Jeudi 30 septembre 2021

Table ronde sur les conditions et les perspectives de la reprise économique

La séance est ouverte à 9 heures.

M. Serge Babary, président de la délégation aux entreprises. - Bonjour chers collègues. J'éprouve beaucoup de plaisir à retrouver les interlocuteurs de la délégation aux entreprises et à vous accueillir, M. Pierre Goguet, président de CCI France, pour les Chambres de Commerce et d'Industrie ; M. Joël Fourny, président de CMA France pour les Chambres des Métiers et de l'Artisanat ; M. Christophe Beaux, délégué général du MEDEF et M. Dominique Métayer, président de l'U2P (Union des Entreprises de Proximité).

Comme vous le savez, notre délégation s'est particulièrement mobilisée pour relayer les difficultés rencontrées par les TPE, les PME et les ETI pendant la crise sanitaire. Nous estimons qu'il est également de notre devoir d'agir pour lever les contraintes inutiles et non justifiées par l'intérêt général.

La question de la relance nous rassemble aujourd'hui, car il nous apparaît essentiel de vous entendre pour connaître les principaux obstacles que rencontrent les entreprises que vous représentez.

La reprise est unanimement attendue, mais un certain nombre d'obstacles demeurent. L'actualité récente a notamment mis en lumière le plan d'investissement dans les compétences et la réforme de l'assurance chômage. Nous souhaitons vous entendre sur les conséquences concrètes de la crise sur le commerce extérieur et sur les difficultés d'approvisionnement et comprendre vos priorités actuelles.

La question des pénuries de compétences a fait l'objet d'un rapport de notre délégation en juin 2020. Nous souhaitons comprendre les difficultés concrètes que rencontrent les entreprises, notamment la complexification des règles de financement de la formation professionnelle qui concerne les entreprises de 50 à 300 salariés.

Je vous propose un premier tour de table avant de laisser place aux échanges.

Je rappelle que cette table ronde qui nous réunit dans la salle Médicis du Sénat est également suivie en visioconférence. La vidéo sera mise en ligne sur le site du Sénat.

M. Pierre Goguet, président des Chambres de Commerce et d'Industrie (CCI France). - Au nom de mes collègues, je remercie la délégation aux Entreprises du Sénat de prêter une nouvelle fois attention aux entreprises et aux organisations professionnelles qui les représentent et de nous entendre sur les perspectives de relance et de sortie de crise.

L'enquête que nous venons de réaliser auprès des Chambres de Commerce et d'Industrie révèle deux éléments. Passage inaudible [0 :04 :48 - 0 :05 :05].

- Un consensus se dégage pour saluer la réactivité dans le traitement des dossiers. L'État s'est trouvé au rendez-vous des entreprises.

- Le passage du « quoi qu'il en coute » au « sur-mesure » à partir du mois d'octobre est généralement bien perçu et compris par les chefs d'entreprise. Néanmoins, les secteurs encore fragiles seront suivis attentivement - le fonds de solidarité classique reste notamment maintenu pour l'outre-mer. Par ailleurs, le seuil de 50 % du chiffre d'affaires paraît élevé pour certaines entreprises. Nous restons donc vigilants aux éventuelles difficultés liées à la sortie du dispositif, car nos réseaux sont missionnés à cette fin.

La relance forte que nous avions anticipée est constatée. Toutefois, des difficultés sectorielles et territoriales apparaissent. Le tourisme international indispensable à l'activité parisienne demeure notamment absent. Les hôteliers et restaurateurs parisiens et de grandes métropoles se trouvent en grande difficulté tandis que les homologues de la côte ont connu un été satisfaisant dans la plupart des régions.

L'apparition de problématiques nouvelles et susceptibles de percuter la relance nous inquiète.

Constatées dans certains secteurs, elles ont tendance à s'étendre. Elles génèrent des augmentations de couts marquées que nos entreprises répercutent difficilement sur leur prix. Leur marge et leur résultat risquent d'en pâtir.

Elle existait avant la pandémie, mais elle s'est aggravée : Pôle Emploi a recensé seize métiers en tension en 2021. La plupart des entreprises rencontrent des difficultés de recrutement. Une analyse comportementale de l'appareil de formation est nécessaire, car les problèmes de compétences et de formation constituent la matrice de toutes ces réformes. Or, le facteur temps demeure essentiel et nous avons des urgences à gérer.

Siégeant au conseil d'administration de Business France, je connais la forte motivation des TPE-PME pour le commerce international. Elle se heurte pourtant au positionnement sectoriel de la France - les secteurs de l'aéronautique et de l'automobile sont très touchés par les effets de la pandémie, notamment par la pénurie de composants - et à la limitation des déplacements. Les visioconférences ne suffisent pas toujours, même si nos PME ont suivi 250 webinaires pour connaître toutes les clés de lecture par filière et par pays. Certaines ont ainsi pu réaliser des affaires en distanciel, mais le contact reste essentiel pour garantir la confiance indispensable aux métiers du commerce. Nos concurrents à travers le monde restent d'ailleurs mobilisés : l'Afrique profite notamment d'une période de relative immobilisation pour affirmer sa présence sur le terrain.

Fin 2020, des enquêtes OpinionWay révélaient l'optimisme prudent des chefs d'entreprises : ils étaient un tiers à envisager l'avenir positivement. Aujourd'hui, l'optimisme est affirmé : plus de 50 % des chefs d'entreprises envisagent de vraies perspectives, y compris à l'international.

Nos chambres et nos réseaux consulaires restent extrêmement mobilisés. Nous recevons de la part du gouvernement des objectifs précis en matière d'accompagnement aux transformations (numérique, RSE) et de détection des entreprises en difficulté, car la sortie demande une vigilance particulière. Le plan de relance Export présenté par Franck Riester vise à redonner aux entreprises les moyens de se projeter à l'international, notamment grâce aux chèques de relance export. Nos objectifs en volumétrie ont tous été dépassés. Fin 2020, à la demande de Madame Agnès Pannier Runacher, nous avons notamment contacté 35 000 entreprises industrielles pour leur vendre le plan de relance et les outils propres à l'industrie. Aujourd'hui, nous déployons des actions particulières en faveur des investissements bas carbone.

M. Joël Fourny, président des Chambres de Métiers et de l'Artisanat (CMA France). - Nous vous remercions de nous entendre ce matin, car il nous paraît important de vous faire un retour sur la situation économique du secteur de l'artisanat.

Une étude Qualitest réalisée par CMA France révèle un optimisme des entreprises artisanales plutôt élevé pour les six prochains mois et les années futures. 77 % des entreprises artisanales considèrent notamment que l'évolution de l'activité de leur entreprise se stabilise ou s'améliore.

À l'heure de la relance, il est important de constater que l'artisanat envisage l'avenir de manière positive. Il s'est plutôt stabilisé pendant la crise sanitaire : le secteur de l'alimentation est resté résilient et les secteurs des services et de la fabrication ont renforcé leur développement en mettant en place de nouveaux dispositifs. Les outils numériques leur ont notamment permis de garder le contact avec leurs clients. Le secteur du bâtiment reste en forte tension pour d'autres raisons. Il assure sa pérennité et son développement est très important.

Toutefois, le réseau des CMA reste prudent et mobilisé pour suivre régulièrement la rentabilité et la solvabilité des entreprises artisanales. Leur état de santé économique et leurs perspectives s'améliorent. Les difficultés liées à la crise sanitaire affectent peu leur rentabilité actuelle. Les enjeux concernent davantage les mois à venir.

36 % des chefs d'entreprise ont une bonne opinion de la situation économique de leur entreprise, soit 7 points de plus qu'en mai 2021.

Le nombre de radiations annuelles s'élève régulièrement à 90 000. En 2020, il a été inférieur de 5 à 10 % aux relevés des années 2018 et 2019. Au premier semestre 2021, la tendance se confirme : le nombre d'immatriculations dépasse largement celui du premier semestre 2020 et le solde de créations nettes s'établit à 31 500 entreprises. Le secteur de l'artisanat affiche donc une forte progression.

Les artisans résistent, mais ils font aussi face à plusieurs problématiques.

99 % des métiers sont en tension en raison de la pénurie de main-d'oeuvre.

Les difficultés engendrées ralentissent sérieusement la possibilité de développement des entreprises artisanales, notamment dans les secteurs du bâtiment et de la production industrielle. En effet, de nombreuses entreprises artisanales de sous-traitance sont pénalisées par la baisse d'activité des clients et donneurs d'ordres.

Nous avons décidé d'accompagner les entreprises artisanales sur ces thèmes qui figurent parmi leurs préoccupations prioritaires. Les contractualisations signées avec l'État prévoient notamment un accompagnement aux diagnostics numérique et énergétique.

Sur l'ensemble de nos CFA, la formation progresse de 8 % entre les rentrées 2020 et 2021. Le nombre d'entreprises artisanales engagées dans la formation initiale et l'apprentissage a aussi largement augmenté.

L'enjeu de la transmission et de la reprise d'entreprise est capital, car 300 000 entreprises doivent être cédées dans les dix prochaines années. 8 % d'entre elles, soit près de 130 000 entreprises, sont potentiellement à reprendre dans les deux ans à venir. Le réseau mettra donc en oeuvre toutes les actions possibles pour les accompagner.

Nous avons soutenu les entreprises tout au long de cette période difficile. Nous avons développé de nombreux contacts avec nos 1,7 million d'entreprises artisanales. Toutes les Chambres de Métiers se sont fortement mobilisées pour accompagner les entreprises sur les volets financier, numérique et digital.

Nous restons fortement impliqués pour accompagner et soutenir nos entreprises sur la partie financière, car les prochains remboursements de dettes sont susceptibles de générer des tensions. Nous veillerons à leur bon déroulement et solliciterons le gouvernement le cas échéant.

Les entreprises et le secteur ressentent favorablement toutes les mesures instaurées par le gouvernement pendant la crise. Ils n'envisagent pas de maintenir le « quoi qu'il en coute » et consentent à le réserver aux activités qui connaissent des difficultés. Ils sont ouverts à d'autres mesures de reprise.

M. Christophe Beaux, délégué général du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF). - Mes propos liminaires se rapprocheront fortement de ceux du Président Fourny et surtout du Président Goguet, lequel est par ailleurs membre du conseil exécutif du MEDEF.

Nous sentons effectivement une montée de la confiance des chefs d'entreprise dans l'avenir.

- Seuls 20 % des patrons de PME-TPE considèrent qu'ils sont en difficulté aujourd'hui. Ce niveau est le plus bas observé depuis 2017.

- 58 % des dirigeants de PME-TPE comptent investir cette année. L'investissement a compté pour beaucoup dans le rebond de la croissance au deuxième trimestre 2021.

Je propose d'aborder les questions proposées selon trois angles d'étude. Quelles actions l'État ne peut-il absolument pas envisager ? Dans quelles situations l'État joue-t-il un rôle parfois contre-productif ? Dans quelles situations l'État peut-il réellement soutenir la croissance ?

Les pénuries sont ponctuelles. Elles concernent des matériaux de construction et des semi-conducteurs. Elles sont liées à l'accroissement des difficultés logistiques pendant la crise sanitaire. En amont de la production, l'arrêt de certaines usines a provoqué des ruptures dans la chaîne d'approvisionnement (extractions minières au Chili ou au Pérou). La phase intermédiaire de logistique a subi les perturbations du transport maritime. Enfin, en aval de la production, les phénomènes de stockage et de déstockage peuvent accentuer les pénuries.

L'État n'y peut rien, car nous vivons dans une économie mondialisée et devons prendre en compte ces facteurs exogènes. Ces pénuries peuvent provoquer des regains d'inflation comme aux États-Unis où l'inflation tangente actuellement 4,5 à 5 %. L'INSEE vient de publier une indication d'inflation à 2,1 % pour la France. La puissance publique doit-elle favoriser ou non cette situation ?

Nous sommes parfois surpris de voir que le gouvernement peut provoquer un cercle vicieux sur le plan de la politique salariale. Si certaines revendications étaient accordées, elles engendreraient une hausse des prix, de l'inflation et des salaires difficile à maîtriser. Il convient donc de rester prudent, car la question des salaires relève de la branche, voire de l'entreprise. Au sein d'une branche, les entreprises peuvent vivre des situations extrêmement différentes. C'est pourquoi le dialogue doit avoir lieu.

Nous savons que certains métiers demeurent en tension ; d'autres ont été particulièrement affectés par la crise et méritent des récompenses. Toutefois, l'État n'a pas à intervenir dans le cercle vicieux potentiel entre les prix, les salaires et l'inflation.

Nous avons constaté l'apparition de nouvelles tensions sur le marché du travail. Nous savons qu'elles préexistent à notre économie qui connaît la plus forte inadéquation des pays de l'OCDE entre le chômage de masse persistant et le volume d'emplois non pourvus. La crise sanitaire a aggravé cette situation, notamment dans le secteur des HCR.

Cette situation relève des partenaires sociaux. Il convient d'envisager des solutions en encourageant l'attractivité de certains métiers d'une part - la revalorisation éventuelle des salaires doit être décidée par les chefs d'entreprises ; en renforçant les compétences et la formation professionnelle, d'autre part.

La réforme de 2018 se révèle peu efficace. L'individualisation du CPF et sa déconnexion des besoins de l'entreprise montrent les limites du dispositif. Les partenaires sociaux ont inscrit ce sujet à leur agenda. Ils signeront sous peu avec l'U2P, le MEDEF et les syndicats de salariés, un accord relatif à la formation professionnelle qui comprend 49 propositions pour améliorer l'accord de 2018. Nous espérons ainsi, à moyen ou long terme, une amélioration de l'adéquation entre les besoins des entreprises et l'offre des salariés.

Le budget (PLF ou PLFSS) constitue un outil assez évident. La stabilité fiscale et le respect des engagements pris, comme la baisse du taux d'IS à 25 %, sont essentiels pour donner aux entrepreneurs la visibilité dont ils ont besoin pour investir et projeter leur business plan.

D'un autre côté, certaines dépenses demeurent inconnues, comme celles que prévoit le plan d'investissement « France 2030 » pour construire l'avenir. L'augmentation des charges courantes se poursuit. Elle représente onze milliards d'euros. Nous ne sous-estimons ni les difficultés endémiques de Marseille, ni le devoir de mémoire à l'égard des Harkis, ni les difficultés que rencontrent les ménages modestes pour payer leur facture de chauffage. Néanmoins, l'accumulation de ces dépenses incite les contribuables et les chefs d'entreprise à épargner par précaution.

La Banque de France estime que 157 milliards d'euros ont été thésaurisés par les Français. Pour que cet argent revienne dans le circuit économique et conforte la croissance, il convient d'éviter de dépenser indûment et de donner l'impression que des impôts futurs seront inévitables. L'OFCE a calculé que si seulement 20 % du surcroît d'épargne des Français était réinjecté dans l'économie, la croissance atteindrait 6 % en 2022.

M. Dominique Métayer, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P). - Nous sommes très heureux de participer à cette initiative. Je sais que vous êtes très investi, Monsieur le Président, dans toutes les questions qui touchent les entreprises, notamment celles du secteur de l'économie de proximité que représente l'U2P.

Les thèmes de cette table ronde représentent des priorités pour l'ensemble des chefs d'entreprise : comment retrouver la croissance, se développer et continuer d'embaucher ?

J'inscris cette intervention liminaire dans la continuité de l'échange que j'ai eu avec le Premier Ministre début septembre et des propos que nous avons tenus pour accueillir le chef de l'État le 16 septembre dernier à l'occasion de nos « Rencontres de l'U2P ».

Les conditions de reprise visent d'abord la sortie de cette crise sanitaire dans les meilleures conditions pour tous. Nous saluons les mesures prises en faveur de la vaccination, car la privation de liberté encourage certainement les plus réticents à franchir le pas.

L'action engagée depuis mars 2020 par le gouvernement - notamment le ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion et le ministre délégué aux PME - a permis d'éviter les fermetures d'entreprises et de maîtriser le nombre de chômeurs. Nous commençons donc à retrouver une vie normale.

Les chiffres dont nous disposons montrent que le redressement économique s'opère, même si nos secteurs n'ont pas retrouvé le niveau de leur activité de 2019.

Au deuxième trimestre 2021, l'augmentation moyenne du chiffre d'affaires des entreprises s'est élevée à 51,5 %. Ce redressement est très variable selon l'ensemble de nos activités : le chiffre d'affaires des entreprises artisanales a progressé de 35 % ; celui des entreprises libérales, de 31 % ; celui des commerces alimentaires et HCR, de 205 % compte tenu de leur fermeture obligatoire.

Un autre élément positif est le nombre d'entreprises qui annoncent une amélioration de leur situation de trésorerie et de leur activité.

L'U2P soutient la transformation des modalités d'intervention de l'État. Il est évident que le « quoi qu'il en coûte » ne peut pas durer. C'est pourquoi l'U2P a signé le plan d'action sur l'accompagnement des entreprises en sortie de crise. Nous veillerons donc à ce qu'il soit effectif en tout point du territoire afin que chaque entreprise en situation de fragilité puisse accéder à une solution adaptée.

Les conditions de la reprise reposent aussi sur l'investissement dans les filières et les compétences. L'U2P soutient le plan d'investissement dans les filières et demande qu'il s'adresse dès le départ aux petites et très petites entreprises, car de plus en plus de grandes entreprises font appel à la sous-traitance. De plus, de nombreuses activités industrielles sont réalisées par des entreprises artisanales qui n'étaient pas initialement éligibles au volet « Industries du futur ».

Concernant l'investissement dans les compétences, l'U2P rend hommage à la réforme de la formation professionnelle traduite dans la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel et récemment évaluée par les partenaires sociaux. Nous constatons que cette loi a eu beaucoup d'effets bénéfiques : la France a passé le cap symbolique des 500 000 jeunes en apprentissage.

Des ajustements demeurent nécessaires : ils concernent le financement, le CPF -dont le caractère professionnalisant doit être réaffirmé - et le plan d'investissement dans les compétences. Les difficultés croissantes de recrutement imposent effectivement la révision de ces dispositifs. Nos professions sont confrontées à la situation des métiers en tension alors que la majorité des branches professionnelles représentées à l'U2P ont déjà réalisé un travail important pour améliorer l'attractivité des conditions d'exercice de nos différents métiers.

Au premier semestre 2021, une entreprise sur trois - dans les secteurs représentés par l'U2P - a rencontré de grandes difficultés pour recruter. Dans 50 % des cas, aucun candidat ne s'est présenté. Cette situation n'est pas acceptable.

Les perspectives de reprise reposent sur deux thèmes que l'U2P estime essentiels.

L'U2P soutient sans réserve une politique de la jeunesse, notamment au sujet de l'insertion professionnelle. Nous plaidons pour une amplification du plan « 1 jeune, 1 solution » qui a totalement répondu aux besoins des jeunes et des entreprises. Le gouvernement a apporté une aide massive aux entreprises qui recrutent des jeunes - 5 000 euros pour un mineur et 8 000 euros pour un majeur. L'U2P se félicite de la prolongation de cette aide jusqu'au 30 juin 2022 et plaide pour sa pérennisation.

L'U2P se félicite de la clarification qu'a apportée le Premier Ministre le 27 septembre dernier dans son interview aux Échos sur l'idée d'un revenu d'engagement pour les jeunes. La disposition concernant les jeunes non qualifiées vise, comme le demandait l'U2P, à les accompagner vers l'insertion professionnelle.

L'U2P considère le « Plan Indépendants » comme un texte historique. Depuis la loi Madelin du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, aucun texte ne traitait spécifiquement des travailleurs indépendants.

Ces mesures répondent aux propositions qu'a formulé l'U2P pour renforcer la protection du patrimoine des travailleurs indépendants, améliorer et simplifier leur protection sociale, faciliter la transmission des entreprises qui ne sont pas sous forme sociétaire, faciliter l'accès des travailleurs indépendants à la formation professionnelle et simplifier leur environnement juridique et leur accès à l'information.

M. Vincent Segouin. - Je vous remercie de votre exposé des faits relatifs à la crise, mais je regrette que vous n'évoquiez ni l'avenir des prélèvements ni l'inquiétude liée au remboursement de la dette. Pourtant, en tant que chefs d'entreprise, vous savez qu'une dette s'apprécie en fonction du bénéfice prévisionnel.

Or, depuis 30 ans, l'État présente un déficit et ne dispose d'aucune réserve. Vous avez mentionné l'augmentation des charges et les baisses de recettes : le déséquilibre du budget risque d'augmenter.

Si l'inflation augmente, le remboursement de la dette augmentera également et se répercutera sur les charges et le déficit budgétaire.

Pourriez-vous éclaircir ce point ? Vos adhérents l'évoquent-ils ?

M. Dominique Métayer. - Cette crise est inédite. Les entreprises ont conservé leur potentiel de compétences grâce aux mesures engagées (chômage partiel, accompagnement des entreprises).

Nous nous sommes tous interrogés sur le remboursement des milliards engagés pendant la crise. Rappelons-nous toutefois du marasme qu'avait occasionné la crise financière de 2008.

La croissance permettra, plus rapidement que l'impôt, de dégager les moyens nécessaires pour éviter aux jeunes générations de supporter le poids de la dette. Nous comptons sur le travail quotidien des hommes et des femmes pour participer à cette croissance.

M. Christophe Beaux. - Nous sommes confrontés à un paradoxe. La dette s'est accrue d'environ 20 points de PIB pendant la crise sanitaire - elle s'était déjà fortement accrue lors de la crise financière de 2008. En contrepartie, notre niveau de prélèvements obligatoires est déjà très élevé (44 %). Même s'il baisse légèrement dans le PLF de 2022 proposé par le gouvernement, il reste le deuxième en Europe derrière celui le Danemark. La moyenne des taux constatés dans l'OCDE s'établit à 34 %.

Il serait donc déraisonnable d'envisager de rembourser la dette par l'augmentation des impôts. Les politiques de rigueur menées rapidement après une politique de soutien à l'économie ont engendré un arrêt de la croissance.

D'autre part, l'inflation peut atténuer le poids de la dette, mais elle érode le patrimoine des rentiers. Elle provoque aussi une hausse des taux d'intérêt et donc du montant de la dette à rembourser chaque année. Le poste des intérêts est déjà le plus élevé dans le budget, devant l'Éducation nationale. Il serait donc déraisonnable d'envisager de renchérir le cout annuel des intérêts par un taux d'intérêt non maîtrisé.

Par conséquent, la croissance s'impose comme seul chemin étroit et collectif possible. Elle dépendra de la crédibilité budgétaire et du soutien aux entreprises. Dans ce contexte, les dépenses d'investissement peuvent être raisonnablement poursuivies tandis que les dépenses de fonctionnement ne contribuent pas à la croissance.

M. Pierre Goguet. - Les entreprises prévoient une capacité de remboursement en contrepartie d'une dette. Elles appréhendent donc leur modèle économique en fonction de leur capacité d'autofinancement. Les banquiers analysent la solidité du modèle économique et la stabilité des capitaux propres. Les mesures de prêt participatif que Bruno Le Maire a proposées seront revues, car elles recueillent peu de succès alors que le ratio d'endettement de certaines entreprises est actuellement détérioré.

Je souligne par ailleurs que notre enquête a révélé que les entreprises ne réagissent pas comme l'État : plus de 20 % des entreprises dont la trésorerie est suffisante envisagent de rembourser leur PGE par anticipation. La moitié souhaite un étalement du remboursement. Un entrepreneur cherche donc à éviter la dette - sauf pour investir, et ne peut souscrire un emprunt que s'il démontre qu'il aura la capacité de le rembourser.

M. Joël Fourny. - Nos entreprises adhérentes ont parfaitement conscience de cette situation. Elles sont en partie responsables de cette dette et se préoccupent des mesures d'accompagnement qui alourdissent le déficit de l'État.

Pour autant, quelle serait la situation si le gouvernement n'avait pas mis en oeuvre ces mesures ? La possibilité de croissance aurait été extrêmement réduite.

En sortie de crise sanitaire, les entreprises du secteur artisanal ont la capacité de rebondir et d'assurer une croissance forte. Il convient par ailleurs de soutenir la consommation pour augmenter la croissance des entreprises et répondre à cette problématique de dette.

L'État a réalisé un emprunt important, mais il a bénéficié de taux très bas. Le problème se posera si les taux augmentent fortement.

M. Pierre Cuypers. - Je vous remercie de nous faire part de cette reprise de confiance, qu'il convient néanmoins de relativiser.

Si 20 % des entreprises peuvent anticiper leur remboursement, les 80 % de petites entreprises restantes seront-elles en capacité de rembourser leur prêt ?

M. Dominique Métayer. - Nous nous sommes entretenus avec la Fédération Bancaire Française sur ce sujet pour anticiper la période actuelle sans optimisme excessif.

Certaines entreprises ont déjà remboursé leur prêt, mais nous avions conseillé d'allonger la durée d'amortissement. Le ministre des Finances a proposé de regarder la situation des entreprises en difficulté au cas par cas et de réaménager leur dette le cas échéant pour ne pas les asphyxier en sortie de crise.

Le dialogue entre l'ensemble des partenaires sociaux et les entreprises a permis de trouver les moyens et les mesures d'accompagnement adaptés à chaque situation.

M. Christophe Beaux. - Au niveau microéconomique, nous approuvons la nécessité d'un travail au cas par cas pour prévenir les difficultés éventuelles, envisager des plans de sauvegarde et de continuité d'activité et restructurer le passif des entreprises. Pour ce faire, nous disposons des CODEFI au niveau local et du CIRI au niveau national.

Nous ne sommes pas favorables à un allongement de la durée d'amortissement, car il devra être renégocié à Bruxelles - la révision qu'ont demandée les Espagnols a engendré une augmentation du taux de garantie.

Au niveau macroéconomique, près de 700 000 prêts ont été accordés pour 140 milliards d'euros. Ce montant représente une part importante dans l'ensemble des passifs que financent les banques auprès des entreprises - 10 à 15 % du total des encours. La Banque de France et la FBF estiment que 2 à 3 % de défaillances seront observées in fine. Nous estimons qu'il n'existe aucun enjeu systémique, car la garantie de l'État jouera. Les pertes probables ont été largement provisionnées dans les PLF, notamment dans la loi de finances votée en 2020.

M. Joël Fourny. - Je ne suis pas inquiet quant à la capacité des entreprises de rembourser leur PGE. Seuls 20 % des entreprises artisanales ont sollicité ce prêt et 60 % d'entre elles ne l'ont pas utilisé. Elles l'ont considéré comme une mesure de précaution.

Il convient néanmoins de rester prudent, car le remboursement de la dette fiscale et sociale interviendra prochainement. Le PGE pourra constituer un moyen utile pour permettre aux entreprises artisanales de faire face à cette période difficile.

En définitive, la croissance des entreprises du secteur devrait leur permettre d'honorer les remboursements des PGE.

M. Michel Canévet. - Les banques ont été extrêmement présentes pendant la crise. Restent-elles dans de bonnes dispositions pour accompagner les entreprises dans leurs nouveaux projets, notamment dans les investissements d'avenir ?

Estimez-vous que l'objectif de réindustrialisation de la France est réalisable ? Les perspectives concernant les investissements d'avenir couvrent-elles efficacement les filières les plus prometteuses pour notre pays ?

En matière de politique fiscale, la baisse des impôts de production et la poursuite de la baisse de l'IS ont été annoncées. Quelles autres attentes budgétaires pourrions-nous défendre pour améliorer notre compétitivité ?

Enfin, les élections consulaires approchent. Sentez-vous la mobilisation des entreprises ? Percevez-vous des thématiques fortes et particulières aux territoires ?

M. Christophe Beaux. - Je crois en effet que les banques sont dans de bonnes dispositions, car elles exercent leur métier lorsqu'elles accompagnent les entreprises.

En revanche, j'estime que les normes prudentielles et la taxonomie qui s'appliquent aux banques dans le cadre de la transition écologique européenne freineront sérieusement leur capacité à financer certains projets de développement.

Un enjeu particulier concerne l'activité nucléaire : mal notée dans la taxonomie européenne, elle permettrait pourtant de produire de l'énergie décarbonée pour approvisionner les véhicules électriques notamment.

Nous sommes très reconnaissants de la réduction de dix milliards d'euros des impôts de production. Nous ne formulerons aucune demande immédiate dans le PLF. Je rappelle toutefois que les impôts de production représentent près de 3 % du PIB en France, contre 1,6 % en moyenne dans L'UE et 0,4 % en Allemagne. Une baisse de 28 milliards d'euros supplémentaires serait donc nécessaire pour ramener l'impôt de production au niveau moyen européen ; de 56 milliards d'euros, pour atteindre le taux allemand.

Nous devons être conscients du poids encore très important qui pèse sur la compétitivité des entreprises à travers les impôts de production qui sont une anomalie française.

M. Pierre Goguet. - Près de 4 millions d'entreprises seront désormais concernées par le vote des CCI, dont le thème essentiel concernera la proximité territoriale.

Pour la première fois, le vote électronique sera obligatoire pour toutes les entreprises. Les listes connaissent une forte féminisation.

La motivation au vote des microentreprises (autoentrepreneurs) reste inconnue à ce jour, car aucune organisation ne les représente.

La période récente a mis en évidence l'utilité extraordinaire des CCI et des CMA dans les territoires. Les DIRECCTE nous ont parfois guidés pour faire vivre les aides de l'État et soutenir les entreprises.

M. Serge Babary, président. - Les acteurs de terrain sont généralement conscients du travail des chambres consulaires. Nous y sommes attentifs et veillerons également aux budgets.

M. Joël Fourny. - La mobilisation des entreprises artisanales nous préoccupe naturellement, mais le paysage a changé à plusieurs niveaux.

Notre réseau consulaire s'est réorganisé au niveau régional tout en maintenant la proximité du service.

De nombreux ressortissants, dont 40 % de microentreprises, sollicitent les chambres de métiers sans réaliser qu'elles sont politiquement gérées par des artisans. Ils ne s'interrogent donc pas sur la prochaine élection. Nous espérons néanmoins une mobilisation forte, car 1,7 million d'entreprises seront appelées au vote.

Notre réseau s'est modernisé en matière de capacité de service sur le volet économique. Nous avons communiqué sur le lien direct que nous assurons entre les entreprises artisanales et les mesures gouvernementales.

Nous avons mis en place plusieurs plateformes téléphoniques pour soutenir psychologiquement les entreprises artisanales au début de la crise sanitaire. Nous constatons que toutes les entreprises qui ont bénéficié d'un appui du réseau sont satisfaites de l'accompagnement qu'elles ont reçu.

Nous bénéficions de nombreux atouts. Notre réseau dispose notamment de 137 CFA qui forment plus de 100 000 jeunes chaque année. La formation est importante alors que les entreprises rencontrent des difficultés de recrutement.

Dans un contexte de faible participation aux élections nationales, nous restons particulièrement inquiets sur la mobilisation des entreprises qui restent principalement préoccupées par leur activité. Nous les solliciterons néanmoins et leur donnerons, pour la première fois, la possibilité de voter par voie électronique.

Enfin, notre réseau progresse en matière de parité. Nous visons une parité totale lors de la prochaine échéance.

Mme Marie-Christine Chauvin. - La reprise est en effet constatée sur le terrain, mais deux freins majeurs existent. La pénurie des matières premières se résoudra, mais la pénurie de main-d'oeuvre m'inquiète beaucoup. J'aimerais entendre vos suggestions et vos attentes.

Nous disposons d'excellents centres de formation. Pourtant, une partie des jeunes formés changent d'orientation. Pourrions-nous imaginer des contrats qui prévoient d'adosser une formation à l'engagement d'exercer le métier ? Pourrions-nous également imaginer que l'État vous soutienne pour encourager la fidélisation à l'entreprise et le retour au travail ?

L'encouragement à la reprise d'une activité professionnelle relève de la réforme du chômage. Quelles sont vos attentes et vos propositions sur ces points ?

M. Dominique Métayer. - Il nous semble essentiel de résoudre cette équation. La pandémie a révélé nos lacunes. Or, nos métiers reposent sur la formation professionnelle et l'acquisition de compétences.

Nous savons que la formation initiale apporte beaucoup à ceux qui ont choisi ces filières. Aujourd'hui, nous disposons de moyens pour mieux appréhender la volonté de chacun et orienter efficacement les jeunes.

Nous espérons que la collaboration entre les organisations professionnelles, les chambres consulaires et les entreprises permettra de résoudre les tensions du marché du travail.

L'expérience que nous avons vécue pendant la crise nous a appris à utiliser les corps intermédiaires pour contribuer au développement de notre pays.

J'estime que nous devons nous retrousser les manches pour résoudre cette équation et éviter d'exploiter une main-d'oeuvre à bas cout - notamment par le recours au travail détaché - sans pour autant nous replier sur nous-mêmes. Nous devons tirer des leçons de nos amis britanniques et compter sur nos ressources internes et la richesse de notre jeunesse.

M. Pierre Goguet. - La question est essentielle, car elle concerne l'avenir de notre jeunesse et la montée en compétences de notre pays dans un environnement concurrentiel.

Au niveau des CCI, nous avons contacté 20 000 entreprises qui n'avaient jamais accueilli d'apprenti ou d'alternant pour les convaincre de l'intérêt de la mesure « 1 jeune, 1 solution » dont le financement est particulièrement attractif. Un tiers d'entre elles s'est finalement décidée.

Paradoxalement, certains chefs d'entreprise ne souhaitent plus faire appel à des apprentis, car elles craignent de les voir partir chez un concurrent après les avoir formés. La question de la fidélisation apparaît donc primordiale. Les entreprises qui ont encadré un jeune attendent une contrepartie. Elles doivent travailler leur propre attractivité, mais une forme d'engagement pourrait leur apporter une solution, s'il n'est pas dissuasif.

Nos réseaux doivent répondre aux besoins - le CFA du Cantal est le premier centre de formation à la fibre. Il semble nécessaire de faire découvrir très tôt les métiers aux jeunes, comme le prévoit le stage de troisième.

Lors d'une visite en Suisse, j'ai appris que cinq à six stages de découverte en entreprise permettent aux jeunes de découvrir plusieurs métiers et de rencontrer des dirigeants. L'apprentissage est également mis en évidence par l'affichage, à l'entrée des bâtiments, d'un tableau qui montre l'évolution professionnelle des apprentis. Nous avons intérêt à mettre en place ces outils simples de visualisation pour promouvoir l'apprentissage. Enfin, nous avons rencontré cinq grands patrons, dont quatre ont commencé comme apprentis. Nous devons donc communiquer sur l'exemple.

M. Christophe Beaux. - Madame la Sénatrice, vous abordez le sujet essentiel dont dépendent la résorption du chômage et les finances publiques. Notre taux d'emploi est le plus faible de la zone euro. Or il conditionne le montant des cotisations qui financent la protection sociale.

J'estime que des actions concrètes permettront de résorber ces difficultés.

La réforme attendue de l'assurance chômage vise à écarter la permittence et les comportements opportunistes induits. Elle devrait être appliquée par décret en fin d'année.

Par ailleurs, le revenu d'engagement ne doit pas se transformer en « RSA jeune » qui maintiendra durablement cette population dans une « trappe à chômage ».

Les jeunes disposent de 54 heures d'orientation qu'ils n'utilisent pas toujours.

Par ailleurs, les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications proposent une classification par branche des métiers émergents ou en déclin et les Carif-Oref analysent les bassins d'emploi locaux. Or, ces instances ne communiquent pas alors qu'en France, la mobilité est l'une des plus faibles du monde.

Nous travaillons également à l'amélioration de la réforme professionnelle de 2018 à travers l'accord précédemment évoqué. Le CPF mérite notamment d'être co-construit avec l'entreprise pour que la formation réponde aux besoins de l'économie.

Nous avons récemment créé une commission jeunesse au MEDEF pour enrichir le débat public de propositions concrètes.

Enfin, nous avons constaté que l'augmentation de l'âge de départ à la retraite augmente mécaniquement le taux d'emploi des séniors, qui est faible actuellement.

M. Serge Babary, président. - Je vous rappelle deux rendez-vous importants :

- l'audition du ministre Alain Griset qui présentera le « Plan Indépendants » mardi 5 octobre ;

- la journée des entreprises du Sénat, qui abordera deux thèmes principaux, la cybersécurité et la santé au travail, jeudi 21 octobre.

Mme Martine Berthet. - Je remercie l'ensemble des présidents pour les éléments apportés ce matin. Je souhaite poser trois questions.

Les entreprises de toute taille diminuent leur patrimoine immobilier en raison du télétravail et des espaces de travail partagé. Elles préfèrent louer des espaces en fonction de leurs besoins. Quelle est la mesure de cette évolution ? Avez-vous des données à ce sujet ? Pensez-vous qu'il constitue un levier pour la reprise ?

Faites-vous un lien entre l'augmentation nette des autoentreprises et les difficultés de recrutement des entreprises ?

Quelles négociations avez-vous engagées avec le gouvernement dans le cadre du projet de loi relatif aux travailleurs indépendants, notamment sur les sujets de leur éligibilité à l'allocation, de l'amélioration de leur protection sociale ou des règles s'appliquant aux professions libérales réglementées ?

M. Joël Fourny. - Je souhaite insister sur l'indispensable adéquation entre la formation et les besoins de l'entreprise, car les entreprises évoluent.

La crise a révélé la nécessité de revoir l'aménagement du temps de travail pour motiver les salariés, notamment ceux qui travaillent le week-end. Les entreprises artisanales travaillent énormément sur le volet RSE afin de fidéliser leurs salariés.

Les métiers ont beaucoup évolué. Ils semblent globalement méconnus, alors qu'ils peuvent offrir des perspectives professionnelles intéressantes. Leur valorisation nous paraît donc importante.

Enfin, nous devons travailler sur l'anticipation de l'orientation des jeunes pour les inciter à s'intéresser aux secteurs en fort besoin de recrutement. Les orientations de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel méritent d'être approfondies dans le sens de l'engagement entre l'Éducation nationale et les régions.

M. Dominique Métayer. - L'évolution du système des ATI est certaine. Il était d'ailleurs peu utilisé, car il était assez complexe et ne répondait pas aux difficultés de l'entreprise.

Nous attendons les textes et espérons avoir trouvé la bonne voie pour accompagner les chefs d'entreprise dès lors que leur activité n'apparaît pas viable ou rentable.

Un délai de cinq ans est prévu entre deux sollicitations pour éviter les comportements opportunistes. Nous estimons néanmoins qu'un échec peut s'avérer formateur et utile.

Nous resterons attentifs aux prochaines mesures mises en place.

M. Christophe Beaux. - Je souhaite tenter de répondre aux questions ardues de Madame la Sénatrice.

J'estime que la question essentielle est la suivante : le télétravail améliore-t-il la productivité ? Nous n'avons pas la réponse à cette question. Des études américaines menées avant la crise ont semblé conclure à une productivité légèrement améliorée, car le temps gagné se répartit entre le travail et le loisir.

Dans le contexte actuel (forte augmentation du télétravail en raison de la crise et différences sectorielles), ces conclusions ne sont pas évidentes. Nous envisageons de réaliser une étude avec l'OFCE, car nous souhaitons vérifier que le télétravail ne présente pas d'effet qui pourrait détériorer notre potentiel de croissance.

Par ailleurs, la crise Covid-19 a révélé la disparition des salariés dans certains secteurs difficiles. Parallèlement, le nombre d'autoentrepreneurs a beaucoup augmenté. Malheureusement, nous ne disposons pas des outils statistiques pour mesurer les phénomènes de vases communicants que nous observons. Nous ne savons donc pas les apprécier à ce jour.

M. Pierre Goguet. - J'estime que nous abordons une évolution structurelle. Les outils changent durablement et le télétravail neutralise les temps de déplacement.

L'entreprise reste pourtant un lieu de lien social. Comment les entreprises qui utilisent le télétravail s'organisent-elles pour accueillir, encadrer et former les jeunes recrues ? Les espaces de coworking apportent une réponse partielle.

Les difficultés de recrutement ne sont pas nouvelles. La situation du marché du travail est préoccupante, car le taux de chômage demeure important alors que certains emplois ne sont pas pourvus. L'enjeu de l'attractivité des métiers est central.

J'estime que nous devons nous inspirer des idées issues du terrain et prendre en compte les problématiques d'éloignement. Nous observons actuellement la reconstruction de certains métiers. Nos réseaux savent repérer les bonnes pratiques pour les partager.

M. Serge Babary, président. - Je vous remercie pour vos interventions qui ont éclairé le débat. La vie législative continue et nous devons approfondir ces sujets.

La séance est levée à 10 heures 40.