Jeudi 21 juillet 2022

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Table ronde sur la simplification des normes

Mme Françoise Gatel, présidente. - Bonjour à tous. Je vous remercie d'être là. Avant de commencer, j'ai une information à transmettre. Nous évoquerons le partenariat avec l'Institut national des études territoriales (INET). Cet institut forme les administrateurs de collectivités.

Les étudiants de l'INET, au cours de leur scolarité, participent à un projet collectif qui mobilise quatre élèves issus des filières administratives, culturelles et techniques. Nous observons une représentation satisfaisante de la diversité des corps de métiers au sein des collectivités. Le projet s'étend sur une durée d'environ deux mois et se concrétise par un rapport de restitution présenté à l'institution qui a proposé le sujet du projet.

La délégation proposera aux élèves de travailler sur un de nos sujets. Celui que nous avons choisi a été inscrit à notre programme : la transition environnementale et les collectivités territoriales.

Ces étudiants se rendront dans plusieurs collectivités pour identifier les bonnes pratiques et les freins. Ils analyseront également les éléments qui permettent la prise en compte des conditions environnementales dans la définition et la mise en oeuvre des politiques locales. Nous savons que la préoccupation liée au développement durable est au coeur de toutes les politiques d'action publique.

La délégation pourra ensuite s'appuyer sur ces travaux pour produire le rapport d'information. Cette participation est intéressante, car elle renforce le rayonnement du Sénat et de son activité institutionnelle.

Nous en reparlerons à la rentrée, car la prochaine session des projets de l'INET s'étendra d'octobre à décembre 2022. Les équipes des élèves seront constituées le 9 septembre 2022. Je souhaitais informer dès à présent la délégation de cet échange que nous devons au Directeur de l'INET.

Mes chers collègues, je vous propose de débuter sur un sujet qui est une obsession très saine : la simplification des normes. Dans ce pays, nous vouons un culte à la norme. L'exemple récent du ZAN nous montre que certains décrets d'application sont un frein à l'action publique et à quel point les normes peuvent être contradictoires. Les élus locaux méritent notre plus profond respect pour leur résilience. Les normes contreviennent parfois à l'action publique et posent des problèmes de coûts.

Le gouvernement nous rappelle souvent que la situation des finances est précaire et demande à nos collectivités de procéder à des économies. Je pense que nous devons donc éliminer les coûts superflus, tels que ceux générés par les normes. Nous pouvons être aussi efficients en procédant différemment.

Madame Karine Delamarche, je suis très heureuse de vous accueillir. Vous êtes sous-directrice des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales (DGCL) et vous suppléez Monsieur Stanislas Bourron, que nous connaissons bien et qui est retenu par un impératif ministériel. Vous êtes accompagnée de Madame Astrid Jeffrault, cheffe du bureau de l'organisation et des missions de l'administration territoriale, et de Monsieur Vaïk Laborde, chargé de mission dans ce même champ.

Monsieur Jean-Gabriel Delacroy, vous êtes sous-directeur de l'administration territoriale à la Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT). Vous êtes accompagné de Madame Claire Gonzague, adjointe à la cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique, et de Madame Sophie Klotz, chargée de mission.

Nous nous intéresserons au suivi et au bilan des deux nouveaux instruments extrêmement intéressants à la disposition des préfets : le pouvoir de dérogation aux normes, pérennisé par le décret du 8 avril 2020, et le « rescrit préfectoral », créé dans la loi « engagement et proximité ».

Cette réunion s'inscrit dans les travaux de la délégation relative à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Je salue à cette occasion l'engagement de notre collègue Rémy Pointereau, premier vice-président de la délégation en charge de ce domaine.

La délégation aime exercer une filature bienveillante et exigeante d'un certain nombre de services et de structures. Par exemple, nous avons cru aux bienfaits de la création de l'ANCT et nous pourrons maintenant vérifier si cette agence répond à nos attentes.

Ces deux outils sont des instruments remarquables, mais il nous semble qu'ils restent encore assez discrets. Nous devons procéder à un premier bilan et nous nous interrogerons sur la connaissance des préfets sur le sujet, sur leur résistance à utiliser ces instruments et sur les éventuels manques d'information des maires.

Nous ne sommes jamais malveillants, mais nous nous demandons si cette discrétion est volontaire ; car la dérogation aux normes et le rescrit sont des sujets parfois encombrants, qui correspondent à un changement de culture de l'administration. J'invite Rémy Pointereau à compléter cette introduction. Je vous remercie.

M. Rémy Pointereau, vice-président. - Merci, Madame la Présidente, mes chers collègues. Je rappelle que notre délégation avait, dans un rapport d'information publié en 2019, proposé de généraliser et de pérenniser le pouvoir de dérogation qui avait fait l'objet d'une expérimentation pendant deux ans. Nous avons été entendus par le gouvernement. Nous devons maintenant nous intéresser à la première évaluation de ce dispositif. À défaut de maîtriser l'inflation normative, réduit-il le poids des normes en aval de la production ?

Je rappelle également que le rescrit préfectoral est une demande de prise de position formelle présentée au préfet par une collectivité territoriale, concernant l'interprétation d'une disposition législative ou réglementaire. Il s'applique à un projet de la collectivité. Si le préfet ne se prononce pas dans un délai de trois mois, il est réputé ne pas prendre position.

Le rescrit n'est pas une nouveauté, car il a déjà été appliqué dans le domaine fiscal et l'urbanisme. Ce nouveau rescrit préfectoral apporte une sécurité juridique supplémentaire aux collectivités territoriales, qui peuvent ainsi obtenir un avis officiel sur des projets d'acte avant même le contrôle de légalité.

Il me semble que cet outil a été relativement peu utilisé jusqu'à présent. Cependant, je crois savoir que les chiffres ne sont pas tout à fait stabilisés. Vous connaissez notre obsession pour l'efficacité de l'action publique et pour l'importance des économies sur les normes. Je souhaite savoir si cet outil de rescrit préfectoral contribue à l'efficacité de l'action publique. Nous sommes bien entendu impatients de vous entendre pour nourrir notre réflexion.

Mme Françoise Gatel, présidente.- Les questions étant posées, je vous propose un échange tout en confiance sur ces sujets. Vous avez pu constater le champ de nos interrogations, le bilan, la diffusion de cette information. Je sais que vous ne pourrez pas tout nous dire, mais il est important pour nous de savoir comment les préfets appréhendent la liberté qui leur est donnée. Est-ce un exercice extrêmement délicat pour eux ? Pour quelles raisons ? L'information est-elle suffisamment connue d'eux et de leurs services ? Font-ils preuve de frilosité ? Les ministères encouragent-ils cette pratique ?

Je vous propose d'intervenir. Mes collègues auront également des questions à présenter.

Mme Karine Delamarche, sous-directrice des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales (DGCL). - Mesdames et Messieurs les sénateurs, bonjour. Je vous propose de partager nos interventions avec Monsieur Jean-Gabriel Delacroy. Je vous présenterai le rescrit. Comme vous l'avez noté, les normes entravent l'action publique. Le rescrit a quant à lui l'ambition de faciliter cette action publique, en la sécurisant juridiquement.

Vous le savez, la Constitution confie aux préfets la mission constitutionnelle du contrôle de légalité. Lorsque le rescrit a été conçu, ce cadre constitutionnel et les obligations qui s'imposent aux préfets ont été pris en compte.

Les préfets exercent un contrôle de légalité de manière proportionnée. Ils les adaptent aux enjeux des actes qu'ils contrôlent. Au-delà de la fonction juridictionnelle, ce contrôle implique une vraie mission de conseil. Les collectivités connaissent d'abord le contrôle de légalité au titre du conseil.

En 2021, les préfets ont reçu un peu plus de six millions d'actes et en ont contrôlé 20 %. Ces actes ont donné lieu à environ 16 000 recours gracieux, et moins de mille déférés contentieux. Nous confirmons donc l'existence d'un dialogue entre les services de l'État. Nous ne parvenons pas à chiffrer le nombre de conseils qui ne donnent lieu à aucun écrit, car ils ont lieu lors d'un appel téléphonique ou lors d'une réunion. Cette mission de conseil repose sur la confiance et le dialogue entre l'État et les collectivités. Elle n'engage que moralement le préfet. Le conseil n'entraîne pas un engagement juridique.

Dans les faits, les collectivités qui ne disposent pas de véritable service juridique ou de moyens pour avoir recours à un service juridique extérieur contactent le préfet et les services de contrôle de légalité.

Lors de la loi « engagement et proximité », le législateur a souhaité compléter la mission de conseil des préfets, sans s'y substituer, en créant cette demande de position formelle.

La loi a été votée à la fin de l'année 2019. L'objectif est de fluidifier et de moderniser les relations entre l'État et les collectivités, de faciliter leur intervention en encourageant leurs projets et leurs initiatives, et de leur apporter un conseil juridique qui manque dans les dossiers complexes. L'idée est de garantir aux collectivités que leurs actions s'inscrivent dans le cadre juridique.

Un autre objectif de la loi est de permettre un contrôle plus rapide au titre du contrôle de légalité. De fait, le contrôle de légalité est plus rapide sur les actes complexes.

Le mécanisme du rescrit est pragmatique, efficace et s'inscrit dans un calendrier court, qui est compatible avec celui de l'action des collectivités. La demande de prise de position formelle permet aux collectivités de solliciter le préfet pour obtenir une réponse juridique écrite sur une question de droit, avant que l'acte ne soit adopté. Le mécanisme prémunit la collectivité d'un éventuel recours sur le point de droit dès lors que le préfet a répondu par écrit, et si les circonstances dans lesquelles l'acte s'insère n'ont pas changé.

Le dispositif exclut les demandes de conseil les plus simples ou les sollicitations habituelles de consultation juridique. Il concerne les prises de position dans des cas complexes sur le plan de l'application du droit. Lors de l'examen de l'article 18 du projet de loi « engagement et proximité », le Conseil d'État a souhaité que le dispositif respecte trois conditions :

- la procédure ne doit pas affecter les prérogatives du préfet. Cette procédure du rescrit n'est qu'une modalité particulière d'exercice du contrôle de légalité ;

- si la position transmise par le préfet n'est pas suivie par la collectivité, le préfet peut déférer cet acte, qui n'est pas conforme à la prise de position formelle adressée ;

- la mesure n'a pas pour effet de priver les tiers de leur droit de recours. La position du préfet n'engage pas les tiers.

Les débats au Parlement ont permis d'enrichir la disposition initiale sur deux aspects :

- son champ d'action a été étendu. Initialement, il était prévu pour les communes et leurs groupements. Désormais, les établissements publics locaux peuvent également bénéficier du rescrit ;

- le délai dans lequel le préfet doit se prononcer, qui était de quatre mois, a été écourté à trois mois.

Le dispositif s'applique à tous les actes des collectivités, de leurs groupements et des établissements publics, dès lors que ces actes sont susceptibles d'être déférés au contrôle de légalité. Le champ est donc extrêmement large.

Ensuite, le dispositif prend la forme d'une ou de plusieurs questions précises, qui portent sur la mise en oeuvre de l'exercice d'une compétence d'une collectivité ou des prérogatives dévolues à l'exécutif de ces collectivités.

Vous l'avez mentionné également : le silence gardé par le préfet vaut décision de refus, et non décision d'accord.

Si l'acte est conforme à la prise de position formelle, le préfet ne pourra plus déférer l'acte au titre du contrôle de légalité.

Un décret d'application a été instauré en mai 2020, pour préciser les conditions d'application. Il indique que la demande doit être signée par son auteur, car elle engage la collectivité. En outre, la demande doit être complète. Elle doit présenter le projet d'acte, l'exposé des circonstances de fait et de droit - afin que le préfet et ses services comprennent la problématique - et une ou plusieurs questions juridiques précises, pour que le préfet puisse présenter une réponse circonstanciée à la demande qui lui est présentée.

Seul le préfet de département, ou le préfet de région, est saisi. Le sous-préfet peut être informé. Nous avons souhaité que le dispositif soit déconcentré. Le contrôle de légalité étant une mission constitutionnelle du préfet, nous l'avons replacé dans cet environnement juridique.

Les dispositions réglementaires indiquent que la collectivité peut présenter une demande de position formelle par tout moyen (courriel, courrier postal, etc.). Le décret n'établit aucune normalisation sur le sujet. Il est recommandé d'envoyer un courrier avec accusé de réception, afin de faire courir le délai de trois mois pour la réception de la réponse du préfet.

Le préfet saisi peut demander des compléments d'information. Tant que ces compléments n'ont pas été fournis, le délai ne court pas. Le dialogue se poursuit afin de bâtir la demande de position formelle.

La réponse peut également être envoyée par courriel ou par courrier, signé par le préfet.

L'avis du préfet est ensuite transmis au contrôle de légalité comme une pièce complémentaire. Le service de légalité peut ainsi vérifier que l'acte est identique et en accélérer le contrôle.

J'ai bien compris que vous vous interrogez sur le recours effectif au dispositif. Avant de répondre à ces interrogations, je rappelle que ce dispositif est un outil supplémentaire à la fonction de conseil et ne s'y substitue pas.

Par ailleurs, ce dispositif concerne uniquement les questions complexes. Toutes les questions ne le sont pas, même si certaines problématiques mobilisent souvent les préfectures.

Dès que le décret a été publié, nous avons informé l'ensemble des services de contrôle de légalité. À chaque fois que nous avons l'occasion d'intervenir sur des prises de postes de nos collègues sous-préfets ou secrétaires généraux des préfectures, nous leur rappelons l'existence de ce dispositif.

J'ai noté, dans votre rapport d'étape sur les services déconcentrés, que plus de 60 % des élus ne connaissent pas la technique du rescrit et que seulement 7 % l'ont utilisée. C'est un premier pas, car le dispositif est récent.

Par ailleurs, nous avons créé un indicateur pour suivre l'utilisation du dispositif. Une cinquantaine de rescrits ont été rendus en 2021. Cependant, ces chiffres ne sont pas fiables. Nous avons l'intention d'interroger toutes les préfectures sur leur organisation et les difficultés qu'elles ont rencontrées au moment de saisir les rescrits.

Deux thèmes se démarquent souvent dans les rescrits :

- la commande publique ;

- la fonction publique territoriale.

Il est cependant à noter que nous ne recensons que 50 demandes. Il est probablement encore trop tôt pour effectuer des analyses.

Les demandes de position formelle proviennent des communes, des intercommunalités (communautés de communes, communautés d'agglomérations) et de quelques départements. Les régions n'ont pas encore présenté de demande de position formelle.

Les renouvellements des délégations de service public pour les casinos font l'objet de demandes de rescrits. Ce sujet est complexe.

Les préfectures sont parfois confrontées à des dossiers très techniques et doivent être aidées. Elles peuvent s'adresser au pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité, qui est un service de la DGCL basé à Lyon. Ce pôle fournit des conseils juridiques. Il a été saisi à seize reprises pour conforter l'analyse juridique.

Les autres services de l'administration sociale apportent leur appui si nécessaire, car les sujets complexes demandent des expertises pointues.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Votre présentation a été extrêmement intéressante et pertinente. Je suis très heureuse que vous ayez évoqué ce souci d'évaluation et d'indicateurs. Il est important que nous puissions travailler collectivement.

Avez-vous l'intention de mettre en place une base de données contenant les sujets de rescrits et des réponses apportées, qui sera communicable à tous les préfets ? Cette base permettrait aux préfets de disposer d'informations avant même d'être saisis. Je pense que les rescrits ne parviennent pas spontanément aux préfectures.

Lorsqu'une collectivité présente une demande de rescrit, le préfet rend une réponse. Si l'acte qui a fait l'objet du rescrit n'est pas, dans sa décision finale, conforme à l'avis du préfet, le tribunal administratif peut être saisi par ce dernier. Avez-vous connaissance de telles situations ?

M. Jean-Gabriel Delacroy, sous-directeur de l'administration territoriale à la Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT). - Je vous remercie, au nom de la DMAT, et en particulier de la sous-direction de l'administration territoriale de la DMAT, de nous avoir invités à nous exprimer et à échanger avec les membres de la délégation.

Devant vous se trouve la totalité de l'équipe du droit de dérogation reconnue au préfet. Je suis accompagné de Madame Astrid Jeffrault, qui est cheffe du bureau de l'organisation et des missions d'administration territoriale, qui héberge le guichet « droit de dérogation » ; et de l'agent qui incarne le droit de dérogation du préfet, Monsieur Vaïk Laborde.

Le droit de dérogation du préfet a été expérimenté de 2018 à 2020, et généralisé en avril 2020, dans un contexte particulier. Il autorise le préfet à déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'État pour prendre des décisions relevant de sa compétence. Ce dispositif est extrêmement encadré. Il est possible d'en faire usage dans un nombre limité de matières :

- les subventions aux concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités ;

- l'aménagement du territoire et la politique de la Ville ;

- l'environnement, l'agriculture et les forêts ;

- la construction, le logement et l'urbanisme ;

- l'emploi et l'activité économique ;

- la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel ;

- les activités sportives, socioéducatives et associatives.

Par ailleurs, il est possible d'en faire usage dans des conditions précises, énumérées par le décret du 8 avril 2020. Les conditions, qui reprennent des critères énoncés par le Conseil d'État, sont les suivantes :

- la dérogation doit être justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales ;

- elle doit avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure et/ou de favoriser l'accès aux aides publiques ;

- cette dérogation doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

- elle ne doit pas porter atteinte aux intérêts de la défense nationale ou à la sécurité des personnes et des biens, ni être une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Le Conseil d'État a fortement contribué à l'encadrement du dispositif au moment de l'élaboration des décrets, afin que les arrêtés préfectoraux dérogeant soient rédigés de façon à garantir le principe constitutionnel d'égalité. Le Conseil d'État a également dû se prononcer sur la légalité des décrets attaqués par des associations spécialisées dans la défense de l'environnement.

La circulaire du Premier ministre du 6 août 2020 énonce le cadre de mise en oeuvre du droit de dérogation. Les préfets sont tenus de respecter nos procédures. Le niveau de signature de cette instruction souligne la volonté de développer un dispositif interministériel et rappelle le rôle éminent des services du secrétariat général du gouvernement.

En juillet 2021, en marge du comité interministériel de la transformation publique de Vesoul, un guide a été établi sous l'égide de la Direction interministérielle de la transformation publique. Le titre du guide est « En action : le guide du préfet et des services déconcentrés ». Une fiche pratique y a été introduite sur le recours au droit de dérogation.

La circulaire de 2020 prévoit, pour chaque projet, une information du niveau régional et une saisine préalable obligatoire de l'administration centrale par le préfet souhaitant déroger. Je précise qu'un tel régime ne prévalait pas au moment de l'expérimentation. L'information régionale et la saisine préalable de l'échelon central relevaient d'une faculté, et non d'une obligation. Le caractère obligatoire date donc de la circulaire de 2020. Plusieurs ministères et administrations centrales ont souhaité l'obligation de la saisine pour garantir la sécurité juridique des décisions dérogatoires. Lorsque viendra le moment de faire évoluer le dispositif, cet élément sera un des grands points sur lesquels nous mènerons une réflexion. De fait, les préfets demandent une plus grande simplification du dispositif et davantage de confiance laissée aux échelons déconcentrés et aux préfets.

Le préfet, après avoir informé l'échelon régional, saisit la DMAT et lui transmet un projet d'arrêté accompagné d'une analyse justifiant le recours au droit de dérogation. La DMAT le transmet alors à la Direction métier du ministère concerné, qui doit rendre un avis simple sous quinze jours. À l'issue, le préfet décide ou non de signer l'arrêté, quelle que soit la teneur de l'avis rendu par les administrations centrales concernées.

Les chiffres que je vous présenterai maintenant ont été actualisés le 12 juillet  2022. Après plus de quatre années de mise en oeuvre du dispositif, expérimentation incluse, nous avons eu connaissance de 576 dossiers relatifs au droit de dérogation, dans l'expérimentation et dans la généralisation. Ces dossiers concernent :

- 76 préfectures de département ;

- 10 préfectures de région.

- 393 arrêtés préfectoraux de dérogation ont été dûment signés et communiqués à mes services. 299 d'entre eux ont été pris par l'échelon départemental, 21 ont été pris par des préfets ultramarins, et 73 ont été pris par des préfets de région.

Les préfets qui ont le plus recouru au droit de dérogation depuis la période de l'expérimentation sont les suivants :

- le préfet de la Sarthe, avec 16 arrêtés de dérogation ;

- le préfet de la région Centre-Val de Loire, avec 15 arrêtés ;

- le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec 13 arrêtés ;

- le préfet de la Vendée, avec 10 arrêtés.

Ces chiffres correspondent aux arrêtés dont nous avons connaissance. Or, un plus grand nombre d'arrêtés dérogeant sont pris, sans être communiqués à la DMAT.

Les sondages nous amènent à penser que les chiffres réels représentent le double de ceux que j'ai présentés, soit environ 800 arrêtés.

La simplification du dispositif passera certainement par une plus grande marge pour les préfets et par l'abrogation de l'obligation de saisine des administrations centrales. Il conviendra toutefois de rappeler fermement la nécessité de communiquer à la DMAT l'entièreté des arrêtés. Cet élément est absolument fondamental pour procéder à des analyses et pour en rendre compte.

La grande majorité des 400 arrêtés dont nous avons connaissance (291) concerne le domaine des subventions, des concours financiers et des dispositifs de soutien.

Avec 64 arrêtés, les domaines de l'environnement, de la culture et de la forêt se placent en deuxième position.

La construction, le logement et l'urbanisme sont concernés par 21 arrêtés.

L'emploi et l'activité économique sont concernés par 9 arrêtés.

La prévalence des subventions et des dotations s'explique par le fait qu'il s'agit d'un des domaines dans lesquels le pouvoir réglementaire est le moins encadré et qu'il est plus aisé pour le préfet de déroger aux normes.

Les collectivités territoriales et leurs groupements sont les principaux bénéficiaires des dérogations, avec 75 % du total.

Nous observons plusieurs problématiques. Tout d'abord, la connaissance du dispositif est encore trop faible, même si les évolutions sont favorables depuis 2021.

D'autre part, la moitié des préfectures ont pris au moins un arrêté de dérogation depuis 2020. La répartition reste donc inégale.

J'ai mentionné plus tôt le contexte particulier d'avril 2020. De fait, nous connaissions alors le premier confinement ; et nos possibilités de communication sur le dispositif du droit de dérogation ont été limitées.

Néanmoins, lorsque nous recevons les nouveaux préfets et les nouveaux secrétaires généraux, nous leur présentons le guide et la circulaire de 2020. Nous disposons également d'un espace collaboratif numérique de travail pour les préfectures, dans lequel plusieurs types de documentations sont consultables.

Le sujet de l'information des élus reste un enjeu majeur. L'administration centrale ne s'en est pas préoccupée jusqu'à présent.

Le respect de la procédure mise en place en 2020 est un deuxième point de difficulté. L'information du niveau régional est peu réalisée et la saisine préalable de la centrale n'est pas toujours effectuée. Cela nous pose des difficultés, mais la réponse ne passe pas forcément par une obligation de saisine. Nous pouvons au contraire réfléchir à un assouplissement du dispositif.

L'obligation de motivation des arrêtés n'est pas non plus systématiquement respectée.

Enfin, les arrêtés ne sont pas toujours publiés au recueil des actes administratifs des préfectures.

Dans certains cas, la préfecture ne juge pas utile de saisir à nouveau la DMAT pour un même objet.

La mise en oeuvre de la dérogation et son champ sont un autre point de difficulté. En dehors du champ des aides publiques, le Conseil d'État a rappelé que le droit de dérogation n'est possible que pour déroger à des normes de forme et de procédure. Il est vrai que la préfecture et ses services peuvent éprouver des difficultés à interpréter certaines normes, notamment dans des domaines où la frontière entre règle de forme et règle de fond est parfois ténue. Les préfectures s'interrogent souvent sur des sujets de régime d'autorisation ou de régime de déclaration dans le domaine environnemental. Les analyses divergent. La première circulaire de 2018 a fourni des exemples de recours au droit de dérogation, afin de mieux expliquer aux préfets en quoi consistait ce nouveau droit. Par la suite, il a été nécessaire de revenir en arrière, particulièrement à la suite de la décision du Conseil d'État de 2019, qui a rappelé la frontière entre la forme et le fond. Certains exemples fournis en 2018 se sont trouvés dans une sorte de zone grise en la matière.

Nous devons donc réfléchir à la pertinence de séparer les sujets de procédure et de forme et les sujets de fond. Le pouvoir réglementaire a mis en place un droit de dérogation pour le Directeur général de l'agence régionale de santé. Il se passe de consultation obligatoire de l'échelon central et peut valablement concerner des sujets de fond.

Nous sommes conscients de nos axes d'amélioration. Nous recevons des suggestions qui concernent le rôle même de DMAT.

Nous gérons deux programmes : le programme 354 « administration territoriale de l'État » et le programme 162 « intervention territoriale de l'État ». Nous aidons les préfectures et les sous-préfectures, les secrétariats généraux communs et nous soutenons le fonctionnement des Directions départementales interministérielles et des Directions régionales.

Notre deuxième grand champ de compétence est l'animation des réseaux (secrétaires généraux des préfectures, directeurs de cabinet, sous-préfets d'arrondissements, DDI, SGAR, secrétariats généraux communs).

Nous traitons également le sujet de la performance, en accompagnement du suivi du programme 354. Nous suivons des indicateurs de performance.

Notre quatrième champ de compétence concerne les pouvoirs des préfets. Nous sommes les gardiens vigilants du décret de 2004 sur les pouvoirs du préfet, qui n'évoluent pas sans que nous n'y soyons associés.

Nous avons décidé de confier à la SDAT et au BOMAT la mise en place du guichet « droit de dérogation du préfet ». Néanmoins, nous sommes conscients que nous devons passer d'une logique de gare de triage à une action plus proactive et plus pilotée, y compris pour établir un dialogue avec les directions et les ministères concernés. Lorsque plusieurs dizaines d'arrêtés dérogent sur un sujet précis, nous devons nous interroger sur le besoin d'évolution de la réglementation.

Certaines directions ont anticipé ces évolutions. La Direction générale des collectivités locales réfléchit aux sujets de dotation et de subvention.

Le dispositif et notre rôle ont été très novateurs lors de la phase de l'expérimentation, car la dérogation n'était plus permise par le pouvoir législatif ou par le pouvoir réglementaire.

Nous avons mené une réflexion sur l'extension du domaine du droit de dérogation. Nous avons sollicité les préfets à l'automne 2019, lors de l'étape d'évaluation. Les préfets se sont alors montrés extrêmement prudents et n'ont pas été favorables à une modification du droit de dérogation. Ils ont considéré que le dispositif était encore trop récent et ont déclaré que requestionner le champ du droit de dérogation était prématuré.

Désormais, ils font part de leurs interrogations sur certains champs, et en particulier sur le sujet de l'urbanisme et du transport.

L'organisation des services publics et de la comitologie afférente est un autre sujet de questionnements.

Nous nous trouvons encore aux prémices de ces éventuelles évolutions, mais je pense que vos travaux apporteront des éléments intéressants à nos réflexions.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je m'interroge sur le mode de notation des préfets. Y a-t-il, dans les critères de notation, une incitation à innover en termes de dérogation ?

Mme Michelle Gréaume. - Merci à vous tous pour vos explications. Le pouvoir de dérogation de normes est une application concrète de la différenciation territoriale. Ce dispositif pourrait encourager la prise de décision individuelle, autorisant des projets industriels et d'infrastructures bénéficiant d'un régime administratif à la carte, au détriment des normes nationales protectrices.

Nous craignons donc que le préfet se retrouve dans une situation de conflit d'intérêts. La précision entourant l'utilisation de ce dispositif ne donne-t-elle pas des pouvoirs démesurés aux préfets ? « Déconcentrer » deviendrait-il un synonyme de « différencier », plutôt que d'assurer l'égalité ? La simplification administrative doit-elle réellement être vue comme une fin en soi, sans prendre en compte les conséquences en termes de conflit d'intérêts entre les collectivités qui souhaiteraient attirer des entreprises, et des entreprises qui souhaiteraient être exemptées de garde-fous protecteurs ? La loi et les législateurs n'en ressortent-ils pas affaiblis ?

Au niveau du rescrit préfectoral, et au niveau du constat du faible contrôle de légalité, les moyens de préfecture sont-ils suffisants pour répondre à la demande ?

M. Laurent Burgoa. - J'ai bien compris que des difficultés sont ressenties au niveau de la communication. Je pense que trop d'information tue l'information, et que l'information la plus simple est la meilleure.

Permettez-moi de lire une circulaire du Premier ministre Jean-Marc Ayrault du 2 avril 2013 :

Instruction relative à l'interprétation facilitatrice des normes

À l'exception des normes touchant à la sécurité, il vous est désormais demandé de veiller personnellement à ce que vos services utilisent toutes les marges de manoeuvre autorisées par les textes et en délivrent une interprétation facilitatrice pour simplifier et accélérer la mise en oeuvre des projets publics ou privés.

Nos élus seraient ravis qu'une telle politique soit adoptée.

Mme Karine Delamarche. - Madame la Présidente, je souhaite d'abord répondre à vos interrogations. Nous n'avons pas d'exemples de déféré à la suite d'une prise de position non suivie par l'élu. Il se peut qu'ils ne nous aient pas été remontés.

Au sujet de la base de données au sein de préfectures, le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité et les réseaux permettent de partager les avis. Notre souci principal est lié au fait que la position est prise en fonction de circonstances de droit sur un projet particulier. Il est important de ne pas effectuer une lecture trop rapide d'un avis, car la réponse juridique pourrait ne pas être adaptée.

Nous prenons en compte votre suggestion. Nous devrons réussir à trouver le bon équilibre entre l'information des préfets et la sécurité juridique.

Le contrôle de légalité a fait l'objet d'une priorité nationale au travers du Plan préfectures nouvelle génération (PPNG). Ses moyens ont fondu il y a quelques années ; ils se trouvent désormais dans une situation plus confortable, et nous avons travaillé sur la formation des équipes et sur l'appui aux équipes. Le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité permet de soulager les préfectures et de proposer un interlocuteur de proximité auprès des services de la DGCL. Ce pôle travaille avec tous les services d'administration centrale et dispose d'une chambre sur les dossiers complexes.

Il me semble important de continuer à informer les préfectures. Lorsque nous aurons des éléments tangibles, nous devrons travailler avec les associations nationales d'élus pour promouvoir le dispositif.

M. Jean-Gabriel Delacroy. - En 2019, nous avons procédé à une évaluation du dispositif et nous nous sommes interrogés sur la possibilité d'un usage déraisonné du pouvoir de dérogation, aussi bien numériquement qu'au niveau de sa teneur. Nous avons constaté qu'entre 2018 et 2019, il a été utilisé avec prudence. Nous n'avons pas constaté d'inflation en la matière.

En outre, nous n'avons pas eu connaissance du moindre contentieux pris sur les 400 arrêtés ni sur les autres arrêtés qui ne nous ont pas été transmis. Les éléments dont nous disposons n'indiquent pas de tendance préoccupante en matière juridique.

Les échanges ont été denses en 2017. Différentes formations du Conseil d'État et l'ensemble des chargés d'études juridiques du secrétariat général du gouvernement sont intervenus sur le sujet. Notre objectif principal a été de poser les grands jalons avant de travailler sur des ajustements.

Le responsable de programme 354 se félicite quotidiennement du fait qu'en 2021 et en 2022, le responsable de programme des missions au ministère de l'Intérieur a décidé de faire porter les schémas d'emplois sur d'autres programmes.

Le schéma d'emplois est nul depuis deux ans. Cette stabilité est bienvenue et nous a permis de travailler sur un nouveau référentiel métier des préfectures. Les années précédentes, nous agissions sous forte contrainte de schéma d'emplois : la période n'était pas propice aux questionnements sur l'organisation des grandes missions prioritaires des préfectures.

Nous avons profité de la stabilisation actuelle pour nous y consacrer et nous avons établi un nouveau référentiel, appelé « les missions prioritaires des préfectures 2022 - 2025 ». Nous y retrouvons les enjeux actualisés du contrôle de légalité.

Ce document se veut le contraire du PPNG, qui était très normé, y compris dans l'organisation même des services. Avec ce référentiel, nous plaçons une boîte à outils entre les mains du préfet. Nous lui communiquons nos sujets d'actualité et nos grands chantiers et nous l'invitons à se servir des dispositifs mis à sa disposition. Le préfet reste le mieux à même de vérifier de quelle manière il utilisera les outils à l'échelle de son territoire.

Je me souviens parfaitement de la circulaire dont Monsieur Burgoa a donné lecture ; elle nous a tous fortement marqués. Nous nous sommes aperçus que le droit de dérogation peut être utilisé comme un outil managérial des services déconcentrés. Des préfets ont mobilisé leurs services sur un sujet spécifique et les ont incités à maximiser l'interprétation facilitatrice de la norme. Ils leur ont expliqué qu'ils seraient amenés à faire usage de leur droit de dérogation si les services ne parvenaient pas à trouver une manière de s'en passer.

L'interprétation facilitatrice des normes est donc connue et est parfois utilisée. Cependant, l'exercice est limité. Nous avons constaté que, dans de nombreux cas, le préfet est confronté à un problème de normes.

Mme Agnès Canayer. - Nous sommes très intéressés par votre guide des bonnes pratiques et par votre boîte à outils. Nous avons lancé un questionnaire et nous avons restitué les retours au mois de février 2022. Plus de 1 400 élus et 108 préfets y ont répondu.

Nous notons un plébiscite de la part des élus sur le droit de dérogation. 72 % d'entre eux demandent plus de souplesse et plus d'adaptation des normes. En revanche, les préfets se montrent frileux : seuls 23 % d'entre eux y sont favorables.

Cette frilosité est-elle la preuve que les préfets préfèrent se cacher derrière les normes existantes ?

Nous avons en effet constaté que plus de 60 % des élus ne connaissent pas la technique du rescrit. Seuls 7 % des élus l'ont utilisé. Ils considèrent que le contrôle de légalité est extrêmement contraignant et très aléatoire, notamment depuis le développement de la dématérialisation. Cette incompréhension génère de la défiance, qui est accentuée par le manque de conseils de l'État, malgré le renforcement des contrôles.

Vous nous avez expliqué que le rescrit est justifié dès lors que l'arrêté risque d'être déféré. Or, les élus ne perçoivent pas quels arrêtés seront déférés. Cette situation entrave-t-elle le recours au rescrit ?

M. Charles Guené. - Je ne suis pas inquiet au niveau de la liberté dont jouiront les préfets dans ces deux procédures. En tant que fiscaliste et vieil élu, j'ai eu recours au rescrit et je suis même parvenu à introduire des éléments de nature fiscale, afin que les préfets puissent me répondre. Je conçois cependant que la généralisation nous oblige à mettre en place des bases de données et des référentiels.

La mise en place d'une base de données est-elle temporaire ? Quelles sont les conséquences pour le personnel au niveau central ? Le pôle qui traite des pouvoirs du rescrit et des dérogations est-il informel ? Combien d'agents peut-il comporter ? Considérez-vous que ces évolutions favorisent la recentralisation ?

M. Jean-Gabriel Delacroy. - Nous n'avons pas recruté d'agent pour porter le droit de dérogation. Monsieur Vaik Laborde, ici présent, est chargé de mission pour suivre les sujets « emploi, économie, tourisme, outre-mer, affaires sociales ». Sa palette est donc très large. Lorsque nous participons à des réunions ministérielles, c'est lui qui se connecte au RIM pour vérifier les impacts éventuels sur les préfets et pour nous alerter en cas de besoin.

À cette fiche de poste s'est ajouté le sujet du droit de dérogation.

Nous disposons de correspondants dans les différents ministères, car nous saisissons les administrations. Au ministère de la transition écologique, notre correspondante est la directrice juridique. Elle fait le lien avec ses propres services métiers.

Je n'ai pas eu l'impression que le droit de dérogation a engendré une bureaucratisation, y compris dans les organigrammes.

Vous avez mentionné la frilosité des préfets. La DMAT est en lien direct avec l'ensemble des préfets, et tous ne font pas preuve de frilosité.

Nous avons constaté que les préfets plébiscitent le droit de dérogation, même s'ils n'y ont pas tous recours. Nous avons observé pendant longtemps une frilosité des ministères sur le sujet. Ils ont eu un sentiment de déprise et de perte de contrôle. Ils considéraient que l'administration centrale constitue la source unique de la norme réglementaire et que les préfets doivent être réduits à un rôle d'exécution.

La communication est donc importante pour garantir la simplification. Le plébiscite se traduira dans les actes.

Mme Sonia de La Provôté. - J'identifie un avant et un après-Covid-19 sur ces questions. Il est désormais nécessaire de réagir en urgence. Par ailleurs, l'évolution des projets est de plus en plus difficile, car de nombreuses règles et normes se sont imposées. Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) apportera encore plus de complexité à l'aménagement du territoire.

Les solutions qui apporteront plus d'efficience et d'agilité sur la question du rescrit préfectoral et du pouvoir dérogatoire du préfet détermineront la capacité à rétablir la confiance entre l'État central et l'État déconcentré.

Certains acteurs ne comprennent pas les consignes et sentent qu'ils ne disposent pas de la liberté nécessaire. Les élus locaux font souvent preuve d'agacement et se sentent démotivés.

Il est urgent de régler ces questions pour que ces deux outils deviennent opérationnels.

Pendant la pandémie, la dérogation était plus ou moins déclarée dans l'organisation de l'État et dans sa relation avec les collectivités sur le terrain. Cette nouvelle organisation a permis de faire aboutir plusieurs sujets pendant les moments les plus difficiles.

Sur le sujet de l'urbanisme et de l'aménagement, l'interprétation facilitatrice de la norme garantira la réalisation de projets de plus en plus complexes et soumis à de nombreuses contraintes. Portez-vous un regard particulier sur ce sujet ?

M. Jean-Gabriel Delacroy. - Nous avons toujours conçu la DMAT comme la direction des préfectures. Nous appelons de notre voeu une plus grande latitude pour l'échelon préfectoral.

Nous sommes une direction d'animation de réseau, et non une direction de métier ; même si nous savons qu'un chantier de réflexion devra être lancé pour le second acte du droit de dérogation.

Nous aurons cependant besoin de la participation des ministères métiers concernés. Le moment venu, nous interrogerons les préfets et les réseaux. Nourris d'exemples concrets du terrain, nous solliciterons nos interlocuteurs.

Nous souhaitons donc travailler sur ces sujets pour proposer un élargissement du recours au droit de dérogation du préfet.

Mme Karine Delamarche. - Nous avons reçu quelques demandes de rescrit en matière d'aménagement et d'urbanisme. C'est un outil que nous pouvons promouvoir, car les sujets sont complexes et le rescrit peut être un des outils pour faciliter l'intervention des collectivités.

Le contrôle de légalité porte sur l'ensemble des actes obligatoirement transmissibles. Les préfets ont trois priorités nationales définies dans les circulaires : la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale. Cependant, les préfets arrêtent leurs priorités locales. Il est donc normal qu'elles diffèrent d'un département à l'autre.

En outre, le contrôle de légalité est adapté aux enjeux des actes.

M. Rémy Pointereau, vice-président. - Nous constatons un véritable problème de communication et d'information vis-à-vis des élus, qu'ils soient maires ou présidents de communautés de communes, de départements ou de régions. Je remarque également une frilosité des préfets pour aborder le sujet avec les élus. J'ai souvent essayé d'en parler avec les préfets devant les associations des maires. En général, les préfets restent muets. Ils craignent peut-être de recevoir une grande quantité de demandes de dérogations. Nous devrions adopter une démarche plus offensive.

Mieux noter les préfets qui ont souvent recours aux dérogations et aux rescrits permettrait sans doute de recevoir plus de retours de leur part. Vous pourriez ainsi procéder à des analyses plus fines.

Pouvons-nous mieux informer les maires ? Quel est votre rôle à ce niveau ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je souhaite indiquer que Rémy Pointereau et moi avons cosigné un courrier. Nous y avons rappelé que le Gouvernement s'est engagé dans une action permettant aux préfets d'être facilitateurs, de manière régulière et constante, et d'avoir recours au pouvoir réglementaire dans les conditions prévues par la loi. Ce courrier date du 25 novembre 2020, et nous n'avons pas obtenu de réponse. Peut-être s'est-il perdu par mégarde ? Nous le renverrons à Madame Borne en deux exemplaires.

Je vous remercie de cet échange. Il est extrêmement utile et relève du coeur de notre métier, qui est de s'assurer de l'efficacité de l'action publique.

Nous exerçons une filature exigeante et bienveillante. Il est très important que nous soyons informés des retours pour garantir le contrôle et l'efficacité de nos actions.

Vous avez déclaré que vous êtes prêts à travailler avec les associations. Hier, le Président du Sénat a rappelé que nous devons travailler en intelligence et en amont. Les rédacteurs de décrets d'application doivent également apporter leur aide.

Mme Karine Delamarche. - Monsieur le sénateur, nous avons entendu votre demande de démarche plus offensive. Nous transmettrons le message sur la notation des préfets, car ce n'est pas de notre ressort.

Je confirme que nous devons mieux communiquer. Nous travaillons actuellement avec l'ensemble des associations d'élus sur la mise en oeuvre d'une réforme. Nous proposons également des formations aux AMF locales.

Nous souhaitons organiser des webinaires avec les préfectures pour sensibiliser les services du contrôle de légalité. Ils doivent également être force de proposition.

La séance est close à 10 heures 50.