Jeudi 3 février 2022

- Présidence de M. Bernard Jomier, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Audition de M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes

M. Bernard Jomier, président. - Je suis heureux d'accueillir M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes.

Dans le cadre de sa mission de contrôle financier et d'évaluation des politiques publiques, la Cour des comptes est très régulièrement amenée à examiner la situation du secteur hospitalier et, plus largement, l'organisation de notre système de santé.

Il était donc nécessaire que notre commission d'enquête l'entende, en la personne du président de la 6e chambre, compétente en matière de sécurité sociale, de santé et s'agissant du secteur médico-social.

Monsieur le président, nous souhaitons avoir aujourd'hui votre éclairage sur les difficultés que traversent les établissements hospitaliers, dont beaucoup tiennent à des facteurs plus généraux qui affectent l'ensemble du système de soins, et nous serons bien entendu attentifs aux analyses et recommandations que vous pourrez formuler.

Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.

Avant de passer la parole à notre rapporteure, Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Denis Morin prête serment.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Merci, monsieur le président, de nous apporter l'éclairage de la Cour des comptes. Le secteur hospitalier connaît effectivement des difficultés importantes, très accentuées par la crise sanitaire, mais dont les causes sont plus structurelles. Il bénéficie pourtant dans notre pays d'un niveau de financement élevé. Il y a donc certainement dans l'organisation, le pilotage et la régulation de l'hôpital, et plus largement du système de santé, des défaillances qui ont contribué à la situation actuelle.

Le maillage territorial entre établissements de différents types, de l'hôpital de proximité au centre hospitalier universitaire (CHU), est-il optimal ? Doit-il évoluer pour assurer « le juste soin » dans les meilleures conditions pour le patient ?

Dans le fonctionnement des établissements hospitaliers, dans leur financement, les modalités de régulation de leurs dépenses, peut-on donner davantage de marges de manoeuvre aux gestionnaires et aux équipes soignantes ? Nous nous sommes rendus à Valenciennes, dans un centre hospitalier « magnétique », dont la gestion semble donner des résultats.

Enfin, comment trouver un meilleur équilibre entre le recours à l'hôpital et les autres types de soins, en améliorant le parcours du patient et en répondant aux besoins de santé sur les territoires ? Comment la ville peut-elle libérer l'hôpital de la pression qui pèse sur lui ?

M. Denis Morin, président de la 6e chambre de la Cour des comptes. - Les juridictions financières travaillent effectivement régulièrement sur l'hôpital public, au travers des contrôles organiques des chambres régionales des comptes (CRC). En outre, depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les cliniques privées font l'objet de contrôles sous la responsabilité conjointe de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Par ailleurs, nous conduisons un certain nombre d'enquêtes, souvent à la demande du Parlement, en particulier de la commission des affaires sociales du Sénat. Je citerai le rapport sur les CHU, qui posaient des pistes de réforme utiles. Nous avons travaillé récemment sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), à votre demande, et formulé des propositions de réforme ou d'approfondissement de celle-ci. Nous avons également travaillé sur les soins critiques et publié récemment un rapport à ce sujet, là aussi à la demande de votre commission eu égard aux défaillances de programmation, capacitaires, et à une baisse de tarifs régulière inexplicable.

Un certain nombre de thèmes sur lesquels nous nous sommes penchés, dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) ou dans le rapport public annuel, ont mis en évidence des déficiences en termes d'organisation et de mauvaise articulation entre la ville et l'hôpital - vous l'avez souligné dans votre propos liminaire, madame la rapporteure. Nous avons en particulier apporté une contribution sur les urgences hospitalières. Nous avons aussi travaillé sur les activités chirurgicales, qui structurent énormément l'évolution du tissu hospitalier français, sur la dette des hôpitaux, ainsi que sur la lutte contre les maladies neuro-cardio-vasculaires. Plus récemment, nous avons fait un point sur le « virage ambulatoire », selon une expression déjà ancienne, qui s'est opéré à l'intérieur de l'hôpital, avec l'accélération du développement de la chirurgie ambulatoire au cours de ces dernières années, et à l'extérieur avec un meilleur partage entre la ville et l'hôpital.

La plupart de ces contributions mettent en évidence, à l'attention du Parlement, des pistes d'efficience réelles de notre système de santé. Je conçois que cela ne soit pas simple à entendre dans le contexte actuel ; soyez bien certains que cette efficience n'est pas non plus simple à exprimer. En effet, nous entamons la troisième année de la pandémie de covid avec plus de 30 000 patients à l'hôpital, dont 3 700 en réanimation, sur une capacité totale de 5 000 lits. Par ailleurs, depuis le début de la crise, c'est l'hôpital public qui a, pour l'essentiel, supporté le choc en assurant 85 % des prises en charge de patients covid, dont 50 % dans des CHU où sont localisés la majorité des services de soins critiques.

Ce n'est pas un message qu'il est simple de porter, mais je rappelle que la Cour n'a pas critiqué l'ensemble des dépenses mises en oeuvre pour faire face à la crise. Nous avons seulement émis des réserves sur la gratuité et l'accès libre aux tests pour signaler que nous avons collectivement bénéficié d'un système unique en Europe. Nous n'avons pas non plus désapprouvé les dépenses du Ségur de la santé. Cela n'empêche pas de poser la question du financement de ces dépenses très substantielles, pérennes de surcroît.

Vous le savez, dans le champ de la sécurité sociale, les dépenses sont financées par la dette, l'impôt ou des économies. À nos yeux, c'est évidemment la troisième solution qui est préférable lorsque c'est possible. Contrairement au discours ambiant selon lequel on ne peut pas faire d'économies à l'hôpital, il existe, selon nous, de bonnes économies et de mauvaises économies. Dans les bonnes, je rappellerai que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a mis en place depuis dix ans le programme Phare (Performance hospitalière pour des achats responsables) permettant aux hôpitaux de mutualiser leurs achats et de réaliser chaque année 1 milliard à 1,5 milliard d'euros d'économies. Il n'est nullement question de toucher aux soins ni d'altérer la qualité de la prise en charge. De la même façon, la mutualisation des fonctions supports, dont notre rapport précité a mis en évidence l'accélération au sein des GHT, n'attente en rien à la qualité du soin. Celle-ci contribuerait plutôt à une meilleure prise en charge. Et les progrès de la chirurgie ambulatoire que nous avons mis en exergue, lesquels ont démarré très tôt dans le privé et concernent désormais aussi le secteur public, représentent une vraie amélioration de la qualité de la prise en charge. Ils seront en outre de nature à éviter des infections nosocomiales. Au total, la Cour avait chiffré les économies à attendre du fait de ce virage à 5 milliards d'euros.

Le message de la Cour est, en substance, de dire que des économies de santé peuvent résulter de la chasse à la non-qualité. Or cette dernière a un coût. Il est possible d'être plus efficients dans la dépense, tout en améliorant la qualité de la prise en charge du patient.

Dans les bonnes économies, je place la bascule, dont on parle beaucoup sans en voir la concrétisation, du curatif vers le préventif. À cette fin, notre système de santé doit être capable de réaliser des économies sur le curatif.

Ces pistes illustrent notre doctrine sur ces sujets, qui s'adapte au gré des circonstances et de l'évolution de notre système de santé. Elle n'inclut pas la recherche systématique d'économies, et certainement pas de mauvaises économies. Il y a de bonnes économies comme de bonnes dépenses !

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous avez rappelé les différents rapports de la Cour des comptes concernant l'organisation de l'hôpital et la place de l'ambulatoire. S'est-elle intéressée à l'hospitalisation à domicile ?

M. Denis Morin. - Dans un rapport récent sur la prise en charge à domicile, nous sommes revenus sur ce point.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - La présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad), Mme Élisabeth Hubert, a indiqué lors de son audition que cette part était encore assez faible, même si elle progresse. Le coût de l'hospitalisation à domicile est-il particulièrement élevé ?

M. Denis Morin. - Nous ne l'avons pas véritablement objectivé.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - La difficulté est que le préventif a un coût, avec un retour sur investissement décalé. C'est souvent ce qui nous est opposé. La Cour a-t-elle apprécié le nombre d'établissements hospitaliers et le niveau des capacités ? L'organisation territoriale de la gradation des soins est-elle satisfaisante ? Des progrès doivent-ils être réalisés pour la prise en charge des soins les plus courants ? La tension sur les ratios personnels/patients est importante et dépend beaucoup du nombre de personnes soignées. Or avec le vieillissement de la population, les pathologies des patients hospitalisés sont de plus en plus lourdes. Quelles sont les marges de manoeuvre pour renforcer les personnels médicaux à l'hôpital, augmenter le temps des soins et de la prise en prise en charge des patients ? Comment diminuer ou simplifier certaines tâches administratives du personnel non soignant, de façon à gagner du temps pour le médical sans augmenter encore le déficit ?

Sur le financement, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hospitalier n'est-il pas trop décorrélé de l'évolution des besoins de santé ? Un autre équilibre pourrait-il être trouvé entre la tarification à l'activité (T2A) et les autres sources de financement ? Que pensez-vous du projet de création d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie (Ordam) ? La régionalisation des décisions concernant l'accès aux soins à l'échelle d'un territoire ne le justifierait-elle pas ?

M. Denis Morin. - La France a un nombre particulièrement élevé d'établissements hospitaliers : 45 par million d'habitants, contre 36 en Allemagne, 33 aux Pays-Bas, 30 au Royaume-Uni, 18 en Italie et 16 en Espagne. Notre tissu hospitalier est donc l'un des plus larges d'Europe. Pour autant, on ne peut pas affirmer que la gradation des soins soit correctement mise en place. Elle suppose d'abord une structuration correcte des soins « de premier recours ». Or nous n'avons pas énormément progressé en ce sens. Les dernières orientations prises par le Gouvernement remontent à « Ma santé 2022 », et la pandémie a un peu fait passer ces sujets au second plan. Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le premier recours et pour développer les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) - on est loin des 1 000 communautés actives, même si les 200 qui existent couvrent une population théorique de 14 millions d'habitants, comme annoncé récemment.

Nous sommes confrontés à un paradoxe : le maillage hospitalier est large, mais la prise en charge des soins de premier recours n'est pas satisfaisante dans notre pays. Et je ne parle pas du serpent de mer des déserts médicaux, au sein desquels l'accès au système de santé n'est pas aisé. Alors que 3 % de la population était concernée par ce sujet voilà dix ans, ce chiffre atteint les 6 % aujourd'hui.

Nous appelons de nos voeux à la fois une accélération de la structuration du premier recours et la réimplication de la médecine libérale dans la prise en charge de la permanence des soins, dont elle s'est très largement désengagée depuis dix ans et qui repose désormais sur l'hôpital. Hormis peut-être en Île-de-France, si l'on contacte un généraliste après 18 heures, il vous renvoie vers l'hôpital.

Par ailleurs, nous proposons de systématiser les seuils d'activité. Avec le développement de la chirurgie ambulatoire, le nombre de plateaux techniques n'a pas diminué, non plus que le nombre d'établissements qui effectuent moins de 1 500 actes par an - on enregistre même une unité supplémentaire. Par conséquent, pour faire évoluer la prise en charge de nos concitoyens dans le sens de la gradation des soins, il faut des solutions sur le premier recours et un système hospitalier plus resserré. Les seuils systématiques peuvent faciliter ces évolutions, comme l'indique la Cour dans sa note récente sur les problèmes structurels de la santé. Mais il ne s'agit pas de décisions couperets. Pour le réseau des maternités, par exemple, la norme de 300 accouchements par an a été fixée dans les années 1970. Les fermetures de petites maternités ces dernières années sont intervenues dans la douleur. Pour surmonter les difficultés, beaucoup d'efforts sont consentis. À ce propos, dans les territoires où la fermeture avait été considérée comme l'arrêt de mort de l'accès aux soins, comme à La Mure, des solutions ont pu être trouvées. Aujourd'hui, cette ville symbole ayant marqué les esprits en 1995 a retrouvé plus de présence médicale, de capacité d'accès aux soins ; elle présente en outre l'avantage d'être à proximité du CHU de Grenoble, et nombre de médecins libéraux sont revenus.

Sur la capacité à dégager du temps médical à l'hôpital, plusieurs pistes sont possibles. Par définition, notre système hospitalier étant très étalé, les coûts de structures sont élevés. Les logiques de regroupement, notamment à travers les GHT, pourraient dégager des économies sur les fonctions support et rétablir un équilibre au profit du soin.

De plus, des évolutions techniques comme le développement du numérique et, conformément au Ségur de la santé, des systèmes d'information hospitaliers (SIH) sont aussi de nature à dégager des gains de productivité. L'approfondissement des synergies entre les établissements au sein des GHT ira dans le même sens, à savoir plus de temps médical et moins de temps administratif.

Pour ce qui est des Ordam, l'ancien directeur général d'une agence régionale de santé (ARS) que j'étais voilà quelques années n'est pas insensible à cette interrogation. Mais il n'est pas logique d'avoir une responsabilité régionale financière sans disposer de la moindre capacité de régulation. La fixation de l'Ondam hospitalier ne relève en rien des ARS, même si des discussions se tiennent ensuite entre chaque établissement et le niveau régional. L'Ondam soins de ville est surtout déterminé par la politique conventionnelle, dont on ne peut pas dire qu'elle soit marquée par une forte modulation régionale. C'est pourquoi, en l'état actuel des choses, je ne suis pas très favorable à cette évolution qui responsabiliserait les acteurs régionaux sur la gestion d'une enveloppe ans leur donner la capacité d'agir sur celle-ci.

En revanche, l'Ondam est, par définition, un arbitrage et une tension permanente entre ce qui est médicalement utile et financièrement possible. Il fait partie des décisions budgétaires arrêtées chaque année par le Gouvernement et soumises au Parlement.

Cet objectif national n'est pas décorrélé des besoins de santé, puisqu'il se construit chaque année à partir d'une approche tendancielle dont la Cour a sans cesse voulu qu'elle soit mieux documentée. Ce travail est lourd et complexe pour les administrations visées, mais d'énormes progrès ont été réalisés en la matière. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) soumis au Parlement prévoit un programme d'économies annuelles pour que l'évolution des dépenses s'ajuste sur le niveau souhaité. À vrai dire, rien ne justifie de sortir de ce cadre, qui est un énorme progrès, y compris pour le débat démocratique. Les budgets hospitaliers, à savoir 92 milliards d'euros de dépenses, sont tout à fait comparables aux plus gros budgets civils de l'État accordés à l'éducation nationale - environ 50 milliards d'euros - ou à la politique de sécurité. Les enjeux sont tels qu'ils requièrent des discussions, des arbitrages, des éclairages, des analyses. C'est ce que l'on fait depuis bien des années, et c'est un gros progrès.

En revanche, la Cour a mis en avant dès 2018 que le respect des enveloppes votées chaque année en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est systématiquement passé par des gels budgétaires des dotations versées aux hôpitaux, et non par une régulation des dépenses de soins de ville. Autrement dit, c'est par ces gels et la baisse de ses tarifs que l'hôpital a compensé des défaillances de la régulation des dépenses de médecine de ville. Ce schéma pouvait se concevoir à la suite de la crise de 2008. Néanmoins, dans la durée, ce mode de régulation a des effets pervers, pointés par la Cour. En contrepartie, si le Gouvernement veut tenir une enveloppe de dépenses, il doit construire des dispositifs de régulation à l'attention de la médecine de ville.

Nous avons souligné toute la pertinence de l'accord prix-volume des biologistes, qui permet d'entrer dans une logique de régulation, avec une forte dimension de pertinence des actes. C'est ce qui était annoncé au début ; ce n'est pas tout à fait ce qu'il y a eu lieu par la suite. En tout cas, cette dimension de maîtrise médicalisée paraissait dès le départ bonne, avec des engagements globaux et des arbitrages prix-volume déclinés ensuite de manière, je crois, tout à fait transparente et consensuelle. C'est, me semble-t-il, un bon exemple de ce que l'on peut faire en termes de régulation de la médecine de ville.

Je ne crois pas que nous ayons récemment écrit sur la T2A.

M. Bernard Jomier, président. - Vous avez écrit beaucoup de choses sur la T2A en 2021.

M. Denis Morin. - Nous avons présenté des chantiers de réforme inaboutis sur les soins de suite et de réadaptation (SSR), sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et sur la psychiatrie, avec un gros travail sur la réforme de la tarification en la matière.

Nous ne sommes pas réintervenus sur la médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Pour la Cour des comptes, l'équilibre actuel dans le financement hospitalier, entre ce qui relève de la T2A et ce qui relève des dotations de type missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (Migac), est plutôt satisfaisant. Vous le savez, la T2A, c'est 50 % des ressources dans les CHU et 80 % dans les centres hospitaliers (CH). Elle comporte sans doute des effets pervers. Il n'est tout de même pas documenté, me semble-t-il, qu'elle ait entraîné inflation des actes. En revanche, il est établi, c'est l'objet du contrôle de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et des ARS, qu'elle a pu conduite à accentuer le codage des comorbidités. Il est également clair que la grille tarifaire est beaucoup plus complexe que dans les pays voisins et que sa simplification pourrait déjà être, je crois, utile.

Par ailleurs, je pense que, dans tous les segments de notre système de santé, en médecine de ville comme à l'hôpital, on tend à une tarification mixte. C'est, je crois, un bon indice pour assurer une meilleure organisation de notre système de santé. C'est d'ailleurs aussi ce que l'on observe dans les pays voisins ; ils sont sortis de ces grands débats un peu philosophiques entre tarification à l'acte et tarification globale, et ils ont fait un mix.

Le mix peut évidemment être différent selon les strates hospitalières. Je ne suis pas étonné que le poids de la T2A soit moindre dans les CHU, qui remplissent des missions d'intérêt général. Je ne suis pas étonné non plus que les petits établissements de proximité - il faut les maintenir, car, dans les territoires concernés, si l'hôpital disparaît, il n'y a plus rien ; c'est tout de même un enjeu majeur en termes d'égalité d'accès aux soins - soient sortis du régime de la T2A voilà maintenant quelques années. Pour eux, cette formule n'était pas adaptée.

Je pense que ce sont de très bonnes évolutions.

M. Bernard Jomier, président. - Dans son rapport du mois de décembre, la Cour des comptes souligne ses inquiétudes sur la trajectoire et évalue le niveau d'économies nécessaires sur les prochaines années à 6 milliards d'euros par an. C'est bien supérieur à ce qui a été constaté les années précédentes.

Vous défendez un certain nombre de hausses de tarifs : SSR, psychiatrie, accueil des personnes âgées et des personnes en situation de handicap dépendantes, etc. Cela commence à faire beaucoup de monde. Sur les soins critiques, vous appelez à une hausse non seulement du nombre de places, mais également des tarifs.

Vous proposez de diminuer le nombre de CHU sur le territoire de trente à dix, et vous appelez à supprimer les petits blocs chirurgicaux. Au sein des hôpitaux de proximité, dans le MCO, il reste un peu de M, et plus de C et de O. Cette évolution, largement inscrite dans la loi, n'est pas sans poser des difficultés dans un certain nombre de territoires.

Nous partageons évidemment tous - c'est le code génétique de la Cour des comptes - la préoccupation d'une bonne utilisation de l'argent public. Vous avez pointé des sources d'économies, par exemple sur les centres de dialyse privés. Mais cela ne me semble pas suffisamment significatif au regard de l'effort d'économies que vous prônez. Dès lors, où voyez-vous une possibilité de réduire autant la dépense ? Où sont les baisses de tarifs ?

Vous avez rappelé la nécessité de rétablir un équilibre en faveur des soins à l'hôpital. C'est une préoccupation que nous partageons. Mais nos interlocuteurs nous disent qu'il n'y a pas trop de personnels administratifs dans les hôpitaux. Nombre de soignants se plaignent de la charge administrative, qui s'est accrue. Or une partie de cette charge est incontournable. La porte de sortie que nous voyons, c'est la question du ratio entre patients et soignants. Même si celui-ci n'est codifié que pour certaines spécialités, il est de facto en vigueur plus largement, en raison des programmes d'efficience qui ont été engagés pendant des années.

Nous souhaitons également mieux consacrer l'argent disponible à la fonction soignante et pas à l'administratif. Mais il n'y a pas 30 000 emplois administratifs inutiles à l'hôpital qu'il faudrait supprimer.

La Cour des comptes, garante de la bonne utilisation des fonds publics, ne peut évidemment pas effectuer son travail sans aller vers une analyse en santé publique. Je note d'ailleurs avec malice que la Cour, d'ordinaire peu encline à vouloir augmenter les recettes, a proposé une hausse des taxes sur les boissons alcoolisées et les boissons sucrées.

Nous sommes des parlementaires, dans le champ politique. Nous ne pouvons bien utiliser l'argent public qu'en fonction des objectifs que nous nous donnons. Faire la conversion vers un système plus préventif nécessite probablement d'investir. Comment la Cour des comptes nous conseillerait-elle de mener cette révolution de santé publique en fonction de la contrainte et du cadre budgétaires ?

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous avez évoqué tout à l'heure la simplification de la grille de tarification, qui est très lourde par rapport à d'autres pays. Est-ce que cela permet un gain de temps administratif ?

M. Denis Morin. - On peut le faire à coûts constants.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - On nous dit qu'il y a 30 % d'effectifs administratifs en plus par rapport à d'autres pays. Tout dépend ce qu'on met derrière le terme « administratif ». Selon le syndicat des manageurs publics de santé, ce chiffre est surévalué.

M. Denis Morin. - En effet, 30 %, cela me paraît beaucoup.

Le mérite d'une trajectoire est d'illustrer comment on va d'un point A à un point B, avec une équation simple : tout ce qui n'est pas des économies est appelé à être soit de la dette, soit des impôts. Or notre pays a déjà un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d'Europe et le niveau de dépenses publiques le plus élevé d'Europe avec le Danemark.

La Cour des comptes ne dit pas qu'il faut faire 6 milliards d'euros d'économies par an. D'ailleurs, elle ne dit pas : « Il faut. » Elle peut recommander, mais la décision appartient évidemment au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement.

Nous savons bien que nous devrons à un moment ou à un autre nous interroger sur ce que nous faisons de la dette sociale. Je le rappelle, nous sommes un des rares pays à objectiver une dette sociale sur des dépenses de transfert. L'État transfère des ressources à la sécurité sociale, mais la dette sociale telle qu'elle a été arrêtée en 1996, transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) avec l'idée qu'elle allait être remboursée très vite, existe encore. Cela a même été relancé par la crise. Nous avions presque atteint le moment où nous allions pouvoir supprimer la Cades, en 2024. Là, c'est reparti pour quelques années... C'est un élément de la dette publique générale, dont chacun sait qu'elle est à un niveau relativement élevé.

Je vous remercie d'avoir souligné que la Cour des comptes n'a pas toujours des messages allant dans le sens de la déflation des dépenses. Il nous arrive effectivement de mettre en évidence des segments sur lesquels nous considérons qu'il n'y a pas suffisamment d'argent public. Cela complique peut-être l'équation, mais cela fait aussi partie de notre approche en termes de qualité des dépenses : être capable de dire que nous ne critiquons pas tel aspect, car il nous paraît justifié.

Si des initiatives sont prises dans les prochaines années pour commencer à régler le problème de la capacité des établissements de santé et des Ehpad à recruter durablement des personnels à des niveaux de revenus acceptables pour qu'ils puissent vivre en Île-de-France, la Cour des comptes ne dira sans doute pas que c'est une mauvaise piste. Tout le monde le sait, le problème, qui est très médiatisé aujourd'hui, concerne toutes les administrations : à l'évidence, un jeune fonctionnaire en début de carrière, une aide-soignante ou une infirmière ne vivent pas correctement en Île-de-France.

Cette situation appelle un certain nombre de réponses. Le législateur l'avait, dans une certaine mesure, entrevu. Vous savez que les traitements résultant des grilles salariales sont complétés par une indemnité de résidence modulée par zones, mais d'un montant faible. Le législateur d'après-guerre avait effectivement vu que des écarts de niveau de vie pouvaient justifier des compléments. Évidemment, aujourd'hui, nous sommes loin de l'objectif qui était alors visé.

J'en viens aux économies générales de notre système de santé. La gradation des soins et le virage ambulatoire, même s'ils ne sont pas source d'économies instantanées, sont, me semble-t-il, des orientations structurantes qui permettent une meilleure efficience. La Cour des comptes a chiffré les économies possibles résultant du déploiement de la chirurgie ambulatoire à 5 milliards d'euros au début des années 2010. Voilà un gisement d'économies qui peut être mis en oeuvre au fil des années pour aller dans le sens d'une trajectoire de retour potentiel à l'équilibre.

De même, la gradation des soins est évidemment un élément qui permet une prise en charge à la fois plus efficiente et moins coûteuse. Les réticences qui existent parmi certaines professions médicales pour des délégations de tâches ou de compétences, le caractère très progressif de la montée en régime de l'infirmier de pratique avancée, la capacité qu'on pourrait avoir à mobiliser bien davantage les paramédicaux, qui ont - nous l'avons vu pendant la crise - montré toute leur efficacité en grande proximité des patients sont aussi des éléments qui permettent de dégager du temps médical, de l'utiliser au mieux pour la prise en charge du patient, tout en étant dans un système globalement plus efficient.

Dans le rapport de 2017, nous n'avons pas proposé de réduire le nombre de CHU. Nous avons proposé de développer des réseaux de CHU. D'ailleurs, j'observe que c'est exactement ce qui se fait ; cela avait même commencé avant le rapport. Aujourd'hui, d'autres types de réseaux apparaissent, par exemple en Nouvelle-Aquitaine. C'est autour de ces éléments-là que nous proposions de travailler. Il ne s'agit donc pas de supprimer des CHU, mais de les amener à travailler en coopération et, en particulier, à mieux coordonner leur activité de recherche. Sur ce point, vous le savez, nous avons un peu perdu par rapport à nos principaux voisins. L'évolution vers un réseau de CHU vise ainsi à renforcer notre capacité à être mieux organisés et plus efficients.

De même, par définition, la fermeture progressive des petits blocs chirurgicaux est aussi de nature à renforcer l'efficience. Il faut le faire avec prudence, dans la durée. Mais je pense que la démographie et les exigences de sécurité et de qualité de prise en charge remettront ce sujet à l'ordre du jour.

Certes, il est difficile d'aborder de tels sujets à un moment où l'hôpital est confronté à une crise.

M. Bernard Jomier, président. - La loi de 2019 ne rend-elle pas ce mouvement inéluctable ?

M. Denis Morin. - Je ne suis pas certain que ce soit d'ores et déjà joué. Je pense de toute manière qu'il faut s'inscrire dans la logique de la gradation des soins. À mon sens, l'idée, qui avait été annoncée au moment de Ma santé 2022, de considérer que certains hôpitaux de proximité pouvaient être des portes d'entrée pour assurer la prise en charge des soins de premier recours était une très bonne idée.

Des structures existent. Elles peuvent être utilisées. Il peut y avoir à créer des maisons de santé pluriprofessionnelles, à mieux organiser des médecins libéraux dans les CPTS, à faire parler ces dernières avec les GHT et à utiliser les petits hôpitaux qui existent, plutôt que de les fermer, comme porte d'entrée en premier niveau.

L'hôpital est un univers complexe dans son fonctionnement interne, souvent très clivé. Je ne suis pas pour opposer ceux qui soignent - il y a évidemment une noblesse attachée au fait qu'à l'hôpital, on apporte réconfort et soin - et les administratifs. Je pense qu'un hôpital fonctionne bien, y compris en termes de gouvernance, quand les deux se parlent. Il peut y avoir des déséquilibres à corriger, mais un bon hôpital est un hôpital dans lequel le directeur et le président de la commission médicale d'établissement (CME) ont de bonnes relations et partagent une même vision. À l'inverse, quand il y a des tensions, même strictement personnelles, cela va moins bien.

Or c'est tout de même mieux si l'acte médical intervient dans un univers où les blocs sont organisés de manière rationnelle et où l'établissement sait gérer ses stocks, par exemple ses stocks de médicaments, sa dette. On a vu des établissements - fort heureusement, c'est déjà loin - fragilisés par des dettes, souvent de produits toxiques. Et les administrations ont apporté aux hôpitaux toute l'assistance qui convenait pour se sortir de telles situations. On n'imaginerait pas que, dans un établissement hospitalier quelconque, il faille mobiliser des compétences en matière de gestion de dette ; et pourtant, c'est le cas.

Pour qu'un hôpital fonctionne bien, les fonctions administratives doivent aussi être remplies. Les deux métiers doivent donc se parler et se compléter. Cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des gains de productivité, notamment grâce au numérique, permettant peut-être d'alléger le nombre d'emplois administratifs. De même, si on entre dans une démarche plus intégrative au sein des GHT - certes, c'est au moins aussi compliqué que l'intercommunalité -, on peut alléger le poids des fonctions support. La mutualisation de choses simples comme la blanchisserie ou, plus généralement, les achats, sont aussi un moyen d'alléger le poids des dépenses administratives et, sans doute, de mieux faire ressortir l'importance de la prise en charge du patient et du soin en tant que tel à l'hôpital.

Vous avez souligné l'importance des travaux que nous avons réalisés ces dernières années sur la santé publique. La Cour des comptes n'a évidemment pas vocation à exprimer un avis médical. Lorsque nous abordons de tels sujets, nous le faisons en général avec des experts, des praticiens hospitaliers, des médecins. Cela permet d'avoir un jugement plus sûr. Nous avons produit nombre de rapports sur la prévention, dont un, très important, sur la prévention de la dépendance, qui a eu un grand écho.

Vous avez fait référence au relèvement d'un certain nombre de taxes. Tabac, alcool, alimentation et environnement sont les quatre déterminants essentiels d'une bonne politique de prévention. Sur le tabac, entre le paquet neutre et l'augmentation des prix, les choses ont beaucoup évolué depuis dix ans. Sur l'alcool, de même que sur l'alimentation, beaucoup reste à faire, même si cela commence à bouger un peu. Et sur l'environnement, c'est très compliqué - le sujet de la santé environnementale relève de deux chambres au sein de la Cour des comptes -, mais c'est une dimension tout à fait essentielle dans la prévention.

Sur ces sujets souvent difficiles, nous avons essayé de faire passer des messages, notamment auprès des parlementaires. Sur l'alimentation, nous avions formulé des propositions assez allantes, bien au-delà du simple nutri-score, qui a été long à être mis en place et qui ne marche pas si mal.

M. Bernard Jomier, président. - Nous vous remercions de vos réponses très précises et intéressantes, qui éclaireront nos travaux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 25.

- Présidence de M. Bernard Jomier, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Audition de M. Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d'agences régionales de santé

M. Bernard Jomier, président. - Nous entendons cet après-midi M. Jean-Yves Grall, directeur général de l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes et président du collège des directeurs généraux d'ARS. Merci de votre présence, Monsieur le directeur général.

Les établissements hospitaliers sont au coeur des missions des ARS, issues des agences régionales d'hospitalisation. Nous souhaitons donc vous écouter sur la situation actuelle de l'hôpital et ses difficultés. Nous avons pu constater depuis le début de nos travaux qu'elles sont pour partie liées à des insuffisances dans l'organisation des soins, faisant de l'hôpital la variable d'ajustement de défauts dans les conditions de prise en charge des patients. L'enjeu d'une meilleure articulation des différents acteurs de santé sur les territoires est ainsi souligné avec force et concerne au premier chef les ARS.

Je précise que vous avez exercé en tant que praticien hospitalier, avant de diriger plusieurs ARS, et que vous étiez par ailleurs directeur général de la santé de 2011 à 2013.

Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat et fera l'objet d'un compte rendu publié.

Avant de passer la parole à notre rapporteure, Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Yves Grall prête serment.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Monsieur le directeur général, nous souhaitons connaître aujourd'hui votre appréciation sur la situation du système hospitalier.

La prolongation de la crise sanitaire accentue les difficultés, principalement en matière de ressources humaines. Mais il faut identifier les causes plus structurelles de ces tensions. Les unes sont propres au secteur hospitalier et appellent sans doute des réponses touchant à son organisation, son pilotage et son mode de régulation. Les autres tiennent aux répercussions sur l'hôpital de défaillances plus globales de notre système de santé, en amont et en aval de l'hospitalisation. On pense bien entendu à la permanence des soins ambulatoires et aux difficultés de prise en charge des soins non programmés. Mais plus généralement, le manque d'articulation entre les différents acteurs de santé ou l'absence de réponse appropriée à certains besoins sur les territoires jouent également en ce sens.

Comme l'a souligné Bernard Jomier, il y a là une forte dimension territoriale et beaucoup de nos interlocuteurs ont plaidé pour davantage de coordination et de décentralisation. Il est important pour nous de connaître votre sentiment dans ce débat.

M. Jean-Yves Grall, président du collège des directeurs généraux d'agences régionales de santé. - Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de cette audition qui me permet de vous faire part des réflexions issues de la pratique des directeurs généraux d'ARS, doublées pour ma part d'une connaissance professionnelle liée à ma profession de cardiologue, de praticien hospitalier, et ancien président de commission médicale d'établissement. J'ai également été directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine, comme vous l'avez indiqué.

En premier lieu, la crise sanitaire à laquelle nous faisons face depuis deux ans a montré sans ambigüité le rôle pivot et central de l'hôpital public qui a tenu et n'a jamais failli. À ce titre, il faut à nouveau remercier et prendre en considération les efforts réalisés par les personnels médicaux, non médicaux et administratifs, et souligner la résilience, le courage et le sens du service public dont ils ont fait preuve.

Ces événements ont aussi été le révélateur de la place que tient l'hôpital public dans notre système de santé, des difficultés - accentuées par la crise - auxquelles il faisait face déjà avant.

Depuis des années, les évolutions de notre système de santé ont été marquées par le virage ambulatoire, c'est-à-dire permettre la prise en charge la mieux appropriée pour la population en fonction de son état de santé, et ainsi tendre à orienter préférentiellement vers la ville les patients qui en relèvent, en allant vers une réduction du recours indu à l'hôpital. Cet objectif et ce virage ambulatoire étaient également accompagnés, depuis de nombreuses années, par le développement de l'hospitalisation à temps partiel - que ce soit en anesthésie et en chirurgie ambulatoire ou en hôpital de jour pour la médecine - et ces éléments ont guidé les pouvoirs publics dans l'évolution des objectifs nationaux des dépenses d'assurance maladie (Ondam) votés par le Parlement et tenus ces dernières années.

Pour autant, l'hôpital s'avère être toujours un recours pour la population et notamment le premier recours, souvent malgré lui. La situation de tension des urgences hospitalières révélait déjà un hôpital perçu comme premier recours pour nos citoyens et, en effet, la progression régulière de patients aux urgences est la traduction de parcours de soins inadéquats dans ce contexte. Il faut le dire : beaucoup de patients affluant aux urgences y viennent faute de possibilités de rendez-vous en médecine de ville, en période de permanence des soins ambulatoires, mais parfois également en journée.

S'agissant de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), un tournant fondamental a pu être observé en 2002-2003, avec la modification de l'article 77 du code de déontologie médicale et le décret du 15 septembre 2003 issu des travaux menés par le sénateur Charles Descours. À partir de ce moment, la participation des médecins libéraux, rendue non obligatoire, n'a cessé de s'éroder, aboutissant peu à peu à rendre difficile pour nos citoyens la quête d'un médecin de ville le soir, la nuit et les week-ends.

Cet afflux a considérablement modifié l'organisation de l'hôpital et généré des tensions régulières qui prennent acuité lors de fortes affluences hivernales ou caniculaires. L'hôpital a su s'adapter, par exemple en redimensionnant sans cesse ses services d'urgence, en créant des services de médecine post-urgence et en essayant de préserver son activité programmée. L'afflux de cette demande de patients ne présentant pas d'urgence dans ces services finit même par menacer la prise en charge des vraies urgences, parfois noyées au milieu de ce flux. Il apparaît en effet que le problème auquel font actuellement face les services d'urgence n'est pas tant lié aux urgences qui y arrivent, mais aux patients qui y viennent et qui n'en relèvent pas. Dans certains territoires, les hôpitaux ont par ailleurs dû mobiliser leurs effecteurs - j'entends les SMUR - pour parfois devoir aller dresser des certificats de décès pendant les heures de permanence des soins ambulatoires, ce qui ne relève pas particulièrement de leurs missions.

Ainsi, il faut reconnaître qu'en dehors des grandes agglomérations, et en particulier dans les zones rurales, on peut voir que la continuité du service public de la santé ne repose parfois plus que sur le maillage des officines pharmaceutiques et sur l'hôpital public. C'est tout le sujet de la coordination ville-hôpital qui doit être sans cesse pensé de manière équitable. De fait, les expérimentations de services d'accès aux soins (SAS) qui permettent une régulation partagée entre médecine de ville et médecine hospitalière pour une réponse coordonnée paraissent aller dans le bon sens et il sera sûrement intéressant de suivre les expérimentations avant une généralisation qui, d'après les premiers éléments, peut s'avérer pertinente.

L'hôpital est soumis à des tensions multiples, mais les problèmes de démographie professionnelle en particulier médicale, sont au premier plan. Que ce soit en ville ou à l'hôpital, les difficultés liées à la démographie et au recrutement sont les mêmes, mais l'hôpital doit malgré tout assurer la permanence des soins.

Les spécialités les plus en difficulté semblent toujours les mêmes, à savoir celles dont la permanence des soins et la sujétion de service public sont les plus fortes. Dans une étude que nous avons réalisée en Auvergne-Rhône-Alpes en 2019, il apparaissait que les postes totalement vacants dans les établissements publics étaient de l'ordre de 25 % à la fois sur les d'urgence et l'anesthésie-réanimation, avec une inégalité territoriale marquée, puisque près de 50 % des postes d'urgentistes ou de médecins anesthésistes-réanimateurs étaient vacants dans le Puy-de-Dôme ou dans l'Allier. Il s'y ajoute certainement une surspécialisation, au fur et à mesure des années, qui a entraîné une pénurie relative dans certaines disciplines.

Dans ce contexte, le départ des professionnels hospitaliers - essentiellement les médecins - vers le secteur libéral pose le problème de la continuité et de la permanence des soins dans de nombreux hôpitaux, et donc territoires. À des rémunérations apparemment plus élevées dans le secteur privé s'ajoute une bien moindre sujétion. En conséquence, plus les praticiens hospitaliers quittent le secteur public, plus la lourdeur de cette sujétion s'accentue pour ceux qui restent. Il convient donc de travailler à mieux répartir cette charge pour la rendre supportable. Par ailleurs, s'ajoute dans ce contexte le recours à des intérimaires sur-rémunérés, pour permettre de remplir les tableaux de service dans un certain nombre d'établissements, ce qui crée un certain sentiment d'injustice chez les praticiens hospitaliers statutaires qui tiennent l'ensemble de la stabilité soignante dans ces établissements.

Aux difficultés connues de démographie s'ajoutent des éléments créateurs de rigidité et de pénurie de temps soignant : des attentes différentes des nouvelles générations de soignants, en particulier sur le plan de l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. S'y ajoutent également les inadéquations entre l'organisation du temps médical et du temps paramédical.

C'est moins le principe de la tarification à l'activité que ses modalités de régulation dans le temps ont pu déstabiliser. Néanmoins, ce n'est pas de mon point de vue le seul élément tendant à expliquer la situation actuelle.

Ainsi, le dernier filet de sécurité du système de santé peut même craquer par endroit. En témoignent les fermetures totales ou partielles de certains services d'urgence. Dans ce cadre, il faudra sûrement revoir l'opportunité de créer une DES de médecine d'urgence, ou alors revoir drastiquement les normes qui gèrent ce secteur. Pour autant, les établissements ont la nécessité de maintenir ces activités touchant fortement à la permanence des soins dans de nombreux territoires et d'aller vers des rémunérations importantes, pour permettre le recrutement de personnels intérimaires qui ne donnent pas toujours les gages de sécurité, pouvant peu à peu conduire à une certaine désaffection des populations dans les territoires.

Dans beaucoup de territoires - notamment ruraux -, l'hôpital se retrouve in fine le point convergent des difficultés des secteurs ambulatoires ou médico-sociaux, avec de plus un dilemme permanent entre proximité et sécurité, pour un accès à des soins de qualité.

La création des groupements hospitaliers de territoires (GHT) avait pour principal objectif de mettre en place une gradation des soins entre établissements publics, et en permettant l'association du secteur privé et du secteur médico-social. Cela peut être le gage du maintien d'un accès à des soins de qualité, puisque la seule justification est un projet médical partagé entre les territoires, prenant en compte cet aspect.

In fine, il n'y a pas d'établissement qui ne joue pas un rôle, mais certains ont un positionnement encore non approprié, essayant de maintenir coûte que coûte des activités dans des conditions qui ne garantissent justement pas les objectifs de qualité et de sécurité des soins. Dans ce contexte, les hôpitaux de proximité sont vraiment un pont intéressant entre le secteur ambulatoire et la médecine de ville. Cette nouvelle organisation constitue un atout certain d'attractivité sur ces territoires pour les jeunes professionnels de santé.

Ces constats ont conduit à l'élaboration du Ségur de la santé qui représente un effort inédit et massif, prenant principalement en compte deux types de préoccupations : l'amélioration des conditions salariales et l'amélioration des conditions d'accueil et de travail, via le Ségur investissement. À celles-ci s'ajoutent les éléments de la loi Rist qui a mis en évidence des évolutions organisationnelles internes aux hôpitaux et des mesures d'encadrement des rémunérations médicales.

La création des ARS en 2010 a permis de prendre en compte l'aspect territorial et décloisonné et d'élargir le rôle de celles-ci, en prenant en considération l'environnement sanitaire et médico-social et non le seul champ hospitalier. Pour autant, si les ARS ont compétence exclusive sur le champ hospitalier, il n'en est pas de même sur les autres champs : ces dernières sont en coresponsabilité avec les conseils départementaux pour ce qui concerne les personnes âgées, avec l'assurance maladie pour ce qui concerne le champ ambulatoire.

Concernant la ressource médicale, l'ARS partage des leviers incitatifs à l'installation et des mécanismes d'encouragement aux modes d'exercice coordonnés pour améliorer les parcours de soins et également le financement de postes d'assistants spécialistes à temps partagé (ASP). Elle dispose aussi de la possibilité, sans avoir tous les leviers, de répartir les postes d'internes dans les établissements de santé, et une possibilité d'action incomplète sur l'homologation des stages par les universités, sur la définition des maquettes par essence, sur l'inadéquation entre les postes partagés et les effectifs et in fine sur le choix des internes.

La structuration territoriale nécessite, près du terrain, le contact avec des acteurs
- dont les élus - pour appréhender les réalités territoriales, notamment à travers les contrats locaux de santé qui constituent un levier. À travers ces leviers, l'ARS peut ainsi proposer une synergie entre le champ médico-social et l'hôpital, visant une prise en charge adaptée des patients.

En ce qui concerne les relations avec les établissements hospitaliers, l'ARS induit un dialogue stratégique qui répond à deux impératifs. En premier lieu, l'ARS doit veiller à conserver un positionnement de régulateur sans s'immiscer dans la gestion interne des établissements publics de santé. Ensuite, son analyse doit avant tout porter sur l'offre de soins en réponse à un besoin de santé sur le territoire, avant de constituer une approche technique et financière qu'il faut considérer comme la résultante et non comme le préalable de ce dialogue de gestion.

Pour avoir ce dialogue de confiance réciproque porteur d'actions comprises et de long terme, j'ajoute qu'il me semble important que les équipes des ARS puissent être pluriprofessionnelles et que ces dernières puissent notamment disposer de professionnels hospitaliers dans leurs effectifs, car le système de soins fonctionne largement sur une logique de pairs à pairs.

Nombre d'outils sont donc à notre disposition pour nous permettre de développer un égal accès aux soins sur les territoires. Néanmoins, se pose la possibilité de conduire efficacement une politique publique dépendant pour partie du volontariat des professionnels.

M. Bernard Jomier, président. -Avant de passer la parole à madame la Rapporteure, je salue la présence, dans la tribune du public, d'une délégation du Sénat de Côte d'Ivoire actuellement en mission d'étude à Paris. Je lui souhaite une cordiale bienvenue et un séjour fructueux dans notre pays.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - S'agissant de la PDSA et de la prise en charge des soins non programmés, vous avez évoqué les expérimentations liées aux SAS. Quels sont les leviers qui permettraient d'agir pour améliorer la situation, sachant que le retour à une permanence des soins obligatoire paraît difficile ?

Lors de nos travaux, il a souvent été fait référence à des fermetures d'établissements, de services ou de lits. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'évolution du nombre d'établissements hospitaliers et du niveau des capacités hospitalières au cours des dernières années ? Voyez-vous des améliorations nécessaires en vue d'assurer une bonne prise en charge, une gradation cohérente des soins hospitaliers selon les types d'établissements et une allocation optimale des moyens ?

Plusieurs acteurs hospitaliers ont par ailleurs évoqué les relations entre les établissements et leur tutelle, en souhaitant un allègement des exigences en matière de remontées d'information ou de contrôles préalables et en plaidant pour des marges d'autonomie supplémentaires et des contrôles a posteriori. Quelle est votre opinion sur ces questions ? Les critères en vigueur sont-ils les bons ? Ce temps de contrôle dans les établissements pourrait-il être optimisé ? Comment ?

Vous avez en outre évoqué la nécessité d'associer les acteurs de santé, à la fois publics et privés. Comment, selon vous, serait-il possible d'améliorer le lien entre CPTS et GHT ?

Enfin, s'agissant de l'organisation, au plan territorial, d'un service public de santé, quelle pourrait être selon vous la bonne échelle populationnelle ? Sans doute cela varie-t-il fortement selon les territoires ?

M. Jean-Yves Grall. - S'agissant de la permanence des soins ambulatoires, dès lors qu'on exclut tout retour sur la notion de volontariat, il faut certainement créer les conditions d'une facilitation. Les maisons médicales de garde constituent indiscutablement un modèle qui fonctionne, mais il repose toujours sur la disponibilité de médecins volontaires aux heures d'ouverture, ce volontariat étant hétérogène sur le territoire. Je n'ai donc pas de solution particulière à vous indiquer, si ce n'est qu'il reste à disposer d'effecteurs, une fois les possibilités d'intervention structurées.

Les CPTS ont indiscutablement montré leurs bénéfices pendant la crise, permettant de regrouper et de coordonner l'ensemble des intervenants en ville et d'asseoir une réponse organisée avec l'ensemble des acteurs sur les territoires. Elles reposent elles aussi sur le volontariat et nécessitent un leadership. En fonction de la personnalité des uns ou des autres, le développement des CPTS est très variable selon les territoires. Il n'y a pas de mon point de vue d'étiage populationnel type. La CPTS du IVe arrondissement de Lyon, lequel comprend environ 80 000 habitants, a un périmètre géographique qui fait sens. Il en irait différemment pour le Cantal, avec 120 000 habitants dans un vaste territoire. Je crois qu'il faut trouver du sens et du pragmatisme dans l'organisation des professionnels sur un territoire adapté. Il n'y a pas à instaurer de normes, mais plutôt un dialogue territorial, et lorsque l'assurance maladie et l'ARS ont des projets de santé sous-tendant la création des CPTS, ils faut les adapter en fonction des réalités du terrain.

S'agissant des fermetures d'établissements, je ne crois pas qu'il y en ait eu ces cinq dernières années dans ma région. En revanche, il y a eu des évolutions de services, des fermetures d'activités et des évolutions du nombre de lits. Le nombre de lits de chirurgie en région Auvergne-Rhône-Alpes a par exemple diminué de près de 15 % entre 2015 et 2019, parallèlement à une augmentation de 10 % des places en chirurgie ambulatoire. S'agissant de l'obstétrique, le nombre de lits a diminué de l'ordre de 12 % sur la même période.

M. Bernard Jomier, président. - Estimez-vous que la France compte trop d'hôpitaux actuellement ? Le président de la sixième chambre de la Cour des comptes nous a indiqué ce matin des ratios plus élevés en France que dans les autres pays européens.

M. Jean-Yves Grall. - Je ne suis pas certain que la France compte trop d'hôpitaux en raison des besoins de proximité dans les territoires qui justifient une approche de premier recours, de prise en charge médico-sociale, de prévention. Pourquoi disposons-nous d'une capacité hospitalière plus élevée en France ? Deux phénomènes y contribuent : un vieillissement de la population ainsi qu'une organisation sanitaire particulière ; un recours à l'hôpital plus important, faute d'organisation suffisamment étayée en soins de ville, le virage ambulatoire n'ayant pas été réalisé autant qu'on pouvait l'espérer, au regard de l'écart qui existait à l'époque entre la France et les autres pays de l'OCDE.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - La France a-t-elle toujours compté un nombre d'établissements élevé, par rapport aux autres pays ? À quoi est-ce lié ?

M. Jean-Yves Grall. - Pour avoir exercé dans plusieurs régions, je pense que nous devons faire des progrès dans la compréhension par l'ensemble des acteurs des enjeux de qualité, de sécurité et de permanence des soins. On conserve parfois une maternité ou un service de chirurgie, mais la population n'y recourt pas, l'hôpital ne disposant pas de professionnels qualifiés dans lesquels celle-ci ait suffisamment confiance. Il faut finalement supprimer l'activité, ce qui ne signifie pas bien entendu que les besoins en gynécologie-obstétrique, en anesthésie, en chirurgie ne sont pas satisfaits. Il revient à l'ARS d'assurer les conditions de cette prise en charge, qui ne sera plus de proximité mais évitera toute perte de chance, Les notions de proximité et de qualité, ainsi que la possibilité d'avoir recours à des professionnels qualifiés génèrent les évolutions de l'offre.

En second lieu, je pense que les groupements hospitaliers de territoires (GHT) ont dans leurs gènes l'idée de gradation des soins, d'un continuum. Les équipes médicales de territoire au sein des GHT constituent à cet égard une bonne idée à encourager. C'est l'établissement siège qui fédère, pour une discipline donnée, l'ensemble des acteurs sur le territoire, dans une perspective de gradation des soins définie par les professionnels, seuls à même de connaître les conditions nécessaires à un égal accès de tous les patients à des soins de qualité.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Existe-t-il des différences dans la nature de la collaboration entre établissements d'un GHT selon que celui-ci comprend ou non un CHU ?

M. Jean-Yves Grall. - Je n'ai pas remarqué de différence réelle entre ces deux situations. Objectivement, tout dépend de la façon dont les différents responsables de spécialité s'organisent. Je citerai le CHU de Clermont-Ferrand, établissement support du GHT, qui a une dynamique d'aller vers les établissements et de travail avec eux plus forte que d'autres CHU. Ceci repose sur les ressources humaines médicales et la compréhension qu'ont les responsables de spécialité ou de service du CHU de l'organisation et de l'attention à porter à l'ensemble de la chaîne, quitte à obtenir avec leurs pairs un certain nombre d'évolution pour assurer une gradation des soins. À mon sens, la réponse n'est pas binaire. Le GHT constitué autour du centre hospitalier de Valence, qui fonctionne d'autant mieux qu'il a mis en place des directions communes, même si les établissements demeurent autonomes, a su créer grâce à un corps médical particulièrement dynamique une véritable subsidiarité dans l'organisation des soins hospitaliers sur le territoire. Cela dépend surtout du projet médical partagé entre les établissements et de l'énergie qu'on met à le faire vivre dans l'esprit du GHT, en assurant qualité, sécurité et gradation des soins. Seule la parole professionnelle peut être porteuse de ces évolutions. Elles doivent être sous-tendues par un projet de santé, plus que par des logiques administratives, et dans ce cas, cela est parfaitement compris par les populations.

S'agissant des liens avec la tutelle, il existe tout d'abord un cadre normatif qui s'impose aux établissements de santé. À ce propos, sans rien renier sur les principes, je pense que nous devons simplifier les modalités relatives à la qualité et à la certification, telles que les pratiquent les experts visiteurs ou le Cofrac, car celles-ci deviennent de plus en plus techniques. De même, tout ne peut pas relever d'une tarification à l'activité, parce que c'est extrêmement complexe et que nous avons besoin de pragmatisme.

En ce qui concerne les liens entre les ARS et les établissements de santé, j'ai pour ma part toujours mis en place un dialogue de gestion quasi permanent, avec des rencontres larges sur la situation d'un établissement, son insertion dans le territoire et le service rendu à la population. Nous arrivons à mener ce dialogue, fondé sur un partage de la juste utilisation des ressources, pour atteindre cet objectif. Il s'agit pour mes collègues et moi d'avoir une approche proximale, plutôt que d'adresser des questionnaires qui amènent également une pression psychologique.

M. Bernard Jomier, président. - Vous avez évoqué une pénurie liée à la surspécialisation. Pourriez-vous préciser ces propos et nous indiquer les filières concernées ?

Vous avez également mentionné les stages sur lesquels la compétence revient d'abord à l'université. Estimez-vous qu'il y a une mauvaise répartition des stages sur notre territoire, en termes d'offre de soins ?

Par ailleurs, Florence Lassarade souhaiterait que vous nous donniez des informations à propos des difficultés créées, dans l'organisation de la chaîne de soins, par les carences en lits d'aval.

M. Laurent Somon. -À propos de la relation entre les médecins de ville et l'hôpital, vous avez évoqué les SAS. Ne pensez-vous pas que trois éléments pourraient améliorer la situation : la revalorisation des visites à domicile, un système informatique uniforme sur le territoire national et le développement de la télémédecine ? Cette dernière pourrait-elle permettre une fluidité et un moindre engorgement de l'hôpital ?

M. Bernard Jomier, président.- Madame la Rapporteure s'enquiert en outre de la place de l'hospitalisation à domicile (HAD).

Mme Sonia de La Provôté. - Je m'interroge à propos de la taille et du périmètre des GHT. Jugez-vous utile de disposer d'une structure réunissant à la fois les GHT et les CPTS ? On estime souvent que les GHT sont de trop grande taille pour organiser l'amont et l'aval des hospitalisations sur un territoire dimensionné à taille humaine. Ils auraient plutôt été dimensionnés pour gérer de la ressource, à la fois humaine et financière, mais pas toujours avec un objectif d'optimisation de la prise en charge des patients. Voyez-vous une évolution à mettre en oeuvre, de façon à fluidifier ce fonctionnement ?

M. Jean-Yves Grall. - S'agissant de la surspécialisation, je vous donne l'exemple de la cardiologie. Pour un certain nombre de cardiologues formés, on observe une ramification vers des dispositifs et des techniques de plus en plus sophistiqués qui finissent par capter un certain nombre d'entre eux et les retirent de la masse générale. Assurer la permanence des soins et disposer de personnels pouvant réaliser des opérations de cardiologie dites classiques est devenu difficile, en raison de cette surspécialisation. Il en va de même en néonatologie et en pédiatrie.

M. Bernard Jomier, président. - Il s'agit d'un choix des pouvoirs publics d'avoir fait évoluer la pédiatrie, afin qu'elle ne représente plus une spécialité de premier recours en ville, mais une spécialité de second recours et donc d'établissement hospitalier.

M. Jean-Yves Grall. - Il demeure néanmoins une segmentation avec la pédiatrie hospitalière en service.

À propos des stages, la répartition est dépendante des commissions d'adéquation. Le dispositif est simple : nous avons un nombre d'internes, l'obligation d'être à 107 % du nombre d'internes dans l'adéquation et de répartir ces stages sur l'ensemble du territoire de la subdivision dans les hôpitaux, ces stages ayant été agréés par la faculté. Les lieux d'affectation sont conditionnés par des exigences de formation des internes. Les internes donnent également leur avis sur cette dimension formatrice. Il est difficile de répartir des internes pour se faire former, lorsque vous n'avez pas de formateurs ni de praticiens qualifiés pour le faire. Il ne s'agit donc pas d'un levier qu'on peut aisément manier, dans la mesure où les internes sont des praticiens en formation et qu'ils n'ont pas vocation à faire tourner seuls des services. Ils doivent être encadrés par des séniors. Là réside la difficulté : la bonne répartition des stages dépend de la qualification des établissements et de leur possibilité de former des internes.

Concernant l'hospitalisation à domicile (HAD), il s'agit d'une modalité de prise en charge qui, à mon avis, se trouve en dessous de ce qu'elle pourrait donner. L'HAD ne se développe pas pour plusieurs raisons. Ce n'est pas le nombre d'autorisations qui manque, mais à mon avis la compréhension et la volonté des établissements eux-mêmes et des médecins qui prescrivent d'adresser en HAD. Les structures ne sont pas toujours utilisées à plein parce que la prescription n'est pas faite par les services hospitaliers.

S'agissant du lien entre CPTS et GHT, on ne se situe pas dans la même dimension. Les GHT visent une stratification hospitalière des soins - qualité, sécurité, gradation des plateaux techniques - qui se conçoit nécessairement sur une emprise territoriale beaucoup plus grande. J'ajoute néanmoins que les GHT n'ont pas de raison juridique et que chaque établissement demeure autonome dans son projet territorial qui lui permet de travailler en proximité avec les CPTS dans son territoire, ainsi qu'avec l'ensemble des acteurs, y compris les SSR et le médico-social. Cela n'est donc pas antagoniste avec la dimension populationnelle plus réduite des CPTS, sur un territoire de proximité. Par ailleurs, je voudrais dire que les hôpitaux de proximité tels qu'ils ont été conçus constituent une marche en avant intéressante, pour intégrer les professionnels libéraux, en CPTS ou non. Ces hôpitaux permettent de mon point de vue de remplir réellement une fonction de proximité utile.

Quant à la télémédecine, je participais hier à une réunion avec le président du conseil départemental de l'Ain sur l'accès aux soins. Il s'agit du département de la région qui dispose de la plus faible densité de médecins généralistes. Le conseil départemental, en lien avec l'ARS, a notamment mis en place des cabines de télémédecine dans certaines pharmacies et la directrice du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a signalé que cela avait permis une diminution du passage à l'hôpital, des patients utilisant ces cabines pour des consultations simples au lieu de se rendre aux urgences. Tout ceci constitue à mon sens une voie qui peut être travaillée, à condition de ne pas aller trop loin. En effet, palper un malade me semble encore utile.

La télémédecine pourrait par ailleurs jouer un rôle important en Ehpad. Pendant la crise, le soutien médical aux Ehpad a été particulièrement fort et je pense qu'il conviendrait de capitaliser sur les organisations qui ont vu le jour en temps de crise pour essayer de les pérenniser.

Je n'ai pas d'avis sur le tarif des visites à domicile. Je pense que les mesures incitatives sont bonnes. Suffisent-elles à régler le sujet ? Je n'en suis pas certain. Il me semble à ce propos que nous avons eu un abondement général des rémunérations depuis des années. Est-ce que la visite à domicile ne repose que sur le tarif associé ? Je ne le sais pas.

Enfin, à propos de l'aval de l'hospitalisation, il me semble que deux aspects sont à considérer. D'une part, à l'intérieur des établissements de santé pour les patients arrivant aux services d'urgence, ce qui amène à la question de l'adéquation et de la justification de l'hospitalisation. À force de ne pas être suivis, les gens finissent par devenir très malades et doivent être hospitalisés, alors qu'on aurait peut-être pu rencontrer moins de difficultés en amont. D'autre part, une fois le patient dans la chaîne, comment l'en fait-on sortir ? Avons-nous assez de lits de soins de suite et de réadaptation (SSR) ? Cette question doit être traitée au plan territorial pour assurer de la fluidité des modalités d'admissions dans ces SSR. Le retour en Ehpad d'un certain nombre de patients hospitalisés peut également s'avérer difficile et prendre du temps en fonction de la possibilité des Ehpad de disposer de l'encadrement. On a parfois peur de reprendre des résidents, après qu'ils ont été malades. Je souligne à cet effet les efforts que nous avons fournis sur le plan de la paramédicalisation des Ehpad, par des infirmières de nuit, qui ont donné de bons résultats. Une expérimentation avec le réseau des urgences de la zone de Vienne avait porté sur la présence d'infirmières de nuit dans les Ehpad et sur la formation de leurs personnels infirmiers et non infirmiers, par les services d'urgence, sur la pertinence de l'envoi aux urgences. On avait observé une baisse de 30 % des admissions aux urgences des patients venant de ces Ehpad.

À propos de la régulation des SSR, nous disposons bien d'un système d'information en Auvergne-Rhône-Alpes, nommé Trajectoire. Je pense néanmoins que les coopérations et le liant mis entre les acteurs sont essentiels. Je suis d'accord avec vous, Mme de La Provôté : tout ceci ne peut pas être à grande échelle, mais à échelle proximale.

M. Bernard Jomier, président. - Laurent Somon souhaitait aussi vous questionner sur l'intérêt de développer des maisons médicales de garde adossées aux hôpitaux de façon plus systématique. Quel est votre avis sur ce point ?

M. Jean-Yves Grall. - J'y suis tout à fait favorable. Dans un rapport de 2006 sur les maisons médicales de garde, je signalais que ceci était important, permettant à la fois de sécuriser l'activité des médecins et d'avoir un plateau technique à proximité si besoin, d'avoir aussi un environnement sûr au niveau de l'architecture et de la sécurité. J'y suis très favorable, à la condition qu'il y ait des volontaires pour y participer. On pourrait systématiser ce dispositif, mais il ne sert à rien de le décréter, dès lors que cela nécessite des volontaires. L'essentiel, c'est que ce dispositif soit connu : une information reste à faire vis-à-vis de la population. Nous avons expérimenté au centre hospitalier Alpes Léman, à Annemasse, la présence à l'entrée des urgences, à certaines heures, d'un médecin généraliste rémunéré par le fonds d'intervention régional (FIR) qui réoriente vers des généralistes de garde les patients ne nécessitant pas d'être traités en urgence. Cette médecine généraliste et libérale à la porte des établissements pour améliorer le parcours des patients me paraît très utile. Ce n'est pas la structure qui manque, mais, je crois, le développement de ce dispositif en lien avec la permanence des soins ambulatoires par les médecins.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Un des points cruciaux de la crise de l'hôpital réside dans le mal-être des personnels, dans pratiquement toute la hiérarchie. Quelles solutions préconisez-vous, permettant de fidéliser et de renforcer le personnel soignant, toujours à flux tendu ? Avez-vous des pistes de réflexion, en matière de formation ou d'évolution des carrières, au-delà du côté purement pécuniaire qu'a apporté le Ségur ?

Par ailleurs, l'organisation des hôpitaux doit-elle faire une plus grande place aux services et au renforcement de la décision médicale par rapport à la décision administrative ? Que pensez-vous également des inter-CHU ?

M. Jean-Yves Grall. - Je soulignerai en préalable que je crois beaucoup en la responsabilité des acteurs, et de ce fait, en l'autonomie de fonctionnement des établissements. Je ne crois pas qu'il faille de nouveau légiférer sur l'organisation interne des établissements.

S'agissant de leur gouvernance interne, d'après mon expérience personnelle, je ne vois pas de directeur ne voulant pas prendre compte l'avis des médecins. Lorsque je reçois les établissements, on voit tout de suite quand le message porté est d'ordre médico-administratif, ce qui est le cas le plus fréquent, et quand, au contraire, cela ne fonctionne pas. Le représentant légal de l'établissement demeure le directeur. C'est lui qui este en justice et qui est passible de la cour de discipline budgétaire. Par ailleurs, je ne suis pas certain que les médecins convoitent la place de directeur d'établissement. Il s'agit à mon sens d'une affaire d'organisation interne, de travail entre les gens et de compréhension mutuelle et réciproque des difficultés des uns et des autres, pour avoir une résultante qui est l'intérêt de l'établissement et de la population qu'il dessert. Ceci suppose que l'ensemble des médecins puissent être acculturés à ce qu'est l'autre partie de l'hôpital - dont la gestion -, et à l'inverse, que les équipes de direction puissent de temps en temps avoir une idée précise de ce qu'est le travail des médecins et notamment des conséquences liées à la pratique. Le dialogue doit être régulier et encouragé.

Quant au cas des personnels non soignants, je pense que la rémunération constitue un facteur, mais qu'elle n'explique pas tout. Nous avons besoin d'un management adapté, proche et entraînant, et qu'il y ait aussi une bonne adéquation entre l'organisation des médecins dans les établissements et l'organisation non soignante. Je pense qu'au sein des établissements, le comité technique d'établissement (CTE) doit avoir un rôle très important sur l'organisation du travail.

À propos des CHU, je distinguerais leur rôle de recours hospitalier - ceux-ci constituant la plupart du temps le recours ultime dans un certain nombre de disciplines - de la partie universitaire. La région Auvergne-Rhône-Alpes compte notamment quatre circonscriptions d'internats. À ce titre, il serait commode pour le directeur de l'ARS qu'il y ait une certaine homogénéité d'interlocuteurs universitaires entre ces quatre circonscriptions. Quant à la recherche, peut-être faut-il réfléchir au sein d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) à mener des travaux, pour avoir des cohortes partagées et avoir plus de force.

M. Bernard Jomier, président. - La Cour des comptes soulignait que la part de recours à l'activité de certains CHU s'établissait à moins de 3 %, ce qui interroge.

Mme Marie Mercier. - En Saône-et-Loire, dont je suis la sénatrice, pour répondre aux besoins des habitants et pallier la désertification médicale, le président du conseil départemental a lancé des maisons de santé avec des médecins salariés. Il est évident qu'il convient de réinventer la médecine générale. On en arrive notamment à ces « boîtes » à médecine, à l'e-médecine. J'ai senti dans vos propos une certaine forme de scepticisme. Vaut-il mieux une « boîte » à médecine que rien du tout ? Je laisse cette question en suspens. Il faut savoir penser à tout, mais peut-être savoir également se donner des limites.

M. Jean-Yves Grall. - Je partage totalement ce que vous dites. Dans la situation telle que nous l'avons décrite, toutes les initiatives, pour peu qu'elles soient cadrées et qu'elles répondent à quelque chose de raisonnable, me paraissent bonnes. Je vous rejoins néanmoins sur l'idée que cela ne peut être qu'un aspect palliatif ou périphérique, par rapport aux attentes d'un patient, à savoir d'être suivi sur le long terme par le même médecin, un médecin traitant. J'ajouterai qu'il faut être pragmatique avec tout ceci. Je crois que cela apporte dans tous les cas un médecin à des populations qui n'en disposaient pas.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Concernant la question de l'allègement des exigences et celle de la relation entre la tutelle et les établissements, avez-vous des pistes de propositions à nous adresser ?

M. Bernard Jomier, président. - Madame la Rapporteure vous demande une contribution écrite participant à sa réflexion sur l'allègement des contraintes et des charges administratives qui pèsent sur les établissements hospitaliers.

M. Jean-Yves Grall. - Je vous transmettrai quelques lignes. De mon point de vue, tout ceci passe parfois par une déconcentration plus forte et une maximisation du lien entre le dépositaire de l'autorité sanitaire et les établissements, à savoir responsabiliser la relation entre l'ARS et les établissements, en essayant peut-être de lever les procédures trop contraignantes que nous sommes chargés de mettre en oeuvre et qui polluent parfois cette relation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de Mme Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

M. Bernard Jomier, président. - Nous poursuivons nos auditions en recevant Mme Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé.

Depuis le début de nos travaux, beaucoup de nos interlocuteurs ont fait état de difficultés organisationnelles, internes ou extérieures à l'hôpital, qui pèsent sur son fonctionnement et génèrent, de la part des médecins et des soignants, des insatisfactions quant à la façon dont ils assurent leur mission de soin. Ils parlent à ce propos d'une perte de sens liée à leur mission de soin.

La Haute Autorité de santé est investie de responsabilités particulières en matière de promotion et de contrôle de la pertinence et de la qualité des soins et des parcours de soins.

C'est pourquoi il nous paraissait important de bénéficier de votre éclairage et nous vous remercions, Madame la Présidente, de votre présence aujourd'hui parmi nous.

Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat et fera l'objet d'un compte rendu publié.

Avant de passer la parole à notre rapporteure, Mme Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal, et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Dominique Le Guludec prête serment.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Merci, Madame la Présidente, d'être venue pour évoquer le sujet de la crise de l'hôpital.

Le malaise qui traverse actuellement le monde hospitalier - et plus largement le secteur de la santé - s'est largement exprimé au cours de nos travaux comme dans les médias depuis plusieurs mois. Beaucoup de médecins et de soignants ont souligné le décalage entre leurs conditions d'exercice au quotidien et ce qui est demandé à l'hôpital - qui paraît toujours plus lourd en raison de l'évolution des besoins de santé et de réponses insuffisantes hors de l'hôpital.

Nous souhaitons connaître votre appréciation, en tant que présidente de la HAS, sur cette situation, et surtout évoquer avec vous les leviers d'amélioration possibles dans les domaines qui relèvent de votre compétence. Comment peut-on favoriser un plus juste recours à l'hospitalisation, en quelque sorte le juste soin au juste niveau ? Comment renforcer la pertinence des soins et décharger l'hôpital d'actes redondants ou qui devraient être effectués ailleurs ? Comment améliorer les parcours, au bénéfice des patients bien sûr, mais aussi pour éviter un engorgement des établissements, que ce soit au niveau des urgences ou du fait des difficultés de sortie ?

Enfin, la question de la certification est fréquemment revenue lors de nos auditions, moins quant à son principe - qui n'est pas contesté - que dans ses modalités de mise en oeuvre.

Mme Dominique Le Guludec. - Merci de m'inviter à parler de l'hôpital qui a une place centrale dans le système de santé et qui, comme vous, nous préoccupe.

Vous avez mentionné la crise que traverse l'hôpital. Elle est pour nous indéniable et probablement antérieure à la crise sanitaire que nous traversons. Je ne reviendrai pas sur le nombre d'emplois vacants dans les établissements, que ce soit en matière de personnel paramédical et médical. J'y ajouterai les problèmes de pérennité des équipes, de turn-over et de fidélisation des équipes, qui sont extrêmement importants pour la qualité du travail en équipe, et ceux de l'encadrement de proximité qui assure une cohésion importante dans les équipes hospitalières. Au-delà des questions organisationnelles, il est vrai que les problèmes touchant aux ressources humaines sont cruciaux à l'hôpital.

Dans le cadre de nos missions à la HAS, sachant que nous ne sommes pas régulateurs et que les moyens de l'hôpital ne dépendent pas de nous, nous pouvons dire qu'il existe un lien établi - par une littérature de très bon niveau -entre le niveau de personnel d'un établissement ou d'un service et la qualité des soins. Ceci est extrêmement important pour le travail en équipe, dont vous savez qu'il s'agit d'un des principaux leviers d'amélioration de la qualité au sein d'un établissement. La coordination n'est pas nécessaire seulement dans une équipe hospitalière, mais également entre la ville et l'hôpital ou entre le secteur médico-social et le secteur de la santé.

De façon plus anecdotique, vous savez que l'analyse des événements indésirables fait partie des missions de la HAS. On voit à cet égard que les erreurs de dosage de médicaments - qui constituent un des événements indésirables les plus importants - peuvent être dus à des interruptions de tâches et plus de 80 % des infirmiers, des sages-femmes et des médecins disent subir des interruptions de tâches fréquentes dans leur travail.

Nous ne sommes pas en charge des problèmes structurels de l'hôpital. Néanmoins, ceux-ci ont une implication sur nos missions qui sont la qualité, l'amélioration de la qualité et la pertinence. De même, les modes de financement peuvent s'avérer contre-productifs par rapport à un objectif de pertinence et avoir des conséquences directes sur nos propres missions. Nous reparlerons de façon plus pragmatique de leur impact sur nos missions, sur le plan de la certification des établissements et du recueil d'indicateurs de qualité. Ceux-ci ont pour mission première de donner des outils aux professionnels pour améliorer la qualité et ont un impact qui devient beaucoup plus important sur le financement dit à la qualité, ce qui n'est pas sans poser problème.

Vous savez par ailleurs que la HAS a pour mission de recommander les bonnes pratiques et de mesurer et d'améliorer la qualité des soins.

S'agissant de la pertinence des soins, il s'agit d'une dimension stratégique de tous nos travaux de recommandation et de parcours. Il s'agit d'éviter des traitements ou des actes inadéquats, dont l'appréciation quantitative est toujours difficile. Elle a souvent été estimée à 25 % ou 30 % des actes pratiqués. On voit bien que dans une circonstance où les ressources sont faibles - tant à l'hôpital qu'en ville -, il s'avère crucial d'éviter les redondances et de fluidifier les parcours en optimisant les coûts qu'ils engendrent.

Nous avons conduit plusieurs travaux sur la pertinence elle-même. Toutes les recommandations de bonnes pratiques définissent la prise en charge pertinente et constituent un outil pour les professionnels. Nous avons établi des fiches pertinence, c'est-à-dire des messages extrêmement courts pour dire si un acte est utile ou non ou si une prescription est adéquate ou non.

Nous avons évidemment déterminé les recours à l'hospitalisation, notamment la pertinence du recours à l'hospitalisation pour endoprothèse sans infarctus. Nous essayons ainsi de donner des outils aux médecins, pour que le patient soit hospitalisé à bon escient et pour éviter les hospitalisations inutiles.

Dans ce même domaine, nous avons fait des outils pratiques, par exemple un algorithme pour la pertinence d'adressage en SSR.

Ensuite, cette pertinence doit être mesurée pour être améliorée. Le sujet des indicateurs nous occupe beaucoup et il y a en effet de grosses difficultés à en trouver. Il existe plusieurs types d'indicateurs. Certains sont remplis par les patients et nous souhaitons les développer de plus en plus, car ils ne consomment pas de temps médical. L'indicateur I-SATIS interroge par exemple tous les patients qui ont été hospitalisés en médecine chirurgie obstétrique (MCO), en chirurgie ambulatoire ou en SSR.

Il existe également des indicateurs de qualité des soins, qui étaient traditionnellement recueillis dans les dossiers des patients. Néanmoins, remplir ces indicateurs demande du temps aux soignants. Aussi, nous nous penchons de plus en plus vers des indicateurs qui sortiraient des bases médico-administratives, avec beaucoup d'échecs, car ces dernières intègrent beaucoup de données de consommation de soins, mais peu de données médicales permettant d'évaluer la pertinence de cette consommation de soins. Il nous faudra donc inventer des systèmes de recueil d'indicateurs qui à la fois ne consomment pas de temps médical et vont au-delà de ce qu'on trouve dans le SNDS ou le PMSI. Ce n'est pas simple et il faudra sûrement faire évoluer ces bases nationales et probablement aider les établissements à se doter de plateformes de données. Encore faut-il que soient développés des outils pour requêter ces plateformes, en vue d'indicateurs sur les pratiques et de résultats de celles-ci, et donc d'indicateurs de qualité.

À notre sens, ces indicateurs sont absolument nécessaires si on veut donner aux professionnels les outils pour évaluer la qualité de ce qu'ils font. Dans le même temps, ils sont mal vécus à l'hôpital par les équipes, car ils leur consomment pour l'instant du temps médical, alors qu'ils n'en ont déjà pas pour les soins.

Il faudra faire attention. Le financement à la qualité reposait dans un premier temps sur un nombre d'indicateurs assez faible. Il s'élargit et c'est une bonne chose que le financement ne dépende pas uniquement du volume d'actes. Encore faut-il qu'il repose sur des indicateurs solides, valides et suffisamment nombreux pour couvrir les champs concernés et justifier des sommes de financement.

Concernant le régime des autorisations, nous avions fait un gros travail sur les déterminants de la qualité des soins, trois ou quatre ans auparavant, et avions abouti à la constatation que les seuils d'activité en chirurgie ou en néonatologie n'étaient pas toujours la bonne solution. Nous travaillons actuellement à des indicateurs de vigilance, c'est-à-dire des indicateurs d'alerte qui permettront aux ARS d'établir un dialogue avec les équipes si ces dernières dépassent certains seuils et de comprendre les raisons des mauvais résultats de ces indicateurs. Cet outil permettrait aux ARS d'évaluer si les structures ont la qualité nécessaire pour leur délivrer une autorisation.

S'agissant des parcours de soins, il s'agit davantage d'un parcours de santé, car il convient de regarder ce qui se passe en amont et en aval du soin, pour soulager ce dernier. Ces parcours de santé sont essentiels pour les patients et également pour tous les acteurs, car c'est souvent sur le plan de la coordination des différents étages du parcours qu'une amélioration de la prise en charge pourrait être faite. Chaque étape du parcours de santé est extrêmement importante, si on veut optimiser la consommation de soins.

Nous produisons déjà des guides de parcours pour établir, en consensus avec les professionnels et les patients, le bon parcours pour toutes les pathologies chroniques, de façon à connaître de façon optimale ce qui doit être fait à chaque étape.

Par ailleurs, nous adossons des messages de pertinence à ces parcours et développons des indicateurs de qualité de ces parcours, qui devraient idéalement être communiqués en permanence à l'échelon régional, afin qu'autour de la table, les médecins libéraux et l'hôpital voient quels sont les points qui pèchent sur le plan de la région. Il est en effet probable que, d'une région à une autre, les éléments déficients du parcours ne soient pas les mêmes. Ils pourraient alors construire des améliorations de ces parcours, à l'avantage de la prise en charge des patients et de la consommation de soins de l'ensemble du système.

Quant à la certification qui existe depuis vingt ans, il est indéniable qu'elle a amené à une amélioration de la qualité de nos établissements. Par contre, lorsqu'un niveau de qualité est atteint, il faut changer de système de certification si on veut continuer d'améliorer la qualité des soins et de la prise en charge, ce que nous avons fait il y a deux ans. Le système de certification précédent avait en effet des avantages, mais il évaluait surtout les process et s'adressait essentiellement aux équipes qualité des établissements. Nous avons voulu baser davantage l'évaluation sur les résultats du patient et parler aux équipes de leurs métiers.

Cette nouvelle certification a été expérimentée dans certains établissements, avec succès. Nous avons également fait un retour d'expérience de la crise sanitaire, pour voir si la certification - telle qu'elle avait été construite par les professionnels - correspondait toujours. Elle est déployée actuellement de manière souple. Nous avons en effet commencé par les établissements volontaires. Par ailleurs, lorsqu'un établissement nous demande de différer la visite de certification, nous la différons.

Nous avons énormément simplifié la procédure elle-même. Avant, les hôpitaux devaient remplir des tas de tableaux et nous les renvoyer. Désormais, nous leur fournissons des outils qu'ils utilisent pour eux-mêmes. Nous n'en demandons pas le retour, mais souhaitons qu'ils se les approprient en permanence.

La certification telle qu'elle a vécu a totalement changé. De ce qui nous remonte aujourd'hui, la nouvelle certification correspond beaucoup plus aux attentes des équipes et des patients. Restent à déployer des process qualité comme la certification pendant des périodes de manque de ressources à l'hôpital, où la mobilisation des équipes pour des processus de qualité est en effet complexe, quand il manque du monde à l'hôpital.

Les équipes chez qui nous allons en visite de certification font remonter que même si elles l'appréhendent, elles sont extrêmement satisfaites du moment de certification, du contact avec les experts visiteurs - qui ont changé et ont été beaucoup médicalisés - et de la façon dont cette certification permet de faire remonter les difficultés, voire d'objectiver celles des équipes.

Nous n'avons pas pour mission de voir s'il y a une conformité de ratio de soignants. Par contre, par un certain nombre de critères de la certification, on peut faire remonter un certain nombre d'indicateurs sur les besoins.

Je terminerai simplement en évoquant l'importance de nos travaux actuels sur le numérique, en tant que levier organisationnel. Il nous paraît être une solution à un certain nombre de problèmes et en particulier le passage en droit commun de ce qui touche à la télésurveillance et qui va faire partie intégrante des parcours de soins des patients, que ce soit en amont ou en aval de l'hôpital.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Vous parlez de la pérennité des équipes et du sens à redonner aux équipes soignantes. Quelles seraient les pistes allant dans ce sens, selon la HAS ?

Vous avez également parlé d'indicateurs de vigilance qui seront à la disposition des ARS. Quels seraient-ils et à quelle échéance pourraient-ils être mis en place ?

Les financements actuels et les ratios de soignants sont-ils appropriés pour assurer la qualité des soins sur la durée ?

Par ailleurs, la HAS avait publié un rapport il y a une dizaine d'années sur le recours à l'hôpital en France, comparé à d'autres pays étrangers. Avez-vous actualisé ce travail ?

Vous produisez des fiches de messages assez simples destinées aux soignants. Avez-vous eu des retours, quant à l'intégration de ces messages dans la pratique médicale ? Savez-vous s'ils sont lus ?

Quant à la gradation de la réponse hospitalière, comment analysez-vous la répartition des missions entre les types d'établissements ? Comment peut-on assurer un maillage hospitalier pertinent, avec une qualité de l'offre et une bonne répartition de la charge des établissements ? La HAS s'est-elle intéressée au bilan des GHT ?

Mme Dominique Le Guludec. - S'agissant des solutions visant la pérennité des équipes, nous essayons d'analyser les raisons et les causes qui sont multifactorielles. Il y a en effet des problèmes de financement et de qualité de vie qui sont peut-être plus prégnants dans les grandes villes, par exemple en matière de logement. Il y a la rémunération, mais aussi la proportionnalité par rapport aux conditions de vie des soignants. Il est vrai que ces dernières sont devenues très difficiles dans les grandes villes, depuis vingt ans.

C'est l'équipe qui fait sens à l'hôpital. Le travail en équipe nécessite notamment des équipes pérennes et du personnel en quantité suffisante. Ces éléments doivent être réinvestis pour pouvoir redonner à l'équipe des conditions de travail raisonnables.

Il faut absolument travailler avec les équipes sur la pertinence et la qualité des soins et également veiller à ce que les mécanismes de financement ne soient pas contre-incitatifs. Si les tarifs des séjours diminuent tous les ans, la seule préoccupation d'une gouvernance sera d'augmenter l'activité pour avoir les ressources correspondantes. Le dialogue entre les équipes et la gouvernance se situe donc au niveau de l'activité. « Combien d'activités » et non plus « quelle qualité de l'activité ». Je dirais qu'il ne faut pas avoir des incitations contradictoires : exiger d'un côté de la pertinence ; de l'autre, imposer une augmentation d'activité obligée pour garder ses moyens. Cela donne une perte de sens très importante aux équipes. Il faut en effet apporter de la stabilité de ce côté-là.

Les indicateurs de vigilance sont par ailleurs en phase de construction. Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, nous avait demandé de travailler sur les déterminants de la qualité en santé. Il s'agissait en particulier de réformer les autorisations d'activité. Les travaux de la HAS à ce moment montraient que les seuils n'étaient pas forcément un indicateur pertinent. Pour certaines activités, plus on en fait, meilleure est la qualité. C'est le cas pour des chirurgies très spécialisées ou des procédures interventionnelle, par exemple le remplacement percutané de la valve aortique. Mais cela ne vaut pas de manière globale et ce seul critère ne peut déterminer les autorisations, d'autant que cela pourrait pousser à réaliser des activités pas nécessairement pertinentes pour atteindre le seuil requis. Nous avions préféré proposer des indicateurs d'alerte sur des résultats. Ils sont en train d'être travaillés. Ce sont des indicateurs de qualité qui ne pourraient pas servir pour délivrer une autorisation. La mortalité postopératoire dépend par exemple éminemment de la population soignée. En tant que telle, il ne serait pas possible de dire : « si vous avez telle mortalité, on vous ferme. » C'est pourquoi on les appelle « indicateurs d'alerte ». Ils permettront aux ARS d'être alertées et d'aller vers les équipes pour comprendre quelle est la justification ou les problèmes que rencontrent les équipes pour avoir un indicateur qui ne correspondrait pas à la moyenne des établissements français.

Les financements actuels et les ratios de soignants sont de la responsabilité de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et je me garderai bien d'empiéter sur ses responsabilités. Par ailleurs, nous n'avons pas encore actualisé le rapport sur le recours à l'hôpital en France. Par contre, nous abordons pour chaque pathologie ce qui doit être fait dans le cadre du parcours pour minimiser le recours à l'hospitalisation en diminuant les épisodes aigus et pour avoir le maximum de coordination, de façon par exemple à ne pas répéter en ville ce qui aurait été fait à l'hôpital. C'est pour cela que nous insistons, dans nos indicateurs de qualité, sur l'importance de la lettre de sortie et de son établissement rapide. Nous envisageons ceci, pathologie par pathologie.

Quelle est l'utilisation de nos messages et de nos recommandations ? Il s'agit d'une très bonne question, Madame Deroche, que je me suis beaucoup posée lorsque je suis arrivée à la HAS. Inquiets de cette utilisation, nous travaillons beaucoup à essayer d'améliorer l'impact de ces recommandations. Nous avons créé une commission spécifique à ce sujet.

Avec les années, nous avons raccourci de plus en plus les documents. Il existe toujours un document long dans lequel tout est rapporté, mais aussi des synthèses et maintenant des outils extrêmement courts, de l'ordre d'une page recto verso. Je pense que nous pouvons aller encore plus loin. On se rend compte que les professionnels n'ont plus le temps de lire des textes, qu'il faudrait tout leur mettre sous forme de logigrammes et de schémas.

Pour ce qui est de l'analyse de la répartition des établissements et de la gradation des missions, là aussi c'est du domaine de la DGOS. Nous abordons les GHT dans la certification, une partie leur étant dédiée. Nous souhaiterions aller plus loin, pour pouvoir y intégrer toute la coordination avec le champ médico-social, extrêmement important en amont et en aval de l'hôpital. Nous attendons pour ce faire que tout le dispositif d'évaluation externe que nous avons travaillé depuis deux ans dans les domaines social et médico-social trouve le support législatif pour pouvoir être mis en place.

M. Bernard Jomier, président. - Nous avons noté votre souci d'essayer de rationaliser les tâches, grâce à la certification notamment, pour rendre du temps aux soignants. Ils se plaignent également beaucoup des tâches relatives à la traçabilité des soins. Comment concilier un haut niveau de qualité des soins avec ces tâches de traçabilité ? La HAS mène-t-elle une réflexion sur des processus qui permettraient de réduire la consommation de temps soignant ? Sinon, suivant votre réflexion sur le temps d'écoute indispensable à la qualité des soins, ne faudrait-il pas dire clairement qu'il conviendrait d'augmenter le nombre de postes de soignants et qu'on ne peut pas augmenter les tâches non soignantes sans augmenter leur nombre ?

Mme Dominique Le Guludec. - Il y a les deux aspects. De notre côté, nous sommes responsables de trouver des solutions pour réduire le temps requis et je peux vous garantir que la certification - telle qu'elle est aujourd'hui - a totalement changé, a vu son process simplifié. Une cinquantaine d'équipes ont déjà passé cette certification et peuvent en témoigner.

À vrai dire, nous ne devrions pas en être là. Pendant la crise sanitaire, avec des établissements en plan blanc, nous avons stoppé le déploiement de ces certifications pendant des mois. Même si la qualité des soins ne doit pas être abandonnée en temps de crise, les process d'évaluation ont pu attendre et nous les reprenons actuellement avec souplesse, par rapport à la situation des établissements.

S'agissant des indicateurs, nous cherchons des solutions pour avoir les indicateurs sans demander du man power, du temps. Aujourd'hui, cela n'existe pas. Il faut construire les outils, afin que nous les ayons dans trois ou cinq ans. Ce que nous avons aujourd'hui se trouve dans les dossiers des patients. Sinon, il n'y a pas d'indicateurs de qualité. Le financement à la qualité est donc important, puisqu'il est incitatif. Il repose néanmoins sur des indicateurs et il faut être prudent avec ces derniers. Il n'y a rien de pire qu'un indicateur qui ne serait pas juste. On est dans une période avec des injonctions contradictoires : on a besoin d'outils qu'on n'a pas encore et qu'il faut construire. Aussi, nous travaillons beaucoup, d'une part à la simplification, et d'autre part à trouver des solutions. Une équipe data créée cette année à la HAS travaille justement à trouver des solutions, pour avoir ces données sans demander de temps aux professionnels.

En attendant, il faut du temps soignant. Je ne sais pas s'il faut augmenter le nombre de postes de soignants : tellement sont encore vacants. Il faudrait d'abord les remplir. Il faudrait par ailleurs essayer de stopper la fuite qui continue actuellement, que ce soit du personnel paramédical ou du personnel médical. Il y a en effet un plan d'attractivité de l'hôpital qui mérite d'être fait.

Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Accusons-nous un retard dans l'espace de santé individuel et le dossier médical partagé ? Des pays sont-ils parvenus à cette simplification, pourquoi ?

Mme Dominique Le Guludec. - Cela progresse, évidemment plus vite dans les gros établissements. Nous avons un vrai retard sur les plateformes des établissements. Nous sommes plutôt en avance sur le système de collecte national de données, mais ce sont des données qui ont été conçues dans un but de tarification médico-administrative et qui nous renseignent sur la consommation de soins et sur la caractérisation de la patientèle. Néanmoins, il n'y a pas de données médicales dans les bases médico-administratives. Pour parler d'indicateurs de qualité et de pertinence des soins, il faut des données médicales qui se trouvent dans les dossiers médicaux. Lorsque ces dossiers sont informatisés et accessibles, c'est déjà un pas majeur. Encore faut-il qu'ils soient interopérables, par exemple qu'en SSR, on sache avant que le patient arrive quel examen lui a été fait à l'hôpital, ou que le dossier initial soit accessible quand le patient est réhospitalisé dans un autre établissement. Dominique Pon fait un travail absolument titanesque avec le Health Data Hub, pour essayer que nous rattrapions notre retard dans ce domaine et pour que dans les années qui viennent, l'interopérabilité des systèmes soit effective. De petits algorithmes pourront en effet aller chercher les données que vous voulez.

M. Bernard Jomier, président. - Nous vous remercions, Madame la Présidente, pour vos explications détaillées.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 16 heures 55.