Mardi 24 mai 2022

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 15 h 30.

Certification des comptes de la sécurité sociale - Audition de MM. Jean-Pierre Viola, président de section à la sixième chambre, et Jean-Luc Fulachier, conseiller maître, de la Cour des comptes

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons cet après-midi MM. Jean-Pierre Viola, président de section, et Jean Luc Fulachier, conseiller maître et rapporteur général des deux rapports, sur les rapports de la Cour des comptes relatifs à la certification des comptes du régime général de sécurité sociale et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).

La Cour des comptes procède à l'exercice de certification des comptes du régime général de sécurité sociale depuis 2006. Cette mission a été élargie en 2020 à la certification du CPSTI, puis en 2021, avec la création de la nouvelle branche autonomie.

Cette audition a en principe lieu chaque année devant notre commission, où elle marque le début des travaux sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l'exercice précédent, l'audition du ministre sur la clôture des comptes du régime général au 15 mars se faisant sur le fondement d'un simple communiqué de presse.

Compte tenu des changements introduits par la loi organique du 14 mars 2022, qui crée une nouvelle catégorie, les lois d'approbation des comptes sociaux, nos travaux prendront à l'avenir une nouvelle forme, dans laquelle la mission de la Cour d'assistance au Parlement conservera toute sa pertinence. Il faudrait à cet égard que le Gouvernement s'emploie à avancer le calendrier de clôture des comptes. J'ai écrit en ce sens au ministre. Je souhaiterais savoir si la Cour a obtenu des assurances sur ce point.

Le rapport de cette année est assez sévère, mais je voudrais vous faire part d'une certaine déception de n'avoir rien trouvé sur le fonds de concours de Santé publique France.

M. Jean-Pierre Viola, président de section à la Cour des comptes. - La mission de certification des comptes pour l'exercice 2021 porte sur dix opinions distinctes relatives au régime général de sécurité sociale - cela concerne l'activité de recouvrement, les cinq branches de prestations et les comptes des organismes nationaux du régime général -, ainsi que sur trois opinions relatives au CPSTI. La branche autonomie nouvellement créée ne comportant qu'un seul organisme, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ses comptes sont identiques à ceux de cette dernière.

La certification des comptes de la sécurité sociale est un exercice de grande envergure. Il s'agit de montants que l'on pourrait qualifier d'astronomiques, de l'ordre de 25 % en produits et de 21 % en charges du PIB. Cette différence traduit le fait que les Urssaf collectent des produits non seulement pour le régime général, mais également pour des attributaires extérieurs.

L'audit des comptes est très technique. Mais, derrière l'aridité d'un vocabulaire propre à l'audit financier, les rapports de certification des comptes que la Cour établit abordent des questions essentielles pour nos concitoyens et leurs représentants. Quelle est exactement la situation financière du principal dispositif de solidarité en France ? Dans quelle mesure les prestations sociales sont-elles versées à bon droit ? Que faut-il faire pour réduire les erreurs et lutter contre les fraudes ?

Si l'exercice 2020 a pu être qualifié de « hors norme », l'exercice 2021 n'est pas celui d'un retour à la normale, notamment pour les Urssaf et pour l'assurance maladie. Les mesures exceptionnelles qui ont continué à être mises en oeuvre dans le contexte de crise sanitaire ont eu des effets importants. D'autres facteurs ont également eu des conséquences. La création de la cinquième branche, consacrée à l'autonomie, a conduit à reconfigurer complètement les charges liées au financement du secteur médico-social. La réforme des aides au logement versées par les caisses d'allocations familiales, qui est entrée en vigueur en 2021, a également pesé.

Cette année, la Cour refuse de certifier les comptes de l'activité de recouvrement, ainsi que du CPSTI et des deux régimes de protection sociale qui en relèvent. Elle certifie avec réserves les comptes des cinq branches, ainsi que ceux des organismes nationaux du régime général.

L'examen des comptes de l'exercice 2021 nous conduit à tirer trois enseignements principaux.

Premièrement, la Cour s'est estimée dans l'impossibilité de certifier les comptes de l'activité de recouvrement pour l'exercice 2021 du fait du désaccord qu'elle avait pointé sur les comptes de l'exercice 2020 à propos du traitement comptable des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants. Les Urssaf appellent les cotisations et contributions sociales de manière provisionnelle et déterminent l'année suivante le montant des prélèvements effectivement dus au titre de l'année écoulée. En 2020, sur décision ministérielle, et sans base législative, ce qui aurait été nécessaire, le montant des prélèvements sociaux appelés à titre provisionnel par les Urssaf a été réduit de moitié pour soutenir la trésorerie des travailleurs indépendants. À cette fin, le montant des derniers revenus connus pris en compte pour procéder à l'appel en question a été diminué de 50 %. Les produits de l'exercice 2020 ont ainsi intégré uniquement six mois de prélèvements sociaux, de cotisations et contributions sociales. Si les produits 2020 ont été minorés, ceux de 2021 ont au contraire été majorés par contre-effet. Cela représente 6,7 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros pour les branches du régime général et 1,2 milliard d'euros pour le CPSTI. Ce contrecoup de périmètre représente la plus grande partie de l'augmentation des produits de prélèvements sociaux : leur montant total est passé de 18,2 milliards d'euros en 2020 à 27,6 milliards d'euros en 2021 s'agissant des prélèvements sociaux recouvrés par les Urssaf. L'effet de périmètre que nous avons constaté est donc considérable. Dans le cadre de son audit, la Cour a demandé que cet effet soit neutralisé par une correction au bilan d'ouverture au 1er janvier 2021 et par la production de comptes de résultats pro forma 2020 pour l'activité de recouvrement. Malheureusement, elle n'a pas été suivie. Nous avons donc considéré que le désaccord ainsi constitué était trop important pour permettre une certification même avec réserve des comptes de l'activité de recouvrement. Si la Cour avait été suivie, le déficit du régime général pour 2020 se serait établi à 31,2 milliards d'euros au lieu de 36,2 milliards d'euros et celui de l'exercice 2021 à 27,8 milliards d'euros au lieu de 22,8 milliards d'euros. L'effet de distorsion des résultats entre 2020 et 2021 pour le CPSTI est d'autant plus massif que celui-ci est financé exclusivement par les cotisations des travailleurs indépendants. Le contrecoup de l'effet de minoration de 2020 représente la quasi-totalité du résultat excédentaire de 2021, 1,2 milliard d'euros sur 1,4 milliard d'euros, soit l'équivalent de la moitié des charges de prestations. L'ampleur du désaccord que nous avons constaté était donc telle que nous n'avons pas pu faire autre chose que de refuser de certifier les comptes. Les opinions que nous portons sur les comptes des branches maladie, famille, vieillesse et, dans une moindre mesure, autonomie sont évidemment aussi affectées par ce désaccord.

Nous avons constaté dans d'autres domaines des anomalies dans les comptes, ainsi que des insuffisances d'éléments probants à l'appui des enregistrements comptables. Ces difficultés, dont la portée est moindre - elles n'auraient pas conduit à elles seules à un refus de certification -, concernent pour une large part des anomalies comptables autour de l'application du principe d'indépendance des exercices, c'est-à-dire le fait de rattacher à chacun des exercices les opérations s'y rapportant, ainsi parfois que des erreurs de classement : ainsi, le bilan de la branche maladie est majoré à tort de 2,5 milliards d'euros, ce qui est malgré tout une somme non négligeable. Nous avons également relevé des incertitudes sur un certain nombre d'estimations comptables, par exemple sur les produits à recevoir de remises versées par les entreprises pharmaceutiques, qui ont considérablement augmenté en 2021 par rapport à 2020, ou sur les provisions pour charges de soins calculées par la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM).

Deuxièmement, la création de la branche autonomie, qui était la nouveauté peut-être la plus importante de l'exercice 2021, nous paraît à ce stade plutôt inaboutie s'agissant des aspects financiers et comptables. Par manque de préparation, la CNSA a peiné à établir les comptes de la branche autonomie. Elle a bénéficié d'un soutien important de la part de la direction de la sécurité sociale et, dans une certaine mesure, de la Cour. Malgré cela, nous avons eu des difficultés à auditer les comptes de la branche autonomie. Plus généralement, nous constatons que la CNSA éprouve des difficultés à exercer ses missions de caisse nationale du régime général. La comptabilité est assez lacunaire, le système d'information comptable a appelé des adaptations et les dispositifs de contrôle interne présentent des faiblesses très importantes au regard des masses financières relevant désormais de la CNSA, notamment le financement du secteur médico-social. Nous avons donc préconisé un renforcement des dispositifs de contrôle interne se rapportant aux opérations effectuées par la CNSA et par des entités tierces pour son compte.

Alors que la CNSA dépend en grande partie d'entités tierces pour l'exercice de ses missions, le CPSTI dépend des branches du régime général pour la totalité de ses missions. Nous manquons toujours d'éléments d'assurance sur le caractère probant de dispositifs-clés de contrôle interne, en particulier s'agissant de la correcte prise en compte des cotisations versées par les travailleurs indépendants pour le calcul de leur pension de retraite complémentaire. Cela vaut également pour les retraites de base.

Troisièmement, qu'il s'agisse de la branche autonomie ou du CPSTI, l'efficacité des dispositifs de contrôle interne est parfois encore insuffisante. Le contrôle interne est déterminant dans le cadre de l'audit des comptes en raison de la masse des opérations qu'effectuent les organismes de sécurité sociale. L'efficacité des dispositifs de contrôle interne est une condition nécessaire pour que la comptabilité des organismes de sécurité sociale, dans un contexte d'énormes volumétries d'opérations, reflète au plus près la réalité de leurs droits et obligations à l'égard des cotisants et bénéficiaires de prestations. Alors que l'intensité de la crise sanitaire se réduit, les organismes de sécurité sociale ont engagé un retour progressif à la normale en matière de contrôle. Mais d'importantes lacunes subsistent. Les contrôles de l'application de la tarification à l'activité sur les établissements de santé publics ou privés n'ont pas encore repris. Par ailleurs, la CNAM applique des contrôles allégés sur les facturations des professionnels de santé dans le contexte de la poursuite de la crise sanitaire.

De manière plus structurelle, les dispositifs de contrôle interne mis en oeuvre par les organismes de sécurité sociale empêchent insuffisamment les anomalies ou erreurs de portée financière d'acquérir un caractère définitif. Le montant des erreurs affectant les règlements de frais de santé en 2021 est estimé par la CNAM à 2,5 milliards d'euros, et c'est une évaluation a minima. Le montant d'une indemnité journalière sur dix nouvellement attribuées en 2021 était inexact. Les erreurs qui affectent les prestations versées par les caisses d'allocations familiales (CAF) - cela concerne le RSA, la prime d'activité, les aides au logement, ainsi que des prestations familiales proprement dites - atteignent au total 5,3 milliards d'euros, soit 7 % de l'ensemble de ces prestations. Leur montant ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années ; c'est un sujet de préoccupation important sur le plan financier.

Les difficultés de la branche famille à mettre en oeuvre la réforme des aides au logement l'ont amenée à alléger les dispositifs de contrôle interne en 2021 pour redéployer des effectifs vers la gestion courante des prestations. Cela conduira selon toute vraisemblance à une augmentation des erreurs.

En revanche, nous avons relevé des progrès pour la branche vieillesse. La liquidation des prestations de retraite était marquée par une augmentation croissante des erreurs. Cette tendance a connu une interruption et, nous l'espérons, une inversion en 2021. De telles erreurs ont un effet dans la durée, pour la plupart des assurés jusqu'à leur décès. Le montant total dépasse le milliard d'euros.

En 2021, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a recommencé à évaluer le montant des fraudes, qui continue malheureusement à augmenter.

La CNAM commence à estimer l'ampleur de la fraude, qui bénéficie prioritairement aux professionnels et aux établissements de santé en tiers payant. De premiers résultats vous ont été présentés ; le montant estimé des fraudes commises par les infirmiers libéraux confirme tout à fait l'enjeu financier et aussi civique du phénomène. Sur ce point, la Cour va prochainement examiner les suites données par les organismes sociaux et leurs administrations de tutelle aux quinze recommandations structurantes qu'elle avait formulées dans le cadre du rapport qui vous a été remis au mois de septembre 2020.

Ne détournons pas le regard des enjeux relatifs à la réduction des risques financiers affectant le recouvrement des prélèvements sociaux, qu'il s'agisse de la résorption progressive des dettes sociales considérables, de la maîtrise des risques de prescription des créances, de la remise en route des procédures habituelles de recouvrement amiable ou du renforcement des contrôles.

La Cour, les organismes nationaux du régime général et leur administration de tutelle souhaitent, une fois passées les deux années de crise sanitaire et leurs conséquences défavorables sur la fiabilité de certains enregistrements comptables, reprendre une trajectoire de levée des réserves. Plusieurs évolutions nous semblent particulièrement nécessaires : réduire à la source une grande partie des risques d'erreurs par la fiabilisation des données utilisées pour liquider les prestations, par exemple en renforçant les contrôles automatisés de l'assurance maladie sur les factures qu'adressent les professionnels et les établissements de santé ; renforcer les contrôles sur pièces et sur place pour une série d'erreurs ou d'anomalies très difficiles à détecter par des modalités automatisées ; fiabiliser les données d'assiettes des prélèvements sociaux pour les employeurs de salariés ; adapter les systèmes d'information des organismes de sécurité sociale ; mettre en place des indicateurs mesurant les erreurs de portée financière quand ils font défaut.

Vous l'aurez compris, la sécurité sociale est confrontée à des enjeux majeurs de qualité de l'information financière et comptable et, de manière sous-jacente, de gestion des prélèvements et des prestations sociales.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - La Cour des comptes a été amenée à refuser de certifier la branche recouvrement. L'importance du désaccord aurait-elle pu la conduire à préconiser un rejet de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale si le nouveau cadre organique s'appliquait déjà ? Une approbation aurait-elle dû être conditionnée à l'adoption d'amendements tendant à présenter les comptes de manière plus réaliste ?

Au-delà de ce désaccord, les réserves de la Cour sur la comptabilisation de l'activité de recouvrement, qui sont nombreuses, auraient-elles également pu conduire à un refus de certification ? Le diagnostic de la Cour est-il partagé par l'URSSAF Caisse nationale et le Gouvernement ?

La prise en charge des dépenses relevant de l'État par Santé publique France et la décision de cette agence de verser des sommes importantes à l'État dans le cadre du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », vous semblent-elles régulières et non susceptibles de fausser les comptes de la branche maladie ?

M. Jean-Pierre Viola. - La mission d'assistance de la Cour au Parlement comporte à la fois une analyse des comptes de l'exercice écoulé et des avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre et du tableau de situation patrimoniale.

Au titre de l'analyse des comptes, nous reviendrons dans le prochain rapport sur l'application des lois de financement sur le désaccord de 5 milliards d'euros.

Au titre des avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre, les choses sont un peu plus complexes. Ces avis portent de manière prépondérante sur la vérification de la conformité des tableaux soumis à l'approbation du Parlement aux comptes arrêtés des entités faisant partie du périmètre de ces tableaux. Nous allons nous assurer que les tableaux intègrent l'ensemble des opérations comptabilisées et que les flux réciproques ont été neutralisés. Nous assortirons néanmoins notre avis d'un avertissement relatif à l'effet de notre désaccord sur la lecture pouvant être faite des soldes soumis à l'approbation du Parlement. Nous l'avions d'ailleurs fait l'année dernière.

Outre le désaccord sur la comptabilisation des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, nous avons également effectivement de nombreuses observations à formuler. Elles se rapportent à un ensemble qui est massif : l'activité de recouvrement correspond à 25 % du produit intérieur brut. Nous constatons un certain nombre d'anomalies comptables, pour lesquelles les désaccords sont chiffrés. En général, leur portée est peu importante sur le résultat de l'exercice, raison pour laquelle nous ne les plaçons pas au même niveau. Il y a aussi des insuffisances d'éléments probants, dont beaucoup concernent des tableaux comptables ; la Cour n'a pas toujours les clés.

Notre désaccord relatif à la comptabilisation des produits de prélèvements sociaux des travailleurs indépendants n'est pas partagé par l'URSSAF Caisse nationale et ses autorités de tutelle, faute de quoi la demande de correction que nous avons formulée aurait été suivie et nous n'aurions pas été contraints de refuser de certifier les comptes du recouvrement.

Nos interlocuteurs n'ont pas entendu ou souhaité entendre des arguments qui nous semblent importants sur cette question : celui de la comparabilité des exercices 2020 et 2021 et le fait que l'Insee ait effectué dès les comptes 2020 une correction d'un montant de 4,3 milliards d'euros, donc très proche de notre estimation, pour le régime général. La comptabilité nationale n'est pas la comptabilité générale, mais elle fonctionne de la même manière dans ses principes ; elle est fondée sur des notions de « fait générateur » comptable. À nos yeux, une situation dans laquelle la comptabilité nationale doit différer de la comptabilité générale est une situation suffisamment rare pour être soulignée.

J'en viens à la question des relations triangulaires entre l'assurance maladie, Santé publique France et l'État. Dans le cadre de l'exercice de certification des comptes, la Cour se prononce sur la conformité des enregistrements comptables aux dispositions légales. En l'espèce, les enregistrements comptables qui sont intervenus - cela ne concerne pas seulement le programme 204 - ont été conformes au cadre légal des fonds de concours. En revanche, je vous rappelle que la Cour a fortement critiqué à d'autres occasions le financement par fonds de concours de Santé publique France, c'est-à-dire en fait par l'assurance maladie, et a préconisé que les dépenses du budget de l'État en question soient financées par des ouvertures de crédits en loi de finances. Cela n'a pas été le cas, car il s'est agi d'un dispositif exceptionnel lié à au contexte de crise sanitaire. Là encore, la Cour a fortement critiqué, estimant qu'une telle pratique induit un recul du contrôle parlementaire et crée aussi des difficultés en termes de cohérence des rôles respectifs de l'assurance maladie, de Santé publique France et des administrations de l'État.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Compte tenu des difficultés que vous venez d'évoquer, n'estimez-vous pas le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers l'Urssaf Caisse nationale au 1er janvier 2023 prématuré?

Le fait que la sécurisation des contrôles automatisés mis en oeuvre, notamment par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ne soit pas toujours maîtrisée ne vous paraît-il pas préjudiciable à l'avancée du Répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - La Cour a mis en évidence de nombreuses lacunes dans les actions de contrôle interne menées par la branche maladie : prise en compte insuffisante des risques de fraude, faiblesses du contrôle interne, etc. Cela se retrouve dans le montant des erreurs résiduelles affectant les prises en charge des frais de santé : 2,5 milliards d'euros en 2021, contre 1,9 milliard d'euros l'année précédente. Comment résorber les erreurs ? Dans quelle mesure une persistance de ces défauts de contrôle serait-elle de nature à porter atteinte à la fidélité des comptes ?

Vous pointez d'importantes insuffisances en matière de traçabilité des dispositifs liés à la crise sanitaire dans les comptes de l'assurance maladie, ainsi qu'un manque de contrôle. Une évaluation et un contrôle approfondis étaient-ils possibles en 2022 ? Un audit des effets des dispositifs Covid sur les comptes de l'assurance maladie par la Cour serait-il envisageable avant la régularisation définitive attendue en 2023 ? Plus généralement, les acteurs semblent éprouver des difficultés à s'approprier les outils numériques qui seraient les plus à même de fiabiliser les données. Selon vous, quels sont l'ampleur réelle et les effets de ce phénomène sur la qualité des comptes de la branche maladie ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Vous avez certifié avec réserves en fait les comptes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), en constatant notamment qu'ils sont affectés par deux anomalies significatives et huit cas d'insuffisance d'éléments probants. Les erreurs affectant la reconnaissance des AT-MP et les inexactitudes des charges de prestations pourraient-elles amener la branche à prendre en charge des dépenses relevant du risque maladie ? Cela pourrait-il avoir pour conséquence de conduire à nier ou à relativiser l'importance du phénomène de sous-déclaration des AT-MP ?

Quelle est l'ampleur du risque d'erreur affectant la détermination des taux de cotisation AT-MP ? Quelles sont les conséquences de telles erreurs pour les entreprises et la branche ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Vous avez pointé l'allégement du contrôle interne mené par les CAF en 2021 en raison des difficultés rencontrées dans la réforme des aides au logement. La trajectoire de réduction des ressources humaines des CAF vous paraît-elle compatible avec une garantie de qualité du contrôle interne ?

Si la création d'une cellule nationale de lutte contre la fraude est un point positif, la structure n'a pas été opérationnelle en 2021. Selon vous, quels objectifs doivent être prioritairement ciblés par une telle cellule ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je me réjouis que la Cour veuille examiner les suites données aux quinze recommandations en matière de lutte contre la fraude, d'autant que certaines caisses ne m'ont pas semblé très pressées d'évaluer leurs erreurs. Nous comptons beaucoup sur la Cour des comptes pour apporter une forme de certification sur la fiabilité des estimations aussi qui nous seront fournies. Il serait intéressant d'ailleurs que vous puissiez donner un avis sur la méthodologie utilisée.

Je le répète depuis des années, il y a des milliards à récupérer pour la sécurité sociale. Essayons de cerner au plus vite les montants réels de telles fraudes ou anomalies.

M. Jean-Pierre Viola. - Je confirme que nous nous pencherons sur les méthodes de calcul des estimations. Nous l'avons déjà fait pour la branche famille. L'assurance maladie, qui indique ne pas pouvoir calculer du jour au lendemain un montant global de fraude, s'engage dans une démarche par domaine d'activité qui nous paraît pertinente et rationnelle. Bien entendu, il faudra se pencher sur les résultats. La difficulté est qu'une fraude est quelque chose d'intentionnel. Il faut donc pouvoir qualifier l'intentionnalité. Or la frontière est souvent ténue entre ce qui est intentionnel et ce qui ne l'est pas. Il est donc important de pouvoir estimer, outre le montant de la fraude, celui des erreurs involontaires.

Les risques d'erreurs affectant la reconnaissance des AT-MP et les risques d'inexactitude des charges de prestation concernent en particulier le risque de non-détection sur les certificats médicaux de prolongation des arrêts de travail et de soins de nouvelles lésions sans lien avec le sinistre initial. La CNAM n'en évalue pas l'impact financier. Néanmoins, compte tenu de la faiblesse des contrôles effectués, il nous semble que cela n'est pas susceptible de contrebalancer l'impact financier de la sous-déclaration des accidents du travail, et surtout des maladies professionnelles. Il nous est toutefois apparu important de souligner cette faiblesse des processus de gestion de l'assurance maladie prise dans sa globalité. La portée financière du risque d'erreur affectant la détermination des taux de cotisation AT-MP n'est pas estimée par la CNAM. Globalement, la conséquence des erreurs est relativement limitée du fait de l'existence du mécanisme de détermination des taux de cotisation avec application d'une majoration d'équilibre. La portée financière des erreurs au détriment de la branche est par définition couverte. Néanmoins, il peut y avoir des erreurs à l'échelon individuel, notamment pour les entreprises ; de même que, si les erreurs relatives à l'assurance vieillesse s'équilibrent plus ou moins globalement, il peut y avoir des gagnants et des perdants au niveau des assurés.

Au sein de la branche famille, la Cour des comptes aura prochainement l'occasion de revenir, dans le cadre d'une publication, sur les difficultés de mise en oeuvre de la réforme des aides au logement. Outre les ressources humaines consacrées à la gestion des prestations et à la qualité du contrôle interne, trois autres paramètres nous semblent devoir être pris en compte : d'abord, le contenu et le rythme des réformes ; ensuite, la manière dont ces réformes sont traduites et maîtrisées ; enfin, la manière dont les ressources humaines sont utilisées. Mon propos n'est pas de porter une critique sur la gestion des ressources humaines au sein de la branche ; il est d'interroger l'avenir - la Cour l'a déjà fait dans un rapport - du réseau départemental. Disant cela, je ne mets pas du tout en cause la présence à l'échelon départemental des CAF, mais les volumes d'activité sont extrêmement variables selon les territoires. La Cour a donc invité la branche famille et l'assurance maladie à réfléchir à des organisations qui pourraient être modulées, en conservant effectivement des caisses départementales dans des départements dotés d'une population importante, tout en envisageant des regroupements interdépartementaux là où les effectifs et les moyens sont globalement faibles. En effet, une organisation institutionnellement lourde absorbe nécessairement des frais de structures qui seraient moindres avec une organisation plus concentrée et des tailles de structure mieux adaptées aux charges d'activité.

Il est effectivement un peu tôt pour se prononcer sur les résultats de la cellule nationale de lutte contre la fraude. Mais sa création est une évolution positive en soi. L'objectif est clairement d'identifier des schémas de fraude pouvant concerner plus d'un allocataire. Malheureusement, il peut y avoir des schémas plus vastes et plus coûteux, par exemple en mettant en jeu plusieurs organismes sociaux. Il y a aussi des enjeux forts sur les faux microentrepreneurs, sur les fausses activités. Il peut également y avoir des liens avec le blanchiment d'argent. En outre, l'usurpation d'identité des bénéficiaires de prestations est un sujet qui nous inquiète ; nous avons encore récemment rappelé au Gouvernement la nécessité absolue de notre point de vue de mettre le plus rapidement possible en oeuvre le rapprochement automatisé entre les données d'identification bancaires des bénéficiaires de prestations sociales. L'absence de rapprochement systématique est clairement une faille systémique en termes de versement de prestations sociales.

Il existe effectivement des anomalies comptables significatives dans les comptes de l'assurance maladie, au-delà même du sujet relatif aux travailleurs indépendants. Cela sera a priori entièrement et exclusivement localisé sur les exercices 2020 et 2021. En 2022, il y a douze mois d'appel de prélèvements sociaux ; il n'y aura donc plus de problème de comparabilité des comptes d'un exercice à l'autre. Surtout, des niveaux d'erreurs affectant les prestations sociales sont préoccupants.

Cela étant, nous relevons un certain nombre de progrès dans l'objectivation des choses. Premièrement, la CNAM s'emploie désormais à chiffrer le surnombre d'assurés bénéficiant de droits ouverts à l'assurance maladie alors qu'ils ne remplissent plus les conditions, par exemple parce qu'ils ont quitté la France. Deuxièmement, pour certaines des mesures Covid, les données ont été en grande partie stabilisées : c'est le cas du dispositif d'indemnisation de la perte d'activité des professionnels libéraux de santé. Troisièmement, il y a effectivement des avancées sur la lutte contre la fraude aux prestations, à travers un chantier de refonte de la chaîne des paiements des prestations sociales. Nous pensons très fermement que la mise en place de contrôles embarqués dans les systèmes d'information beaucoup plus complets et nombreux est de nature à réduire substantiellement un certain nombre d'erreurs parfaitement évitables au détriment de l'assurance maladie.

À propos de la numérisation, il y a malheureusement eu des retards liés à un certain retard français dans la dématérialisation des prescriptions médicales et dans l'utilisation par les professionnels de santé des outils que l'assurance maladie met à leur disposition pour fiabiliser les droits des assurés.

Notre diagnostic sur le recouvrement lié aux travailleurs indépendants ne concernait ni l'Unédic ni Agirc-Arrco puisque les cotisations sociales des travailleurs indépendants sont, pour l'essentiel, inexistantes. Cela étant, les opinions de la Cour peuvent avoir des conséquences s'agissant des prélèvements sociaux recouvrés par les Urssaf. Cela invite évidemment à un dialogue plus fécond et sans doute plus profond entre la Cour, l'Acoss et les administrations de tutelle.

La décision de procéder au transfert de recouvrement des cotisations Agirc-Arrco devait au plus tard intervenir au 1er juillet de cette année pour permettre une mise en oeuvre au 1er janvier 2023. Les conditions semblaient peu réunies. Je pense que nous avons besoin impérativement d'observer comment se déroulerait l'articulation en situation réelle entre les contrôles Urssaf et les contrôles Agirc-Arrco. Cela n'est pas fait aujourd'hui, ce qui crée une incertitude importante en termes de fiabilité des opérations de recouvrement et d'exacte adéquation des ouvertures de droits sociaux aux assiettes salariales déclarées.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Monsieur le président, nous vous remercions de vos réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mission d'information sur le contrôle des Ehpad - Audition de M. Yves Le Masne, ancien directeur général du groupe Orpea

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, dans le cadre de la mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), nous entendons cet après-midi M. Yves Le Masne, ancien directeur général du groupe Orpea.

M. Le Masne a souhaité être accompagné d'un de ses avocats, ce que j'ai accepté. Maître Christian Saint Palais assiste donc à cette audition.

J'indique que celle-ci fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Je rappelle que notre commission a constitué cette mission d'information dotée des prérogatives de commission d'enquête à la suite de la parution de l'enquête journalistique Les Fossoyeurs, qui pointe notamment la difficulté des autorités à s'assurer du bon emploi de l'argent public.

Plus largement, nous nous interrogeons sur le modèle mis en place par la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui repose sur la souplesse et la confiance, et son adéquation aux réalités du marché.

Je rappelle, puisque des craintes ont été exprimées à cet égard par les conseils de M. Le Masne dans une lettre qu'ils m'ont adressée, que notre commission n'est pas un tribunal, et qu'il ne s'agit pas pour nous de rechercher des responsabilités individuelles, mais de comprendre ce qu'il s'est passé afin d'en tirer des préconisations de politiques publiques.

Je me réjouis que M. Le Masne, tout en ayant à coeur la préoccupation légitime de sa défense dans d'autres enceintes, « entende répondre aux interrogations légitimes de la représentation nationale ».

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment.

Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Yves Le Masne prête serment.

M. Yves Le Masne, ancien directeur général du groupe Orpea. - Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais l'importance de vos travaux et la nécessité de mener une réflexion commune sur l'amélioration de l'accueil des résidents en Ephad et le contrôle par les pouvoirs publics des financements apportés par l'État. Ces questions sont légitimes, et nous devons des réponses, notamment aux familles et aux résidents.

Le groupe Orpea, que j'ai dirigé de 2011 à 2021, a certainement pu commettre des erreurs dont je m'excuse. Je souhaite toutefois préciser d'emblée que nous avons tous eu à coeur, au sein du groupe, de répondre au mieux aux besoins des résidents et de leurs familles.

La qualité de service aux résidents a été une préoccupation permanente pour moi. Je n'ai jamais donné d'ordre, que ce soit par mail, à l'oral ou par tout autre canal, visant à réduire les services ou les prestations auprès des résidents ou les coûts.

L'environnement du résident, les soins, l'aide à la dépendance et la partie hôtelière constituent à mes yeux un sanctuaire. Ma ligne a toujours consisté à considérer la qualité avant le financier - c'est aussi ce qui fait la réputation de chacun de nos établissements. Le mot « rationnement » m'est absolument étranger.

Avant de répondre à vos questions, je souhaite vous indiquer que depuis ma révocation mon état de santé s'est beaucoup dégradé, et que je prends des médicaments qui sont susceptibles d'altérer ma mémoire et parfois mon élocution. Je vous prie par avance de bien vouloir m'en excuser.

Si je vous parle de mémoire, c'est parce que je ne suis plus dans le groupe depuis presque quatre mois et, surtout, parce que j'étais directeur général du groupe depuis 2011, et que les sujets propres à la France étaient délégués auprès des directions concernées. Depuis 2015, nous avons adopté une organisation par zones géographiques, chacune étant placée sous l'autorité d'une équipe de dirigeants.

En ce qui concerne la France, il existait plusieurs divisions par type d'activité - Ehpad, cliniques de soins de suite, cliniques psychiatriques, domicile - qui ont été fusionnées en 2021 afin de créer une seule zone géographique multi-activités. Mes relations avec l'activité en France passaient par l'intermédiaire des dirigeants de cette zone géographique afin de ne pas interférer avec les responsabilités des collaborateurs. Dans un groupe international, tout ne peut être traité par le directeur général, qui doit faire confiance à ses collaborateurs et à ses équipes dédiées.

Orpea est en effet un groupe international présent dans vingt-trois pays. Lors de mes nombreux déplacements à l'étranger, l'une de mes principales tâches fut de développer le groupe, y compris dans des pays dépourvus de toute réglementation dans ce secteur.

En France, les maisons de retraite représentent un peu plus du quart du chiffre d'affaires du groupe.

Depuis de nombreuses années, mon rôle consiste à manager un peu plus d'une quinzaine de personnes : les dirigeants de chaque zone géographique, et une équipe d'experts corporate située au siège, à Puteaux.

En conséquence, les éléments de réponse que je vais essayer de vous apporter remontent à de nombreuses années, et je ne puis vous assurer de leur totale exhaustivité. Je précise que les chiffres que je vous fournirai sont parfois approximatifs puisque je ne dispose plus d'aucune donnée du groupe depuis plusieurs mois.

Pour vous répondre, je me suis surtout appuyé sur le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et sur le pré-rapport Grant Thornton, ainsi que sur différentes auditions devant les assemblées parlementaires.

Je souhaite terminer cette présentation par un hommage aux salariés du groupe qui traversent cette période très délicate avec courage et dévouement, juste après une crise sanitaire qui les avait déjà largement éprouvés. Je puis vous assurer que sur le terrain, l'humain, le professionnalisme, l'humilité et la bienveillance sont le quotidien de chacun. Je pense également aux familles qui continuent à faire confiance au groupe pour la prise en charge de leurs proches.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Le rapport IGF-Igas, mais aussi le pré-rapport de l'audit indépendant confirment la plupart des éléments pointés dans Les Fossoyeurs.

Nous n'entendons nullement interférer avec le volet judiciaire, mais dans le cadre du contrôle, nous avons un certain nombre de questions relatives à l'organisation que vous aviez mise en place avec M. Marian, et dont, en tant que directeur général, vous êtes directement responsable.

Je vous demanderai de bien vouloir répondre précisément par écrit aux questions que nous vous avons adressées en amont de cette réunion, en complément des éléments de réponse que vous nous donnerez aujourd'hui.

Durant votre passage à la direction générale du groupe, comment décririez-vous, factuellement, la stratégie du groupe pour développer son offre en France ? Quelle a été la part de création de places, de rachat de places dans le privé lucratif ou non lucratif et dans le public ? Je ne vous demande pas de répondre précisément tout de suite, mais j'attends une réponse écrite.

Lors de votre audition devant l'Assemblée nationale vous sembliez indiquer que les marges de profitabilité du groupe se trouvaient dans la propriété du parc immobilier. Pourriez-vous développer ce point ?

M. Yves Le Masne. - Permettez-moi tout d'abord de préciser que depuis que je suis dans le groupe, nous avons repris très peu d'établissements associatifs et pratiquement aucun établissement public.

Dans un établissement classique, le résultat brut d'exploitation est de l'ordre de 20 % à 30 %. Ce qui a fait l'originalité d'Orpea, c'est d'essayer d'avoir les loyers les plus bas possible tout en étant le mieux placé possible. En effet, nous nous sommes efforcés de construire nous-mêmes nos immeubles, ce qui permet d'économiser les coûts de promotion immobilière, qui représentent 10 % à 20 % du coût d'une construction classique. Dans la moitié des cas, nous conservons la pleine propriété des immeubles de manière à ne pas payer de loyer. Avant loyer, les différents acteurs de notre secteur ont à peu près la même profitabilité que nous, mais comme nous économisons les loyers, notre profitabilité après loyer est meilleure.

Par ailleurs, aucune nouvelle autorisation n'étant octroyée depuis quelques années, nous avons développé notre activité de résidence de services. Or dans ce secteur également, la situation géographique et la stratégie immobilière sont fondamentales.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous avez indiqué que très peu d'établissements avaient été rachetés...

M. Yves Le Masne. - J'ai dit que nous avions racheté très peu d'établissements associatifs - moins d'une dizaine. En revanche, entre 2000 et 2015, 170 établissements, très majoritairement privés, ont été rachetés.

Par ailleurs, il est très difficile d'estimer la part des établissements véritablement créés, car nous avons souvent acquis de petits sites que nous avons regroupés ou étendus. Nous avons aussi racheté des autorisations.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pourquoi a-t-il été mis fin à vos fonctions ? Quelle est la forme juridique de cette séparation ? Quel est le montant des indemnités qui vous ont été versées à cette occasion et sur quelle base juridique ?

M. Yves Le Masne. - Dans les jours qui ont suivi la parution de ce livre qui nous a tous surpris, nous étions sous le choc psychologique de l'emballement médiatique qui en a résulté. J'ai été hospitalisé le dimanche 30 janvier et, le soir même, le président m'a téléphoné pour m'indiquer que le conseil venait de mettre un terme définitif à mon mandat. Il n'a pas indiqué de motif. Indisponible pour raisons médicales, j'étais temporairement dans l'impossibilité de diriger le groupe dans ces jours extrêmement importants.

Je pense que la décision du conseil a été prise au regard de la déflagration médiatique et de la nécessité de donner une réponse franche et directe. Je faisais partie du triumvirat qui avait dirigé le groupe plusieurs années, et sans doute fallait-il passer à autre chose. Le statut de mandataire qui était le mien en tant que directeur général prévoit qu'il peut être mis fin aux fonctions à tout moment ad nutum, c'est-à-dire sans justification ni préavis.

À ce jour, aucune indemnité ne m'a été versée. Celle-ci pourrait s'élever au maximum à deux ans de salaire primes comprises, c'est-à-dire, dans mon cas, à 2,5 millions d'euros brut.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Le 9 mars dernier, vous avez indiqué devant l'Assemblée nationale que l'ouvrage Les Fossoyeurs est en complet décalage avec la réalité d'Orpea. Maintenez-vous cette une déclaration après la publication du rapport IFG-Igas et du point d'étape de la mission d'évaluation indépendante commandée par le groupe Orpea ?

M. Yves Le Masne. - Oui, je la maintiens. Si l'ouvrage pointe des défaillances inadmissibles, j'en conviens, il extrapole en en faisant une règle générale, un « système », ce que ne démontrent ni le rapport IGF-Igas ni le pré-rapport Grant Thornton.

Au-delà des valeurs humaines et de bientraitance qui sont primordiales à mes yeux, même si je conviens que cela soit difficile à entendre aujourd'hui, permettez-moi de revenir sur trois accusations précises : le rationnement de protections hygiéniques, le rationnement alimentaire et le manque d'autonomie les directeurs dans le recrutement.

Sur le premier point, les deux rapports montrent que s'il y a eu parfois des manques ponctuels de protections hygiéniques, il n'y a pas eu de rationnement.

S'agissant du rationnement alimentaire, dans le cadre des échanges avec l'IGF et l'Igas, Orpea a indiqué que le responsable nutrition suit la base de données de référence de la composition nutritionnelle des aliments, et le pré-rapport Grant Thornton indique clairement qu'il n'y a pas de rationnement alimentaire.

Ce même pré-rapport souligne qu'il n'y a pas de système visant à organiser une situation de sous-effectif au sein des établissements.

Je précise à ce titre que les directeurs d'établissement peuvent recruter des salariés en cas d'urgence, ce qui correspond à un peu plus d'un quart des embauches, et que même s'ils doivent en référer à leur directeur régional dans les autres cas, il n'y a eu que 0,79 % de refus de la part des directeurs régionaux, c'est-à-dire à 40 embauches sur 4 700.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Il me semble que l'autonomie des directeurs ne peut se résumer aux cas d'urgence, et que les rapports pointent le manque d'autonomie de ces derniers. Pourquoi un tel degré de centralisation ?

M. Yves Le Masne. - Le rapport IGF-Igas pointe un fonctionnement trop centralisé, mais il reproche aussi aux établissements de prendre trop de libertés. C'est quelque peu ambivalent...

Par ailleurs, lorsqu'on parle de centralisation, celle-ci s'opère au niveau des zones géographiques, chacune étant indépendante. Il est vrai que les directeurs d'établissement et les directeurs régionaux avaient un peu moins d'autonomie en matière d'achats référencés, mais c'est le cas dans la plupart des groupes. S'agissant des embauches, le rapport de l'IGF-Igas précise que dans 25 ou 27 % des cas le directeur décide de l'embauche sans en référer à son directeur régional. Et je rappelle que dans 99,2 % des cas d'embauche non urgente, les embauches ont été acceptées par les directeurs régionaux dans des délais extrêmement courts.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Le rapport IGF-Igas souligne que les documents financiers obligatoires transmis aux tutelles par les Ehpad sont insincères et présentent des pratiques d'imputation non réglementaires de charges sur les forfaits soins et dépendance. Comment justifiez-vous cette situation et le recours à des mises en réserve d'une partie des forfaits soins ?

M. Yves Le Masne. - L'IGF-Igas interprète de façon très stricte des textes réglementaires qui manquent parfois de détail - même si depuis un mois, on a quelque peu remédié à cette situation -, alors que la plupart des agences régionales de santé (ARS), qui sont plus proches du terrain, ont une vision plus souple.

Je rappelle que sur les quatre dernières années, les dotations se sont élevées à 1,3 milliard d'euros, et que les accusations d'imputations insincères portent sur 50 millions d'euros.

Celles-ci concernent principalement les auxiliaires de vie faisant fonction d'aide-soignante. Dans l'annexe 5 page 56 du rapport IFG-Igas, il est indiqué que « l'étude de secteur fait ressortir que les Ehpad emploient tous régulièrement des «faisant fonction» d'aide-soignant pour pallier la pénurie de personnel et les difficultés d'attractivité sur les métiers qualifiés ». Tous les établissements sont concernés, et pas simplement ceux du secteur privé.

À ma connaissance, les états remontés aux ARS sont transparents dans ce domaine, c'est-à-dire que lorsque ce sont des auxiliaires de vie qui sont employées, il est bien indiqué « auxiliaire de vie » et non « aide-soignante ». En tout état de cause, c'était le cas jusqu'à 2015 - le rapport Grant Thornton le confirme.

Ces transferts sont liés au manque d'aides-soignantes dans notre pays.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Cette modification des plannings était-elle organisée afin de détourner le forfait soins et d'utiliser de l'argent public pour payer ces personnes ?

M. Yves Le Masne. - Les 28 millions d'euros de rémunération des aides-soignantes représentent entre 1,2 % et 1,3 % de la dotation de 1,3 milliard d'euros que j'évoquai précédemment. Autrement dit, c'est l'épaisseur du trait, et cela n'a rien d'organisé : l'objectif pour notre groupe est évidemment d'avoir des aides-soignantes diplômées partout, et si possible en CDI - du fait de la pénurie, certaines aides-soignantes préfèrent travailler en CDD pour être mieux payées, ce qui désorganise les services.

À défaut, nous n'avons d'autre option que d'embaucher des aides-soignantes en CDD, et parfois, des auxiliaires de vie disposant de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Quel serait l'intérêt pour nous d'organiser un système dans lequel on paye plus cher des personnes qui ne sont pas tout à fait diplômées ? Nous nous sommes toujours efforcés de faire exactement l'inverse.

L'autre accusation porte sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Or celle-ci a été divisée par deux en 2020 et depuis cette année, elle est supprimée. Je rappelle par ailleurs que la CVAE est une charge directe, c'est-à-dire que quand l'État donne 100, il reprend directement 1,5, si bien qu'il ne donne que 98,5. Nous avons simplement tenu compte de cela dans nos calculs. Le rapport IFG-Igas indique d'ailleurs, non pas que la mise en réserve est fautive en soi, mais que nous avons trop mis en réserve.

À ma connaissance, les éléments pointés ne sont pas insincères. Certes, ils ne correspondent pas à l'attente de l'Igas, mais les ARS s'en satisfont dans la mesure où, je le rappelle, les montants concernés restent faibles puisque 98,5 % des remontées sont valides.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Tous vos établissements avaient-ils une personnalité juridique autonome et comment s'organisait la relation entre la direction régionale et les directeurs d'établissements ?

M. Yves Le Masne. - Je peux vous dire ce qu'il en était dans les années 2010-2013.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Et après ?

M. Yves Le Masne. - Après je suis directeur général, et à ce moment-là, ma fonction consiste à développer le groupe, à m'assurer qu'il fonctionne bien. La direction générale France, que vous avez auditionnée, est mieux placée pour vous répondre.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Tout le monde se renvoie la balle...

M. Yves Le Masne. - Durant les quatre ou cinq dernières années, j'ai passé les trois quarts de mon temps à l'étranger.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Et vous ne vous occupiez plus du tout de la France ?

M. Yves Le Masne. - Je m'occupais des orientations et des grands sujets de l'année. La France est une zone géographique parmi sept.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Et vous ne voyiez plus du tout les directeurs d'exploitation ni les directeurs régionaux ?

M. Yves Le Masne. - Je ne les connaissais plus, ces dernières années. Il y a environ 90 directeurs régionaux, pour 900 établissements...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je vous parle des 350 établissements de France.

M. Yves Le Masne. - Sur les 15 personnes que je supervisais, seule une s'occupait de la France. Je comprends que cela puisse être étonnant, mais c'est ce qui fait la qualité d'un groupe international qui a des spécialistes dans chaque zone géographique.

Sur les rapports entre les directeurs régionaux et les directeurs d'établissement, je vous répondrai par écrit, mais sans doute que Jean-Claude Brdenk, qui s'est occupé directement de l'exploitation, pourra mieux vous répondre.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - M. Marian n'était au courant de rien, vous non plus...

M. Yves Le Masne. - Je m'occupais pour ma part de l'aspect financier et du développement du groupe. MM. Romersi et Charrier pourront mieux vous répondre.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Oui, mais ils occupent leur poste depuis peu de temps. Qui était directeur général avant M. Romersi ?

M. Yves Le Masne. - C'était M. Brdenk. M. Romersi était directeur des maisons de retraite ; maintenant il est directeur France des maisons de retraite et des cliniques. M Stéphane Cohen est directeur des opérations des maisons de retraite en France.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je croyais que le précédent poste de M. Romersi était celui de directeur régional...

M. Yves Le Masne. - Oui, mais c'était il y a dix ou quinze ans. Avant d'être directeur général France - poste qu'il occupe actuellement -, M. Romersi a été directeur des maisons de retraite, et avant cela il était directeur de division pour les maisons de retraite. Lorsque nous avons souhaité donner davantage d'autonomie aux zones géographiques, nous avons supprimé cette dernière direction.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Comment contrôler des établissements qui n'ont pas ou peu d'autonomie et qui sont placés sous l'autorité de directions régionales qui n'ont pas toutes les responsabilités, mais qui en ont quelques-unes ? Au fond, personne ne semble responsable de rien... Nous avons besoin de comprendre comment se passe l'évaluation de ces maisons de retraite et comment l'argent public est redistribué.

M. Yves Le Masne. - Dans un grand groupe, chacun a des tâches bien précises. Jean-Claude Brdenk, qui s'est davantage occupé de l'exploitation proprement dite, pourra sans doute mieux vous répondre, et M. Romersi est également un bon interlocuteur. En ce qui me concerne, j'étais plus éloigné des questions opérationnelles...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Mais vous ne l'étiez pas au début...

M. Yves Le Masne. - J'ai commencé comme contrôleur de gestion, après quoi j'ai été directeur informatique puis directeur financier. Je n'étais donc pas sur les aspects opérationnels. Je peux essayer de vous répondre sur le fonctionnement des directeurs régionaux, mais je tiens à redire, même si cela peut paraître décalé aujourd'hui, que tout ce qui a été fait l'a toujours été au bénéfice de la qualité.

Par exemple, les directeurs n'avaient leurs primes que si leur établissement avait obtenu 90 % de réponses positives sur la qualité durant deux semestres consécutifs. Comme je l'indiquai précédemment, j'ai toujours veillé à ce que la qualité passe avant le financier.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pourrez-vous nous indiquer par écrit les fonctions précises des directeurs d'exploitation locaux, des directeurs régionaux et de la direction centrale ? Ne pensez-vous pas qu'une telle centralisation complique le contrôle par les autorités de tutelle ?

M. Yves Le Masne. - L'autonomie de chaque directeur est assez large pour que le contrôle s'opère au niveau de l'établissement. Les achats font certes l'objet de référencements, comme c'est le cas dans beaucoup de groupes, mais les directeurs sont tout de même autonomes en matière d'embauche, puisque 99,2 % des demandes sont acceptées par les directions régionales...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Ils avaient toute latitude ?

M. Yves Le Masne. - Oui, à condition de demander à leur directeur régional, et comme je vous l'indiquais, 99,2 % des demandes sont acceptées.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il fallait donc une validation par le directeur ?

M. Yves Le Masne. - Sauf en cas d'urgence. Mais le directeur régional n'ayant que 10 établissements à sa charge, il est très disponible.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je vais laisser la parole à mes collègues, mais je souhaite vraiment que chacune des questions écrites que nous vous avons adressées, et que nous compléterons peut-être, fasse l'objet d'une réponse écrite précise.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez indiqué que les primes des directeurs étaient attribuées sur des critères de qualité. Or, à la lecture du rapport, il me semble qu'un directeur qui atteint tous les objectifs quantitatifs, mais aucun objectif qualitatif touche des primes six fois plus importantes qu'un directeur qui atteindrait tous les objectifs qualitatifs, mais aucun objectif quantitatif.

L'endettement d'Orpea représente 200 % des capitaux propres du fait d'une politique soutenue de croissance externe, notamment à l'international. La politique de distribution des dividendes est tout aussi soutenue, ces derniers s'élevant à 33 % et pour certaines années jusqu'à 80 % du résultat net. Un haut niveau de résultat opérationnel est donc nécessaire. C'est d'autant plus vrai en France, car c'est surtout la France qui finance le développement d'Orpea à l'international.

Si désormais Orpea procède à une utilisation conforme des forfaits soins et dépendance et de leur éventuel excédent, s'il ne recourt pas aux remises de fin d'année ou aux revenus de prestation remontés au siège, la rentabilité exigée par le siège est-elle soutenable ? Ce modèle économique ne suppose-t-il pas des mécanismes incompatibles avec un bon usage des fonds publics ou le maintien de la qualité que sont en droit de temps d'attendre les personnes âgées ?

La section hébergement peut-elle générer un résultat opérationnel s'élevant à 15 % du chiffre d'affaires comme cela est constaté depuis plusieurs années et exigé par le fonds d'investissement qui compte parmi vos actionnaires ? Le groupe peut-il mener une telle politique de concentration et de croissance accélérée sans recourir à des mécanismes frauduleux ni dégrader la qualité des soins ?

Mme Pascale Gruny. - Je n'ai pas bien compris quelle était la fonction d'un directeur régional. Pourriez-vous nous l'expliquer ?

Il me semble qu'en tant que directeur général on doit tout de même vous informer des problèmes. Si vous ne disposez pas de ce retour, c'est que la grille de contrôle ne sert à rien. Je suis stupéfaite que vous n'ayez jamais été alerté. La rémunération substantielle que vous nous avez communiquée implique que l'on puisse compter sur vous, et que, au-delà de l'information des actionnaires, vous preniez soin du client final. Nous parlons tout de même d'êtres humains, pas de colis !

M. Yves Le Masne. - Les dividendes n'ont jamais dépassé 33 % du résultat net.

Vous m'interrogez sur ce qui se va se passer ensuite. Les excédents de 19,7 millions d'euros qui ont été réalisés sur quatre ans ont été provisionnés dans les comptes en tant que produit constaté d'avance. Rien ne changera à ce niveau. Le seul impact sur les résultats sera lié à l'imputation des remises de fin d'année (RFA), ce qui représente 3 millions d'euros par an. Compte tenu de la taille du groupe, cela ne changera pas beaucoup les résultats.

S'agissant du contrôle, il est vrai que tout ne peut pas remonter jusqu'à moi. Si je devais formuler un regret, ce serait d'avoir vu le verre à moitié plein. Nous étions assez satisfaits d'avoir un taux de recommandation de 95 %, mais nous aurions dû nous préoccuper davantage des 5 % restants, notamment des 1,4 % de plaintes ou de réclamations que nous avions chaque année.

Nous avons été alertés par l'établissement de Neuilly en 2015 dont le taux de satisfaction n'était que de 95 %, ce qui aurait dû nous interpeller immédiatement.

Par ailleurs, je suis informé chaque trimestre des plaintes importantes, notamment lorsqu'il y a eu un dépôt de plainte.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - S'agissant des RFA, vous avez affirmé devant l'Assemblée nationale qu'il n'y avait eu aucune rétro-commission sur ce qui relevait de l'argent public. Or les rapports confirment qu'il y en a eu. Maintenez-vous cette déclaration ? Estimez-vous que de telles pratiques sont normales, qu'il s'agisse de RFA ou de prestations de services ?

M. Yves Le Masne. - Toute la question est de savoir si ce sont des contrats de prestations de services ou des RFA. Depuis le mois d'avril, un décret encadre les RFA....

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Nous savons bien qu'un décret est sorti en avril. Ma question porte sur les pratiques antérieures.

M. Yves Le Masne. - Si un décret a été pris, c'est parce que le cadre juridique n'était peut-être pas suffisamment clair. Comme l'a indiqué M. Charrier, la distinction entre contrats de prestation de services pour le bien des résidents et RFA est discutable. Les RFA doivent redescendre au niveau des états récapitulatifs des dépenses (ERD), tandis que les contrats de prestation de services....

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Mais les RFA redescendaient-elles ?

M. Yves Le Masne. - Non, car elles étaient considérées comme des contrats de prestation de services.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Donc il y en avait ?

M. Yves Le Masne. - Je ne l'ai jamais affirmé, et comme je l'indiquais, cela étant considéré comme discutable, le groupe a décidé de ne plus recourir à cette pratique, que ce soit pour les RFA ou pour les contrats de prestation de services.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous reconnaissez donc que c'est anormal ?

M. Yves Le Masne. - Disons qu'il ne peut pas y avoir d'accord là-dessus. En tout état de cause, cela ne représente pas des sommes très importantes.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Elles ne le sont peut-être pas au regard du volume global, mais elles le sont pour chaque résident.

M. Yves Le Masne. - Exactement.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pouvez-vous nous répondre sur les centrales d'achat ?

M. Yves Le Masne. - Les deux centrales d'achat ont été créées pour répondre aux besoins de l'ensemble des pays...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous confirmez les énormes rémunérations ? Pensez-vous qu'elles soient logiques ou normales ?

M. Yves Le Masne. - Je ne pense pas qu'elles soient logiques. Il s'agit de personnes ayant travaillé très longtemps sur ces sujets. Elles ont mis en place un système très avantageux pour elles, tout en créant du résultat. Cela ne s'est pas fait au détriment des résidents, bien au contraire.

Ainsi, la centralisation des factures a permis de faire des économies de comptabilité, tout en conservant une qualité identique.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Globalement, monsieur Le Masne, nous ne sommes pas très satisfaits de vos réponses, qui ne correspondent pas à ce que nous avons pu lire dans les différents rapports, y compris l'audit demandé par Orpea.

La justice éclaircira tous les points problématiques.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mission d'information sur le contrôle des EHPAD - Audition de M. Jean-Claude Brdenk, ancien directeur général délégué en charge de l'exploitation du groupe Orpea

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, dans le cadre de la mission d'information sur le contrôle des Ehpad, nous entendons cet après-midi, M. Jean-Claude Brdenk, ancien directeur général délégué en charge de l'exploitation du groupe Orpea.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Je rappelle que notre commission a mis en place cette mission d'information, dotée des prérogatives de commission d'enquête, à la suite de la parution de l'enquête journalistique Les Fossoyeurs, qui pointe notamment la difficulté des autorités à s'assurer du bon emploi de l'argent public.

Plus largement, nous nous interrogeons sur le modèle mis en place par la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, qui repose sur la souplesse et la confiance, et son adéquation aux réalités du marché.

Afin de laisser le maximum de temps aux échanges, je demanderai à chacun d'être concis dans les questions et les réponses. Nous disposons d'une heure.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment.

Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Monsieur Jean-Claude Brdenk, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Claude Brdenk prête serment.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Monsieur Brdenk, vous avez la parole, pour une brève présentation.

M. Jean-Claude Brdenk, ancien directeur général délégué en charge de l'exploitation du groupe Orpea. - Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il me tient particulièrement à coeur, à la suite de la parution de ce livre, de répondre aujourd'hui à vos questions. En effet, j'ai un profond respect pour l'ensemble des résidents et des équipes concernés par cet ouvrage. Et j'ai été particulièrement affecté par la parution du livre « Les Fossoyeurs ».

J'ai intégré le groupe Orpea en juillet 1997 comme directeur d'exploitation au niveau national. Il s'agissait alors d'un groupe purement français, déjà leader sur son territoire, composé d'une quarantaine de structures.

Fin 2011, le groupe était devenu, depuis plusieurs années, international. L'internationalisation avait commencé en 2004.

J'ai été nommé naturellement, par le conseil d'administration, directeur général délégué en charge de l'exploitation, sous la responsabilité du directeur général. Dès l'origine, mes fonctions et responsabilités étaient concentrées exclusivement sur la gestion des sites sur le terrain, la prise en charge des patients et résidents en structures ou à domicile. J'étais accompagné pour ce faire de directeurs régionaux, puis, le groupe se structurant au fil des années, de directeurs de division, de directeurs d'exploitation nationaux et de directeurs de réseau, présents dans chaque pays.

Les limites de mon mandat étaient claires. Je n'ai nullement vocation à être généraliste. J'avais un champ de responsabilité limité au déroulement des opérations en matière d'hôtellerie, de restauration et de soins, en liaison avec les directeurs d'exploitation de chaque pays.

À cet égard, je n'ai pas compris qui dirigeait quoi dans le rapport de l'IGAS.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pardon ?

M. Jean-Claude Brdenk. - Je n'ai pas compris qui dirigeait la France.

Au début de l'année 2018, nous souhaitions démarrer un process d'augmentation de l'autonomie et de la latitude données aux directeurs sur le terrain et aux directeurs régionaux.

Un directeur de réseau médico-social et un directeur d'exploitation pour les Ehpad ont été nommés et ont pris leurs fonctions fin 2018.

Je n'étais donc pas en charge des fonctions classiques d'un siège. En réalité, il y avait des sièges dans plusieurs pays et plusieurs zones géographiques. Ainsi, je n'avais pas de responsabilité en matière de finances, d'arbitrage comptable ou financier, de reporting, d'achats, de développement, de ressources humaines, d'informatique ou d'immobilier.

Les établissements s'adressaient au siège national de chaque pays afin d'être destinataires des biens et services, ainsi qu'au support de reporting nécessaire à la conduite des opérations sur place.

Lors de la première vague de Covid début 2020, il a été reconnu que l'exploitation et ses équipes sur le terrain avaient fait face au mieux. Cela a été l'occasion de procéder à une revue de l'organisation de la société sur le plan international. Ainsi, début novembre 2020, le conseil d'administration d'Orpea s'est prononcé sur la fin, au 31 décembre 2020, de tous mes mandats au sein d'Orpea et de ses filiales. En effet, les structures mises en place sur le plan géographique devaient désormais asseoir leur autonomie, et ma fonction faisait doublon avec les directeurs exploitation nommés dans les différentes zones géographiques et pays.

Ne faisant plus partie de la société depuis fin 2020, n'ayant pas de données informatiques à ma disposition, je m'efforcerai de répondre aux questions, dans la limite de mes connaissances, sans aucun autre support que le rapport de l'IGAS, le rapport contradictoire Orpea et le rapport préliminaire interne.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Nous avons déjà reçu de nombreuses personnes d'Orpea. Surtout, nous avons pris connaissance du rapport Igas-IGF ainsi que de l'audit demandé par M. Charrier, qui vont dans le même sens.

Pourtant, vous avez déclaré devant l'Assemblée nationale que vous vous réserviez la possibilité de poursuivre l'auteur du livre en justice. Est-ce toujours d'actualité ?

Que pensez-vous des révélations du livre, qui ont été confirmées à 80 % par les différents rapports ?

M. Jean-Claude Brdenk. - L'ouvrage en question est un livre à thèse : il existerait un système organisé, qui aboutirait in fine, partout en France, à une maltraitance systématique. Son auteur prend pour exemple le site Orpea de Neuilly-sur-Seine. Les témoignages sont systématiquement à charge et dénoncent le manque criant de produits d'incontinence, pour ne pas dire leur rationnement, tout en supposant le rationnement alimentaire engendré par l'utilisation d'un compte-rendu mensuel du coût de revient journalier (CRJ). La forme de l'ouvrage ainsi que son lancement témoignent également d'un certain sensationnalisme.

Bien évidemment, j'ai été totalement bouleversé par la sortie du livre, d'autant que j'avais quitté Orpea. J'ai dû le relire deux fois. La première fois, je n'ai pas très bien compris ; la deuxième fois, j'ai pris des notes.

A contrario, le rapport IGAS ne note pas de rationnement en matière de produits d'incontinence, comme l'avait d'ailleurs souligné devant les députés la directrice de l'ARS Île-de-France, à la suite d'un certain nombre de contrôles effectués en 2019, notamment sur le site de Neuilly.

Le rapport de la mission évoque, page 49, des axes d'amélioration plutôt que des dysfonctionnements majeurs. Il note que « les documents fournis par la société ne lui permettent pas de trouver de garanties suffisantes pour que les besoins alimentaires des résidents soient satisfaits ».

Quant au rapport contradictoire rédigé par le groupe, il est extrêmement détaillé et argumenté sur ce dernier point, qui a été analysé et vérifié par un professeur de gériatrie. Celui-ci connaît manifestement Orpea et les possibilités offertes aux cuisiniers. Il conclut, chiffres à l'appui, à un bon équilibre sur cinq semaines en termes d'apports protéinés énergétiques.

Orpea rappelle également que, sur le plan clinique, le taux d'escarres de 3,4 %, considéré comme modéré, a été salué par la mission.

Par ailleurs, le taux de personnes dénutries après leur admission est de 45 %, tandis que, après six mois de résidence, une amélioration nutritionnelle est constatée pour 70 % de ces personnes.

Ces éléments cliniques sont autant de preuves de l'efficience de la politique nutritionnelle mise en place. Ils ne correspondent pas à une politique de rationnement généralisé.

Pour ce qui concerne le rapport interne, auquel vous avez fait référence, monsieur le sénateur, les enquêteurs ont visité, de manière inopinée, 21 établissements. Ils n'ont constaté ni manquement pour ce qui concerne les produits d'incontinence ni une quelconque politique de rationnement alimentaire. Ils ont d'ailleurs interrogé, sur deux jours, l'ensemble des chefs qui étaient présents. Ces derniers ont confirmé ne rencontrer aucune difficulté pour réaliser les menus tels que décrits, dans le respect des conditions de réalisation.

Près de 150 établissements du groupe ont fait l'objet d'une instruction ARS au cours de ces derniers mois. À ma connaissance, aucune n'a abouti à une fermeture ou à une mise sous tutelle, même temporaire. Les établissements ayant dû fermer n'étaient pas dirigés par Orpea.

J'ai été profondément blessé par la sortie de l'ouvrage. L'émotion très vive suscitée par les propos allégués rendait totalement inaudible toute tentative de prise de parole par l'entreprise, a fortiori par moi-même ou par les personnes nominativement citées.

À la lecture de ces données émanant du terrain et des contrôles et visites effectuées in situ, je maintiens donc mes propos : les faits tels que présentés dans le livre, inhérents au déroulement des activités sur le terrain, ne sont toujours pas avérés.

Manifestement, il n'y a pas chez Orpea de système organisé aboutissant à de la maltraitance. Il y a évidemment des erreurs, des axes d'amélioration et beaucoup de travail à réaliser, comme après chaque contrôle.

Les équipes des établissements ont été profondément choquées et abîmées à la publication de cet ouvrage. Celui-ci jette l'opprobre sur toute une entreprise, qui a fait le choix de répondre point par point, de façon transparente, aux allégations répandues.

L'entreprise a besoin de temps et de constance pour retrouver une certaine forme de sérénité. De ce fait, une action en justice de ma part, alors même que j'ai quitté cette entreprise bien avant la parution de ce livre, me semble à ce stade tout à fait inopportune. J'en ai clairement fait part aux députés, s'agissant des points concernant ma supposée « personnalité » ou mes prises de décisions irrationnelles - l'un des chapitres est totalement calomnieux et infondé -, je considère avoir été pris à partie de façon collatérale dans un livre dirigé contre Orpea, dans le cadre d'un débat qui me dépasse. Toutefois, je n'exclus pas d'entamer, à l'avenir, des poursuites si l'on me prête de nouveau des propos ou des décisions qui n'auraient pas été miens.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Ne parlons pas uniquement du livre. Je souhaitais simplement savoir si vous aviez l'intention de mener une action en justice contre son auteur.

S'agissant des rapports, vous venez de souligner les points positifs. Je vous rappelle tout de même que de très nombreux points sont négatifs. Il s'agit non pas de petites erreurs locales, mais d'erreurs organisées.

Vous avez évoqué les contrôles menés par les ARS, lesquelles n'avaient pas la possibilité de contrôler, entre les états réalisés des recettes et des dépenses (ERRD) et les états de prévision de recettes et de dépenses (EPRD), la réalité de ce qui se passait dans chaque établissement.

Quelle était l'autonomie des établissements ? Laissiez-vous, personnellement, suffisamment d'autonomie à chaque directeur et même à chaque directeur régional ? Au niveau central, aviez-vous la volonté de faire en sorte que les directeurs régionaux aient une mainmise complète sur les directeurs d'exploitation ? D'après leurs propos et d'après les rapports, ils n'avaient aucune autonomie ou bien une autonomie très relative. Au niveau des conseils départementaux, il était impossible de contrôler les maisons d'Orpea, dans la mesure où tout était centralisé au niveau régional, voire national. Au niveau des ARS, il était également impossible de contrôler, pour l'ensemble du groupe, la réalité de ce qui était annoncé dans les EPRD et les ERRD.

Le livre a été un déclencheur. Ce qui compte, c'est ce qui est écrit dans les rapports et l'audit, et je ne me référerai qu'à ces documents. Comment expliquez-vous les différences entre la réalité sur le terrain et ce qui était présenté aux ARS ?

M. Jean-Claude Brdenk. - Monsieur le sénateur, votre remarque est extrêmement longue, mais je vais m'efforcer de répondre de la manière la plus concise possible.

Vous parlez d'autonomie des directeurs, et de leur incapacité à fixer leurs budgets.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je parle non pas de leur incapacité, mais de leur impossibilité : ce n'est pas pareil !

M. Jean-Claude Brdenk. - Le rapport contradictoire produit par Orpea est extrêmement dense. Le rapport de l'IGAS a pris en considération certaines remarques, mais n'a pas apporté de réponse sur d'autres points.

S'agissant des budgets, un sujet n'a pas été considéré à sa juste valeur, bien qu'il ait été évoqué par Jean-Christophe Romersi lors de son audition.

J'ai dirigé Orpea avec les directeurs de division, les directeurs régionaux et les directeurs d'établissement jusqu'en 2018. J'avais également des responsabilités internationales et je consacrais 10 % à 15 % de mon temps à gérer les directeurs de division, qui eux-mêmes géraient les directeurs régionaux et les directeurs d'établissement. En 2018, nous avons changé notre organisation. Jean-Christophe Romersi a pris ses fonctions de directeur du réseau médico-social, avec un directeur d'exploitation spécifiquement pour la France et les Ehpad.

Les directeurs ont en moyenne sept ans d'ancienneté, le turn-over étant de 12,8 %. Je pense très sincèrement que, au bout de sept ans, un directeur commence à maîtriser l'hôtellerie, la restauration, les soins et la coordination de ses équipes. D'ailleurs, chez Orpea, en 2018, 82 % des effectifs étaient en CDI. Je souhaitais bien évidemment atteindre le taux de 90 %. Mais nous étions confrontés, comme tous les groupes, à des difficultés de recrutement.

Par conséquent, les remplacements peuvent, le plus souvent, être planifiés. Les autres sont totalement implanifiables.

La décision de recruter un CDI est prise à la fois par le directeur et le directeur régional. Lorsqu'il y avait un recrutement à faire, nous ne nous privions pas le faire !

Les directeurs recrutent essentiellement des CDD, parfois dans l'urgence. Ainsi, environ 25 % des recrutements étaient effectués directement par les directeurs, sans aucune intervention de qui que ce soit. Par ailleurs, 99 % des autres recrutements étaient immédiatement validés par le directeur et son directeur régional. Je ne sais donc pas si l'on peut dire que les directeurs n'avaient aucune autonomie pour recruter.

J'en viens à la construction budgétaire. Nous construisions les budgets avec l'aide, d'abord, des directeurs, puis des directeurs régionaux, et les informations remontaient par cascade. Certaines personnes ont estimé que cette remontée en cascade destinée à disposer d'une vision globale n'était pas cohérente. Une entreprise est obligée de s'assurer des grands équilibres.

La construction budgétaire s'effectuait en octobre, en novembre et en décembre. Vous le savez, l'EPRD est décalé dans le temps. Il fallait bien que les directeurs disposent de quelques pistes s'agissant de la manière dont ils pourraient piloter leur établissement, fondées sur l'historique et le taux d'occupation observé.

J'aimerais que les inspecteurs de l'IGAS m'entendent et vérifient une chose en termes de masse salariale : ces budgets étaient-ils respectés ou non ? Étions-nous « dans la plaque », en vertu d'un suivi budgétaire extrêmement contraignant ? Ces budgets étaient-ils inférieurs parce que nous rationnions les moyens ? Ou bien ces budgets étaient-ils dépassés ?

M. Romersi vous a donné un bon indicateur, à savoir le calcul de ratio et de comparaison, au sein d'un tableau, entre les ERRD et les EPRD. Or, de 2017 à 2020, les ERRD étaient toujours supérieurs aux EPRD. Depuis 2014, nous n'avons pas dépassé une seule année les budgets de masse salariale.

On ne peut donc pas parler de restrictions budgétaires, de pilotage à l'euro près ou de système dès lors que, chaque année, les budgets sont systématiquement dépassés. Par ailleurs, le taux de CDI est supérieur à 80 %.

On ne peut donc pas parler de rationnement en termes de budget. Peut-on parler de centralisation des budgets ? Par cascade, nous étions obligés de les remonter au siège...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Nous avons bien compris. Le problème n'est pas lié à la comparaison entre les ERRD et les EPRD. Vous le savez très bien, le rapport dénonce l'utilisation de l'argent public pour payer du personnel qui n'était pas affecté aux soins et à la dépendance. Le problème est là.

M. Jean-Claude Brdenk. - Pour répondre à votre troisième question, je ne suis pas un spécialiste des finances ni de la comptabilité. Par ailleurs, le rapport contradictoire met en évidence la nécessité d'une expertise en fiscalité, pour ce qui concerne la CVAE et les autres taxes.

Je pense que vous faites référence aux auxiliaires de vie faisant fonction. Sur l'ensemble des rapports à ma connaissance, ils étaient clairement notifiés ainsi.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous dites que, à chaque fois, il était bien précisé que les personnes payées par l'argent public étaient affectées aux soins ?

M. Jean-Claude Brdenk. - Il me semble...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous n'en êtes donc pas certain !

M. Jean-Claude Brdenk. - Tout le monde était confronté à cette difficulté.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur ce point, qui ne fait pas l'objet de ma question.

M. Jean-Claude Brdenk. - Vous introduisez un doute dans mon esprit. Je relirai à ce sujet le rapport interne et le rapport contradictoire d'Orpea.

Je pense que ces documents ont été transmis avec sincérité aux ARS, comme en témoigne d'ailleurs le rapport de l'IGAS. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas eu de remarques en la matière. Nous avons recensé seulement 3 rejets pour 4 établissements sur 226 établissements. Par conséquent, dans leur grande majorité, ces rapports étaient transmis et acceptés. Les ARS connaissaient les sites, qu'ils ont énormément contrôlés au fil des années. Ils observaient la présence d'auxiliaires de vie faisant fonction. Pourquoi les ARS acceptaient-elles une telle situation ? Le sujet est là.

Les ARS ont compris que la motivation de ces personnels était ainsi testée par les directeurs. Ces personnels étaient accompagnés, plus ou moins bien, comme j'ai pu le lire dans le rapport, pour assumer un certain nombre de tâches. Par ailleurs, elles observaient l'augmentation, année après année, du nombre de personnels diplômés aide médico-psychologique (AMP) ou accompagnant éducatif et social (AES), notamment grâce à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Lorsque nous avions épuisé la quasi-totalité des personnels susceptibles de prétendre à une VAE, nous demandions à ces personnels, de manière momentanée, d'assurer un remplacement.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je vous arrête, car vous ne répondez absolument pas à la question que je vous pose.

Bien entendu, il faut utiliser au maximum les compétences des personnes et leurs envies. Bien sûr, il fallait que les ERRD et ERDS concordent !

Le reproche qui est fait, c'est que l'argent public servait à payer des personnes qui n'avaient pas à être payées avec l'argent public.

M. Jean-Claude Brdenk. - Je comprends et j'entends.

Je ne reviendrai pas sur le rapport El Khomry...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Brdenk. - Effectivement, nous prenions, comme les autres opérateurs, des auxiliaires de vie faisant fonction.

Le rapport indique également que la différence entre le budget initial et l'EPRD s'explique simplement par un problème de temps. Vos collègues députés ont bien compris ce problème opérationnel, qui est remonté à plusieurs reprises au ministère.

Or on ne peut pas attendre six mois pour mettre en place un certain nombre de bornes et de recrutements, à l'aide des directeurs, et avec leur accord, pour piloter les établissements.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Ce n'est pas ce qui est reproché ! Ce qui est reproché, c'est l'utilisation d'argent public pour payer des personnes qui auraient dû être payées au titre, par exemple, de l'hébergement.

M. Jean-Claude Brdenk. - Permettez-moi de revenir sur l'un des arguments développés par Orpea. La clé de répartition de la dépendance est en réalité de 60 %. Si nous avions basculé les personnes auxiliaires de vie sur la partie dépendance, nous aurions mis en déficit cette partie, et, par fongibilité, la partie « soins » aurait payé.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Ce n'est pas la question que je vous pose ! Je parle de la partie, payée par l'argent public, dépendance et médicalisation, et de la partie payée pour l'hébergement.

Les ARS faisaient a priori confiance. Les CPOM ont été mis en place parce que nous voulions faire confiance aux établissements. Cette confiance a quelque peu empêché le contrôle.

Le système mis en place par les groupes ne permet pas un contrôle suffisant, dans la mesure où ces groupes sont répartis sur plusieurs départements et plusieurs régions. Or, aujourd'hui, personne ne contrôle l'ensemble. Si tel n'avait pas été le cas, sans doute aurions-nous pu éviter ces écueils. Car ce qui se faisait pour le personnel se faisait pour tout le reste.

M. Jean-Claude Brdenk. - La Cour des comptes le faisait, monsieur le sénateur.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Pas partout, pas tout le temps et pas de la même façon !

La Cour des comptes estime d'ailleurs qu'elle devrait contrôler le système financier au niveau du groupe, ce qui n'a jamais été fait.

On reproche aux dirigeants d'Orpea et, sans doute, d'autres groupes -je souhaite qu'une enquête soit menée en la matière - d'avoir organisé non pas un système de maltraitance, mais de récupération financière exagérée.

M. Jean-Claude Brdenk. - Cela porte sur 27 millions d'euros et, dans la durée, sur 1,3 milliard d'euros. Ce n'était pas quelque chose d'organisé.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous savez très bien de quoi je parle ! Les fortunes faites en la matière sont considérables. La représentation nationale doit s'interroger : dans le cadre d'une mission sociale, est-ce normal ? Est-ce logique ?

Vous avez fait partie du Synerpa, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées, et vous êtes aujourd'hui chez Bastide. Il faut parler de ce sujet ! Sinon, la mission sociale disparaît au bénéfice du seul profit.

M. Jean-Claude Brdenk. - Je pourrais vous donner des tas d'exemples prouvant que Orpea ne considère pas uniquement le profit. Le dernier en date est celui de 2020. Nous avons dépensé sans compter ! On ne peut pas oublier tout l'historique. Cet épisode a engendré des millions d'euros de dépenses, sans que la direction générale ou les administrateurs n'y trouvent à redire. Cela nous a d'ailleurs valu d'être auditionnés, au mois de septembre 2020, par le Sénat, pour savoir pourquoi nous avions un certain nombre de procédures à disposition, alors que d'autres ne les avaient pas. Dans ce cas, vous ne pouvez pas dire que le groupe était tourné uniquement vers l'aspect financier des choses.

Si tel avait été le cas, nous n'aurions pas 80 % de nos sites, en France, dotés d'un médecin coordonnateur, alors que, en moyenne, seulement 60 % des sites français disposent d'un médecin. Lorsqu'un médecin prend en charge un établissement, c'est parce qu'il a confiance dans l'organisation et l'équipe qui est sur place.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Nous avons rencontré des médecins qui ont travaillé chez Orpea.

M. Jean-Claude Brdenk. - Factuellement, 80 % des sites sont dotés d'un médecin. C'est un bon indicateur.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je vous demanderai de répondre aux questions posées par écrit, qui vous engagent également. Ensuite, nous laisserons faire les procédures judiciaires.

Puisque vous êtes chez Bastide, monsieur Brdenk, j'aimerais que vous évoquiez rapidement les RFA, les remises de fin d'année.

M. Jean-Claude Brdenk. - Je ne dirigeais pas les achats, qui étaient sous la responsabilité de la direction générale.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous étiez au courant...

M. Jean-Claude Brdenk. - Je vois à peu près comment fonctionnent les achats. En vingt ans, je n'ai jamais participé à une seule négociation. Si quelqu'un vous affirme le contraire, il faut me le dire, et je l'attaquerai immédiatement en justice. Je veux être très clair, je n'ai pas signé un seul contrat ni assisté à une seule négociation.

Sauf erreur de ma part, un décret est paru le 29 avril dernier portant notamment sur la reconnaissance des rabais, remises et ristournes, qui devraient désormais être rebasculés sur les sites, ce qui n'était donc pas le cas avant. Je souligne que je ne suis pas juriste. Cela règle le problème des remises, rabais et ristournes. À un moment donné, je ne savais plus très bien si la négociation commerciale entre un opérateur et une entreprise était légale.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Oui, c'est légal ! Mais tout dépend de l'utilisation de cet argent !

M. Jean-Claude Brdenk. - D'après ce que j'ai compris des propos tenus par M. Charrier, en contrepartie des services octroyés par l'opérateur, Orpea facturait à son prestataire de services un montant forfaitaire. Je ne connais pas ce montant.

Permettez-moi de remonter à l'été 2008. À l'époque, le Synerpa n'existait pas encore. Nous avons découvert à cette époque ce que nous avons d'abord analysé comme une erreur. On nous demandait d'être responsables de l'acquisition et de la répartition des dispositifs médicaux. Nous savions à l'époque que le gouvernement avait décidé de réduire les dépenses de ville.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - M. Le Masne vient de nous expliquer cela.

M. Jean-Claude Brdenk. - Ainsi, Orpea s'est retrouvé, sans avoir pu anticiper, à déployer plusieurs milliers de dispositifs médicaux sur une bonne centaine de sites. Surtout, bon nombre de nos collaborateurs utilisaient ces dispositifs médicaux. Benoîtement, je pensais qu'il s'agissait uniquement des infirmières et des aides-soignantes. Non ! Les auxiliaires de vie utilisent également les dispositifs médicaux.

Il a fallu, d'un seul coup, acheter et négocier ces dispositifs médicaux, dans le respect des normes, et former des milliers de personnes, sans aucun outil informatique, aucune connaissance du secteur et aucune compétence sur le sujet.

Pendant quatre ou cinq ans, nous avons reçu 2,32 euros.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Une enveloppe limitative !

M. Jean-Claude Brdenk. - Nous n'avons jamais reçu d'explication sur cette somme, et nous avons dû nous débrouiller, comme vous le confirmez à l'instant, monsieur le sénateur.

Nous avons donc dû nous débrouiller, avec plusieurs milliers de résidents, plusieurs milliers de dispositifs médicaux, aucun système informatique, aucune compétence, pour installer ces dispositifs. Nous avons eu recours à l'un de nos partenaires. Nous n'avions jamais été financés pour mettre en place ce genre de choses. Nous n'avions pas d'acheteur spécialisé.

En 2020, lorsque je suis parti d'Orpea, il y avait un médecin-pharmacien, un acheteur spécialisé en biomédical, des approvisionneurs dédiés, un médecin qui faisait des formations, en interne, sur la réduction des troubles musculo-squelettiques et des infirmières hygiénistes, ce qui nous a permis, en 2012, de mettre en place, dans les établissements, un certain nombre de process, afin d'éviter les contaminations croisées.

Ces personnels ont été probablement utilisés non pas pour augmenter les dividendes des actionnaires ou les résultats de l'entreprise, mais pour travailler en matière de soins. Cela mérite d'être rappelé, dans la mesure où aucun des rapports n'en fait mention.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - La procédure judiciaire se mettra en place.

J'aurais souhaité vous entendre sur les points suivants : comment éviter ces dérives ? Comment faire en sorte que les contrôles soient réels ?

Vous avez été complètement dans le système, et vous disposez donc de toutes les pistes nécessaires pour éviter ce type de dérives au niveau des contrôles. Si vous avez des idées pour mieux contrôler les établissements et les groupes, faites-m'en part. Je le rappelle, le Synerpa a été surpris par les informations révélées par les rapports. Pour maintenir sa crédibilité, un groupe doit être exempt de toute critique, grâce au contrôle des organismes publics.

M. Jean-Claude Brdenk. - Je partage complètement votre avis, monsieur Bonne. Simplement, pour ce qui concerne le Synerpa, il est important de lire l'intégralité du rapport contradictoire, qui est diffusé en ligne.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Ici, nous avons lu complètement le rapport contradictoire.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Après votre audition et celle de M. Le Masne, j'ai l'impression que tout le monde était à l'étranger ! Par conséquent, qui dirigeait véritablement en France ?

Vous avez une mission de service social, mais pas une mission de profit. Je rappelle tout de même que le montant de vos salaires était exorbitant. Selon moi, quand on a un salaire aussi important, on doit passer du temps en France, notamment dans les missions de contrôle.

Participiez-vous au conseil d'administration et à l'assemblée générale ? Je n'arrive pas à comprendre comment les problèmes révélés par ce livre n'ont jamais été évoqués par le conseil d'administration ou l'assemblée générale.

Par ailleurs, quelle était véritablement votre tâche et celle de M. Le Masne en France ?

M. Jean-Claude Brdenk. - Je ne répondrai pas à la place de M. Le Masne.

Ma fonction était entièrement internationale et actée comme telle à partir de 2011. Effectivement, à partir de la fin de l'année 2018, Jean-Christophe Romersi a été nommé directeur du réseau médico-social France, qui comprenait les maisons de retraite, les résidences services et le domicile, avec deux réseaux, Adhap et Domidom.

La France était gérée comme n'importe quel pays ou zone géographique du groupe. Ma fonction était très clairement internationale.

Quant aux rémunérations, elles sont validées par le conseil d'administration. Le comité de rémunération prend en compte un certain nombre d'études sur les rémunérations. On ne peut pas sous-rémunérer ou sur-rémunérer un dirigeant international gérant autant de pays et autant de métiers. Ma rémunération était donc dans la norme du secteur. Elle a été fixée en 2011, puis augmentée une fois, en 2015 ou en 2016, le conseil d'administration ayant décidé de me rémunérer à hauteur de 60 000 euros pour mon mandat d'administrateur délégué de la Belgique. Je n'ai jamais demandé à être augmenté. Quiconque dira le contraire se verra confronté à des difficultés.

Par ailleurs, je n'étais pas membre du conseil d'administration. Ce point est extrêmement important, et je vous remercie de m'avoir posé cette question. Je n'assistais pas non plus à l'assemblée générale. Cela ne m'était pas interdit, mais je considérais que mes activités n'étaient pas concernées.

En revanche, j'étais convié, deux fois par an, à faire un reporting précis sur l'évolution d'un certain nombre d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs concernant le nombre de plaintes émanant de l'ensemble des pays. Ce document assez dense recensait la typologie des plaintes, ainsi que les difficultés ou les problèmes en cours. Si vous le demandez à Orpea, le groupe vous le transmettra bien volontiers.

Mme Véronique Guillotin. - Monsieur Brdenk, ne pensez-vous pas que les gros groupes présentent un intérêt pour ce qui concerne la mutualisation en matière d'équipement et la rationalisation des dépenses, comme ce qui se passe aujourd'hui avec les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Mais pour ce qui concerne la gestion de proximité et les ressources humaines, ces groupes n'ont pas la taille idéale.

Vous parlez beaucoup de reporting et de chiffres, ce que je peux comprendre, dans le cadre d'une gestion supra. Certes, la mutualisation des achats peut engendrer des économies. À la limite, c'est une bonne chose. Toutefois, pour la gestion, sur le terrain, des ressources humaines et des activités sanitaires et médico-sociales, l'échelle n'est sans doute pas pertinente.

M. Jean-Claude Brdenk. - C'est la raison pour laquelle je n'ai jamais signé un contrat de travail, qu'il s'agisse d'un CDD ou d'un CDI, sur un site du terrain. Cela relève de la responsabilité du directeur, accompagné de son directeur régional, afin de garantir une homogénéité des pratiques.

En revanche, je l'ai compris à la lecture du rapport, il y avait des erreurs manifestes, qu'il convient de corriger. Je regrette notamment le nombre trop important de procédures.

Madame la sénatrice, les recrutements sont bien faits sur place. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les directeurs, qui connaissaient leurs équipes et avaient en moyenne sept ans d'expérience, pouvaient compter sur un personnel fidèle, grâce à 82 % de CDI.

Le recrutement se fait sur place, avec l'aide du siège et un service dédié aux RH, pour avoir plus de personnel potentiellement soignant.

Mme Véronique Guillotin. - Le pilotage du recrutement est fait non pas sur le terrain, mais à une échelle supra, à partir des indicateurs qui remontent du terrain !

M. Jean-Claude Brdenk. - Les directeurs dépassaient systématiquement le budget alloué en début d'année. Que l'on aille vérifier si la masse salariale de début d'année, fixée pour douze mois, était ou non dépassée ! J'ai prêté serment, je ne vais pas raconter de bêtises !

Mme Véronique Guillotin. - Je ne vous contredis pas sur ce point. Je parle non pas de chiffres, mais de pilotage des activités de gestion des centres.

M. Jean-Claude Brdenk. - Elle est faite par les directeurs, sur les centres.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Vous affirmez là que vous n'organisiez pas le pilotage général des directeurs régionaux et des directeurs d'exploitation.

M. Jean-Claude Brdenk. - Non, Mme Guillotin m'interroge sur les directeurs de centre, au plus près des recrutements sur le terrain.

Les directeurs d'établissement, dans le cadre du respect budgétaire, ...

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Oui, c'est cela, dans le cadre du respect budgétaire...

M. Jean-Claude Brdenk. - Ils le construisaient ensemble ! Ils calaient une borne basse et une borne haute. Ce qu'il est important de savoir, ce n'est pas qu'un indicateur est dans le vert ou dans le rouge, mais pourquoi il est dans le vert ou dans le rouge. Cela relève de la responsabilité des directeurs régionaux et nationaux.

Il y avait à peu près 65 000 personnes dans les cliniques et maisons de retraite, et, de mémoire, 22 000 salariés en France. Vous pensez bien que je ne dirigeais pas 22 000 personnes !

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Je parlais des directeurs régionaux ! L'attitude difficile qu'ils ont ressentie était-elle réelle ?

M. Jean-Claude Brdenk. - Je ne dirigeais plus les directeurs régionaux depuis la fin de l'année 2014 ou 2015, après la création des directeurs de division. Seuls les directeurs de division pourront répondre à votre question.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Et tout se passait bien ?

M. Jean-Claude Brdenk. - On ne fait jamais l'unanimité ! Il peut toujours y avoir des dissensions entre un directeur de division et un directeur régional, ou bien entre un directeur régional et un directeur d'exploitation, ou bien entre un directeur sur le terrain et un directeur régional.

Le rapport contradictoire rapporte la perception du management par les directeurs. Celle-ci n'était pas négative.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - J'attends beaucoup de l'audit interne, qui doit se terminer fin juin.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie, monsieur Brdenk, mes chers collègues.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 45.