COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mardi 11 janvier 2022

- Présidence de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la protection des enfants

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 11 janvier 2022.

Elle a procédé à la désignation de son bureau, qui a été ainsi constitué :

- Mme Fadila Khattabi, députée, présidente ;

- Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente ;

- Mme Bénédicte Pételle et Mme Michèle Peyron, députées, rapporteures pour l'Assemblée nationale ;

- M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. - Après deux commissions mixtes paritaires (CMP) conclusives réunies au Sénat, l'une, le mois dernier, sur la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Rixain visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle, et l'autre, la semaine dernière, sur le projet de loi relatif aux travailleurs des plateformes, nous nous retrouvons cette fois au Palais Bourbon, où nous pouvons espérer un troisième succès.

Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente. - Effectivement, au cours de la période récente, nos commissions ont su élaborer ensemble plusieurs textes démontrant la capacité des parlementaires à imprimer leur marque et à améliorer la qualité des textes qui leur sont soumis. Cette fois encore, une telle perspective semble se dessiner. Je tiens à remercier les rapporteurs pour leur travail, leur écoute et leur capacité à entendre le point de vue de l'autre, autant de qualités indispensables à un débat parlementaire fructueux.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le projet de loi relatif à la protection des enfants viendra compléter utilement, je l'espère, les lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 régissant la protection de l'enfance et répondre aux besoins et aux préoccupations des acteurs sur le terrain.

Le texte comptait initialement seize articles. L'Assemblée nationale en a inséré vingt-deux. Au terme de son examen par le Sénat, qui en a ajouté neuf, supprimé huit et adopté quatre sans modification, quarante-trois articles restent en discussion.

Je tiens à remercier mes collègues rapporteures Bénédicte Pételle et Michèle Peyron pour la qualité de nos échanges en amont de cette réunion. L'objectif consensuel et partagé du texte nous a permis de surmonter un nombre réduit de divergences.

Le premier volet du projet de loi concerne l'accompagnement des mineurs et jeunes majeurs protégés. Nos deux assemblées se sont accordées sur nombre de ses dispositions. C'est ainsi le cas pour l'article 3 bis D, qui vise à lutter contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance (ASE) en proposant systématiquement la garantie jeunes aux jeunes éligibles de l'ASE, tandis que les jeunes majeurs de moins de 21 ans en difficulté devront être pris en charge par l'ASE. Nous vous invitons à soutenir cette avancée, introduite à l'Assemblée nationale, dans sa version enrichie par le Sénat, qui l'a complétée en créant un droit au retour pour les jeunes majeurs ayant quitté toute prise en charge par l'ASE.

Le Sénat avait approuvé, en introduisant quelques mesures complémentaires pour les mineurs non accompagnés (MNA), les articles 3 ter et 3 quater, qui renforcent l'accompagnement des jeunes de l'ASE lors de l'entretien réalisé avant leur majorité et instaurent un nouvel entretien, six mois après leur sortie de l'ASE, ainsi que l'article 3 bis B, qui favorise le recours au parrainage et au mentorat pour ces enfants. Ces dispositions consensuelles peuvent être adoptées dans ces termes.

Certains articles ajoutés à l'Assemblée nationale ont été supprimés par le Sénat, qui les a considérés comme satisfaits par le droit en vigueur. Nous vous proposons ainsi de maintenir la suppression de l'article 3 bis A, relatif au secret partagé. Nous vous invitons toutefois à rétablir les articles 3 bis E et 3 bis F, qui permettent de formaliser la coordination du parcours de soins des enfants de l'ASE, notamment ceux qui sont en situation de handicap, et de renforcer l'information du juge des enfants sur la situation pédiatrique, psychique et sociale de chaque enfant, ainsi que l'article 3 bis , qui fait des jeunes majeurs sortants de l'ASE un public prioritaire pour l'attribution d'un logement social.

S'agissant des dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale, nous vous proposons de retenir l'article 2 dans sa version issue de l'Assemblée nationale. Cet article assouplit les conditions de délégation des actes non usuels au service accueillant l'enfant. Le Sénat avait limité à un an cette autorisation afin d'obliger le juge des enfants à vérifier régulièrement si les conditions de délégation étaient toujours remplies. Cette disposition pourrait toutefois avoir pour effet indésirable de perturber la vie des enfants protégés, ce qui n'est bien sûr pas notre intention.

Le Sénat avait substantiellement modifié, voire supprimé, les articles relatifs à l'autorité parentale introduits par l'Assemblée nationale. Nous vous suggérons, sous réserve de coordinations rédactionnelles, de rétablir l'article 2 bis, dont l'objet est d'éviter qu'un parent s'étant vu retirer l'exercice de l'autorité parentale ne la recouvre fortuitement en cas de décès du parent qui l'exerçait. En revanche, nous vous proposons de maintenir la suppression de l'article 2 quinquies, aux termes duquel le juge ne peut confier l'exercice de l'autorité parentale qu'à la victime de violences conjugales pendant la durée de l'ordonnance de protection. Cette disposition est déjà satisfaite et il n'est pas souhaitable de restreindre le pouvoir du juge alors qu'il est le mieux placé pour décider in concreto de la meilleure option pour l'enfant, notamment dans le cas où la victime ne serait pas en mesure d'exercer l'autorité parentale.

J'en viens aux dispositions qui visent à encadrer les types de structures accueillant les mineurs, à renforcer la lutte contre les maltraitances et à faire face aux situations de danger.

S'agissant des hôtels, l'article 3 adopté par le Sénat est plus ambitieux, dans la mesure où il interdit totalement ce type d'hébergement pour les jeunes de l'ASE dans un délai de deux ans. Cette interdiction constitue une grande avancée pour la protection des enfants. Afin d'inciter les départements à s'engager rapidement dans l'abandon total de l'hôtel et pour limiter les effets néfastes de ce type d'accueil, nous vous proposons de préciser que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'interdiction, les mineurs ne pourront pas y être accueillis pendant plus de deux mois.

L'article 3 bis C créait un droit de visite des parlementaires dans les structures de l'ASE. Nous vous proposons de maintenir la suppression décidée par le Sénat. Un tel droit n'existe que pour les lieux de privation de liberté, ce que les établissements de l'ASE ne sont pas. Cela créerait donc un précédent risqué pour l'accès à de nombreuses autres structures.

Nous vous proposons d'adopter l'article 4, renforçant les contrôles des antécédents judiciaires du personnel exerçant dans le champ social et médico-social, dans la rédaction du Sénat, qui précise notamment que ceux-ci doivent s'appuyer sur le bulletin numéro deux du casier judiciaire et sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).

Selon l'article 5, chaque établissement social ou médico-social doit définir une politique de lutte contre la maltraitance et désigner une autorité tierce à l'établissement, vers laquelle les personnes accueillies pourront se tourner en cas de difficultés. Le Sénat avait précisé que cette autorité, qui pourra visiter l'établissement à tout moment, serait désignée parmi une liste arrêtée conjointement par le président du département, le préfet et l'agence régionale de santé (ARS). Nous vous proposons de conserver cet apport.

L'article 6 rend obligatoire l'application d'un référentiel national d'évaluation des informations préoccupantes élaboré par la Haute Autorité de santé. Le Sénat avait adopté en commission le principe de communication des suites données à l'information préoccupante transmise, dans le respect de l'intérêt de l'enfant et du secret professionnel, ainsi que le recommandait en 2019 la mission d'information sénatoriale sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs. Une proposition de rédaction reprend ce dispositif en assurant son articulation avec le droit existant.

Nous souhaitons compléter l'article 4 bis pour que l'inscription au FIJAIS de toute personne vivant au domicile des assistants familiaux et maternels, y compris les mineurs de plus de 13 ans - hors ceux accueillis au titre de l'ASE -, fasse obstacle à la délivrance de l'agrément. Cette rédaction permet de reprendre les dispositions de l'article 10 bis, introduit par le Sénat et que nous vous proposons de supprimer, et de mieux prévenir les risques de maltraitance chez les assistants maternels ou familiaux.

Plusieurs articles portent sur l'office du juge des enfants en matière d'assistance éducative. En vertu de l'article 7, le juge des enfants peut renvoyer une affaire particulièrement complexe devant une formation collégiale. Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, cette formation devait être composée de trois juges des enfants en exercice. Pour assurer leur effectivité, le Sénat a modifié ces dispositions en prévoyant que la composition de la formation devait en priorité comporter des juges des enfants ou d'anciens juges des enfants. Nous vous invitons à revenir au texte adopté en commission à l'Assemblée nationale, qui ne précise pas la composition de la formation collégiale. Nous éviterons ainsi de potentiels contentieux et permettrons à chaque juridiction de s'adapter au mieux aux circonstances locales.

L'article 7 bis permet au juge des enfants de demander au bâtonnier la désignation d'un avocat pour l'enfant capable de discernement lorsque son intérêt l'exige. Dans le texte adopté par le Sénat, le président du conseil départemental peut également la solliciter. Une proposition de rédaction conditionne la désignation à l'intérêt de l'enfant et donne au président du département la possibilité de demander qu'un administrateur ad hoc soit désigné pour l'enfant non capable de discernement.

L'article 3 bis G permet au juge des enfants de prononcer des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), intensive ou renforcée. Le Sénat a limité à six mois renouvelables la durée de la mesure pour obliger le juge à revoir régulièrement la situation afin d'adapter le suivi éducatif aux besoins de l'enfant. La durée de six mois pouvant toutefois être trop courte pour que le juge apprécie les effets de l'AEMO renforcée, nous vous proposons de la porter à un an.

Le texte consacre ensuite plusieurs articles aux assistants familiaux. Les deux assemblées ont adopté des dispositions quasiment identiques à l'article 9, qui sécurise la rémunération de ces professionnels. Nous proposons toutefois de supprimer la possibilité, introduite en séance au Sénat, de renouveler la suspension pour un délai de quatre mois des agréments des assistants familiaux. Il conviendra d'engager une réflexion sur ce sujet important avant d'adopter un tel dispositif.

Nous vous invitons à soutenir l'article 9 bis, introduit en séance au Sénat, qui crée un week-end de repos mensuel pour les assistants familiaux, à charge pour le contrat de travail de le prévoir. De même, nous vous proposons d'adopter la création, à l'article 10, d'une base nationale recensant les informations relatives aux agréments des assistants familiaux et, après un ajout du Sénat, des assistants maternels.

S'agissant de la réforme de la protection maternelle et infantile (PMI), il vous est proposé de revenir aux dispositions de l'Assemblée nationale en conservant un apport du Sénat. En commission, nous avions en effet voté, à l'article 12, le maintien des normes minimales de PMI à côté des nouveaux objectifs de santé publique. Afin de répondre à la préoccupation légitime des professionnels de la PMI sans entraver le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats, comme le préconisait le rapport de Michèle Peyron, nous vous invitons à maintenir les seules normes d'effectifs que devront respecter les départements. Une proposition de rédaction vous est présentée afin de rétablir le texte de l'Assemblée nationale sur la définition des priorités nationales de santé en matière de PMI par le ministre chargé de la santé, en concertation avec les représentants des départements. Dans la mesure où l'identification de ces priorités s'inscrit dans la stratégie nationale de santé, elle relève de la compétence du ministre.

Sous réserve de quelques ajustements, le Sénat a approuvé l'article 13, qui prévoit de regrouper les instances nationales de protection de l'enfance au sein d'un seul groupement d'intérêt public (GIP). Nous proposons de retenir sa rédaction.

En ce qui concerne la gouvernance territoriale, le Sénat a considéré que les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) ne pouvaient pas à eux seuls assurer un pilotage satisfaisant de la protection de l'enfance dans le département. Il a donc prévu, à l'article 13 bis, une instance de pilotage partagé entre le président du département et le préfet, afin que l'ensemble des acteurs puisse se réunir et se coordonner. Son institution à titre expérimental et pour une durée de cinq ans est la condition de son succès et de son appropriation par les départements. Nous proposons de conserver cet apport du Sénat - je remercie mes collègues rapporteures pour le soutien qu'elles ont apporté à ce dispositif.

Enfin, s'agissant des articles relatifs aux mineurs non accompagnés, nos deux chambres se sont accordées sur la révision de la répartition territoriale des MNA, l'interdiction des réévaluations de la minorité ainsi que le recours au fichier d'aide à l'évaluation de cette minorité (AEM). Les modifications qui vous sont soumises sont de pure forme.

Les convergences que nous avons ainsi dessinées entre rapporteurs nous laissent anticiper une issue conclusive à cette CMP, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je tiens à remercier Bernard Bonne. Nous avons su travailler en bonne intelligence pour parvenir à rapprocher nos points de vue et aboutir à un texte qui sera utile à tous les enfants protégés.

Je souhaite également remercier mes collègues de l'Assemblée nationale et du Sénat pour la qualité des débats, qui ont permis d'enrichir le texte proposé par le Gouvernement. Celui-ci comportait, lors de son dépôt, seize articles traitant de la protection des enfants contre les violences, de l'amélioration de leur quotidien, du renforcement des garanties procédurales, de l'amélioration des conditions d'exercice du métier d'assistant familial ou encore de la protection des mineurs non accompagnés.

L'examen à l'Assemblée nationale a largement étendu le champ du texte, puisque nous avons adopté trente-huit articles. De nombreux collègues, dont certains sont membres de cette CMP, ont en effet apporté leurs idées, souvent issues de leur expérience ou de leurs travaux de réflexion. Je pense en particulier à Michèle Peyron et à Monique Limon ainsi qu'à tous les membres de la mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance, présidée par Alain Ramadier et dont Perrine Goulet était la rapporteure. Nombre des propositions de son rapport ont ainsi enrichi le texte, depuis son dépôt jusqu'à son adoption par l'Assemblée nationale.

Le Sénat a largement étoffé le texte par de nombreuses modifications des articles en discussion ainsi que par l'adoption de neuf nouveaux articles, tandis qu'il en a supprimé huit.

Sans compter les articles adoptés conformes par nos deux assemblées, ce sont donc quarante-trois articles que notre commission mixte paritaire doit examiner.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, je constate en premier lieu que certains sujets majeurs ont donné lieu à des positions très convergentes de nos deux chambres.

Pour les MNA, cela concerne leur meilleure répartition - dont il est question à l'article 14 -, ou l'évaluation de la minorité, à l'article 15. Nous avons par ailleurs adopté deux nouveaux articles renforçant les droits de ces enfants au moment de l'évaluation de leur minorité et de leur passage à la majorité ; il s'agit des articles 14 bis et 15 bis. Nous nous sommes également entendus sur le renforcement de l'information du juge dans des conditions d'urgence - c'est l'objet de l'article 8.

D'autres articles ont fait l'objet d'améliorations rédactionnelles utiles, sans remettre en cause notre accord de fond. Je pense en particulier à l'article 1er, relatif à l'accueil des enfants par des tiers dignes de confiance ; à l'article 1er bis, relatif au maintien du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire en cas d'accueil de jour ; à l'article 2 ter, relatif à la prise en charge des fratries dans un même lieu d'accueil ; à l'article 3, qui pose l'interdiction, dans un délai de deux ans, de l'hébergement des mineurs de l'ASE dans des structures hôtelières. Nous sommes convenus d'ajouter, dans le cadre de cette CMP, un plafond de deux mois pour la durée pendant laquelle un jeune de l'ASE pourra être hébergé à l'hôtel durant la période de transition de deux ans. Je me réjouis de cette avancée considérable pour les enfants.

D'autres ajouts du Sénat m'ont semblé particulièrement utiles ; nous vous proposons donc de les conserver, moyennant parfois quelques améliorations rédactionnelles. Il en va ainsi de l'ouverture de la possibilité pour les gestionnaires de l'ASE de signer un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec le département, à l'article 3 bis AA ; de l'intégration du mentorat aux dispositions de l'article 3 bis B, relatif au parrainage d'enfants pris en charge par l'ASE, et de la proposition systématique d'un système de parrainage aux mineurs non accompagnés ; du maintien de l'accompagnement proposé aux mineurs émancipés et aux jeunes majeurs de moins de 21 ans en difficulté, de la consécration d'un droit au retour dans les dispositifs de l'ASE et de la proposition systématique de la garantie jeunes aux jeunes majeurs ayant été pris en charge au titre de la protection judiciaire de la jeunesse, à l'article 3 bis D ; de l'information par le juge sur les dispositifs d'accompagnement proposés par le département aux familles faisant l'objet d'une mesure d'assistance éducative, à l'article 3 bis H ; de la meilleure information des mineurs non accompagnés au cours de l'entretien vers l'autonomie, à l'article 3 ter ; de la meilleure information des jeunes, à l'occasion d'un entretien postérieur à la sortie de l'ASE, de leur droit au retour, à l'article 3 quater ; de l'accompagnement des mineurs et jeunes majeurs dans la consultation de leur dossier d'accès à leurs origines, à l'article 3 quinquies ; de la codification, à l'article 4 A, de la disposition de l'article 13 de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui affirme que tout mineur se livrant à la prostitution est un mineur en danger ; de la clarification de l'article 4, relatif au régime d'incapacité d'une personne à intervenir ou à exercer une fonction dans un établissement social ou médico-social ; de la désignation d'une autorité extérieure référente prévue à l'article 5 parmi une liste arrêtée conjointement par le président du département, le préfet et l'ARS ; de la définition de la notion de maltraitance au sein du code de l'action sociale et des familles, à l'article 5 bis ; de la possibilité d'attribuer un week-end de repos une fois par mois aux assistants familiaux, à l'article 9 bis ; de l'extension aux assistants maternels de la base nationale des agréments des assistants familiaux, à l'article 10 ; de la possibilité pour les assistants familiaux d'accompagner le plus tard possible les enfants qu'ils accueillent, à l'article 11.

D'autres dispositions nécessitaient plus de discussions entre les deux chambres, mais nous sommes parvenus à un compromis.

Nous sommes ainsi convenus de supprimer l'article 2 quinquies, relatif aux modalités de retrait de l'exercice de l'autorité parentale par le juge lorsque celui-ci prononce une ordonnance de protection en cas de suspicion de violence conjugale - vous savez combien ce sujet me tient à coeur, mais il mérite encore d'être mûri ; l'article 3 bis A, relatif au partage d'informations couvertes par le secret entre professionnels intervenant auprès d'une même personne ; l'article 3 bis C, relatif au droit de visite des parlementaires dans les établissements de l'ASE ; l'article 10 bis, tout en vous proposant de reprendre pleinement l'esprit de ce dernier à l'article 4 bis afin d'étendre la vérification du FIJAIS à l'ensemble des membres du foyer des assistants maternels et familiaux, qu'ils soient majeurs ou mineurs de plus de 13 ans.

À l'inverse, nous sommes convenus de maintenir, parmi les dispositions introduites par l'Assemblée nationale, l'article 3 bis E, relatif à l'intégration dans le projet pour l'enfant d'une coordination des parcours de soins, notamment pour ceux qui sont en situation de handicap ; l'article 3 bis F, ajoutant dans le rapport sur la situation de l'enfant adressé au juge un bilan pédiatrique, psychique et social ; l'article 3 bis , permettant aux mineurs émancipés ou jeunes majeurs issus de l'ASE d'accéder en priorité à un logement social.

Nous avons également supprimé, à l'article 2, la limitation à un an de la possibilité pour la personne ou le gardien d'effectuer des actes non usuels de l'autorité parentale. Nous avons rétabli la rédaction de l'article 2 bis issue de l'Assemblée nationale, visant à empêcher la dévolution automatique de l'exercice de l'autorité parentale au parent survivant, si ce dernier a été privé de cette autorité en raison d'une décision judiciaire.

À l'article 9, relatif à la garantie de rémunération des assistants familiaux, nous nous sommes mis d'accord pour revenir sur la possibilité de renouveler une fois la suspension de l'agrément, tout en conservant les autres apports du Sénat.

D'autres articles ont fait l'objet d'un travail commun pour aboutir à une rédaction qui réponde toujours à l'intérêt supérieur de l'enfant : l'article 4 bis, afin de mieux contrôler les antécédents judiciaires des personnes composant le foyer accueillant l'enfant ; l'article 6, afin de préciser la manière dont les personnes qui ont fait part d'une information préoccupante sur un enfant en danger peuvent, en retour, être informées des suites qui y ont été données ; l'article 7, relatif au recours à une formation collégiale par le juge des enfants, pour lequel nous nous en sommes tenus à la rédaction adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui semblait être la plus à même d'éviter les contentieux ; l'article 7 bis, dans lequel, dans le même esprit, nous avons reconnu au président du conseil départemental la possibilité de demander au juge des enfants de saisir le bâtonnier pour que l'enfant soit assisté d'un avocat - possibilité qui s'ajoute à celle que notre assemblée avait prévue, à savoir la saisine d'office du bâtonnier par le juge des enfants, quand celui-ci estime que cela va dans le sens de l'intérêt de l'enfant.

C'est au fil d'un dialogue exigeant mais toujours bienveillant avec le rapporteur du Sénat que s'est dessiné le compromis que nous vous présentons. À mes yeux, le texte comporte de nombreuses avancées, dans la lignée des lois de 2007 et de 2016, afin d'améliorer les conditions de vie des enfants protégés ainsi que les conditions de travail de ceux qui les protègent. Ce texte participe à la construction d'une société plus juste en luttant contre les inégalités de destin que subissent ces enfants, adultes en devenir.

Mme Michèle Peyron, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je remercie à mon tour Bernard Bonne pour l'esprit dans lequel se sont déroulés les échanges en vue d'aboutir au texte que nous vous proposons, mais aussi l'ensemble des parlementaires qui se sont emparés de ce texte et l'ont fait vivre.

La partie dont je suis la rapporteure traite, d'une part, de la PMI, à laquelle je suis particulièrement sensible, comme vous le savez, et, d'autre part, de la gouvernance de la protection de l'enfance, dont la nécessaire simplification fait l'objet d'un constat unanime.

Les deux articles initiaux sont devenus, au fil des lectures, six articles restant en discussion.

Certains d'entre eux ont fait l'objet d'un accord dès le début de nos discussions, à quelques modifications rédactionnelles près. C'est le cas de l'article 12 bis A, relatif à l'expérimentation des maisons de l'enfant et de la famille afin d'améliorer l'accès aux soins et de développer des actions de prévention et de soutien à la parentalité. Cette expérimentation, dans le respect des compétences traditionnelles des services de PMI, peut faciliter le parcours de soins des enfants, notamment en bas âge.

S'agissant des autres articles, nous avons trouvé des compromis qui sont de nature à satisfaire nos deux chambres.

En ce qui concerne la PMI, nous sommes convenus de réserver la définition des priorités pluriannuelles à l'État, plus spécifiquement au ministre chargé de la santé. Ce choix ne remet en cause ni la concertation préalable qui doit avoir lieu avec les départements ni le rôle des départements dans l'élaboration et l'exercice de leurs compétences en matière de PMI.

Nous avons réussi à concilier la définition nouvelle de ces objectifs et le maintien de normes minimales d'effectifs, afin que les services de PMI soient dotés d'objectifs sociaux et sanitaires précis tout en s'appuyant sur un personnel en nombre suffisant. Cela explique le choix des termes de l'article 12 bis.

S'agissant, dans le même article, de la dénomination nouvelle des centres de planification et d'éducation familiale (CPEF), nous avons retenu la notion de centre de santé sexuelle, en cohérence avec la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030.

Nous sommes convenus de rétablir la demande de rapport inscrite à l'article 12 ter, adopté par l'Assemblée nationale sur mon initiative. Il s'agit en effet de se fonder sur ce rapport pour encourager l'instauration d'une nouvelle nomenclature des actes et prestations effectués par les infirmières puéricultrices diplômées d'État. Cette nomenclature, qui dépend du Gouvernement comme de l'assurance maladie, doit en effet être mise à jour compte tenu des nouvelles compétences qu'exercent ces infirmières.

Quant à la gouvernance de la protection de l'enfance, nous avons décidé de reprendre, sous réserve de quelques ajustements, la rédaction adoptée par le Sénat. Les ajouts relatifs aux missions de l'Agence française de l'adoption ainsi qu'au GIP, qui devra notamment accompagner les personnes adoptées, les pupilles et les anciens pupilles de l'État dans la recherche de leurs origines, ne peuvent qu'être accueillis avec enthousiasme.

Il en va de même pour les dispositions relatives à la présidence du GIP par un président de département ou pour la création d'une base nationale recensant les agréments en vue d'adoption.

Nous nous sommes ralliés à la proposition du Sénat de supprimer la présence obligatoire de parlementaires au sein du Conseil national de la protection de l'enfance, au motif que ces derniers, notamment quand ils se sont investis sur ce sujet, peuvent être membres au titre des personnalités qualifiées.

S'agissant de la gouvernance territoriale, enfin, nous avons retenu le dispositif de l'article 13 bis, adopté par le Sénat à l'initiative de Bernard Bonne. La création d'un comité départemental pour la protection de l'enfance, coprésidé par le préfet et le président du conseil départemental, va dans le sens d'une meilleure coordination entre l'État et les collectivités territoriales. Sa composition - il comprend à la fois les services départementaux et les organes compétents de l'État - et le rythme de ses réunions - elles seront au minimum annuelles -, devraient permettre de pallier les lacunes du dialogue entre les parties prenantes que l'on observe sur le terrain. Il nous reviendra de nous assurer que cette expérimentation, sur une base volontaire et pour une durée de cinq ans, sera mise en oeuvre par un grand nombre de départements, afin que le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, qui est indispensable, s'engage réellement.

Les articles dont j'ai eu l'honneur d'être la rapporteure traduisent une ambition identique à celle que vient d'évoquer Bénédicte Pételle. Cette ambition fait la force du compromis que nous avons su tisser avec M. Bonne. C'est ce qui permettra, à n'en pas douter, une issue heureuse pour cette commission mixte paritaire.

Mme Michelle Meunier, sénatrice. - Je salue le travail réalisé par nos rapporteurs et j'entends la volonté partagée d'aboutir à un compromis.

J'avoue ne pas avoir trouvé d'arguments suffisants pour voter contre le texte lors de sa lecture au Sénat - ni pour voter en sa faveur, toutefois. Les lois de 2007 et de 2016 ont défini le cadre de la protection de l'enfance. Avec ce projet de loi, je reste sur ma faim ; je suis même déçue par certains aspects.

Ainsi, l'article 1er prévoit qu'avant de prononcer une mesure d'assistance éducative, le juge doit s'assurer que l'enfant ne peut pas être confié à un tiers digne de confiance dans son environnement familial. C'est vraiment méconnaître l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est parfois amené à vivre de manière répétée des situations toxiques dans sa propre famille. Les professionnels de la pédopsychiatrie et les représentants de la psychiatrie française nous ont alertés sur ce point. Le docteur Pavelka, que le rapporteur Bernard Bonne a auditionné, n'a cessé de nous dire que cet article empêcherait les pédopsychiatres de faire leur travail. C'est vraiment un mauvais signal. Or l'article 1er d'un texte donne toujours le ton de l'ensemble.

Je m'arrêterai seulement aux articles pour lesquels le compte n'y est pas. C'est le cas en particulier de l'article 3, consacré aux nuitées d'hôtel. J'ai conscience des avancées réalisées dans les deux assemblées, mais il faut être logique : si les nuits d'hôtel ne constituent pas une réponse éducative pour les jeunes, on les interdit complètement ; on ne les autorise pas pour une durée de deux mois maximum et on ne laisse pas vingt-quatre mois avant l'entrée en vigueur de leur interdiction totale.

L'article 13, présenté comme emblématique, n'apporte pas non plus de réponse satisfaisante : comment un comité départemental réussirait-il là où, depuis 2016, les ODPE ont échoué ?

Quant à l'article 15, les modifications sont de pure forme. Par ailleurs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain considère qu'il n'a pas sa place dans une loi relative à la protection des enfants, car il concerne plutôt la politique migratoire.

Pour ces raisons, mon groupe s'abstiendra de nouveau.

M. Xavier Iacovelli, sénateur. - J'approuve globalement l'intervention de Mme Meunier.

Je m'attarderai sur un article qui me tient particulièrement à coeur : l'article 3, relatif à l'hébergement dans des hôtels. Un pas en avant avait été fait. L'interdiction de cette véritable maltraitance institutionnelle envers les jeunes placés à l'ASE semblait acquise, mais finalement vous légalisez cette pratique en donnant la possibilité aux départements d'y recourir en cas d'urgence, lorsqu'ils n'ont pas le choix. Nous savons tous ce qui va se passer : à chaque fois, les départements invoqueront le fait qu'ils n'avaient pas d'autre solution d'hébergement. J'avais pour ma part déposé un amendement visant à abaisser à un an le délai accordé aux départements pour appliquer l'interdiction, ce qui me semblait déjà généreux.

Cette disposition fait suite au meurtre d'un enfant à Suresnes - ville dont je suis conseiller municipal -, en décembre 2019, dans un hôtel social où vingt-neuf enfants âgés de 15 à 17 ans étaient hébergés sans aucun encadrement. Lors d'une bagarre, l'un des enfants a été tué d'un coup de couteau. Le ministre des solidarités et de la santé a sollicité une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'hébergement en hôtel sur l'ensemble du territoire français. À la suite du rapport, remis en novembre 2020, le ministre s'est engagé à interdire ce type d'hébergement. Ne pensez-vous pas que, depuis décembre 2019, les départements auraient pu organiser la transition vers la fin de cette pratique ? Or vous leur accordez deux années supplémentaires après la promulgation de la loi. Deux ans, dans la vie d'un enfant, c'est une éternité !

Je ne saurais donc voter cet article en l'état. Si les services de l'État contrôlaient régulièrement l'activité de l'ASE afin d'éviter les dérives auxquelles peut donner lieu l'hébergement à l'hôtel pendant deux mois, je serais prêt à essayer, mais ce n'est pas le cas.

Plus généralement, je vous avoue que je m'interroge sur l'ensemble du texte.

Mme Monique Limon, députée. - Ce projet de loi ne signe pas la fin des textes relatifs à la protection de l'enfance : ce serait trop beau. Il n'est pas facile de faire évoluer les choses en la matière. Je tiens à saluer le choix du groupe La République en Marche et du Gouvernement de faire de la protection des enfants une priorité fondamentale. Il était nécessaire de travailler de concert avec les sénateurs pour aboutir à un texte pragmatique. À cet égard, je salue le travail des rapporteurs.

Monsieur Iacovelli, j'entends votre déception, mais je préfère que l'on fixe dans la loi des objectifs tenables plutôt que l'on se fasse plaisir en écrivant des dispositions inapplicables. J'en ai fait l'expérience dans ma vie professionnelle : il ne suffirait pas d'interdire l'hébergement à l'hôtel pour que cette mesure soit appliquée dès le lendemain. Si nous avions la solution, cela se saurait. Le texte marque une étape. Peu à peu, nous allons dans le bon sens.

Je tiens à souligner les avancées que comporte le texte. Le contrôle de toutes les personnes présentes dans le foyer des assistants familiaux en est une. Tant mieux pour les enfants, car nous avons vu trop de dérives et de catastrophes.

Je suis satisfaite également de l'accompagnement des tiers dignes de confiance. C'est une nécessité : les tiers dignes de confiance doivent être inscrits dans le parcours des jeunes et les travailleurs sociaux doivent intégrer leur existence - étant moi-même une travailleuse sociale, je peux me permettre de critiquer un peu la profession.

La garantie d'une solution d'accompagnement des jeunes majeurs sortis de l'ASE jusqu'à leurs 21 ans n'est pas une mesure nouvelle mais elle est écrite noir sur blanc et elle s'appliquera : tant mieux ! Ce matin, un jeune issu de l'ASE à qui le secrétaire d'État Adrien Taquet a confié une mission sur la parole des enfants nous a présenté son rapport, dans lequel il souligne combien tous les jeunes qu'il a rencontrés sont loin d'être autonomes. Il est impossible qu'ils le deviennent du jour au lendemain, dès leurs 18 ans, après avoir vécu pendant des années dans des structures collectives. Je me félicite donc de voir cette disposition inscrite dans la loi.

Le renforcement des mesures de médiation familiale, l'élargissement des droits de l'enfant, avec la présence d'un avocat à la demande du juge, ou encore le financement à parité entre l'État et le département du futur GIP sont à mes yeux autant de points essentiels. Avec Corinne Imbert, nous avions rédigé un rapport sur l'adoption qui a donné lieu à une proposition de loi dans laquelle nous proposions un regroupement des professionnels, un renforcement de leurs compétences et une mutualisation des moyens. Je ne peux donc qu'être satisfaite de l'inscription du GIP dans la loi.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera ce projet de loi.

Mme Elsa Faucillon, députée. - J'étais conseillère départementale des Hauts de Seine lorsque le jeune garçon auquel a fait allusion M. Iacovelli a été tué, à Suresnes. L'enquête de l'IGAS a mis en évidence une confusion des compétences au sein des services départementaux, ce qui a donné lieu à des réorganisations. Néanmoins, dans les Hauts de Seine, 500 jeunes - dont 97 % environ sont des mineurs non accompagnés - sont toujours placés dans des hôtels, contre 600 lors de ce drame, alors même que, depuis une dizaine d'années, l'excédent budgétaire du département oscille entre 500 et 600 millions d'euros. Mais il est vrai que tous les départements ne disposent pas de telles capacités financières.

J'entends l'argument selon lequel les lois votées doivent être applicables. En l'occurrence, c'est précisément le report indéfini de l'interdiction d'hébergement à l'hôtel qui rendrait ce texte inefficace. Les départements qui souhaitent pouvoir héberger dans de bonnes conditions tous les enfants de l'ASE ont besoin de pouvoir s'appuyer sur la loi, notamment pour demander des subventions à l'État.

Je m'étonne, enfin, du refus de demander un rapport sur le fichier AEM, alors que des questions demeurent sur son utilité et son efficacité. Un rapport permettrait, le cas échéant, de réformer ce fichier.

Mme Nadia Sollogoub, sénateur. - Je suis élue de la Nièvre, département où les finances ne sont pas du tout comparables à celles des Hauts de Seine et où le conseil départemental est historiquement socialiste. Croyez bien que l'action sociale est au coeur de ses préoccupations, mais si l'on annonce à son président que, dès demain, il ne pourra plus faire en sorte que les jeunes soient hébergés à l'hôtel, il sera confronté à des difficultés insurmontables.

Le groupe Union Centriste se réjouira si nous parvenons à un accord sur ce texte, car il est destiné à des enfants « cabossés ». Outre que nous avons travaillé dans une ambiance constructive, ce texte comporte des avancées non négligeables comme le week-end de repos et les actions de parrainage.

Mme Isabelle Santiago, députée. - Je me réjouis que ma première participation à une CMP soit pour un tel texte qui, au terme de cette législature, projette une lumière sur l'ensemble de notre action en la matière. Lorsque j'étais vice-présidente du conseil départemental du Val de Marne en charge de la protection de l'enfance, j'avais coutume de dire que c'était une politique de l'ombre et que nous étions peu nombreux à la défendre au niveau national. Les jeunes majeurs, les documentaires, le travail législatif nous ont aidés à faire évoluer la situation.

Les apports du Sénat sont certes importants, mais je regrette la suppression de plusieurs articles issus du texte de l'Assemblée nationale, à la rédaction desquels j'avais contribué - je précise que je suis toujours membre du Conseil national de la protection de l'enfance, à la fondation duquel j'ai d'ailleurs participé.

Initialement, le texte ne prévoyait rien pour les jeunes majeurs. À la suite de discussions avec le secrétaire d'État Adrien Taquet, j'ai fait en sorte qu'il n'en soit plus ainsi et qu'un travail parlementaire soit possible.

Nous devons faire preuve d'une grande prudence : les départements n'appliqueront pas une partie des dispositions prévues par ce texte avant des années, comme cela a été le cas avec les lois de 2007 et 2016. L'interdiction législative de l'hébergement à l'hôtel est en l'occurrence une manière d'indiquer un objectif.

Il en est de même de l'article 2 quinquies, concernant les violences faites aux femmes, que le Sénat a supprimé en jugeant qu'il était satisfait, alors que tel n'est pas le cas : la loi doit disposer explicitement que le juge ne peut pas ne pas décider le retrait de l'autorité parentale aux pères violents. Nous sommes dans le cadre de mesures de protection. Il est incompréhensible que cet article ne soit pas réintroduit.

Mme Sandrine Mörch, députée. - En tant qu'ancienne journaliste « tout terrain », j'ai beaucoup travaillé sur les hôtels sociaux et les enfants qui y sont hébergés. Ce mode d'hébergement, en l'état, permet d'éviter le pire, c'est à dire la rue, voire une reconduite à la frontière expéditive.

Nous avons tous à coeur la protection de l'enfance. Je salue le courage et l'abnégation du secrétaire d'État, qui milite pour l'adhésion des départements à ces mesures plutôt que d'essayer de les acculer. Une posture idéaliste serait intenable pour les préfectures, le SAMU social et tous ceux qui, chaque nuit, essaient de « caser » des enfants qui sont dans la rue et qui échappent à l'hébergement dans des hôtels. Il faut nous montrer incitatifs, sans verrouiller la situation pour des acteurs de terrain de bonne volonté qui peuvent aller encore plus loin, à condition que nous y allions tous ensemble. En la matière, il faut continuer à jouer collectif.

Mme Corinne Imbert, sénatrice. - Si une politique suppose de faire preuve de responsabilité et d'humilité, c'est bien celle de la protection de l'enfance. En la matière, la responsabilité des conseils départementaux est évidemment immense.

Nous devons certes tendre vers l'idéal, mais en veillant à ce qu'il ne soit pas inaccessible. Nous devons donc avancer pas à pas. Pour cette raison, je voterai le texte qui nous est proposé.

J'ai toutefois l'impression que nous avons fait un procès d'intention aux conseils départementaux. En tant que vice-présidente d'un conseil départemental chargée de l'action sociale, j'ai eu la chance de ne pas avoir à accueillir d'enfants à l'hôtel car les moyens étaient au rendez-vous. J'ai donc envie de voir le verre à moitié plein même si, collectivement, nous devons encore faire des efforts. Ne laissons pas entendre, toutefois, que les départements et leurs élus ne feraient pas le « job », même si des inégalités existent et que certaines dispositions ne sont pas uniformément appliquées.

La création de places d'accueil implique de lancer un appel à projets, donc une volonté politique, mais il faut aussi tenir compte du temps administratif, ce qui n'est pas si simple. Si nous disposions d'une baguette magique pour améliorer la protection de l'enfance, nous l'utiliserions tous.

Un signal est envoyé aux conseils départementaux qui abusent des nuits d'hôtel. J'espère qu'ils se donneront ou qu'ils auront les moyens leur permettant de limiter ou de mettre un terme à de telles situations.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le texte initial visait à limiter l'hébergement à l'hôtel à deux mois, et il était précisé que cette solution devait constituer l'exception. Toutefois, la pratique pouvait perdurer indéfiniment. Le Sénat a souhaité l'interdire totalement, dans un délai de deux ans.

Pendant un peu plus de quinze ans, j'ai été chargé des affaires sociales dans un conseil départemental - que j'ai par ailleurs présidé pendant dix ans. Je sais combien il est difficile de trouver des hébergements pour les enfants. Il faut donc laisser aux conseils départementaux le temps de le faire, tout en sachant qu'à l'expiration du délai de deux ans, ils devront mettre un terme définitif aux hébergements dans des hôtels. Sans ce délai, des contentieux se feraient jour immédiatement. Je suis persuadé que nombre de conseils départementaux y parviendront avant ces deux ans car nous envoyons d'ores et déjà avec l'adoption de cet article un signal fort.

Nous avons également ajouté dans le texte qu'un décret pris après consultation des conseils départementaux fixe notamment le niveau minimal d'encadrement et de suivi des mineurs qui pourront être hébergés à titre exceptionnel dans des structures « jeunesse et sport ».

Pour répondre aux questions sur la gouvernance territoriale, l'ODPE n'a pas pour objet de définir une politique. Notre proposition d'instituer un comité départemental pour la protection de l'enfance, pour les départements qui le souhaitent, dans le cadre d'une expérimentation, vise précisément à ce que tous les acteurs de la protection de l'enfance travaillent ensemble, en coordination avec le préfet et le président du conseil départemental.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - S'agissant de l'accueil de l'enfant par un tiers digne de confiance, le juge sera en mesure d'évaluer le risque de reproduction des dysfonctionnements familiaux. Le texte ne systématise pas le recours au tiers de confiance. J'ajoute que celui-ci sera accompagné par l'aide sociale à l'enfance.

Par ailleurs, la référence au soutien familial s'explique par le fait que le public concerné est souvent composé de très jeunes mères de famille, comme l'expliquait une association que j'ai auditionnée.

Personne ne souhaite que des enfants soient hébergés à l'hôtel. Cette solution est exceptionnelle, limitée à deux mois pendant la période de transition qui conduira à sa suppression.

L'article 2 quinquies était important à mes yeux. Sa suppression résulte d'un compromis entre les deux chambres. Nous avons encore beaucoup de travail à faire contre les violences faites aux enfants - je pense notamment à la proposition de loi de Mme Tamarelle-Verhaeghe visant à protéger les enfants exposés aux violences au sein du couple.

La commission mixte paritaire en vient à l'examen des dispositions du projet de loi restant en discussion.

Article 1er

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er bis

Proposition de rédaction n° 1 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à clarifier la rédaction de l'article afin de s'assurer que l'allocation de rentrée scolaire est bien versée à la famille uniquement lorsque l'enfant est confié, sur décision du juge, à un service ou un établissement d'accueil à la journée et qu'il réside au domicile d'un membre de sa famille.

La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Article 2 bis

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 ter

L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue du Sénat.

Article 2 quinquies (supprimé)

La suppression de l'article 2 quinquies est maintenue.

Article 3

Proposition de rédaction n° 2 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à limiter à deux mois la durée durant laquelle un mineur ou un jeune majeur de moins de 21 ans peut être pris en charge à l'hôtel, jusqu'à l'interdiction de tout hébergement à l'hôtel, qui entrera en vigueur deux ans après la publication de la loi.

La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis AA

L'article 3 bis AA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis A (supprimé)

La suppression de l'article 3 bis A est maintenue.

Article 3 bis B

L'article 3 bis B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis C (supprimé)

La suppression de l'article 3 bis C est maintenue.

Article 3 bis D

Proposition de rédaction n° 18 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à étendre le dispositif de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance proposé aux majeurs de moins de 21 ans lorsqu'ils ont été pris en charge par l'ASE avant leur majorité et qu'ils ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants, aux mineurs émancipés se trouvant dans la même situation.

La proposition de rédaction n° 18 est adoptée.

L'article 3 bis D est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis E (supprimé)

L'article 3 bis E est rétabli dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis F (supprimé)

L'article 3 bis F est rétabli dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Article 3 bis G

Proposition de rédaction n° 3 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à préciser que les mesures d'AEMO renforcées pourront être ordonnées pour une durée maximale d'un an renouvelable. L'instauration d'un tel délai est nécessaire compte tenu du caractère exceptionnel de ce dispositif, tout en permettant d'adapter l'accompagnement du mineur à l'évolution de sa situation.

La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.

L'article 3 bis G est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis H

L'article 3 bis H est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis (supprimé)

L'article 3 bis I est rétabli dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis (supprimé)

La suppression de l'article 3 bis est maintenue.

Article 3 ter

Proposition de rédaction n° 4 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - L'article 3 ter prévoit que l'entretien de préparation à l'autonomie pour les mineurs pris en charge par les services de l'ASE a lieu au plus tard un an avant la majorité. Cette proposition de rédaction vise à s'assurer que les jeunes ayant été pris en charge après leurs 17 ans bénéficieront bien de cet entretien. La disposition concerne pour l'essentiel les MNA.

La proposition de rédaction n° 4 est adoptée.

L'article 3 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 quater

Proposition de rédaction n° 19 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à étendre aux mineurs émancipés le nouvel entretien organisé six mois après la sortie des dispositifs de l'ASE et visant à faire un bilan du parcours et de l'accès à l'autonomie, ainsi que l'entretien supplémentaire pouvant être sollicité par le jeune avant ses 21 ans.

La proposition de rédaction n° 19 est adoptée.

L'article 3 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 quinquies

Proposition de rédaction n° 5 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à s'assurer du caractère facultatif de l'accompagnement par le conseil départemental des jeunes majeurs pris en charge ou ayant été pris en charge par le service de l'ASE dans la consultation du dossier relatif à leurs origines.

La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.

L'article 3 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4 A

Proposition de rédaction n° 6 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Elle vise à inscrire l'accompagnement des enfants victimes de la prostitution parmi les missions de l'aide sociale à l'enfance, dans l'objectif d'apporter un soutien adapté à ces mineurs et de lutter plus efficacement contre ce phénomène.

La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.

L'article 4 A est ainsi rédigé.

Article 4

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4 bis

Proposition de rédaction n° 7 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à compléter l'article 4 bis, issu d'un amendement adopté par le Sénat, qui précise que l'agrément n'est pas accordé si l'un des majeurs vivant au lieu d'exercice de l'assistant maternel ou familial est inscrit au FIJAIS, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. La proposition de rédaction permet d'inclure dans le contrôle des antécédents judiciaires les mineurs de plus de 13 ans vivant au domicile de l'assistant familial ou maternel.

Elle s'inspire notamment de la proposition no 22 du rapport du Sénat sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs. Elle répond également à la préoccupation exprimée par le Sénat à l'article 10 bis.

La proposition de rédaction n° 7 est adoptée.

L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 5

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 5 bis

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 6

Proposition de rédaction n° 8 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à harmoniser les obligations faites aux départements de communiquer aux auteurs des informations préoccupantes des suites qui leur ont été données. Elle intègre ainsi aux obligations d'information déjà existantes les modifications proposées par le Sénat en prévoyant que le département devra communiquer ces informations dans un délai de trois mois. Le principe selon lequel toute personne qui a saisi la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes peut être informée des suites données à cette information est maintenu et clarifié.

La proposition de rédaction n° 8 est adoptée.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 7

Proposition de rédaction n° 9 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à revenir à la rédaction adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Les précisions quant à la composition de la formation collégiale ou l'instauration d'un principe de priorité pourraient conduire, notamment dans les juridictions dans lesquelles exercent peu de juges des enfants, à une augmentation du contentieux et à un ralentissement des procédures.

La proposition de rédaction n° 9 est adoptée.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 7 bis

Proposition de rédaction n° 10 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à retenir les apports du Sénat sur la possibilité pour le président du conseil départemental de saisir le bâtonnier en vue de la désignation d'un avocat pour l'enfant capable de discernement. Elle précise donc que toutes les démarches doivent se faire sous réserve que l'intérêt de l'enfant l'exige et aligne les possibilités de saisine d'un administrateur ad hoc pour l'enfant non capable de discernement entre le juge des enfants et le président du conseil départemental.

La proposition de rédaction n° 10 est adoptée.

L'article 7 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 9

Proposition de rédaction n° 11 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à supprimer les dispositions adoptées par le Sénat relatives à la suspension de l'agrément des assistants familiaux. Alors que la suspension ne peut excéder quatre mois, l'amendement adopté par le Sénat permet de renouveler une fois cette période. Cette possibilité ne fait pas consensus parmi les acteurs de terrain. Nous proposons donc de la supprimer.

La proposition de rédaction n° 11 est adoptée.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 9 bis

Proposition de rédaction n° 12 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à préciser la portée et les conditions de mise en oeuvre du week-end de repos mensuel introduit pour les assistants familiaux.

La proposition de rédaction n° 12 est adoptée.

L'article 9 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 10

Proposition de rédaction n° 13 de Mme Bénédicte Pételle, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Bénédicte Pételle, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le Sénat a étendu aux assistants maternels la base de données initialement consacrée aux assistants familiaux. Cette proposition de rédaction permet de préciser les modalités d'application de ces dispositions aux assistants maternels - notamment, que les employeurs des assistants maternels n'ont pas accès directement à cette base de données - ainsi que l'articulation entre cette base de données gérée par le GIP et les informations dont disposent déjà certaines administrations en ce qui concerne les agréments des assistants maternels.

La proposition de rédaction n° 13 est adoptée.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 10 bis

L'article 10 bis est supprimé.

Article 11

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12

Proposition de rédaction n° 14 de Mme Michèle Peyron, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale concernant la définition des priorités pluriannuelles d'action en matière de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile.

Compte tenu de l'inscription de ces priorités dans le cadre de la stratégie nationale de santé, qui relève de la seule prérogative de l'État, une définition conjointe avec celle des départements serait délicate. Il convient toutefois de faire toute la place à ces derniers - qui demeurent évidemment les chefs de file de la politique de protection maternelle et infantile - par le biais d'une concertation en amont de la définition des priorités.

La proposition de rédaction n° 14 est adoptée.

Proposition de rédaction n° 15 de Mme Michèle Peyron, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Michèle Peyron, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction vise à maintenir l'ajout du Sénat quant à l'encadrement des activités de PMI. Conformément à mon rapport intitulé « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », la politique départementale de PMI devra suivre des objectifs de santé publique. Elle devra par ailleurs être appliquée par des personnels de santé dont le nombre dans chaque département sera garanti grâce à des normes minimales d'effectifs, qui sont conservées à l'initiative du Sénat.

La proposition de rédaction supprime l'obligation d'actualisation, au motif que ces modalités de mise à jour des normes relèvent d'une prérogative du pouvoir réglementaire, mais cela n'enlève en rien la nécessité de veiller à l'absence d'obsolescence de ces normes.

La proposition de rédaction n° 15 est adoptée.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12 bis A

Proposition de rédaction n° 16 de Mme Michèle Peyron, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

M. Bernard Bonne, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Cette proposition de rédaction vise à supprimer un dispositif redondant par rapport à celui qui est déjà prévu pour encadrer des expérimentations comme celles de la maison de l'enfant et de la famille, inscrit à l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

La proposition de rédaction n° 16 est adoptée.

L'article 12 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12 bis

Proposition de rédaction n° 17 de Mme Michèle Peyron, rapporteure pour l'Assemblée nationale, et de M. Bernard Bonne, rapporteur pour le Sénat.

Mme Michèle Peyron, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de rédaction a pour objet, en premier lieu, de supprimer la mention d'un seuil minimal de personnels composant les équipes de PMI, désormais redondante avec le maintien à l'article 12 de normes minimales d'effectifs.

Elle tend, en second lieu, à maintenir la nouvelle dénomination des CPEF, adoptée par l'Assemblée nationale. Toutefois, ces derniers seront simplement appelés « centres de santé sexuelle », car la mention de la santé reproductive n'est pas prévue par la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030.

La proposition de rédaction n° 17 est adoptée.

L'article 12 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 12 ter (supprimé)

L'article 12 ter est rétabli dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Article 13

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 13 bis

L'article 13 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 14 bis

L'article 14 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 15

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 15 bis

L'article 15 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants.

*

* *

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi relatif à la protection des enfants dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

La réunion est close à 18 h 55.

Mercredi 12 janvier 2022

- Présidence de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente

La réunion est ouverte à 17 h 03

Commissions mixtes paritaires sur la proposition de loi organique et sur la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion des propositions de loi organique et ordinaire relatives aux lois de financements de la sécurité sociale se réunissent à l'Assemblée nationale le mercredi 12 janvier 2022.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont désigné :

- Membres titulaires :

 Pour l'Assemblée nationale :

Mme Fadila Khattabi, M. Thomas Mesnier, Mmes Annie Vidal, Caroline Janvier, MM. Jean-Pierre Door, Stéphane Viry, Brahim Hammouche

 Pour le Sénat :

Mme Catherine Deroche ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, M. Xavier Iacovelli

- Membres suppléants :

 Pour l'Assemblée nationale :

Mme Stéphanie Rist, M. Julien Borowczyk, Mme Valérie Rabault, M. Paul Christophe, Mmes Valérie Six, Jeanine Dubié, M. Pierre Dharréville

 Pour le Sénat :

M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, M. Alain Milon, Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, Véronique Guillotin, Laurence Cohen

Elles procèdent tout d'abord à la désignation de leur bureau, constitué de Mme Fadila Khattabi, députée, présidente, de Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente, de M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

Étaient également présents Mme Fadila Khattabi, M. Thomas Mesnier, Mmes Annie Vidal, Caroline Janvier, MM. Jean-Pierre Door, Stéphane Viry, Brahim Hammouche, députés titulaires, et M. Paul Christophe, Mme Jeanine Dubié, députés suppléants, ainsi que Mme Catherine Deroche ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Mme Monique Lubin, M. Xavier Iacovelli, sénateurs titulaires, et Mmes Elisabeth Doineau, Annie Le Houerou, sénatrices suppléantes.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions des propositions de loi restant en discussion.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. Je souhaite la bienvenue à nos collègues sénateurs pour cette commission mixte paritaire. Les propositions de loi organique et ordinaire déposées par notre collègue Thomas Mesnier et adoptées par l'Assemblée nationale en juillet dernier comportaient respectivement quatre et deux articles. Les textes adoptés par le Sénat comportent quant à eux dix articles pour la proposition de loi organique, dont six nouveaux et aucun conforme, et deux pour la proposition de loi ordinaire, dont un adopté conforme.

Mme Catherine Deroche, sénatrice, vice-présidente. - C'est la quatrième commission mixte paritaire qui nous réunit en quelques semaines. Nous avons su élaborer ensemble plusieurs textes communs et démontrer ainsi la capacité des parlementaires à imprimer leur marque et à améliorer la qualité des textes qui leur sont soumis dès lors qu'ils sont capables de travailler ensemble, de s'écouter et de prendre en considération le point de vue de l'autre.

Le Sénat siège cet après-midi pour examiner le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, dont notre commission des affaires sociales est saisie d'une partie des articles. J'ai néanmoins tenu à être présente car ce moment est important, même si nous semblons nous diriger vers un échec de la CMP.

En effet, sur un texte qui intéresse les fondements de la démocratie parlementaire dans son expression originelle - les lois financières - et qui se voulait une forme de reconquête des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), innovation démocratique dévoyée en processus technocratique, nous n'avons pas pu trouver d'accord. Dans ces conditions, c'est la question des lois de financement de la sécurité sociale qui, tôt ou tard, sera posée.

Sur une proposition de loi organique, qui intéresse les relations entre les pouvoirs publics et qui, à ce titre, fait l'objet de règles procédurales ad hoc, nous n'avons pas pu trouver d'accord non plus. Il me semble que cette situation est inédite car, s'agissant de ce type de textes, il est d'usage que les assemblées fassent chacune un pas en direction de l'autre afin d'aboutir à un accord. Je regrette qu'il n'en soit pas ainsi.

L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous confie une mission de contrôle du bon emploi des fonds publics à laquelle nous ne pouvons pas nous dérober, ne serait-ce que pour garantir la pérennité d'un modèle social auquel nous sommes attachés. En l'état actuel des textes, il n'est pas certain que nous puissions la remplir, alors qu'une telle exigence se fait chaque jour plus prégnante.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a examiné les textes de l'Assemblée nationale avec une grande attention. Au reste, sa commission des affaires sociales réfléchit depuis longtemps au cadre organique des LFSS, considérant que le Parlement a intérêt à accroître son pouvoir de contrôle en la matière. Ainsi la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat m'a-t-elle confié, dès 2019, le soin de proposer un certain nombre d'évolutions dans ce domaine. Je lui ai remis mon rapport en juillet 2020, et une proposition de loi organique, cosignée par Mme Catherine Deroche, présidente de notre commission des affaires sociales, M. Alain Milon, vice-président, ainsi que par l'ensemble des rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale - dont certains sont présents ici même, comme Corinne Imbert, Élisabeth Doineau et René-Paul Savary - a été déposée en mars 2021.

Saisi des textes de l'Assemblée nationale, le Sénat a accepté, dans un esprit toujours constructif, la très grande majorité de leurs dispositions ; la principale d'entre elles, la création des lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) figurait d'ailleurs, sous le même intitulé, dans notre proposition de loi.

Il a toutefois souhaité les enrichir de ses propositions, structurées autour de quatre axes propres à donner une nouvelle dimension aux lois de financement de la sécurité sociale.

Premier axe : l'extension du périmètre de ces lois à l'assurance chômage.

Deuxième axe : le renforcement de leur normativité par l'introduction de clauses de révision visant à renforcer le pouvoir du Parlement en cours d'exercice. Ainsi, en cas de dépassement du plafond de découvert de l'URSSAF Caisse nationale, anciennement l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), ou de remise en cause des conditions générales de l'équilibre voté par le Parlement, le Gouvernement serait tenu de revenir s'expliquer devant les commissions des affaires sociales des deux chambres et de recueillir leur avis ou, s'il le préfère, de déposer un « collectif social ».

Le troisième axe concerne le renforcement des pouvoirs de contrôle. Notre commission a notamment adopté un amendement de René-Paul Savary, qui préside notre MECSS, visant à renforcer le droit d'interrogation du Parlement et imposant que les réponses soient fournies dans un format exploitable.

Enfin, le Sénat a adopté un amendement instaurant, à compter du PLFSS 2025, une règle d'or visant à assurer l'équilibre des comptes sociaux à moyen terme.

Le texte issu de nos travaux était donc ambitieux et cohérent. Nous sommes conscients qu'il l'était peut-être un peu trop. Pour favoriser un accord en CMP, nous sommes donc prêts à discuter de la possibilité d'en retirer les aspects les plus clivants, tels l'inclusion de l'assurance chômage dans le périmètre des LFSS et la règle d'or ; ce n'est pas rien. Il serait en revanche difficilement compréhensible de ne pas retrouver dans le texte final l'ensemble des volets consacrés aux clauses de révision ou à l'augmentation du pouvoir de contrôle, d'autant plus que le Gouvernement ne s'est opposé au Sénat à aucun de ces renforcements du pouvoir du Parlement. J'espère donc vivement que le rapporteur pour l'Assemblée nationale le confirmera.

Deux points résiduels n'ont pas été réglés avant le début de cette réunion.

Tout d'abord, la question de l'extension du périmètre des LFSS aux mesures ayant un effet sur la dette des établissements de santé. Le Sénat ne souhaite pas une telle extension, pour des raisons de fond et parce que le Conseil d'État a formellement considéré, dans son avis sur la proposition de loi organique, que cette mesure serait contraire à la Constitution.

Ensuite, la question du contrôle des dotations que la sécurité sociale attribue aux divers organismes, fonds et agences qu'elle finance, à hauteur d'environ 3 milliards. Selon nous, le niveau de ces crédits devrait être déterminé par la LFSS elle-même et, si nécessaire, le Gouvernement devrait demander une nouvelle autorisation parlementaire, comme il le fait pour toute subvention de l'État.

Les lois financières sont au coeur des pouvoirs du Parlement, dont elles sont même la principale raison d'être, avec la définition des crimes et des délits. Le cadre organique de ces lois est donc l'un des éléments fondamentaux de l'équilibre des pouvoirs. C'est pourquoi, dans toute l'histoire de la Ve République, quelles qu'aient été les configurations politiques, la définition ou la révision du cadre organique des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale a toujours fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées. J'espère que nous ne créerons pas aujourd'hui un précédent désolant sur le plan symbolique et institutionnel. J'espère davantage encore qu'un éventuel désaccord ne conduirait pas in fine à l'adoption d'une loi organique qui ne se traduirait, pour le Parlement, par aucun progrès réel en matière de pouvoir financier.

M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. Les chiffres cités par Mme la présidente Khattabi témoignent de la volonté de chacune de nos chambres d'enrichir ce texte, mais aussi de l'écart qui subsiste entre nos deux points de vue, écart qui ne nous permettra pas, me semble-t-il, de conclure avec succès cette commission mixte paritaire, pas plus que cela n'avait été possible sur la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie qui, déjà, révisait le cadre organique de la LFSS.

Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail réalisé par le Sénat. Outre des modifications rédactionnelles toujours bienvenues, les sénateurs ont enrichi la proposition de loi organique de dimensions nouvelles qui me semblent intéressantes.

Je retiens tout d'abord la plus grande cohérence du cercle budgétaire vertueux que nous cherchons à instaurer par la proposition de loi organique. Le Sénat a ainsi doté la nouvelle loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous voterons au printemps, d'un article liminaire portant sur l'exercice clos, ce qui me semble de bonne pratique.

Il convient de citer ensuite l'amélioration du contrôle du financement de la sécurité sociale en période particulièrement troublée. Si je ne souscris pas à l'ensemble des instruments que les sénateurs ont ajoutés au texte - j'y reviendrai -, il me semble que la contrainte imposée au Gouvernement de déposer un rapport en cas de remise en cause sensible des conditions générales de l'équilibre financier en cours d'exercice est un outil utile pour le Parlement. La période récente atteste que ce type de bouleversement imprévisible des finances sociales n'est pas une hypothèse d'école.

Enfin, les dispositions relatives à l'encadrement du rôle de la Cour des comptes dans ses fonctions d'accompagnement du Parlement me semblent pouvoir être également comptées parmi les ajouts précieux qu'a permis le travail du Sénat.

Je constate toutefois que nos divergences l'emportent largement sur ces quelques points, en ce qui concerne le périmètre de la loi de financement, sa portée ainsi que l'appréciation de la situation des finances sociales.

S'agissant du périmètre des lois de financement, le Sénat en a étendu le champ à l'assurance chômage quand l'Assemblée s'en est tenue à une extension des informations contenues dans les annexes.

Je reconnais volontiers que le régime d'assurance chômage, qui se caractérise par des prestations principalement contributives, sur une base assurantielle, et une gouvernance assurée par les partenaires sociaux, a de nombreuses ressemblances avec les branches de la sécurité sociale actuellement examinées dans le cadre des lois de financement. Il me semble néanmoins qu'il est trop tôt pour opérer cette extension. Les partenaires sociaux, avec lesquels j'ai échangé en amont de la présentation de la proposition de loi organique, m'ont fait part de leurs fortes réticences, dans un contexte où la gouvernance de l'assurance chômage a déjà été sensiblement modifiée récemment. Il faut donc s'en tenir à un renforcement de l'information permettant d'éclairer les parlementaires sur le régime de l'assurance chômage et sur celui des retraites complémentaires. Ces masses financières qui engagent tous les Français ne peuvent plus rester des points aveugles de notre débat budgétaire.

Par ailleurs, le Sénat a restreint le champ des lois de financement proposé par l'Assemblée nationale, en supprimant les dispositions relatives à la dette des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Les raisons de nos divergences à ce sujet remontent à l'examen du projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie et relèvent d'une différence d'appréciation des liens entre ces établissements et l'assurance maladie. J'observe que le Conseil constitutionnel a refusé de censurer une disposition relative à la « reprise de dettes » pour l'investissement hospitalier en loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui lui avait été déférée par le Sénat. J'estime que l'insécurité juridique actuelle ainsi que les circuits de financement qui lient établissements et régime justifient un éclaircissement de la loi organique à ce sujet. C'est pourquoi je m'oppose à la suppression effectuée par le Sénat.

S'agissant de la portée que revêtent les lois de financement, nous avons, là aussi, des divergences sur lesquelles nous nous sommes déjà expliqués lors de l'examen de la LFSS pour 2022.

Le Sénat a souhaité créer des sous-objectifs au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie visant à fixer des enveloppes limitatives pour le financement des établissements de santé, d'une part, et des opérateurs et fonds financés par l'assurance maladie, d'autre part. Ce dispositif, lourd en gestion et en implications, me semble peu opportun dans des conditions d'urgence telles que celles que la France a connues récemment.

Plus fondamentalement, ces dispositions contribueraient à remettre en cause le caractère évaluatif des lois de financement de la sécurité sociale. Celui-ci, garanti par la Constitution, qui évoque bien des « prévisions de recettes » et des « objectifs de dépenses », m'est particulièrement cher et me semble être l'une des principales raisons pour lesquelles le constituant a souhaité distinguer un budget propre à la sécurité sociale.

Nous n'avons malheureusement pas pu nous mettre d'accord sur une procédure d'information poussée quant à l'évolution budgétaire des agences et fonds de l'assurance maladie, actant là aussi une divergence qu'il me semble difficile de surmonter.

S'agissant, enfin, de l'appréciation de la situation actuelle de nos finances sociales, là encore, nos avis divergent.

Je ne peux que partager l'attention accordée par le Sénat, à qui je reconnais une vraie constance en la matière, aux déficits sociaux et à la dette qui en résultent, mais il ne me semble pas opportun de conserver dans le texte organique la règle d'or que les sénateurs y ont inscrite, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, le mécanisme adopté par le Sénat suppose que la sécurité sociale soit à l'équilibre sur cinq exercices à partir de 2024. Or, en dépit des bonnes nouvelles qui s'accumulent sur le front économique - avec un taux de croissance de 6,25 % en 2021 et de 4 % en 2022 - comme sur le front social - avec une diminution sensible du chômage, donc une augmentation de la masse salariale -, les dernières prévisions inscrites en LFSS pour 2022 font état d'un déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale de 10 milliards pour l'exercice 2024. Cela représente, certes, un net progrès par rapport à la situation actuelle mais, comme nous l'a appris la décennie qui a suivi la crise financière, les derniers milliards sont les plus difficiles à résorber ! L'instauration de cette règle d'or, dans les conditions actuelles, supposerait donc que la sécurité sociale soit en mesure de produire au moins 10 milliards d'excédents en 2028, et beaucoup plus si la réduction de ce déficit est graduelle à partir de 2024 - ce qui est quand même l'hypothèse la plus réaliste. Cela ne me semble donc ni possible ni souhaitable.

Ensuite, je rappelle que l'Assemblée nationale avait déjà prévu l'existence d'une « règle en dépenses » par le biais d'un compteur permettant de mesurer les écarts entre la trajectoire de dépenses pluriannuelle proposée par un gouvernement et une majorité en début de quinquennat et les dépenses engagées chaque année. Il s'agit d'un instrument de responsabilité politique et de sincérité budgétaire susceptible d'accompagner le redressement de nos comptes sociaux dans les années à venir.

En dépit de la qualité réelle d'un certain nombre d'ajouts de nos collègues sénateurs, les divergences entre nos deux chambres me semblent largement l'emporter sur les possibilités de convergence et ne permettent donc pas de trouver un accord équilibré.

Je me félicite néanmoins de ce que la richesse de nos échanges permettra d'apporter à une modernisation de l'exercice auquel nous nous prêtons chaque année : l'examen démocratique des finances sociales de notre nation.

M. Jean-Pierre Door, député. Je me souviens que les débats entre les deux chambres sur la loi organique de 2005 s'étaient déroulés dans un climat parfaitement consensuel. Si cette loi s'applique depuis maintenant quinze ans sans problème majeur, il paraît néanmoins logique de lui apporter des modifications, comme le propose la majorité de l'Assemblée nationale dans ces propositions de loi organique et ordinaire.

Du reste, en commission comme en séance publique, les députés du groupe Les Républicains ont approuvé ces textes, même si l'inscription de la dette des établissements hospitaliers dans la nouvelle loi organique nous semblait problématique. Le Sénat a souhaité revenir sur cette disposition et, bien entendu, cela nous convient. De fait, monsieur Mesnier, le Conseil d'État a souligné que les mesures relatives à cette dette ne font pas partie du domaine des LFSS. Quant au Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, il soulève également cette question dans une synthèse à paraître demain.

Nous regrettons que, faute d'un rapprochement, ce point essentiel conduise à un échec de la CMP. La question de la constitutionnalité de cette disposition reste pendante, le Conseil constitutionnel ne l'ayant pas tranchée lorsqu'il a censuré plus de vingt articles du PLFSS pour 2022. Certes, la règle d'or instituée par le Sénat - que nous réclamons depuis des années - pose aussi problème, mais les débats de la campagne présidentielle permettront peut-être de formuler d'autres propositions en la matière.

Nous ne parviendrons donc pas, hélas, à une conclusion favorable ; je regrette que la majorité de l'Assemblée nationale ne fasse pas un effort sur la question de la dette hospitalière qui, par définition, ne relève pas du champ des LFSS.

Mme Monique Lubin, sénatrice. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat n'a pas approuvé ces propositions de loi : conçues à travers le seul prisme du contrôle de la dépense publique, elles conduisent à un pilotage par les déficits, donc à la limitation de la protection sociale des Français. Quant à la règle d'or introduite par nos collègues de la majorité sénatoriale, elle pourrait avoir les mêmes conséquences, dès lors qu'elle privilégie la question des moyens plutôt que les besoins de nos concitoyens. Enfin, même si nous connaissons l'attachement au paritarisme du rapporteur du Sénat, l'inclusion de l'assurance chômage dans le périmètre des LFSS nous paraît inquiétante.

Mme Jeanine Dubié, députée. Il est légitime d'envisager une adaptation des textes en fonction de l'évolution des choses. Compte tenu des enjeux, il est vraiment dommage qu'on ne puisse pas aboutir à un consensus entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Si ces propositions de loi ne sont adoptées que par cette dernière, ce n'est pas un bon départ.

M. Brahim Hammouche, député. La proposition de loi organique est fondamentale pour améliorer le cadre général des LFSS. Comme d'autres collègues, je regrette que la CMP ne soit pas conclusive. Cela aurait permis de montrer que le coeur battant de la République - l'Assemblée nationale - et son poumon - le Sénat - sont en synergie et que la grande circulation démocratique fonctionne sur de bonnes bases.

Le groupe MODEM et démocrates apparenté sera attentif à la manière dont le texte pourra évoluer lors de la suite de son examen, d'autant que l'insécurité constitutionnelle de certaines dispositions a été soulignée par le Conseil d'État.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué cette question comme si nous ne vous avions pas écouté, mais nous sommes prêts, je l'ai dit, à discuter de la suppression de la disposition concernant l'assurance chômage pour trouver un point d'accord avec vous. J'ai écouté aussi les syndicats - comme l'a rappelé Mme Lubin, j'ai une expérience très concrète du paritarisme - et il me semble que les choses ont bougé et que nos initiatives ont contribué à cette évolution. M. Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a ainsi déclaré qu'il fallait trouver un accord et faire en sorte que le Gouvernement arrête de dicter sa loi. Certains estiment qu'il faut revoir les règles du paritarisme. Je dis : bravo ! J'attendais cela. Je peux donc concevoir qu'il n'est pas nécessaire d'intégrer aujourd'hui l'assurance chômage dans le champ de la LFSS, le financement par l'impôt restant minoritaire par rapport aux cotisations.

En ce qui concerne la règle d'or, le compteur des écarts me paraît effectivement une mesure temporaire utile. Peut-être arrivera-t-on, un jour, à fixer des limites aux dépenses ou à augmenter les recettes de la sécurité sociale, pour améliorer ses finances. J'ai toujours dit, en effet, que je ne m'en tenais pas aux seules mesures d'économie : il faut également trouver de nouvelles ressources, notamment pour faire face aux besoins liés aux évolutions démographiques.

Sur ces deux points, nous sommes donc d'accord.

Pour le reste, le Sénat ne remet pas en question le caractère évaluatif des LFSS, j'y insiste. Il lui semble néanmoins légitime, s'agissant des dotations octroyées à certaines agences - à hauteur de 3,8 milliards en 2022 -, que le Parlement soit informé des éventuels dépassements et qu'il puisse en débattre. On peut trouver une formule de compromis.

J'en viens à la dette des établissements hospitaliers. Chacun a noté que, sur ce point, l'appréciation du Conseil d'État a été très ferme. Mais soyons précis s'agissant du contenu de la décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre dernier sur le PLFSS pour 2022. Le Conseil s'est simplement prononcé sur l'article 6, qui prolonge de 2021 à 2028 la période pendant laquelle les établissements de santé peuvent présenter leurs dossiers d'investissements afin de bénéficier du soutien de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Il a considéré que cet article avait un effet sur les comptes de la sécurité sociale, mais qu'il ne modifiait pas le système de financement de la dette hospitalière par la CADES au point de justifier un réexamen d'ensemble du dispositif, qui ne lui avait pas été déféré en 2020, lors de son adoption - c'est l'application d'une jurisprudence dite « néocalédonienne ».

Selon nous, dans cette décision, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur le périmètre des LFSS. En revanche, il l'a fait en termes clairs dans une décision du 10 novembre 2010. Un projet de loi organique prévoyait d'étendre le périmètre de ces lois à des mesures ayant des incidences sur l'équilibre financier des régimes et organismes de sécurité sociale. Le Conseil a censuré ce dispositif en rappelant que la Constitution limite le rôle des LFSS à la définition de l'équilibre financier de la sécurité sociale et qu'une simple incidence n'entrait pas dans ce champ. Dès lors, on voit mal comment il pourrait désormais valider une extension du périmètre de ces lois à la dette des établissements hospitaliers, puisque ces derniers sont des personnes morales distinctes des organismes de sécurité sociale.

Outre cette jurisprudence, le Conseil d'État a affirmé, je l'ai dit, une position très claire et sérieusement fondée. Il est donc nécessaire de discuter. Nous ne pourrons sans doute pas conclure ce soir, mais nous nous orientons vers une nouvelle lecture : peut-être pourrions-nous essayer de rapprocher nos points de vue, sur cette question comme sur les autres, dans l'intérêt du Parlement et dans le vôtre. L'année prochaine, je tirerai ma révérence, mais le Parlement continuera d'exister et c'est à vous qu'il reviendra d'exercer le pouvoir.

M. René-Paul Savary, sénateur. - Je suis intervenu dans les discussions sur ces propositions de loi en tant que rapporteur de la branche vieillesse. C'est la raison pour laquelle j'étais très attaché au fait que les retraites complémentaires figurent dans les annexes. On en a discuté avec les partenaires sociaux, et c'est dans leur intérêt. Il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même pour l'UNEDIC.

M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. C'est ce que nous avons fait !

M. René-Paul Savary, sénateur. - Et je vous en félicite, en vous invitant à poursuivre dans cette voie.

Quant aux propositions concernant le financement des agences, elles sont aussi dans l'intérêt du Parlement puisqu'elles contribueraient à son information légitime. Prenons le cas de Santé publique France : sa dotation est passée, en deux ans, de 150 millions d'euros à 4 milliards d'euros !

Reste la question de l'inscription de la dette des hôpitaux dans le périmètre de la LFSS. Le montant de cette dette s'élève, je le rappelle, à une quarantaine de milliards d'euros, à comparer aux quelque 230 milliards d'euros de dépenses de la branche maladie. Il serait dommage que, pour une question dont l'enjeu budgétaire n'est pas prééminent, nous échouions à nous accorder sur un texte très intéressant pour le Parlement, tant pour les députés que pour les sénateurs. Un effort pourrait donc être consenti afin d'aboutir à une solution commune : peut-être pourrait-on analyser la dette hospitalière dans un autre cadre que celui du PLFSS - car il est important, en tout état de cause, que le Parlement puisse en débattre.

Ne nous entêtons pas sur cette question et essayons de faire un pas les uns vers les autres, afin d'aboutir à un texte commun qui nous éclaire davantage sur le financement de plus en plus compliqué de la sécurité sociale.

Mme Fadila Khattabi, députée, présidente. Même si certains des points sur lesquels subsistait un désaccord ont été évacués - je pense à la question de la règle d'or et à celle de l'assurance chômage -, des divergences subsistent, et non des moindres. Je constate donc l'échec de la CMP. La nouvelle lecture permettra peut-être d'autres avancées.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.

La réunion est close à 17 h 38.

Jeudi 13 janvier 2022

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 05.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique s'est réunie à l'Assemblée nationale le jeudi 13 janvier 2022.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, de M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, de M. Jean-Pierre Pont, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M. Philippe Bas et Mme Chantal Deseyne, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Yaël Braun-Pivet députée, présidente. - Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 décembre 2021, comportait initialement trois articles. Il en comptait treize à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, le 5 janvier 2022, et dix-neuf au terme de son examen, la nuit dernière au Sénat, qui en a supprimé deux. Cinq articles ont été adoptés dans les mêmes termes. Quatorze articles restent donc en discussion.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur. - En ce début d'année électorale, très importante pour notre démocratie, je forme le voeu que la représentation nationale donne la meilleure image d'elle-même, afin que nous puissions, dans les meilleures conditions, renouer un lien qui s'est distendu avec les Français, à la faveur des grands rendez-vous démocratiques de cette année.

Nous, sénateurs, sommes venus à l'Assemblée nationale avec la très ferme intention de faire aboutir cette CMP. Nous avons passé en revue les principales dispositions du texte. Le Sénat a accepté, à une écrasante majorité, le passe vaccinal, au terme d'un débat approfondi, respectueux et serein, prenant le temps nécessaire à l'écoute et permettant de rechercher un accord très large. La plupart des amendements adoptés l'ont été très au-delà des limites des groupes politiques, à des majorités où se retrouvait la quasi-totalité de la majorité sénatoriale, ainsi que les groupes minoritaires ou d'opposition, tous fédérés autour d'un esprit de responsabilité dans la lutte contre la covid-19.

Bien entendu, nous savons que le passe vaccinal n'est pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre la flambée épidémique que nous connaissons à l'heure actuelle. L'essentiel est peut-être même ailleurs, d'autant que le passe vaccinal ne produira ses premiers effets que lorsque les personnes non-vaccinées auront reçu deux doses, ce qui prendra au moins un mois. Il ne constitue donc pas une réponse, ici et maintenant, aux 361 000 contaminations comptabilisées hier ni aux 368 000 contaminations d'avant-hier.

Rien de tout cela ne nous a cependant empêchés de considérer, en responsabilité, qu'il y avait un intérêt sanitaire à adopter le passe vaccinal, dans le but de protéger les personnes qui, n'étant pas vaccinées, s'exposeraient à un risque de développer une forme grave de la maladie si elles fréquentaient certains lieux, notamment ceux où l'on retire son masque pour boire et manger.

Tel est du reste le seul intérêt légitime susceptible d'être pris en compte. Nous, parlementaires, ne pouvons imaginer, lorsque nous faisons la loi, qu'il s'agisse d'obtenir des effets détournés des mesures que nous adoptons. L'idée de déguisement est incompatible avec la démocratie. Nous préférons ne pas avancer masqués - sauf s'il s'agit du masque de protection contre la covid-19 ! L'idée d'une manipulation des Français, induisant que les personnes non-vaccinées auraient des motivations si médiocres qu'il suffirait de leur proposer de ne pas pouvoir aller au restaurant ou au café pour les amener à la vaccination, alors même que plus de 90 % des Français de plus de dix-huit ans sont vaccinés, et que l'on atteint un noyau dur de conviction dans la population qui ne l'est pas, est une absurdité.

Nous avons fait l'effort d'accepter le passe vaccinal, en adoptant le texte à une écrasante majorité dépassant les limites de la majorité sénatoriale, non sans l'assortir de certaines conditions, relatives notamment à ses modalités. Nous pensions que ces conditions étaient tellement raisonnables qu'elles préparaient déjà l'accord sur un texte commun que nous sommes venus chercher à l'Assemblée nationale.

Nous avons décidé, renonçant à une position constante du Sénat, de ne pas inscrire dans le projet de loi une date - nous fixons en général une durée de trois mois - au-delà de laquelle le passe vaccinal tomberait de lui-même si le législateur n'était pas de nouveau saisi pour se prononcer sur sa prolongation. Nous avons conscience que nous n'avons plus assez de temps pour prévoir un débat qui se tiendrait dans les quinze jours précédant le premier tour de l'élection présidentielle.

Nous n'avons donc pas touché à la date du 31 juillet 2022, que nous avions refusée au mois de novembre dernier. En contrepartie, nous avons jugé souhaitable, sans baisser la garde, de fixer dans la loi des critères qui, s'ils sont réunis, empêcheraient le maintien du passe vaccinal, en les choisissant de façon à compter large, pour être sûrs que nous ne baisserions pas la garde trop vite.

Par ailleurs, nous sommes revenus en séance publique sur une disposition que j'avais fait adopter par la commission des lois, visant à ne pas ajouter, dans les cafés, les restaurants, les cinémas et les autres lieux où est exigé le passe vaccinal, à l'exigence de montrer celui-ci celle de devoir prouver d'une manière ou d'une autre son identité. J'avais toutefois accepté qu'on puisse y être invité, facultativement, avec des documents distincts de la carte nationale d'identité et du passeport, tels qu'une carte Vitale avec photographie, un passe Navigo, une carte professionnelle ou tout document qui, sans avoir force probante devant un tribunal, permettrait au moins de rassurer le responsable de l'établissement sur l'identité de son client.

En séance publique, les groupes ont rejeté cette disposition à l'unanimité, par l'adoption, à une majorité écrasante, de dix amendements identiques, arguant que ce type de faculté ne sera pratiquement jamais exercé par l'hôtelier, le restaurateur ou le gérant de cinéma, faute d'y être obligé, d'une part, et, d'autre part, qu'il s'acquitte déjà de devoirs assez pénibles, et coûteux au demeurant, en vérifiant le passe sanitaire qui deviendrait passe vaccinal. Le caractère opérationnel du dispositif facultatif de vérification d'identité, même dans la version adoptée par la commission des lois du Sénat, me semble donc très douteux.

Cette volonté du Sénat est une volonté politique unanime. Nous avons considéré que, si les représentants des principaux courants de pensée entre lesquels les Français se répartissent depuis que la République est République s'expriment pour trouver une position commune de cet ordre, c'est sans doute qu'elle reflète l'attente de la majorité des Français, attachés aux libertés et refusant de faire des responsables de cafés, de restaurants et de cinémas des auxiliaires de nos forces de police et de gendarmerie. Sur ce sujet sensible, le vote du Sénat est un vote de conviction très ferme, qui au surplus nous a semblé permettre au Gouvernement de sortir d'un risque d'impasse et de conflit majeur avec des professions et des professionnels qui sont chaque jour au contact de millions de Français.

S'agissant de l'amendement présenté à la dernière minute par le Gouvernement, sans avoir été étudié par le Conseil d'État, et ne faisant pas partie des arbitrages initiaux rendus pour rédiger son texte, nous avons considéré qu'il était dangereux. L'article 1er bis A, qu'il a introduit, permet notamment à l'inspecteur du travail de venir dans l'entreprise pour y procéder à une appréciation de son organisation et de son fonctionnement. Cela nous renvoie au dispositif de l'autorisation administrative de licenciement pour motif économique, qui a été supprimé en 1986. Le grand retour de l'inspecteur du travail, substituant son appréciation à celle de l'employeur, figure dans le texte adopté par l'Assemblée nationale !

Dès lors qu'il existe des sanctions pénales, il nous semble qu'il suffit de les activer, en faisant fonctionner le service public de la justice comme il doit fonctionner, conformément aux priorités de politique pénale arrêtées par le garde des sceaux pour régler le problème de la sanction d'une entreprise qui frauderait, sans partir du principe qu'elles sont si nombreuses que cela. Nous avons donc considéré qu'il ne fallait pas retenir cette disposition, qui est un peu improvisée et nous emmène dans une conception des rapports entre inspection du travail et entreprises risquant d'être très conflictuelle.

Nous avons également adopté des mesures, auxquelles nous tenons, visant à simplifier le régime applicable aux mineurs et à l'alléger. Par ailleurs, nous avons retiré quelques dispositions qui ne nous semblent pas conformes à nos principes constitutionnels, telle la possibilité de ne pas sanctionner l'auteur d'une infraction s'il se fait vacciner postérieurement à sa commission. Il nous semble que l'égalité de nos concitoyens dans l'application de la loi pénale ne permet pas de donner une conséquence automatique obligatoire à ce genre de repentir.

Nous avons mené ce travail non dans l'hostilité, mais dans un esprit de coproduction de la loi par l'Assemblée nationale et le Sénat, avec bonne foi et sincérité, pour permettre au passe vaccinal, que nous approuvons, d'être accepté par les Français et d'entrer en vigueur dans de bonnes conditions. Même s'il n'est pas un élément déterminant de la lutte contre la vague du variant Omicron, il demeure utile qu'un nombre maximal de Français soit vacciné, du point de vue de leur protection comme de celui de la saturation de l'hôpital.

Malheureusement, malgré nos efforts, malgré la qualité de nos relations et celle de l'écoute de Jean-Pierre Pont, avec lequel j'ai pris l'habitude de travailler - je le fais d'ailleurs avec plaisir, et je devine que c'est réciproque -, malgré l'implication personnelle de la présidente de la commission mixte paritaire, que j'ai beaucoup de plaisir à retrouver également, je crains d'être privé aujourd'hui des moyens de prolonger nos échanges... Cette déclaration liminaire ne ferme pas la porte, naturellement, à l'accueil de nouvelles concessions de la part de la délégation des groupes majoritaires à l'Assemblée nationale.

Mme Chantal Deseyne, sénateur, rapporteur. - Philippe Bas a parfaitement exposé ce qui nous froissait - en particulier, pour ce qui me concerne, les amendes administratives. Nous considérons qu'il s'agit d'une immixtion inutile de l'inspection du travail dans la vie des entreprises. Nous en sommes là, mais peut-être nous ferez-vous d'autres propositions ?

M. Jean-Pierre Pont, député, rapporteur. - Nos assemblées travaillent vite et bien. C'est le douzième texte consacré à la crise sanitaire que nous examinons en deux ans, et la commission des lois a consacré 25 % de son temps à cet ensemble législatif.

Nous travaillons vite : l'Afrique du Sud a déclaré avoir découvert le variant omicron le 27 novembre, et six semaines après nous examinions déjà un texte.

Nous travaillons bien, puisque chacune de nos assemblées a adopté, en responsabilité, un texte visant à renforcer les outils de gestion de la crise sanitaire.

Vis-à-vis de cette vague épidémique d'une rare violence, la vaccination constitue notre meilleure arme, car elle protège contre les formes graves du virus. Nous devons tout mettre en oeuvre pour la favoriser. Le passe vaccinal n'est pas le seul outil de gestion de la crise, mais il est un instrument indispensable pour faire face à l'évolution de l'épidémie. Je reste attaché à ce que nous n'entravions pas son déploiement et son efficacité sanitaire.

Avec le rapporteur du Sénat, nous nous sommes donné tous les moyens pour que la CMP aboutisse, forts de nos accords précédents qui ont forgé une relation de confiance. Je confirme donc, monsieur Bas, que nous avons eu des échanges de qualité afin de préparer cette nouvelle réunion, dans des conditions malheureusement très contraintes.

En ce qui concerne les autorisations parentales pour les mineurs - avec d'un côté la tranche 12-15 ans, pour laquelle l'autorisation d'un parent est requise, et, de l'autre, la tranche 16-17 ans, où elle n'est pas demandée -, nous avons calqué les dispositions sur celles qui existaient déjà par ailleurs.

Il y a, selon nous, deux catégories de repentis. D'un côté, certaines personnes se rendent compte qu'elles ont fait une bêtise, qu'elles ont été mal renseignées, mais elles n'ont pas été prises. Cela s'apparente au droit à l'erreur. De l'autre, il y a les personnes qui se sont fait prendre et qui, repentantes, décident de se faire vacciner.

Nous avons aussi un désaccord concernant la vérification d'identité. Les restaurateurs, qui se sont habitués à contrôler le passe, peuvent tout à fait procéder en même temps à cette vérification ; cela ne prend pas plus de temps. Qui plus est, cela n'entraîne ni amende ni dénonciation : après avoir été contrôlée, la personne qui n'est pas en règle n'est tout simplement pas autorisée à entrer dans l'établissement. Un client qui s'est installé dans un restaurant, y a pris son repas puis souhaite payer par chèque peut voir son identité vérifiée. Pourquoi cela serait-il impossible quand il s'agit du passe ? C'est paradoxal. De la même façon, dans un bar, il est possible de vérifier si les clients sont majeurs avant de leur servir de l'alcool. Par cohérence, nous souhaitons donc rendre possible cette vérification de l'identité au moment de la présentation du passe.

Quant aux sanctions administratives, elles ne visent pas seulement le non-respect du télétravail par l'employeur : elles concernent l'ensemble des mesures de prévention du risque d'exposition des salariés à la covid-19. Bien sûr, il y a la voie pénale, mais cela demande du temps, quelquefois même une année. Nous avons dû prendre des décisions en six semaines ; attendre un an pour qu'elles soient appliquées nous paraît trop long.

Même si nous nous retrouvons sur les objectifs poursuivis, les désaccords qui perdurent entre nos deux assemblées, notamment s'agissant de la manière de garantir l'effectivité des mesures que nous mettons en oeuvre et leur contrôle, n'ont pu être résolus dans des délais aussi contraints, malgré notre bonne volonté partagée ; je le regrette.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi un accord serait impossible. Est-ce un choix politique ? Si oui, il faut le dire. Le désaccord entre les rapporteurs est-il fondé sur les arguments qui ont été énoncés ?

J'ai participé aux débats du Sénat jusque fort tard cette nuit, et je l'ai fait avec plaisir car ils n'étaient pas entièrement déterminés par les appartenances politiques : ils ont permis de trouver des consensus, des majorités d'idées sur un certain nombre de sujets. L'état d'esprit était tel que je me suis permis, à la fin, de dire au Gouvernement qu'il aurait beaucoup à perdre si nous ne parvenions pas à un accord. En effet, la situation de la France est grave, lourde, difficile ; j'en veux pour preuve ce qui se passe dans les écoles. Croyez-vous vraiment, monsieur le rapporteur pour l'Assemblée nationale, que l'annonce d'une absence d'accord entre nous sera reçue comme une bonne nouvelle dans les foyers ?

Examinons vos arguments. S'agit-il du télétravail ? Il n'en était pas question dans le texte initial ; Mme Élisabeth Borne est venue nous en parler. Qui plus est, chacun le constate, dans une entreprise - mais cela vaut aussi dans nos assemblées parlementaires -, quand il s'agit de déterminer si telle ou telle personne devrait ou non être en télétravail, les choses sont rarement blanches ou noires : cela se discute. Nous n'allons tout de même pas compromettre un accord pour cette raison.

La question des repentis, quant à elle, est marginale. Ce n'est pas elle non plus qui nous empêchera de conclure un accord.

En ce qui concerne les autorisations parentales, faut-il un accord des deux parents jusqu'à un certain âge, puis celui d'un seul à partir de 12 ans ? Cela mérite discussion, mais, là non plus, il ne s'agit pas d'un sujet dirimant comme il y en a parfois dans les CMP - auquel cas il est inutile de s'acharner : on constate le blocage et on se sépare. Qui, autour de cette table, dira que c'est le cas aujourd'hui ?

On ne légifère pas pour l'éternité. C'est la raison pour laquelle Philippe Bas s'est efforcé de proposer des critères pour sortir du dispositif. Il faut prévoir des clauses de revoyure : telle a été la position constante du Sénat, et elle est justifiée.

Enfin, le point de désaccord réside-t-il dans le contrôle ou la vérification d'identité ? « Lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser » : telle est la formulation du texte voté par l'Assemblée nationale. Imaginez-vous vraiment les restaurateurs se demander, alors qu'ils accueillent leurs clients, s'ils ont « des raisons sérieuses de penser » que l'un ou l'autre d'entre eux est en train de les truander ? Comment détermineront-ils les gens pour qui il y a « des raisons sérieuses de penser » qu'ils ne sont pas en règle ? S'agira-t-il d'un client ayant l'air moins sympathique qu'un autre, voire paraissant un peu bizarre, tandis qu'une autre personne plus avenante ne leur donnera aucune raison de penser que son passe vaccinal ne lui appartient pas ? Certains clients pourront aussi répondre : « Si c'est comme ça, je vais déjeuner ailleurs. » Les mêmes problèmes se poseront pour les personnes qui souhaitent boire un café - en salle, puisqu'il n'est plus possible d'être debout au comptoir...

S'agissant du passe vaccinal, le Sénat s'est exprimé clairement, avec 242 voix pour. En revanche, il a décidé de laisser aux agents assermentés le soin d'effectuer les contrôles. Je sais bien que, pour les paiements par chèque, il est possible de demander une pièce d'identité. Mais, en ce qui concerne le passe vaccinal, symboliquement, cela poserait problème, vous le savez bien.

Pendant un certain temps, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat s'est senti bien seul, au pays de Pasteur, quand il se prononçait en faveur de la vaccination obligatoire. En ce qui me concerne, je crois que les vaccins sont utiles et que l'on pourrait rendre obligatoire celui contre la covid, comme de nombreux autres le sont déjà pour tous les enfants français. Par la suite, un ministre a expliqué que le passe vaccinal était en réalité une obligation déguisée. Certains, dans mon groupe, ont considéré que c'était se moquer du monde et qu'il fallait voter contre. D'autres, au contraire, ont estimé que cette mesure se rapprochait de notre position. En définitive, notre groupe a voté à une large majorité en faveur du texte.

J'espère vous avoir convaincus qu'un accord était possible. S'il devait ne pas avoir lieu, ce serait vraiment pour une raison politique, parce que le Gouvernement ou la majorité ne le voudraient pas. Ce serait un désaccord a priori. Or je sais que vous n'êtes pas dans cet état d'esprit, madame la présidente. J'en conclus donc qu'un accord est possible et que nous devons y arriver.

Mme Yaël Braun-Pivet députée, présidente. - Cela suppose des concessions réciproques !

Mme Laurence Vichnievsky, députée. - À mon tour, je voudrais adresser mes voeux à nos collègues sénateurs et les remercier pour le travail très important qu'ils ont accompli. Ils ont certes adopté le principe du passe vaccinal, mais en l'assortissant de nombreuses restrictions et en supprimant certains des moyens pour veiller à son application. C'est là, bien entendu, que réside la difficulté, car ces réécritures limitent considérablement la portée du texte.

Étant donné la situation, nous devons être encore plus raisonnables que d'habitude et agir de manière transpartisane. Il y a là un enjeu de santé publique, qui concerne l'ensemble de nos concitoyens. La culture du compromis, de l'accord raisonnable est dans la tradition du MoDem.

Nous pourrions trouver un accord sur de nombreux points. Ainsi, des critères chiffrés très précis ont été introduits dans le texte. Or les chiffres sont toujours sujets à interprétation, notamment les taux d'incidence. Nous pourrions retravailler ces critères sans retenir de chiffres. Il en va de même pour l'appréciation des jauges.

Vous pourriez être d'accord avec la position cohérente que nous avons adoptée s'agissant des mineurs - à seize ans, les mineurs peuvent se faire vacciner sans l'accord de leurs parents. Sur le repentir, nous pourrions être d'accord avec vous. Dans l'hémicycle, j'avais déjà soulevé les difficultés suscitées par un tel dispositif.

Même sur les points plus durs, comme la vérification d'identité, la rédaction de l'amendement de Philippe Bas en commission pourrait peut-être nous convenir. La discussion me semble encore possible, avec probablement un échange plus approfondi sur les amendes administratives, afin d'aboutir à un compromis, que nous souhaitons tous, mais pas à n'importe quelles conditions, au risque de vider le texte de sa substance.

M. Jean-Yves Leconte, sénateur. - Je vous présente mes voeux et salue les travaux que vous avez menés de manière passionnée entre Noël et le Nouvel an en commission !

Il faut essayer d'éviter d'avoir raison tout seul. Bien sûr, on peut envisager de modifier le texte de l'une ou l'autre assemblée, mais vous aurez compris que, malgré notre diversité au Sénat, notre position sur les contrôles d'identité est claire. Elle s'est très majoritairement exprimée, et a été parfaitement explicitée par Jean-Pierre Sueur. Il nous sera très difficile de revenir sur ce point, même si je ne peux parler au nom de tous les sénateurs. Il faut que vous en teniez compte si nous voulons avancer vers un compromis.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, plaidant pour l'obligation vaccinale, s'est bien rallié au passe vaccinal, considérant qu'il s'agissait d'un moyen de contrôle. Je le répète, il faut donc vraiment éviter d'avoir raison tout seul. La France a besoin d'être convaincue, apaisée et réunie. Le vote du Sénat, en particulier sur les contrôles d'identité, illustre la position de la majorité des Français puisque, de la droite à la gauche, nous étions d'accord sur ce point.

Il est probablement possible de discuter sur les autres points. Il est d'autant plus difficile pour moi de plaider en ce sens qu'en tant que représentant des Français de l'étranger, je constate qu'aucune disposition du projet de loi ne vise à faciliter la vie des Français vivant hors de France, vaccinés, lorsqu'ils souhaitent revenir en France.

Essayons de trouver un accord politiquement non-clivant, ce serait un acte utile, et citoyen !

M. Guillaume Gouffier-Cha, député. - Rappelons les raisons qui nous amènent à discuter de ce douzième texte relatif à la crise sanitaire. Cela fera bientôt deux ans qu'elle dure. Il nous a fallu prendre des mesures particulièrement difficiles pour protéger la santé de nos concitoyens et retrouver, le plus rapidement possible, une vie normale. Aujourd'hui, ils sont fatigués par la crise, même s'ils comprennent parfaitement que nous vivons une période particulière et qu'ils savent que cette nouvelle vague de l'épidémie est extrêmement virulente, avec plus de 300 000 Français contaminés chaque jour et plus de 20 000 personnes hospitalisées pour covid, ce qui entraîne une forte tension sur le système hospitalier, impliquant des reports et des reprogrammations d'opérations.

La situation nous oblige à agir et à prendre des mesures, en responsabilité, dans le cadre de l'État de droit. Il s'agit de renforcer la campagne de vaccination. Celle-ci rencontre l'adhésion de la majorité de nos concitoyens, mais il faut rappeler en permanence aux autres qu'il faut se faire vacciner car, dans les hôpitaux, ce sont surtout des personnes non vaccinées qui occupent les services de réanimation.

Il faut se doter des outils permettant de mettre en place le passe vaccinal, adopter des dispositions visant à mieux lutter contre les faux et à mieux appliquer les gestes barrières - notamment le télétravail - dans le monde du travail afin que le dispositif soit effectif. C'est le sentiment de la majorité présidentielle. Nous tenons à la solidité et à la clarté du projet de loi. Nous ne voulons pas d'une usine à gaz, avec des critères trop complexes qui rendraient le fonctionnement du passe inapplicable et illisible, et son application géographiquement injuste. Nous ne voulons pas non plus nous priver des outils de contrôle et de lutte contre les faux, qu'on estime à près de 200 000, ce qui n'est pas anodin.

Les échanges entre nos rapporteurs ont été riches et respectueux, comme c'est le cas depuis le début de la crise. Nous étions, et sommes toujours, prêts à avancer pour améliorer la lisibilité du texte, afin de mieux expliquer pourquoi nous prenons ces mesures, pourquoi elles sont levées ou pourquoi on les remet en place. De la même façon, nous pouvons peut-être rendre les dispositions applicables aux mineurs plus lisibles, même si nous les avions adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Pourquoi cette différence entre les 12-15 ans et les plus de 16 ans ? Parce qu'à partir de 16 ans, un mineur peut faire le choix de se faire vacciner sans l'autorisation de ses parents. C'est pourquoi nous avons maintenu le passe sanitaire pour les mineurs de 12 à 16 ans.

Sur les contrôles, nous étions prêts à reprendre la très bonne rédaction de Philippe Bas adoptée en commission des lois et avons été surpris qu'elle ne soit pas reprise en séance au Sénat. Nous étions également prêts à retravailler les seuils, tout en restant sur des sanctions administratives. Nous en avons longuement débattu car les sanctions pénales, si elles existent, sont inapplicables. Les élargir engorgerait nos tribunaux.

Ces sanctions administratives ne portent pas seulement sur le télétravail, mais couvrent toutes les mesures de prévention et de sécurité sanitaire qui doivent être mises en place dans le monde du travail, dans le respect des protocoles. Elles sont importantes puisque nous avons fait le choix de renforcer le télétravail, dans un pays qui n'en a pas la culture, et non de recourir au passe vaccinal dans le monde du travail. Il faut pouvoir contrôler et sanctionner les entreprises qui ne joueraient pas le jeu, non pas dès le premier contrôle, mais après plusieurs contrôles et une mise en demeure. En outre, la sanction peut être contestée par un recours gracieux, hiérarchique, suspensif.

C'est pourquoi nous tenons à ce dispositif et regrettons qu'il n'y ait pas la volonté d'avancer dans ce sens.

M. Philippe Bonnecarrère, sénateur. - Je pensais prendre la parole très brièvement pour acter le désaccord, mais je ne sais plus très bien si c'est toujours le cas ou si nous amorçons une nouvelle discussion.

Quels sont les principaux points que je retiens ? L'essentiel, c'est la lutte contre l'épidémie. À cet égard, je ne vois pas où est le désaccord. Nous sommes d'accord, il faut tenir bon sur la vaccination et, pour cela, adopter le passe vaccinal. Nous sommes donc d'accord à 90 %. Le seul sujet, c'est celui lié aux contrôles : vérification d'identité et sanctions dans les entreprises.

Si j'ai bien suivi, Mme Vichnievsky a proposé une ouverture au rapporteur du Sénat sur les modalités de vérification d'identité. Il l'analysera. Ce contrôle d'identité, il fait peut-être plaisir aux directions d'administration centrale, il sécurise le ministre, mais il n'aura pas d'autre effet. Aucun restaurateur, aucun exploitant de cinéma ne l'effectuera. Nous sommes donc en train de parler des moulins à vent de Don Quichotte. Si cela passionne des deux côtés de la commission mixte - on évoque la « liberté » ou une question de principe -, c'est un non-sujet dans la vie réelle de nos concitoyens.

À l'inverse, on vous sent extrêmement campés sur vos positions s'agissant des sanctions pour les entreprises. Là encore, notre rapporteur appréciera si nous devons, ou non, évoluer. Mais je tiens à vous faire part de mon sentiment - c'est un petit cri du coeur : je ne comprends pas ! La ministre évoque une centaine de mises en demeure. Rapportées au nombre d'entreprises de notre pays, ce n'est même pas marginal, c'est quasiment invisible ! Lequel d'entre vous a-t-il reçu la visite d'un chef d'entreprise ou d'un délégué syndical indiquant un problème ? Personne !

J'ai plutôt le sentiment que les entreprises ont joué le jeu honorablement, dans l'intérêt général et dans leur intérêt personnel, car elles ont besoin de salariés pouvant travailler et donc non malades. Chacun peut avoir son appréciation de leur motivation mais, globalement, les entreprises ont joué le jeu. Le problème n'en étant pas vraiment un, quel est donc l'intérêt de monter une mécanique remettant de l'administration dans le dispositif ?

Il faut se fixer des priorités. Il y a la santé publique et il me semble que si j'étais un membre de la majorité présidentielle, je penserais également à la relance de l'économie. Le déficit de notre balance des paiements est de 77 milliards d'euros, et la majorité présidentielle se bat, avec le « quoi qu'il en coûte », pour fournir aux entreprises des moyens leur permettant de tenir le choc et de se développer dans cette période. Au moment même où on leur dit de se battre pour la France et pour la croissance, on ferait preuve de défiance à leur égard et on mettrait en place des mesures de contrôle administratif, assorties de sanctions... Je ne suis pas certain de bien comprendre comment tout cela s'équilibre.

J'ai l'impression que nous sommes, sinon dans des postures, du moins à la limite de faux débats sur ces questions. Soit il y a un désaccord politique entre nous, et il faut l'acter, soit il s'agit d'inquiétudes techniques ou d'incompréhensions sur le texte, mais dans ce cas je crois qu'il est possible de les dépasser et j'ai même le sentiment que les lignes rouges des uns et des autres ne sont pas, en réalité, celles que l'on pouvait imaginer.

Mme Yaël Braun-Pivet députée, présidente. - Nos échanges montrent notre volonté commune d'aboutir. Je crois que nous sommes tous d'accord sur les bienfaits de la vaccination et sur la nécessité d'un passe vaccinal.

Pour assurer l'effectivité de la politique vaccinale et pour mieux protéger nos concitoyens, nous pensons, à l'Assemblée nationale, qu'il faut s'assurer qu'il y ait un contrôle des passes - d'où les vérifications d'identité - et que les entreprises jouent bien le jeu - d'où les amendes administratives.

M. Guillaume Larrivé, député. - Je voudrais dire, au nom du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, également représenté par Ian Boucard, et fort de mon expérience en la matière - cela fait quasiment dix ans que j'ai la chance de participer à des travaux de CMP - qu'il serait totalement incompréhensible dans l'opinion publique que cette réunion n'aboutisse pas.

Lorsque le Président de la République, dans une allocution solennelle devant la nation, a présenté l'économie générale de ce texte, puis lorsque le chef du Gouvernement est intervenu, il nous a été dit que le coeur du texte était, évidemment, le passe vaccinal et que l'exécutif souhaitait qu'il entre en vigueur le 15 janvier. Nous sommes le 13. La volonté des Républicains est que ce texte soit adopté, à l'issue de la CMP, ce soir au Sénat et demain à l'Assemblée nationale. Nous sommes d'accord pour que le passe vaccinal soit adopté et pour qu'il entre en vigueur dès que possible. Si ce n'est pas un point de convergence, d'accord, alors je ne sais pas de quoi il s'agit.

Une rédaction susceptible de faire consensus entre les deux assemblées en ce qui concerne le passe vaccinal n'est pas inaccessible : ce n'est qu'un travail d'écriture. Nous sommes parfaitement capables d'aboutir sur ce point si la bonne volonté affichée par la majorité de l'Assemblée nationale est sincère et si le Gouvernement, qui ne participe pas juridiquement à la CMP mais qui s'exprime sans doute par divers canaux, le souhaite également. C'est la position des Républicains et c'est aussi celle de la Haute Assemblée, comme l'ont montré les propos de M. Philippe Bas.

S'agissant de l'inspection du travail, je serais stupéfait si le Gouvernement et la majorité s'entêtaient à faire de cette question une difficulté, dès lors que cela ne figurait même pas dans le projet de loi initial. Peut-on imaginer qu'une CMP échoue parce qu'un élément qui n'était dans le texte déposé par le Gouvernement devient subitement central et décisif ? Allez expliquer sur les plateaux de télévision, aux PME, aux entreprises de France et à l'opinion publique que le passe vaccinal n'entre pas en vigueur parce que le ministère de la rue de Grenelle tient absolument à ressusciter un dispositif semblable à celui qui existait avant 1986, contre l'avis de toutes les organisations patronales, pour que l'inspection du travail puisse engager des procédures et prendre des sanctions administratives à l'égard des entreprises ! Tout cela est totalement inaudible.

Quant au dispositif qui n'est pas vraiment un contrôle d'identité ni une vérification d'identité, mais peut-être plutôt de concordance d'identité, Jean-Pierre Sueur a parlé d'or : cette mesure est totalement inopérante. Et encore une fois, allez dire à l'opinion publique que le passe vaccinal n'entre pas en vigueur car la majorité tient à ce que les bistrotiers et les restaurateurs fassent des contrôles d'identité ! Bon courage !

Il y a un accord sur le coeur du réacteur, le passe vaccinal, et un désaccord sur des points qui sont objectivement marginaux. Nous pourrions sans difficulté nous entendre sur une rédaction, soit celle du Sénat, soit celle de l'Assemblée, soit une rédaction tierce. C'est un travail courant. Il n'y a pas de lignes rouges : elles sont en pointillé. La seule question est de savoir si le Gouvernement et la majorité parlementaire tiennent ou non au passe vaccinal. Nous disons oui, pour notre part, et nous avons fait un effort, y compris pour gérer notre propre groupe.

Si je m'exprime avec autant de netteté, c'est évidemment après m'être assuré que c'est bien la position de la majorité des Républicains à l'Assemblée nationale et que cette position est totalement coordonnée avec les Républicains du Sénat. C'est la position que nous défendons ici et que nous défendrons devant l'opinion publique. Il faudra que chacun assume ses responsabilités. Si cette CMP échoue, ce sera la démonstration qu'au-delà de l'intérêt général qui commande la mise en oeuvre du passe vaccinal, certains ont peut-être d'autres préoccupations.

Mme Cécile Untermaier, députée. - Le groupe Socialistes et apparentés considère que le Sénat a bien travaillé. Je le dis d'autant plus volontiers qu'il a retenu beaucoup d'amendements que nous avions déposés. Par ailleurs, d'autres groupes d'opposition de l'Assemblée nationale ont défendu des positions sur lesquelles les sénateurs se sont mis d'accord.

Pour mon groupe, c'est d'abord un texte sanitaire, et non un texte politique. L'union et la concorde que nous souhaitons voir dans le pays doivent en premier lieu prévaloir ici. C'est pourquoi il nous paraît extrêmement important, y compris d'un point de vue symbolique, que cette CMP soit conclusive. Ce serait un gage de sérieux pour nos concitoyens.

Des modifications sensibles ont été apportées au texte. Elles me semblent empreintes de beaucoup de bon sens : l'examen des textes par le Sénat, après l'Assemblée, est toujours utile.

Je ne pense pas que nous soyons très éloignés d'un accord si nous acceptons de nous entendre. S'agissant des jeunes et de la question du repentir, nous pouvons trouver une solution, de même que pour les contrôles d'identité, bien que mon groupe ait déposé un amendement visant à supprimer ce dispositif, que nous estimons également inopérant. S'il faut faire des concessions, il me semble que la rédaction proposée par le rapporteur du Sénat pourrait convenir.

En ce qui concerne l'inspection du travail, je rejoins ce qui a été dit précédemment. Il s'agit d'un amendement du Gouvernement, qui n'a pas été examiné par le Conseil d'État et qui repose sur l'idée que le passe vaccinal doit s'appuyer sur des sanctions. Or je ne crois pas du tout que c'est ainsi que nous arriverons à mener à bien l'action sanitaire qui s'impose. Là encore, c'est une mesure inopérante. Les entreprises ne souhaitent pas mettre en danger les salariés et, s'il le fallait, ces derniers ne nous attendraient pas pour aller dire à leur employeur que la situation n'est pas tenable.

S'agissant de ces sujets, en particulier le dernier qui me paraît constituer un totem au sujet duquel la majorité fait en sorte qu'un accord ne puisse finalement pas être trouvé, faisons preuve de raison, afin d'aboutir sur ce texte centré sur le passe vaccinal, sur l'urgence de le mettre en place et sur la discipline dont nous devons tous faire preuve en la matière. Nous pouvons atterrir d'une manière aussi républicaine et aussi respectueuse des citoyens que possible - ils nous attendent.

M. Philippe Bas, sénateur, rapporteur. - Je ressens de l'émotion après avoir entendu tous nos collègues, députés et sénateurs, qui ne se résignent pas à la chronique d'un échec annoncé, et cela me donne du courage. J'espère qu'il en va de même pour Jean-Pierre Pont. Nous avons beaucoup échangé ce matin, dans les meilleures dispositions possibles, et nous avons essayé d'avancer. Vous faites bien de relativiser l'importance respective des points d'accord et des points de désaccord. Comme souvent dans les conflits, nous avons besoin de personnes ayant un oeil encore neuf, qui n'a pas encore été éprouvé par la tension inhérente à toute négociation, pour nous renvoyer à notre responsabilité et à la nécessité de trouver un accord. Je propose à Jean-Pierre Pont de remettre l'ouvrage sur le métier. Nous avons, les uns et les autres, une responsabilité majeure. Ce serait quand même donner une belle image de notre démocratie que de parvenir à nous entendre, même au prix de sacrifices sur nos convictions respectives.

La séance est suspendue durant trois heures.

Mme Yaël Braun-Pivet députée, présidente. - Nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir un accord entre nos deux assemblées, comme le veulent nos institutions. C'est l'essence même d'une commission mixte paritaire, qui réunit des députés et des sénateurs pour trouver un accord dans l'intérêt du Parlement et de nos concitoyens. Telle est notre boussole face à la crise sanitaire. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises depuis ce matin et personne ne ménage ses efforts pour aboutir à un accord depuis que cette CMP a commencé ses travaux. Nous cherchons des compromis sur chaque point.

Il y a environ une demi-heure, le président du groupe Les Républicains du Sénat a eu une expression publique indiquant que la CMP était terminée, qu'il s'agissait d'une « victoire du bon sens » et que les sénateurs « [avaient] obtenu de nombreuses clarifications et simplifications [...], n'en déplaise à Emmanuel Macron ». Or cette réunion n'est pas terminée. Une telle prise de position, une telle annonce publique du président du principal groupe politique au Sénat traduit un mépris total pour l'Assemblée nationale et pour le Parlement. Nous ne pouvons tolérer cette atteinte inacceptable au Parlement, au fonctionnement de nos institutions et à la Constitution que nous chérissons tous. Pour ces raisons, en tant que présidente de cette commission mixte paritaire, je vais lever la séance.

M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président. - Cet incident n'est qu'un prétexte pour ne pas faire aboutir la CMP, conformément à la volonté initiale du groupe majoritaire de l'Assemblée nationale.

Mme Yaël Braun-Pivet députée, présidente. - La CMP ne pouvant pas aboutir, j'en constate l'échec. Je vous remercie.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire.

La réunion est close à 18 h 15.