Mercredi 14 décembre 2022

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi portant sur les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Le projet de loi portant sur les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 devrait être présenté en conseil des ministres la semaine prochaine. Il sera examiné en séance publique la semaine du 23 janvier prochain - c'est le Sénat qui l'examinera en premier.

Je vous propose que notre commission se saisisse pour avis de ce texte.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi portant sur les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Claude Kern rapporteur pour avis.

Désignation, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, d'un membre appelé à siéger au sein du conseil d'évaluation de l'école

M. Laurent Lafon, président. - Il nous appartient, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, de procéder à la désignation d'un représentant du Sénat au sein du Conseil d'évaluation de l'école. Pour respecter l'équilibre entre les groupes politiques, il convient que le poste vacant revienne au groupe Union Centriste.

La commission désigne M. Jean Hingray pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du conseil d'évaluation de l'école.

Projets d'avenants aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 de France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) - Examen du rapport

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le Gouvernement adopte des contrats d'objectifs et de moyens (COM) d'une durée de trois à cinq ans afin de définir les priorités qu'il fixe aux cinq entreprises de l'audiovisuel public, France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

TV5 Monde possède son propre document de programmation stratégique. Arte France possède bien un COM, mais ce dernier est subordonné au contrat de groupe du groupement européen d'intérêt économique (GEIE) d'Arte, ce qui réduit les marges de manoeuvre de son COM.

Les COM arrivant prochainement à échéance ont été adoptés au mois de janvier 2021. Pour respecter la loi, le Gouvernement a décidé d'intégrer l'année 2020 de manière rétroactive, ce qui est pour le moins contestable. À l'exception de celui d'Arte France, notre commission avait donné un avis défavorable à ces COM, au motif que ceux-ci ne prévoyaient aucune stratégie claire et qu'ils se limitaient à prolonger la mise en oeuvre des initiatives déjà engagées.

Dans ces conditions, quel bilan tirer des COM 2020-2022 ? Soyons objectifs : les résultats obtenus sont encourageants si on les compare à la situation qui prévalait voilà encore quelques années, quand ces entreprises évoluaient « en silo » et n'hésitaient pas à se concurrencer. Mais ces résultats demeurent néanmoins très en deçà de ce que permettraient une gouvernance commune et une véritable stratégie partagée. Le bilan est donc nuancé.

Alors que des travaux avaient été engagés dès le printemps 2022 pour établir de nouveaux COM pluriannuels, le Gouvernement a finalement fait le choix, cet été, de prolonger d'un an les COM 2020-2022, en actualisant les objectifs, au moment même où il décidait de supprimer la contribution à l'audiovisuel public (CAP) pour la remplacer par une solution provisoire assise sur une fraction de TVA jusqu'à la fin de l'année 2024.

Cette réticence à opérer des choix clairs pour l'avenir de l'audiovisuel public peut être perçue comme le prolongement de l'indécision qui a caractérisé le précédent quinquennat en la matière. Elle peut aussi être considérée comme une occasion de mener à bien les réflexions indispensables à la définition d'une réforme d'envergure, que le régulateur et la majorité des dirigeants de l'audiovisuel public appellent de leurs voeux.

Alors que les contrats d'objectifs et de moyens ont été conçus comme des instruments de pilotage des entreprises de l'audiovisuel public, ils constituent, en réalité, aujourd'hui, une somme d'indicateurs quantitatifs sans véritable portée qualitative. Ils donnent l'illusion que l'actionnaire joue encore un rôle dans la définition de la stratégie de ces entreprises.

Les COM 2020-2022 apparaissent décevants en comparaison de l'ambition portée par la holding publique, prévue par le projet de loi défendu par Franck Riester, alors ministre, au Parlement au printemps 2020. Toutefois, il serait injuste de mésestimer le travail réalisé au cours des trois dernières années par chacune des entreprises publiques. Je souhaite ainsi saluer les résultats obtenus en ce qui concerne tant l'évolution et le développement des programmes que la mise en oeuvre de la transformation de chacune des entreprises.

Il convient en effet de souligner la qualité de l'information et des programmes sur le service public. Il en va de même pour les développements numériques de franceinfo, France 24 et Radio France internationale (RFI). Je salue le caractère particulièrement innovant des programmes de Radio France à destination des jeunes enfants, tout comme la politique d'accueil au sein de la Maison de la radio et de la musique.

Certes, je déplore les retards dans le déploiement des matinales communes à France 3 et France Bleu, mais on ne peut ignorer les difficultés qu'il y avait à engager un tel projet ni l'atout que constitue un tel rapprochement pour l'avenir.

Pour RFI, le développement des langues africaines constitue également une évolution positive, compte tenu notamment des enjeux géopolitiques du continent africain. La réactivité de France Médias Monde depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, grâce à la création d'une rédaction ukrainienne à Bucarest, mérite également d'être mentionnée.

Sur le plan des moyens, les plans de départs engagés dans plusieurs entreprises de l'audiovisuel public avec le soutien de l'État ont démontré que l'organisation sociale pouvait évoluer pour s'adapter aux défis du numérique et aux exigences budgétaires.

Au cours des trois dernières années, les personnels de l'audiovisuel public ont su faire preuve d'engagement pour innover et évoluer, de réactivité pour répondre aux nouveaux défis et de responsabilité pour ajuster les méthodes de travail et accroître la productivité.

Si les mutualisations menées sur la base du volontariat ont eu pour mérite de faire avancer certains projets, la contrepartie de cette méthode des « petits pas » a été de maintenir des hiérarchies distinctes, des visions différentes et, parfois, des priorités incompatibles.

Il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin les raisons des résultats décevants de la chaîne franceinfo, les difficultés à déployer les matinales communes entre France 3 et France Bleu selon le calendrier initial, les réticences à créer une filiale commune dédiée à la formation, l'absence de véritables coopérations entre France Télévisions et Arte France, avec des stratégies éditoriales et numériques antinomiques et des offres éducatives concurrentes.

Finalement, les difficultés rencontrées illustrent aussi les limites de la méthode adoptée. Or, comme l'a très bien indiqué Delphine Ernotte Cunci lors de la table ronde organisée le 7 décembre dernier, le statu quo n'est pas soutenable à long terme, car l'audiovisuel public a besoin d'unir ses forces et ses talents pour relever le défi du numérique. Non seulement la dispersion actuelle des structures limite la capacité de chacun à agir, mais cette inefficacité justifie aussi les interrogations qui reviennent régulièrement sur l'intérêt de consacrer des moyens importants au secteur.

Les projets de regroupement des entreprises de l'audiovisuel public, défendus par la commission de la culture du Sénat depuis 2015, ont parfois été considérés avec circonspection. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : les coopérations menées depuis plusieurs années ont mis en évidence les valeurs communes qui unissaient ces entreprises et la nécessité de regrouper les forces pour résister aux plateformes numériques américaines. En juillet 2022, la présidente de France Télévisions a exprimé son soutien au projet de fusion des quatre entreprises nationales de l'audiovisuel public défendu dans le rapport que j'ai réalisé avec notre collègue Roger Karoutchi de la commission des finances le 8 juin dernier. Pour sa part, la présidente de Radio France a considéré, le 7 décembre dernier, qu'une holding présentait l'avantage de mieux associer les équipes chargées des projets dans chaque entreprise.

Le rôle des COM n'est pas d'arbitrer entre différents types de structures : il revient au législateur de faire ce choix. Mais je remarque avec plaisir que les esprits évoluent et que la nécessité de regrouper ces entreprises fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus.

Les avenants maintiennent la plupart des objectifs qui prévalaient en matière d'audience, de financement de la création et de responsabilité sociale, même lorsque les performances obtenues en 2021 ou en 2022 dépassaient déjà les cibles fixées.

Quelques mises à jour ont néanmoins été effectuées : les objectifs d'audience numérique de France Médias Monde ont été actualisés, de même que ceux de l'audience numérique d'Arte, avec 10 % de hausse en 2023 et 8 % de hausse en 2024 - cela illustre la solidité de la stratégie numérique de la chaîne franco-allemande. Les indicateurs relatifs à la formation professionnelle de l'INA ont également été actualisés à la hausse pour 2023, ce qui témoigne du dynamisme de ce pôle d'excellence dédié aux métiers de l'audiovisuel public.

Curieusement, certains indicateurs ont été maintenus, alors qu'ils n'ont pas été atteints et qu'ils ne le seront sans doute pas non plus en 2023. L'indicateur de la couverture hebdomadaire de franceinfo a ainsi baissé en 2021 par rapport à l'année 2020. Entre 2020 et 2021, on observe également une baisse de 6 points de la couverture hebdomadaire du public jeune sur France Télévisions, alors même que la chaîne France 4 a été maintenue, grâce à l'action du Sénat.

Concernant la gestion des entreprises de l'audiovisuel public, j'observe que la cible de l'indicateur de masse salariale de France Télévisions augmente, en 2023, de plus de 43,6 millions d'euros par rapport à 2022, tandis que l'indicateur relatif à la masse salariale de Radio France progresse, pour sa part, de 16 millions d'euros. Certes, cette hausse est compréhensible dans le contexte inflationniste que nous connaissons. On peut toutefois s'inquiéter, comme l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), du risque que la hausse des charges soit compensée par la hausse des revenus publicitaires, ainsi qu'en témoigne la forte augmentation des indicateurs de ressources propres de France Télévisions et Radio France.

La définition des moyens de l'audiovisuel public pour les cinq années à venir est une question qui n'est pas encore tranchée aujourd'hui. Faute de mieux, les entreprises sont invitées à maximiser leurs recettes de publicité, au risque d'affaiblir leur spécificité.

Or les questions relatives aux objectifs, aux moyens et à la gouvernance de l'audiovisuel public sont, en réalité, inséparables. Face au flou entretenu par le Gouvernement et compte tenu de l'ancienneté de nos réflexions sur ce sujet, j'ai estimé utile de présenter les dix propositions que nous aurions pu adopter pour rehausser l'ambition de ces COM.

J'en viens à la question des moyens. Comme je l'ai déjà indiqué lors du récent débat budgétaire, le mode de financement de l'audiovisuel public qui prévaudra après 2025 doit être précisé dans les COM 2024-2028, ce qui implique de le définir dès 2023, en respectant des exigences de transparence, de pérennité et de prévisibilité. Telle est ma première proposition.

Le débat sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public a davantage porté, ces derniers mois, sur la nature de la ressource que sur son niveau. Si les moyens des entreprises de l'audiovisuel public ont été globalement préservés en 2023 compte tenu de l'inflation et des incidences fiscales de la suppression de la CAP, aucune précision n'a été donnée par le Gouvernement sur la future trajectoire budgétaire 2024-2028.

Alors que les moyens de l'audiovisuel public ont baissé de 190 millions d'euros de 2018 à 2022, j'estime que la priorité devrait être donnée, au cours des cinq années à venir, au regroupement des entreprises publiques plutôt qu'à la poursuite de la baisse des moyens. Tel est le sens de ma deuxième proposition : je suggère - de manière inédite, me semble-t-il - de stabiliser la trajectoire budgétaire dans les COM 2024-2028 tout en prévoyant que l'État actionnaire pourra contribuer au financement de projets spécifiques afin de poursuivre la transformation des entreprises de l'audiovisuel public.

De plus, la suppression de la CAP a fait prendre conscience des difficultés propres à France Médias Monde. Dans un univers concurrentiel et conflictuel, il est devenu essentiel, pour ce média, de pouvoir revendiquer l'indépendance de sa gouvernance, de ses rédactions et de son financement. Or sa présidente nous a fait part des difficultés qu'elle rencontrait depuis la suppression de la CAP pour maintenir son statut de média « non gouvernemental ».

Je propose que, dès 2024, le financement de France Médias Monde repose non plus sur une fraction de TVA, mais sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), créée en vue de compenser la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions. Le produit de la TOCE devrait atteindre 260 millions d'euros en 2023 : cette somme est proche du montant de la subvention allouée à France Médias Monde en 2023, soit 284 millions d'euros. Je propose donc d'attribuer complètement le produit de la TOCE à France Médias Monde à compter de l'année 2024 et d'ajuster le tarif de cette taxe pour porter son produit à 300 millions d'euros. Telle est ma troisième proposition.

Par ailleurs, je propose que le prochain COM prévoie de mettre à contribution le programme 209, « Solidarité avec les pays en développement », à hauteur de 20 millions d'euros durant cinq ans pour permettre à France Médias Monde de développer dans la durée ses projets en Afrique et à l'Est de l'Europe.

Alors que les coopérations entre France 3 et France Bleu étaient très limitées voilà encore cinq ans, des progrès importants ont favorisé la multiplication de projets communs, tels que le développement des matinales communes, le lancement de l'offre numérique d'information commune Ici et la couverture d'événements sportifs et culturels locaux. Ces coopérations demeurent néanmoins perfectibles tant en ce qui concerne le rythme de déploiement des matinales communes - les objectifs fixés en 2022 n'ont pas été atteints - que pour le site d'infirmation Ici, qui s'apparente encore trop à une déclinaison locale de franceinfo.

Il ressort de plusieurs échanges avec des responsables de France Télévisions et Radio France que de nouveaux progrès dans le rapprochement entre France 3 et France Bleu sont aujourd'hui conditionnés à l'établissement d'un pilotage unique des deux entités. Je souhaite donc que les COM 2024-2028 fixent comme objectif le regroupement de France 3 et France Bleu dans une filiale commune d'ici l'année 2028. Tel est le sens de ma quatrième proposition. Compte tenu du nombre des personnels concernés, ce projet majeur pour l'audiovisuel public suppose d'inverser complètement le modèle de France 3, qui demeure encore aujourd'hui une chaîne nationale avec des décrochages locaux. Une mission de préfiguration pourrait être utile afin d'examiner les conditions d'un tel rapprochement.

Plus de six ans après le lancement de l'offre d'information franceinfo, les résultats obtenus restent inégaux. Si la plateforme numérique et l'antenne radio obtiennent de bons résultats, la chaîne de télévision peine encore à s'imposer face aux autres offres. Le succès récent de LCI démontre que le positionnement de la chaîne à la fin de la numérotation de la télévision numérique terrestre (TNT) ne saurait suffire à expliquer des audiences aussi modestes, qui tiennent sans doute aussi à la nature de l'offre éditoriale.

Toutefois, je suis toujours persuadé que la création d'un bloc thématique consacré à l'information renforcerait la liberté de choix des téléspectateurs et rétablirait l'équité entre les éditeurs de programmes. L'article 8 de la loi du 25 octobre 2021 rend possible la création de tels blocs par l'Arcom. Je propose que l'État engage une réflexion avec le régulateur sur la faisabilité d'un ajustement limité de la numérotation de la TNT afin d'intégrer l'objectif d'une meilleure visibilité de franceinfo dans les COM 2024-2028. Tel est l'objet de ma cinquième proposition.

Le sport constitue un programme fédérateur et populaire, dont la présence sur les antennes du service public représente un enjeu d'importance à une époque où les prix des droits de diffusion les rendent de plus en plus inaccessibles aux chaînes linéaires gratuites.

Dans ces conditions, je propose de sanctuariser dans les COM 2024-2028 et les budgets de France Télévisions et Radio France un montant de crédits consacrés au sport - de l'ordre de 200 millions d'euros pour France Télévisions -, sur le modèle des objectifs fixés en matière de création audiovisuelle. Tel est le sens de ma sixième proposition. Il m'apparaît également souhaitable de veiller à ce que le nouveau décret relatif aux événements sportifs d'importance majeure devant faire l'objet d'une diffusion en clair, en cours de préparation, marque non pas un recul par rapport au dispositif actuel, mais, au contraire, un progrès, afin d'accroître la présence du sport sur les chaînes en clair.

Dans son projet préparé à l'occasion du renouvellement de son mandat à la tête de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci avait proposé la création d'une plateforme de l'audiovisuel public dénommée « France Médias+ », qui regrouperait l'ensemble des contenus des sociétés de l'audiovisuel public. Une telle plateforme commune densifierait les contenus accessibles sur un support commun et renforcerait l'accessibilité des oeuvres aujourd'hui disséminées - donc insuffisamment identifiées. A contrario, la création d'une plateforme unique suppose la définition d'une ligne éditoriale commune et une certaine homogénéité entre les programmes proposés. Or ce n'est pas le cas, par exemple, des contenus diffusés par France Télévisions et de ceux que propose Arte.

Les rapprochements de supports doivent être opérés de manière progressive. C'est pourquoi il pourrait être utile que France Télévisions et l'INA développent une offre commune en s'appuyant sur la plateforme madelen, qui compte 45 000 abonnés en 2022, et sur l'expérience de Culture Prime et de Lumni. Tel est le sens de ma septième proposition.

Salto perd aujourd'hui 80 millions d'euros par an et ne sera jamais rentable dans sa forme actuelle selon l'un de ses actionnaires. En 2021, son coût pour France Télévisions représente 27,8 millions d'euros, contre 26,8 millions d'euros en 2022. La commission des finances du Sénat évoquait le chiffre de 10,9 millions d'euros pour l'année 2020.

Alors que France Télévisions dépense, chaque année, des sommes importantes dans cette plateforme, sans résultats probants, Arte a, dans le même temps, créé une plateforme gratuite de grande qualité, qui compte déjà plusieurs centaines d'heures de programmes et une très forte audience, notamment auprès de la jeunesse. La chaîne franco-allemande souhaite diffuser sa plateforme en six langues dans toute l'Europe, mais il lui manque la capacité à financer 4 000 heures de programmes supplémentaires. La direction d'Arte évalue à une trentaine de millions d'euros le coût de lancement de cette plateforme européenne.

France Télévisions étant actionnaire à hauteur de 45 % d'Arte France, je souhaite donner un nouveau sens à cette relation : dans le futur COM 2024-2028, je suggère que France Télévisions consacre, chaque année, 25 millions d'euros de son budget - soit le montant consacré ces dernières années à Salto - à coproduire des programmes avec Arte France destinés à être diffusés en première exclusivité sur la nouvelle plateforme. Telle est ma huitième proposition. Ces programmes répondant aux exigences éditoriales d'Arte concourront au rayonnement de la création audiovisuelle française en Europe et à la diversification de l'offre de France Télévisions. Je rappelle que les coproductions entre Arte Deutschland, l'ARD et la ZDF constituent une modalité habituelle de fonctionnement outre-Rhin.

Alors que les avantages du DAB+ sont reconnus, notamment la qualité d'écoute et la plus grande possibilité d'accès aux fréquences, la double diffusion en FM et DAB+ constitue une source importante de coûts pour les acteurs de la radio, au premier rang desquels Radio France. Il apparaît donc essentiel de définir une stratégie publique pour accélérer la transition de la FM au DAB+. Cette stratégie fixerait une date d'extinction de la FM et prévoirait un plan d'accompagnement des publics les plus fragiles.

Le groupe Radio France, du fait de la qualité de son offre et de la fidélité de ses auditeurs, a un rôle à jouer pour accélérer la transition vers le DAB+. Le prochain COM 2024-2028 doit ainsi prévoir des objectifs précis d'audience en DAB+ et de conversion des auditeurs à la nouvelle technologie numérique. Afin d'accélérer le rythme de la transition et de maîtriser le coût de la double diffusion, je propose que, à l'issue du prochain COM, en 2028, trois antennes de Radio France - Mouv', France Culture et France Musique - soient exclusivement diffusées en DAB+. Tel est l'objet de ma neuvième proposition. Le montant des économies ainsi réalisées sur les coûts de diffusion en FM pourrait être intégralement conservé par Radio France afin de poursuivre la transformation de l'entreprise.

Le COM 2020-2022 de l'INA prévoyait de faire de la mutualisation de la formation initiale et continue des sociétés de l'audiovisuel public un chantier prioritaire des coopérations. Le projet a rencontré des difficultés, mais le dialogue a abouti à un projet de statuts de filiale commune devant encore faire l'objet d'un arbitrage final.

La mise en place de cette filiale commune dédiée à la formation doit constituer un objectif prioritaire des avenants aux COM et figurer expressément dans l'avenant au COM de l'INA, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Tel est le sens de ma dixième proposition.

Ces dix propositions auraient pu figurer dans des COM de cinq ans que nous aurions pu adopter dès aujourd'hui. Les avenants aux COM 2020-2022 sont évidemment très éloignés de cette ambition, puisqu'ils ne disent rien de la future trajectoire budgétaire ni des priorités stratégiques qu'entend fixer l'actionnaire.

Par cohérence avec les avis défavorables rendus il y a deux ans sur les projets de COM initiaux et compte tenu des interrogations que nous avons pour l'avenir, je propose un avis défavorable à l'adoption de ces cinq avenants.

Au-delà de notre déception, ces avis défavorables constituent également une invitation pour le Gouvernement à mettre à profit ce délai supplémentaire pour concevoir une feuille de route ambitieuse, exigeante et innovante, qui reposerait sur trois piliers : un financement pérenne, stable et identifié ; une réforme législative instaurant une gouvernance commune justifiant l'arrêt de la baisse des moyens ; et des COM 2024-2028 qui pourraient s'inspirer des dix propositions que je viens de vous présenter.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je salue le travail de fond de notre rapporteur. Monsieur Hugonet, notre groupe souscrit à vos positions et nous prenons note des dix propositions que vous avez formulées - un peu rapidement, peut-être !

L'une d'entre elles porte sur le budget : vous proposez de mettre un terme à la baisse des crédits et de stabiliser la trajectoire budgétaire. Quelles sont les raisons vous ayant conduit à cette conclusion ? Les entreprises conservent-elles des marges de manoeuvre ?

M. David Assouline. - C'est désolant : nos discussions portent sur des avenants que personne n'a lus. Je trouve cette façon de faire regrettable : le rapporteur aurait dû nous les transmettre.

M. Laurent Lafon, président. - Les avenants figurent sur l'application Demeter depuis deux semaines, et l'ordre du jour de la convocation indiquait que nous en discuterions !

M. David Assouline. - Monsieur le président, vous n'êtes pas en cause. Cependant, pour avoir interrogé des collègues à ce sujet, j'ai l'impression que personne n'a lu ces avenants. Or comment discuter de ce problème sans en avoir pris connaissance ?

Sur le fond, je ne suis pas d'accord avec l'évidence martelée par le rapporteur : il n'existe pas de consensus sur la nécessité de créer une holding.

Nous venons d'auditionner l'ensemble des acteurs : la holding n'est pas l'alpha et l'oméga en la matière, même si nous pouvons ambitionner d'y travailler. L'une des propositions du rapporteur consiste à progresser sur ce sujet, en vue de faire des économies, plutôt que baisser les moyens de l'audiovisuel public. Les présidents des chaînes récusent cette vision : la nouvelle étape de la mutualisation ne doit pas se traduire par une nouvelle baisse d'effectifs et de moyens.

Depuis un certain temps, les avancées sont significatives en matière de travail en commun. Les acteurs estiment qu'il est impossible de faire de nouvelles économies : l'audiovisuel public est à l'os. Le Sénat devrait défendre un projet de transformation et de bonification de l'ensemble. Sinon, le personnel ne sera plus motivé. Radio France et France Télévisions ont connu des bouleversements majeurs. Malgré cela, les résultats sont au rendez-vous, de façon inespérée.

J'en viens au sport. Je remercie le rapporteur d'avoir évoqué mon travail sur les événements majeurs et la sanctuarisation du sport à la télévision : c'est là l'une des missions essentielles de l'audiovisuel public. Or celle-ci est menacée : protégeons les chaînes des plateformes, qui font monter les enchères. Si les sommes nécessaires sont trop importantes, le citoyen, qui est aussi un contribuable, exprimera son désaccord. Sanctuariser les moyens financiers est une première étape, mais il convient également d'adopter une vue d'ensemble en faveur du maintien des événements en clair sur l'audiovisuel public.

Nous devons clarifier notre rôle sur les COM. On ne peut plus parler d'indépendance quand il existe une tutelle. Monsieur le rapporteur, il ne nous revient pas de définir où doit être placé l'argent : ce n'est pas notre rôle. Les parlementaires ne dirigent pas l'audiovisuel public : ce sont non pas des services publics, mais des entreprises publiques. La Constitution évoque les médias de manière spécifique : chérissons leur indépendance, leur liberté et leur pluralisme.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce rapport sur les avenants aux COM s'inscrit dans un contexte particulier. Il témoigne de l'absence de vision de l'exécutif en faveur de l'audiovisuel public. Avoir recours à un avenant plutôt qu'à un COM au début d'une mandature témoigne de l'incertitude pesant sur la ressource à l'avenir.

Notre rapporteur, lui, se projette dans l'avenir et établit des propositions. Je souscris à ses avis défavorables sur les avenants : une grande confusion règne.

Je retiens le traitement particulier apporté à l'audiovisuel extérieur, dont l'utilité n'est plus à démontrer dans le contexte international actuel. La présidente de France Médias Monde nous alerte sur ses difficultés depuis des années. L'idée de l'affectation de la TOCE à ce secteur me semble astucieuse. Nous avions déploré la suspension de l'affectation de cette taxe à l'audiovisuel public. En 2009, sa création visait à compenser la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques. Or Bercy est toujours aux aguets pour capter une partie de la taxe : j'étais ulcérée par cette décision. Les financements publics étant incertains, la tentation de recourir à la publicité sera grande pour l'audiovisuel public.

Quid d'Arte ? Les questions adressées à France Médias Monde, considéré par certains comme un média d'État au vu de son mode de financement, pourraient aussi s'appliquer à la chaîne franco-allemande.

Salto a toujours été un projet bancal, faute d'un nombre suffisant de participants. Je n'ai cessé de m'opposer à ce montage compliqué. L'accès à Salto suppose un abonnement, à rebours du principe d'accessibilité au service public. Nous avions déjà proposé la création de France Médias+ : je souscris à la position du rapporteur. Dans d'autres pays voisins, cette pratique existe depuis longtemps.

Étendre le DAB+ et mettre fin à la bande FM est une bonne idée, mais cela suppose un plan d'accompagnement.

Notre commission doit rester attentive à l'avenir des entreprises de l'audiovisuel public.

Mme Céline Brulin. - Nous souscrivons aux avis défavorables du rapporteur, même si ce n'est pas toujours pour les mêmes raisons.

La suppression de la CAP implique de définir une vision stratégique pour notre audiovisuel public, avant de se pencher sur son mode de financement ou de créer une holding, projet que vous défendez avec détermination, monsieur le rapporteur. Or une vision stratégique est indispensable. Ces avenants s'inscrivent dans un contexte de grande instabilité : plans massifs d'économies, flou total sur le financement après 2025... Remettons les choses dans l'ordre et prévoyons des moyens suffisants afin que l'audiovisuel public puisse continuer à effectuer un travail sérieux.

Mme Monique de Marco. - Nous sommes favorables aux avis défavorables défendus par le rapporteur. Je rejoins les propos de mes collègues : depuis la fin de la CAP, nous sommes dans le flou artistique, comme en témoigne la prolongation d'un an de ces COM. L'exécutif n'a pas de vision.

Débattons de ces dix propositions intéressantes. Je soutiens certaines d'entre elles. Salto est un échec : la nouvelle plateforme pourrait être une bonne idée, de même que les suggestions concernant l'INA. Prenons le temps nécessaire pour échanger afin de sortir de l'impasse de la situation actuelle. L'avenir n'est pas serein.

Mme Sylvie Robert. - Je souscris aux propos de Monique de Marco. Sur la méthode, il eût été intéressant de discuter collectivement de ces propositions, présentées très rapidement par M. Hugonet. Je rejoins mes collègues : nous sommes d'accord sur les avis défavorables, pour des raisons toutefois différentes de celles du rapporteur.

Sur le fond, monsieur le rapporteur, quid du rapprochement entre France 3 et France Bleu ? Lors des auditions, nous avons constaté que les rapprochements se passaient bien dans certaines régions, comme en Bretagne, et moins bien dans d'autres. J'estime qu'il est plus pertinent de travailler en partant des territoires. Adaptons-nous territorialement aux spécificités des deux acteurs. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu est-il pertinent en Île-de-France ? Si j'ai bien compris votre intervention, le rapprochement serait conditionné à une fusion : est-ce bien le cas ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Monsieur Assouline, comme l'a indiqué le président Lafon, les éléments sont accessibles à tous. Rassurez-vous : le document contient peu d'éléments et manque de cohérence. C'est d'ailleurs bien le problème : je ne pouvais pas me résoudre à donner un avis défavorable de manière expéditive, car le Sénat a toujours été en avance sur cette question et nos propositions sont écoutées.

Tel est le parti que nous avons adopté : certes, le document contient peu d'informations, ce qui justifie notre avis défavorable, mais profitons de cette occasion pour rappeler que l'audiovisuel public est à la croisée des chemins. Nos propositions ne sortent pas de notre chapeau. Le Sénat défend depuis longtemps l'idée d'affecter des ressources pérennes à France Médias Monde, qui fournit un travail de grande qualité pour un coût modeste. Ainsi, nos valeurs sont défendues à l'étranger : cela est très utile dans le contexte international actuel.

Madame Borchio Fontimp, l'État a fait des efforts financiers depuis quatre ans. Certes, la trajectoire de financement est en baisse, avec une diminution de 190 millions d'euros, mais elle a été respectée. De plus, l'État a financé de manière importante les travaux de la Maison de la radio et de la musique.

Malgré cette trajectoire, la qualité s'est accrue et les audiences sont au rendez-vous : ces efforts étaient donc nécessaires. Nous arrivons toutefois aux limites de l'exercice. La masse financière allouée est proche de la réalité des besoins.

J'ai, en effet, parlé du projet de holding à plusieurs reprises : le rapport d'information que j'ai réalisé avec Roger Karoutchi préconise la fusion. La holding figurait dans le projet de loi préparé par Franck Riester. Le Sénat défend le principe d'un regroupement depuis 2015. Delphine Ernotte Cunci est favorable à une fusion. Sibyle Veil défend l'idée d'une structure agile.

Mme Sylvie Robert. - Sibyle Veil est contre la fusion !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Certes, mais elle est favorable à la création d'une structure agile, ce qui revient à accepter l'idée de la holding. Laurent Vallet, président de l'INA, y est favorable, de même que Roch-Olivier Maistre, président de l'Arcom.

Il est nécessaire de redéfinir le périmètre et les missions de l'audiovisuel public. Nous voulons un financement pérenne : aujourd'hui, nous sommes parvenus à un niveau moyen, qui empêche les entreprises de l'audiovisuel public de faire des miracles. Le regroupement est un gage d'économies, qui pourront être redéployées pour répondre à un besoin criant : le numérique.

Le rôle de l'État est moins d'être une tutelle que d'être un actionnaire. Nous formulons ces propositions pour encourager l'État actionnaire à bouger. Or tout indique, aujourd'hui, que ce n'est pas le cas : on reconduit un avenant et on manque de visibilité, même si la ministre a annoncé avoir engagé des consultations.

J'ai la faiblesse de croire que ce qui est dit au Sénat et au sein de cette commission est écouté.

Madame Morin-Desailly, le manque d'anticipation est criant. Cet avenant aux COM en est la preuve par quatre.

N'oublions jamais que, si la question du financement est toujours un peu compliquée pour Arte, cette chaîne a également un contrat quadriennal avec le groupement, c'est-à-dire avec nos amis allemands.

Céline Brulin a insisté sur le projet de regroupement que je défends. Le rapport Leleux-Gattolin de 2015 faisait déjà la proposition de création d'une holding au nom de notre commission, de même que le ministre Franck Riester. Je ne fais donc que défendre l'héritage du travail que nous avons réalisé ici.

Je remercie Monique de Marco d'avoir compris que notre avis défavorable vise également à mettre en avant les propositions que nous portons. De fait, notre commission mène une réflexion de fond sur le sujet, au travers notamment des tables rondes qu'elle a pu organiser. Tout le monde aura l'occasion d'exprimer ses convictions. J'espère que nous parviendrons ensuite à des consensus et à des solutions communes.

Je suis bien certain que nous en trouverons sur l'audiovisuel, sur lequel il existe des gisements. Nous ne serons pas d'accord sur tout - c'est, du reste, plutôt heureux -, mais nous serons beaucoup plus productifs que d'autres.

Madame Robert, les propositions que je formule visent à faire avancer les choses. Elles sont tout à fait crédibles, réalistes et applicables.

Notre commission va continuer à débattre de l'audiovisuel public en général, comme elle le fait depuis des années. Tout le monde pourra s'exprimer sur le sujet ; il n'y a pas de crainte à avoir sur ce plan.

En 2018, nous sommes allés visiter France 3 Aquitaine à Bordeaux. Lors de ce déplacement, extrêmement intéressant, l'une des principales difficultés qui nous ont été remontées est que, bien souvent, la radio est en coeur de ville, quand la télévision France 3 se situe à l'extérieur, notamment pour des raisons liées aux bâtiments, au stockage de matériel ou pour des considérations immobilières. Dans ces conditions, regrouper des personnels, travailler ensemble ne sont pas choses faciles. On ne résout pas cette difficulté en claquant des doigts. Je propose, monsieur le président, que nous nous déplacions dans une autre région pour l'observer.

Madame Robert, ce n'est pas la fusion qui résoudra le problème. C'est une filiale commune entre France 3 et France Bleu. Cette filiale commune, les directions l'appellent de leurs voeux. De fait, comment procéder à des rapprochements s'il n'y a pas, a minima, une filiale commune ? Je ne nie pas l'existence d'une certaine volonté, mais les conditions pour que cela avance plus vite ne sont réunies ni techniquement ni juridiquement. C'est ce que j'appelle la « politique des petits pas ».

Mme Monique de Marco. - Ce qui a été évoqué est un besoin de pilotage unique... ce qui laisse penser qu'il s'agit d'une fusion !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Un commandant de bord peut être assisté d'un copilote, mais il faut une unité. Cette unité se construit. Sans filiale commune, les choses n'avancent pas.

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, je vous propose de définir la position de la commission sur chacun des avenants aux contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public.

Notre rapporteur nous propose d'abord de donner un avis défavorable sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions.

La commission émet un avis défavorable sur cet avenant.

M. Laurent Lafon, président. - Notre rapporteur nous propose de donner un avis défavorable sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de Radio France.

La commission émet un avis défavorable sur cet avenant.

M. Laurent Lafon, président. - Notre rapporteur nous propose de donner un avis défavorable sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Médias Monde.

La commission émet un avis défavorable sur cet avenant.

M. Laurent Lafon, président. - Notre rapporteur nous propose de donner un avis défavorable sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel.

La commission émet un avis défavorable sur cet avenant.

M. Laurent Lafon, président. - Notre rapporteur nous propose enfin de donner un avis défavorable sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens d'Arte France.

La commission émet un avis défavorable sur cet avenant.

La commission autorise, en conséquence, l'adoption du rapport sur les projets d'avenants aux contrats d'objectifs et de moyens (COM) 2020-2022 de France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et de l'Institut national de l'audiovisuel.

La réunion est close à 10 h 35.