Lundi 12 juillet 2021

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 15 heures.

Débat d'orientation des finances publiques (DOFP) - Communication

M. Claude Raynal, président. - Nous entendons aujourd'hui une communication de notre rapporteur général sur le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2022.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Après avoir examiné successivement, depuis avril dernier, le programme de stabilité 2021-2027, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 et le projet de loi de règlement pour 2020, voici cet après-midi une brève communication sur le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques pour 2022. Cela me paraît utile dès lors que ce débat, qui aura lieu jeudi prochain en séance publique, en même temps que l'examen du projet de loi de règlement, doit en principe « présenter la situation et les perspectives de l'économie et préciser la stratégie de finances publiques du Gouvernement », en particulier les orientations pour le prochain budget 2022, que nous devrons examiner à l'automne.

S'il doit nous permettre de préparer l'avenir, le rapport préparatoire au DOFP s'avère finalement relativement pauvre en contenu. S'agissant des perspectives de l'économie et des finances publiques, le rapport qui nous a été transmis est l'occasion pour le Gouvernement de confirmer le scénario macroéconomique qu'il avait présenté à l'occasion du programme de stabilité pour les années 2021 à 2027.

L'hypothèse d'une croissance du PIB en volume de 5 % en 2021 est ainsi maintenue. Comme je l'ai indiqué lors de l'examen du PLFR, cette hypothèse est raisonnable quoique prudente.

En effet, plusieurs éléments permettent de penser qu'elle pourrait être dépassée. À titre d'exemple, si le niveau d'activité devait rester le même qu'en juillet jusqu'à la fin de l'année, la croissance pourrait atteindre 5,3 % d'après les données de la dernière note de conjoncture de la Banque de France. Je mesure l'immense fragilité de ces prévisions, alors que nous sommes confrontés à une recrudescence des contaminations et que l'hypothèse de nouvelles mesures de restriction est loin d'être exclue.

Je le redis donc avec lucidité : toutes les projections macroéconomiques avec lesquelles le Gouvernement travaille seraient évidemment obsolètes si la crise sanitaire devait à nouveau s'aggraver.

Sous cette réserve, je relève que les perspectives qui sont les nôtres en matière de croissance de long terme ne sont pas réjouissantes. Vous le savez, la crise a réduit notre PIB potentiel d'environ 2,25 points. Même si le Gouvernement retient une hypothèse différente, il apparaît vraisemblable que la croissance potentielle a également décru par rapport à son niveau d'avant-crise. Ainsi, alors que le Gouvernement prévoit toujours une croissance potentielle de 1,35 % du PIB au cours du prochain quinquennat, elle pourrait, en réalité, se limiter à 1,2 % du PIB.

Cette très mauvaise nouvelle devrait appeler une mobilisation importante afin de déterminer les mesures, budgétaires ou non, qui peuvent permettre de redresser la trajectoire de notre PIB potentiel. Pourtant, le rapport préparatoire au DOFP ne mentionne aucune piste, ce qui est parfaitement regrettable.

J'ai déjà indiqué mon attachement à ce que les dépenses ou investissements d'avenir, en particulier dans les champs de la transition écologique ou de la formation, soient soutenus.

J'en viens maintenant à la trajectoire des finances publiques présentée par le Gouvernement à l'occasion de ce débat d'orientation des finances publiques.

Comme vous le savez, la situation financière de notre pays ressort particulièrement dégradée de cette crise qui a entraîné une contraction forte des recettes publiques et une hausse des dépenses, notamment de soutien au tissu productif et aux ménages.

Nous devrions terminer l'année 2021 avec un déficit de l'ordre de 9,4 % du PIB après 9,2 % en 2020. Notre endettement s'est envolé pour passer de 97,6 % du PIB en 2019 - c'était déjà excessif - à 117,2 % en 2021.

Nos finances sont d'autant plus dégradées aujourd'hui qu'elles n'avaient pas été suffisamment assainies avant la crise, ce que nous avons déjà eu l'occasion de pointer du doigt et de regretter.

La trajectoire des finances publiques qui est présentée au rapport préparatoire est la même que celle détaillée au programme de stabilité, sous réserve de quelques actualisations concernant les années 2021 à 2023.

Celles-ci sont justifiées par la révision à la hausse du PIB, compte tenu de l'ampleur moindre de la récession en 2020 que ce qui était attendu ; par l'ouverture en loi de finances rectificative pour 2021 d'environ 14 milliards d'euros de crédits supplémentaires au titre des mesures de soutien ; et, enfin, par une révision de la prévision de l'inflation hors tabac en 2023.

Le point saillant de cette trajectoire est évidemment l'objectif d'une baisse des dépenses publiques en proportion du PIB à partir de 2023, d'une stabilisation de la dette à compter de 2026 et d'un retour au seuil maastrichtien du solde public en 2027.

J'ai déjà indiqué que je considérais que le choix de l'année 2023 pour entamer la réduction de la dépense publique me paraissait pertinent. En effet, une consolidation trop précoce serait susceptible d'avoir un effet négatif sur la croissance et viendrait potentiellement ruiner les efforts consentis pendant la crise pour soutenir notre tissu productif.

Pour ceux qui, comme moi, plaident pour une maîtrise de nos dépenses, décider de consolider trop tôt reviendrait à risquer d'avoir dépensé en pure perte en 2020 et 2021, sur le dos des générations futures.

Cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas arrêter les mesures de soutien et l'économie « sous perfusion » dès que possible. Au contraire, il faut penser « relance » et « investissements d'avenir », tout en maîtrisant les dépenses de fonctionnement et en préparant les réformes nécessaires, j'y reviendrai.

Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit dans mon analyse sur le programme de stabilité, cette trajectoire de maîtrise de la dépense publique est à la fois inédite et ambitieuse.

Inédite, d'abord, parce qu'elle repose sur l'objectif de maintenir la croissance en volume de la dépense publique primaire, hors mesures de soutien et de relance, en dessous de 0,3 % par an au cours du prochain quinquennat. Un tel niveau n'a été constaté que deux fois au cours des vingt dernières années et jamais deux années de suite.

Ambitieuse, ensuite, car elle requiert de mettre en oeuvre un volume important d'économies entre 2022 et 2027.

Il faut, pour mesurer l'effort demandé, évaluer le tendanciel d'évolution de notre dépense publique primaire. La commission pour l'avenir des finances publiques, présidée par M. Jean Arthuis, avait, à cet égard, estimé ce tendanciel à 0,9 % par an. Nous n'étions pas entièrement d'accord avec les hypothèses sous-jacentes à cette estimation, qui nous paraissait susceptible d'être en deçà de la réalité. D'une part, elles reposaient sur une croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 3,1 %, alors que celle-ci devrait être plus proche de 4,5 %. D'autre part, elles retenaient une indexation du point d'indice de la fonction publique équivalente à la moitié de l'inflation, alors que l'on considère généralement, dans ce type d'exercice, que le scénario de référence doit retenir une pleine indexation. En tenant compte de ces éléments, nous avions estimé, lors de l'examen du programme de stabilité, que le tendanciel d'évolution de la dépense publique primaire se situait plutôt autour de 1,3 % par an.

En tout état de cause et quel que soit le tendanciel retenu, les économies à réaliser sont majeures. Ainsi, avec le tendanciel retenu par la commission pour l'avenir des dépenses publiques, les économies nécessaires pour respecter la trajectoire prévue au cours du prochain quinquennat s'élèveraient à 45,8 milliards d'euros. Avec le tendanciel alternatif que nous avons estimé, elles atteindraient 69,1 milliards d'euros !

Or, les mesures d'économies envisagées par le Gouvernement ne sont pas plus documentées maintenant qu'en avril dernier. Aucune piste réelle de réforme n'est avancée, aucun travail de fond ne semble à ce stade réalisé. Peut-être seront-elles annoncées ce soir à l'occasion de l'intervention du Président de la République ? Je l'ignore naturellement.

Cette absence de stratégie pour réaliser un effort en dépense aussi important et nécessaire est véritablement préjudiciable. Elle entame la crédibilité des engagements que nous prenons, en particulier vis-à-vis de nos partenaires européens. Elle pourrait peser aussi sur nos capacités d'endettement sur les marchés financiers. Elle pousse à s'interroger, par ailleurs, sur le sens même de cet exercice consistant à réunir le Parlement pour qu'il débatte d'informations qu'on lui a, pour l'essentiel, déjà transmises et qui n'éclairent toujours pas sa décision.

S'agissant du contenu concret du projet de loi de finances pour 2022, il y a peu à dire, car nous ne disposons pas encore du « tiré à part » qui doit indiquer les crédits des ministères et les schémas d'emplois pour l'an prochain.

Il est simplement indiqué que les dispositifs d'urgence s'éteindront à l'été 2021 et que certaines politiques se poursuivront en 2022, comme le plan de relance et l'accroissement des moyens des missions régaliennes, sans chiffre précis. Le rapport entérine l'abandon définitif des objectifs de diminution des emplois de l'État et de ses opérateurs, à savoir la suppression de 50 000 postes durant le quinquennat, une simple stabilité étant désormais recherchée.

Une réforme est toutefois annoncée pour le projet de loi de finances pour 2022 : l'instauration d'un régime unifié de responsabilité des comptables et des ordonnateurs, qu'il nous appartiendra de suivre avec attention.

Le rapport préparatoire au débat d'orientation sur les finances publiques indique également, dans son tome II, la maquette budgétaire envisagée, conformément au 4° de l'article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Une seule modification est envisagée par rapport à la loi de finances initiale pour 2021 : dans la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », les programmes 167 « Liens entre la Nation et son armée » et 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » fusionneront. Cela est présenté comme une simplification. Je rappelle néanmoins que le programme 167 représente seulement 37,8 millions d'euros en loi de finances pour 2021, contre près de 2 milliards d'euros de crédits pour le programme 169.

En outre, selon le fichier annexé au rapport, la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » disparaîtrait de la maquette budgétaire. Mais c'est ce que prévoyait déjà le rapport préalable au DOFP l'an dernier...

Enfin, s'agissant de la performance, l'accent devrait être mis sur les objectifs environnementaux ou relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le dispositif de performance comprendra 429 objectifs et 856 indicateurs, en augmentation de 1 % par rapport au PLF pour 2021. Mais 91 % des indicateurs ne seront pas modifiés.

D'une manière générale, ce rapport préparatoire est, une nouvelle fois, décevant en ce qu'il ne nous permet pas de comprendre de quelle manière sera engagée la nécessaire maîtrise des finances publiques au cours des années à venir, ni les grandes directions que le Gouvernement compte proposer dès le prochain projet de loi de finances.

Il s'agit donc d'un exercice obligé qui, faute de contenu, prive le Parlement d'un vrai débat politique avant le budget. Voilà une occasion manquée de retisser les liens de confiance nécessaire à la vitalité de notre démocratie.

M. Roger Karoutchi. - Une « occasion manquée » ? On le dit, hélas !, tous les ans... On sait très bien que les réformes structurelles ne peuvent être réalisées qu'au cours des deux premières années du quinquennat. Or, on n'en a pas fait en 2017-1019, pour diverses raisons : il y a eu les « gilets jaunes », puis est survenue la pandémie et le « quoi qu'il en coûte ». La dette s'est envolée, mais nul ne s'inquiète. Alors que le ministre du budget jugeait, il y a deux ans encore, irréalistes des amendements coûtant un million d'euros, on compte désormais par milliards !

La situation est catastrophique. Les hypothèses macroéconomiques retenues semblent optimistes à l'heure où la pandémie redémarre. Le Sénat avait pourtant alerté sur le risque d'une quatrième vague, en vain... Je suis convaincu que la croissance ne sera pas de 5,3 % : de nouvelles mesures sanitaires restrictives auront un effet sur la croissance, et, à quelques mois de l'élection présidentielle, il faut s'attendre à d'autres mesures de dépenses. La dette ne diminuera donc pas. Les hypothèses retenues par l'exécutif pour ce débat d'orientation ne sont donc pas en adéquation avec la réalité. C'est désespérant. Le Gouvernement n'écoute pas nos recommandations, non plus que celles de la Cour des comptes. Alors qu'historiquement la mission du Parlement était de consentir à l'impôt et de surveiller la gestion du Gouvernement, il n'a plus guère de prises sur les finances publiques.

M. Claude Raynal, président. - Je salue votre optimisme ! Les orateurs suivants seront-ils plus optimistes ?

M. Jean-François Rapin. - Le rapport prévoit un retour au seuil maastrichtien du solde public en 2027. Le pacte de stabilité a été mis en veille jusqu'en 2022. Si celui-ci est remis en vigueur à partir de 2023, la France se retrouvera en infraction pendant 5 ans ! Enfin, le calcul de la dette publique intègre-t-il les 40 milliards d'euros que l'on a empruntés à l'Europe au titre du plan de relance européen ?

Mme Christine Lavarde. - Si nous présentions un tel document budgétaire dans les collectivités locales où nous siégeons, nous serions chahutés par l'opposition ! Le rapport n'est guère prospectif, si ce n'est dans un tableau qui concerne des années postérieures à 2022, ce qui n'engage guère le Gouvernement... Il est aussi remarquable d'y lire que « la hausse significative des dépenses des collectivités territoriales ne s'explique pas entièrement par les transferts successifs de compétences », que « la démarche de contractualisation pour la maîtrise de la dépense locale engagée à partir de 2018 a porté ses fruits » et qu'il conviendra de « déterminer les moyens de la poursuivre ». En somme, l'effort de redressement des finances publiques reposera sur les collectivités territoriales ! Mais celles-ci ont un budget de fonctionnement qui doit être équilibré et ne peuvent s'endetter que pour financer les dépenses d'investissement. Le rapport explique que certaines administrations publiques locales (APUL) ont vu leurs dépenses augmenter, notamment la Société du Grand Paris, mais les dépenses de cette dernière sont des dépenses d'investissement. À aucun moment, le rapport ne s'interroge sur les dépenses de fonctionnement de l'État ! Ce document reste muet sur l'avenir et n'est donc pas un document d'orientation.

Mme Isabelle Briquet. - Je ne peux que déplorer l'absence de mesures concrètes dans ce rapport. On peut comprendre l'objectif de maîtrise de la dépense publique, mais, dans ce cas, il faut dire comment on compte procéder et quelles dépenses on réduit ! Le rapport ne dit rien non plus sur les recettes : aucune piste pour parvenir à une taxation plus juste. Notre groupe avait formulé des propositions en faveur d'un système fiscal plus redistributif. En vain. C'est pourtant un sujet essentiel. Je noterai toutefois un élément positif, l'augmentation des critères de performance relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Christian Bilhac. - Je partage les constats de notre rapporteur général. On sait que 2022, année d'élections, sera une année blanche sur le plan des réformes ; il ne faut pas non plus entraver la reprise. Cette année devrait donc être consacrée à une « gestion notariale » des affaires, comme le disait un ancien Premier ministre.

Le rapport mentionne les collectivités territoriales. Je veux rappeler leur rôle essentiel en matière de commande publique - notamment en ce qui concerne le BTP -, et donc pour la croissance et l'emploi. Or, les fourmis « collectivités » en ont assez de prêter à la cigale « État ». Il est temps que celui-ci se concentre sur ses missions régaliennes : la sécurité, la justice, etc. Des transferts de compétences supposent évidemment des transferts de charges, mais cela vaut mieux que des contributions à fonds perdu, et on a vu, avec le transfert des lycées et des collèges, que les collectivités faisaient mieux que l'État. Nos universités sont parfois dans un tel état qu'elles risquent de devenir de véritables « taudis » si elles ne sont pas confiées aux régions. Je plaide pour un examen global de la dépense publique assorti d'un nouvel acte de décentralisation.

M. Marc Laménie. - Merci à notre rapporteur général qui a réalisé ce travail délicat de chiffrage à l'occasion de la préparation du DOFP. Quel sera le coût de l'abandon de l'objectif de réduction de 50 000 postes publics ?

M. Pascal Savoldelli. - On peut légitimement s'interroger sur la valeur politique de ce débat d'orientation. Quelle sera la portée de nos interventions, y compris celles des parlementaires de la majorité ? Il est beaucoup question dans le rapport de maîtrise de la dépense publique, mais j'aurais aimé que l'on parle aussi de la recette publique. On ne peut dépenser que ce que l'on a !

Nous arrivons aux termes d'un mécanisme institutionnel qui ne satisfait plus personne. Il est temps de réviser la loi organique relative aux lois de finances et la Constitution afin de trouver une manière démocratique satisfaisante de discuter du budget. Je sais que MM. Woerth et Saint-Martin y travaillent. Les initiatives parlementaires sont bridées. Il en résulte un décalage avec l'opinion publique auquel chaque majorité est confrontée.

Mme Sylvie Vermeillet. - Je voudrais savoir comment notre rapporteur général entrevoit la réforme des retraites ? Êtes-vous favorable à un recul de l'âge de départ à la retraite ? À une suppression des régimes spéciaux ?

M. Rémi Féraud. - Même si nos approches sont très différentes, nous convergeons pour constater qu'en termes de finances publiques, ce quinquennat a été un quinquennat pour rien ! Le Gouvernement a brillé par son absence de choix ou par ses choix discutables, comme sur la politique du logement. En matière fiscale, il a repris d'une main ce qu'il donnait de l'autre. Sa politique de l'offre ne s'est pas accompagnée d'une réduction des dépenses publiques, et cela était déjà le cas avant la crise. Comment les autres grands pays européens envisagent-ils l'évolution de leurs dépenses publiques en 2022 et à l'avenir ?

M. Claude Raynal, président. - On reviendra au seuil maastrichtien du solde public en 2027. Mais l'essentiel n'est-il pas plutôt de rester en dessous du seuil de soutenabilité de la dette ? La question de la réécriture du pacte de stabilité sera sur la table. La France, en tant que deuxième économie européenne, aura son mot à dire et pèsera dans le débat.

Il faut aussi poser la question des recettes. Il est difficile de comprendre comment on a pu renoncer à 16 milliards de recettes fiscales l'année même où le PIB s'effondrait de 9 % ! Il est alors facile de dire que la dette s'est accrue et qu'il faut réaliser 60 milliards d'euros d'économies... En tant que parlementaires, nous devrons tous prendre part à cette discussion. Les principes ne suffiront pas, il faudra faire des propositions, examiner les recettes comme les dépenses. Ce débat d'orientation ne réglera pas la question, mais celle-ci, ne nous y trompons pas, sera au coeur de la présidentielle !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis d'accord avec Roger Karoutchi, il y a là une occasion manquée, un exercice obligé et peut être même un goût d'inachevé. Nous sommes tous d'accord sur le constat. Le Gouvernement a essayé de réformer au début, avec le succès que l'on sait : souvenez-vous de la taxe carbone et de la colère sociale qui a suivi, bloquant toute initiative. Puis la crise sanitaire est arrivée. Finalement, peu de réformes ont été réalisées. La réflexion sur les recettes et les dépenses n'a pas avancé. On voit que le débat portera surtout sur la création de nouvelles recettes, venues de l'extérieur, grâce aux échanges mondiaux. Mais on ne pourra pas continuer longtemps cette politique de l'autruche, en refusant de s'interroger sur nos choix et sur nos arbitrages.

Jean-François Rapin, la France recevra 40 milliards d'euros de l'Europe au titre du plan de relance sous forme de subventions : cela n'accroît pas notre dette, car c'est l'Union européenne qui s'endette, mais il est vrai que la contribution nette de la France au budget européen augmentera.

Rémi Féraud, je ne sais pas s'il s'agit d'un « quinquennat pour rien » ; la pandémie a joué. Il n'en demeure pas moins toutefois que la situation relative des pays européens au regard des grands indicateurs économiques et financiers a peu évolué, et que les termes du débat ont, finalement, peu changé.

La réforme des retraites est avant tout une question de démographie et d'économie : la France, avec son système de protection sociale, dépense beaucoup pour les premières années de la vie et pour les retraites ; elle devra encore accroître ses dépenses en raison du vieillissement de la population et pour financer la perte d'autonomie. Peu de choses ont changé depuis 2009. Chacun est d'accord pour dépenser plus afin de prendre en charge la dépendance, mais nul n'est d'accord sur le financement, la répartition entre le public et le privé, etc. La France n'est pas non plus la mieux placée en Europe en termes de temps de travail pendant la vie active et de création de richesses. Nous devons déterminer le taux de retraite par rapport au salaire que nous souhaitons, ainsi que le montant des dépenses sociales.

Oui, Pascal Savoldelli, nous ne pouvons qu'être frustrés par la portée politique, limitée, du débat. Il convient de prendre la mesure de l'insatisfaction des Français. La situation est préoccupante : ils réclament davantage de proximité, mais l'abstention n'a jamais été aussi élevée pour des élections locales...

Le débat sur les recettes et les dépenses sera au coeur de l'élection présidentielle. Nous devrons expliquer les enjeux avec lucidité et vérité, autrement nous devrons craindre une sanction des électeurs, qu'ils s'abstiennent massivement ou expriment leur ras-le-bol d'une manière ou d'une autre : après le ras-le-bol fiscal, on sent poindre désormais un ras-le-bol électoral, ce qui n'est jamais bon en démocratie...

Il est temps que l'État et les collectivités territoriales cessent de se renvoyer la balle. Il est faux de dire que la dette provient d'une mauvaise gestion des collectivités. Nul ne gagnera à ces accusations. Quant à l'égalité entre les hommes et les femmes, je jugerai sur pièces, je me méfie des effets d'annonces : il est ainsi beaucoup question de verdissement du budget, mais l'écart est grand entre le vert foncé annoncé et vert pâle des réalisations.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie.

La réunion est close à 15 h 50.