

Votre champ d'action est vaste et les questions, je n'en doute pas, seront sans doute nombreuses.

Je limiterai les miennes à deux thématiques. La première concerne la réforme du baccalauréat, avec la fin des filières et la mise en place des spécialités. Encore récemment, une nouvelle spécialité « Éducation physique, pratiques et cultures sportives » a été créée pour la rentrée 2021. Pouvez-vous nous indiquer la manière dont le Conseil supérieur des programmes a travaillé à l'élaboration de ces programmes de spécialités ?

Quelles ont été les principales contraintes ? Quels sont les liens du Conseil supérieur des programmes avec le Comité de suivi de la réforme du baccalauréat, coprésidé par Pierre Mathiot et Jean-Charles Ringard ?

Ma seconde thématique porte sur la formation initiale et continue des enseignants. Le Sénat examinera à partir de la semaine prochaine le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Il propose une formation des enseignants au fait religieux. Quelle forme pourrait prendre un tel enseignement ? De manière plus générale, le Conseil supérieur des programmes est-il associé aux réflexions en cours pour renforcer la formation initiale et continue des enseignants à la laïcité ?

Madame la présidente, vous avez la parole.

Mme Souâd Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes. - Je vous remercie de votre invitation et de me donner l'occasion de vous présenter les travaux du Conseil supérieur des programmes.

Je me consacrerai à la présentation du travail accompli ces trois dernières années. Vous le rappeliez, monsieur le président, depuis sa création et son installation, en 2013, le Conseil supérieur des programmes a été soumis à un rythme de travail soutenu.

J'ai été nommée à la fin du mois de novembre 2017, et la tendance se confirme : rien ne dément la réalité de ce travail conséquent.

Les années 2018 et 2019 ont été particulièrement denses. L'élaboration des programmes de tous les enseignements dispensés au lycée général et technologique, que modifie la nouvelle conception du baccalauréat, a été au centre d'une intense activité. Plus de quarante groupes ont été constitués pour concevoir des contenus d'enseignement conformes aux principes généraux qui ont guidé la réforme du baccalauréat et la restructuration du lycée.

Il s'agit, je vous le rappelle, de rehausser nos exigences pour que l'obtention du baccalauréat atteste bien la maîtrise de savoir et de savoir-faire nécessaire à la poursuite et à la réussite d'études supérieures.

Si les nouveaux programmes du lycée général et technologique ont sollicité tous nos efforts, nous avons également mené d'autres travaux en clarifiant et en ajustant les programmes de l'enseignement moral et civique (EMC), du français et des mathématiques, de l'école élémentaire au collège. Ces programmes ont été publiés au bulletin officiel de juillet 2019.

Nous avons aussi élaboré les nouveaux programmes des enseignements généraux du lycée professionnel pour les classes préparatoires au CAP et les classes de seconde, première et terminale professionnelles.

Nous avons émis un avis sur le cadre de référence des compétences numériques.

Nous avons établi une note d'orientation et de propositions pour le renforcement des enseignements relatifs aux changements climatiques, à la biodiversité et au développement durable, de la maternelle à la classe de troisième. Cette note, que nous avons publiée en décembre 2019, introduisait les programmes qui ont tous été renforcés ici ou là, et qui sont parus au bulletin officiel du 30 juillet 2020.

Si elle a été un peu moins dense en apparence, l'année 2020 ne fut pas sans activité, tant s'en faut. Nous avons élaboré des propositions de programme tout d'abord pour le nouvel enseignement de spécialité du cycle terminal de la voie générale du lycée, intitulé « Anglais monde contemporain », ainsi que pour les enseignements de mathématiques et de physique-chimie pour le brevet des métiers d'art de la voie professionnelle et, enfin, pour le nouvel enseignement de spécialité du cycle terminal de la voie générale du lycée « Éducation physique pratiques et culture sportives », qui va être proposé non à titre expérimental, comme il est dit parfois, mais de manière limitée pour une première mise en oeuvre à la rentrée de septembre 2021.

Nous avons formulé en juillet 2020 un avis sur l'articulation des contenus de la formation dispensée dans le cadre du service national universel avec les programmes de l'enseignement moral et civique.

Nous avons enfin, en décembre 2020, diffusé une ample note d'analyse et de propositions sur le programme d'enseignement de l'école maternelle. La saisine nous demandait de réfléchir sur la maternelle dès lors que la loi rendait l'instruction obligatoire à partir de trois ans.

L'année 2021 a commencé par une saisine du ministre afin d'élaborer le programme d'un nouvel enseignement facultatif de français et culture antique, qui sera dispensé en classe de sixième. Nous avons diffusé la proposition de programme le 10 mars.

Nous poursuivons nos travaux pour la voie professionnelle avec les programmes de mathématiques et de physique-chimie pour le brevet professionnel, et prévoyons de diffuser le projet de programme en mai.

Enfin, un travail d'ampleur, inscrit dans notre programme annuel de travail, est en cours. Nous conduisons en effet une réflexion sur l'articulation des programmes du collège avec les nouveaux programmes du lycée. Nous prévoyons de diffuser ce travail au mois de mai ou juin. Il s'agit en effet de réaliser une analyse enseignement par enseignement et de faire des propositions d'éventuels aménagements des programmes de collège afin de favoriser une meilleure progression des apprentissages.

Voici, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, un état des lieux des travaux du Conseil supérieur des programmes en cours ou accomplis.

M. Laurent Lafon, président. - Merci, madame la présidente.

La parole est à Jacques Grosperrin, ancien membre du conseil supérieur des programmes et rapporteur des crédits budgétaires « enseignement scolaire », puis aux sénateurs membres du Conseil supérieur des programmes.

M. Jacques Grosperrin. - Madame la présidente, j'ai fait partie du Conseil supérieur des programmes en son temps. J'en ai démissionné avec d'autres parlementaires, dont la députée Annie Genevard. Il me semblait que nous étions dans une procédure de déconstruction de l'histoire et d'abandon de la chronologie. Or la chronologie permet à chacun de pouvoir se situer et transmet le sentiment d'appartenance à la République et à la Nation, patrimoine commun auquel l'école peut contribuer.

Nous travaillions en effet sur le respect des valeurs de la République, et j'avais le sentiment que l'on changeait de voie. J'ai fait ma thèse de sciences de l'éducation à Lyon, dans une université où on trouve ce courant « pédagogiste », que j'avais fortement combattu.

J'ai le sentiment - et c'est d'actualité - qu'il existe une érosion du sentiment d'appartenance à la communauté nationale, et que la nationalité française et l'identité sont deux notions plus ou moins distinctes qui ne se superposent plus.

L'absence des termes de « Nation » et de « patrie » du programme de l'EMC, qui était à cet égard révélatrice en son temps, pose problème car la République a confié à l'école le soin de transmettre cet héritage à tous ses enfants.

L'enseignement de l'EMC me paraît très important. Il doit être transversal, et je m'interroge sur sa transcription dans les programmes. Je suis ravi d'entendre que vous avez reporté toute votre attention sur ce point à partir du moment où la scolarisation s'établit à partir de trois ans. Peut-être certaines choses se retrouveront-elles dans le vocabulaire : on se rend en effet compte actuellement - et la pandémie l'a démontré - que certains enfants n'ont pas accès, entre trois et cinq ans années fondamentales pour le développement du langage, à un certain nombre de mots du vocabulaire.

Je voudrais également vous interroger par rapport à l'approche épistémologique des connaissances. Si l'on enseigne la construction des connaissances et des savoirs aux enfants, le Conseil supérieur des programmes peut peut-être apporter sa pierre à l'édifice afin de permettre à chacun de comprendre que les connaissances permettent de lutter contre l'ignorance, mais aussi contre la théorie des complots. Existe-t-il des démarches particulières à ce sujet ?

Enfin, réfléchissez-vous aux modes de constitution de cette vérité scientifique qui permet de différencier les croyances des savoirs objectifs ?

M. Max Brisson. - Je voudrais tout d'abord me réjouir de l'audition de Souâd Ayada, que j'avais réclamée depuis longtemps. En effet, je crois important que le Parlement réfléchisse à la fabrique des programmes. Comment et dans quel cadre sont-ils élaborés ?

Je voudrais saluer Souâd Ayada pour son engagement, car il n'est pas facile d'être la présidente du Conseil supérieur des programmes. Dans notre pays, la fabrique des programmes est un sujet très politique, source de nombreux débats, surtout lorsqu'il s'agit des programmes de la voie générale et particulièrement - lorsqu'elle existait - des programmes de la voie S, où tout un chacun estime détenir l'expertise nécessaire. C'est beaucoup moins vrai lorsqu'il s'agit de programmes de mathématiques quantiques, mais beaucoup plus lorsqu'il s'agit des programmes d'histoire-géographie ou des programmes de philosophie.

Il faut de la sérénité, de l'engagement, des convictions, et je témoigne que Souâd Ayada, avec son caractère, a tout pour tenir une certaine ligne de crête. Il faut en effet prendre en compte, quand on fabrique les programmes, de l'âge des élèves - chose que les éditeurs de la Montagne-Sainte-Geneviève oublient assez facilement -, ou de ce qui a été acquis dans le cycle précédent et ce qui devra être acquis dans les cycles suivants. Tout ne s'apprend en effet pas au même moment.

Il faut aussi conserver une certaine ligne par rapport aux nombreuses querelles académiques ou universitaires qui traversent la fabrique des programmes. C'est une des questions que je poserai tout à l'heure, car je me demande s'il n'est pas nécessaire de prendre de la distance par rapport à ceci.

Je rappelle à mes collègues que c'est le ministre qui arrête les programmes, et non le Conseil supérieur des programmes. J'aurai d'ailleurs l'occasion de proposer la semaine prochaine un amendement qui corrige une compétence que nos collègues de l'Assemblée nationale attribuent au Conseil supérieur des programmes, dont il ne bénéficie pas à ma connaissance.

Le Conseil supérieur des programmes mobilise de nombreuses ressources. Ses programmes sont fabriqués par des professeurs, des inspecteurs, des groupes ressources, mais c'est le ministre qui arrête les programmes et décide en dernier recours.

Je remarque enfin que tous les présidents du Conseil supérieur des programmes ont essuyé des polémiques lorsque les programmes sont sortis. Ce n'est finalement pas, chère Souâd, sous ta présidence que les polémiques ont été les plus fortes ! En tous les cas, il faut les relativiser si on les inscrit dans le temps long.

Mes questions sont au nombre de quatre.

Tout d'abord, les programmes, depuis quelques années, ne sont-ils pas hors de portée, au moment où les classements internationaux disent des choses inquiétantes sur le niveau des élèves français ? N'y a-t-il pas trop de prétention dans la fabrique des programmes - ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas être exigeant pour les élèves ? Je parle ici des objectifs et non de la mise en oeuvre au lycée, car plus ils sont prétentieux et plus le décalage avec la réalité est important. Bref, ne gagnerait-on pas à revenir à des choses plus simples et moins décalées ?

Deuxièmement, certaines disciplines ne nécessitent-elles pas une réflexion sur leur objet dans l'enseignement secondaire ? Qu'est-ce, par exemple, que l'histoire enseignée, pour parler d'un sujet que je connais un peu ? Comment la discipline est-elle conçue pour l'enseignement secondaire ? Ceci permettrait, me semble-t-il, d'éviter des querelles et des débats universitaires édulcorés et non stabilisés, dont les programmes du secondaire ne doivent pas être le lieu. Je pense qu'ils ont besoin de transmettre des savoirs stabilisés, fussent-ils en décalage avec les dernières recherches.

Troisièmement, ne serait-il pas utile de laisser vivre plus longtemps les programmes - ce qui éviterait la surcharge de travail du Conseil supérieur des programmes ? L'accélération des changements de programme n'est-elle pas pour beaucoup calquée sur l'accélération de la vie politique et, en particulier, l'instauration du quinquennat ? Est-il nécessaire que chaque ministre ait besoin de laisser son nom à une réforme des programmes qui ne passera pas le quinquennat ?

Mes deux dernières questions seront provocatrices...

Ne serait-il pas nécessaire d'indiquer à l'ensemble de la communauté éducative que les professeurs sont chargés de mettre en oeuvre ce qui figure dans les programmes et non dans les manuels scolaires, qui ne constituent qu'un outil ? Il faut en effet rappeler haut et fort que le manuel, contrairement à ce que pensent beaucoup, n'est pas le programme.

Enfin, les programmes n'ont-ils pas vocation - et cela a été dit par la présidente, en introduction - à traiter de ce qu'attend le pays ? On n'est pas obligé de multiplier les journées d'éducation pour ceci ou cela ! Leur croissance est proportionnelle aux attentes et aux angoisses de la société, et porte souvent sur des sujets qui sont parfaitement écrits dans les programmes. À force de multiplier ces journées, on peut d'ailleurs se demander s'il reste encore du temps pour mettre les programmes en oeuvre !

Mme Annick Billon. - Merci, madame la présidente, pour vos propos liminaires. Je suis membre du Conseil supérieur des programmes depuis peu. Je n'ai pas encore eu l'occasion de siéger, et je ferai donc preuve de beaucoup d'humilité dans mon intervention, ne connaissant pas le Conseil supérieur des programmes aussi bien que mes deux précédents collègues.

Vous avez, à plusieurs reprises, parlé de votre charge de travail. Ma première question sera simple : avez-vous les moyens de mettre en oeuvre les demandes qui vous sont adressées ?

Ma deuxième question m'est inspirée par les travaux de la délégation aux droits des femmes, que je préside : aujourd'hui, la loi comporte une obligation d'assurer des cours d'éducation sexuelle. Avez-vous travaillé sur ces sujets ? Comment sont-ils appliqués ? On sait qu'ils sont à géométrie extrêmement variable. Or le quinquennat d'Emmanuel Macron a été placé sous l'égalité entre les hommes et les femmes : qu'en est-il ?

Autre question : vous avez parlé d'une expérimentation limitée. Pouvez-vous nous en dire plus sur certains programmes ?

Vous avez d'autre part, à propos de la réforme du baccalauréat, évoqué la modification des programmes inspirés par la réforme, et vous nous avez dit que vous vous attachiez désormais à la refonte des programmes du collège...

Mme Souâd Ayada. - Nous ne sommes absolument pas saisis de la fabrication des nouveaux programmes du collège. Nous remettrons un avis sur cette articulation. Il reviendra au ministre de décider s'il souhaite ou non engager une refonte des programmes.

Mme Annick Billon. - Peut-être aurait-il été préférable de revoir la totalité des questions avant de considérer les choses par section...

Ma dernière question fera écho à celle de Max Brisson, qui a évoqué les programmes et les manuels. Face à la refonte assez rapide des programmes, à laquelle vous travaillez d'arrache-pied pour suivre la réforme du baccalauréat, les manuels réussissent-ils à suivre l'évolution des programmes ?

M. Laurent Lafon, président. - Madame la présidente, vous avez la parole.

Mme Souâd Ayada. - Vous avez, monsieur le rapporteur, commencé votre propos non par une question, mais par le rappel de votre expérience de membre du Conseil supérieur des programmes, notamment au sujet de l'enseignement de l'histoire au collège.

L'enseignement de l'histoire, on s'en souvient tous, avait suscité, du point de vue de ce programme, énormément de questions. Nous avons, dans le travail que nous avons mené sur les programmes du lycée général, du lycée technologique et du lycée professionnel, fait pour le mieux - je crois que Max peut le confirmer -, fidèles à ce qui fait le coeur de la discipline, en veillant à ce qu'il existe une certaine chronologie et une certaine vision d'un cours continu, afin que l'histoire soit cette discipline qui a affaire au temps et au passé. J'ai été très frappée par certaines définitions même de la discipline, qui gomment ses repères.

Nous avons fait pour le mieux également afin de rétablir la part de récits du professeur et celle qui doit être dévolue aux acteurs qui font l'histoire. On n'a plus le droit de parler de « personnages » : j'ai ainsi découvert qu'il existait des termes tabous dans certains milieux de l'éducation.

Vos questions portent sur quatre points et, en premier lieu, sur l'évolution de l'EMC. Il faut rappeler que c'est une constante continue de notre école depuis deux siècles de veiller à une éducation et à une instruction civiques. Si, durant quelque temps, cet enseignement a disparu, il est revenu de différentes façons, qui ont pris la forme d'une instruction, d'une éducation et, depuis 2015, d'un enseignement. Il est important que ce soit devenu un enseignement : cela signifie qu'il est inscrit dans l'emploi du temps des élèves et que le programme est clairement formulé.

Ce programme, aussi bien dans sa version de 2015 que dans ce que nous avons réalisé à partir de 2018, soulève des difficultés parce qu'il poursuit de multiples objectifs. Je m'explique : ce n'est pas un enseignement exclusivement centré sur la dimension civique, qui est absolument nécessaire. Il se préoccupe de promouvoir ceci ou cela, de lutter contre ceci et cela, si bien que ces éléments structurants que sont la République et ce qu'on appelle - de manière peut-être un peu incantatoire - ses valeurs, ou le principe de laïcité, sont un peu noyés dans d'autres préoccupations.

Prenons la façon d'aborder la laïcité. La laïcité n'est jamais traitée dans son ancrage historique, dans son lien concret avec l'histoire de notre pays, dans sa dimension de combat, de tensions et de luttes. Les choses sont présentées de manière très irénique, très abstraite, très dogmatique. Le mot est exclusivement associé à la liberté de conscience, qui est bien évidemment très importante, mais qui n'épuise peut-être pas tout de la dimension juridique et politique de la laïcité, qui est quand même notre façon, au sein de la République, de créer du commun.

La laïcité est toujours associée à la lutte contre les discriminations. Il y a peut-être là un manque de distinction et de rigueur conceptuelle. On parle de sentiment d'appartenance, notamment dans les programmes de 2015.

S'agissant de la République, il me semble qu'il y a là aussi un manque d'ancrage juridique, politique et historique de la notion. Elle est tout simplement et très souvent confondue avec la démocratie. Or je crois qu'il existe un certain mérite, aussi bien dans l'analyse que dans l'action politique, à tenir compte de la tension vivante qu'il y a entre la démocratie et la République, parce qu'un certain déchaînement des revendications démocratiques vient bousculer l'idéal républicain de cohésion, d'unité et d'intérêt commun.

La logique de la démocratie, pour le dire rapidement, c'est le règne de l'intérêt particulier. Celui de la République, c'est l'intérêt commun. Il y a donc là, me semble-t-il, un peu de flou conceptuel dans ces programmes.

Là aussi, nous faisons pour le mieux. N'oubliez pas que la fabrique des programmes vise à parvenir à la proposition la plus consensuelle possible. Nous n'imposons pas nos vues.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le travail que nous avons mené sur la maternelle. Il ne vous a pas échappé que la diffusion de ce travail n'est pas un nouveau programme, mais une analyse de celui-ci et des pistes d'aménagements qu'il revient au ministre d'arbitrer.

Cette réflexion insiste sur le devoir de la Nation, par l'instruction obligatoire dès l'âge de trois ans, de compenser les manques à l'école, notamment en matière de vocabulaire et, par là même, de maniement de la langue française pour les enfants des familles les plus démunies. C'est une mesure de justice sociale. Je crois que nous essayons d'aller dans le bon sens.

Vous évoquez l'éventualité que le Conseil supérieur des programmes puisse avoir une approche épistémologique des connaissances. Ce que je peux vous dire, c'est que le Conseil supérieur des programmes tient à la notion de connaissance et à la notion de savoir, qu'il met toujours en avant, et pas seulement à la notion de compétences, qui est aujourd'hui devenue centrale dans le discours pédagogique. Nous tenons aux connaissances, à leur transmission rigoureuse. Nous ne pensons pas que l'élève les construise par lui-même. À la notion de construction, aujourd'hui très prégnante dans le vocabulaire pédagogique, nous préférons celle de transmission.

Nous sommes attachés à cette rigueur des savoirs et des connaissances qui nous semble être le plus sûr moyen de veiller à ce que l'enseignement porte sur des vérités qui, quel que soit leur registre, sont argumentées, justifiées. C'est pour nous le plus sûr moyen, par un enseignement rigoureux, de prémunir les élèves contre toutes les tentatives relativistes, complotistes et autres.

Cher Max, les questions que tu poses sont bien évidemment au coeur de ce qui nous a préoccupés et des difficultés que nous avons rencontrées depuis fin 2017, début 2018. Nous sommes en effet sur une ligne de crête permanente. La fabrique des programmes, telle que l'a voulue le législateur en France, sollicite différents interlocuteurs afin de parvenir à recueillir un certain consensus.

Qui dit consensus dit aussi accommodements. Il ne s'agit pas de céder, mais d'entendre différentes revendications qui sont celles de la vie démocratique.

Tu soulignais le fait que les programmes sont le reflet des querelles universitaires. Nous avons essayé de veiller à ce que ça soit le moins possible le cas. Nous ne pouvons pas non plus - nous avons fait l'expérience - faire fi de l'évolution qu'ont connue certaines disciplines. Je pense par exemple à la géographie, que tu connais bien mieux que moi.

Depuis les années 1960-1970, les contours de cette discipline sont plutôt ceux d'une science sociale, où les questions économiques et les questions du présent des sociétés sont au coeur de l'enseignement. Pour ma part, je défendrai l'idée de discipline scolaire. Les disciplines scolaires n'ont pas à être le reflet des évolutions que l'enseignement supérieur connaît aujourd'hui, mais il est très difficile de s'y tenir.

Tu soulignes que nous fabriquons des programmes hors de portée des élèves, souvent un peu prétentieux. Ce sont précisément ces pressions multiples qui font que nous ne cessons de gonfler les contenus des programmes, en perdant souvent de vue, je le reconnais, le besoin de formation des élèves.

Il faut peut-être aussi mettre cela en perspective avec les politiques éducatives. La politique éducative qui a justifié la réforme du baccalauréat, la restructuration du lycée et la fin des séries pour la voie générale avait pour ambition de rehausser les niveaux, de construire des programmes plus ambitieux. Nous nous sommes conformés à cette demande. Ambitieux, peut-être le sont-ils un peu trop. Il est vrai que des programmes hors de portée des élèves sont des programmes qui ne s'appliquent pas.

Je ne reviens pas sur l'idée que tu as parfaitement soulignée selon laquelle les contours des disciplines historiques sont devenus flous et que nous pourrions, au moins jusqu'aux classes terminales, veiller à ce que les programmes permettent aux élèves qui découvrent les disciplines à partir du collège de s'en faire une idée claire et distincte.

Je ne suis pas sûre qu'un élève de terminale sorte aujourd'hui avec une idée très précise de ce qu'est le foyer de la géographie ni de ce qui la distingue fondamentalement des sciences économiques et sociales, par exemple.

Quant à la vitesse de changement de programmes, je ne peux que la déplorer. Je crois profondément que les programmes sont l'élément le plus structurant de l'institution scolaire, ce qui devrait résister quand les hommes et les femmes passent. Je ne peux que regretter ces changements permanents de programmes, qui constituent en vérité une fragilisation de l'institution scolaire et de l'école.

Pour ce qui est de la question très épineuse et centrale de l'articulation des programmes et des manuels scolaires, je souscris à ce que tu dis : les manuels scolaires ne sont pas les programmes scolaires. Ils sont élaborés, au nom de la liberté éditoriale, par des éditeurs qui répondent à des impératifs qui sont les leurs et non ceux de l'école.

Bien évidemment, nous savons vous et moi que les parents, les élèves, parfois même des membres de la communauté éducative accèdent aux programmes scolaires par les manuels scolaires. Il me semble donc qu'il faudrait trouver un moyen qui ne soit ni celui de la labellisation ni celui de la surveillance pour faire en sorte que les manuels scolaires soient au moins fidèles à la lettre aux programmes et - je n'ose l'espérer - à leur esprit.

S'agissant des journées d'éducation, je n'ajouterai rien à ce que tu as dit à propos de leur multiplication. Je crois profondément que seuls les enseignements structurés, adossés à des disciplines historiquement constituées ont véritablement un rôle formateur et émancipateur. Je ne pense pas que ces journées imprègnent réellement nos élèves de soucis bien légitimes.

Madame la sénatrice, je vous remercie de nous rejoindre au sein du Conseil supérieur des programmes. Vous évoquez ses moyens. Il en a. Il dispose d'un secrétariat général, avec des chargés de mission. Je suis aidée par une équipe très valeureuse et studieuse, que je remercie depuis mes débuts.

Vous m'interrogez sur les cours d'éducation sexuelle. Le Conseil supérieur des programmes n'a jamais été sollicité sur ces questions.

Vous évoquiez les programmes du collège : nous n'avons pas été saisis, je tiens à le préciser clairement, de leur modification. En 2018, on nous a demandé de clarifier et d'ajuster les programmes existants de français, de mathématiques et d'EMC. Le travail qui nous est demandé actuellement est de réfléchir à la question de l'articulation. Il n'y a pas de travail en cours sur les programmes du collège.

Quant aux manuels et aux programmes, je viens de répondre à cette question centrale, qui soulève des difficultés qui dépassent les pouvoirs du Conseil supérieur des programmes.

M. Laurent Lafon, président. - La parole est aux commissaires.

M. Pierre Ouzoulias. - Madame la présidente, je partage un certain nombre des points de vue de Max Brisson en termes de politique générale. La fabrique des programmes est un peu comme la composition du XV de France : tout le monde se sent en capacité de décider si Ntamack doit revenir au numéro 10 ou non...

Mme Souâd Ayada. - Mais personne n'a eu la Covid-19 !

M. Pierre Ouzoulias. - Comme Max Brisson - et il pourra en témoigner -, je bataille dans cet hémicycle contre les amendements déposés par nos collègues qui visent à formuler des injonctions aux professeurs pour qu'ils enseignent ceci ou cela. La liste ne cesse de s'allonger.

Je tiens à ce que votre institution jouisse d'une grande liberté disciplinaire et qu'il en soit de même des professeurs concernant la façon dont ils élaborent leur pédagogie.

Ceci étant dit, je partage ce qui a été dit à propos du fait qu'on a de plus en plus le sentiment, notamment dans la discipline historique, de donner aux élèves ce que le pays attend. J'ai bien compris la distinction que vous établissez entre programmes et manuels, mais j'ai lu plusieurs manuels d'histoire pour préparer cette séance, et j'ai été très surpris de ce que j'y ai trouvé au sujet de l'empire Romain - que je connais un peu !

On s'aperçoit que dans l'un de ces manuels - peu importe lequel, ce sont tous les mêmes - la seule grille de lecture de l'Empire romain passe par la religion. L'Empire romain y est uniquement compris comme le gouvernement qui, du Ier siècle au IVe siècle, a permis au christianisme de devenir religion d'État. Le reste concerne uniquement le pouvoir, et l'on y apprend que le Sénat est composé d'anciens magistrats nommés à vie - on peut rêver !

Ces documents comportent vingt pages sur l'Antiquité, et le mot d'esclave n'y est jamais écrit une seule fois. Ce qui constitue à mes yeux l'élément majeur et central de l'Antiquité n'est donc pas atteignable par les élèves. Tout ce qui forme l'ossature sociale, économique, géographique de l'Empire romain est évacué. Un jeune qui lit cela peut se demander si, finalement, les mines de plomb de l'Empire romain ne comptaient pas des autoentrepreneurs affiliés à Uberus ! Une partie de la réalité lui échappe.

Une page très bien faite est consacrée à Paul de Tarse - et je trouve que c'est tout à fait légitime de rendre à César ce qui appartient à César. On nous dit dans les vignettes que Paul de Tarse est juif.

En tant qu'historien et athée, je trouve que ce qui est considérable dans la parole de Paul de Tarse, c'est de transformer la religion chrétienne naissante en une religion universaliste. C'est là la vraie révolution dans l'histoire des religions. Je rappelle que Paul de Tarse dit - Épître aux Galates - 3-28 : « Il n'y a plus ni juif ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme ». Comment peut-on comprendre cela si on n'a pas expliqué auparavant la différence de statut entre les esclaves et les hommes libres, les hommes et les femmes ?

Quand je lis cela, je comprends que les gamins considèrent plus tard la place de la religion comme centrale, puisqu'ils l'ont lu dans les manuels. Ils ont compris que ce qui faisait l'histoire des civilisations, c'était l'histoire des religions.

Je ne discute pas des programmes, mais on a là la parfaite illustration des propos de Jean Zay qu'aime à répéter le sénateur Brisson : la querelle des hommes est entrée dans l'enseignement de l'histoire ! Je pense que ce n'est pas une bonne méthode, et qu'il faut absolument redonner à toutes ces disciplines une indépendance pédagogique bien plus importante, quitte à ce qu'elle n'obéisse pas aux injonctions de la société.

M. Olivier Paccaud. - Madame la présidente, Max Brisson a bien mis en évidence le fait que les programmes sont d'abord le fait du ministre. Néanmoins, l'avis du Conseil supérieur des programmes est important. Il a parfois suscité des polémiques et j'aurais pu cosigner ce qu'a dit Jacques Grosperrin sur l'EMC et la problématique républicaine.

Dans notre société qui connaît une crise morale, une crise de confiance et une crise identitaire, l'école a un rôle clé. On est presque revenu au temps des « hussards noirs » de Péguy. Je ne dis pas qu'il faut des « hussards tricolores », mais le sentiment républicain s'est fortement étiolé. Il faut le ranimer, le ressusciter. L'école et l'histoire ont un rôle majeur à jouer dans ce domaine - c'est le vieil agrégé d'histoire-géographie qui parle.

L'enseignement de l'histoire a été malmené. On a parlé de la chronologie. Vous avez dit que le mot « personnage » est désormais tabou : cela me choque ! Vous avez utilisé le mot « récit » : c'est essentiel pour transmettre la passion et l'amour de la France aux jeunes, quelles que soient leurs origines.

J'ai été heureux de vous entendre parler de géographie, qui est peut-être la matière la plus malmenée dans les programmes. La cartographie a totalement disparu. C'est dramatique ! Ma question est simple et d'actualité. Vous allez rendre un avis sur « Culture et monde antique »...

Mme Souâd Ayada. - « Français et culture antique » : c'est un nouvel enseignement qui a été voulu par le ministre, qui se mettra en place de manière facultative en 6e à partir de la rentrée prochaine...

M. Olivier Paccaud. - Que pensez-vous de cette polémique au sujet des chiffres romains, dont on parle beaucoup ces jours-ci, sacrifiés sur l'autel du nivellement par le tréfonds ? C'est anecdotique, mais pas tant que cela...

Mme Marie-Pierre Monier. - Madame la présidente, mes collègues s'inquiètent, comme vous, du fait que les professeurs pourraient s'affranchir du programme. J'ai été durant 35 ans, professeur de mathématiques. Je ne peux pas dire que les programmes ont été notre bible, mais ils ont au moins été notre livre de chevet. Tous mes collègues ont toujours eu à coeur de suivre le programme, tout le programme, rien que le programme. On a toujours eu conscience qu'un manuel pouvait faire preuve de parti pris. Je voulais donc rassurer tout le monde sur ce sujet.

J'ai été professeure jusqu'en 2014. Max Brisson et Pierre Ouzoulias l'ont dit : les programmes sont faits pour arriver à faire passer des connaissances, mais pas seulement. Ils sont là pour transmettre des compétences, mais il est vrai qu'ils affichent souvent un peu trop de prétentions.

C'est parfois un casse-tête pour les enseignants d'arriver à aborder certaines notions. Je pense par exemple, en troisième, aux identités remarquables, au calcul littéral ou aux vecteurs. Vous avez donc un rôle important pour permettre au plus grand nombre d'enfants d'acquérir un certain nombre de choses. C'est là le noeud de l'enseignement.

Bien entendu, le programme, tout le programme, rien que le programme ne signifie pas que l'on emprisonne la pédagogie des enseignants, qui est totalement libre. C'est à l'enseignant de choisir comment il va mettre en oeuvre et appliquer ce programme.

Je voudrais revenir sur quelques points. Vous avez dit que le principe de laïcité était quelque peu noyé. Nous sommes en plein examen du projet de loi sur le respect des principes de la République. Nous nous penchons sur la laïcité, le fait religieux, mais également sur la formation des professeurs. C'est une thématique importante. N'envisagez-vous pas de vous saisir de ce sujet ? Des travaux sont-ils prévus prochainement sur la question de la formation initiale ou continue des enseignants dans le cadre de votre instance ?

Je reviens sur ce qu'ont dit Max Brisson et Annick Billon à propos des journées d'éducation. Nous ne sommes pas si loin du 8 mars, qui est la journée des droits des femmes. Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, a attiré votre attention sur l'éducation sexuelle qui, bien que figurant parmi les obligations de l'école, n'est pas mise en oeuvre. L'égalité entre les femmes et les hommes apparaît-elle clairement ? Que fait-on pour travailler ce sujet, au lieu de le célébrer un seul jour par an - même si certains enseignants, le 8 mars dernier, ont abordé la question ?

Par ailleurs, existe-t-il, au sein du Conseil supérieur des programmes, des travaux de comparaisons internationales ? Quelles conclusions en retirez-vous ?

Vous avez travaillé sur les programmes du nouveau lycée général, technologique et professionnel. Leur élaboration a suscité beaucoup de débats. Je pense notamment à l'enseignement de spécialités comme humanités, littérature et philosophie (HLP). Pouvez-vous y revenir ?

Enfin, de quelle façon avez-vous imaginé l'articulation entre les différents enseignements communs de spécialités optionnelles pour garantir une approche exhaustive et cohérente ?

Si vous ne pouvez répondre à toutes mes questions en raison du délai contraint de cette réunion, vous pouvez bien évidemment me répondre ultérieurement.

M. Stéphane Piednoir. - Madame la présidente, je vous remercie pour vos propos et je salue le travail du Conseil supérieur des programmes, cette fameuse « fabrique » dont on a parlé tout à l'heure. Même si la décision finale revient au ministre de l'éducation nationale, on sait combien les travaux que vous menez sont importants, et on connaît la pression populaire que vous subissez. On a en effet l'impression d'avoir 67 millions de sélectionneurs, quelle que soit la discipline - certains parlent de 67 millions de procureurs -, voire 67 millions de membres du Conseil supérieur des programmes.

Je me réjouis en tout cas de la volonté que vous avez affichée d'une meilleure coordination entre les cycles. Je m'étonne d'ailleurs que cela ne soit pas inhérent à toute construction des programmes.

Pouvez-vous nous indiquer quels sont les travaux de coordination entre les disciplines d'un même champ ? C'est un sujet extrêmement difficile à mettre en oeuvre dans les différents établissements - j'ai été professeur de mathématiques pendant 25 ans - et à l'intérieur d'une équipe pédagogique.

On entend souvent parler de croissance exponentielle dans à peu près tous les débats, mais la décroissance peut aussi être exponentielle. Mettre en musique les attentes d'un professeur de physique en début d'année de terminale et les prérequis que cela suppose pour un professeur de mathématiques est une mission extrêmement compliquée.

Je reviens en quelques mots sur l'accumulation de connaissances exigibles pour les élèves. Les années passent et les savoirs augmentent avec le temps. La prétention des programmes est absolument délirante dans certains secteurs, tout comme les journées dédiées à différentes causes, ainsi qu'on l'a dit. On a supprimé en commission, dans le cadre du projet de loi sur le respect des principes républicains, la mise en place d'une nouvelle attestation numérique, qui existe déjà dans les faits.

Quel tamis proposez-vous pour retenir ou écarter certains savoirs, certaines notions, certains pans entiers de nos programmes ?

Enfin, avez-vous le temps et la structure pour développer le sens des enseignements dans le cursus des élèves ? Je veux par exemple parler ici du sens critique, qui est évidemment consubstantiel à la formation scientifique mais qui, on le sait, a des vertus dans tous les domaines. Quel regard portez-vous sur ces notions, plus que sur le contenu des programmes et la formation globale qu'elles portent en elles ?

Mme Béatrice Gosselin. - Madame la présidente, je vous rejoins au sujet de l'importance et des enjeux de l'éducation de l'enseignement pour les enfants de trois ans. C'est très important pour l'apprentissage du français. Je parle là avec mon expérience d'enseignante du primaire durant quarante-deux ans.

Max Brisson a dit qu'il fallait laisser vivre les programmes. Je peux vous assurer qu'il est quelquefois compliqué pour les enseignants d'en maîtriser l'ensemble tant les intitulés sont parfois complexes et offrent des interactions entre les disciplines.

Je pense que, pour bien enseigner, il faut maîtriser les choses. Quand on voit les changements de programmes récurrents qui ont eu lieu pendant ces décennies, on peut dire qu'on ne facilite pas l'enseignement ni la maîtrise des disciplines. Les enseignants - et je rejoins ce qui a été dit - se reportent sur des manuels qui comportent parfois des orientations précises. La géographie, dont vous avez parlé, me semble un domaine interdisciplinaire par excellence, mais ce n'est pas le seul.

Ne croyez-vous pas que la complexité des programmes et la fréquence de leur évolution rendent la maîtrise de ces enseignements difficile et contribuent à la baisse des compétences scolaires de nos enfants ? Je crois qu'en primaire, il nous faut vraiment revenir sur des choses pratiques, basiques, et développer le sens critique des élèves. On aura alors gagné notre pari pour les années scolaires suivantes.

M. Julien Bargeton. - Madame la présidente, les algorithmes sont aujourd'hui partout, et la formation des élèves au codage informatique s'apparente à une forme d'alphabétisation qui paraît indispensable pour les préparer à l'économie numérique. On peut en effet parler d'une forme d'illettrisme en matière numérique.

Vous avez évoqué, au début de votre mandat, la refonte du programme informatique pour intégrer le codage. Où en est-on aujourd'hui ? Quels sont les freins, s'agissant de la nécessaire formation des enseignants ? Comment faire pour transformer notre système éducatif et lui faire prendre en compte le fait que, dans vingt ans, le monde aura radicalement changé ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Madame la présidente, j'ai pour ma part énormément de respect pour votre fonction, mais aussi pour votre parcours.

C'est un profond bonheur de vous entendre énoncer clairement le coeur du problème, mais c'est aussi un désespoir insondable car, comme vous l'avez dit, c'est avant tout le ministre qui dirige. Or on a tendance, dans notre pays, à enchaîner les ministres de l'éducation nationale comme l'évêque peut bénir des hosties !

Parce que vous êtes philosophe, madame, vous n'avez pas une seule fois considéré la laïcité comme une valeur - et j'en suis très heureux. C'est un principe républicain. Merci d'avoir évité cette erreur qu'on commet en haut lieu - nous l'avons vu lors d'une récente audition du ministre.

L'État fuit obstinément ses pouvoirs régaliens, que ce soit en matière de justice ou de sécurité - je ne parle pas de battre monnaie : l'Europe s'en est chargée, et c'est un bien. L'Éducation nationale se détourne de sa mission première. C'est, en creux, ce que je pense, mais je crois que c'est ce que vous avez dit, de façon fort respectueuse et avec toutes les précautions qui conviennent.

Il est rassurant de voir une philosophe diriger le Conseil supérieur des programmes. Toutefois, la philosophie va-t-elle selon vous être un jour enseignée autrement ? Comment pouvez-vous faire pour agir dans ce domaine ?

Mme Sonia de La Provôté. - Madame la présidente, je vous remercie de la façon dont vous accompagnez et gérez les travaux du Conseil supérieur des programmes, qui n'a en effet pas chômé. Vous avez eu à coeur de trouver les voies, parfois étroites, pour parvenir à un consensus dans ce qui y est produit, mais parfois aussi dans l'amélioration de ce qui y était préexistant.

Le Conseil supérieur des programmes n'a pas la capacité d'autosaisine. Pensez-vous que ce serait une possibilité intéressante ? Le fait de passer par le ministre empêche peut-être le Conseil supérieur des programmes de s'exprimer sur des questions qui ne sont pas forcément celles du jour pour le ministère.

Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant que le Conseil supérieur des programmes se penche sur le contenu des évaluations, de façon à être en phase avec la conception des programmes qu'il a portée ?

Enfin, on vous reproche d'avoir suggéré que la maternelle était l'antichambre du CP et de l'école élémentaire. Ne faut-il pas repenser tous ces cycles et avoir un continuum entre l'école et la société actuelle ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Madame la présidente, merci pour votre analyse et votre franchise.

Dans un récent sondage de l'IFOP réalisé pour la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), la perception de la laïcité chez les lycéens était particulièrement inquiétante. En effet, 52 % des lycéens, par exemple, se déclarent en faveur du port de signes religieux ostensibles à l'école, contre 25 % dans la population adulte. Dans le même temps, 32 % des lycéens considèrent la laïcité comme un concept totalement dépassé, et cette proportion monte à 54 % chez les lycéens se considérant musulmans. Ces chiffres sont particulièrement problématiques.

Les causes sont évidemment multiples, mais la manière d'aborder cette thématique, parfois avec naïveté mais aussi avec une certaine idéologie relativiste, ne peut-elle l'expliquer ?

Ne pensez-vous pas qu'il soit urgent de remanier les programmes scolaires pour qu'ils redeviennent un outil de cette reconquête républicaine pour notre jeunesse ?

Mme Laure Darcos. - Madame la présidente, l'enseignement de la laïcité est bien sûr fondamental mais on a, en d'autres temps, envisagé d'enseigner le fait religieux à l'école, à la suite d'un rapport de Régis Debray.

Ne croyez-vous pas, en cette période extrêmement tendue, que l'apprentissage des rituels des principales religions monothéistes et du fait religieux à l'école devrait figurer dans les programmes, ce qui permettrait aux professeurs de se former sur la question ?

M. Laurent Lafon, président. - Madame la présidente, existe-t-il un lien entre le Conseil supérieur des programmes et le Conseil d'évaluation de l'école, présidé par Béatrice Gille ?

Mme Souâd Ayada. - Je commencerai par répondre à votre question, monsieur le président.

Le Conseil supérieur des programmes n'est pas une instance d'évaluation et n'a pas les moyens de suivre ni même d'accéder par lui-même à la mise en oeuvre de ce qu'il participe à élaborer. C'est l'inspection générale qui est, dans le cadre de la mise en oeuvre des enseignements, principalement chargée de ce suivi, et l'inspection générale le fait à la demande du ministre, soit dans le cadre de missions ponctuelles, soit dans le cadre de ses missions permanentes.

Vous évoquez le lien avec le Conseil d'évaluation de l'école, récemment mis en place et présidé par Béatrice Gille. Je participe aux travaux du Conseil d'évaluation de l'école, dans le cadre d'un groupe de travail sur l'évaluation des acquis des élèves, mais notre collaboration ne va pas au-delà.

Nous réfléchissons aux moyens de concevoir l'évaluation des programmes scolaires, qui n'est pas une question simple. Le fait de savoir ce qu'est un bon programme scolaire est loin d'être aisé à traiter. C'est une question intellectuellement stimulante, mais difficile.

Vous avez, monsieur le sénateur, souligné la distinction qu'il faut faire entre les programmes scolaires - qui définissent des contenus d'enseignement et disent ce qu'il faut enseigner et ce que les élèves doivent apprendre - et tout ce qui a trait par ailleurs aux pratiques des enseignants. Nous n'avons pas estimé devoir nous prononcer sur ce sujet, qui relève de la liberté pédagogique. On doit s'y tenir. Elle est inscrite dans le code de l'éducation et est bien évidemment indiscutable.

Il faut, je crois, bien articuler cela avec la question des programmes scolaires. Il existe une liberté pédagogique parce qu'il existe des programmes nationaux qui disent ce qu'il faut absolument faire. C'est une liberté qui est réglée, qui constitue un devoir, celui de traiter les programmes tels qu'ils sont formulés à l'échelle nationale.

Vous déploriez implicitement, monsieur le sénateur, à la lecture de ces manuels scolaires, le fait que les programmes et, a fortiori, les manuels scolaires se sentent plus ou moins tenus d'être le reflet des totems et des tabous qui agitent la société.

Pour le dire en toute clarté, il y a des mots interdits, des mots obligés et si nous veillons dans les programmes à garder cette distance par rapport à ce qui agite la société, les manuels scolaires, qui répondent à des impératifs autres, ne se sentent pas tenus à la même distance.

Il y a là un enjeu crucial, qui est de protéger l'école de la société et d'en réaliser une critique scolaire, c'est-à-dire envisager la société dans ses évolutions à partir de ce qu'elle doit fournir aux enfants, qui sont aussi des élèves. La multiplication des journées d'éducation, me semble-t-il, ne va pas dans ce sens.

S'agissant de la religion, le passage que vous avez lu soulève quelque chose de très intéressant, qui est révélateur d'un phénomène assez continu, notamment dans les manuels scolaires. La religion est soit totalement absente là où elle devrait apparaître dans ses aspects culturels et civilisationnels, soit omniprésente, et de manière un peu dogmatique, ramenée à des affirmations indiscutables. J'y vois là un péril qui est peut-être révélateur de notre manière de nous rapporter au religieux dans notre société.

La question du lien entre l'école et la République a ensuite été soulevée. Ce lien va bien évidemment de soi, mais nous vivons aujourd'hui la crise conjointe de l'école et de la République, l'une étant intimement liée à l'autre, sans que l'on sache véritablement laquelle est la première dans l'ordre chronologique. L'une et l'autre s'influencent et chacune intensifie la crise que connaît l'autre. L'enseignement de l'histoire est bien évidemment un élément central de la restauration de l'esprit républicain, mais pas uniquement.

Je crois que tous les enseignements concourent à la restauration de l'idée de République dès lors qu'ils mettent en oeuvre les « valeurs de la République » - même si je n'apprécie pas beaucoup cette expression- que sont cette manière d'être et de penser, ce sens de la liberté et de l'égalité.

La disparition des chiffres romains dans les musées est révélatrice de quelque chose qu'on ne veut pas affronter : l'abaissement du niveau des élèves et de notre niveau intellectuel global dans la société française. C'est un peu brutal de le dire ainsi, mais c'est de la sorte qu'il faut le formuler : je crois que la tenue intellectuelle de notre pays connaît un abaissement général.

Je déplore la manière dont on analyse les différentes enquêtes qui sont menées et qui, toutes, viennent illustrer l'abaissement du niveau de nos élèves, qui sont soit parmi les derniers, soit dans une médiocre moyenne.

Comment nos médias l'analysent-ils ? Faute d'affronter la question pour pouvoir y remédier, on accuse notre système scolaire d'être inégalitaire. C'est souvent ce type d'explications que l'on fournit. Cette notion de niveau, qui a disparu du vocabulaire de la communauté éducative, mériterait d'être rétablie.

Je voudrais évoquer un point qui est revenu dans plusieurs interventions, celui de la question de l'enseignement du fait religieux. L'idée est incontestablement séduisante, et je dirais que, d'un point de vue intellectuel, je n'ai aucune réserve à ce que cet enseignement puisse se mettre en place.

Je rappellerai qu'il est censé l'être. Il est fait mention dans les programmes de l'école élémentaire et du collège, notamment dans l'enseignement de l'histoire, de l'histoire des arts et du français, de la place qui doit être faite à cet enseignement du fait religieux. On semble aujourd'hui le découvrir : c'est un sujet qui, depuis la remise par Régis Debray du rapport sur l'enseignement du fait religieux, en 2002, est présent au coeur de l'éducation nationale.

La question qu'il faut se poser est de savoir pourquoi cet enseignement que les programmes rendent possible n'est pas dispensé. J'évoquerai ici quelques raisons qui me semblent pouvoir éclairer cette situation.

La première tient à la définition même de ce qu'est un fait religieux. On parle maintenant plutôt des faits religieux. Le passage au pluriel ne règle pas le problème de la limitation de ce qu'est un fait religieux, de la difficulté à parler de faits religieux comme on parlerait de faits scientifiques ou de faits historiques.

Il y a là un problème de délimitation. Qu'est-ce qui, dans le religieux, relève du fait, n'en relèverait pas et qu'on pourrait distinguer facilement ? Certes, on peut estimer que les croyances, les représentations, les articles de foi ne relèvent pas du fait religieux, mais ils ne sont pas sans lien. Un professeur ne peut facilement savoir ce qu'il doit faire en enseignant le fait religieux.

La deuxième difficulté tient - vous vous en doutez - à la formation des professeurs. Rien dans leur formation initiale, si ce n'est à de rares exceptions, ne leur permet d'envisager de conduire avec aisance cet enseignement. Il faudrait déployer des moyens colossaux en formation continue pour leur donner les connaissances historico-critiques pour cela. Dans certaines religions, ces connaissances historico-critiques sont en cours de constitution et au coeur de débats entre spécialistes des sciences et de l'histoire des religions. Cela me semble donc une ambition très forte.

Il faudrait aussi - et c'est un point essentiel pour moi - être en mesure d'articuler cet enseignement du fait religieux avec les disciplines pour qu'on puisse maîtriser ce qui relève du fait religieux et de son enseignement. Ceci me semble constituer un défi important, même s'il n'est pas insurmontable.

La troisième difficulté est de savoir ce que l'on vise et ce que l'on souhaite en enseignant le fait religieux. Quelles sont les visées de la Nation ? Quel bénéfice en attend-elle ? Il y a là du non-dit et quelque chose qui relève de la recherche d'une voie pour que notre jeunesse, née dans la culture de l'islam, qui est ou qui se dit musulmane, puisse sortir de l'alternative mortifère entre l'islamisme radical et ce qui lui apparaît, à tort ou à raison - peu importe, ce n'est pas ici mon problème - comme une invitation à renoncer à sa religion, qui est la marque de son identité - là aussi à tort ou à raison. Je ne suis pas sûre que l'enseignement du fait religieux soit la meilleure voie pour cela.

Nous essayons, derrière l'enseignement du fait religieux, l'enseignement de l'arabe, de dessiner cette voie. Je ne suis pas une femme politique, mais je vous livre mon sentiment : je crois qu'il est de notre responsabilité d'oeuvrer à dessiner cette voie qui sorte une partie de notre jeunesse d'une alternative mortifère. C'est là un chantier de réflexions, un chantier massif, pour lequel il faut mobiliser énormément d'esprit, d'énergie, de volonté, et une forme de constance dans la volonté politique. Un Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République oeuvre à cette question. Je crois que vous l'avez reçu.

On évoque l'enseignement de la laïcité. C'est bien sûr une question importante, mais on ne peut estimer que la laïcité est un objet d'enseignement, comme les équations différentielles ou une règle d'accord. Ce que nous devons viser, ce n'est pas tant l'enseignement d'un objet mais de faire acquérir des manières de penser et des manières d'être laïc. C'est cet objectif qui doit guider tous les dispositifs de promotion de la laïcité que nous mettons en place.

Plusieurs questions ont porté sur le renforcement du sens critique de nos élèves. Là aussi, nous serons tous d'accord pour en faire un enjeu majeur, mais il ne faut peut-être pas en faire un objet en soi. Le sens critique, pour être développé, pour être exercé, doit reposer sur des connaissances. Critiquer signifie discerner, juger. Or pour juger, il faut connaître. Un sens critique qui ne s'adosserait à aucun savoir ni à aucune connaissance solide me semble n'être que du vent.

Comment ce sens critique s'aiguise-t-il ? Il s'aiguise au gré de l'apprentissage des disciplines constituées qui figurent dans notre enseignement. Ce sont tous les enseignements qui y participent, et il ne saurait y avoir à mes yeux un enseignement du sens critique en tant que tel.

La question de l'égalité entre les femmes et les hommes est bien sûr dans tous les préambules des programmes, mais il ne faut peut-être pas calquer sans nuance ce qui est une question sociale, incontestablement, et ce qui doit relever de l'école.

Vous avez évoqué la nécessaire coordination entre les disciplines d'un même champ. Nous convenons que cela est souhaitable. Personne ne réfutera l'intérêt de ces perspectives qui donnent un peu de cohérence aux différents enseignements suivis par les élèves.

Il existe cependant des conditions pour que cela se mette en place. Il faut qu'il y ait de réelles affinités entre les professeurs, et je ne suis pas sûre que cela puisse se décider d'en haut. Ces affinités se font au gré des échanges et des relations entre les uns et les autres, et ce sont des relations toujours singulières. Ce serait un tort de vouloir les forcer.

Ce serait aussi une erreur de penser que c'est la panacée de l'enseignement. Notre enseignement secondaire a très longtemps rayonné, alors qu'il était profondément basé sur les disciplines. Cela ne l'a pas empêché de fort bien former des générations d'élèves. Il ne faudrait surtout pas que cela se fasse au détriment des enseignements disciplinaires ordinaires rigoureux.

Je ne suis pas convaincue non plus que cela soit toujours pertinent dans l'enseignement secondaire. Cela me semble à éviter pour l'enseignement primaire. Dans l'enseignement secondaire, qu'essayons-nous de faire ? Nous tentons de dispenser - et nous avons bien du mal à y parvenir - des enseignements élémentaires. On croit que c'est simple : c'est la chose la plus difficile.

La notion de transversalité, qui introduit de la complexité, a toute sa place dans l'enseignement supérieur. Je ne suis pas certaine qu'elle ait sa place dans l'enseignement secondaire.

Enfin, s'agissant de l'enseignement de l'informatique et des questions de codage, vous savez que deux nouveaux enseignements ont été introduits au lycée, l'enseignement commun de seconde « Sciences numériques et technologie », qui fait une part importante à ces questions, et l'enseignement de spécialités des classes de première et de terminale de la voie générale, « Numérique et sciences informatiques ».

Nous essayons de nous adapter à ce que vous décrivez comme une réalité incontournable. Sur le principe, j'y suis favorable à titre personnel, parce que l'informatique est une discipline, un champ de savoir constitué, et il faut sans doute mieux préparer nos élèves à ce savoir exigeant, difficile. Le ministère en a pris toute la mesure. Il existe un Capes d'informatique, et il va y avoir une agrégation d'informatique.

Quant à la remarque de Sonia de La Provôté, oui, le Conseil supérieur des programmes a la capacité de s'autosaisir. C'est inscrit dans le texte de loi qui le définit. Il n'en a jamais eu l'occasion, parce qu'il n'en a jamais eu le temps.

Vous avez soulevé la question essentielle du contenu des évaluations : nous avons eu le souci, dans les travaux sur les programmes des lycées, de demander aux groupes de travail de nous proposer des maquettes pour l'évaluation des candidats à l'examen. Nous avons veillé à ce que l'articulation soit pensée, mais nous n'avons pas pu nous saisir pleinement de cette question centrale du contenu des évaluations.

Quant à votre dernière question à propos de la réflexion sur la notion même de cycle, je crois qu'il est urgent de la mener, non que je sois opposée à la notion de cycle en tant que telle, mais il me semble que des repères indiquant précisément ce qu'il faut faire chaque année, dans chaque classe, qui ne remettent pas les acquis des élèves à la fin du cycle, seraient les bienvenus.

Cela existe, mais ce n'est pas inscrit dans les programmes. Je crois qu'il faudrait que cela le soit explicitement.

M. Laurent Lafon, président. - Merci pour la précision de vos réponses, madame la présidente.

Nous avons apprécié votre franchise, mais aussi la profondeur de votre réflexion. On mesure la complexité de ces questions et les difficultés qu'elles suscitent. Bien qu'elles ne soient pas liées aux programmes eux-mêmes, on les renvoie cependant à votre structure et, de manière plus générale, à l'école.

Merci également au sénateur Brisson, qui a beaucoup insisté - et il a eu raison - pour que vous soyez auditionnée par notre commission.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 heures 25.